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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 08:59

Pas vraiment de jeunes talents. Tous les deux ont du métier, mais peinent à faire connaître et reconnaître leur musique. Des découvertes, des coups de cœur, de ceux qui le font battre plus vite et plus fort…

 

Jeremie-Ternoy-Bill--cover.jpgJérémie TERNOY Trio : “Bill” (Circum-Disc / MVS distribution)

Enregistré en 2007, “Bloc”, précédent disque de Jérémie Ternoy, son second, contenait des plages essentiellement rythmiques et des compositions aux mélodies évanescentes qui révélaient un riche potentiel harmonique. Le pianiste hésitait entre rythme et lyrisme. Ses différents tableaux constituant une suite, “Bill” mêle habilement les deux, les nouveaux morceaux faisant fusionner rythmes et mélodies, Jérémie tissant un discours mélodique sur de longs ostinato, sur des tourneries répétitives dignes de Philip Glass (Répétitifs) qu’il parvient à aérer, à faire respirer. Disposant d’un toucher raffiné, il improvise de longues lignes mélodiques, fait chanter ses notes avec lesquelles il nous raconte des histoires et nous tient constamment en haleine. Il y parvient grâce à la complicité de son groupe, un trio se suffisant à lui-même. Nicolas Mahieux (contrebasse) et Charles Duytschaever (batterie) l’accompagnent depuis plus de dix ans et installent un flux sonore d’une rare fluidité. Cela s’entend surtout, dans Bill morceau onirique aux harmonies surprenantes – parfois tirées des cordes du piano – qui donne son nom à l’album. Quant à Ligoté, pénultième titre de ce recueil, il révèle un musicien dans la plénitude de son art. Jérémie Ternoy a largué les amarres. Oubliant sa technique pour écouter son cœur, il nous régale de ses mélodies rythmées, d’un beau piano que l’on aurait tort d’ignorer.

 

F.-Borey-The-Option--cover.jpgFrédéric BOREY : “The Option” (Fresh Sound New Talent / Socadisc)

Au regard de sa discographie et d’une biographie témoignant de nombreuses rencontres et péripéties musicales, Frédéric Borey n’est pas ce que l’on peut appeler un « talent émergent ». Connu de certains journalistes et de ses confrères musiciens, il est toutefois ignoré par un large public. Je le découvre avec “The Option”, son cinquième album, le premier à me parvenir. Grâce à Arielle Berthoud, attachée de presse indépendante qui assure infiniment mieux que celui de Socadisc, aux abonnés absents depuis de longues années. Installé à Paris depuis septembre, après quatre ans de villégiature à Bordeaux où il enseigna le saxophone, Frédéric Borey a sans doute de meilleures chances de s’y faire connaître. Un concert est prévu le 6 décembre prochain au Sunside. L’occasion idéale d’écouter un musicien qui met sa sonorité au service de compositions témoignant d’un réel souci d‘écriture et de forme. Des années d’études classiques ont façonné l'artiste qui s’est débarrassé de tout ce que l’enseignement avait de trop scolaire pour se forger un langage propre, mélodique, en phase avec le jazz d’outre-atlantique car respectant ses traditions. Lo Zio et son thème acrobatique relève ainsi du bop et Still Raining d’une ligne de blues, mais Frédéric Borey qui se complait dans les registres médium et aigu du ténor sait aussi imaginer des mélodies « mélodieuses » et les faire swinguer. Le son clair et droit de son instrument évoque celui de Warne Marsh et plus près de nous le timbre de Chris Cheek ; à l'alto dans Still Raining, au soprano dans The Option, sa sonorité suave et moelleuse sert admirablement son chant. Une fine équipe soigne et donne du poids à sa musique. Inbar Fridman à la guitare et Camelia BenNaceur (découverte auprès de Billy Cobham) au piano et Fender Rhodes sont avec lui les principaux solistes de cet opus. Invités sur deux plages, Yoann Loustalot au bugle et Mickael Ballue au trombone rehaussent de couleurs des arrangements soignés. Confiés à Florent Nisse et à Stefano Lucchini, contrebasse et batterie n’étouffent jamais la musique, mais la portent, la rendent légère et pneumatique, Mr J.H. révélant le grand talent du bassiste. D’une grande douceur, Olinka réunit guitare, contrebasse et saxophone ténor pour un vrai moment de bonheur.

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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 09:46

Jazz-Soul-Seven--cover.jpgOn ignore la date de cet enregistrement inattendu dans lequel un "all star" de jazzmen sur-vitaminés rend hommage au regretté Curtis Mayfield (1942-1999). Co-produit et arrangé par Phil Upchurch, il est probablement ancien, son dédicataire, Master Henry Gibson, le percussionniste de la séance, ayant été emporté en 2002 par une crise cardiaque. Très demandé dans les studios de Chicago, Gibson joua dans de nombreux albums de Mayfield. Il se distingue aux roto-toms dans “Superfly”, une bande originale considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de la soul que reprend la fine équipe de mercenaires qui se distingue ici. Outre Upchurch à la guitare et Gibson aux percussions, la formation réunit Wallace Roney à la trompette, Ernie Watts au saxophone ténor, Russell Ferrante au piano, Bob Hurst à la contrebasse et Terri Lyne Carrington à la batterie. Avant de démarrer une fructueuse carrière sous son nom en 1970, le chanteur fut le leader des Impressions, groupe vocal très actif dans les années 60. Avec eux pour ABC, il signa à partir de 1961 une impressionnante série de tubes inaugurée par Gypsy Woman, une ballade avec castagnettes et guitare flamenco. Cuivres sophistiqués et voix suaves pour It’s All Right (1963) que suivront I’m So Proud, Keep on Pushing, le gospellisant Amen et, en 1965, le célèbre People Get Ready que chanta Aretha Franklin. Les Jazz Soul Seven en donnent d’inventives versions orchestrales trempées dans le groove. Bien que certains morceaux soient plus particulièrement dévolus à certains instruments –Freddie’s Dead largement confié au ténor d’Ernie Watts – , les musiciens sont nombreux à se disputer des improvisations souvent musclées qui prolongent et pimentent des arrangements aux rythmes foisonnants. Le jubilatoire Move On Up en est l’exemple parfait. Guitare et ténor se partagent le thème, mais c’est la trompette qui s’en empare pour le porter, Watts reprenant la main pour conclure. On croit le morceau terminé. Il n’en est rien, car la batterie et les congas font rebondir et relancent la mélodie, Upchurch s’offrant alors un immense solo de guitare, les souffleurs assurant des riffs brûlants pour faire monter la tension. Les solistes sont tous excellents. Wallace Roney impose sa trompette mordorée dans Superfly et Ernie Watts attaque ses notes avec un lyrisme que l’on aimerait bien trouver plus souvent chez les jeunes saxophonistes. Loin des Yellowjackets, groupe dont il est le pianiste depuis les débuts des années 80, Russell Ferrante se montre capable de renouveler son jeu, apporte des couleurs aux compositions de Mayfield, leur donne même une réelle dimension harmonique lorsqu’il en assure les chorus, ceux de It’s All Right, de Check Out your Mind dans lequel il dialogue avec la section rythmique, témoignant d’un réel savoir-faire.

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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 09:45

Jazz-en-Tete.jpgCertaines éditions de Jazz en Tête sont plus enthousiasmantes que d’autres. Impossible de prévoir si les musiciens conviés tiendront la forme, si les concerts seront des réussites. La programmation reste malgré tout d’une cohérence jazzistique peu commune. Pas étonnant que la réputation de ce festival soit si grande. Pour y faire acte de présence, l’amateur de jazz, le vrai, est prêt à tous les sacrifices. Pas question de le manquer pour les Michu qui s'y rendent chaque année depuis qu'ils en ont découvert l'existence. Compte-rendu de deux soirs de fête avec des hauts et des bas, des blanches colombes et des vilains messieurs.

