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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 10:48

Jacky-Terrasson---Friends.jpgJEUDI 6 septembre

Jacky Terrasson & Friends à la Grande Halle de la Villette. Les amis du pianiste sont les musiciens de “Gouache”, son nouveau disque, l’un des réussites de cette Jacky Terrasson-copie-1rentrée. Au programme, les versions longues des titres enregistrés, ces derniers n’étant que des esquisses très abouties, des morceaux saisis à un moment précis et à la durée volontairement limitée. Sur scène, les chorus s’enchaînent sans restrictions. On prend son temps, on s’efforce de conduire ailleurs la musique, les thèmes devenant les supports mélodiques des improvisations. Jacky les aime colorées, tendres, parfois musclées. Que ce soit au piano acoustique ou au Fender Rhodes (équipé d’une pédale pour en transformer le son), son jeu S. Belmondofélin profite à sa musique. Avec lui, Justin Faulkner, batteur puissant assure un drive tout en douceur. Mal sonorisée, la contrebasse eut du mal à faire entendre les rondeurs boisées de ses graves. Dommage, car Burniss Earl Travis trempa son instrument dans le groove et offrit à ses partenaires une assise rythmique impeccable. Capable de faire danser une salle, de lui communiquer la transe fiévreuse de ses rythmes, Minino Garay nous transporta dans les îles où les tambours sont rois. Stéphane Belmondo fut bien sûr impérial. On se souviendra longtemps de Mother, ballade Jacky--Cecile---Burniss.jpgémouvante et inoubliable portée aux cimes par un majestueux chorus de bugle. Dans Oh My Love et Je te veux, Cécile McLorin Servant, révélation de l’album et récipiendaire en 2011 de la Thelonious Monk Competition, subjugua par les couleurs de sa voix, la justesse de son chant. Ils furent tous bons ce soir-là, même Michel P. à la clarinette b. Un standard fédérateur de Cole Porter, Love for Sale, réunit tous les musiciens pour un final approprié à une fête qui rassemblait une salle heureuse.

 

VENDREDI 7 septembre

Ph.-Ghielmetti---M.-Copland.jpgDepuis la parution déjà ancienne de “No Choice” réunissant les pianistes Bill Carrothers et Marc Copland (disque produit par Philippe Ghielmetti en photo avec ce dernier), on attendait depuis longtemps un concert des deux hommes. Le mauvais temps empêchant Bill de rejoindre Paris et sa Cité de la Musique, c’est en solo et dans un auditorium parfaitement adapté à l’instrument que Copland nous régala de son art par trop confidentiel. Venu nombreux écouter le duo Baptiste Trotignon / Bojan Z, le public découvrit un autre piano, une musique d’une richesse insoupçonnée se suffisant parfaitement à elle-même. Car s’il est très capable de swing, Marc préfère séduire par les couleurs de ses accords, ses harmonies flottantes dont des miroirs invisibles nous en renvoient l’écho. La finesse de son touché, son stupéfiant jeu de pédale, Marc-Copland-a.jpgapportent de subtiles nuances à un discours largement influencé par Bill Evans, le poids harmonique de sa musique en constituant la principale richesse. Avant de s’asseoir au piano, Marc nous parla d’un certain concert d’Evans auquel il avait assisté dans sa jeunesse. Le club de Washington D.C. dans lequel le pianiste jouait avec son trio était presque vide, mais ses voicings étaient si pleins de couleurs qu’il en fut profondément touché. Ceux, limpides, de Marc transportent également. Liquides, transparents comme l’eau jaillissante d’une source, ses harmonies embellissent un matériel thématique que chérit l’amateur de jazz. I’ve Got You under my Skin, Dolphin Dance, Blue In Green, All Blues, se parèrent donc de notes féeriques, le pianiste ajoutant à ce répertoire trois de ses compositions et Rainy Night House de la grande Joni Mitchell. Son concert est visible sur le site de la Cité de la Musique, et ce pendant un an. À écouter sans modération. www.citedelamusiquelive.tv

 

JEUDI 13 septembre

Francois-Couturier.jpgAnja LechnerPlaisir d’écouter le Tarkovski Quartet au Collège des Bernardins, un cadre somptueux pour une musique somptueuse que l’on a pas souvent l’occasion de voir et d’entendre sur une scène parisienne. C’est donc une salle pleine qui ovationna le groupe. Un second concert avec création audiovisuelle d’Andrei A. Tarkovski, le fils du cinéaste, était prévu à Royaumont quelques jours plus tard. Je ne pus m’y rendre, mais la qualité exceptionnelle du programme que le quartette nous offrit sans images aux Bernardins atténua mes regrets. Souvent sectaire, gêné par d’invisibles œillères, l’amateur de jazz pur et dur refuse cette musique peu tournée vers le swing. Dommage pour lui, car la grâce porte ici très haut le discours musical, une musique à l’harmonie raffinée, ouverte et intimiste, que l’on croirait écrite, mais qui contient une grande part d’improvisation. Piano (François Couturier), violoncelle (Anja Lechner), saxophone soprano (Jean-Marc Larché), accordéon (Jean-Louis Matinier), l’orchestration offre des couleurs inhabituelles et ménage des pièces en solo, duo et trio. Méditation libre autour de l’univers d’Andreï Tarkovski qui mettait très peu de musique dans ses films, Bach, Pergolèse, Purcell, ses compositeurs préférés inspirant Couturier, cette musique tour à tour tendre et violente, reflète idéalement l’âme slave spirituelle et entière du cinéaste. On la retrouve avec bonheur dans les disques de ce quartette décidément pas comme les autres.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 08:47

Humair--recto-cover.jpgTrompettiste véloce et virtuose, Nicolas Folmer aime prendre des risques, faire des rencontres inattendues. Co-leader avec Pierre Bertrand du Paris Jazz Big Band, il trempe ses phrases fiévreuses et bien sculptées dans le bop. Très à l’aise au sein du quintette de René Urtreger, on l’a entendu diversifier son art au Duc des Lombards auprès du saxophoniste Bob Mintzer, de la pianiste Junko Onishi. Dans ce même club s’est constitué le présent quartette que co-dirige Daniel Humair, association à priori surprenante, le batteur frayant depuis plusieurs années avec de jeunes musiciens aventureux qui jouent leurs propres compositions, ouvrent de nouvelles voies à l’improvisation, inventent un autre jazz. Auprès d’eux, Nicolas Folmer fait figure de musicien classique. Ses pièces structurées et mélodiques ont toutefois séduit Daniel qui y introduit des métriques souples et ouvertes, la musique, souvent modale et jamais figée, favorisant interaction et jeu collectif. Le trompettiste reste toutefois le principal soliste de ce groupe né sur scène, mais enregistré ici en studio. Soignée, la prise de son restitue fidèlement les timbres des instruments. Faite de peau, de bois, et de métal, la batterie donne relief et épaisseur à la musique, Daniel Humair, peintre de la mesure, ajoutant de la couleur à ses rythmes. Sans cesse à l’écoute, la contrebasse de Laurent Vernerey anticipe le discours musical, propose lignes de force et points d’appui. S’il ne prend que de rares chorus, Alfio Origlio structure et cadre le discours musical, l’ancre dans une harmonie élégante et subtile. Nicolas Folmer peut à loisir moduler de longues phrases lyriques. Une rythmique réactive, un piano prompteur assurent ses arrières, apportent un mouvement inattendu à un flux sonore toujours surprenant. Les compositions, de Nicolas pour la plupart, bénéficient toutes d’une approche originale. Daniel confie au quartette Gravenstein et Galinette. Alfio apporte River Calme, pièce lumineuse dans laquelle brille son propre piano. Un vrai groupe est né. Souhaitons lui d’autres disques et de nombreux concerts.  

