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23 septembre 2016 5 23 /09 /septembre /2016 09:27
Nels CLINE : “Lovers” (Blue Note / Universal)

Peu d’amateurs de jazz connaissent Nels Cline. Normal ! Né à Los Angeles en 1956, il est depuis douze ans le guitariste de Wilco, un célèbre groupe de rock alternatif, et s’il a participé à l’enregistrement de quelques deux cents albums, peu d’entre eux relèvent du jazz. Très lié au regretté Jim Hall, dédicataire du présent disque, Nels a toutefois joué avec des jazzmen, avec Charlie Haden, Bill Frisell, Tim Berne et Julius Hemphill pour ne citer qu’eux. Un de ses albums est entièrement consacré à la relecture de “Interstellar Space”, un opus de John Coltrane de 1967. On n’attendait toutefois pas un disque de Nels Cline sur Blue Note. Il rêvait de l’enregistrer depuis plus de vingt ans et avait toujours prévu de l’appeler “Lovers”.

Nels CLINE : “Lovers” (Blue Note / Universal)

Le guitariste souhaitait retrouver dans son disque un peu de la musique de ses arrangeurs préférés, celle de Gil Evans, Quincy Jones, Gary McFarland, Johnny Mandel et Henry Mancini. Certains d’entre eux donnèrent à la « musique d’ambiance » ses lettres de noblesse, gommant l’aspect péjoratif qui souvent la qualifiait. Nels Cline revendique cette idée par trop subjective de musique d’ambiance, « un lien aussi étrange que puissant entre son et chanson, désir et amour ». Sachant parfaitement comment devaient sonner des morceaux qu’il souhaitait depuis longtemps inclure dans son album (Beautiful Love et Secret Love notamment), il chargea Michael Leonhart (avec lequel il pose sur la photo ci-dessous) de donner des couleurs à ses rêves, de traduire en sonorités spécifiques ses propres compositions et un matériel thématique singulièrement éclectique. « Je ne voulais pas trop de saxophones, mais des clarinettes et des flûtes. » précise Cline dans ses notes de pochette. Michael a parfaitement compris ce que voulait le guitariste : un habillage sonore élégant, une musique d’ambiance sophistiquée et romantique relevant de la musique de film et du jazz.

Nels CLINE : “Lovers” (Blue Note / Universal)

Cinq jours de studio furent nécessaires à l’enregistrement de ce double CD produit par David Breskin. Un sixième fut consacré à la prise de son des cordes et de la harpe. Il réunit vingt-trois musiciens et contient dix-huit morceaux instrumentaux. Huit d’entre eux sont au départ des chansons dont les paroles figurent sur la pochette. La guitare de Cline se substitue aux vocalistes qui nous les firent connaître. Certaines viennent de comédies musicales : Why Was I Born ? de “Sweet Adeline”, Glad to Be Unhappy de “On Your Toes”, I Have Dreamed de “The King and I” (“Le Roi et moi”). D’autres ont été composées pour des films. Secret Love est ainsi extrait de “Calamity Jane” (“La Blonde du Far West”, 1953). Doris Day en est la vedette. Bande-son d’un film que Gottfried Reinhardt réalisa pour la MGM en 1952, Invitation est de Bronislaw Kaper, un compositeur cher à l’amateur de jazz pour avoir écrit On Green Dolphin Street. Popularisée en 1931 par le Wayne King Orchestra, Beautiful Love, une valse un peu désuète, cohabite avec les chansons plus contemporaines que sont It Only Has to Happen Once, coécrit par le guitariste Arto Lindsay une des grandes influences de Cline, et Snare Girl, chanson extraite de “A Thousand Leaves”, un album des Sonic Youth, groupe de rock américain que le guitariste apprécie.

Les autres pièces ont été initialement conçues comme des instrumentaux. Parmi elles, des musiques de film, “The Night Porter” (“Portier de Nuit”) couplée avec “Max mon Amour”, musique de Michel Portal. Composé par Henry Mancini pour “Breakfast at Tiffany’s” (“Diamants sur canapé”), The Search for Cat et ses violoncelles qui lui confère un aspect quelque peu dramatique, est selon Nels Cline le morceau qui reflète le mieux son album. Si son délicat jeu de guitare et son phrasé relèvent du jazz, Nels ne dédaigne pas les pédales d’effets, les sonorités étranges. Il s’agit aussi d’élargir la palette de ses timbres car il est presque le seul soliste de ces deux CD(s). Glad to Be Unhappy et Why Was I Born ? contiennent de courts solos de trompette (avec effets de growl) et You Noticed, une de ses propres compositions, renferme un bref chorus de saxophone ténor.

Nels CLINE : “Lovers” (Blue Note / Universal)

Quelques thèmes ont été écrits par des jazzmen. Lady Gábor du guitariste Gábor Szabó date de son séjour chez Chico Hamilton. Les flûtes y sont à la fête au sein d’une orchestration vaguement orientale. Celle de Cry, Want que Jimmy Giuffre enregistra à New York en 1961 avec Paul Bley et Steve Swallow est minimaliste. Une contrebasse, une batterie modulant des sons, un marimba, quelques rares tuttis dissonants de trompette dans le lointain accompagnent la guitare qui reprend la partie de clarinette de Giuffre, un thème obsédant répété ad libitum. Faisant écho aux longues nappes sonores de l’Introduction, un très long larsen sépare So Hard It Hurts de Touching, deux compositions d’Annette Peacock. Basson, flûtes et clarinettes en exposent le thème méditatif que reprend et développe la guitare. Une harpe double cette dernière dans les premières mesures de The Bond, une pièce de Nels Cline dédiée à sa femme Yuka, un morceau très simple et très doux qui referme les portes de cet album longtemps rêvé, aussi étonnant qu’inattendu.

Photos X/D.R.

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15 septembre 2016 4 15 /09 /septembre /2016 10:51
Giovanni GUIDI - Gianluca PETRELLA - Louis SCLAVIS - Gerald CLEAVER : “Ida Lupino” (ECM / Universal)

Un premier album en 2006 sur le label Venus, quatre autres sur Cam Jazz et enfin deux disques sur ECM parmi lesquels le remarquable “This Is The Day” en trio, l’un des 12 Chocs 2015 de ce blogdeChoc, ont suffi à placer Giovanni Guidi dans le peloton de tête des meilleurs pianistes italiens. Ses disques se suivent mais ne se ressemblent pas. Contrairement à “This Is The Day” dont les mélodies lumineuses interpellent, “Ida Lupino” fait entendre une musique plus introspective, un matériel thématique très largement improvisé que les musiciens réunis ici, tous sur la même longueur d’onde, rendent singulièrement inventif.

Giovanni GUIDI - Gianluca PETRELLA - Louis SCLAVIS - Gerald CLEAVER : “Ida Lupino” (ECM / Universal)

Bien que l’étroite complicité unissant le piano de Giovanni Guidi au trombone de Gianluca Petrella soit ici au cœur du dispositif orchestral, la présence de Louis Sclavis aux clarinettes et de Gerald Cleaver à la batterie est loin d’être anodine. Cleaver joue d’ailleurs sur un des meilleurs opus de Guidi, “We Don’t Live Here Anymore”, un enregistrement new yorkais offrant une musique très libre, proche de celle que contient ce nouvel album. Ida Lupino et Per i morti di Reggio Emilia, un thème de l’auteur-compositeur-interprète turinois Fausto Amodei en sont les seules pièces écrites. Presque tout le reste a été improvisé en studio bien qu’ici ou là surgissent parfois des airs, des mélodies préalablement existantes. Les musiciens ont spontanément créé et structuré ces morceaux plus ou moins abstraits, plus ou moins lyriques. Improvisation collective sans thème préétabli, No More Calypso relève même du free jazz. Things We Never Planned (« Choses que nous n’avons jamais planifiées ») est un titre explicite.