 

JEUDI 25 octobre

Allais-je avoir mon train ? Voyager un jour de grève n’était pas sans risques. Jazz en Tête méritait d’en prendre. Le train partit à l’heure. Le temps passe vite entre bavards et en bonne compagnie. Celle de Franny me permit d’oublier le temps, d’arriver qualitativement plus vite en gare de Clermont. Point de limousine pour nous attendre, mais Papy Jazz rapplique gentiment avec sa voiture pour nous conduire à notre hôtel. Le temps d’y poser nos valises, nous en gagnons un autre, l’Océania, ex-Mercure, un des hauts lieux du festival, un endroit stratégique. Situé presque en face de la Maison de la Culture, les musiciens y logent, y donnent des jam-sessions surprenantes, des moments de grâce dont Monsieur et Madame Michu, sont fiers d’être témoins. Du bout des lèvres, ces derniers me présentent les Dugenoux, eux aussi parisiens. Le hasard leur a fait choisir le même hôtel. Lecteur assidu de l’Encyclopédie Universalis dont il se targue de connaître les 30 volumes publiés, Jean-Jacques Dugenoux énerve Monsieur Michu qu’il ne cesse de contredire et de suivre partout. Le faraud tente de se mêler à nos conversations. Peine perdue : Bajoues profondes adopte l’attitude du taiseux circonspect et Philippe Etheldrède, son Instamatic Kodak dans les mains, rêve aux petits verres qu’il va se faire offrir par le caviste spécialiste de la truffe qui, en ville, expose ses photos.

 

Il est temps de rejoindre les loges de la Maison de la Culture. La plus grande accueille musiciens, journalistes, bénévoles autour d’une vaste table. Il y a là de quoi se restaurer, déguster des vins fins. J’aperçois la fidèle Dodo, chaque année un peu plus jeune. Daniel Desthomas, l’ancien président de l’association Jazz en Tête, affiche une mine réjouie. Grand consommateur d’Aspegic 500, son successeur Nicolas Caillot est là aussi, de même que Circuit 24 toujours en course. Je retrouve Michel Vasset, le photographe officieux du festival (on lui doit les photos en noir & blanc des programmes, des affiches et un livre “L’ombre du Jazz”). Nathalie Raffet mitraille les musiciens qui s’apprêtent à monter sur scène : Baptiste Herbin, Keith Brown, son frère Kenneth nourri comme lui au steak de bison comme en témoigne leur volumineuse carrure. Un grand boulier à la main, Sybille Soulier l’attachée de presse compte et recompte ses journalistes.

 

Xavier-Felgeyrolles-c-Pdc.jpgMalgré les tracas, les problèmes de dernière minute à régler, les factures à payer, Xavier « Big Ears » Felgeyrolles garde le cap. Il est la cheville ouvrière de Jazz en Tête, l’un des seuls festivals de jazz qui accorde au jazz la place qui lui revient, la première. Le budget est modeste, mais Big Ears fait des miracles depuis 25 ans. Il refuse les superstars aux musiques galvaudées qui remplissent arènes, amphithéâtres, vélodromes, camping cars, tentes et boîtes à chaussures. Privilégiant la qualité, il programme des musiciens peu ou pas médiatisés, se méfie de ces « vedettes » qui savent faire parler d’eux, des musiciens bardés de diplômes scholastiques et à la technique époustouflante qui, trop souvent, ne savent rien de la musique qu’ils pensent jouer. Car le jazz possède des racines, une grammaire, un vocabulaire. Les négliger, faire table rase du passé, refuser la pratique des standards, revient à bâtir sur des sables mouvants.  

 

Baptiste-Herbin-a.jpgPour porter cette 25 ème édition de Jazz en Tête, il fallait le nom d’un musicien confirmé, un géant de l’histoire du jazz. Celui d’Herbie Hancock permit d’assurer la couverture médiatique du festival. Son concert fut loin d’être à la hauteur des espérances d’une partie de son public, mais pour l’heure Baptiste Herbin souffle dans son saxophone alto, propose un jazz enraciné dans le bop dont il connaît l’histoire. Cet habitué de la rue des Lombards n’a pas peur de jouer avec les pointures qu’il rencontre. Il aime improviser, sculpter de longues phrases mélodiques qui racontent des histoires, ponctuer le discours de ses partenaires par de brefs commentaires. Le son est ample, volumineux, fiévreux dans Kitana Ko, un des titres de son premier album qui bénéficie d’un confortable balancement rythmique. Ses grappes de notes s’enroulent autour des mélodies qu’elles déclinent. Son premier Keith Brown © PdCdisque renferme des compositions personnelles qui traduisent une étonnante maturité d’écriture. Le funky Brother Stoon met en joie les Michu. Rabat-joie aux esgourdes encrassées, les Dugenoux jugent cette musique passéiste. Ils ne jurent que par un certain Edouard Marcel dont les œuvres expérimentales prisées par l’intelligentsia du jazz parisien provoquent de nombreux suicides. Mais Baptiste n’est pas seul. Trempé dans le blues, le piano de Keith Brown l’accompagne et procure un plaisir immédiat. Ses mains puissantes assurent un jeu percussif. Il sait aérer ses notes, leur donner du rythme, de la couleur. Avec lui à la batterie son frère Kenneth qui souvent en avance sur le temps, pousse au Kenneth-Brown-c-PdC.jpgdéraisonnable, au vertige de la vitesse. Impériale, la basse de Darryl Hall sonne le rappel à l’ordre. Elle est l’élément modérateur, le garant du bon tempo. Une version limpide et inspirée de Sophisticated Lady fut un des grands moments de cette soirée. L’album que Baptiste a enregistré  s'intitule “Brother Stoon” et Harmonia Mundi le distribue. 

 

Ambrose-Akinmusire-c-PdC.jpgLe quintette d’Ambrose Akinmusire est déjà sur scène pour une musique énergique, colorée, pleine d’idées et de contrastes. La grosse contrebasse d’Harish Raghavan, son flux de notes épaisses, vrombissantes, la batterie très présente de Justin Brown qui caresse ses cymbales et en tire des couleurs, apportent un tapis sonore aux solistes, Ambrose à la trompette, Walter Smith III au saxophone, musicien dont la forte personnalité pèse sur la musique. Les deux hommes entremêlent souvent leurs phrases, instaurent un discours ouvert, rubato et largement improvisé. Non sans risque, car l’imagination leur manque ce soir pour le faire décoller, en lever la pâte et la dorer à point. Trop d’espace, pas assez de liant entre des morceaux statiques que les Dugenoux trouvent épatants. Pratiquant un jeu modal, le Walter-Smith-III-c-PdC.jpgpianiste reste sur les mêmes notes, tourne autour, hésite, rejoint la trompette pour un duo émouvant, l’instrument d’Ambrose émettant des sons graves, plaintifs. Je retiens une ballade, un choral introduit par la contrebasse jouée à l’archet, la trompette déclinant le thème à l’unisson du ténor. Le piano en pose délicatement les accords, nous fait enfin un peu rêver.

 

VENDREDI 26 octobre   

Les Volcans, ClermontUne visite à la librairie les Volcans dont les vitrines célèbrent dignement Jazz en Tête. Place de Jaude, nous saluons le Vercingétorix d’Auguste Bartholdi fièrement dressé sur son cheval. Nous remontons la rue des Gras jusqu’à la cathédrale, immense vaisseau de pierre de Volvic qui domine la ville de sa masse sombre. Peu habitué à faire de l’exercice, Bajoues profondes, peine à avancer dans cette rue pentue qui Vercingetorix.jpgaccélère son palpitant. Un peu plus loin, rue du port, Daniel Desthomas y apprécie un restaurant pakistanais qui se révèle effectivement une bonne surprise. Il pleut depuis midi sur Clermont et après une visite à Notre Dame du Port, une des plus belles églises romanes d’Auvergne, nous regagnons trempés le Q.G. du festival pour y apprendre les mesures restrictives ordonnées par le management qui vampirise Herbie Hancock.