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13 septembre 2012 4 13 /09 /septembre /2012 09:28

c-P.-de-Chocqueuse.jpgLa rentrée avec son flot de disques, ses concerts. Les clubs de jazz offrent leur lot de surprises, programment de la musique qui interpelle. Il me tarde d’arpenter à nouveau la rue des Lombards, les terrasses animées du Sunside et du Baiser Salé. Ce n’est pas encore octobre et son été indien, mais malgré des soirées frileuses, l’ensoleillement se prolonge avec un air doux et sec et une belle lumière que voile des brumes matinales. Les parisiennes exhibent fièrement des corps de déesse et de longues chevelures. Offrez leur les fleurs du mois, l’anémone, le dahlia, la belle-de-nuit. Rentré du Japon où il a négocié quelques vinyles, Jean-Paul m’apprend que Franck Bergerot, l’une Frank--Buster--Bergerot.jpgdes têtes pensantes de Jazz Magazine / Jazzman, s’est fait couper les cheveux. Son coiffeur habitant un village de l’Ardèche, au bout du monde, je vous laisse imaginer l’épaisse toison qui recouvrait son crâne. Reste le costume, mais son tailleur officie à Lascaux et s’y rendre aujourd’hui pose problème. À propos d’encéphale, Monsieur Michu a rapporté de Hongrie un livre admirable, un chef-d’œuvre d’humour noir, “Voyage autour de mon crâne” qui réveille chez lui une hypocondrie galopante. Son auteur, Frigyes Karinthy, observe et décrit avec minutie l’évolution de sa tumeur au cerveau. Une opération l’en délivra avec succès ; la crise cardiaque qui l’emporta deux ans plus tard également. J’ai escamoté l’ouvrage. Mal m’en a pris. À sa lecture, je m’observe, m’examine, me palpe anxieusement, ce que fait Monsieur Michu depuis qu’il a terminé la sienne. Pour lui changer les idées, Madame Michu le conduit à Provins, au Duke Festival (28 et 29 septembre). Avec Jacquot tout excité de retrouver le Duke Orchestra que dirige Laurent Mignard. Je ne peux m’y déplacer, mais pense avoir trouvé le moyen de calmer mes angoisses : refiler le bouquin à Jean-Paul.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

 

ECM-copie-2-Je vous en ai déjà parlé, mais ne manquez pas le 13 le concert que le pianiste François Couturier et son Tarkovsky Quartet Anja Lechner (violoncelle), Jean-Louis Matinier (accordéon), Jean-Marc Larché (saxophone soprano) – donneront dans le grand auditorium du Collège des Bernardins (20, rue de Poissy, 75005 Paris). Un second concert aura lieu le 16, en l'Abbaye de Royaumont (Asnière-sur-Oise). Le quartette y jouera "Le temps scellé", création audiovisuelle réalisée avec Andrei A. Tarkovski, le propre fils du réalisateur. 

 

Antoine-Herve.jpg-Antoine Hervé au Sunset, les 13, 14 et 15 septembre pour un "Tribute to Weather Report", groupe phare des années 70 qui, outre Joe Zawinul et Wayne Shorter, bénéficia pour quelques albums du jeu de contrebasse profondément novateur de Jaco Pastorius. Pianiste généreux et plein d’idées, Antoine Hervé propose une relecture de quelques-unes de leurs compositions les plus marquantes. Avec lui, Véronique Wilmart sculpte et transforme les sons qui lui parviennent. L’ordinateur lui permet de les traiter, de les intégrer à la musique, atmosphères insaisissables fruit de boucles asymétriques composées et décomposées en direct. Stéphane Guillaume (flûtes, saxophones ténor et soprano), Gilles Coquart (basse électrique) et Philippe Garcia (batterie) complètent la formation.

 

Manuel-Rocheman-c-Thibault-Stipal.jpg-Manuel Rocheman au Sunside pour deux soirs, le 14 et le 15, avec les musiciens de son trio – Mathias Allamane à la contrebasse et Matthieu Chazarenc à la batterie. Le pianiste sort un nouveau disque fin octobre, “Café & Alegria”, enregistré au Brésil avec le guitariste Toninho Horta dont il interprète les compositions. Quelques titres de sa plume s’ajoutent à ce répertoire qu’il va certainement reprendre, nous en donner un avant-goût. Élève de Martial Solal, il possède un bagage technique impressionnant, mais joue aujourd’hui moins de notes au bénéfice d’un plus grand feeling, le pianiste virtuose laissant parler son cœur.

Riccardo Del Fra

 

-Bassiste émérite au tempo précis, aux notes justes et élégantes, Riccardo Del Fra joua beaucoup avec Chet Baker, dédicataire de son premier et meilleur album “A Sip of your Touch” (1991). Il l’accompagna pendant neuf ans, jusqu’en 1988, année de la disparition du trompettiste, et rendra hommage à ce dernier le 15 au Duc des Lombards avec le programme “My Chet, My Song” crée en 2011 lors du festival Jazz in Marciac. Airelle Besson (trompette), Pierrick Pedron (saxophone alto), Bruno Ruder (piano) et Ariel Tessier (batterie) complètent son quintette.

 

Susi-Hyldgaard.jpg-La chanteuse danoise Susi Hyldgaard au Duc des Lombards le 21 et le 22. Elle nous a rendu visite en mars dernier, donnant un concert au Sunside à l’occasion de la sortie de “Dansk”, disque sur l’identité, la communication, dans lequel elle mélange plusieurs langues et entremêle toutes sortes de musiques. Elle nous revient en quartette avec Johannes Enders au saxophone ténor, Johannes Lundberg à la contrebasse et la fidèle et toujours souriante Benita Haastrup à la batterie qui double la voix de Susi et assure les contre-chants. Outre le piano dont elle tire de belles couleurs harmoniques, la chanteuse joue du piano électrique et saupoudre sa musique d’électronique, l’ordinateur dans lequel sont stockés des samples de voix, des séquences sonores qu’elle superpose aux propres notes de ses musiciens, renforçant son aspect orchestral.

 

Eddy-Louiss-c-Tempo111.jpg-Eddy Louiss au Trianon (80 bd Rochechouart 75018 Paris) le 22 à 20h00. Avec quelques amis musiciens –  Fabien Mary (trompette), Xavier Cobo (saxophones), Alain Jean-Marie (piano), Mourad Benhammou (batterie) – , l’organiste revisitera le mythique “Kind of Blue”, rendra hommage à Michel Petrucciani avec lequel il enregistra deux disques inspirés (“Conférence de presse”) et à Antonio Carlos Jobim, puis interprétera ses compositions, nous en offrant quelques nouvelles. Avec lui également Jacob Desvarieux (guitare et chant) et Dédé Saint-Prix (flûte et chant), musiciens antillais dont le cœur bat au même rythme que le sien. "Pour cette soirée, j’ai envie de mélanger les influences que j’aime… Elle sera bleue, simple et chaude…" prévient Eddy.

