Manquer le concert que doit donner jeudi prochain 22 février au Sunside le trio du pianiste belge Michel Bisceglia serait une GROSSE erreur.
Aussi impardonnable que d’ignorer Enrico Pieranunzi ou Fred Hersch lorsqu’ils se produisent dans la capitale. J’ai le souvenir douloureux d’un Sunside au trois quart vide pour ce dernier il y a quelques années, une prestation éblouissante en solo que je me souviens avoir partagé, les larmes aux yeux, avec mon fidèle ami Jean-Louis Wiart. Le pianiste joua ce soir là avec l’émotion et l’intensité d’un concert d’adieu et nous offrit une version admirable de The Peacocks, un thème de Jimmy Rowles dont on retrouve certains éléments mélodiques dans Augmented Tree, une composition de Bisceglia. “Singularity”, un de ses disques en trio enregistré en 2013, la renferme. J’avoue ne pas tous les connaître, mais celui là est vraiment magnifique.
Né en 1970, Michel Bisceglia a constitué son trio en 1997 et enregistré avec lui six albums. Werner Lauscher (contrebasse) et Marc Léhan (batterie) qui seront avec lui au Sunside servent avec bonheur sa musique. Plus proche de Bill Evans que de Bud Powell, il fait délicatement vivre ses notes, leur donne de l’air pour les rendre légères, et ses harmonies subtilement colorées me vont droit au cœur. Il a également composé des musiques pour plusieurs films, notamment celle de “Blue Bird” (du réalisateur Gust Van den Berghe) réalisé avec les membres de son trio. Dans “About Stories” (1997), il invite Randy Brecker et Bob Mintzer à jouer sa musique. Le pianiste a aussi enregistré plusieurs albums avec le D.J. Buscemi. Celui qu’ils consacrent au cinéaste Dziga Vertov, “Vertov, l’uomo con la macchina da presa” ne peut laisser indifférent. Pour fêter les 20 ans de son trio, Prova Records, le label qui abrite la plupart de ses disques, sort “20 Years Recordings”, un disque qui rassemble quelques-uns de ses meilleurs morceaux.
Des concerts, Michel Bisceglia en donne très peu dans l’hexagone. Quelques chanceux ont pu l’entendre en 2015 au « Festival Août of Jazz » de Capbreton. S’il se produit dans les festivals de jazz de notre vaste monde – aux Etats-Unis, en Corée du Sud, en Chine, en Grande-Bretagne –, il ne joue jamais à Paris, pourtant proche de la Belgique où il réside. Vous me direz que le 22 février, il y a d’autres concerts en ville et donnés par de bons musiciens. C’est vrai, mais cette opportunité de découvrir le pianiste sur une scène parisienne risque de ne pas se reproduire de sitôt. A moins de vous rendre nombreux à son concert, d’y amener épouses et ami(e)s, et même vos voisins de palier et vos collègues de bureau s’ils aiment la bonne musique. N’hésitez pas, venez nombreux, venez bisser Bisceglia !
-Concert à 21h00. Pour vous encourager à sortir de chez vous et à braver cette nuit d’hiver (des vêtements chauds sont recommandés), le Sunside vous offre une réduction de 4 euros sur le site internet du Sunsidewww.sunset-sunside.comen tapant le code 16MB22 au moment de votre réservation (offre valable jusqu’à 18h00 le soir même du concert).
En 1965, le 27 mars précisément, le guitariste donnait à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, un mémorable concert que la défunte ORTF (Office de Radio Télévision Française), grâce à André Francis, eut la bonne idée d’enregistrer. Sa musique, les nombreux admirateurs de Wes qui n’avaient pu s’y rendre la connaissaient depuis longtemps par diverses éditions pirates d’une médiocre qualité sonore. De même que le “Larry Young in Paris – The ORTF Recording”, édité en 2016 par Resonance, le producteur américain Zev Feldman en acquit les droits auprès de l’INA où les bandes originales avaient été déposées. Nettoyées, remasterisées en haute-définition, ces dernières voient enfin le jour dans une édition légale et officielle.
En 1965, Wes Montgomery qui décédera trois ans plus tard n’a encore jamais foulé le sol français. Sa peur de l’avion l’a souvent empêché de voyager. C’est au cours de sa seule tournée européenne que ce disque fut enregistré. C’est même l’unique concert parisien du guitariste qui n’avait guère quitté Indianapolis, sa ville natale, avant d’y être découvert. Deux ans de tournées au sein du grand orchestre de Lionel Hampton à la fin des années 40 ne l’avaient guère mis en vedette. De retour à Indianapolis, il travaillait comme ouvrier dans une usine de postes de radio. La nuit il jouait de la guitare dans les clubs de la ville pour un maigre cachet. C’est dans l’un d’entre eux, le Missile Room, que Julian Cannonball Adderley l’entendit. Enthousiasmé, le saxophoniste le recommanda au producteur Orrin Keepnews qui, un mois plus tard, lui fit enregistrer “New Concepts in Jazz Guitar” son premier disque pour Riverside, son propre label. C’était en octobre 1959. Wes qui avait 36 ans entamait sans le savoir une brève et tardive carrière de « guitar hero ».
Autodidacte, Wes Montgomery s’était mis à la guitare à l’âge de dix-neuf ans à l’écoute des disques de Charlie Christian. Profondément marqué par le blues, il savait exprimer en peu de notes l’essentiel d’une mélodie. Son jeu surtout intriguait. Se passant de mediator et utilisant le pouce de sa main droite, il tirait de ses cordes une sonorité bien particulière. Ses chorus, il les jouait aussi bien en « single notes » (une seule note à la fois) qu’en octaves ou en accords, passant parfois de l’un à l’autre comme dans sa composition Four On Six, un démarquage de Summertime, qui ouvre son concert parisien.
Le public s’y est déplacé nombreux. Philippe Carles et Jean-Louis Comolli qui assurent le compte-rendu du concert pour Jazz Magazine remarquent la présence dans la salle d’un important contingent de guitaristes, parmi lesquels Joseph Reinhardt, le frère de Django, et René Thomas. Si les disques de Wes ne font pas encore l’unanimité dans le camp des critiques, l’Académie Charles Cros vient de couronner son album “Boss Guitar” et ce concert est attendu avec impatience.
Wes Montgomery n’est pas seul sur scène puisque ses musiciens ont fait le voyage avec lui. Un groupe mis sur pied avant son départ par John Levy, son manager et agent. Ce dernier est aussi celui du pianiste Harold Mabern remarqué au sein du Jazztet que dirigent Art Farmer et Benny Golson, puis auprès du tromboniste Jay Jay Johnson. Levy lui apprend que le bassiste Arthur Harper et le batteur Jimmy Lovelace avec lesquels il a déjà joué partent avec lui en Europe. Ils y ont donné quelques concerts avant celui du Théâtre des Champs-Elysées, rôdant ainsi un répertoire dont le très attendu Four On Six est le morceau d’ouverture. Wes l’a enregistré en 1960 pour l’album “The Incredible Jazz Guitar of Wes Montgomery”. Il y exhibe sa singulière technique, le chorus de Mabern conciliant aisance rythmique et élégance mélodique. La finesse de toucher du pianiste se révèle également dans une version latinisée de Here‘s That Rainy Day. Wes a enregistré ce titre douze jours plus tôt. Il paraîtra dans “Bumpin’”, un des nombreux albums que Verve publie cette année-là.
Interrogé sur ce concert dont il est le seul musicien survivant, Harold Mabern avoue préférer Jingles un morceau joué à grande vitesse qui lui permet de défier un Wes Montgomery pourtant survolté. Il cite aussi Twisted Blues, le dernier morceau joué ce soir-là, le seul qui contient un solo de contrebasse. Dans son disque “So Much Guitar”, enregistré pour Riverside en 1961, Wes en donne une version plus rapide. Mabern aime également Full House. Le morceau donne son nom à un autre album Riverside que le guitariste a enregistré trois ans plus tôt au Tsubo, un coffee house de Berkeley avec Johnny Griffin. Le saxophoniste habite l’Europe depuis quelques mois. Il est même à Paris et profite de la visite de Wes pour lui prêter main forte. Full House, il le connaît par cœur et prend le relais de la guitare pour l’enrichir d’un long chorus aussi inventif qu’inattendu. Round Midnight lui permet d’exprimer avec assurance son lyrisme ; Blue ‘N Boogie (couplé avec West Coast Blues), un tour de force, lui offre l’occasion d’exprimer son art en solo.
Les avis furent partagés sur ce concert. Le jazz évoluait alors à très grande vitesse, Ornette Coleman et John Coltrane bousculant les habitudes. De ce dernier, le guitariste reprend Impressions mais sa musique paraissait beaucoup trop sage à une critique désireuse de ne pas perdre une miette de cette avant-garde chère à son cœur. Wes Montgomery ne révolutionnait en rien le jazz et ses derniers disques « commerciaux » pour le label A & M ne sont pas des plus heureux. Certains reprocheront à cet enregistrement live la longueur de ses chorus, et une certaine répétition dans le procédé consistant à enchaîner single notes, octaves et accords. On peut lui préférer d’autres disques en public, notamment “Full House” et “Smokin’ at the Half Note” (Verve) enregistré avec le trio du pianiste Wynton Kelly en juin 1965 – trois des cinq morceaux de l’album original proviennent d’une séance studio organisée la même année en septembre. Mais à Paris le guitariste fait aussi entendre la musique qu’il aime, une musique profondément ancrée dans la tradition du blues. C’est bien cette façon si personnelle de la jouer, cette technique qu’il avait inventée seul, qui le rend aujourd’hui immortel.
-Wes Montgomery : “In Paris – The Definitive ORTF Recording” (Resonance / Bertus), existe en (double) vinyle(s) dans une édition limitée à 3000 exemplaires et en double CD(s). Leurs livrets contiennent de nombreuses photos du concert prises par Jean-Pierre Leloir. Les textes sont de Vincent Pelote de la Rutgers University (New Jersey), de Pascal Rozat, chargé de mission à l’INA et membre de l’Académie du Jazz, et du producteur Zev Feldman. Des interviews d’Harold Mabern et du guitariste Russell Malone par Zev Feldman enrichissent également les livrets.