Giovanni GUIDI - Gianluca PETRELLA - Louis SCLAVIS - Gerald CLEAVER : “Ida Lupino” (ECM / Universal)

Si la dynamique, la résonance, la durée de chaque note lui importent toujours, Giovanni Guidi s’efface, laisse de la place au trombone, aux clarinettes de Sclavis. Ce dernier marque de son empreinte Just Tell Me Who It Was, une mélopée orientale, une danse que rythme un piano discret et une batterie très présente. La clarinette introduit aussi La Terra et expose la superbe mélodie d’Ida Lupino, un des plus beaux thèmes de Carla Bley que Paul Bley immortalisa. Le piano y tient un rôle modeste et les parties improvisées sont réduites au minimum. Interlocuteur privilégié du piano, le trombone y assure les contrechants. C’est à lui que sont confiés les chorus de What We Talk About When We Talk About Love, une pièce à la pulsation rythmique régulière. Dans Per i morti di Reggio Emilia, l’instrument multiplie les effets de growl. Probable hommage au saxophoniste argentin Gato Barbieri qui nous a quitté le 2 avril, Gato incite au recueillement. Le piano martèle une note grave comme pour sonner le glas. Le trombone monologue, pleure, et nous émeut. Le piano conclut seul par une mélodie aussi délicate qu’inattendue. Autre lamento, The Gam Scorpions met en valeur le délicat toucher du pianiste qui affirme un ample jeu mélodique. La batterie commente, pose des couleurs ; trombone et piano chantent de concert, se hissent au-delà des cimes. On est alors dans les étoiles.

Photos © Caterina di Perri / ECM Records

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8 septembre 2016 4 08 /09 /septembre /2016 16:00
J. TERRASSON / S. BELMONDO “Mother” (Impulse ! / Universal)

En 2012, Jacky Terrasson invitait Stéphane Belmondo à participer à l’enregistrement de “Gouache” à Pompignan au Studio Recall de Philippe Gaillot. Stéphane fit de même quelques mois plus tard, conviant Jacky à jouer des claviers dans “Ever After”, un disque également enregistré à Pompignan, aux portes des Cévennes. L’endroit est particulièrement propice à la musique, surtout au printemps et en été lorsque les musiciens peuvent profiter de la piscine alimentée en eau de source. Au cœur d’un vaste domaine de cinq hectares, un grand mas en pierre de taille abrite le studio et ses larges baies vitrées. Jacky y a créé plusieurs albums. Les 88 touches du Steinway D mis à disposition n’attendent que ses doigts pour faire naître sa musique. Stéphane y a également ses habitudes. Son “Love for Chet” y a été enregistré, et lorsqu’un disque avec Jacky fut envisagé, le Studio Recall s’imposa naturellement.

J. TERRASSON / S. BELMONDO “Mother” (Impulse ! / Universal)

Une trentaine de morceaux y furent enregistrés en trois jours. « Les ballades sonnaient particulièrement bien. Elles avaient une beauté et une atmosphère bien à elles » confie Jacky Terrasson dans le dossier de presse. Elles sont donc largement majoritaires dans cet album lumineux qui traduit constamment les états d’âme, les émotions des musiciens. “Mother” rassemble quatorze morceaux dont de nombreux standards, Pompignan et Pic Saint-Loup (un des bons vins de la région) étant de courts intermèdes improvisés. Il s’ouvre sur First Song, probablement la partition la plus jouée de Charlie Haden et se referme sur une sobre version de Que reste-t-il de nos amours, deux morceaux mélancoliques qui traduisent l’atmosphère feutrée de l’album. Le bugle et sa sonorité plus ronde, plus douce que celle de la trompette, convient bien aux ballades intimistes. Stéphane l’utilise dans La chanson d’Hélène que Jacky enrichit d’harmonies délicates et dans Mother, une des plus belles compositions du pianiste. “Gouache” en contient une version en quartette mais celle du nouveau disque est particulièrement émouvante. Il devait s’intituler “Twin Spirit” mais avec la disparition de la mère de Jacky en juin, “Mother” s’imposa comme titre d’album. Écrit par Stéphane et également jouée au bugle, Souvenirs n’est pas non plus dénué de vague à l’âme. Un piano espiègle en marque la cadence.

Ailleurs, la trompette prend le relais. Stéphane et Jackie rivalisent de virtuosité dans In Your Own Sweet Way et s’amusent à croiser leurs lignes mélodiques dans Lover Man abordé sur tempo médium. Autre grand standard, You Don’t Know What love Is brillamment harmonisé révèle le pianiste romantique qui tire des notes exquises de son instrument. Une reprise humoristique d’un thème de Stéphane Grappelli, les Valseuses, est l’occasion de rendre hommage au jazz d’antan. Jacky adopte une cadence de stride et, utilisant sa sourdine, Stéphane ajoute des effets de growl à cette musique chaloupée. La main gauche du pianiste donne son délicat balancement à Hand in Hand, morceau également joyeux et primesautier. Dans Fun Keys, un thème riff trempé dans le blues, un morceau rapide, le piano est aussi un instrument de percussion. Le blues reste également très présent dans les fermes accords de piano qui rythment You Are The Sunshine of My Life de Stevie Wonder. Sa mélodie reste longtemps masquée, le jeu très physique de Jackie se voyant tempéré par la trompette délicate de Stéphane. Deux complices assurément.

Photos : Philippe Levy-Stab

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1 septembre 2016 4 01 /09 /septembre /2016 10:10
Été meurtrier

Drôle de rentrée : cet été, quelques grands noms du jazz ont rejoint les étoiles, tiré leur révérence à ce bas-monde en ébullition. Leurs sorties – leurs toutes dernières, hélas! – pèsent lourd dans un paysage jazzistique de plus en plus diversifié, de plus en plus désertifié. Bobby Hutcherson décédé le 15 août, Louis Smith le 20, Toots Thielmans le 22, étaient irremplaçables. Avec eux disparaît un peu de la mémoire du jazz, une musique aux profondes racines dont l’histoire peu à peu s’estompe, se brouille, une époque où le jazz ressemblait encore à du jazz. Tous partis à des âges respectables après nous avoir beaucoup donné : 75 ans pour le vibraphoniste, 85 pour Smith trompettiste trop méconnu, 94 pour Toots dont on n’est pas prêt d’oublier l’harmonica dans “Affinity”, un des chefs-d’œuvre de Bill Evans. Ajoutons à cette liste André Clergeat, coauteur du Dictionnaire du Jazz et membre fondateur de l’Académie du Jazz, disparu le 23 juillet à 89 ans ; Rudy Van Gelder le sorcier d’Hackensack, parti le 25 août, fermement décidé à 91 ans de poursuivre là haut ses enregistrements. La veille, l’écrivain Michel Butor, 89 ans, s’éteignait. Je l’entends encore réciter ses poèmes sur la scène du Réservoir, une salle de la rue de la Forge Royale, en novembre 2012, Marc Copland les colorant de notes tintinnabulantes, d’harmonies féériques. Leur disque qui s’intitule “Le long de la plage” me le fait beaucoup regretter.