 

David-Linx.jpg-Nul doute que le Brussels Jazz Orchestra est l’un des meilleurs big band de jazz européen. Dirigé par le saxophoniste Frank Vaganée, il aligne de grands solistes et multiplie les rencontres avec des musiciens prestigieux. Bill Holman, Maria Schneider, Kenny Werner lui ont confié des arrangements et l’orchestre a invité de célèbres jazzmen à le rejoindre. Il sera au New Morning le 26 (21h00) pour jouer “A Different Porgy & Another Bess”, programme d’un album enregistré avec David Linx et Maria Joao mêlant titres célèbres de l’opéra de George Gershwin I Love you Porgy, My Man Is Gone Now, Summertime – à des pages moins connues. “Porgy & Bess”  est une œuvre de près de 3 heures rarement jouée dans sa totalité. On n’en connaît que des extraits. Confiés à plusieurs arrangeurs et portés par le chant superbe de David Linx, ces derniers brillent par leurs orchestrations aux couleurs rutilantes. Seul problème, le timbre de voix de Maria Joao m’insupporte. Nobody’s perfect !

 

-Hilario Duran au Duc des Lombards les 26 et 27 avec ses musiciens habituels, Roberto Occhipinti à la contrebasse et Mark Kelso à la batterie. Né à la Hilario DuranHavane en 1953, il y débuta sa carrière, jouant avec le Los Papas Cun Cun Ensemble et l’Orchestra Cubana de Musica Moderna. Installé à Toronto depuis 1998, il a participé à une vingtaine d’albums, jazz et musique cubaine faisant bon ménage sous ses doigts. Chucho Valdès ne tarit pas d’éloges sur son piano. Publié en 2010 au Canada et disponible en France depuis avril, “Motion” (Cristal) mérite une écoute attentive. Compositeur, Hilario signe également les arrangements de son disque. Le titre Havana City, une réussite, bénéficie d’une orchestration élargie, les autres plages étant enregistrées en trio.

 

Patrick Favre-Ne manquez pas le concert de Patrick Favre au Sunside le 27. Patrick joue un piano merveilleux que l’on entend rarement à Paris. Après “Intense” et “Humanidade” (Choc Jazz Magazine / Jazzman en février 2010), deux splendides albums en trio, c’est en quartette que Patrick Favre a enregistré “Origines”, son nouveau disque, le guitariste Pierre Perchaud rejoignant Gildas Boclé à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie. Avec eux, le pianiste poursuit une quête mélodique exigeante, nous invite à partager une musique modale et onirique aux notes rares et précieuses.

 

Abbuehl.jpg-Le pianiste Stephan Oliva et la chanteuse Susanne Abbuehl en duo au Duc des Lombards le 1er octobre. D’eux, je possède une version magique de Lonely Woman produite par Philippe Ghielmetti pour Discograph. La chanteuse suisse fait peu de disques et prend son temps. “April” (ECM), son premier enregistrement, la révéla en 2001. Son second, “Compass”, nous parvint cinq ans plus tard. Elle a étudié avec Jeanne Lee et son travail sur la voix intimement lié au souffle dépasse largement le cadre du jazz. Instrument complice de sa musique, le piano de Stephan convient idéalement à ce chant intérieur.

 

-Collège des Bernardins : www.collegedesbernardins.fr 

-Abbaye de Royaumont : www.royaumont.com

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com 

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com 

-Le Trianon : www.letrianon.fr 

-New Morning : www.newmorning.com

-Provins Duke Festival :  www.dukefestival.com


Crédits photos : Tarkovsky Quartet © Paolo Soriani / ECM – Crâne et canapé rouge, Antoine Hervé, Riccardo Del Fra, Susi Hyldgaard, David Linx, Patrick Favre © Pierre de Chocqueuse – Manuel Rocheman © Thibault Stipal – Eddy Louiss © Tempo 111 – Stéphane Oliva © Cécile Matthieu – Susanne Abbuehl © Andrea Loux / ECM – Hilario Duran © Photo X/D.R.

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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 09:00

J.-Terrasson---gouache--cover.jpgAoût 2012 : C’est au studio Recall, un mas en pierre de taille au cœur d’un ancien domaine vinicole de cinq hectares aux portes des Cévennes, que Jacky Terrasson me fait découvrir les quatorze morceaux qu’il y a enregistrés. “Gouache” n’en contient que dix. Un onzième, D-ling, est disponible sur I Tunes. Le trompettiste Stéphane Belmondo est là aussi. Comme Jacky, un habitué des lieux, il y passe ses vacances, profite de l'été pour se détendre. Sur la photo ci-dessous, Stéphane et Jacky boivent à la santé de leur hôte, Philippe Gaillot. Stéphane vient de finir des prises destinées à un disque que prépare ce dernier, une tuerie dans laquelle, outre Jacky, jouent Mike Stern, Olivier Ker Ourio et Dominique Di Piazza. Musicien, arrangeur et ingénieur du son aux très grandes oreilles, Philippe a enregistré et assuré le mixage du nouveau disque du pianiste, un opus multicolore, Jacky passant parfois du Steinway au Fender Rhodes équipé d’une pédale wah wah, procédé utilisé dans la composition qui donne son nom à l’album. Outre Stéphane qui apporte les timbres magiques de son bugle et de sa trompette, Michel P brille à la clarinette b dans Try to Catch Me, le morceau d’ouverture. Construit sur un ostinato, il concilie rythmes latins et tempo décoiffant relevant du hip-hop. Bénéficiant d’une section rythmique superlative – Burniss Earl Travis à la basse électrique et à la contrebasse, Justin Faulkner à la batterie, Minino Garay aux percussions – “Gouache” fait la part belle au groove et contient des reprises aussi heureuses qu’inattendues. Les puristes qui n'affectionnent que les Ph.-Gaillot--S.-Belmondo--J.-Terrasson-c-P.-de-Chocqueuse.jpgstandards qu'ils connaissent se consoleront avec une version enlevée de Valse Hot que signa le grand Sonny Rollins. Car il fallait oser jazzifier Baby,méga tube récent (2010) de Justin Bieber, jeune chanteur canadien dont les photos tapissent les murs des chambres des ados. Plus surprenante encore, cette version de Rehab de la regrettée Amy Winehouse. Épurée et ralentie, elle devient ici un blues, une nouvelle création. Jacky n’hésite pas non plus à reprendre de très vieux morceaux telle cette version sensuelle de Je te veux, crée en 1903 par la chanteuse Paulette Darty. Son pianiste, Erik Satie, en composa la musique. Récipiendaire en 2011 de la prestigieuse Thelonious Monk Competition, Cécile McLorin Salvant, dont on apprécie pleinement le grain de voix dans un tel contexte, la chante ici magnifiquement. Associée à Oh My Love, composition de John Lennon extraite d’“Imagine”, son plus bel opus en solo, elle sera pour beaucoup la révélation de cet enregistrement. Autre surprise, cette modernisation de C’est si bon, une chanson du pianiste Henri Betti, longtemps accompagnateur de Maurice Chevalier qui, largement confiée aux percussions, relève ici de la musique des îles. Le morceau le plus émouvant de l’album reste toutefois Mother, composition de Jacky dont les harmonies de toute beauté enthousiasment, le pianiste véloce et virtuose laissant ici parler son cœur. Varié et inspiré, “Gouache” reste l’un de ses meilleurs albums, l’un de ses plus heureux. Le long et lumineux chorus qu’il s'accorde dans Happiness en témoigne.

 

Concert avec tous les musiciens de l’album le 6 septembre (20h00, Grande Halle de la Villette) dans le cadre du festival Jazz à la Villette.