Février. La réception tardive d’un disque du label BMC réunissant Christophe Monniot au saxophone alto et des musiciens hongrois – Béla Szakcsi Lakatos au piano, József Barcza Horváth à la contrebasse et Elemér Balázs à la batterie – me fait revenir sur un sujet qui me tient à cœur et que j’ai superficiellement abordé dans mon compte-rendu des derniers Trophées du Sunside : la place importante à réserver aux standards dans le jazz d’aujourd’hui.
Neuf d’entre eux constituent le programme de “Density of Standards” (UVM Distribution). Someday My Prince Will Come, Body and Soul, Over the Rainbow – je ne vais pas les citer tous – comptent parmi les plus célèbres morceaux de l’histoire du jazz. Et pourtant leurs mélodies, si souvent reprises, parviennent encore à générer des improvisations surprenantes, à poser les fondations de pièces réellement neuves. Béla Szakcsi Lakatos est certes l’un des plus grands pianistes hongrois, mais Christophe Monniot, tout feu tout flammes et inspiré par Eric Dolphy, n’a peut-être jamais mieux joué que dans cet enregistrement. La musique en est même étonnement moderne. Bien plus que celle de nombreux disques remplis de compositions originales à oublier qui me parviennent. Car un jazzman admiré pour sa technique n’est pas nécessairement un bon compositeur. Trouver une mélodie qui fonctionne, un don, cadeau tombé du ciel, ne relève pas de séjours prolongés dans des conservatoires de musique. Si on y apprend à la jouer, à l’arranger, à lui donner des couleurs, la technique ne compensera jamais le manque d’inspiration.
D’où la nécessité de jouer des standards, pas nécessairement des thèmes d’une autre époque, comme ceux que Cécile McLorin Salvant réactualise, cette dernière chantant aussi les Beatles. Elle n'est pas la seule, les chansons de John Lennon et Paul McCartney inspirant aussi Brad Mehldau et Fred Hersch, pourtant capables de composer leurs propres morceaux. Ouverts à d’autres styles musicaux, les jeunes musiciens n’écoutent plus ce que les amateurs de jazz des générations précédentes écoutaient. Normal. Libre à eux de s’approprier des mélodies qui leur sont familières, de les réinventer. Les comédies musicales de Broadway furent un important réservoir de thèmes inoubliables dont s’emparèrent les jazzmen. Des thèmes qui ont démontré leur grandeur en parvenant jusqu’à nous. Certains musiciens n’ont laissé à la postérité qu’un seul morceau ; d’autres, comme Duke Ellington ou Thelonious Monk, un important corpus d’œuvres mémorables qui sont toujours d’actualité. Cet héritage, tous les musiciens peuvent le partager. Il leur suffit d’explorer ce fond inépuisable de mélodies, de les ré-harmoniser pour créer les leurs. Puissent-ils enraciner et renouveler leur musique dans ce vaste répertoire.
QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT
-Le nouvel orchestre de Franck Tortiller donnera ses premiers concerts officiels aux Gémeaux, Scène Nationale de Sceaux, 49 rue Georges Clémenceau, le jeudi 8, vendredi 9 et samedi 10 février. Le vibraphoniste a réuni autour de lui Joël Chausse, Rémy Béesau (trompettes & bugles), Tom Caudelle (saxhorne & flugabone), Léo Pellet, Pierre Bernier, Maxime Berton, Abel Jednak (saxophones), Yovan Girard (violon, voix), Pierre-Antoine Chaffangeon (piano & Fender Rhodes), Pierre Elgrishi (contrebasse) et Vincent Tortiller (batterie). De jeunes musiciens partageant avec lui l’idée de ce que doit être un grand ensemble de jazz aujourd’hui. Le vibraphone, mais aussi la contrebasse et la batterie y tiennent un rôle important. “Collectiv”, le premier album de la formation, sera en vente le 22 avril prochain. Auteur des arrangements, Franck Tortiller en a signé toutes les compositions, sauf Hobo Ho de Charles Mingus.
-Yoann Loustalot (trompette & bugle), François Chesnel (piano), Frédéric Chiffoleau (contrebasse) et Christophe Marguet (batterie), sont attendus le 8 février au Sunside pour fêter la sortie de “Old And New Songs” (Bruit Chic / L’Autre Distribution). Les quatre hommes dépoussièrent de vieilles mélodies, les réharmonisent, les font revivre autrement. Ils sont allés les chercher aux quatre coins du monde, au Japon, au Brésil, en Italie, en Suède (Kristallen Den Fina repris dans “To Sweden With Love” du Art Farmer Quartet), en Russie (Mellan Branta Stränder et Plaine, ma plaine), mais aussi en France. Qui se souvient de Robert Marcy, l’auteur de File la laine (1948) que popularisa Jacques Douai ? Une jeune fillette de Jehan Chardavoine (1538 – vers 1580) qui mit en musique Mignonne allons voir si la rose, célèbre poème de Pierre de Ronsard, date de la Renaissance. C’est dire que la formation n’a pas hésité à interroger un passé lointain, jazzifiant avec bonheur des chansons anciennes qui font parties de notre patrimoine culturel. Yoann Loustalot et François Chesnel qui ont précédemment enregistré “Pièces en forme de flocons” pour Bruit Chic (avec le batteur Antoine Paganotti) renouent ici avec une poétique musicale raffinée, un jazz souvent modal qui interpelle délicatement.
-David Patrois (vibraphone et marimba) et Remi Masunaga (piano) au Triton le 9 dans un programme consacré aux célèbres “Variations Goldberg” de Jean-Sébastien Bach. Une idée de la pianiste japonaise originaire de Tokyo. Installée en France, elle rencontra le vibraphoniste par l’intermédiaire d’un ami professeur au Conservatoire de Paris – elle en est titulaire de six prix et a précédemment enregistré les Variations en 2011 pour Bayard Musique. Après un premier concert satisfaisant, ils viennent de faire paraître sur le label Arts & Spectacles “Around Goldberg Variations”, véritable passerelle entre le jazz et le classique, douze plages dont neuf d’entre-elles sont arrangées par Patrois.
-Toujours le 9, Sinne Eeg, récipiendaire du Prix du Jazz Vocal 2014 de l’Académie du Jazz pour son album “Face the Music”, se produira au Sunside avec Jacob Christoffersen, son pianiste attitré. Sur scène, les morceaux de bravoure ne manquent pas. Aussi à l’aise dans les ballades que sur tempo rapide, la chanteuse danoise maîtrise parfaitement le scat et enthousiasme a cappella. Elle a enregistré un album entier avec le bassiste Thomas Fonnesbæk et pose sa voix très juste de mezzo-soprano sur de nombreux standards. Conservant son pianiste mais faisant appel à des musiciens américains – Larry Koonse (guitare), Scott Colley (contrebasse) et Joey Baron (batterie) –, “Dreams”, son nouveau disque sur Stunt Records , mêle avec bonheur standards et compositions originales. Sa relecture de What Is This Thing Called Love (Cole Porter) est un des grands moments de ce nouvel album.
-Sons d’Hiver : Le festival a ouvert ses nombreuses portes le 26 janvier dernier et se poursuit jusqu’au 17 février. Largement consacré aux musiques improvisées, ses concerts m’interpellent peu. Je vous recommande toutefois celui du 10 février au théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine (20h00, 1 place Jean Vilar). Un trio réunissant Louis Sclavis (clarinette et clarinette basse), Dominique Pifarély (violon) et Vincent Courtois (violoncelle). “Asian Fields Variations” (ECM) qu’ils ont sorti l’an dernier est un disque de musique de chambre assez éloignée du jazz, une musique généreuse et libre qui prend le temps de nous faire rêver. Vous en trouverez la chronique dans ce blog via son moteur de recherche à la date du 13 mars 2017.
-On retrouvera avec plaisir au Sunside le 10 (21h30) Géraldine Laurent et les musiciens de son quartette – Paul Lay (piano), Yoni Zelnik (contrebasse) etDonald Kontomanou (batterie). Très à l’aise sur scène, elle a enregistré avec eux en 2015 un disque que l’on est pas près d’oublier. Produit par le pianiste Laurent de Wilde, “At Work” (Gazebo) réunit six compositions originales et trois standards. Parmi eux, de remarquables versions d’Epistrophy de Thelonious Monk et de Goodbye Porkpie Hat de Charles Mingus, des classiques du bop, musique que Géraldine affectionne et qu’elle garde en mémoire, comme en témoigne les lignes mélodiques de ses propres compositions, Charlie Parker, Johnny Hodges et Paul Desmond se faisant entendre dans son saxophone alto.
-Toujours dans le cadre de Sons d’Hiver, et à l’occasion de la sortie le même jour de “Cinéma Invisible” (Illusions), son nouveau disque co-signé avec Stéphane Oskéritzian qui en a assuré le montage, Stéphan Oliva donnera le 15 février un concert en solo à Vincennes (20h30, auditorium Jean-Pierre Miquel, 98 rue de Fontenay). Passionné de cinéma, le pianiste éblouit par sa capacité à improviser à partir d’un matériel thématique très varié. Outre des disques de jazz moderne en trio (certains avec le regretté Paul Motian), Stéphan a enregistré ces dernières années plusieurs albums autour des films de Jean-Luc Godard, traduit les sombres nuances de quelques films noirs, convoqué les fantômes de Bernard Herrmann et imaginé une nouvelle bande-son à “Loulou”, célèbre film muet de Georg Wilhelm Pabst. Sons d’Hiver lui laissant carte blanche pour ce concert, Oliva reprendra quelques-unes de ses anciennes compositions, esquissera un portrait d ‘Herrmann et se livrera à une improvisation totale autour de films imaginaires.
Au même programme, le clarinettiste David Krakauer en duo avec la grande pianiste classique sud-africaine Kathleen Tagg, on peut se laisser tenter.
-Mourad Benhammou et ses Jazzworkers le 16 au Jazz Café Montparnasse. Outre Mourad à la batterie, le quintette comprend Fabien Mary à la trompette, David Sauzay au saxophone, Pierre Christophe au piano, Fabien Marcoz à la contrebasse. On pense bien sûr aux Jazz Messengers d’Art Blakey lorsqu’on écoute cette formation faisant revivre le hard bop des années 50, les grandes heures des labels Blue Note et Riverside, lorsque le jazz vivait encore de grandes heures en Amérique.
