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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 09:33
Une Melody inoubliable

Elle n’a enregistré que quatre albums, mais Melody Gardot sait faire parler d’elle et soigne son image. La chanteuse qui a séduit les amateurs de jazz avec “My One and Only Thrill” est aussi une pop star qui joue de la guitare électrique. Salué par une presse unanime, disque d’or en France trois semaines après sa sortie, “Currency of Man”, son nouvel album réalisé à l’ancienne, mélange heureux de jazz, de soul, de blues et de gospel, est sa plus grande réussite.

Melody Gardot n’a pourtant pas toujours eu bonne presse. Plus proche du fado que de la musique brésilienne, “The Absence” son disque précédent fut plutôt mal reçu par les critiques de jazz. En France, on aime classifier, placer les artistes dans des cases. Melody Gardot qui change de musique à chaque album dérange et déconcerte. Une blanche à la voix sensuelle et chaude qui chante comme une noire ne plait guère aux puristes, aux dogmatiques du jazz. On lui reproche de remplir les salles avec une musique facile, de la variété sophistiquée. On jalouse son succès. C’est oublier qu’elle écrit elle-même ses chansons, que ses concerts sont de vrais spectacles, et qu’elle apporte un soin maniaque à la production de ses disques.

Une Melody inoubliable

Prélude aux trois concerts qu‘elle donna à l’Olympia, celui qu’elle offrit le 24 juin dernier au public de l’Archéo Jazz Festival de Blainville-Crevon, un show inoubliable sous chapiteau, fut l’occasion pour la chanteuse de roder le répertoire de son nouveau disque. Elle pourrait s’offrir de meilleurs musiciens mais ceux qui l’entourent (trois souffleurs, un clavier, un guitariste, un bassiste jouant plus souvent de la basse électrique que de la contrebasse et un batteur bûcheron dont les bras sont de vrais troncs d’arbre) assurent parfaitement et anonymement leur travail. À part quelques thèmes qui la voient s’accompagner au piano, Melodie Gardot, large chapeau à la Zorro, pantalon en cuir et chemisier noir, les yeux dissimulés par d’épaisses lunettes, assure à la guitare rythmique et parfois au piano. Elle possède une réelle présence scénique, dialogue souvent en français avec un public dont elle fait chanter sa musique.

Une Melody inoubliable

Melody GARDOT : “Currency of Man” (Decca / Universal)

Bien qu’enregistré à Los Angeles, “Currency of Man” porte les rythmes et les couleurs de Philadelphie, sa ville natale. Les musiciens l’ont enregistré dans les conditions du direct, dans une seule et même pièce. Ils jouent souvent avec un léger retard sur le temps, ce qui donne à la musique une coloration soul, un groove bien plus présent. Il existe deux versions de l’album. La première sous boîtier plastique comprend dix morceaux. La seconde, un digipack, les place dans un ordre différent. Cinq autres plages s’y ajoutent. Habilement agencés, ils constituent une suite, se donnent la main sans s’interrompre. C’est bien sûr cette dernière qu’il faut vous procurer.

Une Melody inoubliable

Six ans après “My One and Only Thrill”, Melody Gardot retrouve Larry Klein. Il a produit de grands disques de Joni Mitchell, Madeleine Peyroux, Herbie Hancock (“River : the Joni Letters”, “The Imagine Project”) et sait habilement guider ses artistes tout en leur laissant tout pouvoir de création. La chanteuse souhaite un disque que l’on peut écouter de bout en bout, avec des morceaux s’enchainant les uns avec les autres, comme l’histoire du rock et sa « décade prodigieuse » (1967-1976) en ont parfois produits. Un disque enregistré comme naguère sur bandes analogiques afin de lui donner une sonorité chaude, moelleuse et que les timbres des instruments soient parfaitement audibles. Son diapason est également plus bas. Melody l’a voulu ainsi car parfaitement adapté à son chant, le la à 432 (au lieu de 440) donne une sonorité plus naturelle à la musique.

Une Melody inoubliable

Ayant eu l’occasion de participer à “Autour de Nina”, un disque hommage à Nina Simone, Melody a été enthousiasmée par le travail de l’ingénieur du son Maxime Le Guil et par les arrangements de Clément Ducol, un autre français. Conseillé par Le Guil qui met superbement en valeur la voix de la chanteuse, l’enregistrement s’est fait avec de vieux magnétophones, de vieux micros qui ont fait leur preuve et les musiciens utilisent des amplis à lampe. Les cuivres sont arrangés par Jerry Hey (Al Jarreau, Michael Jackson, Manhattan Transfer) et les cordes par Clément Ducol. Très soignées, ces dernières apportent un aspect romantique à la musique, la rendent élégante et rêveuse.

Dans “Currency of Man” (un titre difficile à traduire), Melody Gardot questionne l’homme d’aujourd’hui. Comment définir sa valeur ? Par l’argent ? Par son talent ? Qu’a-t-il à offrir ? La chanteuse ne donne pas de réponse. Elle observe sans prendre parti, commente sans juger. Ses textes parlent de la vie des gens, de ceux qui connaissent des temps difficiles et se battent pour gagner, qui luttent pour triompher, du racisme de toujours dans Preacher Man, un titre porté par des riffs de guitare, le morceau le plus rock.

Une Melody inoubliable

Utilisées comme des vagues, des cordes embellissent Don’t Misunderstand que la voix introduit. Le tempo est lent, bercé par la guitare. Les deux premiers tiers du disque, des plages groovy, bénéficient de choristes, d’un orgue que se partagent Pete Kuzma et Larry Goldings. Les cuivres sont également très présents. It Gonna Come, She Don’t Know et Same to You, des morceaux funky aux basses puissantes, profitent de leurs riffs. Dans Bad News, ils chantent et pleurent le blues. Succédant à un court instrumental dédié à Charles Mingus, Preacher Man est introduit par une chorale constituée par les voix de chanteurs et chanteuses que Melody a sélectionnée via Facebook. Magnifiquement chanté et arrangé, No Man’s Prize baigne dans le jazz ; le miraculeux Morning Sun dans le gospel. Le disque s’achève sur des ballades mélancoliques que sépare un court instrumental joué au piano. Violons et violoncelles en soulignent les mélodies exquises. Il n’y a plus de section rythmique, juste un écrin de cordes pour magnifier la voix.

Une Melody inoubliable

Photos : Melody Gardot à Blainville-Crevon (Archéo Jazz Festival) © Pierre de Chocqueuse

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6 juillet 2015 1 06 /07 /juillet /2015 08:30
Hot Summer Days

Juillet : la vague de chaleur qui s’est abattue sur la capitale oblige les parisiens et les parisiennes à prendre d’assaut fontaines, piscines et bains publics, à porter le moins de vêtements possible. Les parisiennes exhibent leurs longues jambes fuselées, les parisiens leurs mollets musclés. Pour lutter contre les masses d’air surchauffées, le feu de l'été qui rend moite et fait fondre, bains de pieds et douches abondantes sont recommandés. Il est également conseillé de boire beaucoup. Ne pouvant bénéficier de la fraicheur d’une montagne élevée, on descend dans les caves et les catacombes pour y rêver d’aquariums devant leurs parois humides. En surface, les ventes de vin rosé explosent. Ventilateurs et brumisateurs sont les vedettes de ce début d’été caniculaire qui voit fleurir des festivals de toutes tailles et pour toutes les bourses. Dans toute la France, stades, amphithéâtres romains, chapiteaux géants, jardins, places de villages, cours de fermes ou de châteaux les abritent.

Les clubs de jazz parisiens font aussi leurs festivals. Entre les concerts champêtres du parc floral qui ont lieu tous les week-ends jusqu’au 26 juillet, le NIPANY Festival (“Nous n’irons pas à New York”) qu’organise depuis 5 ans le Duc des Lombards, le Festival All Stars du New Morning et l’American Jazz Festiv’Halles (jusqu’au 19 août) du Sunside-Sunset, Paris reste en juillet la capitale du jazz, le plus grand festival de France. La capitale est certes une étuve mais comment la quitter lorsque l’on peut y entendre Branford Marsalis, Terence Blanchard, Dave Holland ou The Messenger Legacy ?