 

H. Hancock1 © Ph. EtheldrèdeCe dernier a amené avec lui une protection rapprochée, des gros bras vitaminés au beurre de cacahouètes qui bloquent l’accès des loges. Pas question de déranger le pianiste dans la sienne. Assis en lotus dans la position dite du « Bouddha guilleret », il se concentre, fait le vide, réclame au ciel l’inspiration qui lui fera défaut. Les photos sont interdites. Philippe Etheldrède est habilité à en prendre pour Le Monde. Le quotidien a dépêché Francis Marmande à Clermont. Herbie lui accordera une interview après le concert. Il le débute au piano H.-Hancock3-c-Ph.-Etheldrede-copie-1.jpgacoustique, avec Footprints dont on peine à reconnaître le thème dans un amas de notes adamantines, d’accords plaqués dans les basses du clavier. Avec Sonrisa, la musique devint plus mélodique. On goûte alors au toucher du pianiste, aux harmonies iridescentes dont il garde le secret. Herbie interprète ce morceau dans “The Piano”, son seul album solo. Il se lève pour nous présenter ses jouets, cinq Ipad, deux ordinateurs, deux claviers dont un Korg, puis retourne à son grand piano Fazioli pour une version très lente de Maiden Voyage qui nous conduit au « Pays des Merveilles ». Nappes sonores enveloppantes, envahissantes, Herbie se prend pour le lapin blanc du pays des fées, pour le merveilleux fou volant aux drôles de machines. Chaussé de ses bottes de sept lieux, il appuie sur toutes sortes Auditeur dubitatifde pédales, sur des écrans tactiles, mais a du mal à régler sa cathédrale sonore, à synchroniser ses boîtes à rythmes préenregistrés. Après une version quelque peu bosselée de Chameleon,  Moby Hancock se saisit d’une harpe à bretelle, un AX synthé Roland dont il tire des sons affreux. Le mécontentement altère les traits de certains visages comme en témoigne la photo de cet auditeur qui semble totalement dépassé par ce qu'il entend. Les Michu cherchent à fuir. En vain. Plongé dans un profond sommeil, ronflant comme un moteur, Bajoues profondes leur bloque le passage. Jean-Jacques Dugenoux exulte. Il a naguère dansé sur Rock It et manifeste sa joie. Les avis sont Auditeur-heureux.jpgpartagés. Pour certains, Herbie retombe en enfance. La scène est son parc de jeu. La Nounou musclée qui le surveille lui a prédit une belle carrière. Il rêve déjà des disques qu’il compte enregistrer, en a déjà les titres et les musiques en tête. Lors du traditionnel souper que Jazz en Tête offre à ses invités après chaque concert, les discussions vont bon train, mais dans la bonne humeur. La qualité de la jam-session qui suivit, les prestations lumineuses des deux jumeaux Tixier, Tony au piano, Scott au violon, nous firent vite oublier les bizarreries d’Herbie.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse sauf celle de la vitrine de la librairie Les Volcans à Clermont dont j'ignore l'auteur. Les photos d'Herbie Hancock © Philippe Etheldrède que je remercie ici. Celle de Jean-Jacques Dugenoux est © X./ DR.       

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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 09:45

Henri-Brispot-Un-gourmand.jpgNovembre, le mois de nos chers disparus, des feuilles tombées qui font tomber, des journées rétrécies par le noir de la nuit. Claquemuré dans son domicile parisien, Monsieur Michu se prépare aux grands froids. Dégustées sous la lampe familiale, les délicieuses soupes aux champignons de Madame Michu ne l’encouragent pas à mettre le nez dehors. La capitale ne manque pourtant pas d’attraits. Les lumières brillent d’un éclat particulier sous les rideaux de pluie ; le brouillard estompe les formes et les rend féeriques. S’il fait l’effort de lâcher un peu ses disques, l’amateur de jazz constatera une recrudescence de concerts qui interpellent. Après Wayne Shorter dont on annonce un nouvel album sur Blue Note pour le 5 février, la Salle Pleyel accueille Chick Corea et Brad Mehldau avec leurs trios respectifs. Les clubs réservent aussi de bonnes surprises. On se réjouit de savoir en ville des musiciens de valeur. Jean-Paul qui aime beaucoup le piano a écouté “Le long de la plage”, disque dans lequel Marc Copland harmonise des poèmes que lit Michel Butor. Il seront au Réservoir le 28 pour Affiche 2012 Jazzy Colorsrevivre leur rencontre, moment de pure magie. Novembre, c’est aussi le mois du festival JazzyColors qui fête du 8 au 30 sa 10ème édition avec 18 concerts répartis dans 8 centres culturels de la capitale. Peu de noms connus malgré la présence de Michael Wollny, pianiste dont je me passe très bien de la musique, mais une occasion de découvrir quelques jazzmen intéressants (Alain Bédard Auguste Quartet le 27 à l’Institut Hongrois) au sein d’une programmation beaucoup trop éclectique pour plaire à tout le monde. Cardiaque, Monsieur Michu évite les émotions fortes. Il redoute par-dessus tout Les trois lanciers des Carpathes, groupe sang pour sang vampirisant, et les Nonnes en chaleur, punkettes branchées métal naguère appréciées par Jacquot. Qu’il se rassure, les deux formations n’y participent pas. Déçu par la triste prestation d’Herbie Hancock à Clermont-Ferrand, enquiquiné par les Dugenoux, amateurs de jazz lambda qu’il y a rencontré, Monsieur Michu, les pieds bien au chaud dans ses pantoufles charentaises, peine à sortir de chez lui. Ses amis ne désespèrent pas de l’attirer dans une de ses vastes brasseries où, accompagnées de vins blancs d’Alsace équilibrés et secs, les choucroutes fumantes débordent des assiettes. J’en serai, sachant qu’écouter du jazz vivant par temps froid demande des forces pour pleinement l’apprécier.                   

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

 

Vijay Iyer © PdC-Vijay Iyer au Duc des Lombards les 12 et 13 novembre. Il y a joué en avril avec Stephen Crump à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie. Avec eux, le pianiste invente, organise un foisonnement sonore parfois volcanique. Sa musique surprend par ses métriques inhabituelles, son torrent de notes souvent abstraites, comme en témoigne son dernier disque, “Accelerando”, chroniqué dans ce blog. Attaché à la tradition du jazz, influencé par Duke Ellington, il l’est aussi par Thelonious Monk et Cecil Taylor. Derrière un piano percussif se révèle un musicien profondément lyrique.

 

Concord-Auteur cette année d’un double CD ambitieux rassemblant 23 morceaux originaux, soit près de 2 heures de musique, Christian Scott est lui aussi attendu au Duc du 14 au 17. Huit concerts, deux par soirée à 20h00 et 22h00 pour le trompettiste néo-orléanais qui met en valeur son héritage culturel dans les nouvelles musiques qu’il explore, un jazz influencé par le rock, le funk et le hip-hop. Scott séduit par un jeu cuivré aussi puissant que lyrique. Sa trompette, une Getzen Katrina, lui permet d’obtenir une sonorité d’une grande douceur dans ses ballades. Avec lui, Lawrence Fields au piano, Matthew Stevens à la guitare, Kris Funn à la contrebasse et Jamire Williams à la batterie, pour installer le groove au cœur du discours musical.

 

T. Enhco Fireflies cover-Il se fait un nom Thomas Enhco, par la qualité de son piano, un jeu lyrique au sein duquel s’épanouissent des harmonies séduisantes. Enregistré en trio avec Chris Jennings (contrebasse) et Nicolas Charlier (batterie), “Fireflies” son nouveau disque est plus abouti, plus mûr que le précédent. Thomas a pris son temps pour l’enregistrer, proposer de nouveaux thèmes et en soigner les arrangements. J’aurai pour ma part aimé découvrir quelques standards, des mélodies familières qui ancrent un album dans la tradition du jazz. Il y a bien Träumerei de Robert Schuman, mais il relève du répertoire classique bien que brillamment adapté. Mais je pinaille, car Thomas Enhco joue une musique sensible et possède  suffisamment de technique pour encore progresser. On ira l’applaudir avec son trio à Roland Garros le 15 et le 16 et le 17 au Sunside.

 

John Scofield © PdC-John Scofield au New Morning avec Steve Swallow à la basse et Bill Stewart à la batterie le 16. Le guitariste possède une sonorité propre, légèrement réverbérée par les effets de distorsion qu’il ajoute à son instrument. Construisant ses phases avec un grand sens du rythme, tirant de ses cordes des inflexions percussives, il les trempe dans le blues et la soul, sculpte soigneusement ses notes, choisit l’angle de ses attaques pour rendre plus intense un discours musical émaillé de glissandos. Il s’entend avec son batteur pour tendre le flux musical et le faire respirer. Grand technicien de l’instrument, ce dernier fait chanter ses cymbales, allie puissance et finesse dans un drumming tout en nuance. Le troisième homme, Steve Swallow, fait chanter ses notes à la basse électrique, son jeu fluide, constamment mélodique, profitant à la musique.

