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16 juin 2011 4 16 /06 /juin /2011 00:00

Richie-Beirach--cover-2.jpgNé à New York, Richie Beirach réside à Leipzig, mais aime le Japon, sa culture raffinée, l’extrême politesse de ses habitants. Il s’y est souvent rendu (vingt-six visites depuis les années 70) et affectionne Tokyo, lieu de rencontre du passé et du futur dont il livre ses impressions intimes sous la forme d’Haïkus, courts poèmes visant à cerner l’évanescence des choses par l’ellipse et l’allusion. La musique, le plus immatériel de tous les arts, relève du domaine du sensible, de l’émotion qui déforme et trahit la mémoire. Infidèle, celle de Beirach embellit et transcende ses visions pianistiques. Le regard affectueux qu’il porte sur le Japon est celui d’un improvisateur imprégné de musique classique européenne. Il passa des années à l’étudier avant de découvrir le jazz, accompagner Stan Getz, Chet Baker et devenir le pianiste du groupe Quest. Il possède suffisamment de métier pour éviter les rapsodies jazzistiques dont raffolent les habitants du pays du soleil levant. Le Japon lui inspire des mélodies magnifiques qu'il s'amuse parfois à faire danser, mais aussi de courtes pièces abstraites comme si à travers l’épure, il cherchait à saisir l’essence de ce pays qu’il admire. Ses phrases ne sont jamais chargées de notes inutiles, et si ses doigts courent sur le clavier dans Bullet Train, c’est pour nous transmettre l’impression de vitesse du Shinkansen, le TGV nippon. Dans Cherry Blossom Time dont il égraine les accords cotonneux, les cordes métalliques de la table d’harmonie du piano répondent aux arpèges qu’il fait pleuvoir comme les étincelles d’un feu de Bengale. Ses visions peuvent être de pures sensations musicales. Comment approcher autrement que par l’abstraction le kabuki, la forme épique du théâtre japonais traditionnel ? Comment traduire autrement que par des clusters martelés dans les graves du clavier la tragédie qui frappa récemment la ville de Sendaï ? Richie Beirach introduit son album par une pièce très brève (trente-sept secondes) censée décrire les néons qui, la nuit, éclairent Tokyo comme en plein jour. Il les réduit à quelques notes diaphanes, à la lumière blanche que le prisme n’a pas encore dispersé en spectre coloré. Les couleurs, le pianiste les réserve aux mélodies exquises qu’il invente et qui traduisent l’aspect romantique et lyrique de sa musique. Butterfly s’envole, porté par les ailes fines et légères du lépidoptère. Dédiée à Toru Takemitsu, le plus grand compositeur « classique » japonais du XXe siècle, Takemitsu San traduit la science harmonique du pianiste qui éblouit dans une pièce grave et poignante. Lament for Hiroshima and Nagasaki met les larmes aux yeux, mais Shibumi reste pour moi le joyau de ce disque inoubliable. Bénéficiant d’harmonies raffinées, sa simplicité, sa tranquillité émouvante me touchent profondément.   

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