-Wynton Marsalis, Kenny Rampton, Marcus Printup & Ryan Kisor (trompette), Chris Crenshaw, Vincent Gardner & Elliot Mason (trombones), Daniel Block, Ted Nash, Walter Blanding, Sherman Irby & Paul Nedzela (saxophones & clarinettes), Dan Nimmer (piano), Carlos Henriquez (contrebasse) & Marion Felder (batterie & percussions) soit le Lincoln Center Jazz Orchestra sous la direction de Marsalis dont il est le directeur musical, le 16 à la Philharmonie (Grande Salle Pierre Boulez 20h30).
-Le concert de février à ne pas manquer est celui que donnera Michel Bisceglia au Sunside le 22. Le pianiste belge nous rend très rarement visite et ses disques qui ne bénéficient d’aucune promotion sérieuse et sont difficiles à trouver, restent inconnus de l’amateur de jazz français. Il en a enregistré six avec le même trio, Werner Lauscher à la contrebasse et Marc Léhan à la batterie qui seront avec lui pour ce concert parisien. “20 Years Recordings”, une compilation de leurs morceaux sort chez Prova Records, mais je vous conseille de rechercher les albums originaux du trio, “Singularity” et “My Ideal” notamment, tous deux enregistrés en 2013. Subtilement accompagné, Michel Bisceglia y joue un merveilleux piano, plein de couleurs et d’harmonies délicates. Compositeur de musiques de film, il a également enregistré un très beau disque en duo avec le trompettiste Carlo Nardozza et avec le D.J. Buscemi, signé en 2009 une étonnante bande-son autour du cinéaste Dziga Vertov. Une très rare occasion de découvrir un très bon pianiste.
DERNIÈRE MINUTE : en raison d'une forte grippe,René Urtreger se voit contraint d'annuler ses deux concerts. Il est remplacé par le trio du pianisteLaurent Courthaliac(avecGilles Naturel à la contrebasse et Romain Sarron à la batterie).
René Urtreger au Sunside deux soirs de suite, les 23 et 24. En trio avec ses accompagnateurs habituels Yves Torchinsky et Eric Dervieu (mais sans Agnès Desarthe pour rassurer ceux qui ne l’apprécient pas comme chanteuse). Malgré ses 83 ans (il en aura 84 le 6 juillet prochain), René joue toujours son magnifique piano intelligemment trempé dans le bop. Il swingue, mais enchante aussi par ses accords, la tendresse enveloppante de ses compositions. Fidèle à la tradition du jazz, mais jeune dans sa tête comme en témoigne la modernité inaltérable de sa musique, René Urtreger, roi sans royaume, est l’un des rois du piano jazz.
-Le Pierre Guicquéro/Aurélie TropezQuintet au Jazz Café Montparnasse le 23. Excellent tromboniste, Pierre Guicquéro s’est fait connaître au sein de son PG Project, formation de sept musiciens comprenant quatre souffleurs au service de compositions festives et joyeuses enracinées dans l’histoire du jazz. Le blues et le jazz néo-orléanais tendent la main à un hard bop funky et convivial. Membre du Duke Orchestra de Laurent Mignard, la clarinettiste Aurélie Tropez connaît elle aussi l’histoire du jazz. Les grands maîtres de l’instrument se font entendre dans sa clarinette, et dans une musique qui n’oublie jamais de swinguer. Félix Hunot (guitare), Bruno Rousselet (contrebasse) et Déborah Tropez (batterie) complètent la formation.
Incontournable rendez-vous médiatique et jazzistique orchestré par François Lacharme, la traditionnelle remise des Prix de l'Académie du Jazz qu'il préside s’est tenue pour la seconde année consécutive au Pan Piper, un club du onzième arrondissement de Paris que les amateurs de musique apprécient. Vous en connaissez le palmarès 2017 depuis le 21 janvier, date à laquelle furent dévoilés les dix prix que décerne annuellement l’Académie, le plus important étant le prestigieux Prix Django Reinhardt que tous les musiciens français rêvent d’obtenir.
Mon compte-rendu de cette soirée de gala, qui laissa beaucoup de place à la musique et fut riche en surprises, privilégie beaucoup l’image. Vous reconnaitrez sur les photos de mon carrousel jazzistique des visages qui ne vous sont peut-être pas inconnus. Musiciens et académiciens, producteurs et responsables de maisons de disques, sponsors, journalistes, photographes, attaché(e)s de presse, organisateurs de concerts, amis œuvrant ou non dans les métiers de la musique présents à cette soirée de gala célébrant la richesse et la diversité du jazz.
LACÉRÉMONIE
Décerné en présence de Mme André Hodeir, le Prix du livre du Jazz fut attribué au gros livre (800 pages) de Pierre Fargeton sur André Hodeir. Étude aussi exhaustive qu’indispensable pour tous ceux qui veulent comprendre sa musique, “André Hodeir, le jazz et son double” (Éditions Symétrie) fit l’unanimité de la commission qui lui attribua le prix. Ne pouvant être présent à cette remise de prix, son préfacier, Martial Solal, qui devait le remettre à Pierre Fargeton, avait prié Xavier Prévost de lire le message suivant : « J'ai lu de nombreux livres sur la vie et le travail des grands musiciens, mais aucun ne m'a semblé si passionnant, si complet, si bien documenté, si recherché... Ce travail monumental m'en a appris beaucoup plus sur mon ami André Hodeir que les années de fréquentation de ce grand musicien. Pour moi, ce travail est unique en son genre. »
Pour marquer l’événement, Charles Saint-Dizier (trombone), Oscar Bineau(saxophone alto), Pierre Carbonneaux (saxophone baryton), Mathieu Truffinet (piano), Baptiste Archimbaud (contrebasse) et Orelio Paladini (batterie), tous étudiants du CRR (Conservatoire à Rayonnement Régional) interprétèrent (sans partitions, leur travail étant supervisé par le saxophoniste Jean-Charles Richard) deux arrangements d’André Hodeir : Oblique (qui est aussi une de ses compositions) et Swing Spring.
Le prix du meilleur inédit ou de la meilleure réédition revint à deux disques arrivés ex æquo après plusieurs tours de scrutin. Celui du meilleur inédit ne pouvait échapper au disque de Thelonious Monk “Les Liaisons dangereuses” retrouvé par le plus grand des hasards par François Lê Xuan et Fred Thomas de Sam Records dans les archives de Marcel Romano. Les “Complete Parisian Small Group Sessions” du saxophoniste Lucky Thompson (Fresh Sound Records) reçurent le prix de la meilleure réédition. Directeur du label, Jordi Pujol, qui avait spécialement fait le voyage depuis Barcelone, récupéra le trophée.
Récompensant le meilleur disque de l’année dans une expression « classique » du jazz, le Prix du Jazz Classique échut à un disque de Michel Pastre en quintette avec Dany Doriz et Ken Peplowski. Son “Tribute to Lionel Hampton”, une autoproduction l’emportait sur le “Tribute to Erroll Garner” de Pierre Christophe (Camille Productions) et “Uptown, Downtown” (Impulse !) du pianiste Bill Charlap enregistré en trio. Michel Pastre absent, Pierre Christophe (Prix Django Reinhardt 2007 de l’Académie du Jazz) interpréta de façon magistrale en solo The Very Thought of You, une composition de Ray Noble reprise par Bing Crosby la même année que sa création (1934) et devenue par la suite un standard.
Enregistré avec Jérôme Regard (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie), le “New Monk Trio” (Gazebo) du pianiste Laurent de Wilde obtint le Prix du Disque Français, un prix très disputé au regard des excellents disques que les jazzmen français publièrent en 2017, “Always Too Soon” d’Hervé Sellin, “Strictly Strayhorn” du trio André Villéger / Philippe Milanta / Thomas Bramerie étant les deux autres finalistes. C’est en solo que Laurent de Wilde joua Thelonious, morceau que Monk composa entièrement sur une note unique, le si bémol.
Après avoir chaleureusement remercié les sponsors et généreux mécènes de l’Académie : la Fondation BNP Paribas, la SACEM, la SPEDIDAM, le Pan Piper, le Conseil des Vins de Saint-Émilion dont les dives bouteilles sont indispensables aux agapes académiques qui suivent la remise des prix, le Goethe Institut qui accueille depuis plusieurs années en décembre notre Assemblée Générale au sein de laquelle se votent les principaux prix du palmarès, François Lacharme annonça la remise très attendue du Prix Django Reinhardt.
Doté par la Fondation BNP Paribas d’un montant de 3000 euros, ce dernier fut attribué à Cécile McLorin Salvant qui donnant un concert à Bordeaux avait fait parvenir un petit film de remerciement. En son absence, Sébastien Belloir reçut le très convoité trophée des mains de Jean-Jacques Goron, Président de la Fondation. Parmi les finalistes, notons la présence de l’excellent pianiste Vincent Bourgeyx, auteur d’un excellent disque en 2017.
Il était un peu plus de 20h00 lorsque François Lacharme remit à Karin Krog le Prix du Jazz Vocal. Vivant à Oslo avec John Surman (une master class l’empêcha d’être présent), cette grande dame du Jazz participa dès 1964 au festival d’Antibes Juan-les-Pins. “The Many Faces of Karin Krog, Recordings 1967-2017” (Odin), coffret de six CD(s) récompensé par l’Académie rassemble une sélection de ses meilleurs enregistrements. Dexter Gordon, Warne Marsh, Archie Shepp (saxophone ténor), Steve Kuhn, Kenny Drew (piano), NHØP, Red Mitchell (contrebasse), le big band de Don Ellis et bien sûr John Surman l’accompagnent dans ces faces résumant 50 ans de carrière. Laurent de Wilde rejoignit sur scène la chanteuse, le piano offrant un écrin délicat à sa voix dans Pannonica et Blue Monk.
Remis à Manuel Figueres, attaché de presse du label Daptone, Le Prix Soul revint à “Move Upstairs, un album des Como Mamas – Ester Mae Wilbourn, Della Daniels et Anglia Taylor. Originaires de Como, une ville du Mississippi, elles chantent un gospel épuré, proche des negro spirituals des origines.
