Juillet : le-va et-vient des vacances. L’amateur de jazz risque de croiser cet été sur sa route un nombre impressionnant de festivals et ne sera pas dépaysé. Il y en a pour tous les goûts, toutes les chapelles, des bleus et des moins bleus sous un ciel qu’on espère bleu. Comme toujours, Jean-Paul peste contre un système qui médiatise trop de musiciens médiocres. Si les festivals programment les vedettes qu’un public peu averti lui réclame, les têtes d’affiche sont loin d'être toutes inintéressantes. Chick Corea, Herbie Hancock, Sonny Rollins, Keith Jarrett, Wayne Shorter, Ahmad Jamal sont aujourd’hui les grands aînés d’un jazz qui, bon gré mal gré, se renouvelle dans la diversité. Jean-Paul reste beaucoup trop élitiste, même s’il n’a pas tout à fait tort. Il compte assister à la « Battle Royal » qui dans le cadre de Jazz à Vienne opposera le Duke Orchestra de Laurent Mignart au Michel Pastre Big Band, recréant ainsi la rencontre Duke Ellington / Count Basie qu’immortalise l’album “First Time !”. Jean-Paul s’est aussi trouvé un festival en Ariège qui lui convient : Jazz à Foix, au pied des Pyrénées. Outre la présence de René Urtreger et d’André Villéger, les programmateurs ont la très bonne idée d’inviter le groupe du pianiste Roger Kellaway. Cela se passe entre le 25 et le 31 juillet. Kellaway joue aussi au Sunside. J'y serai avec Jean-Paul pour applaudir sa musique.
Hormis une escapade qui me mènera à Vienne écouter Sonny Rollins (le 11), la formation de John Scofield avec Mulgrew Miller et le « Tribute to Miles » réunissant Herbie Hancock, Wayne Shorter et Marcus Miller (le 12), concerts dont vous recevrez des nouvelles, ce mois de juillet me verra parisien. Le Paris Jazz Festival poursuit au Parc Floral ses concerts du week-end. Ceux de Youn Sun Nah (le 17), du Harold Lopez Nussa Trio (le 24) et la programmation du 31 - Jean-Philippe Viret Quartette à Cordes et « Mozart la Nuit » d’Antoine Hervé - méritent le déplacement. Mais le meilleur festival de jazz de l’hexagone reste toutefois celui qui se déroule toute l’année rue des Lombards, au Duc, au Sunset et au Sunside. Les stars d’hier, d’aujourd’hui, de demain s’y produisent tous les soirs. Ceci est mon dernier édito avant la rentrée de septembre. Comme chaque été, ce blog sommeillera au mois d’août. Merci de suivre le blogueur de Choc.
QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT
-Enrico Pieranunzi au Sunside, les 2, 3 et 4 juillet. En trio le premier soir avec Darryl Hall à la contrebasse et Enzo Zirilli à la batterie, le maestro donnera un concert en solo le lendemain dimanche. Les amateurs de piano ne manqueront pas cet exercice dans lequel excelle le pianiste romain. “Parisian Portraits” et “Wandering” comptent parmi les grands opus d’une discographie qu'il élargit aujourd'hui au domaine classique. Après un album entièrement consacré à Domenico Scarlatti, Enrico intègre Bach et Haendel au répertoire de son nouveau disque, chaque pièce de ces compositeurs nés tous les trois en 1685 se voyant précédée ou suivie d’une improvisation. Le 4, c’est en quintette qu’il nous jouera du latin jazz, genre sur lequel il se penche dans “Live in Birdland” publié l’an dernier. Avec lui le saxophoniste Rosario Giuliani et le trompettiste Diego Urcola rejoindront pour l’occasion Darryl Hall et André Ceccarelli, section rythmique dont le maestro aime à s’entourer.
-Gretchen Parlato au Duc des Lombards les 4, 5 et 6. Avec elle, Taylor Eigsti, pianiste que l’on a récemment pu entendre au Sunside, Alan Hampton à la contrebasse et à la guitare, et Mark Guiliana à la batterie. Chanteuse à la voix suave, un peu traînante, Gretchen possède des vocalises bien à elle, une manière personnelle d’articuler ses textes, d’en étaler les mots. Elle a écrit les paroles et les musiques de plusieurs morceaux de “The Lost and Found”, nouveau disque aux arrangements soignés dans lequel elle reprend Henya d’Ambrose Akinmusire, Juju de Wayne Shorter, et le mythique Holding Back the Years de Simply Red.