Hot Summer Days

Si les méga-festivals programment plus ou moins les mêmes artistes, les plus modestes innovent, prennent des risques et des initiatives, offrent des espaces scéniques à des jazzmen que l’on a moins souvent l’occasion d’écouter. Le festival « Au Grès du jazz » à la Petite-Pierre dans les Vosges invite ainsi le 8 août le trio de Gary Peacock avec Marc Copland au piano et Mark Ferber à la batterie. Dans le Pas-de-Calais, la commune de Saint-Omer a la bonne idée de confier la direction artistique de la 1ère édition du Saint-Omer Jaaz Festival, à Laurent Cugny. Magnifique occasion de découvrir le 17 juillet le Gil Evans Paris Workshop qu’il dirige, le Brussels Jazz Orchestra qui célèbre Jacques Brel avec David Linx le 18. Près d'Aix en Provence, « Jazz à Beaupré », l’un des plus petits festivals de l’hexagone, accueille le 11 juillet le pianiste Gonzalo Rubalcaba en quartette, seule occasion de l’entendre en France cet été.

Hot Summer Days

Le festival que j’ai choisi de visiter se tient à Frontenay dans le Jura, dans la montagne. L’air y est plus frais, la chaleur moins accablante. L’association Jura Jazz Haute-Seille l’organise tous les deux ans depuis 2007. La cour du château accueille des musiciens, des jazzmen mais aussi des personnalités inclassables dont on ne peut contester le talent. Au cours de ses quatre éditions précédentes, le Frontenay Jazz Festival a ainsi fait venir le batteur Steve McCraven, le pianiste Tom McClung (parrain du festival) Cécile McLorin Salvant, le bandonéoniste Daniel Binelli, le trio du bassiste Gildas Boclé, la chanteuse Kicca qu’accompagnait Francesco Bearzatti au saxophone, ZAZ et l’étonnant chanteur Alex Renart.

La cinquième édition se tiendra le vendredi 21 et le samedi 22 août. Le batteur Mourad Benhammou et ses Jazzworkers (Fabien Mary à la trompette, David Sauzay au saxophone, Pierre Christophe au piano et Fabien Marcoz à la contrebasse) suivi du Sextet de la chanteuse Lou Tavano (Arno De Casanove à la trompette, Maxime Berton au saxophone, Alexey Asantcheeff au piano, Alexandre Perrot à la contrebasse et Ariel Tessier à la batterie) s’y produiront le 21. Nikki and Jules alias Nicolle Rochelle (chant et danse) et Julien Brunetaud (chant et piano) qu’entourent Jean-Baptiste Gaudray (guitare), Bruno Rousselet (contrebasse) et Julie Saury (batterie) suivi par le sextet du guitariste et chanteur Lucky Peterson le 22 en constituent les réjouissances.

Cet édito un peu long est le dernier avant la traditionnelle mise en sommeil de ce blog vers la mi-juillet. Sortez, ouvrez grandes vos oreilles à la musique et passez un bel été.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Hot Summer Days

-Vous n’avez pas attendu que je vous les recommande pour aller écouter Kenny Barron au Duc des Lombards et Harold Mabern au Sunside. Herbie Hancock et Chick Corea se produisaient à l’Olympia le 4. Il fallait débourser 139 euros pour être bien placé. Cher le fauteuil d’orchestre. Je me souviens très bien du concert mémorable qu’ils donnèrent en 1978, à la mi-février, au Pavillon de Paris, alors une vraie glacière. Chick, fatigué, ayant rejoint son hôtel, j’avais soupé avec Herbie et Michel Delorme (CBS France) dans un restaurant surchauffé près de l’Étoile. Ironie du sort, j’écris ces lignes stores baissés et brumisateur à portée de main pour me protéger de la chaleur.

Hot Summer Days

-Terence Blanchard passe au Duc des Lombards le 6 avec les musiciens de son E-Collective, un quintette comprenant Charles Altura (guitare), Fabian Almazan (piano, claviers), Donald Ramsey (contrebasse) et Chris Bailey (batterie). Bien qu’inégal, “Breathless”, son disque le plus récent enregistré avec le chanteur soul PJ Morton est loin d’être inintéressant. Groove, hip-hop, funk, R&B et jazz fusionnent avec pas mal de réussite. On se laisse emporter par le lyrisme du trompettiste, ses mélodies attachantes portées par des rythmiques souvent irrésistibles.

Hot Summer Days

-Toujours avec Felipe Cabrera (contrebasse) et Jeff Boudreaux (batterie), Ronnie Lynn Patterson retrouvera le Sunside le 7 pour jouer les musiques de Keith Jarrett qu’il admire. On peine à le croire, le pianiste enregistrant aussi peu qu’il ne se montre en public. Il s’y est pourtant produit en mai dans un programme similaire qui a été très apprécié, Ronnie Lynn convaincant tout le monde par la qualité de son piano. L’écouter est un vrai bonheur. Vous avez dit miracle ?

Hot Summer Days

-Le concert que donnera le 9 le trio E_L_B au Petit Journal Montparnasse (21h30) est aussi un événement. Peter Erskine (batterie), Nguyên Lê (guitare) et Michel Benita (contrebasse) n’ont enregistré que deux albums pour le label ACT, le second en 2007 avec le saxophoniste Stéphane Guillaume invité à les rejoindre.

Hot Summer Days

-The Messenger Legacy, six musiciens que dirige le batteur Ralph Peterson, est attendu au Duc des Lombards le 10 et le 11. Habitués du Festival Jazz en Tête (Clermont-Ferrand), Brian Lynch (trompette), Robin Eubanks (trombone), Craig Handy (saxophones ténor, alto & soprano), Johnny O’Neal (piano, remplaçant au pied levé Donald Brown souffrant) et Essiet Okon Essiet (contrebasse), préservent l’héritage des Jazz Messengers d’Art Blakey, assurément l’une des formations les plus importantes de l’histoire du jazz et plus particulièrement du hard bop dont il fut l’un des groupes phares.

Hot Summer Days

-Ses deux derniers albums récompensés par l’Académie du Jazz (Grand Prix en 2011 et en 2014), Ambrose Akinmusire s’offre le New Morning le 10 à 21h00. En quartette avec Sam Harris (piano), Harish Raghavan (contrebasse) et Justin Brown (batterie), le trompettiste profite de ses concerts pour réinventer sa musique, revenir sur ses compositions, les étendre,greffer sur elles de nouveaux rythmes, de nouvelles mélodies. Avec son groupe, il improvise et prend des risques. Trempant dans le hip hop et baignant dans le groove, son jazz moderne et inventif interpelle.

Hot Summer Days

-Roy Hargrove en quintette au New Morning les 13, 14 et 15 juillet. Le trompettiste revient à un jazz acoustique qu’il mâtine de funk et de hip hop. Accompagné par Justin Robinson au saxophone alto et à la flûte, Sullivan Fortner au piano, Ameen Saleem à la contrebasse et Quincy Phillips à la batterie, il invite le 13 le rappeur Sly Johnson, le 14 les sœurs jumelles Naomi et Lisa-Kainde Diaz qui font parler d'elles sous le nom de Ibeyi, et le 15 les chanteuses China Moses et Laetitia Dana.

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-Bill Charlap au Duc des Lombards les 14, 15 et16 juillet. Le pianiste travailla avec Gerry Mulligan, Tony Bennett, Benny Carter et beaucoup d’autres avant de constituer en 1997 avec Peter Washington (contrebasse) et Kenny Washington (batterie), le trio qui l’accompagne au Duc. Charlap enregistre également des standards pour le label Vénus au sein du New York Trio comprenant le bassiste Jay Leonhart et le batteur Bill Stewart. Publié en 2010 sur Blue Note, “Double Portrait”, un duo avec Renee Rosnes son épouse, reste l’un de ses meilleurs albums.