François Lacharme rendit ensuite hommage aux amis disparus en 2017 : Pierre Carlu, grand connaisseur du jazz swing et responsable de nombreuses rééditions qui manquait rarement les remises de prix de l’Académie ; Alain Tercinet membre de l’Académie du Jazz et auteur d’un ouvrage incontournable sur le West Coast Jazz ; Philippe Adler inventeur de la presse people en jazz, infatigable animateur de Jazz 6, émission qui bien que tardivement diffusée connut une longévité exceptionnelle ; Christian Bonnet, trésorier de l’Académie du Jazz depuis 2013, mais aussi de la Maison du Duke qu’il présidait. Saxophoniste et arrangeur patenté du Black Label Swingtet, il contribua à rendre intelligible le message ducal en supervisant la traduction de “Music is my Mistress”, les mémoires de Duke Ellington.
Pour recevoir le Prix du Musicien Européen des mains de Son Excellence Monsieur Bernardino Regazzoni, Ambassadeur de Suisse, la chanteuse Susanne Abbuehl s’était déplacée avec ses musiciens : Matthieu Michel (bugle), Wolfert Brederode (piano) et Øyvind Hegg-Lunde (batterie & percussion). C'est avec ce dernier et le pianiste Stéphan Oliva qu'elle a enregistré “Princess” (Vision Fugitive), son disque le plus récent, l’un de ses plus beaux opus, une œuvre collective produite par Philippe Ghielmetti.
C’est toutefois pour l’ensemble de son œuvre, ce qui inclut ses trois albums ECM, que la chanteuse fut récompensée. Reprenant Sepal et This and My Heart en quartette avec Wolfert Brederode qui a également enregistré sous son nom trois disques pour ECM, et Tree People avec Stéphan Oliva et Øyvind Hegg-Lunde , Susanne Abbuehl nous subjugua par la douceur de sa voix, la délicatesse et la pureté de son chant.
Généralement attribué à une nouveauté, le Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) couronna “Bringin’It” de Christian McBride, un disque Mack Avenue en big band au sein duquel officie Brandon Lee (trompette), Steve Davis (trombone), Steve Wilson (saxophones), Rodney Jones (guitare) et la chanteuse Melissa Walker. Renonçant à un engagement professionnel aux États-Unis, le contrebassiste prit l’avion en compagnie de cette dernière pour récupérer un trophée très disputé, “Masters in Bordeaux” (Sunnyside), un enregistrement live réunissant Martial Solal et Dave Liebman, recueillant aussi les voix des académiciens. Seul à la contrebasse, Christian McBride improvisa un morceau autour d’Alone Together puis rejoint par le batteur Lawrence Leathers, accompagna Melissa Walker dans un Just in Time d’anthologie.
Lauréate du Prix Blues pour “Honest Woman” un disque du label Sweet Mama, la chanteuse Thornetta Davis s’était déplacée de Detroit pour recevoir sa récompense. Un trophée remis par Jacques Périn, responsable de la commission blues au sein de l’Académie. Personne ne fut déçu par sa prestation vocale. Fred Nardin (Prix Django Reinhardt 2016) au piano, Hugo Lippi à la guitare, Chris McBride à la contrebasse et Lawrence Leathers à la batterie, s’étaient proposés pour l’accompagner. Après s’être chauffée la voix sur le titre qui donne son nom à l’album, Thornetta Davis chauffa la salle du Pan Piper et en fit trembler les murs. I Need a Whole Lotta Lovin’, qu’elle fit reprendre par un public enthousiaste, fut un des grands moments de cette soirée.
BEFORE&AFTER
Avec par ordre d’entrée en scène : Philippe Carles – Michel El Malem – Bob Garcia – Fred Nardin – Claude Carrière – Stéphan Oliva – Maxime François – Wolfert Brederode – Jean-François Pitet – Philippe Baudoin – Leïla Olivesi – Philippe Coutant – Susanne Abbuehl – Françoise Philippe – Philippe Etheldrède – Bénédicte de Chocqueuse – Isabelle Marquis – Jean-Louis Chautemps – Pierre Christophe – Jean-Jacques Goron – Alain Tomas – François Lacharme – Melissa Walker – Christian McBride – Thornetta Davis – Charles Saint-Dizier –– Baptiste Archimbaud – Mathieu Truffinet – Orelio Paladini – Oscar Bineau – Pierre Carbonneaux – Nathalie Rocher – Philippe Ghielmetti – Antoine Hervé – Pierre Mégret – Karin Krog – Franck Amsallem – Alain Jalladeau – Franck Bergerot – Glenn Ferris – Pierrick Pédron – Hélène Lifar – Jean Szlamowicz – Matthieu Michel – Laurent Cugny – Martine Palmé – Laurent de Wilde – Goran Carlsson – Lou Mollgaard – Philippe Marchin –Sylvie Durand – Sophie Louvet – Øyvind Hegg-Lunde – Marie-Claude Nouy – Helge Westbye – Paul Lay – Petra Gehrmann – Jean-Jacques Pussiau – Philippe Aerts – Raphaëlle Brochet – Gilles & Véronique Coquempot – Ramona Horvath – Pierre de Chocqueuse.
LE PALMARÈS2017
Prix Django Reinhardt :
CÉCILE McLORIN SALVANT
Grand Prix de l’Académie du Jazz :
CHRISTIAN McBRIDE BIG BAND « Bringin’It »
(Mack Avenue / Pias)
Prix du Disque Français :
LAURENT DE WILDE « New Monk Trio »
(Gazebo / L’Autre Distribution)
Prix du Musicien Européen :
SUSANNE ABBUEHL
Prix de la Meilleure Réédition ou du Meilleur Inédit :
THELONIOUS MONK : « Les liaisons dangereuses 1960 »
(Sam Records - Saga / Pias)
LUCKY THOMPSON « Complete Parisian Small Group Sessions 1956-1959 » (Fresh Sound / Socadisc)
Prix du Jazz Classique :
MICHEL PASTRE 5tet Featuring DANY DORIZ & KEN PEPLOWSKI
« Tribute to Lionel Hampton »
(Autoproduction)
Prix du Jazz Vocal :
KARIN KROG « The Many Faces of Karin Krog, Recordings 1967-2017 »
(Odin / Outhere)
Prix Soul :
THE COMO MAMAS « Move Upstairs »
(Daptone)
Prix Blues :
THORNETTA DAVIS « Honest Woman »
(Sweet Mama Music)
Prix du Livre de Jazz :
PIERRE FARGETON « André Hodeir, le jazz et son double »
J’ai découvert John Surman en 1970 dans “How Many Clouds Can You See”, un album Deram, sous-marque de Decca qui abrite d’excellents disques de Mike Westbrook et de Michael Gibbs. Entouré de nombreux souffleurs et jouant du saxophone baryton, il improvise une musique libre et brûlante. Dérangé dans mes habitudes d’écoute mais également fasciné, je me procurai la même année à Londres, “The Trio”, double album d’une musique à la modernité tout aussi radicale enregistrée avec Barre Phillips à la contrebasse et Stu Martin à la batterie. Toute blanche, avec seulement en bas à droite “The Trio” tapé à la machine à écrire, sa pochette rappelait celle du fameux « double blanc » que les Beatles, officiellement dissous depuis avril, avaient publié deux ans auparavant.
Ce n’est que dix ans plus tard, que John Surman se rappela à mon bon souvenir. Il enregistrait chez ECM, et Phonogram qui distribuait ses disques me les faisait parvenir. L’écoute de “Upon Reflection” (1979) bientôt suivi de très nombreux albums parmi lesquels l’admirable “Private City” (1988) dans lequel il joue tous les instruments (saxophones baryton et soprano, clarinette basse et synthétiseurs) me permit de constater que le saxophoniste ne jouait plus la même musique, qu’il la trempait désormais allègrement dans le lyrisme. Écrite pour un ballet, celle de Portrait of a Romantic dévoile le mélodiste qu’il est devenu. Originaire du Devonshire, il en a souvent utilisé les thèmes folkloriques pour nourrir ses compositions. Enregistré en 2011, l’album “Saltash Bells” met en musique de nombreux souvenirs personnels, tel l’écho des cloches de Saltash résonnant sur l’eau de la Tamar River, dans cette vallée du sud-ouest de l’Angleterre qui abrita ses jeunes années.
John Surman qui vit à Oslo avec la chanteuse norvégienne Karin Krog sort aujourd’hui un nouveau disque. Un projet qui remonte à une dizaine d’années, lorsque voyageant au Brésil, le saxophoniste eut l’occasion de rencontrer et de jouer avec le pianiste Nelson Ayres. Également arrangeur et compositeur, ce dernier travailla avec des chanteuses et chanteurs brésiliens, la partie la mieux connue de son travail étant sa participation au groupe Pau Brasil. Souhaitant enregistrer en duo avec lui, John commença à écrire des morceaux, mais se rendit vite compte qu’une troisième voix mélodique en enrichirait la musique. Il finit par la trouver en la personne de Rob Waring qui joue du vibraphone et du marimba et que l’on peut entendre dans “Rubicon”, un récent disque ECM du bassiste Mats Eilertsen. Originaire de New-York, Waring avait étudié la percussion classique à la Juillard School, la musique indonésienne à Bali et habitait Oslo depuis le début des années 80. Une chance pour Surman qui n’avait plus qu’à faire venir Nelson Ayres en Norvège. Auparavant, il le retrouva à Sao Paulo pour mettre au point avec lui le répertoire, Ayres ajoutant l’une de ses compositions à “Invisible Threads” que les trois hommes enregistrèrent à Oslo, au Rainbow Studio, en juillet 2017.
Le disque célèbre avant tout la mélodie. Fort belles, elles servent les improvisations du leader qui, comme à son habitude, joue du soprano, du baryton et de la clarinette basse. Mais ici, John Surman ne recourt à aucun re-recording, ni à des boucles de synthétiseurs. Le piano et le vibraphone donnent une assise souvent cristalline aux phrases aériennes du soprano que Surman utilise beaucoup. Il s’en sert avec une grande justesse, le fait abondamment chanter. Dans The Admiral, sorte de danse lente et moyenâgeuse scandée par la clarinette basse, Rob Waring joue aussi du marimba. L’instrument introduit longuement Pitanga Pitomba, un morceau qui commence doucement, très doucement pour se faire vif et allègre. Les harmonies colorées de Nelson Ayres lui apportent une riche consistance sonore. Si ce dernier s’offre de courts solos, il préfère asseoir et colorer la musique, Byndweed mettant toutefois en valeur la subtilité de son jeu pianistique. La pièce laisse beaucoup de place au vibraphone et Surman y rentre tardivement pour en exposer au soprano le thème mélancolique. Celui de Another Reflection, un morceau d’une minute trente, porte tout autant son poids de tristesse. Un paysage hivernal prend vie devant nos yeux. De Byndweed proviennent les harmonies de At First Sight, une pièce chorale qui introduit l’album, une idée de Manfred Eicher qui a supervisé la séance. Le soprano est seul à jouer sa très belle mélodie. Sur un nuage, porté par des tapis de notes moelleuses, John Surman est aussi le principal soliste de ce nouvel opus. Il fait merveille à la clarinette basse dans l’envoûtant Concentric Circles dont les courtes phrases souvent répétitives dessinent des boucles sonores. L’instrument rend tout aussi fascinant On Still Waters, plage onirique toute frémissante d’arpèges et de notes liquides. Stoke Damerel appartient au répertoire que John et l’organiste Howard Mundy jouent en concert, “Rain on the Window”, un disque ECM de 2006, réunissant les deux hommes. Le joyeux Summer Song au sein duquel le soprano dialogue avec le vibraphone et le piano est de Nelson Ayres, mais n’a rien de brésilien. Très inspiré, Surman a composé tous les autres morceaux d’un album qui ne sera pas oublié.