 

Malgré toutes ces sorties, c’est la rentrée avec comme chaque année l’incontournable festival de Jazz à la Villette (du 30 août au 11 septembre) et les Trophées du Sunside du 5 au 7 septembre, l’occasion de découvrir de jeunes et talentueux musiciens qui demain peut-être assureront la relève. Les disques aussi font leur rentrée. ECM fait paraître un nouveau disque du pianiste Giovanni Guidi en quartette. Un coffret Keith Jarrett est prévu en octobre. Intitulé “A Multitude of Angels”, il réunit en 4 CD des concerts donnés en 1996 à Modène, Ferrare, Turin et Gênes. Les nouveaux albums de Jacky Terrasson / Stéphane Belmondo, de John Scofield et un inédit du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden sont attendus sur Impulse. Steps, le groupe du vibraphoniste Mike Mainieri bénéficie du WDR Big Band de Cologne dans un enregistrement époustouflant et dans “Riddles”, associé au pianiste Ray Lema, Laurent De Wilde tricote des rythmes subtropicaux. Pas de doute, l’automne sera très chaud.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Été meurtrier

-Dans le cadre du festival Jazz à la Villette, la Cité de la Musique fêtera le 2 juillet les 30 ans de l’Orchestre National de Jazz en présence des chefs qui l’ont dirigé depuis 1986, François Jeanneau, Antoine Hervé, Claude Barthélemy, Denis Badault, Laurent Cugny, Didier Levallet, Paolo Damiani, Franck Tortiller, Daniel Yvinec et Olivier Benoit. Après une première partie consacrée à la suite orchestrale “Europa Berlin”, l’ONJ aujourd’hui confié à Olivier Benoit reprendra onze morceaux puisés dans le répertoire des formations précédentes, Elise Caron et Yael Naim se chargeant des parties vocales. Il sera accompagné de dix musiciens, élèves ou anciens élèves du CNSM de Paris et de la Norges Musikkhøgskole, l’Académie Norvégienne de Musique.

Été meurtrier

-Baptiste Herbin au Sunside le 2 et le 3. Avec lui deux des musiciens de “Brother Stoon”, un disque que je préfère à “Interférences”, son second album, à savoir Pierre de Bethmann au piano et Sylvain Romano à la contrebasse. Le batteur Rémi Vignolo complète le quartette du saxophoniste que l’on croise souvent rue des Lombards avec ses instruments (alto et soprano). Car, Baptiste aime les rencontres imprévues, les musiques qui s’improvisent dans le feu de l’action. Il n’hésite jamais à faire le bœuf avec les musiciens qu’il croise et apprécie. Son retour au Sunside est à suivre de près.

Été meurtrier

-Sous l’intitulé Under the Radar, Jazz à la Villette assure un « off » dans différentes salles de la capitale. Le Studio de l’Ermitage accueille ainsi le 4 à partir de 17h00 le Régis Huby Quartet Régis Huby (violon et électronique), Marc Ducret (guitare), Bruno Angelini (piano, Fender Rhodes), Michele Rabbia (percussions, électronique) – puis en duo les pianistes Stephan Oliva et François Raulin qui viennent de sortir un nouvel opus sur le label Abalone. Disque hommage à quelque unes de leurs « figures » inspiratrices, “Correspondance” est un grand coup de chapeau à Martial Solal, György Ligeti, Randy Weston, Henri Dutilleux, Paul Bley, Colon Nancarrow et quelques autres. Un disque parfois difficile mais qui recèle bien des surprises, l’inattendu étant souvent convié dans cet enregistrement plein de couleurs et de fantaisie.

Été meurtrier

-Tête d’affiche de cette édition 2016 du festival Jazz à la Villette, le pianiste Chick Corea se produira en duo avec Gary Burton au vibraphone le 4 à la grande halle (17h00), le quartet Flash Pig se chargeant de leur première partie, et retrouvera le 5 à la Philharmonie (20h00) le bassiste Avishai Cohen qui fut membre de son New Trio en 2001, l’excellent batteur Marcus Gilmore rythmant leurs retrouvailles. Écoutez ou réécoutez “Past, Present & Futures” enregistré cette année-là avec Jeff Ballard à la batterie. Avishai Cohen n’a pas encore enregistré les disques insipides qui lui ont apporté la notoriété. Avec Chick, il invente de solides lignes de basse et enrichit avec bonheur les compositions du pianiste. On attend beaucoup de cette rencontre. Souhaitons-la prometteuse.

Été meurtrier

-Le Gustave Reichert Project, Nefertiti, Steak, le PMC Quintet, les formations de Julien Marga, de Laura David, Maxime Berton, Pierre Marcus et le trio EYM sont au programme de la 16ème édition des Trophées du Sunside, du 5 au 7 septembre inclus, trois chaudes soirées musicales pendant lesquelles l’entrée sera libre et les consommations obligatoires. Qui remportera cette année le Prix de Groupe, celui de Soliste et de Composition ? Avant eux des groupes, des musiciens alors inconnus gagnèrent cette compétition. Yaron Herman, Leila Olivesi, Scott & Tony Tixier, Fiona Monbet et Chloé Cailleton lui doivent le démarrage de leur carrière.

Été meurtrier

-Le 6, dans la grande halle de La Villette, le pianiste cubain Chucho Valdés fera revivre la musique d’Irakere (Jungle en Yoruba), formation qu’il mit sur pied en 1973 et avec laquelle il rénova la musique cubaine, par l’introduction de nouveaux rythmes. Avec lui, une formation comprenant trois trompettistes, trois saxophonistes avec Kenny Garrett spécialement invité pour ce concert, un bassiste, un batteur, et deux percussionnistes, l’un d’entre eux, Dreiser Durruthy Bombalé assurant également les parties vocales. Outre les morceaux emblématiques d’Irakere (Bacalao Con Pan, Misa Negra), Chucho proposera des compositions plus récentes et des « classiques » de la musique cubaine (Tabú, Los Caminos), morceaux que l’on peut découvrir dans son dernier album, “Tribute to Irakere (Jazz Village), enregistré live à Marciac en août 2015.

Été meurtrier

-Un double plateau le 7 à la Cité de la Musique. Jacky Terrasson retrouve son complice Stéphane Belmondo, histoire de fêter la sortie de l’album qu’ils ont enregistré en duo pour le label Impulse ! “Mother”, une composition que Jacky a déjà enregistrée avec Stéphane en 2012, l’un des plus beaux morceaux de “Gouache”, donne son nom à ce nouvel album. Stéphane y joue davantage de trompette que de bugle. Jacky accompagne, son piano se faisant rêveur ou mélancolique, puissant et énergique selon les besoins d’un répertoire mêlant standards et compositions originales. En quartette avec Yonathan Avishai (piano), Barak Mori (contrebasse) et Nasheet Waits (batterie), le trompettiste Avishai Cohen assurera la seconde partie du concert. Économisant ses notes, l’utilisation fréquente de la sourdine donnant à son instrument une sonorité ample et profonde, Avishai joue de longues phrases tranquilles et aérées. Modale, mélancolique, jamais tributaire des barres de mesure, la musique de son dernier disque ECM accueille constamment le silence.