Hot Summer Days

-The Cookers au Sunside les 15 et 16 juillet pour défendre un hard bop modernisé qui puise toujours son énergie et son inspiration dans les racines du jazz. Le All Star comprend Eddie Henderson et David Weiss (trompettes), Billy Harper et Donald Harrison (saxophones), George Cables (piano), Cecil McBee (contrebasse) et Billy Hart (batterie). Le pianiste Danny Grissett remplace Cables dans cette tournée. Henderson et Hart furent membres du sextet électro-acoustique d’Herbie Hancock. Saxophoniste du dernier groupe de Lee Morgan, Harper fit partie des Jazz Messengers. La formation compta dans ses rangs Craig Handy, aujourd’hui membre du Messenger Legacy. Leur dernier disque, “Time and Time Again” (Motéma), date de 2014.

Hot Summer Days

-Ne manquez pas Alexandre Saada en solo au Sunside le 18 à 19h00. J’aime un peu moins son dernier disque, mais les deux précédents “Continuation to the End” et “Présent”, tous deux en solo, sont très attachants. Le pianiste improvise des paysages mélancoliques, donne de belles nuances de blanc à sa musique poétique et sensible. Rejetant toute virtuosité, Alexandre Saada séduit par ses couleurs et ses harmonies tranquilles, ses phrases dépouillées et lentes qui savent parler au cœur.

Hot Summer Days

-Le 18 toujours, on attendra 21h30 pour assister au concert que donnera Susanna Bartilla au Sunset. Elle aussi nous touche au cœur par sa voix chaude et sensuelle, son vibrato envoûtant qui fait revivre les standards de la grande Amérique, les chansons de Johnny Mercer et de Peggy Lee auxquelles elle a consacré des albums. La chanteuse berlinoise sait bien choisir ses musiciens. Le piano d’Alain Jean-Marie, la guitare de Sean Gourley, la contrebasse de Claude Mouton et la batterie de Kenny Martin habillent son chant d’un écrin de notes colorées et soyeuses.

Hot Summer Days

-Branford Marsalis au New Morning le 21. Enregistré en 2003 au Bimhuis d’Amsterdam et édité le mois dernier, son dernier disque fait entendre une relecture énergique du chef-d’œuvre de John Coltrane “A Love Supreme”. Son batteur est alors Jeff “Tain” Watts. Justin Faulkner tient aujourd’hui l’instrument, le pianiste Joey Calderazzo et le bassiste Eric Revis complétant son quartette. Infatigable, le saxophoniste surprend par son éclectisme, la diversité de ses projets. Consacrée à la musique baroque, une tournée de 20 concerts avec le Philadelphia Chamber Orchestra l’a conduit à traverser l’Amérique. Pour notre bonheur à tous, il traverse cet été l’Atlantique avec du jazz plein ses bagages.

Hot Summer Days

-Après la fusion de Prism, son groupe précédent, Dave Holland change de jazz avec un nouveau quartette comprenant Chris Potter aux saxophones, Lionel Loueke à la guitare et Eric Harland à la batterie. Le New Morning les accueillera le 22 pour un unique concert parisien. Entre Holland et Potter c’est une longue histoire musicale qui commence avec l’enregistrement de l’album “Prime Directive” pour ECM en 1998 et se poursuit aujourd’hui. Harland joue dans de récents disques du contrebassiste. Loueke est donc le petit nouveau qui apporte de nouvelles couleurs au groupe. Sa guitare chante de drôles de sons et ne ressemble à aucune autre.

Hot Summer Days

-Le pianiste Aaron Diehl retrouve le Duc des Lombards le 24 avec Paul Sikivie à la contrebasse et Lawrence Leathers à la batterie. “Space Time Continuum” son nouveau disque contient un certain nombre d’invités parmi lesquels deux célèbres octogénaires, Joe Temperley et Benny Golson. On y découvre surtout les talents d’arrangeur de Diehl, pianiste aussi à l’aise dans le jazz classique que dans le bop.

Hot Summer Days

-Le Duc des Lombards accueille le nouveau trio de Sangoma Everett le 25. “Debi”, un album récemment publié chez Naïve, témoigne de son intérêt. Influencé par le piano d’Ahmad Jamal, le jeune Bastien Brison séduit par son jeu économe. Ses harmonies baignent dans le swing, le flux des rythmes que Sangoma, batteur né en Virginie mais installé depuis longtemps en France, a ramené de ses nombreux voyages. Gardienne du tempo, apportant de belles lignes mélodiques à la musique, la contrebasse de Christophe Lincontang cimente un trio interactif qui réserve bien des surprises.

Hot Summer Days

-Chaque année pendant l’été, le Sunside organise son Festival Pianissimo. Sa dixième édition réserve de bons moments. On en consultera le programme détaillé. Si vous êtes parisien, essayez de ne pas manquer le trio de Jean-Michel Pilc, Thomas Bramerie et André Ceccarelli (le 31 juillet et le 1er aout), le quintet Utopia de Leila Olivesi (le 7), Dan Tepfer (en photo) avec Louis Moutin et Arthur Hnatek (le 8), Yonathan Avishai et son trio (le 25), le Be-Bop Trio d’Alain Jean-Marie (le 26) l’indémodable René Urtreger avec Yves Torchinsky et Eric Dervieu (le 28 et le 29), et enfin Laurent de Wilde avec Bruno Rousselet et Donald Kontomanou (le 4 et le 5 septembre).

Hot Summer Days

-En août, le Duc des Lombards ouvre ses portes aux rythmes tropicaux avec Go South, un nouveau festival au programme alléchant. Le Jerry Gonzalez Cuba Quintet (avec Kirk Lightsey au piano) les 29 et 30 juillet, Irving Acao en quintette (avec Yonathan Avishai au piano et Felipe Cabrera à la contrebasse) le 4 août, Bambula ! le nouveau groupe du saxophoniste portoricain David Sanchez le 6 et le 7 et le guitariste Biréli Lagrène avec le pianiste Antonio Faraò, le bassiste Eddie Gomez et le batteur Lenny White les 17, 18 et 19 août, en sont les têtes d’affiche.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Festival Au Grès du Jazz : www.festival-augresdujazz.com

-Saint-Omer Jaaz Festival : www.tourisme-saintomer.com

-Jazz à Beaupré : www.jazzabeaupre.com

-Frontenay Jazz Festival : www.frontenayjazz.fr

 

Crédits Photos : "Fontaine de pluie" © Reuters / Andrew Winning Terence Blanchard © Muse Media / Henry Adebonojo – Ronnie Lynn Patterson, Dan Tepfer © Pierre de Chocqueuse – Roy Hargrove © Verve Records – Branford Marsalis Quartet © Eric Ryan Anderson – Dave Holland Quartet © Trevor Hagan – Sangoma Everett Trio © Michel Brabant – Trio E_L_B + Stéphane Guillaume, Ralph Peterson, Ambrose Akinmusire, Bill Charlap, Alexandre Saada, Susanna Bartilla, Aaron Diehl, Kurt Rosinwinkel, Antonio Faraò / Eddie Gomez / Biréli Lagrène / Lenny White © Photos X/D.R.

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29 juin 2015 1 29 /06 /juin /2015 10:00
Bruno ANGELINI : “Instant Sharings” (La Buissonne / H. Mundi)
Bruno ANGELINI : “Instant Sharings” (La Buissonne / H. Mundi)

En quartette, avec Régis Huby aux violons, Claude Tchamitchian à la contrebasse et Edward Perraud à la batterie et aux percussions, Bruno Angelini fait aujourd’hui paraître un nouveau disque à marquer d’une pierre blanche, un Choc que Franck Bergerot n’a pas manqué d’attribuer dans le n° de juin de Jazz Magazine. Jazz ? Musique contemporaine ? On ne sait trop, mais qu’importe ! La musique y jaillit aussi fraîche et limpide qu’une source d’un rocher.

