MARDI 31 mai
Troisième anniversaire du label Sans Bruit au Sunside. Ses musiques sont uniquement disponibles sur le site www.sansbruit.fr en téléchargement (MP3 320 ou FLAC qualité CD). On y trouve notamment “After Noir”, un recueil de compositions et d’improvisations de Stéphan Oliva, le pendant de son “Film Noir” produit par Philippe Ghielmetti sur le label Illusions, un album en vente chez Paris Jazz Corner, les bonnes FNAC de la capitale et sur www.illusionsmusic.fr
Le pianiste débuta la soirée en solo, transposant très librement sur son clavier des extraits des deux disques, y ajoutant “Vertigo” disponible au sein de “Lives of Bernard Herrmann” autre album d’Oliva édité par Sans Bruit. Ecrit par John Lewis et propice à des variations autour du blues, un des thèmes de “Odds Against Tomorrow” ouvrit ce récital largement improvisé. La main gauche assure d’emblée un ostinato pesant, la droite décline d’angoissants accords en noir et blanc. Dans son film “Force of Evil”, le metteur en scène Abraham Polonsky dénonce une société entièrement corrompue. Reprenant sa musique, Stéphan Oliva en restitue le malaise, rend la peur palpable par des basses abyssales. La pédale forte en prolonge les effets. Des notes graves et obsédantes accompagnent la fuite de Sterling Hayden dans “The Asphalt Jungle”. Composé par Dimitri Tiomkin, le thème d’“Angel Face” envoûte comme un parfum capiteux. Jean Simmons le joue à Robert Mitchum pour le séduire et le manipuler. Stéphan poursuivit son exploration du noir avec “Touch of Evil” et une improvisation autour de “The Night of the Hunter” dont la dramaturgie se greffe sur la ritournelle que chantent les enfants poursuivis. Ces séquences particulièrement sombres donnent un relief saisissant à la mélodie exquise de ”The Killer’s Kiss”. Au cours d’une séquence improvisée, le pianiste nous a fait voir la mer, ses vagues que Madame Muir contemple de sa fenêtre en rêvant au retour du Capitaine Gregg. Bernard Herrmann en a écrit la partition. Celle du portrait de Robert Ryan appartient entièrement à Stéphan Oliva qui pose son propre regard sur l’acteur, convoque les émotions qu’il a ressenties en le voyant interpréter des rôles de salaud (“Crossfire” d’Edward Dmytryk),de policier aigri et violent (“On Dangerous Ground” de Nicholas Ray). A un piano crépusculaire et tourmenté dont les notes se bousculent et tournent autour du blues succède le thème délicat et tendre de “The Long Goodbye”. La danse macabre que lui inspire les films noirs d’Akira Kurosawa s’estompe devant la grâce et la beauté de Gene Tierney. Joué en rappel, son portrait lumineux jaillit des nuages comme un arc-en-ciel resplendissant.
Jusqu’au 31 juillet, la Cinémathèque française programme des films noirs rares et méconnus. On consultera le programme sur : www.cinematheque.fr
Bruno Angelini (piano), Mauro Gargano (contrebasse) et Fabrice Moreau (batterie) achevèrent avec bonheur une soirée qui ne pouvait avoir mieux commencé. Sans Bruit propose sur son site le premier album de ce trio dont la musique fait appel à une large palette de couleurs. “So, Now ?...” contient pour moitié des standards, une musique ouverte et souvent modale que les trois hommes interprétèrent. Bruno Angelini aime l’improvisation pure et sans filet. L’étude de la musique classique lui a donné le sens des nuances, des harmonies séduisantes qu’il apprécie libres et flottantes. La contrebasse chantante de Mauro Gargano assure des rythmes souples et fournit un contrepoint mélodique au piano avec lequel il dialogue. Souvent aux balais, Fabrice Moreau apporte les couleurs sonores, fait bruisser ses cymbales, caresse ses tambours et met en perspective les timbres de sa batterie. Le groupe proposa une relecture inventive de Nefertiti de Wayne Shorter, Some Echoes de Steve Swallow, The Two Lonely People de Bill Evans (Bruno Angelini enseigne à la Bill Evans Academy depuis 1996). Il joua aussi ses propres compositions, des thèmes de Bruno (Adrian danse, Caroline), Mauro (Prélude, Before 1903), et Fabrice, ce dernier reprenant Vert, un thème que l’on trouve dans le dernier disque de Jean-Philippe Viret, un trio dont Fabrice Moreau est bien sûr le batteur.
PHOTOS © Pierre de Chocqueuse, sauf celle extraite du film “The Asphalt Jungle” de John Huston dont la magnifique photographie est de Harold Rosson.