 

Photo: Stéphane Belmondo et Jacky Terrasson en vacances au Studio Recall. A gauche, Philippe Gaillot © Pierre de Chocqueuse

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3 septembre 2012 1 03 /09 /septembre /2012 09:32

Budapest-b.jpgCher Jacquot,

Invités au mariage de Toine, le fils de tonton Manu et de tata Cathy qui épouse une jeune et jolie hongroise, ta mammy et moi passons d’agréables vacances en Hongrie. Nous avons visité Budapest, Happy Family hôtelville débordante de vieux et sympathiques cafés et sommes actuellement au bord du lac Balaton, dans un hôtel construit dans les années 50 pour l’homo soviéticus et les camarades hongrois méritants. Presque rien n’a changé. Les postes de garde et leurs barrières dissuasives sont toujours en place. Les gardiens aussi. Ils sont seulement un peu plus vieux. Après avoir servi la nomenklatura communiste, le personnel du Happy Family Hôtel (photo) qui nous héberge soigne aujourd’hui sans états d’âme les capitalistes qui viennent y marier leurs enfants. Les chambres confortables et grandes contiennent des lits immenses. J’ose rêver que le camarade Nikita a batifolé dans celui que j’occupe avec Madame Michu. Les appareils électriques d’époque Valse-des-Michu.jpgont fière allure. Les aspirateurs exhibent des corps de spoutniks et les grille-pains ressemblent à des chars miniatures. Celui de l’immense salle dans laquelle nous petit déjeunons fait grincer les rouages métalliques de ses chenilles. Les serveurs très stylés de l’hôtel ont gardé quelque chose des procès préfabriqués, des grandes épurations, la peur de finir leur service au goulag. La musique n’est pas vraiment excitante, Duke Ellington n’ayant pu voyager jusqu’ici. Bruyante et improbable, mélange d’accordéon synthétique et de flonflons magyars, elle pousse à de savants et pénibles déhanchements. Les vins toutefois restent excellents, mais Madame Michu veille. Un maître d'hôtel compréhensif (photo de droite) me sert des verres de tokay en cachette, m’abreuve de fines Cerbère compréhensifliqueurs. J’ai surtout eu l’occasion d’étancher ma soif – il fait très chaud, autour des 40° – lors du mariage de Toine, une fête comme ta grand-mère et moi en avons rarement vu, avec croisière sur le lac, lancer de ballons et feu d’artifice. J'ai fait valser Madame Michu. Elle s’est couchée tôt. J’en ai profité pour danser avec la mariée, faire tourner Olya, Anikó, Maria, Szilvia, Belisa, ses jolies copines.

 

Je t’écris dans une solitude quasi-complète. La noce est finie. L’hôtel, qui hier encore résonnait des rires des convives, est aujourd’hui désert. Ses longs couloirs n’abritent que des fantômes. Déjà les soirées sont plus fraîches. Le goût amer de l’arrière-saison accompagne l’entrée du soleil dans le signe de la Vierge et son coucher est magnifique.

 

Balaton-Sunset.jpg 

Il est temps pour nous de regagner Paris, de se plonger dans un grand bain de jazz, ceux très chauds qui abondent en Hongrie n’offrant pas le même plaisir. Le jazz me manque. J’espérais en écouter au Budapest Jazz Club. Madame Michu et moi l’avons trouvé portes closes après une longue déambulation nocturne, le club fermant au mois d’août.

 

Sais-tu cher Jacquot que le festival de jazz de la Villette accueille cette année Jacky Terrasson, Kenny Barron, Geri Allen, Bill Carrothers, Marc Copland, des pianistes que j’affectionne ? Fin septembre (les 28 et 29), Provins organise un premier Duke Festival et invite Laurent Mignard et son Duke Orchestra. J’espère que la quincaillerie médiévale qu’on y trouve ne te fera pas reprendre tes mauvaises habitudes. Contrairement aux bons vins, les clous rouillent. Tu en as fait l’expérience en adoptant naguère la panoplie du parfait gothique. L’élégance ellingtonienne te sied mieux. Elle donne des joues roses, un sourire naturel, des jambes fines et légères pour courir les concerts.

Affectueusement 

Papy Michu        

 

UN FESTIVAL QUI INTERPELLE :

Affiche-Jazz-a-la-Villette-2012.jpg

Comme chaque année la Cité de la musique et la Grande Halle de la Villette accueillent un large choix de musiques aussi diverses que variées. Le jazz y est bien représenté. Les Michu éviteront les groupes post free et post moderne qui ignorent le swing et privilégient le bruit. Les festivités festivalières ont débuté le 29 août avec David Murray en big band. Elles se poursuivent jusqu’au 9 septembre. Panorama sélectif.

 

Geri-Allen.jpg-Le 5 à la Cité de la musique (20h00), Kurt Rosenwinkel rencontre Geri Allen. Leur duo guitare piano peut se révéler enthousiasmant. Les harmonies inhabituelles du guitariste, son phrasé unique au service de phrases simples et mélodiques devraient idéalement se marier aux harmonies colorées de la pianiste. Cette dernière peut aussi privilégier la tension, mettre du feu dans ses accords. Elle possède un jeu énergique, mais aime aussi les notes tendres et bleues qu’elle rassemble dans un jeu orchestral, le blues et le groove imprégnant naturellement sa musique. Au même programme, Lee Konitz retrouve le pianiste Dan Tepfer, une valeur sûre de l’instrument. Ensemble, ils ont enregistré un bel album en 2009, “Duos with Lee” (Sunnyside/Naïve). Bien que manquant un peu de souffle, le saxophoniste, 85 ans en octobre, séduit toujours par une sonorité fragile et transparente, des lignes mélodiques d’une rare suavité.

 

Jacky-Terrasson.jpg-Le 6, dans la Grande Halle (20h00), Jacky Terrasson invite les musiciens qui l’entourent dans “Gouache”, son nouvel album qui vient de paraître (chronique prochaine dans ce blog). Ils ont pour nom Cécile McLorin Salvant (chant), Stéphane Belmondo (trompette, bugle), Michel P (clarinette B), Burniss Earl Travis II (contrebasse et basse électrique), Justin Faulkner (batterie) et Minino Garay (percussions). Le disque, une ode au bonheur, contient de lumineuses relectures de Oh my Love (John Lennon), Valse Hot (Sonny Rollins) et C’est si bon, une chanson du pianiste Henri Betti, longtemps accompagnateur de Maurice Chevalier, chanson qu’Yves Montand et Eddie Constantine popularisèrent. Chantée par Cécile, Je te veux est une autre perle de cet album qui ne renferme que des joyaux. Erik Satie en composa la musique. Frissons garantis.

 

B.-Carrothers---M.-Copland.jpg-Marc Copland & Bill Carrothers, deux de mes pianistes préférés, sur la scène de la Cité de la musique le 7 (20h00). Le premier hypnotise par des harmonies flottantes, liquides et transparentes. Maître de la couleur, il peint avec son clavier, donne de subtiles nuances à ses notes grâce à la finesse de son toucher et à son jeu de pédales qui en brouille les sonorités. Le second s’intéresse aux musiques de la grande Amérique, des vieux hymnes profanes et religieux, des thèmes de Stephen Foster, le père fondateur. Il surprend par un discours inattendu au sein duquel cohabitent harmonies majestueuses et notes zigzagantes trempées dans le blues, une musique nostalgique et émouvante que sert un piano mobile et espiègle. Sous la houlette de Philippe Ghielmetti, Copland et Carrothers ont enregistré ensemble en 2005 “Standardized” (Minium / Discograph). Leur réunion parisienne constitue un événement. Au même programme, Baptiste Trotignon & Bojan Z. Moins sensible à leur piano, j’ose espérer une bonne surprise.