Été meurtrier

-Si vous avez manqué le concert de sortie d’album que Manuel Rocheman donna le 22 juin dernier au Duc des Lombards (avec Mathias Allamane à la contrebasse et Matthieu Chazarenc à la batterie), sachez que le pianiste se produira au Sunside le 9 et le 10 avec le même trio. Au programme, les compositions du nouveau disque “misTeRIO” (Bonsaï Records), des pièces vives, savamment architecturées et aux harmonies chatoyantes.

Été meurtrier

-Le 11 à 17h00, à la Philharmonie, Echoes with a friend réunit Geri Allen et Craig Taborn autour d’un autre pianiste, McCoy Tyner né en décembre 1938, Gerald Cannon (contrebasse) et Francisco Mela (batterie) complétant la formation. Découvert au sein du Jazztet d’Art Farmer et Benny Golson, puis pianiste attitré de John Coltrane, McCoy, apporta au piano jazz sa couleur modale. Disposant d’une solide main gauche, appréciant ornementations et arabesques, son jeu exubérant, puissant et percussif est également d’une grande invention mélodique. Geri Allen qui ne lui a jamais caché son admiration lui rend hommage dans “Flying Toward The Sound”, un album solo de 2010. Quant à Craig Taborn, il s’est fait connaître auprès de James Carter qu’il accompagne dans ses premiers disques. Pianiste associé à l’avant-garde new-yorkaise, il recherche l’abstraction, la liberté tonale, mais attache beaucoup d’attention aux timbres et aux harmoniques, ses improvisations souvent oniriques tempérant la modernité de son piano.

Été meurtrier

-Double plateau le 21 au Studio de l’Ermitage qui accueille quelques artistes du collectif Le Maxiphone possédant désormais son propre label, des musiciens de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente associés à la scène conventionnée de Tulle. Si le disque de jazz rock du groupe Mental Medication ne m’a point convaincu, celui en solo du pianiste Didier Fréboeuf, m’incite à vous conseiller ce concert. Loin de jouer des notes inutiles, Didier Fréboeuf poétise chacune de ses notes, parvient à les rendre constamment fluides, lisibles et attachantes, sa technique servant la musique, rien que la musique. Ne laissez pas passer l’opportunité de découvrir ce musicien sur une scène parisienne.

Été meurtrier

-Ils étaient le 15 juin dernier au New Morning. Ils sont attendus au Sunside le 23. Madeleine, c’est la chanteuse Clotilde Rullaud et Salomon le pianiste Alexandre Saada. Ils se sont associés à l’occasion d’une tournée en Asie. Élargissant au folk et à la soul un répertoire de « protest songs » – Strange Fruit que chantait Billie Holiday, Four Women de Nina Simone, At Seventeen de Janis Ian –, ils rendent hommage à des chanteuses engagées et militantes, des battantes qui dérangèrent l’Amérique bien pensante. Le piano aux harmonies délicates d’Alexandre valorise la voix de Clotilde, donne du poids à ses murmures. Leur album s’intitule “A Woman’s Journey”. Laissez-vous envoûter !

Été meurtrier

-On a peu vu Harold Mabern sur une scène parisienne avant 2009. C’est pourtant une légende vivante du piano jazz. Depuis, le Sunside et le Duc des Lombards l’ont souvent accueilli. C’est ce dernier club qui le programme en trio en septembre, les 22, 23 et 24, six concerts, deux par soirée (à19h30 et 21h30). Les noms de ses musiciens ne nous ont pas été communiqués. Né à Memphis en 1936, Mabern joue un bop puissant, possède une main gauche percussive, ce qui ne l’empêche pas de jouer d’élégantes lignes mélodiques, des harmonies sophistiquées à l’instar de Phineas Newborn son mentor. Harold Mabern a joué avec Miles Davis, Lee Morgan, Sonny Rollins et fut un temps le pianiste du Jazztet, regrettée formation d’Art Farmer et de Benny Golson.

Été meurtrier

-Le saxophoniste Dave Liebman au New Morning le 28 pour célébrer Elvin Jones au sein d’un quartette réunissant Adam Niewood, saxophoniste « en accord parfait avec le passé, le présent et le futur de la musique », le bassiste Gene Perla et le batteur Adam Nussbaum qui rejoignit le quintette de Liebman en 1977. Perla et Liebman accompagnent Jones dans “Live at The Lighthouse », un disque Blue Note enregistré en septembre 1972 au Lighthouse Café d’Hermosa Beach (Californie). Enrichi en CD par de nombreux inédits, ce double album d’Elvin Jones sera le fil conducteur de ce concert.

-Festival Jazz à la Villette : www.jazzalavillette.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Studio de l’Ermitage : www.studio-ermitage.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-New Morning : www.newmorning.com

 

Crédits Photos : Marc Copland & Michel Butor © Pierre de Chocqueuse – Orchestre National de Jazz (les chefs) © Denis Rouvre – Baptiste Herbin, Manuel Rocheman, Harold Mabern © Philippe Marchin – Chucho Valdés © Francis Vernhet – Stéphane Belmondo & Jacky Terrasson © Philippe Levy-Stab – McCoy Tyner © Kimberly Paynter – Didier Fréboeuf © Pierrick Aubouin – Alexandre Saada & Clotilde Rullaud (Madeleine & Salomon) © Sylvain Gripoix – Dave Liebman © CT Konieczny – Stephan Oliva & François Raulin, Chick Corea © Photos X/D.R.

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28 juillet 2016 4 28 /07 /juillet /2016 10:00
Repos obligatoire !

Août : se baigner en mer, marcher dans l’eau sur des galets, sur de vastes plages de sable, se promener en montagne sous un ciel toujours bleu, prendre le temps de lire, d’écouter des disques, non pour en parler mais pour le seul plaisir d'en apprécier les musiques, faire la sieste, beaucoup de siestes, dormir sous les étoiles par une belle nuit d'été…

Repos obligatoire !

En août, le blogueur de Choc prend des vacances et met son blog en sommeil. Rendez-vous en septembre avec de nouvelles chroniques, le festival Jazz à la Villette (Chick Corea, Gary Burton, Chucho Valdés, McCoy Tyner, Geri Allen, Craig Taborn, les 30 ans de l'ONJ…) et des concerts qui interpellent. Bel été à tous.

Under the Umbrella : Montage Pierre de Chocqueuse - Photo © Julie Jacobson

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22 juillet 2016 5 22 /07 /juillet /2016 09:30
Warren WOLF : “Convergence” (Mack Avenue)

Originaire de Baltimore (Maryland), Warren Wolf étudia la musique au Baltimore School of Arts avant de compléter ses études au Berklee College of Music de Boston et de s’immerger plus à fond dans le jazz dans la classe du vibraphoniste Dave Samuels. Son diplôme en poche, il resta deux autres années à Berklee pour y enseigner le vibraphone et la batterie dans la classe de percussion qu’on lui avait confiée. De retour à Baltimore, il devint un musicien très actif, tant au vibraphone que comme pianiste et batteur. Membre du Live Sextet du saxophoniste Bobby Watson, c’est au sein du Inside Straight Quintet du bassiste Christian McBride qu’il se fera surtout remarquer. Depuis 2014, il est le vibraphoniste du SF Jazz Collective, un poste occupé avant lui par Stefon Harris et Bobby Hutcherson. L’excellent Mulgrew Miller tient le piano dans ses deux premiers disques “Incredible Jazz Vibes” (2005) et “Black Wolf” (2009). Deux autres virent le jour avant que Wolf ne signe avec Mack Avenue, maison de disques fondée à Détroit (Michigan) en 1990. C'est en 2007, au festival Jazz en Tête de Clermont-Ferrand, qu'on le vit pour la première fois sur une scène européenne.