Janvier. Un mois plein de vent et de pluie mais plus calme quant aux sorties de disques. On en profite pour écouter des albums déjà anciens, voir et revoir des vieux films, lire quelques livres. Une récente et remarquable étude exhaustive de Laurent Cugny sur Hugues Panassié* m’inspire
cet éditorial, écrit un peu plus de 43 ans après son décès survenu en
décembre 1974. Directeur de conscience du « jazz authentique », Panassié
est mort trop tôt pour assister à l’épanouissement du jazz européen. Joué par des musiciens blancs, il en aurait sûrement contesté l’authenticité, tout comme il avait refusé le be-bop, la modernité et l’inévitable transformation de cette musique. Car, selon lui, il fallait être afro-américain pour jouer le jazz qu’il entendait ou, à défaut, le jouer comme un musicien noir et peu de Blancs en étaient capables. Intolérant, il fantasmait un jazz idéal qui ne pouvait que progressivement s’éloigner de l’idée qu’il s’en faisait, des jugements de valeur qu’il avait érigés en dogme et au sein desquels il s’était enfermé.
Si l’on parle moins d’Hugues Panassié aujourd’hui, son influence reste vive dans le petit monde du jazz qui s’agite aujourd’hui. Une emprise d’autant plus pernicieuse qu’elle empoisonne les esprits et conditionne des attitudes. Mes propos ne visent pas certains nostalgiques du Hot Club de France qui défendent toujours bec et ongles l’orthodoxie panassiéenne. Ils s’adressent à ceux qui, pour de mauvaises raisons, refusent que le jazz se transforme, s’ouvre à d’autres musiques, la notion de vraie et de fausse musique de jazz que Panassié introduisit dès son premier livre, “Le Jazz Hot” (1934), restant hélas d’actualité. Installé en Europe, revitalisé par des musiciens inventifs et talentueux, le jazz s’est trouvé un public fidèle et réceptif. Empruntant à d’autres cultures, il s’approprie et s’invente d’autres rythmes, se pare d’autres couleurs, son champ harmonique se confondant souvent avec celui de la musique savante européenne.
Non sans provoquer les réactions négatives des puristes pour lesquels il se doit d’obéir à des règles immuables. Cette musique qui s’enracine loin de l’Amérique et du blues des origines, n’est pour eux plus du jazz. Hugues Panassié qui écrivit que les Blancs ne peuvent au mieux qu’imiter le jazz aurait pu être un des leurs. La couleur de la peau et l’éloignement géographique avec la mère patrie du jazz n’ont pourtant rien à voir avec l’aspect qualificatif de cette musique, avec le talent des musiciens qui n’a pas de frontières. Le temps s’était arrêté pour Panassié qui, énonçant des croyances et non des arguments, imposa ses goûts comme s’ils étaient des dogmes. Inclinaison étroitement liée à la culture, le goût se forme, se construit, se modifie au sein d’un monde qui bouge et change à très grande vitesse. Comme toutes les musiques savantes, le jazz demande un effort. Il s’agit de connaître son histoire, ses traditions et loin de la rejeter, d’accueillir favorablement son évolution, même s'il abrite aujourd'hui des musiques étrangères à son glorieux passé. Ce blog qui lui est consacré reflète fidèlement mes goûts. Je respecte ceux des autres, fussent-ils différents. Je vous espère nombreux à partager les miens.
* “Hugues Panassié, L’œuvre panassiéenne et sa réception”, Éditions Outre Mesure, Collection Jazz en France.
QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT (seconde quinzaine de janvier)
-Le Gil Evans Paris Workshop retrouve le Sunside le 16 janvier après un concert en juillet toujours présent dans nos mémoires. Dirigée par Laurent Cugny qui apporte compositions et arrangements, cette formation de jeunes musiciens fait également revivre la musique de Gil Evans. Si l’instrumentation proposée est celle que ce dernier affectionnait, l’orchestre expérimente, joue autrement une musique qui, loin d’être figée, se transforme, plonge dans un bain de jouvence. La formation a publié son premier disque l’an dernier, deux CD(s) mêlant avec bonheur, compositions originales et reprises de morceaux, Spoonful un thème du bluesman Willie Dixon donnant son nom à un double album inoubliable.
-Enrico Rava et Aldo Romano au Sunside du 18 au 20 janvier (21h00). Ils se connaissent bien et se retrouvent une fois l'an dans un club parisien. Dans les années 60, les deux hommes jouaient ensemble dans le quartette de Steve Lacy et Aldo tient la batterie dans plusieurs disques que Rava réalisa dans les années 70. En 2011, ils enregistraient “Inner Smile” à Udine, un disque en quartette publié sous le nom du batteur. Baptiste Trotignon, le pianiste de l’album, et Darryl Hall à la contrebasse, seront avec eux au Sunside pour faire vibrer leurs mélodies solaires et raffinées, accompagner les notes délicates d’une trompette qui chante, rêve, et dessine de tendres paysages.
-Fred Nardin au Duc des Lombards le 19 avec Ore Bareket (contrebasse) et Leon Parker (batterie), musiciens avec lesquels il a enregistré l’an dernier “Opening” (Jazz Family), son premier opus. Co-fondateur de l’Amazing Keystone Big Band et Prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz en 2016, le pianiste en jouera probablement le répertoire. Fougueux sur tempo rapide, il se fait miel dans les ballades de son disque, Lost in Your Eyes et Hope, mais aussi dans une relecture très réussie de You’d Be So Nice to Come Home to un morceau de Cole Porter. Deux reprises inventives et joyeuses de Thelonious Monk complètent un album tout à fait recommandable.
-Pour prolonger les fêtes en musique, rien de tel que l’Orchestre de la Lune attendu le 24 au Studio de l’Ermitage. Grande formation dirigée par le saxophoniste et compositeur Jon Handelsman, elle réunit chanteurs, chanteuses et instrumentistes de talent. Le tuba de Didier Havet assure les basses de cet orchestre funky qui mêle jazz et reggae, et interprète des compositions festives et joyeuses aux arrangements très soignés. Daniel Zimmermann (trombone), Bobby Rangell (saxophone alto et flûte) et Michael Felberbaum (guitare) ne vous sont probablement pas inconnus. Disponible depuis mai 2017, leur disque “Dancing Bob” (Cristal Records) mérite une écoute attentive.
-Toujours le 24, les frères Moutin (François à la contrebasse et Louis à la batterie) invitent le pianiste Jean-Michel Pilc et le trompettiste Randy Brecker au New Morning (concert à 21h00). Les frères Moutin, Pilc les connaît depuis 1982. Devenu musicien professionnel en 1989, il forma son premier trio avec François qui l’accompagne dans “Together : Live at Sweet Basil” (en deux volumes), son premier disque, et que l’on retrouve dans d’autres albums du pianiste. Jean-Michel Pilc a également rejoint en 2015 le Moutin Factory Quintet, formation créée deux ans plus tôt par les deux frères et qui comprend aussi le guitariste Manu Codjia et le saxophoniste Christophe Monniot. Publié en 2016, “Deep” (Jazz Family) est leur disque le plus récent.
-Dernière minute : en quartette avec Raphaël Dever (contrebasse), Stan Laferriere (batterie) et Laurent Bataille (congas), le pianiste Pierre Christophe, Prix Django Reinhardt 2007 de l’Académie du Jazz, sera le 25 au Jazz Café Montparnasse (21h00), 13 rue du Commandant Mouchotte, 75014 Paris. Au programme : le répertoire de son dernier disque, “Tribute to Erroll Garner” (Camille Prod. / Socadisc).
-Laurent de Wilde au Sunside les 26 et 27 janvier. La sortie en 2017 d’un album consacré à Thelonious Monk dont le centenaire de la naissance fut abondamment fêté lui apporta de nombreux concerts et une importante couverture médiatique. J’ai moi-même rédigé en octobre dernier une chronique élogieuse de son “New Monk Trio”, hommage respectueusement décalé rendu à un pianiste unique à l’univers très personnel. Laurent de Wilde apporte d’autres couleurs et d’autres rythmes à la musique de Monk. Une réussite qu’il partage avec Jérôme Regard et Donald Kontomanou, étroitement associés au projet. Le premier fait magnifiquement chanter sa contrebasse. Le second greffe d’autres tempos sur des compositions qui, revues et transformées par Laurent, brillent plus que jamais dans la galaxie du jazz.
Les fêtes, le temps des emplettes et des illuminations. En décembre, le sapin roi des forêts reçoit boules et guirlandes et met ses habits de lumière, le soleil entre dans le solstice d’hiver et l’on frotte tant bien que mal ses membres engourdis par le froid. L’esquimau se couvre le corps de graisse de phoque. Le citadin se réchauffe avec d’autres liquides. Vêtements et vins chauds sont de rigueur. Les nuits sont plus longues, le sommeil plus profond. Comme chaque année le blog de Choc va sommeiller jusqu'à la mi-janvier et l’Académie du Jazz remettre ses prix. Vous en aurez un compte-rendu détaillé et retrouverez chaque semaine papiers d’humeur, concerts qui interpellent, chroniques de disques ou de livres, l’actualité du jazz en effervescence ne s’accordant aucun repos.