 

D. Holland 1 © Ph. EtheldrèdeK. Barron 1 © Ph. Etheldrède-Le lendemain 8 septembre (20h00), cette même Cité de la musique accueille Kenny Barron et Dave Holland, deux maîtres incontestés de leurs instruments respectifs. Pianiste enraciné dans le swing et le raffinement harmonique, Barron ne dédaigne pas s’ouvrir à des formes musicales contemporaines, pratiquer un jeu plus physique, tenter des expériences qui lui sont inconnues. Ses partenaires déterminent souvent sa façon de penser la musique. Pianiste caméléon, il s’adapte, prend des risques lorsqu’on le provoque. Sa discographie renferme un bel enregistrement en duo avec Charlie Haden. Misja Fitzgerald MichelExpression d’une pensée claire et réfléchie, le jeu de contrebasse de Dave Holland devrait ouvrir de nouvelles perspectives à son piano. En première partie de programme, Misja Fitzgerald Michel jouera la musique de Nick Drake, chanteur de folk britannique disparu en 1974 à l’âge de vingt-six ans. Ce dernier laisse d’exquises mélodies aux harmonies raffinées. Brad Mehldau a repris plusieurs de ses thèmes, Day is Done, Things Behind the Sun et le magnifique River Man. Misja joue deux d’entre-eux dans “Time of no Reply” (No Format !) publié l’an dernier. Avec lui pour ce concert, Olivier Koundouno au violoncelle.

 

Loueke-2-c-Ph.-Etheldrede.jpgRobert-Glasper.jpg-Le 9 à 16h00, deux duos sont programmés à la Cité de la musique. Robert Glasper, pianiste de tous les possibles  – mélange de soul, de hip hop, et de rap, “Black Radio” son dernier album plaît beaucoup à Circuit 24 – s’associe à Lionel Loueke dont la guitare, bien trempée dans ses racines africaines, tire des sons venus d’ailleurs. Le pianiste Grégory Privat (fils de José Privat du groupe antillais Malavoi) et le batteur Sonny Troupé assureront la première partie. Toujours le 9, mais à 19h00 et dans la Grande Halle, Archie Shepp Archie-Shepp-c-Dario-Villa.jpgreprend en big band “Attica Blues“, une ambitieuse œuvre politique de 1972, l’un des rares disques audibles qu’il enregistra pour le label Impulse!, un album culte dont il confia les arrangements à Romulus Franceschini, Shepp, musicien intuitif, déchiffrant mal la musique. Aujourd’hui apaisé, cet ex-apôtre de la déconstruction qui, dans les années 60, fut le porte-parole de la communauté musicale afro-américaine en révolte, n’a rien perdu de son lyrisme et conserve son savoir-faire dans le blues et les ballades.

 

Programme complet : www.jazzalavillette.com

 

Wared 5tet © Arno FougèresL’actualité très riche de ce mois me contraint à décaler d’une dizaine de jours les concerts qui interpellent. Ne manquez pas toutefois les trophées du Sunside (11e édition, du 3 au 5 septembre), occasion de découvrir de nouveaux talents, et les concerts que le Wared Quintet du pianiste Edouard Bineau donnera au Duc des Lombards les 7 et 8 septembre. Avec lui l’excellent saxophoniste Daniel Erdmann (ténor & soprano), Sébastien Texier (saxophone alto et clarinette), le grand Gildas Boclé à la contrebasse et Arnaud Lechantre à la batterie. Enfin, le jeudi 13, le pianiste François Couturier et son Tarkovsky Quartet donneront un concert dans le grand auditorium du Collège des Bernardins (20, rue de Poissy, 75005 Paris). Le 16, en l'Abbaye de Royaumont (Asnière-sur-Oise), ils proposeront "Le temps scellé", création audiovisuelle réalisée avec Andrei A. Tarkovski, le propre fils du réalisateur. Plus de détails prochainement dans ce blogdechoc.  

 

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Collège des Bernardins : www.collegedesbernardins.fr

-Abbaye de Royaumont : www.royaumont.com

 

Crédits photos : "Budapest", "Happy Family Hôtel", "Balaton Sunset", "Maître d'hôtel compréhensif", Geri Allen, Jacky Terrasson © Pierre de Chocqueuse "Valse des Michu" © Annabelle Fouquet Bill Carrothers & Marc Copland © Cecil Mathieu – Kenny Barron, Dave Holland, Lionel Loueke © Philippe Etheldrède – Misja Fitzgerald Michel © Astrid Souvray Archie Shepp © Dario Villa Wared Quintet © Arno Fougères   Robert Glasper © Photo X/D.R. .

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26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 09:51

Summertime, le temps des valises et de prendre le temps. Comme chaque année depuis bientôt quatre ans, votre blogueur de Choc met son blog en sommeil pour un doux farniente mérité. Rendez-vous en septembre avec des nouvelles des Michu et des concerts qui interpellent. Bonnes vacances à tous et à toutes.


Sound-Case.jpg

Montage Photo © Pierre de Chocqueuse  

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22 juillet 2012 7 22 /07 /juillet /2012 10:00

W.-Marsalis---The-Lincoln-Center-Orchestra-copie-1.jpgEn ce mois de juillet, les parisiens qui ne sont pas allés à New York peuvent goûter au meilleur du jazz américain en se rendant dans les clubs de la capitale. Outre une programmation alléchante, le Duc des Lombards vient de convier Wynton Marsalis et "Wynton-Marsalis.jpgle Lincoln Center Orchestra à remplir l’Olympia. On n’avait pas vu le trompettiste en big band depuis longtemps et ce concert du jeudi 19 auquel participa le chanteur Gregory Porter, Prix du jazz vocal 2011 de l’Académie du Jazz, constitua bel et bien un événement. Formidable musicien, Marsalis n’a pas toujours bonne presse. Certains lui reproche son académisme, son goût pour un jazz de répertoire. S’il n’a pas publié de disque important depuis “From the Plantation to the Penitentiary” en 2007, beaucoup lui envient son métier, son corpus d’enregistrements, ses nombreuses suites orchestrales aux couleurs chatoyantes et à l’écriture maîtrisée. Compositeur, arrangeur, c’est aussi un instrumentiste virtuose qui n’oublie jamais ses racines, le blues et les traditions musicales de sa ville natale, la Nouvelle-Orléans berceau du jazz. Avec le Lincoln Center Orchestra dont il Gregory-Porter-a.jpgest depuis plusieurs années le directeur artistique, il en perpétue l’histoire, mais si Duke Ellington, Thelonious Monk et Charles Mingus sont bien présents dans sa musique, cette dernière s’ouvre aussi à des dissonances, à ce « chaos organisé » que Mingus affectionnait. Sagement assis au pupitre des trompettes, Marsalis fit interpréter par ses musiciens un extrait de “Blood on the Fields” et les laissa jouer leurs compositions. Carlos Henriquez, son contrebassiste, nous offrit ainsi un torride et swinguant cocktail de mambo et de cha-cha-cha. Sherman Irby, le saxophone alto, nous fit entendre le second mouvement d’un ballet de son cru. Gregory Porter chanta Your Red Wagon et Going to Chicago, blues immortalisé par Jimmy Rushing. Dans la salle, les W. Marsalis QuartetMichu ravis purent applaudir un surprenant Light Blue (Thelonious Monk) largement confié aux flûtes, Inner Urge de Joe Henderson arrangé par Ted Nash, et un extrait de la “New Orleans Suite”, enregistrée par Ellington au tout début des années 70. Très en forme dans ce programme aussi excitant qu’éclectique, le trompettiste s’effaça, préférant mettre en valeur les musiciens de son big band. S’octroyant un long chorus au début du concert, il se réserva le rappel, en quartette avec Dan Nimmer (sosie de Mister Bean) au piano, Carlos Henriquez et Ali Jackson à la batterie, démontrant pour ceux qui en doutaient, qu’il est encore le boss, le patron, et cela pour longtemps.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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17 juillet 2012 2 17 /07 /juillet /2012 10:48

ECMDernières chroniques de disques avant la mise en sommeil de ce blog. Peu d’albums sont mis en vente en cette période estivale. Profitant de l’accalmie, quelques éditeurs malins mettent en circulation des enregistrements de jazzmen célèbres qui complètent avec bonheur leur discographie. Des concerts inédits de Bill Evans et de Keith Jarrett, des extraits de la dernière tournée de Return to Forever en son et en images accompagneront bains de mer, siestes, excursions en montagne et visites touristiques. J’ai rajouté John Taylor à cette sélection. Les disques de ce grand pianiste, le meilleur d’Angleterre, sortent sans aucune couverture médiatique et passent inaperçus. Dommage. Je vois bien les harmonies lumineuses de son nouvel opus éclairer notre été.