Warren WOLF : “Convergence” (Mack Avenue)

-Convergence” est le troisième opus que Warren Wolf enregistre pour Mack Avenue. Christian McBride qui l’a coproduit joue dans presque tous les titres. King of Two Fives, un duo avec le vibraphoniste, met tout particulièrement en valeur son jeu de contrebasse aussi précis que mélodique. Sa walking bass fait merveille dans Tergiversation, une des quatre plages en trio de l’album, une composition de Gene Perla, un autre bassiste, qui révèle la technique éblouissante de Wolf, musicien de haut vol, tant au vibraphone qu’au marimba qui occupe une place de choix dans ce disque. Si les plages en trio avec McBride et Jeff « Tain » Watts à la batterie y sont les plus nombreuses, “Convergence” offre de nombreuses combinaisons instrumentales grâce à deux invités prestigieux, Brad Mehldau et John Scofield. De bonnes factures, les morceaux en quintette ne sont pas les plus intéressants mais Havoc contient de passionnants échanges guitare / vibraphone et les chorus de Scofield et de Wolf sauvent de l’ordinaire le funky Soul Sister. Intégré à la rythmique, Mehldau n’y fait que passer. Il se réserve Four Stars From Heaven, la plus longue plage du disque et au sein d’une rythmique ouverte (le drive étonnement libre de Watts) parvient facilement à adapter son jeu de piano à une autre musique que la sienne. Dans l’énergique Cell Phone, Mehldau et Wolf s’offrent chacun un solo, ce dernier au marimba soulevant l’enthousiasme. Composé par Dave Samuels, New Beginning, un duo piano / vibraphone, s’inscrit dans la tradition du blues, le jazz moderne pratiqué par Wolf restant profondément ancré dans le canal historique qui le vit naître et grandir. Les chaudes racines africaines de sa musique ressortent bien plus encore lorsque Wolf qui, outre du vibraphone, joue également du piano et du Fender Rhodes, adopte le marimba comme instrument principal. Il le devient dans Montara de Bobby Hutcherson (en trio), A Prayer for the Christian Man (deux des grandes réussites de cet album), et dans une splendide version de Stardust en solo couplé avec la célèbre Valse Minute (The Minute Waltz) de Frédéric Chopin.

Photo : Anna Webber

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15 juillet 2016 5 15 /07 /juillet /2016 09:26
René Marie : “Sound of Red” (Motéma / Harmonia Mundi)

Moins populaire mais oh combien plus talentueuse que Lisa Simone ou China Moses (les filles de…), René Marie n’en reste pas moins l’une des grandes chanteuses de jazz de la grande Amérique. En France, l’Académie du Jazz a eu du flair en lui décernant en 2002, le Prix du Jazz vocal pour “Vertigo” (MaxJazz), un disque enregistré par une parfaite inconnue mais au sein duquel officient Chris Potter au saxophone ténor, Mulgrew Miller au piano, Robert Hurst à la contrebasse et Jeff « Tain » Watts à la batterie.

René Marie : “Sound of Red” (Motéma / Harmonia Mundi)

Née en 1955 et mariée à dix-huit ans, René Marie Stevens entreprit tardivement une carrière musicale. Longtemps employée de banque, elle éleva ses deux enfants avant de choisir la musique dans la seconde moitié des années 90. Malgré l’opposition de son mari dont elle va bientôt divorcer, elle abandonne son travail, s’installe à Richmond (Virginie) et décroche le premier rôle dans un spectacle consacré à Ella Fitzgerald. Elle a 42 ans, chante, fait du théâtre, compose et arrange ses propres morceaux. Ses activités s’étendront progressivement à l’enseignement du chant, René animant à partir de 2010 des groupes de thérapie vocale. Le label MaxJazz a publié son premier disque officiel en 2000. Trois autres ont suivi, tous d’excellente facture, la révélation d’une grande chanteuse. Signée en 2011 par le label Motéma, René va ajouter quatre albums à sa discographie, “I Wanna Be Evil” consacré au répertoire d’Eartha Kitt (et nominé aux Grammy Awards américains) manquant de peu le Prix du Jazz Vocal 2013 de l’Académie du Jazz. Elle s’est produite par deux fois au Duc des Lombards (en novembre 2013 et en octobre 2014) subjuguant le public du club par la spontanéité et le professionnalisme d’un jeu de scène félin et mobile, par sa voix chaude et sensuelle, son sourire irrésistible.

René Marie : “Sound of Red” (Motéma / Harmonia Mundi)

René Marie chante du jazz mais aussi d’autres musiques, ses racines musicales la portant vers la soul, le blues, le gospel et le folk et à sortir de sentiers trop battus – elle n’a pas hésité à inclure dans son répertoire White Rabbit du Jefferson Airplane et Hard Days Night des Beatles, des groupes honnis par les puristes du jazz. Dans “Sound of Red”, un disque largement autobiographique dont elle a écrit toutes les chansons, tous ces genres cohabitent sans qu’un quelconque manque d’unité soit à déplorer. Sa cohésion provient des arrangements de René et des musiciens qui l’entourent. On retrouve auprès d'elle le bassiste Elias Bailey et le batteur Quentin E. Baxter, ce dernier déjà présent dans “Serene Renegade”, un disque MaxJazz de 2004 et coproducteur avec René du présent album. Si Kevin Bales, son pianiste habituel, est longuement remercié dans le livret pour son inspiration, sa musicalité et son amitié, l’instrument est ici confié à John Chin. Né à Séoul, ce dernier s’est installé à New York après de solides études en Californie, au Texas, à la Rutgers University (il y étudia avec Kenny Barron) et à la Juilliard School. La place que tient le piano est loin ici d’être négligeable. Chin improvise abondamment dans If You Were Mine et dans Lost, une longue pièce en quartette, il est le principal interlocuteur de la chanteuse et dialogue avec elle, cette dernière improvisant avec l’orchestre un scat inattendu. C’est toutefois Many Years Ago, une ballade dans laquelle il économise ses notes, et Go Home, un simple duo piano / voix, le morceau le plus émouvant de l’album, qui révèlent pleinement sa sensibilité harmonique.

René Marie : “Sound of Red” (Motéma / Harmonia Mundi)

Confié au trompettiste Etienne Charles déjà présent dans “I Wanna Be Evil”, l’arrangement des cuivres de If You Were Mine fait appel à deux autres souffleurs, Michael Dease au trombone et Diego Rivera au saxophone ténor. Car René Marie multiplie ici les combinaisons instrumentales. Dans Sound of Red qui prête son titre à l’album, Sherman Irby s’ajoute à la section rythmique et nous gratifie d’un chorus de saxophone alto. La guitare de Romero Lubambo ajoute de chaudes couleurs méditerranéennes à Certaldo, une ville italienne que la chanteuse célèbre également en quintette. This is (not) a Protest Song aborde la dure condition de sans-abri qui affecta sa propre famille dans sa jeunesse. C’est avec Blessing l’un des deux gospels de cet enregistrement. Une deuxième voix, celle de Shayla Steele, assure les chœurs. Qu’elle s’amuse à siffler un couplet de Colorado River Song, ou qu’elle chante avec elle-même en re-recording dans Stronger Than You Think, René Marie ensorcelle dans cet opus, son onzième, le plus personnel de sa discographie, l’un des meilleurs albums de jazz vocal publié cette année.