 

Dan-Tepfer-c-PdC.jpg-Le pianiste franco-américain Dan Tepfer donne plusieurs concerts à Paris en novembre : il sera le 17 en trio à la Maison de Radio France (Studio Charles Trenet, 17h30), le 22 en trio également à la Gaieté Lyrique, le même théâtre l’accueillant le 27 pour un récital en solo (Goldberg, Variations). Avec lui une section rythmique américaine, Joe Sanders à la contrebasse et Ted Poor à la batterie qui lui permet de prendre des risques, de tenir plusieurs discours mélodiques, ce que permettent ses deux mains qui dialoguent et font tourner la tête. Jouant un jazz très ouvert, Dan aime les longues pièces abstraites, truffées de dissonances, d’harmonies inattendues et tire un maximum de dynamique d’un instrument qu’il fait puissamment sonner. En solo, il reprend les “Variations Goldberg” de Bach qu’il découvrit jouées par Glenn Gould à l'âge de onze ans. Son piano surprenant reste ouvert à tous les possibles.  

 

C.-Corea--McBride--Blade-c-Kris-Campbell.jpg-Bien que Chick Corea soit un arrangeur non négligeable, c’est en petite formation et plus particulièrement en trio qu’il impressionne le plus, le genre occupant une place de choix dans sa discographie. Après un opus enthousiasmant enregistré live au Blue Note de New York avec Eddie Gomez et le regretté Paul Motian, ses nouveaux complices se nomment Christian McBride et Brian Blade pour un rendez-vous à Pleyel le 18 (20h00). Gageons que les trois hommes sauront être à la hauteur de nos attentes. Prodigieux bassiste acoustique McBride fait constamment chanter son instrument. Batteur rompu à toutes les métriques, Blade possède un grand sens de la couleur. Le piano dynamique et inventif de Corea, son goût pour rythmes latins et bondissants, le lyrisme et la précision rythmique de ses phrases achèveront de nous séduire.

 

Chris-Dave-c-Ph.-Etheldrede.jpg-Avec Kebbi Williams (sax ténor et flûte), Isaiah "Shakey" Thomas à la guitare et Braylon Lacy à la basse électrique, Chris Dave, batteur de son état a récemment enthousiasmé le public de Jazz en Tête, LE festival de Clermont-Ferrand. Emus par le talent du leader, un homme capable de juxtaposer et de faire swinguer des métriques pour le moins invraisemblables, Mr et Mme Michu en avaient les larmes aux yeux. Si les rythmes qu'il propose avec sa formation (The Drumhedz) relèvent autant du hip hop que du jazz, la musique, du jazz moderne très excitant, reste privilégiée. Une guitare au son non trafiqué par des pédales, un saxophone ténor ou une flûte selon les besoins de l’orchestration posent et développent les thèmes, le répertoire incluant aussi bien des compositions de John Coltrane, que de Duke Ellington et Jimi Hendrix. Avec ses deux caisses claires et des cymbales découpées en spirale comme des pelures d’orange, Chris Dave (il a joué avec Kenny Garrett, Pat Metheny, Wynton Marsalis) est une bénédiction. Ne manquez pas son concert parisien le 19 au New Morning.

 

PMT QuarKtetDernière minute : En hommage à Pierre et Marie Curie qui découvrirent la radioactivité, le PMT QuarKtet Véronique Wilmart (sons acousmatiques), Antoine Hervé (claviers), Jean- Charles Richard (saxophones) et Philippe “Pipon” Garcia (batterie) – appliquera le principe de la désintégration des atomes à la musique acousma-jazz le 19 novembre (20h00) au Studio de l’Ermitage. Distribué par Harmonia Mundi, l’album sera disponible le lendemain du concert. Je n’en connais pas la musique, mais avec Oncle Antoine on peut prendre des risques !

 

Billy-Hart-c-PdC.jpg-Billy Hart en villégiature au Duc des lombards le 19 et le 20. Avec lui depuis 2003, une poignée de musiciens fidèles construisent sa musique qu’enregistre aujourd’hui ECM. Loin du piano bling bling qu’il joue avec Bad Plus, Ethan Iverson surprend par des harmonies flottantes et inattendues. Au saxophone ténor, Mark Turner balance de longues phrases mélodiques chromatiquement complexes, a recours à des improvisations abstraites et prend des risques. Batteur à la frappe sèche, à la sonorité épaisse et aux ponctuations énergiques, Billy Hart s’entend fort bien avec Ben Street son bassiste, toujours à l’écoute pour garder le bon tempo, ancrer la musique dans un continuum régulier, le jazz contemporain que propose la formation étant judicieusement tempérée par le lyrisme.

 

Brad-Mehldau-Trio.jpg-Brad Mehldau à Pleyel le 21 avec Larry Grenadier (contrebasse) et Jeff Ballard (batterie), l’occasion est trop belle pour la manquer. Car s’il donne d’éblouissants concerts en solo, il le fait plus rarement en trio. On attend depuis longtemps nos trois musiciens sur une scène parisienne. Les deux disques qu’ils ont fait paraître cette année, “Ode” en avril, et “Where Do You Start” en octobre comptent parmi les plus captivants de sa discographie. Le premier ne contient que des compositions originales ; le second des standards. Nul doute que Brad et sa rythmique joueront les uns et les autres, feront tout pour nous surprendre. Le pianiste ne peut que se réjouir de la contrebasse mélodique de Grenadier constamment à l’écoute, de la batterie (re)bondissante de Ballard pour tirer parti de son jeu ambidextre, inventer une musique vivante, ouverte, et passionnante.

 

Ravi-Coltrane-c-Deborah-Feingold.jpg-Ravi Coltrane au New Morning le 23 avec d’autres musiciens que ceux qui l’accompagnent dans son dernier album, le premier qu’il enregistre pour Blue Note : David Virelles aux claviers, Dezron Douglas à la contrebasse, Johnathan Blake à la batterie. Mal distribués, ses anciens disques n’ont pas aidé à faire reconnaître ce saxophoniste discret et éloigné des modes à sa valeur. Le fils de John Coltrane possède pourtant une réelle personnalité. Son jeu de soprano est d’une grande richesse mélodique. Il possède une sonorité attachante au ténor, instrument avec lequel il prend des risques, souffle des harmonies très libres. The Change, My Girl, le plus beau morceau de son récent opus, se pare de couleurs modales. Joe Lovano a co-produit ce “Spirit Fiction” dont Ravi jouera probablement de larges extraits.

 

Nicola-Sergio-c-PdC.jpg-Nicola Sergio s’installe au piano du Sunside le 25 pour y fêter la sortie d’“Illusions” son nouveau disque (Challenge / Distrart). Avec lui, Stéphane Kerecki à la contrebasse et Fabrice Moreau à la batterie. Figures incontournables de la scène jazz parisienne, ils jouent sur l’album du pianiste qui réside dans la capitale depuis 2008 et promène souvent son franc sourire rue des Lombards. Outre de nombreuses compositions personnelles dont l’écriture très soignée indique un goût prononcé pour la forme, le nouvel opus contient une pièce de Franz Schubert, le jazz de Nicola étant fortement marqué par l’harmonie classique européenne. Il l’étudia au conservatoire de Pérouse et propose un jazz lyrique, evansien, au sein duquel la mélodie occupe la première place.

 

Mouratoglou--Foltz--Ghielmetti-c-Cecil-Mathieu.jpg-Ne manquez pas le concert que donneront le 28 les premiers artistes enregistrant pour Vision Fugitive au Réservoir, 16 rue de la Forge Royale à Paris (20h30). Distribué par Harmonia Mundi, ce nouveau label de projets transversaux est né de la longue amitié qui unit le guitariste Philippe Mouratoglou au clarinettiste Jean-Marc Foltz. Les deux hommes ont invité Philippe Ghielmetti à les rejoindre pour partager avec eux la triple direction artistique du label. Trois disques illustrés de pochettes peintes par Emmanuel Guibert (“La guerre d’Alan”) viennent de paraître : “Steady Rollin’ Man”, relecture pour le moins originale de quelques Vision-Fugitive--covers.jpgpièces de Robert Johnson ; “Le long de la plage” avec Marc Copland au piano pour habiller d’harmonies féeriques les poèmes que lit Michel Butor ; “Visions fugitives” dans lesquelles la musique classique européenne inspire à Jean-Marc Foltz et à Stephan Oliva des improvisations en miroir au-delà du classique et du jazz.