 

Keith JARRETT : “Sleeper” (ECM / Universal)

K.-Jarrett-Sleeper-cover.jpgCet enregistrement inattendu nous replonge dans les années 70, lorsque Keith Jarrett travaillait avec deux quartettes dont un européen, Jan Garbarek (saxophones ténor et soprano), Palle Danielsson (contrebasse) et Jon Christensen (batterie) étant alors de l’aventure. Cette dernière commença par “Belonging”, un enregistrement studio de 1974 qui donna son nom à la formation.  Elle se poursuivit avec “My Song“ en 1977. Deux ans plus tard, en mai 1979, le groupe se produisit au Village Vanguard de New York, prestation qui généra un double album live, “Nude Ants”. Auparavant, le Belonging Quartet s’était rendu au Japon, Tokyo l’accueillant pour plusieurs concerts en avril. La musique de l’un d’entre eux ressuscita en 1989, lorsque la firme ECM publia “Personal Mountains” à l’occasion de ses vingt ans d’existence. Une discographie réduite pour un groupe dont l’importance fut considérable dans l’histoire du jazz. On se réjouira d’autant plus de la parution de ce double CD, un “Dormeur”  (“Sleeper” ) qui se réveille après des années de mise en sommeil sur une étagère. Son enregistrement date du 16 avril 1979. Le lieu : le Nakano Sun Plaza de Tokyo. Cela explique que son répertoire recoupe les contenus de “Personal Mountains” et de “Nude Ants”. Avec “Sleeper”, nous possédons aujourd’hui trois versions d’Oasis et d’Innocence, deux de Personnal Mountains, Chant of the Soil, Prismet New Dance. On s’amusera bien sûr à les comparer pour découvrir qu’elles sont toutes différentes malgré les mélodies qu’elles possèdent en commun. Le seul « inédit » est ici So Tender que Jarrett reprendra avec Gary Peacock et Jack DeJohnette dans “Standards, Vol.2”. Le même trio nous donnera aussi une autre version de Prism en 1983. Ces morceaux ont toutefois été spécifiquement écrits par Jarrett pour son quartette européen. Ils n’ont pas pris de rides, semblent même avoir été joués hier, leur modernité les rendant intemporelles. On la doit à une formation soudée autour de son leader qui fait chanter un piano aussi intense que lyrique. Avec lui, capable de jouer des notes brûlantes et d’en souffler des tendres, Jan Garbarek fait entendre sa sonorité âpre et expressive qui influencera de très nombreux saxophonistes. Sa complicité avec Jarrett est particulièrement évidente dans leur interprétation de Personnal Mountainsdont la partie de piano semble décalée par rapport au thème que joue le saxophone. Vers sa quinzième minute, après une danse tribale confiée à une section rythmique très enveloppante que renforce Jarrett aux percussions, le morceau bascule avec l’apparition inattendue d’un second thème plus lyrique que le premier. La transition avec le morceau suivant, Innocence, étonne tout autant. Elle se fait de façon naturelle et se remarque à peine. Le tempo ralentit imperceptiblement. Palle Danielsson qui, un peu plus tard dans Chant of the Soil, va prendre un chorus rythmique époustouflant, fait sonner les harmoniques de sa contrebasse derrière un piano et un saxophone en parfaite osmose. La longueur de certains morceaux ne doit pas vous inquiéter. Introduit par Garbarek à la flûte, Oasis, une pièce modale incantatoire, dépasse les 28 minutes. Fermons les yeux : nous sommes dans une salle de concert, la musique suggère des images et fait monter au ciel.

 

Bill EVANS “Live at Art D’Lugoff’s Top of the Gate” (Resonance / Codaex)

bil-evans--Top-cover.jpgMême s’ils n’y sont jamais allés, les amateurs de jazz ont entendu parler du Village Gate, club de New York situé au sous-sol du 160 Bleeker Street à Greenwich Village. Il ouvrit ses portes en 1958 et les ferma en 1993, tout comme la salle du rez-de-chaussée baptisée Top of the Gate que le propriétaire des lieux, Art D’Lugoff, avait transformé en club en 1964. Bill Evans s’y produisit quatre semaines en 1968 avec son trio. Eddie Gomez est son contrebassiste attitré depuis 1966. Un nouveau batteur, Marty Morell, l’a rejoint depuis peu. Bill ne lui demande pas de prendre de solos, mais d’assurer le swing et le tempo. Il a des problèmes avec ses batteurs, les souhaite discrets et a choisi Morell pour la délicatesse avec laquelle il caresse sa caisse claire, ponctue le flux musical aux balais, comprend et anticipe ses désirs. Nonobstant certaines escapades, Gomez restera onze ans à ses côtés et Morell sera pour lui une force d’entraînement jusqu’en 1975. Tous les trois participeront aux enregistrements de “What’s New” (en quartette avec Jeremy Steig), “Montreux II”, “The Tokyo Concert”, “But Beautiful” (avec Stan Getz). Toutefois lorsque le 23 octobre 1968 le jeune George Klabin enregistre au Top of the Gate deux sets complets du pianiste pour la WKCR-FM, radio de l’Université de Columbia, Morell connaît encore mal les compositions d’Evans, ce qui explique que Turn of the Stars soit la seule pièce de Bill au sein d’un répertoire de standards. La prise de son est remarquable pour l’époque. Klabin disposait d’un magnétophone deux pistes, une table de mixage stéréo et de quatre excellents micros dont un Neumann U67. Il effectua le mixage en direct ce qui explique la qualité moindre des deux premières plages, Emily et Witchcraft, morceaux au cours desquels il dut effectuer certains réglages. Ces inédits sont également d’un grand intérêt historique. Bill Evans reprend Witchcraft que contient “Portrait in Jazz”, un disque de 1959. On ne connaît pas de version plus ancienne de Here’s That Rainy Day qu’il interprète ici, et c’est le premier enregistrement en trio de Yesterdays, My Funny Valentine et Mother of Earl, une composition d’Earl Zindar dont il affectionne les thèmes. Evans joue un piano nerveux aux notes abondantes, articule avec nuance de longues phrases dont chaque segment semble prendre le temps de respirer. Sa frappe se conjugue à un toucher qui donne de la grâce à sa musique. En trio, il explore de nouveaux territoires harmoniques, applique au jazz un vocabulaire hérité du classique et s’efforce de présenter ses idées dans un langage musical clair et sensible. La présence d’Eddie Gomez à ses côtés est la garantie d’y parvenir. Digne héritier de Scott LaFaro, ce dernier impose sa contrebasse virtuose et chantante. Ses chorus nombreux le voient solliciter les harmoniques, les notes aiguës qui sonnent difficilement et que l’on va rarement chercher. Doublant fréquemment les lignes du piano, il invente ses figures mélodiques, rassure et enrichit un discours evansien en quête de perfection esthétique. 