Photos © John Abbott

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6 juillet 2016 3 06 /07 /juillet /2016 15:41
Le Paris des festivals

L’été, le temps des vacances, des migrations estivales. Il fait bon bouger, changer d’air, se livrer à de nouvelles activités et modifier ses habitudes. Peu mélomane, le Français profite des festivals qui essaiment du nord au sud pour écouter de la musique, du jazz si le village ou la ville dans laquelle il réside en programme. Des festivals de jazz, il y en a partout et pour tous les goûts. Paris en offre plusieurs et reste le meilleur endroit pour en écouter.

 

Le Festival All Stars qu’organise le New Morning jusqu’au 3 août fait le plein de bons musiciens. À partir du 8 juillet et jusqu’au 18 août, le Sunside abrite la 25ème édition de son American Jazz Festiv’Hall. Le club célèbre aussi les pianistes et jusqu’au 10 septembre, en convie d’excellents à son Festival Pianissimo. Le Duc des Lombards intitule le sien « Nous n’irons pas à New York » et invite pendant deux mois (juillet et août) musiciens français et américains à y participer. Quant au Paris Jazz Festival, c’est au Parc Floral de Vincennes qu’il se déroule jusqu’au 31 juillet. Il se veut l’expression des « jazz du monde » et propose non sans faire grincer quelques dents, des musiques pour le moins éclectiques. Si l’on ajoute les concerts du Baiser Salé, du Petit Journal Montparnasse et des autres clubs de la capitale, Paris est de loin le premier rendez-vous jazzistique de l’hexagone.

 

Difficile donc de quitter une ville qui offre davantage de bonne musique que partout ailleurs à la même époque, même si Marciac attire par ses têtes d’affiche, toujours les mêmes au demeurant, et que pour écouter Chick Corea et son 75th Birthday Quintet il faut se rendre à Jazz à Vienne. Le parisien ne connaît pas son bonheur. Il peut choisir ses concerts, rester chez lui lorsque ce qu’on lui propose ne le tente pas. Il est en vacances, prend son temps, respire et entend mieux, se promène, visite les musées et change ses habitudes. Ainsi, le passionné qui fréquente les clubs de jazz toute l’année met son blog en sommeil et s’accorde en août un repos mérité. Cet édito est le dernier avant la rentrée de septembre. Quelques chroniques de disques récemment parus suivront en juillet. On peut partir avec eux en vacances.   

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Le Paris des festivals

-Jean Bardy et Emil Spányi au Baiser Salé le 7 juillet. Sans tambour ni trompette, la contrebasse de Jean et le piano d’Emil dialoguent, échangent et inventent en toute intimité. Emil n’avait jamais co-signé un disque sous son nom avant d’enregistrer avec Jean en 2014 “Very Blue” sur le jeune label Parallel Records. Un album passé inaperçu malgré la qualité de son répertoire, des compositions originales mais aussi des standards bien choisis – Come Sunday, Along Came Betty, I Love You Porgy –, interprétés avec imagination et talent. Ne manquez pas l’opportunité qui vous est offerte de les redécouvrir en concert.

Le Paris des festivals

-Bassiste d’expérience, Clovis Nicolas vit et travaille à New York depuis 2002. Il y a deux ans, la sortie de son premier disque “Nine Stories” (Sunnyside) lui donna l'occasion de renouer avec les clubs parisiens qui ne l'avaient pas oublié. Il retrouve le Sunside les 8 et 9 juillet avec un quartette sans piano au sein duquel officient Luca Stoll (saxophones ténor et soprano) et le batteur Luca Santaniello, tous deux déjà présents à ses côtés lors de sa dernière visite dans la capitale. Steve Fishwick, un nouveau trompettiste, complète la formation. Elle jouera ses nouvelles compositions, le répertoire de son prochain disque “Four Corners” à paraître l’an prochain.

Le Paris des festivals

-Le 12, le quartette de Pharoah SandersWilliam Henderson au piano, Oli Hayhurst à la contrebasse et Gene Calderazzo à la batterie – est attendu au New Morning. Le saxophoniste s’y produit tous les deux ans à peu près. Né en 1940, il a participé à l’aventure du free jazz et a joué avec John Coltrane, participant à ses derniers albums, son saxophone ténor soufflant de longues phrases brûlantes imprégnées de ferveur mystique. Avec le temps il a canalisé son énergie au sein d’une musique mieux structurée, mélange de blues, de bop, de soul toujours emprunte de spiritualité.

Le Paris des festivals

-Lizz Wright au New Morning le 15. On ignore qui va l’accompagner, bien que l’on peut avancer les noms de Kenny Banks (claviers), Pete Kuzma (orgue), Dan Lutz (contrebasse) qui jouent sur “Freedom & Surrender”, un disque de 2015, son plus récent, superbement produit par Larry Klein (Madeleine Peyroux, Melody Gardot). Compositions originales et reprises bien choisies (To Love Somebody des Bee Gees, River Man de Nick Drake) s’entremêlent avec bonheur, la voix chaude et envoûtante de la chanteuse se révélant aussi à l’aise dans le blues, le funk, le gospel, le folk et la country, Lizz Wright embrassant toute la richesse de la musique américaine dont elle est une des artistes incontournables.

Le Paris des festivals

-Grande Dame du piano dont le nom reste associé au grand orchestre qu’elle codirigea avec le saxophoniste Lew Tabackin, son mari, Toshiko Akiyoshi ne nous a pas visité depuis longtemps. Elle sera au Sunside les 15 et 16 juillet avec Gilles Naturel à la contrebasse et Philippe Soirat à la batterie pour rythmer le bop que la disciple émancipée de Bud Powell se plaît à jouer. Car Toshiko est aussi une pianiste émérite dont le jeu puissant et dynamique n’exclut pas un certain romantisme.

Le Paris des festivals

-Pianiste ambidextre – deux mains indépendantes dialoguent et font des miracles – l'excellent pianiste franco-américain Dan Tepfer est attendu le 16 au Sunset. Un concert qui le verra jouer du Fender Rhodes, Joe Sanders à la contrebasse et Arthur Hnatek à la batterie complétant la formation. Dan apprécie les rencontres. Il a accompagné la chanteuse Joanna Wallfisch, le saxophoniste Ben Wendel, le grand Lee Konitz. Il excelle à jouer Bach (ses “Variations Goldberg”) et à brouiller les pistes. Son jeu fin, sensible, élégant va de paire avec une technique qui lui permet bien des audaces. Il aime provoquer la surprise, saupoudrer de dissonances ses lignes mélodiques, sa musique accueillant des harmonies aussi riches qu’inattendues.

Le Paris des festivals

-Musicien inventif, Mark Turner s’est choisi Warne Marsh comme modèle et loin de toute exubérance son saxophone ténor chante de longues phrases mélodiques non dénuées de mélancolie, de longues lignes chromatiquement complexes qu’il expose souvent dans l’aigu de l’instrument. Sous une apparente froideur, Turner reste un musicien lyrique. Il sera au Duc des Lombards les 19 et 20 juillet (19h30 et 21h30) avec un quartette sans piano comprenant Jason Palmer à la trompette, Joe Martin à la contrebasse et Jorge Rossy à la batterie.

