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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 09:15

DukeDeux disques consacrés à Duke Ellington paraissent le même jour (27 février) et soulèvent l’enthousiasme. Benoît Delbecq réinvente sa musique tout en l’intégrant à son propre univers. Le Duke Orchestra la restitue fidèlement et nous invite à découvrir de passionnants inédits, des pièces incomplètes que son chef, Laurent Mignard, a patiemment reconstituées.

 

Benoît DELBECQ : “Crescendo in Duke (Nato / L'autre distribution) 

B. Delbecq - Crescendo in Duke, coverRien ne laissait supposer que Benoît Delbecq consacrerait un disque entier aux compositions de Duke Ellington. Au cours de sa carrière, le pianiste n’a quasiment interprété que les siennes. Everything Happens to Me et Smile sont les seuls standards de sa discographie et c’est en tant que sideman qu’il les joue. Ce projet est donc inattendu. Tout comme l’est sa musique, car on peine à croire que l’on écoute son nouvel opus tant sa première plage, une version explosive et funky de Bateau, est proche du rhythm’n’blues. Comme trois autres morceaux de l’album, elle a été enregistrée à Minneapolis avec les Hornheads, souffleurs du NPG (New Power Generation) de Prince et une section rythmique. Les autres titres ont été enregistrés au studio de Meudon, avec trois saxophonistes appartenant à trois générations de musiciens : Antonin-Tri Hoang (né en 1989), Tony Malaby (né en 1964) et Tony Coe (né en 1934). Ce dernier fit deux disques avec Paul Gonsalves, le Duke’s man qui mit debout le festival de Newport en 1956 avec son interprétation de Diminuendo and Crescendo in Blue que Benoît reprend ici. Réunissant deux fidèles compagnons d’aventure du pianiste, Jean-Jacques Avenel à la contrebasse et Steve Argüelles à la batterie et aux effets électroniques, la section rythmique encadre des solistes qui travaillent sur une musique ouverte et lui apportent de nouvelles couleurs. Dans une interview récemment accordée à Stéphane Ollivier et publiée dans le numéro de février de Jazz Magazine / Jazzman, Benoît confie qu’ayant relevé toutes les parties orchestrales de ces quinze morceaux, il ne les a pas réorchestrés de manière rigide afin de permettre à ses musiciens d’y déposer leurs idées. Ses souffleurs utilisent plusieurs instruments : saxophone soprano et clarinette pour Coe ; soprano et ténor pour Malaby ; alto et clarinette basse pour Hoang. Leurs timbres se mêlent avec élégance, notamment dans Portrait of Mahalia Jackson (un extrait de la New Orleans Suite). Benoît Delbecq réserve The Spring et Fontainebleau Forest à son seul piano. Son jeu semble avoir assimilé celui, raffiné, d’Ellington qu’il décrit comme « un monde de danse, de chavirements et d’orfèvrerie sonore », l’instrument, préparé dans Portrait of Wellman Braud, lui conférant un aspect jungle et africain. On goûtera ses chorus dans Acht O’Clock Rock, dans Tina qu’il reprend en trio. Il se glisse avec sa musique dans celle du Duke et la réinvente sans la trahir.

 

Laurent Mignard DUKE ORCHESTRA : Ellington French Touch  

(Juste une Trace / Sony Music)

Duke Orchestra - Ellington French Touch, coverLaurent Mignard prend son temps pour soigner et faire revivre la musique de Duke Ellington. Le précédent disque de son Duke Orchestra date de 2009. C’est peu pour une formation mise sur pied il y a bientôt dix ans. Chaque concert lui offre la possibilité d’en corriger les imprécisions, d’en affiner la mise en place. Son orchestre de quinze musiciens montre sa vraie valeur sur scène, face à un public qui en apprécie le swing et les couleurs. Ce nouvel album a donc été enregistré live, à l’Auditorium Henri Dutilleux de Clamart. Il rend parfaitement justice à ce big band que nous envie l’Amérique et qui, loin d’être un simple orchestre de répertoire, propose des œuvres inédites. A partir des partitions originales qu’il relève, son chef complète et parachève des pièces inachevées. Consacré aux créations françaises du Duke, cet “Ellington French Touch” en contient un certain nombre, à commencer par trois pièces manquantes de la Goutelas Suite composées en 1971. L’une d’elles, Goof, met particulièrement en valeur le piano ellingtonien de Philippe Milanta. D’autres inédits proviennent du film “Paris Blues”. Ellington en composa la musique au début des années 60. Comme l’explique en détail Claude Carrière dans les notes passionnantes du livret, le générique qu’en donne Laurent combine celui du disque à celui du film. Le thème est également décliné un ton plus haut et habillé de nouvelles couleurs dans Paris Blues - Alternate Bed dont la partition a été retrouvée dans  les archives de la Smithsonian Institution de Washington. Ce nouveau disque renferme aussi l’intégralité de la musique qu’Ellington et Billy Strayhorn son alter ego composèrent pour “Turcaret” à la demande de Jean Vilar qui dirigeait alors le TNP. Retranscrite à partir d’une bande magnétique passablement abîmée, cette musique de scène apparaît pour la première fois sur disque. Duke Ellington aimait la France et appréciait le public parisien qui plébiscitait ses concerts. Un de ses albums s’intitule d’ailleurs “A Midnight in Paris”. C’est aussi une composition de Strayhorn reprise ici, « quatre minutes de dialogue entre le piano et un orchestre chatoyant » commente Claude Carrière. Le Duke connaissait aussi les chansons populaires que chantaient Edith Piaf, Yves Montand, Henri Salvador, Maurice Chevalier. Il en enregistra quelques-unes : Sous le ciel de Paris, Non je ne regrette rien, Clopin-clopant. Le Duke Orchestra les reprend ainsi que The Good Life dont Sacha Distel fit un tube dans les années 60. Une belle vie que nous promet l’écoute de cet album, un grand plein de bonheur.  

  

Le Duke Orchestra donnera un concert au Palace (8, rue du Faubourg Montmartre 75009 Paris), le 12 mars prochain à 20h30.

 

Duke Ellington © X/D.R.       

 

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