-Quarante ans après la sortie de “Bitches Brew”, l’un des disques de Miles Davis le plus commenté, l’un des jalons du jazz fusion dont il demeure l’un des principaux manifestes, le trompettiste Wallace Roney en fait revivre la musique sous le nom de Bitches Brew Beyond. Attendu au New Morning le 5 et le 6, le groupe comprend Bennie Maupin à la clarinette basse et au saxophone alto (il joue sur l’album original), Antoine Roney au saxophone soprano et au ténor, Robert Irving au piano, Doug Carn à l’orgue Hammond, Buster Williams à la contrebasse et Al Foster à la batterie. Wallace Roney assurera bien sûr les parties de trompette.
-Return to Forever à l’Olympia le 9. Fondé par Chick Corea en 1971, le groupe enregistra quelques-uns des meilleurs disques de l’histoire du jazz rock. Dissout en 1977, reformé pour quelques concerts en 1983, puis en 2009 pour une tournée acoustique dont le double CD “Forever” publié cette année en propose les meilleurs moments, la formation accueille pour une tournée estivale Jean-Luc Ponty. Nul doute que le violon virtuose de ce dernier ne s’intègre parfaitement à la musique, lui apporte des couleurs chatoyantes. Stanley Clarke à la contrebasse et Lenny White à la batterie assurent avec Corea au piano la pérennité du groupe qui a vu passer dans ses rangs des guitaristes éminents. Membre de l’Elektric Band de Corea lors de sa création en 1985, Franck Gambale tient aujourd’hui l’instrument.
-Kenny Werner en solo au Sunside le 11. Le pianiste aime improviser avec son instrument, en faire un confident. Ses choix harmoniques traduisent ses pensées intimes, une sensibilité s’exprimant par ses choix harmoniques, son goût pour les couleurs, les mélodies rêveuses. Face aux épreuves parfois terribles qu’il a traversé (la perte de sa fille), ses musiques, des hymnes à la vie, mettent du baume au coeur. Kenny Werner reste un incorrigible romantique. D’une grande élégance, “New York Love Songs” (Out Note Records), son plus récent album solo, une évocation poétique et sensible de New York, déborde de tendresse.
-Fly au Duc des Lombards du 11 au 13. On attend de ce trio un nouveau disque. Leur précédent et unique album date de 2009. Mark Turner (saxophone ténor), Larry Grenadier (contrebasse) et Jeff Ballard (batterie) parviennent à rendre parfaitement lisibles leurs compositions complexes et abstraites qui empiètent sur de nouveaux territoires sonores. Leur discours sensible et intimiste ressemble à une conversation amicale. Trois instruments s’assemblent, mêlent leurs timbres et fascinent par leur capacité à discourir ad libitum sans jamais lasser. Du grand art.
-On ne présente plus Keith Jarrett, l’un des plus grands pianistes de la planète jazz, un artiste qui tire de son robuste instrument des harmonies inouïes. A la tête du même trio depuis trente ans (Gary Peacock à la contrebasse et Jack DeJohnette à la batterie), Jarrett parcourt le monde y donne des concerts au cours desquels il n’a cesse de relire des standards, leurs mélodies s’accordant à un piano qu’il parvient à faire chanter comme nul autre. Il investit la Salle Pleyel le 12 avec ses complices habituels.
-Herbie Hancock, Wayne Shorter et Marcus Miller à l’Olympia le 18 pour un « Tribute to Miles ». A la basse électrique et à la clarinette basse (il joue de nombreux instruments) , Miller assure la direction musicale d’un groupe que renforce le trompettiste Sean Jones et le batteur Sean Reickman, le fils du guitariste Phil Upchurch. On ne sait trop quelle en sera la musique. Miller annonce toutefois une large sélection d’œuvres composées entre les années 50 et 80 avec probablement des séquences acoustiques et électriques, Miles ayant souvent changé de direction musicale.