Créé en septembre 2008, ce blog fêtera ses dix ans d’existence le 8 septembre prochain. La chronique du disque d’une jeune chanteuse belge alors presque totalement inconnue en est l’article inaugural. Dans “A Stomach is Burning”, son album le plus jazz, Mélanie de Biasio affirme déjà un univers envoûtant très personnel. Le 9 décembre 2008, elle se produisait pour la première fois à Paris au Sunside devant un public clairsemé. Le 4 décembre dernier, elle se faisait applaudir au Trianon qui refusait du monde. Les années passent, de talentueux musiciens apparaissent, des amis chers disparaissent. En cette période de fêtes que je vous souhaite bonnes et heureuses, Philippe Adler et Christian Bonnet, qui nous ont récemment quittés, occupent mes pensées. Le temps emporte avec lui bien des choses, mais mon enthousiasme pour le jazz reste intact, avec ses disques et ses concerts qui donnent toujours du baume au cœur.
Je vous ai fait attendre amis lecteurs, mais la présente sélection, reflet fidèle de mes goûts, ne devrait pas trop vous choquer. Treize Chocs, c’est peut-être beaucoup pour des âmes sensibles et pacifiques. Les miens n’ont toutefois rien de physique. Ils s’écoutent même sans modération. Si les très grands disques ne sont jamais légion, 2017 fut une bonne année pour le jazz, surtout pour le jazz européen, le jazz, musique que l’on n’a jamais su bien définir, n’étant plus chasse gardée de la grande Amérique.
En octobre 1947, sourd au be-bop et à l’évolution du jazz, le pape montalbanais Hugues Panassié excommuniait du Hot Club de France le déviationniste Charles Delaunay. Beaucoup moins violentes, les querelles sont encore nombreuses aujourd’hui entre les partisans d’un jazz attaché au blues et à la primauté du swing et les tenants d’un jazz intégrant les spécificités culturelles des pays européens qui l’ont accueilli, lui donnant ses lettres de noblesse et plaçant l’harmonie au cœur de la musique. Qu’il se fonde dans la musique baroque avec “Les idées heureuses”, le disque hommage de Jean-Philippe Viret à François Couperin, ou se rapproche de la musique de chambre, ce que font le Tarkovsky Quartet de François Couturier, formation à l’instrumentation inhabituelle, ou le trio réunissant Vincent Courtois (violoncelle), Daniel Erdmann et Robin Fincker (saxophones) dans “Bandes Originales” un disque qui méritait d’apparaître dans cette sélection, le jazz européen, souvent proche de la musique contemporaine, affiche une santé insolente.
Ses racines afro-américaines ne sont pas pour autant ignorées. La musique que joue le quartette d’Hervé Sellin dans “Always Too Soon” relève du bop. En reprenant des arrangements de Gil Evans, Laurent Cugny et son orchestre de jeunes musiciens restent fidèle à un jazz de répertoire qui, modernisé, a encore de beaux jours devant lui. Quant au “Drummer & Composer” du batteur danois Snorre Kirk, un disque profondément ancré dans le swing, on croirait écouter du jazz américain. Ce dernier possède toujours de grands artistes pour porter ses couleurs. En congé du trio de Keith Jarrett qu’il a servi pendant plus de trente ans, Gary Peacock fait merveille avec le sien. Aaron Parks, s’affirme comme l’un des grands pianistes de demain et le nouvel album de Fred Hersch en solo est l’un des plus enthousiasmant de sa discographie. Je vous en livre mes commentaires et vous laisse le soin de les écouter.
12 nouveautés…
François COUTURIER / TARKOVSKY Quartet :
“Nuits Blanches” (ECM / Universal)
Chronique dans Jazz Magazine n°694 - mai (Choc)
Pour moi, le plus beau disque du Tarkovsky Quartet, formation de musique de chambre réunissant autour du pianiste François Couturier, grand admirateur du cinéaste, Anja Lechner (violoncelle), Jean-Marc Larché (saxophone soprano) et Jean-Louis Matinier (accordéon). Du pays des songes où ils semblent puiser leur inspiration, ils nous ramènent des images, des improvisations rêvées. Intercalées entre une reprise sublime du Cum dederit dilectis suis somnum d’Antonio Vivaldi et les compositions originales de Couturier qui interprète deux de ses thèmes en solo, ces rêves parfois abstraits nous renvoient à l’univers profondément spirituel d’Andreï Tarkovsky et en dévoilent la lumière intérieure.
-GIL EVANS PARIS WORKSHOP : “Spoonful” (Jazz&People / PIAS)
Chronique dans Jazz Magazine n°693 - avril (Choc)
Depuis 2014, à la tête d’une formation de jeunes musiciens enthousiasmants et enthousiastes, Laurent Cugny célèbre la mémoire de Gil Evans (1912-1988). Modernisés, les arrangements de ce dernier héritent d’un nouvel équilibre entre parties écrites et improvisées, les solistes de l’orchestre y possédant un vaste espace de liberté. Si le premier disque de ce double album est consacré à la musique deLaurent et à des morceaux qu’il a lui-même arrangés – Lilia de Milton Nascimento, My Man’s Gone Now, Manoir de mes rêves –, le second reprend de nombreux chefs-d’œuvre d’Evans épatamment revus par Cugny. Spoonful, une composition de Willie Dixon s’étalant sur une quinzaine de minutes et le célèbre et envoûtant Time of the Barracudas en sont les moments forts.
Fred HERSCH : “{Open Book}” (Palmetto / Bertus Distribution)
Chronique dans le blog de Choc le 17 novembre
Sans nul doute l’un des sommets de l’importante discographie du pianiste, “{Open Book}” est un florilège des concerts en solo que Fred Hersch donna trois soirs de suite au JJC Art Center de Séoul en avril 2017. Morceau d’une vingtaine de minute, libre improvisation sans thème préétabli également enregistrée en public, Through the Forest complète l’album. Se laissant guider par son imagination, Hersch met les voiles et part à l’aventure. Également au programme, Eronel de Thelonious Monk et une relecture éblouissante de Zingaro, composition d’Antonio Carlos Jobim auquel il a consacré un album entier. Musicien dont on oublie la technique tant la musique reste fluide, Fred Hersch déroule de longues tapisseries de notes et séduit par ses harmonies rêveuses et poétiques, les belles couleurs dont il éclaire ses morceaux.
Snorre KIRK : “Drummer & Composer” (Stunt / UVM)
Chronique dans Jazz Magazine n°698 - septembre (Révélation !)
C’est au sein du trio de Magnus Hjorth, le pianiste suédois de cette séance dont l’album “Blue Interval” (Stunt Records) fit l’objet d’une chronique dans ce blogdeChoc que j’ai découvert ce batteur danois apprécié dans les pays scandinaves, mais largement méconnu des amateurs de jazz français. Snorre Kirk est aussi un compositeur / arrangeur qui nous révèle ici sa propre musique en septet. Trombone, cornet, clarinette, saxophones (alto et ténor), piano, contrebasse et batterie, l’instrumentation rappelle celle naguère adopté par Wynton Marsalis pour ses propres albums. Conçu et organisé comme une suite, ce disque enthousiasmant nous raconte le jazz et son histoire, la Nouvelle-Orléans, les Caraïbes et ses danses, le blues et les grandes heures du swing.
-Paul LAY : “The Party” (Laborie Jazz / Socadisc)
Chronique dans le blog de Choc le 21 février
Inclus dans un coffret contenant un second disque bien moins intéressant, “The Party” est le meilleur album de Paul Lay à ce jour. À son écoute, on mesure le chemin parcouru par ce jeune pianiste qui, en 2015, obtenait le très convoité Prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz.Enregistré en trio avec Clemens Van Der Feen à la contrebasse et Dré Pallemaerts à la batterie, “The Party”, disque conçu « comme une illustration sonore de scènes cinématographiques qui se déroulent lors d'une fête », étonne par la qualité de son matériel thématique, des compositions originales pour la plupart au sein desquelles il est bien difficile de recommander un morceau plutôt qu’un autre. Paul Lay s’est trouvé une section rythmique qui interroge son piano et libère son imagination. Sa version de I Fall in Love Too Easily, une pièce en solo qui conclut cet opus, une merveille, devrait convaincre les plus réticents.
-Nathalie LORIERS / Tineke POSTMA / Nicolas THYS :
“We Will Really Meet Again” (W.E.R.F. Records)
Chronique dans le blog de Choc le 23 janvier
Enseignante très demandée, pianiste attitrée du Brussels Jazz Orchestra, le meilleur big band de jazz de Belgique, Nathalie Loriers ne nous visite pas souvent. Heureusement il y a ses disques, qui bien que mal distribués passent toutefois la frontière. “We Will Really Meet Again”, le second qu’elle enregistre avec la saxophoniste Tineke Postma, est l’un de ses plus beaux. Bassiste expérimenté, Nicolas Thys complète un trio qui se passe très bien de batteur. Mis à part trois miniatures improvisées et une magnifique version de Luiza, une composition d’Antonio Carlos Jobim, les thèmes sont de Nathalie Loriers. Le blues qu’elle transmet à ses doigts, la douceur de son toucher irrigue une musique souvent mélancolique, des ballades que le piano et le saxophone rendent particulièrement lumineuses.
Stephan OLIVA / Susanne ABBUEHL / Øyvind HEGG-LUNDE :
S’il se produit souvent en solo ou avec son complice Jean-Marc Foltz, le pianiste Stephan Oliva travaille aussi depuis longtemps avec Susanne Abbuehl. Il lui écrit des musiques douces et tendres, enveloppe sa voix très pure de notes soyeuses qui mettent en valeur son timbre aérien. La chanteuse fait peu de disques. Seulement quatre albums depuis son premier en 2001. Elle a enregistré quelques morceaux avec Oliva mais c’est la première fois qu’un album entier les réunit. Øyvind Hegg-Lunde, un percussionniste norvégien choisi par Susanne, complète un trio qui se consacre largement à la musique de Jimmy Giuffre, des thèmes principalement issus des deux disques que ce dernier enregistra dans les années 70 pour le label Choice Records. Great Bird, un morceau de Keith Jarrett et quelques pièces d’Oliva complètent cet opus. Y ajoutant des paroles, allongeant ou contractant leurs syllabes, Susanne les chante magnifiquement.