Le Paris des festivals

-Les Yellowjackets au Petit Journal Montparnasse le jeudi 21 (mais aussi la veille au Sunside) dans le cadre de l’American Jazz Festiv’Halles (Sunset Hors les Murs). Fondée autour du guitariste Robben Ford en 1981, la formation connut de très nombreux changements de personnel et de mises en sommeil. Ses meilleurs disques – “Four Corners”, “The Spin” – datent de la seconde moitié des années 80. Elle compte alors dans ses rangs Marc Russo (saxophones), Russell Ferrante (claviers et piano) Jimmy Haslip (contrebasse) et William Kennedy (batterie) et propose alors un jazz fusion assez soft au sein duquel des instruments acoustiques et électriques pactisent en bonne intelligente. Les Yellowjackets se sont fait oublier au cours des décennies suivantes, malgré l’arrivée de Bob Mintzer aux saxophones au début des années 90. Ce dernier en est toujours membre. Ferrante et Kennedy aussi. Le bassiste australien Dane Alderson complète la formation. Un nouvel album, “Cohearence”, sort prochainement sur le label Mack Avenue.

Le Paris des festivals

-Longtemps associé à la lutte contre l'apartheid et également connu sous le nom d'Abdullah Ibrahim, le compositeur et pianiste sud-africain Dollar Brand est attendu en quartette au New Morning le 22 avec Lance Bryant (clarinette, flûte, saxophone ténor), Noah Jackson (contrebasse, violoncelle) et Will Terrill (batterie). Découvert au début des années 60 par Duke Ellington qui après l’avoir fait enregistré à Paris l’encouragea à gagner les Etats-Unis où il se produisit notamment au Festival de Newport, il reste une figure emblématique de l’ « African Jazz », sa musique d’inspiration souvent religieuse, voire mystique, empruntant ses rythmes obsessionnels au Marabi et à la musique traditionnelle sud-africaine.

Le Paris des festivals

-Franck Amsallem étudia aux Etats-Unis (Berklee College, Manhattan School of Music) et fit ses classes dans les clubs de New-York, ville dans laquelle il réside aujourd’hui. Pianiste attaché à l’harmonie et aux standards de l’histoire du jazz, il avait enregistré de nombreux albums sous son nom avant d’oser en 2009 “Amsallem Sings”, puis en 2014 “Sings Vol. II”, un disque en trio dans lequel il phrase comme un instrumentiste et chante avec un naturel confondant les mélodies qu’il reprend au piano. Il revient au Duc des Lombards le 29, son nouveau quartette comprenant Irving Acao au saxophone ténor, Viktor Nyberg à la contrebasse et Gautier Garrigue à la batterie.

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT EN AOÛT

Le Paris des festivals

-Concert de clôture de son Festival All Stars qui débuta le 27 juin, le quartette de John Abercrombie investit le New Morning le 3. Autour du guitariste, Marc Copland au piano, Drew Gress à la contrebasse et Joey Baron à la batterie. Pour vous faire une idée de la qualité de la musique du groupe, écoutez “39 Steps” un disque ECM enregistré en avril 2013 qui la restitue fidèlement.

Le Paris des festivals

-Au Duc des Lombards, le festival « Nous n’irons pas à New York » se poursuit jusqu’au 31 août. Parmi les nombreux concerts qui interpellent ne manquez pas le 2 et le 3 ceux du pianiste Cyrus Chestnut (découvert en 1991 au sein du groupe de Wynton Marsalis) en trio avec Darryl Hall (contrebasse) et Willie Jones III (batterie).Les 10, 11 et 12 août, le club parisien accueille le saxophoniste Benny Golson, un des derniers vétérans de la saga du jazz. Avec lui, le pianiste italien Antonio Faraò grand pourvoyeur d’harmonies aussi subtiles que délicates, Gilles Naturel à la contrebasse et Doug Sides à la batterie. Le 26 et le 27, Jean-Michel Pilc s’offre le Duc en trio avec François Moutin à la contrebasse, Lukmil Perez (le 26) et André Ceccarelli (le 27) à la batterie. Le pianiste excelle dans tous les registres : audaces harmoniques, cascades d’arpèges et de notes perlées, il s’autorise toutes les surprises.

Le Paris des festivals

-Chaque été depuis 11 ans, le Sunside organise son Festival Pianissimo et accueille quelques uns des meilleurs pianistes de l’hexagone. Parmi eux, René Urtreger invite les 4 et 5 août Géraldine Laurent (saxophone alto) à dialoguer avec lui et les musiciens de son trio (Cédric Caillaud à la contrebasse et Eric Dervieu à la batterie) . Le 6, Édouard Bineau investit les lieux avec Sébastien Texier (saxophone, clarinette), Frédéric Chiffoleau (contrebasse) et Simon Bernier (batterie).

Le Paris des festivals

-Auteur l’an dernier d’un opus en trio très remarqué (“Essais / Volume 1”), Pierre de Bethmann fait de même le 11 avec Sylvain Romano (contrebasse) et Tony Rabeson (batterie) qui l’entourent dans son album. Moins présent depuis quelques mois dans les clubs pour des raisons de santé, Pierre Christophe s'y rend le 25 avec Raphael Dever (contrebasse) et Mourad Benhammou (batterie), ses musiciens habituels pour un hommage à Erroll Garner, l’elfe du piano jazz. Après un concert en avril dans ce même club, Olivier Hutman récidive le 26, toujours accompagné par Marc Bertaux à la contrebasse et Tony Rabeson à la batterie, musiciens qui enregistrèrent avec lui deux disques dans les années 80 et avec lesquels, au piano mais aussi au Fender Rhodes, Olivier joue un jazz plus électrique. En trio avec Yoni Zelnik (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie), le pianiste Yonathan Avishai nous a offert l’an dernier avec “Modern Times un album très réussi. Il vient d’en enregistrer un second et en interprétera le répertoire le 30, César Poirier (saxophone alto et clarinette) et Inor Sotolongo (percussions) complétant sa nouvelle formation.

-Baiser Salé : www.lebaisersale.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

 

Crédits Photos : Musiciens de rue © Alain Lauga  Jean Bardy & Emil Spányi © Marc Ulrich – Clovis Nicolas © Vincent Soyez – Pharoah Sanders © Quentin Leboucher – Lizz Wright © Jesse Kitt – Dan Tepfer © Pierre de Chocqueuse – Mark Turner, Franck Amsallem, René Urtreger & Géraldine Laurent, Pierre de Bethmann © Philippe Marchin – The Yellowjackets © Marc Vanocur – John Abercrombie Quartet © John Rogers / ECM Records – Cyrus Chestnut © HighNote Records – Toshiko Akiyoshi, Abdullah Ibrahim © Photo X /D.R.

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28 juin 2016 2 28 /06 /juin /2016 09:00
Christophe PANZANI : “Les âmes perdues” (Jazz & People / Harmonia Mundi)

C’est dans “Fall Somewhere”, un disque de Nicolas Moreaux, grand créateur de paysages sonores, que j’ai découvert Christophe Panzani. Renfermant un long dialogue inspiré entre son saxophone et celui de Bill McHenry, Far, une grande page lyrique, m‘a particulièrement ému. Car au ténor, Panzani possède une sonorité bien particulière. Le timbre en est doux, léger, aérien, une sonorité d’alto, Christophe préférant le registre aigu de l’instrument. On pense à Lee Konitz, mais aussi à Jeremy Udden, altiste américain avec lequel Moreaux a enregistré l’an dernier sur Sunnyside le très beau “Belleville Project”.