 

RETURN TO FOREVER : “The Mothership Returns” (Eagle Records / Naïve)

RTF-mothership-return-cover.jpgAnnoncé sans tapage médiatique comme tant d’autres disques qui nous tombent dessus en cette saison des pluies, cet enregistrement live de Return to Forever (2 CD et 1 DVD) est loin d’être anodin. Il fait suite à la tournée mondiale qu’assura l’an dernier une formation plusieurs fois remise sur pied depuis sa dissolution officielle en 1977. Chick Corea, Stanley Clarke et Lenny White qu’assistent Frank Gambale et Jean-Luc Ponty reprennent de larges extraits de leurs albums “Hymn to the 7th Galaxy” et “Romantic Warrior” dont la Medieval Overture, introduit leurs concerts au sein desquels abondent les passages acoustiques. Bien que jouant du piano électrique et de nombreux synthés, Chick Corea improvise fréquemment au piano, notamment dans The Romantic Warrior dont il masque longuement le thème. C’est encore au piano qu’il dialogue avec Jean-Luc Ponty, The Shadow of Lo et l’introduction du Concerto de Aranjuez consacrant leur entente. Car le violoniste n’a pas intégré la formation pour y faire de la figuration. Return to Forever IV reprend Renaissance, morceau que Ponty écrivit dans les années 70. Occasion pour lui de multiplier les échanges avec le piano et la guitare, de prendre de brillants chorus, d’apporter au groupe les couleurs uniques de son violon. Mêlé à la guitare électrique de Frank Gambale, son instrument donne du poids aux morceaux, Sorceress, Beyond the Seventh Galaxy, et School Days héritant d’une épaisseur sonore digne du rock. School Days reste bien sûr étroitement associé à Stanley Clarke, son créateur. Il y fait fièrement claquer les cordes de sa basse électrique, exhibe un jeu virtuose et un peu vain passant mieux en concert que sur disque. Les amateurs de jazz préféreront Renaissance et The Romantic Warrior, deux plages largement acoustiques. Le DVD contient d’autres versions bien filmées de After the Cosmic Rain et The Romantic Warrior, ainsi que deux documentaires sur le groupe, des interviews (sous-titrées) des musiciens se mêlant à des extraits de concerts.

 

John TAYLOR : “Giulia’s Thursdays” (Cam Jazz / Harmonia Mundi)

John-Taylor-Giulia-s-cover.jpgNe partez pas en vacances sans avoir écouté “Giulia’s Thursdays”, nouvel album du pianiste John Taylor consacré à Carlo Rustichelli (1916-2004) compositeur attitré du réalisateur Pietro Germi. Une commande de Cam Jazz, firme italienne qui possède les droits de nombreuses musiques de film et les fait jouer par les jazzmen qui sont en contrat avec elle. On trouve ainsi à son catalogue Ennio Morricone par Enrico Pieranunzi (deux volumes), Armando Trovajoli par Antonio Faraò, et Fiorenzo Carpi par Edward Simon. Morricone est mieux connu que les autres, mais ce que les interprètes font de leurs musiques importe davantage que les partitions elles-mêmes. Celles de Rustichelli furent souvent destinées à des péplums tels que “Le fils de Cléopâtre” (Il Figlio Di Cleopatra) ou à des comédies pas toujours réussies. L’une des plus célèbres est “Divorce à l’Italienne”. Taylor donne une version neuve et méconnaissable de sa bande-son, recouvrant la mélodie de ses propres harmonies, la musique devenant aérienne et fluide. Avec lui, ses musiciens habituels, Palle Danielsson dont on retrouve avec plaisir la contrebasse, et Martin France à la batterie, un trio qui nous plonge dans un jazz fin et subtil malgré les tonalités souvent semblables des morceaux.

Keith Jarrett Belonging Quartet © Terje Mosnes / ECM Records

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 11:05

Ahmad-Jamal-Band---Yusef-Lateef.jpg

MERCREDI 27 juin

Feu d’artifice final de l’édition 2012 du festival Jazz à Saint-Germain-Des-Prés, le concert d’Ahmad Jamal et de Yusef Lateef à l’Olympia n’est pas prêt d’être oublié. Réunir deux légendes du jazz sur une même scène est certes un événement, mais au-delà de cette brève rencontre – une demi-heure de musique partagée – , l’exceptionnelle qualité du trio que possède actuellement le pianiste force le Ahmad-Jamal.jpgrespect. Auprès de lui pendant vingt-sept ans, James Cammack faisait parfaitement l’affaire à la contrebasse, mais entre Reginald Veal son remplaçant, et le batteur Herlin Riley, lui aussi récemment engagé, règne une entente quasi miraculeuse. Il faut remonter à la fin des années cinquante, époque où Jamal travaillait avec Israel Crosby et Vernell Fournier pour retrouver une section rythmique aussi excitante et l’on comprend mieux pourquoi le trompettiste Wynton Marsalis garda si longtemps Veal et Riley dans son orchestre, les deux hommes contribuant à “Blue Interlude”, “Citi Movement” et “Blood on the Fields”, albums phares de sa discographie. N’oublions pas le quatrième membre du quartette, Manolo Badrena, indispensable à Jamal, son partenaire privilégié au théâtre du Châtelet en février lorsqu’il peaufinait encore les morceaux de son récent album, testait les capacités de rebond de sa nouvelle rythmique. Celle-ci a désormais fait ses preuves, et si les nombreux instruments de son percussionniste répondent toujours à son A. Jamal Group © Pierre de Chocqueusepiano élégant et mobile, Jamal peut en toute quiétude jouer sa musique, se livrer au jeu de questions et de réponses qu‘elle comporte, et improviser sur les mélodies de son choix. À propos du trio que Jamal partagea entre 1958 et 1961 avec Crosby et Fournier, John Hammond écrivait en 1962 : « Ce trio me procura plus de plaisir qu’aucun autre au cours de la dernière décennie. » Lui permettant de mettre en scène sa musique de manière plus orchestrale, celui que possède aujourd'hui le pianiste se révèle tout aussi remarquable. Naguère avare de ses notes au point que le silence fut longtemps l’une des clés de son art, il exploite toute l’étendue de son clavier, donne du volume à ses notes, les fait gonfler comme un torrent furieux. Ses accords claquent comme le fouet d’un dompteur, servent les silences qu’il entretient et qu'il rompt par des cascades d’arpèges, des notes perlées inattendues.

 

H. Riley & Y. LateefLa première partie du concert fut entièrement consacrée à “Blue Moon”, le nouvel album, important jalon de la discographie jamalienne qui, outre des reprises de standards, contient des compositions originales du pianiste, Autumn Rain, un de ses anciens morceaux, prenant son aspect définitif entre les mains expertes des musiciens de son groupe. Les versions qu’il en donna furent plus fluides que celles du Châtelet. Pièces difficiles à mettre en place, Gypsy et I Remember Italy, respirent mieux grâce à des rythmes allégés, une batterie plus discrète. Après un entracte d’une vingtaine de minutes, Yusef Lateef, 92 ans, rejoignit le trio d’Ahmad Jamal pour jouer sa musique, pièces modales aux senteurs de l’Orient qu’il enchaîna les unes aux autres, terminant sa Yusef-Lateef-c-Pierre-de-Chocqueuse.jpgcourte prestation par un blues, une version de Trouble in Mind dans laquelle il associa la voix à ses autres instruments, le ténor et les nombreuses flûtes dont il dispose pour créer des paysages sonores relevant de la world music dont il est un précurseur. S’il lui confia ses musiciens, Ahmad joua peu avec lui. Un long ostinato de piano scanda une musique quasi immobile évoluant en spirales, la contrebasse se voyant réduite à tenir un rôle de bourdon, batterie et percussions donnant rythme et couleurs à des mélopées envoûtantes dignes des mille et une nuits dont le Docteur Lateef nous conte les histoires. Ahmad et son trio conclurent sans lui cette seconde partie de programme, le concert s’achevant par l’inévitable Poinciana, thème fétiche du pianiste qui toujours enthousiasme.