 

Laika-c-Ph.-Etheldrede.jpg-Laïka Fatien chante Billie Holiday, pose avec sensibilité et naturel ses propres paroles sur des instrumentaux de Wayne Shorter, Joe Henderson, Tina Brooks et Jackie McLean, interprète Stevie Wonder, Björk et Villa-Lobos . Elle préfère la justesse et la sincérité au maniérisme et aux effets de style, et a choisi l’intimité du Duc des Lombards pour nous faire partager le répertoire de “Come a Little Closer” son nouvel album, des chansons d’amour qui épousent intimement les battements de son cœur. Avec elle le 29 et le 30, Airelle Besson (trompette), Pierre-Alain Goualche (piano), Chris Thomas (contrebasse) et Leon Parker (batterie) pour nous murmurer, chuchoter, des musiques évanescentes et des mots qui apaisent.

 

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Salle Pleyel : www.sallepleyel.fr

-Gaîté Lyrique : www.gaite-lyrique.net

-Le Réservoir : www.reservoirclub.com

-Studio de L'Ermitage :  www. studio-ermitage.com

-Festival JazzyColors : www.jazzycolors.net

 

Crédits photos : Henri Brispot (1846 - 1928) : "Un gourmand", huile sur toile (Détail) D.P. - Vijay Iyer, John Scofield, Dan Tepfer, Billy Hart, Nicola Sergio © Pierre de Chocqueuse – Christian Scott © Kiel Adrian Scott / Concord Records – Chick Corea avec Christian McBride & Brian Blade © Kris Campbell – Chris Dave, Laïka Fatien © Philippe Etheldrède – Brad Mehldau Trio © Michael Wilson / Nonesuch Records – Ravi Coltrane © Deborah Feingold / Blue Note Records – Philippe Mouratoglou, Jean-Marc Foltz & Philippe Ghielmetti © Cecil Mathieu.

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30 octobre 2012 2 30 /10 /octobre /2012 09:37

 kurt-Elling-c-Anna-Webber.jpgMoins inspiré depuis quelques disques, Kurt Elling a la bonne idée de reprendre dans son nouvel opus quelques-unes des innombrables chansons qui virent le jour au 1619 Broadway, siège du Brill Building, immeuble de Manhattan érigé en 1930 et associé à l’histoire de la musique populaire américaine. “1619 Broadway, the Brill Building Project” (Concord / Universal) est un album plus conséquent que “The Kurt-Elling--1619-Broadway-cover.jpgGate” (2011) ou “Dedicated to You” (2009). Aidé par son pianiste Laurence Hobgood, le chanteur en a soigné les arrangements, se démarquant beaucoup des originaux, même si dans Pleasant Valley Sunday, un tube pour les Monkeys en 1967, la guitare rock’n’rollienne de John McLean (déjà présente dans “The Gate”) adopte la sonorité typique de ces années-là. Les couleurs de l’album sont toutefois celles du jazz. Elling fait à nouveau appel à Ernie Watts et ses chorus de ténor donnent de l'épaisseur à I’m Satisfied, enregistré en 1968 par Lou Rawls, et à So Far Away, une chanson que Carole King enregistra en 1971 dans son album “Tapestry“.

Brill Building

 

Bien que largement consacré à des grands succès des années 60, l’album contient Come Fly With Me, une chanson de Sammy Cahn et Jimmy Van Heusen que Frank Sinatra popularisa en 1958, et Tutti for Cootie, un morceau que Jimmy Hamilton enregistra avec Duke Ellington en 1965 sous le nom de Fade Up. Dès avant la guerre, le 1619 Broadway hébergeait auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Irving Mills, qui fut longtemps l’imprésario du Duke, y avait ses bureaux.

 

Au début des années 60, Al Nevins et Don Kirshner y installèrent Aldon Music, leur maison d’édition, et réunirent autour d’eux une équipe de jeunes et talentueux auteurs compositeurs afin de livrer clefs en main aux maisons de disques des chansons sur Kirshner--King--Goffin.jpgmesure destinées à leurs artistes. Gerry Goffin et Carole King (en photo avec Don Kirshner, l’une des deux têtes d’Aldon Music. Kurt Elling interprète leur Pleasant Valley Sunday), Barry Mann et Cynthia Weill (I’m Satisfied), mais aussi Howard Greenfield et Neil Sedaka, Doc Pomus et Mort Shuman travaillèrent pour eux. Les futurs « tubes » étaient confiés à des musiciens de studio et à des jazzmen (Hank Jones, Urbie Green, Ernie Royal, Bucky Pizzarelli) qui contribuèrent à créer un « Brill Building Sound ».

 

Burt-Bacharach---Hal-David.jpgD’autres paroliers et compositeurs indépendants occupèrent l’immeuble ainsi que celui du 1650 Broadway situé un peu plus loin. Burt Bacharach et Hal David (A House is not a Home, un tube pour Dionne Warwick en 1964) et Jerry Leiber et Mike Stoller qui entourent Elvis Presley sur la photo y emménagèrent. Ces derniers écrivirent Shoppin’ for Clothes pour les Coasters, et co-signèrent On Broadway avec Barry Mann et Cynthia Weill, un méga hit pour les Drifters en 1963. Avant d’interpréter ses propres chansons, Paul Simon fréquenta lui aussi le Brill Building, réalisant des démos pour d’autres artistes. Jerry Leiber, Mike Stoller & ElvisElling reprend son American Tune, un des fleurons de “There Goes Rhymin’ Simon. Nous sommes en 1973 et le Brill Building est alors déserté par ses meilleurs talents. Depuis la seconde moitié des années 60, chanteurs et groupes composent leurs propres morceaux. Paul Simon, mais aussi Barry Mann, Neil Sedaka, Carole King font carrière sous leur nom. L’industrie du disque n’a plus besoin de prêt-à-chanter. Une page de l’histoire de la musique populaire américaine est définitivement tournée.

Photos : Kurt Elling © Anna Webber - Don Kirshner, Carole King & Gerry Goffin / Burt Bacharach & Hal David / Jerry Leiber, Mike Stoller & Elvis Presley photos X/D.R.

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25 octobre 2012 4 25 /10 /octobre /2012 08:15

Laika--cover.jpgLaïka Fatien chante l’amour, évoque son trouble amoureux à travers des chansons qui épousent intimement ses battements de cœur, des mélodies que rendirent célèbres Abbey Lincoln (When Love Was You and Me), Carole King (Go Away Little Boy), Nina Simone (Wild is the Wind), ou Bing Crosby (It’s Easy to Remember). Laïka n’avait pas prévu d'enregistrer ce disque aussi vite. Les méandres de sa vie sentimentale en ont décidé autrement, la chanteuse éprouvant un besoin urgent de raconter, de traduire par des mots ses propres états d’âme. Les mots des autres, mais aussi les siens, ceux de Divine que Roy Hargrove a mis en musique. Juste un piano pour accompagner, souligner le velours de la voix. Les morceaux ne sont pas tous aussi dépouillés. Laïka souhaitait un orchestre de chambre pour exprimer ses sentiments, un violoncelle, une clarinette basse pour donner de la profondeur, du poids au discours amoureux. Gil Goldstein auquel elle a confié les arrangements de l’album a ajouté violon, trombone basse, et flûte alto. Pas de batterie, de rythme trop marqué, mais la contrebasse de Rufus Reid, la musique étant parfois réduite à la seule plainte d’un violoncelle. Amoureuse, Laïka s’adresse à l’autre, aux autres incarnés à tour de rôle par trois trompettes amies. Roy Hargrove s’exprime surtout au bugle. Comme lui, Ambrose Akinmusire à la trompette et Graham Haynes au cornet assurent des commentaires mélodiques improvisés – obbligatos dont Lester Young fut coutumier auprès de Billie Holiday – , répondent par des notes très pures à une voix qui chante, pleure et tremble d’émotion (Loving You). Laïka n’a probablement jamais aussi bien chanté. Elle s’approprie ces textes, ces mélodies, les interprète avec passion comme si elle les avait écrits elle-même, comme s’ils lui appartenaient. Ce disque n’est toutefois pas facile. Il se mérite, se révèle après des écoutes attentives que le silence, l’obscurité favorisent. Les morceaux ont souvent des tonalités très proches. Les tempos uniformément lents semblent ralentir l’horloge céleste. Ici la voix est murmure, chuchotements. Elle se love au creux de l’oreille, parle le langage du cœur, s’accueille et s’abandonne au cœur même de la nuit.