Christophe PANZANI : “Les âmes perdues” (Jazz & People / Harmonia Mundi)

Christophe Panzani n’est pas l’homme d’une seule formation. Multi-instrumentiste – il pratique également le soprano, la flûte et la clarinette basse –, il est Avec Andy Sheppard l’un des deux saxophonistes ténor que l’on peut entendre dans “Appearing Nightly”, un disque en big band de Carla Bley enregistré au New Morning en 2006. Il joue également dans le quintette du pianiste Florian Pellissier, dans Pasta Project qu’il anime avec l’accordéoniste Vincent Peirani. Avec le pianiste Tony Paeleman, il co-dirige The Watershed, groupe comprenant Pierre Perchaud et le batteur Karl Jannuska. Je ne vais pas détaillé ici les nombreuses activités musicales auxquels se livre le saxophoniste, “Les âmes perduesque publie Jazz & People, premier label de jazz participatif français que dirige Vincent Bessières, étant la vraie raison de cette chronique. Car Christophe Panzani m’a instantanément séduit par le lyrisme, la volupté de son souffle. C’est qu’il s’exprime en poète, chante avec bonheur la ligne mélodique des musiques qu’il invente. Celles de ce disque, son premier en leader, il les a toutes imaginées pour ses interprètes, des musiciens amis, sept pianistes chez lesquels il s’est rendu, parcourant la France (Paris, Tours, Poitiers) et l’Allemagne (Cologne) avec son matériel d’enregistrement, ses micros et son saxophone ténor.

Christophe PANZANI : “Les âmes perdues” (Jazz & People / Harmonia Mundi)

L’aidant dans cette tâche, Tony Paeleman a enregistré ses duos avec Edouard Ferlet et Dan Tepfer, se chargeant également de la prise de son d’Étrangement calme, morceau que Christophe lui a attribué et dans lequel il se contente d’assurer un long ostinato, de rythmer le chant suave et ensorcelant du ténor. Le piano occupe également une place modeste dans Le rêve d’Icare. Loin de toute exhibition, Yonathan Avishai y pose les accords graves et sombres sur lesquels se développe le chant mélancolique de Christophe. Confié à Edouard Ferlet et Dan Tepfer (respectivement dans Sisyphe et Le Jardin aux sentiers qui bifurquent), l’instrument dialogue et révèle ses possibilités harmoniques, Dan offrant même un contrepoint virtuose aux notes diaphanes que murmure le ténor. Vouloir comparer les jeux respectifs de nos sept pianistes reste toutefois parfaitement inutile. Chacun apporte sa sensibilité, sa musicalité, son toucher, et joue sur son propre piano ce qui donne un éclairage spécifique à chaque morceau. Leonardo Montana surprend par la vivacité de son discours. Je découvre Laia Genc, une pianiste allemande dont je ne sais rien de la musique. Ses harmonies riches et colorées semblent particulièrement inspirer les tendres rêveries du saxophone. J’ignorais que Guillaume Poncelet, le trompette de l’ONJ de Daniel Yvinec jouait du piano de manière aussi délicate. Christophe lui a réservé Traduire Eschyle et sa mélodie est un autre grand moment de pur bonheur. Ils sont nombreux, s’enchaînent, s’additionnent. 43 minutes de musique au total, le timing parfait d’un disque qui interpelle aussi par son visuel, un étonnant portrait de Christophe Panzani par le dessinateur Ludovic Debeurme.

Concerts de sortie le vendredi 1er juillet (19h30 et 21h30) au Duc des Lombards avec les pianistes Yonathan Avishai, Laia Genc, Leonardo Montana et Tony Paeleman.

 

Photos © Philippe Marchin

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20 juin 2016 1 20 /06 /juin /2016 11:02
Dave LIEBMAN & Richie BEIRACH : “Balladscapes” (Intuition)

Ces deux-là se fréquentent depuis si longtemps qu’ils sont tous les deux capables, comme par télépathie, de prévoir le discours de l’autre, la musique gagnant en fluidité et en cohérence. Ensemble, ils ont constitué des groupes, Lookout Farm et Pendulum dans les années 70, puis Quest au début des années 80, qui se reformera plusieurs fois, nous laissant un dernier album en 2013 sur Enja, “Natural Selection” (1988) restant pour moi leur plus bel opus. En duo, Dave Liebman et Richie Beirach ont également enregistré de nombreux disques. Le plus récent, “Unspoken” (Out Note) date de 1989. Car Beirach réside à Leipzig. Il enseigne, possède son propre trio, et a moins l’occasion de rencontrer Liebman, très occupé lui aussi.

Dave LIEBMAN & Richie BEIRACH : “Balladscapes” (Intuition)

La riche palette harmonique de Richie Beirach doit beaucoup à ses dix ans de piano classique. Son vocabulaire s’étend aux intervalles distendus, aux accords percussifs qui peuvent surprendre chez un musicien au toucher subtil, au phrasé délicat. Outre une grande liberté tonale, il cultive une esthétique raffinée qui tempère les improvisations souvent aventureuses de Dave Liebman, un saxophoniste au tempérament de feu assumant aujourd’hui un jeu beaucoup plus mélodique. Affectionnant le registre aigu du soprano, son instrument de prédilection bien qu’il joue aussi du ténor et de la flûte, il évite ici les suraigus, s’abstient de crier mais non de verser des larmes (ce qu’il fait dans une reprise émouvante de Sweet Pea au ténor) pour se concentrer sur les thèmes, des standards parfois anciens – For All We Know date de 1934 – dont il fait chanter les mélodies. Ses improvisations bénéficient du soutien sans faille d’un piano tout aussi capable de plaquer de solides accords que d’assurer un contrepoint mélodique aérien.

Balladscapes” s’ouvre sur Siciliana, une sonate de Jean-Sébastien Bach que les jazzmen apprécient. Également au répertoire, Moonlight in Vermont, Lazy Afternoon, This is New et Day Dream bénéficient d’interprétations aussi inspirées que lyriques. Cosigné par Duke Ellington et Billy Strayhorn, Day Dream est abordé au ténor par Liebman. Sa sonorité ample, volumineuse, donne du caractère, du relief au morceau. Le saxophoniste joue ici beaucoup plus de ténor que dans ses autres albums. L’instrument est également mis en valeur dans un medley renfermant Welcome et Expression, deux morceaux de John Coltrane, des prières qui apaisent et donnent du baume au cœur. Liebman et Beirach reprennent aussi quelques-unes de leurs compositions. DL est un ancien thème du pianiste précédemment enregistré en duo et avec Quest. Composé par les deux hommes, Kurtland est longuement introduit en solo et au ténor par Liebman. Le piano joue également sa partie en solo, les deux instruments se rejoignant pour conclure. Déjà enregistré lui aussi, le majestueux Master of the Obvious de Liebman est une autre pièce maîtresse de ce disque. Un soprano rêveur en chante les notes, tout comme il poétise autrement Zingaro, morceau d’Antonio Carlos Jobim qui, introduit à la flûte, n’a plus rien de brésilien. Car ces ballades sont des paysages sonores, des terres que l’on parcourt lentement, au rythme de la musique, à petits pas pour ne pas la quitter trop vite, pour encore et encore l’écouter.

Photo X/D.R.

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