C’est en 2006, dans “Never Alone”, un piano solo pour Minium supervisé par Philippe Ghielmetti, que j’ai découvert Bruno Angelini. Reprenant le répertoire de “The Newest Sound Around”, disque oh combien célèbre co-signé par Jeanne Lee et Ran Blake, le pianiste en donne une réinterprétation lyrique et personnelle. D’autres enregistrements de Bruno ont depuis rejoint ma discothèque, des albums en trio disponibles sur Sans Bruit, des opus en duo avec le trompettiste Giovanni Falzone. Sans oublier “Colors” en quartette avec Gérard Lesne, un haute-contre, disque par moi défendu lors d’un « Pour / Contre » dans les pages de Jazzman. Héritage de l’enseignement de Sammy Abenaïm dont il suivit les cours et qui lui apprit à écouter, ce sont bien sûr les harmonies, la large palette de couleurs dont il dispose, qui me rendent ce pianiste si séduisant. Bruno Angelini enseigne à la Bill Evans Piano Academy (avec Philippe Le Baraillec, musicien cher à mon cœur) et lorsqu’on lui demande quels pianistes il admire, il cite Duke Ellington, Herbie Hancock, Ran Blake, Geri Allen, Richie Beirach, John Taylor, que j’apprécie autant que lui.

Les deux premières plages d’“Instant Sharings” sont des morceaux que Bruno affectionne. Composé par Paul Motian, Folk Song for Rosie apparaît la première fois dans “Voyage” un disque ECM de 1979. On le trouve aussi dans “Misterioso” (Soul Note), “At the Village Vanguard” (Winter & Winter) et “Phantasme” (BMG), un album publié sous le nom de Stephan Oliva avec Motian à la batterie. Violon et contrebasse se voient ici confier le thème. Le piano en égraine les notes tranquilles, ornemente délicatement. Le batteur ajoute des couleurs, fait vibrer peaux et cymbales. Meridianne – A Wood Sylph de Wayne Shorter, une pièce modale qui se développe et palpite, prolonge avec bonheur cette plongée dans le rêve. “1+1”, un disque Verve de 1997 réunissant Wayne Shorter et Herbie Hancock, renferme l'original.

Bruno ANGELINI : “Instant Sharings” (La Buissonne / H. Mundi)

Solange débute comme une sonate pour violon et piano. La section rythmique rejoint tardivement les deux instruments. Le batteur confie alors un beat solide aux nappes brumeuses du violon, aux notes transparentes du piano. Une cadence apparaît également dans Home by Another Way, une pièce modale qui prend le temps de respirer. La contrebasse se joint au piano pour la faire chanter, en effleurer les notes joyeuses. Sa coda abrupte nous projette dans l’univers mélodique de Steve Swallow. Enregistré par ce dernier en septembre 1979 à New York pour ECM, Some Echoes se développe à nouveau autour d'un ostinato tenu par le piano. Violon, batterie et contrebasse jouée à l’archet font lentement danser leurs timbres. L’exposition majestueuse du thème par Régis Huby est un des grands moments du disque que Be Vigilant, une pièce free et agressive, semble diviser en deux parties. Open Land et sa mélodie très lente et très belle dont s’empare un piano mélancolique refroidit cette lave en fusion. Romy et son délicieux balancement lui succède, le disque se terminant par une reprise alanguie de Folk Song for Rosie. Car ici les tempos sont presque toujours lents. Loin de se laisser enfermer par des barres de mesure, la musique évolue librement sous l’action du travail collectif des musiciens qui prennent le temps de développer leurs idées, tant mélodiques que rythmiques. Ces instants, ces moments qu’ils partagent (Instant Sharings) nous sont infiniment précieux.

Concert de sortie au Triton, 11 bis, rue du Coq Français, 93260 Les Lilas, le mercredi 1er juillet à 21h00. Billetterie / Renseignements : 01 49 72 83 13.

 

Photos : Bruno Angelini © Jean-Baptiste Millot – Bruno Angelini Quartet © Gérard de Haro.

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22 juin 2015 1 22 /06 /juin /2015 09:39
Gary PEACOCK Trio : “Now This” (ECM / Universal)
Gary PEACOCK Trio : “Now This” (ECM / Universal)

Accaparé par le trio de Keith Jarrett qui semble aujourd’hui avoir cessé toute activité, Gary Peacock fut loin d’être inactif dans les années 2000 malgré une relative mise en sommeil de Tethered Moon réunissant le pianiste Masabumi Kikuchi et le batteur Paul Motian autour de sa contrebasse. Peacock a surtout beaucoup joué avec Marc Copland, qui tient le piano dans “Now This”. Joey Baron complète le trio à la batterie.

Marc Copland
Marc Copland

Marc Copland s’appelle encore Marc Cohen lorsqu’il enregistre en 1988 “My Foolish Heart”, son premier album. Gary Peacock en est le bassiste. Édité sur le label Jazz City, il inaugure une longue et fructueuse complicité entre les deux musiciens. Marc fait souvent appel à lui lorsqu’il se rend en studio. Outre plusieurs disques en trio, deux opus en duo naissent de leur collaboration. Produit par Philippe Ghielmetti pour Sketch, le plus ancien, “What It Says”, date de 2002. Il contient Vignette et Requiem, tous deux au répertoire de “Now This”. Peacock les a souvent enregistrés. Vignette reste sa composition la plus célèbre. Elle apparaît pour la première fois dans “Tales of Another”, un enregistrement de 1977 réunissant Gary Peacock, Keith Jarrett et Jack DeJohnette, les musiciens du futur « Standards Trio » du pianiste. Requiem figure également sur plusieurs albums du bassiste. Enregistré à Tokyo le 5 avril 1971 avec Masabumi Kikuchi, “Voices” (CBS / Sony) en offre la toute première version. “Now This” renferme deux autres thèmes que Gary affectionne. Gaia (parfois orthographié Gaya) apparaît dans “Triangle” un disque de Tethered Moon, et dans “Oracle”, une de ses deux rencontres avec Ralph Towner. Egalement enregistré par Tethered Moon, Moor est au répertoire de plusieurs disques ECM. Sa version la plus célèbre reste celle que l’on trouve dans “Paul Bley With Gary Peacock”, un des premiers albums que publia la firme munichoise.

Gary Peacock
Gary Peacock

On le constate ici, le bassiste revient souvent sur ses œuvres. Marc Copland fait de même. Tous deux remodèlent leurs créations, en livrent des esquisses qu'ils réinventent périodiquement. Ils n’aiment guère répéter, préfèrent improviser, se lancer. La qualité exceptionnelle de leur écoute permet de prendre des risques, de se mettre en danger. A la suite de Scott LaFaro trop tôt disparu, Gary Peacock, quatre-vingts ans cette année, fut l’un des premiers musiciens à utiliser la contrebasse comme instrument mélodique. Jouer avec Paul Bley lui offrit un grand espace de liberté. Derrière Albert Ayler dont il accompagna le souffle tumultueux, il put librement inventer, donner forme et cohérence à l’art brut et novateur, le céleste chaos du saxophoniste. Concepteur d’harmonies fines, Marc Copland n’a rien en commun avec le grand Albert mais le piano de Paul s’entend dans sa musique. Auteur d’une vingtaine d’albums dont plusieurs sont des incontournables, il est l’un des rares pianistes du jazz moderne qui possède un langage vraiment original. Marc hypnotise par ses voicings, son phrasé aux notes tintinnabulantes et liquides, diffractées comme si un miroir invisible en renvoyait l’écho. Son jeu de pédales leur apporte des couleurs délicates et brumeuses, donne une large palette de nuances à ses harmonies flottantes. Shadows, mais aussi This qu’introduit longuement la contrebasse, bénéficient de ses notes rêveuses.

Joey Baron
Joey Baron

Comme sous l’emprise d’un charme, la musique ondule, tangue comme un avion en plein ciel, un navire en mer. Confiée à trois solistes constamment à l’écoute les uns des autres, elle bouge, se transforme, recherche l’aventure. Véloce et expressive, la contrebasse improvise, converse librement avec le piano, prend souvent la parole. Vibrations métalliques des cymbales, peaux de tambours tantôt caressées, tantôt frappées, Joey Baron colore l’espace sonore, donne de la musicalité, du chant à ses rythmes aérés. Compositeur, il apporte Esprit de Muse, une pièce abstraite qu’il bruite aux balais. Construit sur la répétition d’un court motif mélodique, Noh Blues, l’un des deux thèmes de Copland, se métamorphose au gré des voix qui le traversent. En libérant la contrebasse de sa fonction rythmique, Scott LaFaro lui fit prendre le grand tournant de la modernité. Gary Peacock reprend Gloria’s Step, sa plus célèbre composition. Son instrument chante et le fait sacrément bien.