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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 10:00

S.-Oliva---S.-Abbuehl.jpgLUNDI 1er octobre

Stephan Oliva et Susanne Abbuehl au Duc des Lombards, impossible de manquer la rencontre d’un piano magique et d’une voix irréelle. Les concerts de la chanteuse se font attendre. Ses disques aussi. Deux seulement : le premier “April” S. Oliva-copie-1en 2001 ; le second “Compass” en 2006. Susanne s’est enfin décidée à en enregistrer un troisième. Il doit paraître au printemps prochain. Elle reste fidèle à ses musiciens, mais Wolfert Brederode, son pianiste habituel, tourne avec son propre groupe et réunir sa formation lui est difficile. Par bonheur, elle aime aussi travailler avec Stephan Oliva dont le piano riche en harmonies inattendues se marie intimement à sa voix. Ils ont gravé plusieurs morceaux ensemble dont une version de Lonely Woman qui sera jouée en rappel, des faces produites par Philippe Ghielmetti un ami de Stephan. Peu de monde au Duc pour une musique intimiste, mais l’écoute attentive d’un public envoûté par une voix pure et sensible qui donne une douceur de velours aux poèmes qu’elle reprend, aux phrases qu’elle Susanne Abbuehl achante, qu’elle berce d'un souffle zéphirien pour en faire respirer les mots, ondes sonores de consonnes, de syllabes, psalmodies et murmures. Lié à cette voix, un piano vigilant et économe délivre peu de notes, privilégie celles qui comptent et laissent des traces profondes. Au cours du second set, Stephan colore davantage les lignes mélodiques, se lâche, ouvre plus grandes les portes du rêve. Great Bird de Keith Jarrett, Sea, Sea !, poème de James Joyce mis en musique par Susanne que l’on trouve dans son second album, You Won’t Forget Me que popularisa tardivement Shirley Horn, le répertoire du concert est éclectique. S’y ajoutent des mélodies de Jimmy Giuffre Listening, River Chant, Mosquito Dance, Princess (que Giuffre enregistra live à Rome en 1959 avec Jim Susanne AbbuehlHall) – sur lesquelles Susanne a ajouté des paroles. Une filiation naturelle pour qui connaît tant soit peu le répertoire de la chanteuse attirée par la clarinette, instrument présent dans ses disques. Comment l’écouter avec Stephan Oliva sans aussitôt penser au duo que Ran Blake (pianiste oh combien admiré par Stephan) constitua naguère avec Jeanne Lee, chanteuse avec laquelle Susanne étudia, une voix à part, sensuelle et irradiante. En apesanteur, celle de Susanne Abbuehl relève de la grâce. Sa simplicité nous touche profondément.

Photos © Pierre de Chocqueuse        

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16 octobre 2012 2 16 /10 /octobre /2012 09:30

ONJ Piazzolla! coverMis à part Daniel Yvinec son directeur artistique, maître d’œuvre de ce projet ambitieux, qui se doutait que le nouveau disque de l’Orchestre National de Jazz serait une si bonne surprise ? Après un projet original autour de Robert Wyatt et un double album inégal consacré à des œuvres de John Hollenbeck qui aurait pu se réduire à un simple, l’ONJ rend hommage à Astor Piazzolla, reprend ses thèmes les plus célèbres tout en les sortant de la gangue du tango, le bandonéon du Maître se voyant virtuellement confié aux timbres des instruments de l’orchestre. À eux la charge de préserver ses mélodies (celles aussi de Carlos Gardel, de Juan Carlos Cobián auteur de plusieurs tangos historiques), et de transmettre le lyrisme de sa musique. Les puristes crieront au scandale ; les amateurs de musique qui se moquent des chapelles, applaudiront des deux mains. Jazz ou pas jazz, tango ou pas tango, peu importe, car la réussite musicale de l’album reste incontestable. Homme de culture et d’ouverture, Daniel Yvinec ne manque pas d’idées. Avoir confié les arrangements du disque à Gil Goldstein se révèle en être une excellente. La musique d’Astor Piazzolla se pare de superbes couleurs, fait entendre d’autres rythmes. Daniel sait produire et peaufiner un disque en studio, lui donner du relief, le faire sonner comme les vieux vinyles de l’âge d’or de la pop qu’il affectionne et qu’il possède. Arrangeur de “Wide Angles”, l’album le plus abouti de Michael Brecker, Gil Goldstein  fut un des élèves les plus brillants de Gil Evans. De ce dernier, il semble avoir hérité l’art de créer des alliages sonores qui valorisent les instruments. Si Soledad / Vuelvo al sur et sa flûte alto dans le grave évoque bien sûr le Barbara Song d’Evans (cela n’a pas échappé à Ludovic Florin qui chronique l’album dans Jazz Magazine / Jazzman), Balada para un loco avec ses ritournelles de flûtes, sa clarinette basse, ruisselle de magnifiques couleurs orchestrales. Autres réussites, mais elles sont si nombreuses qu’il faudrait citer presque tous les morceaux, cette relecture inédite de Libertango, l’un des chef-d’œuvres de Piazzolla, qui place en avant l’ostinato rythmique sur lequel repose la mélodie, et Mi Refugio, célèbre composition de Juan Carlos Cobián pour bandonéon solo confiée aux instruments à vent de l’orchestre chargés d’en réinventer le timbre. Après s’être procuré les partitions de Piazzolla, Gil Goldstein a commencé par le plus difficile, arranger Tres minutos con la realidad, pièce fiévreuse requérant une mise en place millimétrée des sections, morceau dans lequel s’insèrent parfaitement les chorus des instruments. Pari gagné pour l’ONJ qui signe l’un des disques les plus originaux de cette rentrée.

 

Concerts à la Gaîté Lyrique (20h00), les 24 et 25 octobre.

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 08:00

Fred-Hersch-Trio--cover.JPGFred Hersch apprécie le Village Vanguard. L’ambiance, l’intimité, les qualités acoustiques du club agissent sur sa musique. Son nouveau disque y a été enregistré. S’il fait bon s’y trouver et y jouer, l’exiguïté du lieu oblige les instruments à être près les uns des autres, ce qui rend délicate la prise de son. Ce léger handicap sonore n’empêche pas d’apprécier la réelle sensibilité musicale de Hersch qui, miraculeusement sorti d’un coma profond en 2008, ne cesse depuis de jouer son meilleur piano. “Alive at the Vanguard” – on aura compris le jeu de mot – se révèle d’une musicalité exceptionnelle. John Hébert et Eric McPherson ont gravé “Whirl” en 2010 en sa compagnie. Plusieurs tournées leur ont permis de mieux se connaître et constituer un vrai trio. Le batteur marque le tempo d’une frappe légère, construit ses solos avec une grande rigueur ; la contrebasse n’hésite pas à placer ses propres lignes mélodiques tout en instaurant une conversation quasi permanente avec le piano. John Hébert se réserve un I Fall In Love Too Easily pour faire chanter son instrument. L’album mêle standards et compositions originales. Fred Hersch a l’habitude de les dédier à ses amis, à des artistes qu’il admire. Les dédicataires sont ici Paul Motian qui lui inspire le mélancolique Tristesse, une des plus belles pages de ces concerts, Ornette Coleman dont il reprend Lonely Woman, mais auquel il offre Sartorial, magnifique composition abstraite prétexte à une improvisation pétillante d’intelligence, et Eric McPherson pour lequel il a écrit Opener habillant un solo de batterie. L’usage du contrepoint lui permet de développer plusieurs lignes mélodiques au sein d’un même morceau, ce qui n’a pas manqué d’interpeller Brad Mehldau qui le cite comme une de ses principales influences. Le pianiste excelle autant dans les pièces lentes que sur tempo rapide, et joue une musique si fluide que l’on ne perçoit pas l’immense technique qu’elle exige. Il fascine aussi par sa conception très souple du rythme, ses progressions d’accords labyrinthiques (Rising, Falling), les couleurs dont il recouvre les standards qu’il reprend, vaste répertoire qu’il réactualise, repense avec un souci permanent de la forme. Capable de jouer un bebop acrobatique et enthousiasmant (Segment de Charlie Parker), il séduit par la douceur de son phrasé, les caresses dont profitent ses notes dans les ballades, Song is You abordé sur un rythme lent, The Wind de Russ Freeman habilement couplé avec Moon and Sand d’Alec Wilder, pièces délicatement ciselées dans lesquelles se révèle la profonde intimité qu’il partage avec son piano.