-Tom Harrell et son quintette au Sunside les 18 et 19. Le trompettiste s’entoure des mêmes musiciens depuis cinq ans. Une fine équipe avec laquelle il a enregistré quatre albums sur HighNote. Il joue souvent du bugle, instrument qui donne une sonorité plus ronde à ses compositions. Influencée par Horace Silver et Phil Woods, sa musique trempe dans un bop moderne qui ne se refuse pas une instrumentation électrique. Dans "The Time of the Sun," son nouveau disque, le Fender Rhodes de Danny Grissett donne une sonorité inédite à la formation. Wayne Escoffery au saxophone ténor, Ugonna Okegwo à la contrebasse et Jonathan Blake à la batterie la complètent, entourant un trompettiste qui se plaît à sculpter délicatement ses notes et phrase avec une rare souplesse.
-Dan Tepfer en trio au Sunside les 20 et 21 avec Joe Martin à la contrebasse et Ferenc Nemeth à la batterie. Jouant un jazz très ouvert, parfois proche de l’abstraction, le pianiste improvise de longues pièces truffées de dissonances, d’harmonies inattendues, change fréquemment de rythmes et fait ruisseler ses notes avec force et passion. Il tire aussi un maximum de dynamique de son instrument et le fait puissamment sonner. Les tempos souples et relâchés des frères Moutin conviennent parfaitement à sa musique. Avec eux, Dan peut architecturer l’impossible, bousculer les tempos trop rigides et inventer librement. Outre ses propres compositions, I Remember April, Giant Steps, Body and Soul figurent au programme de ses concerts avec aussi Le plat pays de Jacques Brel qu’il interprète magnifiquement.
-Charles Lloyd aux arènes de Montmartre le 21 en ouverture de la 7ème édition du festival « Les Arènes du Jazz ». Accompagné de son quartette habituel, le saxophoniste joue avec plus de cœur que jamais. Il peine à trouver sa sonorité en début de concert, ne souffle pas toujours des notes très justes, mais exprime mieux que hier son chant intérieur, une musique qui lui ressemble, apaisé, spirituelle et mystique. Assujetties aux mélodies, ses notes flottent dans l’espace comme si de grandes ailes les portaient vers le ciel. Discret au piano, Jason Moran guette les bons moments pour jouer les siennes, ajouter des couleurs harmoniques à la musique. Reuben Rogers à la contrebasse et Eric Harland à la batterie assurent un subtil contrepoint rythmique aux vagabondages poétiques de ce grand du saxophone.
-Pianiste méconnu, Roger Kellaway revendique son attachement à ses illustres prédécesseurs – Art Tatum, Oscar Peterson, Bud Powell pour ne citer qu’eux. Accompagnateur de Mark Murphy et de Lenna Horne dans les années 60, membre du quintette codirigé par Bob Brookmeyer et Clark Terry, Kellaway est aussi un habile arrangeur compositeur. Auteur de musiques pour le New York City Ballet, d’un concerto pour piano et orchestre, de nombreuses partitions de musique de chambre, il a écrit vingt-six musiques de film dont celle de “A Star Is Born”. Prix du Jazz Classique 2007 de l’Académie du Jazz pour son album “Heroes”, Roger Kellaway ne s’est pas produit sur une scène française depuis sa participation à la Grande Parade du Jazz à Nice en 1986. Le Sunside l’accueille les 28 et 29 au sein d’un quartette comprenant Dmitry Baevsky au saxophone alto, Jesper Lundgaard à la contrebasse et Alex Riel à la batterie.
-Jazz à Foix : www.jazzfoix.com
-Jazz Vienne : www.jazzavienne.com
-Paris Jazz Festival : www.parisjazzfestival.fr
-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com
-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com
-New Morning : www.newmorning.com
-Olympia : www.olympiahall.com
-Salle Pleyel : www.sallepleyel.fr
-Les Arènes du Jazz : www.paris-ateliers.org
PHOTOS : Enrico Pieranunzi, Kenny Werner, Dan Tepfer, Roger Kellaway © Pierre de Chocqueuse - Gretchen Parlato © Jeaneen Lund - Fly © Robert Lewis / ECM Records - Keith Jarrett Trio © Rose Anne Colavito / Ecm Records - Charles Lloyd © Dorothy Darr / ECM Records - Wallace Roney, Tom Harrell © Photos X / DR.