Photos © Eliott Peacock

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15 juin 2015 1 15 /06 /juin /2015 10:55
C. HADEN / G. RUBALCABA : “Tokyo Adagio” (Impulse !/Universal)
C. HADEN / G. RUBALCABA : “Tokyo Adagio” (Impulse !/Universal)

Décédé en juillet 2014, Charlie Haden a toujours apprécié les chants révolutionnaires espagnols et latino-américains. La musique cubaine l’a également fasciné. En 1986, invité au Jazz Plaza Festival de la Havane avec son Liberation Music Orchestra, il découvre enthousiasmé Gonzalo Rubalcaba qui s'y produit avec son groupe. Le pianiste cubain a déjà enregistré trois albums pour le label allemand Messidor et quelques autres dans son île natale. Trois ans plus tard, le 3 juillet 1989 il joue avec Haden et le batteur Paul Motian au Festival de Montréal. Enregistré par Radio Canada et publié en CD, le concert révèle un virtuose au toucher percussif et à la technique stupéfiante. Comme nombre de musiciens cubains, le pianiste emprunte ses harmonies raffinées à la musique classique européenne, à Chopin et à Liszt, à Ravel et à Debussy. Le trio triomphe l‘année suivante au Festival de Montreux. Toshiba-EMI / Blue Note offre au pianiste un contrat d’enregistrement et édite le concert. En 1991 paraît “The Blessing”. Enregistré en studio à Toronto avec Charlie Haden et le batteur Jack DeJohnette, il contient Sandino, depuis longtemps au répertoire du Liberation Music Orchestra. “Tokyo Adagio” en donne une version apaisée et lyrique. Le pianiste efface son aspect latin, l’habille d’harmonies élégantes. Il a canalisé sa fougue, détache chacune de ses notes, les fait chanter et respirer. Les combinaisons d’accords, de couleurs, le préoccupent bien davantage que le rythme. Nous sommes en 2005. Gonzalo Rubalcaba et Charlie Haden se produisent au Blue Note de Tokyo. Ils ont fait d'autres disques ensemble. En 2000, Profitant d'un séjour à Miami, ils gravent avec quelques musiciens amis parmi lesquels Joe Lovano, Pat Metheny et David Sanchez, une douzaine de boléros, des ballades cubaines et mexicaines particulièrement appréciées du bassiste.

C. HADEN / G. RUBALCABA : “Tokyo Adagio” (Impulse !/Universal)

L’album s’intitule “Nocturne” et sa première plage, En la Orilla del Mundo, un thème de Martín Rojas guitariste et bassiste né à La Havane en 1944, est aussi la première de “Tokyo Adagio”. Les deux hommes prennent leur temps pour en exposer la mélodie. Gonzalo l’introduit seul. Chaque note est une couleur. Haden sollicite le registre grave et médium de sa contrebasse, cale son tempo infaillible sur un piano sobre et lyrique qu’il laisse improviser. Il fait de même dans Transparence, un thème que Rubalcaba a enregistré plusieurs fois et dont “Nocturne” renferme une version. Le bassiste se réserve pour le morceau suivant, My Love and I écrit par David Raksin pour le film “The Apache”, une de ses mélodies préférées. “Today and Now”, un disque Impulse de Coleman Hawkins acheté au début des années 60 la lui révéla. Il aime cette mélodie et semble mettre toute son âme dans les notes que font naître et vibrer ses cordes. Le bassiste la reprend avec son Quartet West dans “Sophisticated Ladies” et invite Cassandra Wilson à la chanter.

C. HADEN / G. RUBALCABA : “Tokyo Adagio” (Impulse !/Universal)

Né en 1937 dans l’Iowa, Charlie Haden passe sa jeunesse à Springfield dans le Missouri. Installé à Los Angeles, il a vingt ans en 1957 lorsqu’il joue avec Art Pepper et Hampton Hawes. L’année suivante, il intègre le quintette de Paul Bley qui se produit au Hilcrest, un des clubs de la ville. Le saxophoniste du groupe, Ornette Coleman, s’apprête à faire bouger le jazz et Haden sera bientôt son bassiste. Le turbulent saxophoniste vient de publier son premier disque et “Something Else !!!!” révèle un compositeur profondément original. Nombre de ses thèmes deviendront des standards. Il contient When Will the Blues Leave que Haden et Rubalcaba interprètent dans “Tokyo Adagio”. Le pianiste en expose le thème malicieux et laisse la contrebasse le développer. Haden privilégie la concision. Sa sonorité pleine, son tempo métronomique font merveille dans ces lignes de blues que Rubalcaba reprend avec beaucoup de naturel. La prise de son met en valeur sa sonorité brillante, la découpe rythmique de son phrasé fluide.

C. HADEN / G. RUBALCABA : “Tokyo Adagio” (Impulse !/Universal)

En 2003, lors un concert donné à Austin, Charlie Haden rencontre la fille du compositeur mexicain José Sabre Marroquín (1909-1995). “Nocturne” comprend une de ses œuvres et pour le remercier, elle lui confie des partitions de son père. Enregistré en décembre 2003 à New York et publié l’année suivante, “Land of The Sun” contient huit de ses thèmes arrangés par Rubalcaba. C’est toutefois une chanson d’Agustín Lara, le célèbre Solamente Una Vez (Frank Sinatra et Elvis Presley l’ont chanté en anglais sous le titre de You Belong to My Heart) que Haden et Rubalcaba reprennent à Tokyo. Les deux hommes l’abordent sur un tempo encore plus lent. Le thème très émouvant est esquissé par un piano qui en détache toutes les notes. Tout aussi recueilli, le bassiste improvise longuement tout en ne perdant jamais de vue la ligne mélodique du morceau, comme s’il souhaitait la garder constamment en mémoire. Il existe probablement d’autres inédits de Charlie Haden, mais la musicalité de “Tokyo Adagio”, un grand disque, le rend inoubliable.

C. HADEN / G. RUBALCABA : “Tokyo Adagio” (Impulse !/Universal)

Photos : Gonzalo Rubalcaba & Charlie Haden © Philippe Etheldrède – Gonzalo Rubalcaba & Charlie Haden au Blue Note de Tokyo © Yasuhisa Yoneda 

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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 09:14
Edward PERRAUD SYNAESTHETIC TRIP 02 :           “Beyond the Predictable Touch” (Quark / l’autre distribution)

Je découvre le Synaesthetic Trip d’Edward Perraud avec cet album, le second d’une formation qui existe depuis 2011. Saupoudrant leur nouveau disque d’effets électroniques, Bart Maris (trompette, bugle), Benoît Delbecq (piano, claviers), Arnaud Cuisinier (contrebasse) et Edward Perraud (batterie, percussions) accueillent deux souffleurs amis – Daniel Erdmann (saxophone ténor) et Thomas de Pourquery (saxophone alto) – pour jouer une musique largement écrite. Étonnant pour un adepte de l’improvisation radicale dont les choix artistiques, par ailleurs respectables, sont loin d’être toujours partagés. Curieux, disposant d’un solide bagage technique, le batteur s’est essayé à toutes sortes d’aventures. Titulaire d’un DEA de musicologie, attiré par de nombreux genres, styles et écoles, cet admirateur de Mozart, de King Crimson, et bien sûr d’Hans Eisler (le trio Das Kapital dont il est membre lui a consacré un disque) tente de jeter des ponts entre les musiques, de décloisonner le jazz qu’il bouscule pour en élargir les règles. “Beyond the Predictable Touch” revisite son histoire. Fanfares et polyphonie néo-orléanaises, bop et free la cimentent mais d’autres influences musicales parcourent l’album, le tango dans Entrailles, le baroque dans Nun Komm, l’éclectisme de son répertoire rendant caduque toute notion de frontière. Le disque rassemble des ritournelles aux mélodies plaisantes que le batteur fit longtemps tourner dans sa tête. Edward Perraud aime brouiller les pistes avec des morceaux à tiroirs aux tempos point trop rigides, de longues introductions flottantes qui dévoilent tardivement leurs thèmes. Ses musiciens l’aident à solidifier le tissu musical de ses compositions ouvertes, à les rendre plus vivantes par les idées qu’ils y déposent. Reposant sur un ostinato, Suranné fait ainsi penser à une musique de film. Touch et son thème attachant semble sortir de “Porgy & Bess”. Proche de la soul, du gospel, Captain Universe met en valeur les cuivres et célèbre le rythme. Colorés par les claviers de Benoît Delbecq, Sad Time et Democrazy baignent dans le groove. Métissé, actualisé, le jazz qu’Edward Perraud invente avec ce groupe repose sur d’indéniables racines. Puisse-t-il fédérer un large public.