Aaron PARKS : “Find the Way” (ECM / Universal)
Chronique dans Jazz Magazine n°694 - mai (Choc)
Artiste ECM et pianiste du quartette James Farm, Aaron Parks enregistra en 2011 un très bel album en solo (son premier) pour la firme munichoise. Il récidive avec ce disque en trio contenant de nombreuses ballades aux harmonies élégantes et sophistiquées. Par sa frappe énergique et sèche, son jeu expressif et varié, Billy Hart qui enregistre pour la première fois avec le pianiste, en tonifie quelque peu les musiques. Le batteur a convié à cette séance Ben Street, le bassiste de son propre quartette, le trio nous livrant un album lyrique et inspiré. Outre une version très « laid back » d’Unravel, pièce précédemment enregistrée par James Farm, Find the Way que chanta Rosemary Clooney sur des arrangements de Nelson Riddle témoigne de l’intelligence de Parks qui jouant un piano rubato, ne cesse de nous surprendre par ses lignes mélodiques chantantes, ses improvisations rêveuses qu’il sait rendre attachantes.
Gary PEACOCK Trio : “Tangents” (ECM / Universal)
Chronique dans Jazz Magazine n°698 - septembre (Choc)
Dans ce disque enregistré en trio avec Marc Copland au piano et Joey Baron à la batterie, Gary Peacock, 82 ans – il a accompagné Bill Evans, Paul Bley et servi le piano de Keith Jarrett pendant plus de trente ans –, fait chanter sa contrebasse comme il ne l’a encore jamais fait. Si la prise de son d’une rare précision y contribue beaucoup, la musique reste ici la préoccupation première de ce mélodiste. Comme lui, Copland et Baron préfèrent souvent ignorer les barres de mesure pour laisser la musique respirer, prendre le temps de se créer. Laissant la contrebasse défricher le terrain musical et occuper l’espace sonore, Copland cultive davantage l’abstraction que dans ses propres albums tout en faisant toujours tintinnabuler ses notes par des effets de pédales. Cette musique souvent onirique, le batteur la colore, la porte à faible volume tout en lui insufflant une dose subtile de rythme.
-Sylvain RIFFLET : “Re-Focus” (Verve / Universal)
Chronique dans Jazz Magazine n°699 - octobre (Choc)
Une vraie surprise, car les albums de Sylvain Rifflet, un excellent saxophoniste au demeurant, ne m’ont jamais convaincu. Ce concerto pour orchestre à cordes et saxophone dont le modèle avoué est le “Focus” de Stan Getz, m’a même réellement étonné. Si les arrangements pour cordes de Fred Pallem s’inspirent de ceux qu’Eddie Sauter écrivit pour Getz – Night Run ressemble même beaucoup à I’m Late, I’m Late qui ouvre le “Focus” de 1961 –, “Re-Focus” contient un autre répertoire et est loin d’être une relecture de l’original. Vibraphone et marimba y tiennent une place importante, de même que la batterie confiée à Jeff Ballard et présente dans cinq des neuf plages de l’album. Le plus bel hommage rendu à Stan Getz depuis sa disparition en 1991.
-Hervé SELLIN Quartet : “Always Too Soon” (Cristal / Sony Music)
Chronique dans le blog de Choc le 24 novembre
Dédié à Phil Woods qu’Hervé Sellin avait plusieurs fois accompagné en tournée, “Always to Soon” (Cristal / Sony Music) rassemble des musiques que le saxophoniste disparu en 2015 aimait jouer. Admirateur de Charlie Parker, Woods avait travaillé avec Lennie Tristano, et Thelonious Monk dont il fut membre du grand orchestre. Pour reprendre des thèmes de ce dernier, mais aussi Lennie’s Pennies, un des thèmes les plus célèbres de Tristano, Autumn in New York de Vernon Duke et une poignée de compositions originales, Pierrick Pédron s’imposait. Musicien à la sonorité d’alto généreuse, il enthousiasme par ses audaces et son jeu mélodique. Thomas Bramerie (contrebasse) et Philippe Soirat (batterie) complètent avec bonheur le quartette d’un admirable pianiste qui n’avait pas enregistré de disque depuis “Marciac New-York Express” en 2008.
Enregistré avec Sébastien Surel (violon), David Gaillard (alto) et Éric-Maria Couturier (violoncelle), quatuor à cordes à l’instrumentation inhabituelle, Jean-Philippe Viret, remplaçant le second violon par sa contrebasse, “Les idées heureuses” tourne autour de François Couperin. De ce dernier, La muse plantine, est la seule composition que contient cet album. Trois morceaux directement inspirés par trois de ses nombreuses pièces pour clavecin et cinq compositions personnelles deViret en complètent ce programme. Rendue intemporelle par un subtil mélange de timbres et de textures, cette musique heureuse, mi-écrite, mi-improvisée autour de mélodies séduisantes, remonte le temps – En un mot commençant relève davantage de Schubertque de Couperin – pour fondre son aspect baroque dans le jazz, voire le tango de notre siècle.
La découverte et la publication de l’intégralité de la musique enregistrée en 1959 par Thelonious Monk aux Nola Studios de New York pour le film de Roger Vadim, “Les liaisons dangereuses 1960” est un cadeau tombé du ciel. Avec Charlie Rouse au saxophone ténor, Sam Jones à la contrebasse, Art Taylor à batterie, et Barney Wilen présent sur quatre plages, Monk qui n’avait aucun nouveau morceau à proposer joua six de ses compositions habituelles, une improvisation autour d’un blues, et un gospel de Charles Albert Tindley. Une trentaine de minutes de la musique enregistrée ce jour-là seront utilisées dans le film. Joué par Monk en solo, Crepuscule With Nellie en constitua le générique.
Décembre. Pour le journaliste de jazz un moment de répit, les sorties d’albums se faisant plus rares jusqu’à la mi-janvier. Décembre, c’est aussi le temps des bilans et des récompenses. L’Académie du Jazz se réunira dans quelques jours pour voter ses prix qui seront décernés en janvier. Pas facile de choisir entre plusieurs centaines d’albums, même si les vraies réussites restent peu nombreuses. Mes Chocs de l’année qui vous seront dévoilés à la mi-décembre m’inspirent quelques réflexions que je vous soumets ici.
Naguère de tradition orale, le jazz est aujourd’hui enseigné dans des écoles à de jeunes musiciens qui débutent souvent par des études classiques. Le swing n’est plus leur préoccupation première. Jointes à une technique souvent phénoménale, leurs connaissances harmoniques leur permettent d’improviser autrement. Bien qu’ouverte à toute sortes de musiques, leur culture est d’abord européenne. Le rythme reste important mais les couleurs, les agencements de timbres, le sont pour eux bien davantage. Déjà l’auteur d’un disque autour de Domenico Scarlatti, le pianiste Enrico Pieranunzi enregistra il y a quelques mois un album avec Bruno Canino, un ardent défenseur de la musique contemporaine, naguère l’accompagnateur attitré de la cantatrice Cathy Berberian. Ensemble, ils reprennent des pièces de compositeurs des deux Amériques. Jazz, musique classique ? On peut aussi se le demander à l’écoute du dernier album de Fred Hersch, un opus en solo que la musique classique imprègne fortement. Quant au “Re-Focus” du saxophoniste Sylvain Rifflet enregistré avec un orchestre de cordes, ou au disque récent d’Hervé Sellin judicieusement intitulé “Passerelles” et consacré à des relectures d’œuvres de Robert Schumann, Claude Debussy, Erik Satie et Henri Dutilleux, ils mêlent habilement les deux genres.
Ce rapprochement du jazz et de la musique classique est également perceptible dans les derniers disques de Michel Portal et de Jean-Philippe Viret. Le premier, un merveilleux interprète de Mozart, l’a enregistré avec un quatuor à cordes. Le second aussi, remplaçant le second violon par sa contrebasse. Son hommage à François Couperin dont il emprunte un morceau, La muse plantine, et qui s’inspire de ses pièces pour clavecin, réunit jazz et musique de chambre. D’autres albums enregistrés avec des cordes témoignent d’un certain rapprochement du jazz et de la musique contemporaine. C’est ce que propose le trio réunissant Louis Scavis, Dominique Pifarély et Vincent Courtois, le violoncelle de ce dernier, associé à deux saxophonistes – Daniel Erdmann et Robin Fincker – parvenant à rendre profondément neuve et à donner des couleurs inédites à des musiques de films.
« Il faut agrandir le jazz pour ne pas avoir à en sortir. » écrivait André Hodeir dans “Hommes et problèmes du jazz”. Compositeur français, il fut le premier à intégrer le vocabulaire sériel à une partition de jazz et le premier à réaliser un morceau de jazz pour bande magnétique, piano et section rythmique. Ce jazz que l’on n’a jamais très bien pu définir, les musiciens européens l’agrandissent par leurs libres improvisations, en sautent les barrières ou en ouvrent les claies, barres de mesure souvent incompatibles avec la riche polyrythmie qu'ils proposent. Alors que la musique contemporaine officielle, très sèche, très aride et très peu mélodique, cherche désespérément un public, le jazz européen dont les réussites furent particulièrement nombreuses en 2017, en particulier dans le jazz français, dévoile une musicalité autrement plus séduisante. Et si le jazz était la musique contemporaine d’aujourd’hui ? On peut se poser la question.
QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT
-Sheila Jordan au Sunside le 1er et le 2 décembre. Née en 1928, la chanteuse n’est plus toute jeune et sa voix fragile qui tend vers l’épure n’est plus tout à fait la même que celle de ses débuts. “Portrait of Sheila”, son premier disque pour Blue Note en 1962 avec Steve Swallow, inaugura une série d‘albums enregistrés avec des bassistes, Arild Andersen, Harvie Swartz et Cameron Brown magnifiant et révélant sa voix dans plusieurs de ses disques. Enregistré pour ECM en 1979, “Playground” reste le meilleur disque du quartette qu’elle codirigea avec le pianiste Steve Kuhn de 1979 à 1982. Patrick Cabon (piano), Frédéric Loiseau (guitare), Gary Brunton (contrebasse) et Karl Jannuska (batterie) accompagneront au Sunside cette grande Dame du jazz vocal.
-François Couturier et son Tarkovsky Quartet au Bal Blomet le 2. Le violoncelle d’Anja Lechner, l’accordéon de Jean-Louis Matinier, le saxophone soprano de Jean-Marc Larché et le piano de François déploient les somptueuses couleurs d’une musique acoustique reflétant l’âme slave et inquiète d’Andreï Tarkovsky, le cinéaste préféré de Couturier. Véritable méditation poétique, “Nuit Blanche” (ECM), le troisième album de la formation publié au printemps dernier, nous fait passer de l’autre côté du miroir, dans le monde du rêve dont il rapporte des images.
