Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 10:20

Jim Hall & Joey Baron (a)Dimanche 18 avril

Une salle aux balcons clairsemés pour Jim Hall à Pleyel. On attendait davantage de monde après le report au 3 mai du concert de Bobby McFerrin au Châtelet, conséquence du nuage de cendres volcaniques traversant nos cieux azuréens. Le manque d’avions en vol empêchant la venue de Marc Ribot et de Chad Taylor son batteur, c’est un trio constitué à la hâte qui monta sur scène. Pianiste facétieux et fantasque, Anthony Coleman fait partie des musiciens qui travaillent avec John Zorn, un saxophoniste touche-à-tout dont l’œuvre aussi variée que prétentieuse n’a rien pour me plaire. Longtemps absent de la scène du jazz au point qu’on le crut décédé dans les années 80, Henry Grimes officiait comme prévu à la contrebasse et (hélas) au violon, Joey Baron tenant courageusement la batterie. Car malgré leur technique assurée, les trois hommes ne parvinrent presque jamais à s’entendre, à construire ensemble une musique cohérente. Coleman plaquait notes et accords dissonants au gré de sa fantaisie, se levant parfois pour placer des chiffons dans la table d’harmonie et en scotcher les cordes métalliques, préparant un piano pour une musique non préparée. Le pianiste qui avait donné le 14 avril dernier à la Dynamo de Banlieues Bleues un concert hommage à Jelly Roll Morton adoptait un langage libertaire au sein duquel de vagues ostinato mélodiques se voyaient bousculés par des vagues de clusters et de notes éclatées, par un flux sonore heurté plein de brisures paradoxales. Piano et batterie tentèrent parfois d’installer des cadences, de rythmer leur discours anarchique. Plongé dans sa propre musique, ne se préoccupant nullement de ses partenaires et sourd à leurs tentatives d’interaction, Henry Grimes faisait grincer sauvagement son violon, l’ajoutant à une cacophonie quasi-générale saluée par de maigres applaudissements.

Jim Hall

C’est avec soulagement que fut accueilli l’entracte. Jean-Paul furibard voulait en découdre avec ces « apôtres d’une déconstruction appartenant à l’âge de pierre ». J’eus bien du mal à le calmer. Comme nous tous, il est là pour Jim Hall, l’une des plus grandes guitares de l’histoire du jazz, l’une des plus singulières. Voûté, l’homme se déplace péniblement avec une canne et se hissa difficilement sur un haut tabouret. Sa musique intimiste n’est pas faite pour une salle comme Pleyel. En outre, Jim monte à peine le volume de son amplificateur, obligeant ses musiciens à jouer doucement pour ne pas couvrir sa guitare. Scott Colley à la contrebasse et Joey Baron à nouveau derrière sa batterie furent exemplaires de musicalité. Visiblement heureux d’accompagner le guitariste, ce dernier pu enfin faire entendre la finesse de son jeu, l’adaptant à la grande sensibilité d’un musicien pour musiciens dont la moindre note pèse son poids de Jim Hall & Joey Baron (b)beauté. Diminué par l’âge, mais ne s’accordant aucune erreur, le guitariste s’économise pour mieux aller à l’essentiel. Il conserve intacte sa sonorité délicate, presque acoustique, sa capacité à jouer des phrases élégantes aux harmonies miraculeuses. Papy et le Psy se plaignaient de son jeu minimaliste à la sortie du concert. C’est oublier que Jim Hall a toujours fait entendre une guitare d’une grande discrétion. Son jeu épuré aux notes aussi rares qu’importantes est à l’opposé de toute exhibition. A Pleyel, il fallait tendre l’oreille pour en goûter pleinement l’exquise fraîcheur. A 79 ans, Jim Hall préfère les improvisations concises et laisse beaucoup jouer les membres de son trio, les laissant élaborer la musique avec lui. Contrebasse et batterie tissent des rythmes légers autour d’une guitare qui égrène délicatement les accords de All The Things You Are, fait sonner merveilleusement ses harmoniques pendant le solo de contrebasse que prend Colley dans Beija-Flor, révèle son immense tendresse dans All Across the City, une ballade qui est aussi le nom de l’un de ses albums. Yeux clos pour mieux savourer la musique, Jean-Paul, content, dodelinait de la tête.

Photos © Pierre de Chocqueuse    

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
<br /> Moi aussi j'étais retenu à Berlin par le nuage... jusqu'au jeudi! Mais j'avais vu Jim à Marciac l'an dernier. Quel type !<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> Cher Mario, relisez d'urgence B. Vian !<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Merci blogueur de Choc pour votre analyse du trublion Zorn. Ses bruits avariés n'intéressent certainement pas les amateurs de jazz. Il suffit d'avoir assisté une fois à un chahut de cet individu<br /> pour s'en convaincre. La discothèque de votre correspondant Stéphane doit être à mourir d'ennui et de rire.<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> Je n'y comprends goutte !!!!<br /> <br /> <br />
Répondre
S
<br /> Prétentieuse la musique de John Zorn ? Dans quel sens ?<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Dans le sens du vent bien sûr. Je plains les possesseurs de ses disques. Lorsqu'un bon saxophoniste s'égare...<br /> <br /> <br /> <br />