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1 juin 2015 1 01 /06 /juin /2015 09:45
Enfant prodige

Juin : le temps des cerises. On les cueille et on les chante. Les oiseaux en raffolent. De bonheur, les moineaux pépient, les merles sifflent, les corneilles babillent. Les pigeons roucoulent, font leur nid où ils peuvent, affectionnent les bacs à fleurs et les plantes vertes des parisiens qu’ils saccagent. Les orangers sortent de leurs serres, Mélodie Gardot publie son meilleur album et le New Morning crée sa radio sur le Web. Au programme : des concerts ponctuellement retransmis et “Un Soir au Club”, magazine musical animé par Franck Médioni du lundi au vendredi de 19h00 à 20h00. Pour la fête des Pères le 21, premier jour de l’été, offrez lui une place pour l’un des concerts que le Sunset / Sunside organise à l’occasion de son Festival Jazz Vocal. Au programme : Philomène Irawaddy, Christophe Dunglas, Mélanie Dahan, Lou Tavano, les Voice Messengers et quelques autres. Du 7 juin au 26 juillet, les pelouses du Parc Floral de Vincennes accueillent le Paris Jazz Festival. 31 concerts proposés sur 8 week-ends au milieu des fleurs, des arbres et des oiseaux. La nature prospère, les jardins étalent leurs couleurs, le geai des chênes cajole, la pie jacasse, l’enfant prodige se manifeste.

Enfant prodige

Né en 2003 à Denpassar dans l’île de Bali, Joey Alexander débute le piano à l’âge de six ans. Il en a dix en 2013, s’invite dans les festivals, se produit à l’UNESCO devant Herbie Hancock impressionné. Pris en main par une agence artistique qui compte bien partout l’exhiber, il n’a eu aucun mal à trouver une compagnie de disques. “My Favorite Things” son premier album est en vente depuis quelques jours. Un recueil de standards inégal, mais le gamin nous assomme avec une version enthousiasmante de Giant Steps enregistré avec Larry Grenadier à la contrebasse et Sammy Miller à la batterie. Le jeunot improvise avec beaucoup d’aplomb, impose son rythme, ses idées, sa force de frappe à ses partenaires qui n’en reviennent toujours pas.

Pour être sûr de ce que l’on entend, on va regarder sur le net les vidéos que Motéma, sa maison de disques, met à disposition. On y découvre un étonnant Over The Rainbow en solo et un ‘Round Midnight à faire pâlir d’envie bien des pianistes. Le nôtre joue aussi Sonrisa d’Herbie Hancock et Armando’s Rhumba de Chick Corea, pianiste qui semble l’avoir beaucoup marqué. Bien qu‘ébloui, on éprouve en même temps un malaise devant ce garçonnet de 12 ans qui donne des concerts au lieu d’aller à l’école et de jouer à d’autres jeux avec ses camarades. Enfants, Liszt et Mozart firent de même. Herbie Hancock aussi. À l’âge de 11 ans, il interprétait le Concerto en ré majeur de Mozart avec le Chicago Symphony Orchestra. Mais Joey Alexander improvise, ce qui demande non seulement de la mémoire et de la technique mais aussi des idées. Rien ne dit qu’il sera en mesure de composer des œuvres personnelles, de devenir un grand du jazz. Laissons le donc grandir ! Pour l’heure, on se presse à ses concerts. Ce qui sort de l’ordinaire fascine. Immense pianiste, Michel Petrucciani n’aurait probablement jamais conquis un si large public sans son handicap. Au risque d’en payer plus tard le prix, Joey le phénomène attire déjà les foules par son jeune âge. Prions pour lui.

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Enfant prodige

-Andy Sheppard au Duc des Lombards le 4 avec une version augmentée de son Trio Libero. Le guitariste Eivind Aarset rejoint ainsi le saxophoniste et ses deux complices, Michel Benita et Sebastian Rochford. Ses nappes de sons, les effets électroniques qu’il tire de sa guitare enrichissent la musique. Il apporte aussi un tissu harmonique qui permet à Sheppard de créer des paysages que parcourent de grands fleuves tranquilles, de faire naître une bande-son d’un grand lyrisme. “Surrounded by Sea”, son nouvel album, en bénéficie. Le saxophoniste y fait chanter ses notes, improvise des chorus mélodiques qu'il est bon d’écouter.

Enfant prodige

-Toujours le 4, le batteur Edward Perraud fête au Studio de l’Ermitage la sortie de “Beyond the Predictable Touch”, second album de son Synaesthetic Trip, une formation qu’il constitua en 2011 et qui comprend Bart Maris à la trompette et au bugle, Benoît Delbecq au piano et aux claviers et Arnaud Cuisinier à la contrebasse. Tous utilisent sans en abuser l’électronique pour modifier les timbres de leurs instruments, enrichir la palette sonore de leur groupe qui modernise le jazz et jette de nombreux ponts entre les musiques. Leur nouveau disque bénéficie aussi de la présence de deux autres souffleurs, Daniel Erdmann au saxophone ténor et Thomas de Pourquery au saxophone alto. Ils seront également sur scène pour en jouer le répertoire.

Enfant prodige

-Le 6, c’est au tour de Fabien Mary de fêter la sortie de son nouveau disque. Enregistré à New York qu’il a habité plusieurs années, “Three Horns, Two Rhythm” (Elabeth) réunit trois cuivres, une contrebasse et une batterie. Les musiciens américains de l’album ne pouvant être présents, le trompettiste fait appel à deux autres souffleurs – Michael Joussein (trombone) et David Sauzay (saxophone ténor) –, Gilles Naturel (contrebasse) et Andréa Michelutti (batterie) assurant la rythmique. Sans piano pour poser des harmonies, asseoir la tonalité, le nouveau répertoire qu’il a composé pour ce nouvel album met en valeur les cuivres, leurs associations de timbres. En vente depuis le 12 mai, il est tout à fait recommandable.

Enfant prodige

-Ouverture du Paris Jazz Festival au Parc Floral de Vincennes le 7 juin avec à 14h15 un concert de Stéphane Kerecki en quartette avec John Taylor (piano), Émile Parisien (saxophone soprano) et Fabrice Moreau (batterie). Un concert parrainé par l’ADAMI dont Stéphane est un des « Talents Jazz 2015 ». Au programme, de larges extraits de “Nouvelle Vague”, un album dans lequel le bassiste reprend des musiques de Michel Legrand, Georges Delerue, Antoine Duhamel et Martial Solal.

Enfant prodige

-Ne manquez pas le même jour à 19h00 le concert de soutien aux victimes du séisme du Népal au New Morning organisé par Partage dans le Monde, association à but humanitaire qui depuis 20 ans construit et fait fonctionner en Inde des dispensaires médicaux et développe des actions dans les villages isolés et défavorisés du Népal (construction d’écoles, projets d’accès à l’eau potable, etc.). Pour leur venir en aide et avec le soutien fédérateur du pianiste Nicola Sergio, l’association a mobilisé neuf jazzmen de renom. Deux sets sont prévus. Le premier fera entendre Nicola Sergio avec Matteo Pastorino (clarinette), Basile Mouton (contrebasse) et Luc Isenmann (batterie). Suivront le guitariste Federico Casagrande et le pianiste Guillaume de Chassy, tous les deux en solo. Roberto Cherillo (piano et chant) et les pianistes François Popineau et Benjamin Moussay tous les deux en trio avec Basile Mouton et Luc Isenmann animeront le second set.