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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 09:11

Duke-Ellington--coffret-9CD.jpgOctobre, mois des pluies fines et têtues, des feuilles mortes qui se ramassent à la pelle. Il pleut des disques qui ne se vendent pas, mais les concerts abondent et se bousculent. Difficile de choisir entre Herbie Hancock, le Trio Libero d’Andy Sheppard et le Nicolas Folmer & Daniel Humair Project qui se produisent le même soir à Paris. Jazz-en-tete--affiche-2012.jpgHerbie, je l’aurai vu à Clermont-Ferrand quelques jours plus tôt dans le cadre de Jazz en Tête, un des festivals de l’hexagone dans lequel on est sûr d’écouter du bon jazz. Outre le pianiste en solo, un événement, Donald et Keith Brown, Ambrose Akinmusire Quintet, Laïka, Gregory Porter, Bill Mobley, Tony Tixier sont au programme de cette 25ème édition qui se tiendra du 23 au 27 à la Maison de la Culture. Des musiciens qui se produisent aussi dans la capitale, mais que l’on apprécie davantage à Clermont, ce festival pas comme les autres étant l’un des seuls à proposer de très tardives jam-sessions après les concerts, nocturnals riches de rencontres aussi passionnantes qu’inattendues. Les Michu enthousiastes s’y rendent chaque année. Rentrés de Provins, ils m’ont confié avoir assisté à un grand concert du Duke Orchestra et avoir été séduits par le hard bop moderne du Young Blood Quintet tout feu tout flammes dans un répertoire largement consacré à des thèmes de Duke Ellington et de Billy Strayhorn. Ils regrettent toutefois d’y avoir conduit Jacquot. En manque de ferraille, probablement intoxiqué par le métal qui le trouait de part en part, leur petit-fils n’a pas résisté à la tentation de se mettre sur le dos une des nombreuses armures que recèle la cité médiévale et refuse de la quitter. Le trajet du retour fut pénible. Transportant un preux chevalier du Moyen-Âge en armure, leur voiture, souvent coincée dans des embouteillages, fut l’objet de tous les regards. Pire encore, Jacquot en armureJacquot se lave désormais au Quibrille et au Lustretout, s’entretient à la peau de chamois, et arpente les rues de Paris dans cet accoutrement comme en témoigne la photo ci-contre, prise par une Madame Michu anéantie. Plus confiant que son épouse, Monsieur Michu pense avoir trouvé le moyen d’obliger Jacquot à adopter une tenue moins voyante. En lui offrant “Duke Ellington, the Complete Columbia Studio Albums Collection 1951-1958”, coffret contenant neuf albums du Duke et non des moindres. Parmi eux, les célèbres “Such Sweet Thunder” et “Black, Brown and Beige”, deux de ses chef-d’œuvres. Ecouter de la musique au sein d’une armure pose des problèmes de résonances. Pour l’entendre dans de bonnes conditions, Jacquot, toujours aussi fasciné par Ellington, devra ôter ses habits de métal. Aidé par Jean-Paul, l’ami fidèle, Monsieur Michu escamotera le poison ferreux. Quelques pommades appliquées sur le corps, remèdes à base de noix vomique, de racine de guimauve et de clou de girofle, devront alors suffire à calmer les souffrances du pauvre garçon, au grand Duke Ellington revenant le mérite, par la beauté de sa musique, d’accomplir le miracle.

 

Rentrés de Clermont, les Michu ne manqueront pas l’exposition Django Reinhardt à la Cité de la Musique. Vincent Bessières, un ami de Jean-Paul que je connais moi-même, est le commissaire de cette manifestation inaugurée le 5 octobre et que l’on pourra voir jusqu’au 23 janvier 2013. Publié par les Éditions Textuels et richement illustré, le catalogue déborde de photos et de documents souvent inédits sur le génial manouche. Les textes ont été confiés à Joël Dregni, spécialiste américain du guitariste.     

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

 

Curtis-Stigers-c-Concord-Records.jpg-Curtis Stigers au Duc des Lombards du 4 au 6 octobre. Chanteur à la voix chaude et enveloppante, il vient de sortir un septième album sur Concord. Produit par Larry Klein qui a supervisé l’enregistrement de “My One and Only Thrill” de Melody Gardot, “Let’s Go Out Tonight” comprend d’excellentes chansons teintées de folk et de soul. Stigers n’en a signé aucune préférant reprendre Things Have Changed de Bob Dylan, Goodbye de Steve Earle et You Are not Alone écrit pour Mavis Staples. Le morceau le plus réussi reste toutefois sa version de This Bitter Earth qu’immortalisa en 1959 la grande Dinah Washington. Le chanteur tâte aussi du saxophone. Il en jouera probablement sur la scène du Duc avec ses musiciens, Matthew Fries (piano), Cliff Schmitt (contrebasse) et Keith Hall (batterie). 

 

Enrico-Pieranunzi-c-PDC.jpg-Enrico Pieranunzi en trio au Sunside le 5 et le 6 avec Darryl Hall à la contrebasse et Karl Jannuska, batteur avec lequel il est plus rarement associé. Le maestro nous a enthousiasmé en mars dernier à Roland Garros avec son nouveau trio. Scott Colley et Antonio Sanchez renouvèlent sa musique. Il a enregistré avec eux “Permutation” (Cam Jazz / H. Mundi), l’un des meilleurs disques de l’année. Le pianiste sait bien choisir ses musiciens et si Colley et Sanchez très demandés sont indisponibles, Hall et Jannuska peuvent aussi mettre le feu, pousser le maestro à jouer son meilleur piano.

 

Malia-c-PDC.jpg-Malia en quartette à la Cigale le 12 octobre pour célébrer Nina Simone, chanter des extraits de “Black Orchid”, l’album qu’elle lui consacre. Les tempos sont lents, langoureux, l’orchestration minimaliste, mais la voix grave, sensuelle, un peu rauque fait merveille dans des reprises de Don’t Explain, If You Go Away (version anglaise de Ne me quitte pas), I Love you Porgy, Baltimore, Four Women ou Wild in the Wind, Malia, interprète sensible, parvenant à insuffler son propre feeling à ces morceaux. Alexandre Saada lui fournit un tapis de notes, joue un piano orchestral qui pallie l’absence d’autres instruments mélodiques. Jean-Daniel Botta à la contrebasse et Laurent Seriès à la batterie complètent une formation idéale. J’allais oublier, le guitariste Misja Fitzgerald Michel assurera la première partie. Rien que du bonheur.

 

Keith-Brown-c-Philippe-Etheldrede.JPG-On retrouve le contrebassiste Darryl Hall au Sunside le 20 au sein du trio de Keith Brown, le fils de Donald Brown. Le batteur en est Kenneth Brown, autre fils de Donald et donc frère de Keith. Originaire du Tennessee, pianiste comme son père, ce dernier joue un piano véloce imbibé de blues. Ses grands modèles sont les pianistes de l’école de Memphis. Le regretté Phineas Newborn et Mulgrew Miller en sont les plus connus. S’il possède une technique impressionnante, Keith Brown joue aussi un piano sensible qui procure un plaisir immédiat. On se procurera son premier album, “Sweet & Lovely” (Space Time Records), produit par Xavier « Big Ears » Felgeyrolles. Le jeune saxophoniste Baptiste Herbin y apparaît dans deux morceaux. Keith l’invite à rejoindre son trio au Sunside et à Clermont-Ferrand le 25 octobre. Deux grandes soirées en perspective !