-Si vous avez manqué le New Monk Trio de Laurent de Wilde au Bal Blomet en octobre, le Duc des Lombards lui ouvre ses portes trois soirs de suite, du 4 au 6 décembre. Avec Jérôme Regard à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie, Laurent vient de publier un album entièrement consacré à Thelonious Monk dont vous trouverez la chronique dans ce blog. Relecture très personnelle de la musique du compositeur dont on fête ces jours-ci le 100ème anniversaire de sa naissance, “New Monk Trio” (Gazebo / L’Autre Distribution) donne d’autres couleurs, d’autres rythmes à des thèmes qui nous sont familiers. Auteur d’un livre incontournable sur Monk en 1996, Laurent ose enfin jouer sa musique et il le fait magnifiquement.
-Airelle Besson (trompette), Édouard Ferlet (piano) et Stéphane Kerecki (contrebasse) au Café de la Danse le 4. Un label de musique classique, les réunit dans un programme mêlant des œuvres classiques – la Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel, la Pavane Opus 50 de Gabriel Fauré – à des compositions originales. Ils sont tous les trois sensibles au répertoire classique, à l’harmonie et à la manière dont le son circule dans leurs morceaux. Ils improvisent avec toujours la mélodie en point de mire sans qu’un instrument domine les autres. Bénéficiant d’une prise de son très soigné, “Aïrés” (Alpha / Outhere) est un très beau disque de jazz de chambre. Soon de Kerecki, L’Histoire d’un enfant de Saint-Agil de Ferlet et la Valse Sentimentale Opus. 51 de Piotr IlitchTchaïkovsky sont des pièces très réussies.
-Le 5 au Studio de l’Ermitage (20h30), concert de sortie des deux albums que vient de faire paraître Hervé Sellin. Ce dernier s’est récemment produit à la tête d’un All Stars dans le Studio 104 de Radio France pour fêter le centième anniversaire de la naissance de Thelonious Monk. Très occupé par ses élèves – professeur au CNSM de Paris, il dirige aussi les ateliers jazz de Science-Po Paris –, le pianiste s’est fait discret ces dernières années. Aucun disque publié depuis “Marciac New-York Express” enregistré en tentet en 2008 jusqu’à ces deux nouveaux opus édités ces jours-ci. Hommage à Phil Woods, “Always Too Soon” réunit Pierrick Pédron (saxophone alto), Thomas Bramerie (contrebasse) et Philippe Soirat (batterie). Rencontre réussie du jazz et de la musique classique, “Passerelles” fait appel à une seconde pianiste, Fanny Azzuro, dans Les Scènes d’enfants de Robert Schumann, les autres musiciens étant trois de ses élèves du CNSM : Rémi Fox (saxophone soprano), Emmanuel Forster (contrebasse) et Kevin Lucchetti (batterie).
-Orbit, un nouveau trio réunissant le pianiste Stéphan Oliva, le bassiste Sébastien Boisseau et le batteur Tom Rainey, donnera son premier concert parisien à Paris le samedi 9 décembre à 20h30 au 19 Paul Fort, 19 rue Paul Fort dans le 14ème arrondissement, une ancienne usine devenu un lieu d’expositions, de concerts et le domicile d’Hélène Aziza qui invite les artistes qu’elle apprécie et accompagne. Faisant constamment circuler une musique très libre évoquant des sensations, des images, Orbit qui donna son premier concert en mai 2016 à l’Abbaye de l’Épau dans le cadre de l’Europa Jazz Festival, reprend d’anciennes compositions d’Oliva (Intérieur Nuit, Portrait of Gene Tierney, Spirales, Stéréoscope) et des thèmes de Boisseau (Wavin, Lonyayutca). Réservation conseillée (helenaziza@19paulfort.com). Tarif unique: 15€.
-La 15ème édition de l’incontournable You & The Night & The Music qu’organise chaque année la radio TSF Jazz, se déroulera le 11 à la Salle Pleyel. Au programme : douze orchestres comme autant de mois qui défilent, soit 3 heures de musique. Les deux orchestres de cérémonie sont le Bigre Big Band et le Projeto Coisa Fina. Au programme : Miles Sanko, Deva Mahal, Mathias Levy, China Moses, Shabaka Hutchings & Sons of Kemet, Julie Saury Sextet, Tony Allen, Camille Bertault, les Doigts de l’Homme, Jowee Omicil, André Manoukian, Laurent de Wilde Monk Trio, Gaël Horellou, Fred Nardin Trio, Rémi Panossian Trio, Arnaud Dolmen et des invités surprise.
-La pianiste roumaine Ramona Horvath vient également de faire paraître un album et est attendue au Sunside le 13 pour en fêter la sortie. Enregistré avec Nicolas Rageau (contrebasse) et Philippe Soirat (batterie), André Villéger s’y faisant entendre au saxophone ténor dans trois plages, “Lotus Blossom” (Black & Blue / Socadisc) est largement consacré à des standards, Ramona signant toutefois trois compositions originales. Le disque contient des duos, des trios, des morceaux en quartette et une magnifique version en solo de Lotus Blossom (Billy Strayhorn) qui lui donne son titre. Avec sensibilité, la concertiste classique (Ramona Horvath est diplômée du Conservatoire de Bucarest) trempe ses mains agiles dans le swing d’un jazz intemporel. L’élégante Micutul Valse de Nicolas Rageau mérite bien sa place ici. Superbe version de All the Things You Are. Longuement introduite en solo, André Villéger y prend un tendre et émouvant chorus.
-Après “The Key” en 2014, le pianiste Jerry Léonide sort un nouvel enregistrement “Source of the Ocean” (Assai / Socadisc). En quartette, il en présentera la musique au Sunside le 16 décembre. Avec lui, deux des musiciens de l’album, Sylvain Gontard (bugle) et Gino Chantoiseau (contrebasse), Christophe Chrétien remplaçant à la batterie Jhonny Joseph qui apporte une grande variété de rythmes à ce nouvel opus. L'album entremêle avec bonheur le jazz et le séga, la musique traditionnelle de l’île Maurice. Excellent pianiste – il fut en 2013 le lauréat du concours international de piano solo du festival de Jazz de Montreux –, Jerry Léonide ornemente, assure la primauté de la ligne mélodique, et pose de belles couleurs sur la musique d'un disque très réussi.
-Occupé par ses nombreux projets musicaux, le bassiste Jean-Philippe Viret délaisse un peu le trio qu’il partage avec le pianiste Édouard Ferlet et le batteur Fabrice Moreau. Ne manquez donc pas leurs retrouvailles au Sunside le 22. Nos trois musiciens servent les mélodies chantantes qu’ils inventent – certaines pourraient constituer de bonnes musiques de films – y déposent des harmonies quelque peu irréelles pour décrire des paysages brumeux et mélancoliques. Ici l’art de la fugue voisine avec le blues, le vocabulaire du trio relevant autant de la musique classique européenne que du jazz. D’autres morceaux plus abstraits reposent sur l’habileté des musiciens à penser de longues improvisations oniriques. Le silence aère alors la musique, et la fait magnifiquement respirer.
-Jacky Terrasson en trio au Sunside les 28, 29 et 30 décembre (deux concerts par soir, à 19h30 et à 21h30). Il habite New-York et joue moins souvent dans les clubs parisiens. Il y a un an, Jacky se produisait presqu’aux mêmes dates au Sunside avec Stéphane Belmondo pour y interpréter “Mother” (Impulse !), quatorze morceaux parmi lesquels des standards, des ballades mélancoliques à l’atmosphère feutrée. Pour ces trois soirs de concerts, il vient à Paris avec Ali Jackson, le batteur de Wynton Marsalis et du Lincoln Center Orchestra, l’excellent Thomas Bramerie complétant son trio. Possédant autant d’expérience que de technique, Jacky Terrasson peut difficilement donner un mauvais concert. En forme, il rejoint les plus grands. Rêveur ou énergique selon les besoins de son répertoire, son piano bénéficie de son jeu très physique. Ancré dans le blues et dans le rythme, il ne peut que s’accorder au groove de son batteur.
MAIS AUSSI EN JANVIER…
-Laurent Mignard et son Duke Orchestra au Pan Piper du 5 au 7 janvier (5 représentations) pour une adaptation scénique de “Mary Poppins”. En 1964, Walt Disney adaptait le livre de Pamela Lyndon Travers. Quelques mois plus tard, Duke Ellington publiait un album d’arrangements deschansons du film. Richard et Robert Sherman en avaient écrit les musiques.Laurent Mignard en propose pour la première fois la mise en scène dans un spectacle musical participatif tout public avec, dans le rôle de Mary Poppins, la comédienne et chanteuse Sophie Kaufmann.
-Enrico Pieranunzi au Studio 104 de Radio France (20h00) le 13 janvier dans le cadre de l’émission Jazz sur le Vif. Avec lui, Diego Imbert (contrebasse) et André Ceccarelli (batterie), des musiciens qui l’accompagnent dans le formidable “Ménage à trois” (Bonsaï Music) publié l’an dernier. Un disque dans lequel le pianiste romain adapte des pièces du répertoire classique, des œuvres de Claude Debussy, Gabriel Fauré, Francis Poulenc, Erik Satie qu’il transforme en véritables morceaux de jazz. La chanteuse Claudia Solal et Benjamin Moussay (piano, Fender Rhodes, claviers), qui viennent de faire paraître “Butter in my Brain” chez Abalone, en assureront la première partie.
-Lauréate du Prix du Jazz Vocal de l’Académie du Jazz en 2013 et en 2015, Cécile McLorin Salvant se produira le 15 janvier dans l’auditorium de la Seine Musicale (20h30) avec Aaron Diehl (piano), Paul Sikivie (contrebasse) et Lawrence Leathers (batterie). Au programme : de larges extraits de “Dreams and Daggers” (Mack Avenue / Pias), un disque enregistré en public au Village Vanguard dont vous trouverez une excellente chronique dans ce blog. Lauréate de la prestigieuse Thelonious Monk Competition en 2010, Cécile possède une voix en or, chante magnifiquement le blues, et est considérée à juste titre comme la meilleure chanteuse de la planète jazz.