Enfant prodige

-Jacky Terrasson & Friends à l’Olympia le 9 juin (20h30), pour un concert de soutien à Care France, réseau humanitaire apolitique et non confessionnel présent dans 87 pays qui s’attaque aux causes profondes de la pauvreté. C’est la première fois que le pianiste se produit dans cette salle, et de nombreux amis seront à ses côtés. On annonce les chanteuses Cécile McLorin Salvant, Anne Sila et Mathilde (toutes deux découvertes dans l’émission The Voice), le chanteur Sly Johnson, l’incontournable Stéphane Belmondo au bugle, et Marcio Faraco, guitariste et chanteur brésilien. Thomas Bramerie à la contrebasse, le batteur cubain Lukmil Perez et le percussionniste argentin Minino Garay assureront la section rythmique.

Enfant prodige

-Nouvelle signature du catalogue Impulse, la chanteuse et pianiste Sarah McKenzie se produira trois soirs de suite et pour six concerts, les 11, 12 et 13 juin, au Duc des Lombards. Âgée de 27 ans, cette jeune australienne depuis peu installée à Paris a étudié le jazz au Berklee College of Music de Boston et a participé à plusieurs festivals américains et européens. D’autres (Juan-les-Pins, Marciac) attendent sa venue cet été. Lauréate du prix du meilleur album de jazz australien (ARIA), la chanteuse n’est pas sans évoquer Diana Krall dans ses premiers albums. Elle partage avec cette dernière une admiration indéfectible pour les standards du jazz. Enregistré à New York, “We Could be Lover” dont la sortie française est programmée en octobre contient ainsi des thèmes de Cole Porter, George Gershwin, Henry Mancini, Duke Ellington et Jerome Kern. Pour ses concerts parisiens, elle sera accompagnée par Jo Caleb (guitare), Pierre Boussaguet (contrebasse) et Gregory Hutchinson (batterie).

Enfant prodige

-Retour au Parc Floral de Vincennes samedi 13 et dimanche 14 pour un week-end 100% italien proposé par le Paris Jazz Festival. Le 13 à 21h00 (Espace Delta), le maestro Enrico Pieranunzi se produira en trio avec Gabriele Mirabassi (clarinette) et Diego imbert (contrebasse). Le nom du groupe : Nuovi Racconti Mediterranei. Le 14 à 14h00, ne manquez pas Giovanni Guidi en solo (photo). L’ancien pianiste d’Enrico Rava a récemment fait paraître sur ECM un disque très séduisant. Le même jour à 15h30, c’est au tour d’Enrico Rava d’occuper l’Espace Delta avec une formation renouvelée. Stefano Di Battista (saxophone alto), Francesco Diodati (guitare) et Enrico Morello (batterie) entourent le trompettiste qui ne conserve que Gabriele Evangelista, son bassiste.

Enfant prodige

-Le 16, Yonathan Avishai et les musiciens de son trio – Yoni Zelnik (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie) – retrouvent le Duc des Lombards pour (re)fêter la sortie de “Modern Times” (Jazz & People), disque dans lequel le pianiste économise ses notes. Habilement modernisés, les standards qu’il reprend – I Got it Bad (and That Ain’t Good) de Duke Ellington, Cornet Chop Suey de Louis Armstrong – gagnent en lisibilité, se refont une jeunesse. Dotées de rythmes et de mélodies traversées par le blues, ses compositions bénéficient du même traitement minimaliste. Peu de notes mais un jazz qui respire et qui swingue, l’excellente section rythmique du pianiste leur donnant rythme et tension.

Enfant prodige

-Les compositions colorées de Romain Collin possèdent des qualités mélodiques indéniables. Outre “Slow Down (This Isn’t the Mainland)” (2014) enregistré avec le trio The North, disque qui m’a permis de le découvrir, le pianiste qui est né en France et habite en Amérique a publié trois albums sous son nom. Dans “Press Enter”, son disque le plus récent produit par Matt Pierson (Brad Mehldau, Joshua Redman), le trio qui l’accompagne – Luques Curtis (contrebasse) et Kendrick Scott (batterie) – est parfois rejoint par quelques invités. Brillant sur tempo rapide, il possède un jeu sensible qu’il met au service des mélodies qu’il invente. On l’écoutera le 18 sur la scène du Duc des Lombards avec Felipe Cabrera (contrebasse) et Diego Pinera (batterie).

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-Après s’être produite sur la Péniche Le Marcounet, Marjolaine Reymond, chanteuse inclassable qui mêle jazz et bel canto, sprechgesang et effets électroniques, monte à bord de l’Improviste amarrée quai d’Austerlitz le 19 (21h00). Avec Julien Pontvianne (saxophone ténor et clarinette) David Patrois (vibraphone), Xuan Lindenmeyer (contrebasse) et Stefano Lucchini (batterie), Marjolaine nous dévoilera quelques morceaux de “Demeter No Access”, son prochain album. Elle interprétera également de larges extraits de “To Be an Aphrodite or not to Be”, un disque de 2013 consacré à la poétesse Emily Dickinson (1830-1886), un oratorio en trois parties, un petit théâtre hors du temps et aux images sonores inoubliables.

Enfant prodige

-Dans le cadre de son Festival Jazz Vocal, le Sunside consacre deux soirées et quatre concerts (18 et 19 juin) aux Voice Messengers, huit chanteurs et chanteuses qu’accompagne une section rythmique. Dans ce big band vocal le rôle des cuivres est tenu par les chanteurs qui prennent des chorus comme le font les instruments. Fondateur et directeur artistique de la formation, Thierry Lalo en est aussi le pianiste. Rose Kroner, Anne-Marie Jean, Chloé Cailleton, Solange Vergara, Manu Inacio, Larry Browne, Sylvain Belgarde et Pierre Bodson assurent les voix. Raphaël Dever tient la contrebasse et Frédéric Delestré la batterie. Leur album “Lumières d’Automne” (Black & Blue) a reçu le Prix du Jazz Vocal de l’Académie du Jazz en 2008.

Enfant prodige

-Melody Gardot s'offre trois jours de concerts à l’Olympia (du 26 au 28 juin) après un passage deux jours plus tôt (le 24) à l'Archéo Jazz Festival de Blainville-Crevon, un village cher à mon cœur pour des raisons que je ne vous raconterai point ici. Trois ans après “The Absence”, la chanteuse fait paraître début juin “Currency of Man”, son quatrième album, un enregistrement en studio pour lequel elle fait à nouveau appel au producteur Larry Klein. Un extrait mis en images (promotion oblige) nous en a été dévoilé, Same to You, un blues tirant vers la soul que rythme une basse puissante, des riffs de cuivres efficaces arrangés par Jerry Hey. Le disque (que j'ai depuis écouté en entier) a été enregistré à l’ancienne à Los Angeles. Amplis à lampes, bandes analogiques contribuent à lui donner une sonorité exceptionnellement chaude. On a hâte d’en découvrir le répertoire sur scène.

Enfant prodige

-Concert de sortie au Triton de “Instant Sharings” (Label La Buissonne), disque solaire de Bruno Angelini réunissant Régis Huby au violon, Claude Tchamitchian à la contrebasse et Edward Perraud à la batterie. C’est le 1er juillet à 21h00, mais je préfère l’annoncer dès maintenant. L’album dont vous lirez bientôt la chronique a été enregistré aux studios La Buissonne par Gérard de Haro. La prise de son, superbe, met en valeur la musique souvent onirique du pianiste, un jazz de chambre privilégiant la mélodie. Des musiciens inventifs y déclinent des paysages aux harmonies et aux couleurs délicates. On entre dans les images qu’ils suggèrent. Il fait bon s’y promener.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Studio de l’Ermitage : www.studio-ermitage.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

-New Morning Radio : www.newmorning.com/radio

-Olympia : www.olympiahall.com

-Paris Jazz Festival : www.parisjazzfestival.fr

-Péniche l’improviste : www.clubmusiqueimproviste.wordpress.com

-Le Triton : www.letriton.com

 

Crédits Photos : Joey Alexander © Motéma Records – Andy Sheppard Quartet © Sara Da Costa / ECM – Edward Perraud Synaesthetic Trip © Edward Perraud – Fabien Mary © Myriam Garnier – Stéphane Kerecki Quartet © Franck Bigotte – Sarah McKenzie © ABC Music – Giovanni Guidi © Riccardo Crimi – Yonathan Avishai © Eric Garault – Voice Messengers © Bruno Denis – Melody Gardot © Franco P. Tettamanti / Decca Records / Universal Music – Bruno Angelini Quartet © Gérard de Haro – Romain Collin © Photo X/D.R.  