 

ONJ-Piazzolla--cover.jpg-L’Orchestre National de Jazz à la Gaîté Lyrique les 24 et 25 (20h00). Au programme le répertoire de “Piazzolla !” (Jazz Village), probablement le disque le plus original de cette rentrée. Une formidable idée du directeur artistique de la formation Daniel Yvinec qui, fasciné par la dimension mélodique de la musique d’Astor Piazzolla, son rapport à l’émotion, a confié les arrangements de l’album à Gil Goldstein. Les pages célèbres de cette grande figure du tango sont jouées sans bandonéon. Voix mélodique de Piazzolla, l’instrument se fait toutefois entendre, recréé virtuellement par les instruments de l’orchestre. L’ONJ ne joue pas non plus de tango, mais l’évoque, le suggère par des rythmes, un lien fort reliant sa musique à la danse.

 

Antoine-Herve-cPDC.jpg-Antoine Hervé au Sunside les 26 et 27. Après s’être produit au Sunset le mois dernier dans un programme consacré à Weather Report, Oncle Antoine change d’univers et de piano pour jouer du jazz acoustique en compagnie des frères Moutin, François à la contrebasse et Louis à la batterie. Compositions originales et standards défileront sous les doigts du pianiste qui aime jouer Monk, s’empare avec goulûment des thèmes des autres pour en donner sa propre vision harmonique. Il peut aussi bien jouer Stevie Wonder que dépoussiérer de vieilles comédies musicales. Oncle Antoine est l’un des rares musiciens à s’intéresser au répertoire. Musicien pédagogue, il se penche volontiers sur l’histoire du jazz afin de la faire connaître à un large public. Outre Weather Report, il interprète des thèmes peu joués de Chick Corea, McCoy Tyner et Keith Jarrett. Dans son nouveau DVD, une leçon de jazz intitulé “Keith Jarrett pianiste sans frontières” (RV Productions / Harmonia Mundi), il reprend My Song, l’une des plus belles compositions de ce grand magicien du clavier.  

 

C.-McLorin-Salvant---J.-Terrasson-c-PDC.jpg-Jacky Terrasson au Duc des Lombards du 28 au 31 octobre. Au programme, “Gouache”, son nouveau disque,  salué par une presse unanime. Avec lui les deux premiers soirs Burniss Earl Travis II (contrebasse et basse électrique), Justin Faulkner (batterie) et Minino Garay (percussions). Le 30, Cécile McLorin Salvant (chant), Stéphane Belmondo (trompette, bugle) et Michel P (clarinette b), se joindront au quartette. Le 31, le Duc annonce Jacky en solo sur son site alors qu’il se produira avec la même équipe que la veille sans Michel P., retenu ailleurs par sa clarinette b. Nul doute que Jacky prendra des risques. Le blues nourrit ses lignes mélodiques, mais le pianiste utilise un vocabulaire très varié dont les racines plongent aussi bien dans le blues que dans l’harmonie européenne. On attend ces concerts avec impatience.

 

V.-Teychene-c-Yves-Colas.jpg-Virginie Teychené en première partie du concert de Yaron Herman le 29 au Trianon. Sa voix enchante par son timbre, sa couleur. Virginie l’a bien sûr travaillée. On ne devient pas une chanteuse de jazz sans apprendre, même avec le don. L’écoute de “Bright and Sweet”, son troisième disque, confirme la musicienne, la magicienne qui envoûte par son chant, sans artifices. Comprenant dix-sept titres, “Bright and Sweet”, rend hommage à des auteurs interprètes qui ont pour noms Billie Holiday, Jon Hendricks, Peggy Lee, Ella Fitzgerald, Joni Mitchell, Eddie Jefferson… La liste est trop longue pour tous les citer. Virginie chante des morceaux dont ils ont écrit les paroles, parfois la musique, et qui leur sont à jamais associés. Avec elle Stéphane Bernard au piano, Gérard Maurin à la contrebasse et Jean-Pierre Arnaud à la batterie, les musiciens de son disque qui sort le 6 novembre sur le label Jazz Village.

 

Bill-Carrothers-c-PDC.jpg-Bill Carrothers au Sunside le 29 et le 30. Avec Nicholas Thys à la contrebasse et Dré Pallemaerts à la batterie, musiciens qui l’accompagnent dans “A Night at the Village Vanguard”, double CD Pirouet publié en 2011, véritable florilège associant standards, compositions originales, et relectures déviantes et inspirées de thèmes de ou associés à Clifford Brown. Bill qui s’attache à mettre en valeur la profondeur mélodique des morceaux qu’il interprète connaît parfaitement le vocabulaire du bop et éblouit par ses dix doigts. Son piano rubato favorise les tempos lents qui ouvrent les portes du rêve. Il se plaît à greffer des accords nouveaux sur d'anciennes pièces. Connaissant son goût pour l’étrange, l’inattendu, Thys et Pallemaerts ne se laissent pas surprendre et partagent avec lui la richesse de son univers musical.

 

Andy-Sheppard-c-PDC.jpg-Andy Sheppard et son Trio Libero au Sunset le 31. Pas de piano, mais un saxophoniste qui fait constamment chanter ténor et soprano dans un répertoire original incluant une reprise instrumentale de I’m Always Chasing Rainbows. Souvent co-signées par le trio, nées d’improvisations collectives, leurs pièces brèves séduisent par leur lyrisme. Loin d’étaler leur virtuosité, les musiciens préfèrent jouer la mélodie, mettre en valeur le timbre de leurs instruments. Confiés à Michel Benita et à Sebastian Rochford, contrebasse et batterie chargent de couleur un espace sonore qu’ils laissent totalement respirer. Paru l’hiver dernier, leur premier disque ECM, une des bonnes surprises de l’année, reflète parfaitement leur musique.

Humair

 

-Toujours le 31, Project, le quartette de Nicolas Folmer & Daniel Humair investit le Sunside. Avec eux Laurent Vernerey à la contrebasse et Alfio Origlio au piano pour asseoir le discours musical, parfaire des pièces mélodiques appropriées à un jeu ouvert et collectif. Souvent modale, la musique offre au batteur les métriques souples qu’il affectionne. Alfio Origlio pose sur elle des notes raffinées. Quant au trompettiste, il module à loisir et avec gourmandise de longues phrases lyriques et virtuoses et reste le principal soliste de ce groupe né sur scène et qui se plaît à s’y produire.

 

Herbie-Hancock-c-PDC.jpg-Egalement le 31, Herbie Hancock se produira en solo à Pleyel. Intitulée “Herbie Hancock plugged in: A night of solo explorations”, sa tournée passe par Tourcoing et Clermont-Ferrand (le 26). Outre du piano, Herbie jouera divers claviers, utilisera un vocoder et des synthétiseurs. Contenant un programme informatique spécialement concocté pour lui, son iPad lui permettra de mettre en mémoire samples, boucles, rythmes et lignes de basse pré-enregistrés. Dans certaines salles et lorsque cela sera possible, le son bénéficiera du système surround. Retour vers le futur, mais aussi (espérons le) plongée dans le passé avec reprises d’anciens titres (Cantaloupe Island) et improvisations au piano acoustique, Herbie fera au mieux pour satisfaire les publics qu’il fédère.    

Expo-Django.jpg 

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Gaîté Lyrique : www.gaite-lyrique.net

-Le Trianon : www.letrianon.fr

-Salle Pleyel : www.sallepleyel.fr

-Festival Jazz en Tête : www.jazzentete.com

 

Crédits photos : Jacquot en armure © Madame Michu – Curtis Stigers © Concord Records – Enrico Pieranunzi, Malia, Antoine Hervé, Cécile McLorin Salvant & Jacky Terrasson, Bill Carrothers, Andy Sheppard, Herbie Hancock © Pierre de Chocqueuse – Keith Brown © Philippe Etheldrède – Virginie Teychené © Yves Colas. Nicolas Folmer & Daniel Humair © Photo X/D.R.

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