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25 mai 2015 1 25 /05 /mai /2015 20:28
Keith JARRETT “Creation” (ECM / Universal)

Pour fêter ses 70 ans, Keith Jarrett a réuni les meilleurs moments de six concerts d’une tournée qu’il effectua en solo entre avril et juillet 2014. Des plages enregistrées à Tokyo, Toronto, Paris et Rome qui livrent le matériel thématique de cet album. Se fiant à son instinct, choisissant les morceaux qui reflètent précisément où il en est aujourd’hui dans sa musique et qui lui correspondent le mieux, le pianiste les a organisés et numérotés de I à IX, leur donnant la forme d’une suite.

Keith JARRETT “Creation” (ECM / Universal)

Reflétant l’humeur vagabonde du musicien mal aimé dont les caprices sont loin d’être toujours appréciés par ceux qui aiment son piano, sa Part I, une pièce sombre improvisée à Toronto le 25 juin, est la première qu’il a sélectionnée. La jouer lui a donné « la sensation d’atteindre des territoires inédits » (entretien accordé à Stéphane Olivier dans le numéro de mai de Jazz Magazine), et il construit son disque comme si les huit autres servaient à en étayer la logique. Constituée de variations autour d’un bref motif mélodique, la Part II relève du choral. Quant à la troisième, elle emprunte des harmonies à la musique romantique du XIXème et semble jaillir de la malle au trésor de sa mémoire. Bien que citant le Concerto d’Aranjuez dans la quatrième, Keith Jarrett se garde bien de tout plagiat. Plus sobre que d’habitude, il soigne l’architecture sonore de ses morceaux, fait sonner son piano comme le bourdon d’une cathédrale (Part VI et IX), insiste sur la dramaturgie de sa musique et parvient à donner une réelle unité à ces pièces lentes, introspectives, drapées d’austérité, malgré une acoustique et des pianos différents selon les concerts. Le 9 mai (Part V), il offre aux japonais de Tokyo une des grandes pages lyriques de cet album, la dote d’un thème émouvant et d’harmonies splendides. Également enregistré à Tokyo, la Part VI mêle des notes délicates à des accords puissants, son aspect onirique, ses couleurs évoquant Debussy. Comprenant des épisodes plus abstraits (les concerts donnés à Rome intriguent par leurs dédales labyrinthiques parfois dissonants), ce florilège tend progressivement vers la lumière. À la noirceur de la première plage fait pendant la blancheur lumineuse de la dernière, majestueux crescendo de notes chatoyantes qui progressent et s’organisent par paliers, comme si le pianiste, en plein effort, reprenait souffle pour hisser sa musique au sommet. Un des grands disques de l’année.

Photo : Henry Leutwyler / ECM Records

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 08:18
Jeremy UDDEN / Nicolas MOREAUX : “Belleville Project” (Sunnyside / Naïve)

J’ai découvert Jeremy Udden en 2009 lors de la sortie de “Plainville” son deuxième disque, intrigué par l’instrumentation inhabituelle de sa formation, la sonorité diaphane de son saxophone alto et l’originalité de sa musique, un jazz blues teinté de folk et de country music, une musique évoquant la ruralité de la grande Amérique. Le bassiste Nicolas Moreaux m’était inconnu avant la parution de “Fall Somewhere”, grand prix du disque de l’Académie Charles Cros en 2013, un double disque atmosphérique à la croisée du jazz et d’autres musiques populaires qui possède de nombreuses similitudes avec l’univers d’Udden. Comparez le morceau Plainville (petite ville de la Nouvelle Angleterre entre Boston et Providence qui porte le nom de son groupe) avec Far ou la première partie de Oak, deux plages du disque de Moreaux, pour vous en convaincre. Mêmes harmonies délicates et feutrées, instrumentation similaire accordant une large place aux guitares.

Jeremy UDDEN / Nicolas MOREAUX : “Belleville Project” (Sunnyside / Naïve)

De passage à Paris, Udden rencontra Moreaux et sympathisa avec lui. Les hommes eurent alors l’idée de composer et d’enregistrer la musique d'un film imaginaire dont l'action se situerait à Belleville, le Brooklyn français, le studio Pigalle accueillant cette rencontre franco-américaine en mars 2012. Udden fit le voyage avec Peter Rende (claviers) et RJ Miller (batterie), tous deux membres de Plainville. Condisciple d’Udden au New England Conservatory (Boston) et auteur d’un album dont l’instrumentation est semblable à celle de ses disques (“Horses”), Robert Stillman, tient le saxophone ténor. Moreaux lui rend ouvertement hommage dans “Beatnick” son disque précédent. Pierre Perchaud qui joue dans les deux albums que ce dernier a enregistrés assure les guitares et le banjo. Associé à l’orgue à pompe et au beat volontairement rudimentaire que délivre la batterie, l’instrument occupe une place importante dans la musique d’Udden (et dans celle de Stillman), lui donne une couleur champêtre non négligeable.

Car, s’il possède une discrète « french touch », c’est bien l’Amérique et ses musiques que célèbre ce disque. Il est toutefois singulier de constater que son dernier morceau, Healing Process, un rock lourd et énergique très différent des autres plages de l’album, est une composition de Moreaux. Écrit par Udden, construit sur un mode diatonique et générant de vraies improvisations, Belleville en est la pièce la plus jazz. Les autres morceaux aux orchestrations soignées et climatiques évoquent souvent des images. MJH, dédié au bluesman Mississipi John Hurt et Nico, un portrait de Moreaux par Udden, enthousiasment par leurs couleurs et leur fort potentiel lyrique. Jeremy et sa belle mélodie répétée ad libitum et Albert’s Place, une courte et tendre ritournelle, deux thèmes que l’on doit à Moreaux, sont également très séduisants. L’album est très court, à peine quarante minutes, mais sa musique heureuse le rend très attachant.

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13 mai 2015 3 13 /05 /mai /2015 09:23
Andy SHEPPARD Quartet : “Surrounded by Sea” (ECM / Universal)

De tous les saxophonistes britanniques que j’apprécie, Andy Sheppard est probablement le plus lyrique. Loin de questionner la note, de la tordre, de la crier témérairement, il la chante, la chuchote avec élégance. On le constate dans “Trios”, un disque de 2013 dans lequel il accompagne Steve Swallow et Carla Bley. Comme l’a récemment rappelé Michel Contat, on doit à son ténor la version émouvante de Utviklingssang, un des plus beaux thèmes de Carla, qu'il contient. Mais c’est avec son “Trio Libero” enregistré en 2011 avec Michel Benita à la contrebasse et Sebastian Rochford à la batterie, un disque de jazz atmosphérique né d’improvisations collectives peaufinées en studio, que le saxophoniste concilie pleinement son jeu sensible à sa musique. “Surrounded by Sea”, le nouvel album, voit la formation s’agrandir. Subtilement enrichie par des effets électroniques, la guitare d’Eivind Aarset apporte des nappes de sons et des harmonies rêveuses qui permettent au saxophoniste de construire et peaufiner un univers plus riche, des paysages liquides, une mer d’huile dont se perçoit à peine le clapotis des vagues. Avec la contrebasse et la batterie, le guitariste offre également un tissu rythmique aux mailles larges et aérées sur lequel se repose en confiance les improvisations mélodiques du saxophone. J’entends déjà les grincheux parler de musique d’ambiance, d’ameublement. Mais si le groupe fait naître une bande-son qui conviendrait à bien des films, il décline aussi les notes plus abstraites de Looking for Ornette, un hommage à Ornette Coleman écrit par Sheppard, et du tempétueux They Aren’t Perfect and Neither Am I composé par son batteur. Un thème lumineux d’Elvis Costello (I Want to Vanis) et un traditionnel gaélique (Aoidh, Na Dean Cadal Idir) découpé en trois parties complètent cet album aquatique dans lequel il fait bon se plonger.

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