A.-Jamal-Quartet-c-Pierre-de-Chocqueuse.jpgPhotos © Pierre de Chocqueuse

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2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 09:02

PapillonJuillet : les grandes villes se vident pour se remplir de touristes en ce mois estival qui voit fleurir les autocars bondés, les plages de sables improvisées et les embouteillages. Hier encore, le rire jusqu’aux oreilles, le vacancier plongeait joyeusement dans les vagues de la grande bleue, chevauchait fièrement le canard plastifié de sa progéniture ou choisissait la campagne et les bains de rivière dans lesquelles, rouges de confusion, barbotaient des écrevisses. Les mollets léchés par le soleil, le visage visité par des mouches insolentes, notre promeneur de grands chemins goûtait l’air pur de paysages peu fréquentés par ses semblables, l’homo sapiens s’y faisant plus rare que le papillon virevoltant et la coccinelle porte bonheur, la rhyzobius forestieri aux pattes recouvertes de petits poils qui lui permettent de se protéger du froid en hiver. Hier donc, le citadin prenait ses vacances dans des verts pâturages, des montagnes, ou au bord des mers de nos terres nourricières. Il les passe aujourd’hui dans d’énormes festivals, rassemblements de vedettes qui remplissent arènes, chapiteaux et pinèdes. Appréciant le jazz qui ressemble à du jazz, Monsieur Michu déplore ces réunions bruyantes qui s’ouvrent aujourd’hui à des musiques faciles et populaires. Les jazzmen n’y ont leur place que s’ils vendent des disques, bons ou mauvais, la valeur de leur musique restant secondaire dans ces vastes rassemblements où, effrayés, les oiseaux peinent à chanter, les abeilles à butiner. Gourmand, Monsieur Michu préfère téter les mamelles du jazz dans des clubs, des salles de taille moyenne qui offrent leurs chances à de jeunes et talentueux musiciens moins médiatisés. « Nous n’irons pas à New York » clament les Michu, car les jazzmen américains visitent Paris, s’installent en juillet au Duc des Lombards. Au même moment, le New Morning organise un festival « All Stars » et le Sunside propose son American Jazz Festiv’Halles, puis en août, pour la septième année consécutive, son festival Pianissimo. Occasion d’entendre Pierre de Bethmann, René Urtreger, Tony Tixier, Laurent de Wilde, Alain Jean-Marie, Antoine Hervé, Manuel Rocheman, nos meilleurs pianistes. Les Michu ne quitteront donc pas la capitale, préférant attendre octobre pour se rendre  au Festival Jazz en Tête de Clermont-Ferrand qui, du 23 au 27, fêtera ses 25 ans d’existence, un festival que fréquentent Jean-Paul, Bajoues Profondes, Jacques des Lombards et tous les mélomanes qui souhaitent écouter du jazz dans un festival de jazz. Les Michu ont également promis à Jacquot de l’emmener à Provins les 28 et 29 septembre assister à la première édition du Provins Duke Festival, premier festival européen dédié à Duke Ellington. C’est l’été, les étoiles du ciel fusent comme des balles de tennis les jours de grands tournois, le bitume ramollit sous les pieds des touristes accablés de chaleur et le parisien disparaît. Ce blog fera de même autour du 20 juillet pour renaître en septembre, s’accorder avec la douceur de l’automne et la rentrée des classes.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

 

Dan-Tepfer.jpg-Carte blanche à Dan Tepfer au Sunside les 2 et 3 juillet. En trio avec Stéphane Kerecki à la contrebasse et Anne Paceo à la batterie le premier soir, en duo avec le saxophoniste Ben Wendel (Kneebody) le second. Dan a enregistré avec lui un nouvel album qui doit sortir à la rentrée sur Sunnyside. Quant à Stéphane Kerecki, son disque avec le pianiste John Taylor est l’une des réussites de l’an passé. Dan Tepfer aime les rencontres. Excellent accompagnateur – il fait merveille dans l'album qu’il a enregistré avec Lee Konitz  - , il s’est forgé son propre vocabulaire harmonique et aime bousculer les tempos trop rigides, truffer ses phrases de dissonances, de notes inattendues. Les standards qu’il reprend provoquent émotion et surprise. Dan est aussi un amoureux de Bach dont il interprète librement les “Variations Goldberg qu’il découvrit jouées par Glenn Gould à l’âge de onze ans.   

 

Dr-John.jpg-Personnage incontournable de la scène musicale néo-orléanaise, Dr John et ses musiciens se produiront à La Cigale le 4, faisant ainsi l’ouverture de la seconde édition du festival « Nous n’irons pas à New York » organisé par le Duc des Lombards. Pianiste, guitariste, chanteur à la voix inimitable, Malcolm John « Mac » Rebennack Jr. fut longtemps un musicien de studio avant de se lancer en 1968 dans une fructueuse carrière solo sous le nom de Dr. John The Night Tripper. Inspiré par l’Afrique, le vaudou, le funk, le rythm’n’ blues, le rock psychédélique “Gris-Gris” fut le premier d’une série d’albums flamboyants enregistrés pour Atlantic. Publié en 1973, produit et arrangé par Allen Toussaint et bénéficiant du soutien instrumental des Meters, l’album “In the Right Place” qui renferme le tube Right Place, Wrong Time, mélange de funk et de dixieland néo-orléanais, le plaça définitivement sur orbite. Après “City that Care Forgot”, disque dans lequel il s’insurge contre l’incurie de l’administration Bush qui n’a rien fait pour aider les victimes de l’ouragan Katrina qui dévasta sa ville en 2008, il sort aujourd’hui un nouvel opus, “Locked Down”, sur Nonesuch Records.

 

J.-Scofield---K.-Rosenwinkel-c-Mark-Hess.jpg-Après avoir tourné en quartette l’été dernier avec le pianiste Mulgrew Miller, John Scofield a choisi de s’entourer d’un second guitariste, formule qu’il pratiquait naguère avec Mike Stern au sein du groupe de Miles Davis. Nul doute que ses échanges seront fructueux au New Morning le 5 avec Kurt Rosenwinkel. Possédant une sonorité de guitare spécifique, ce dernier fait entendre des intervalles inhabituels et innove sur un plan harmonique. Scofield fait partie des musiciens qui lui ont ouvert les portes du jazz. Il le rejoint au sein d’un nouveau groupe baptisé Hollowbody dont le bassiste n’est autre que son vieux complice Ben Street. Souvent associé à Scofield qu’il assiste dans ses disques, Bill Stewart complète la formation à la batterie.

 

The-Fellowship-Band.jpg-Le Fellowship Band du batteur Brian Blade existe depuis une quinzaine d’années, mais ses membres n’ont guère l’occasion de se produire sur scène, de se rassembler pour faire des disques. Très sollicités, Jon Cowherd (piano, claviers électriques, orgue à pompe), Myron Walden (saxophone alto, clarinette basse), Melvin Butler (saxophone ténor), Chris Thomas (contrebasse) et Brian Blade (batterie) ont peu de temps à consacrer à leur groupe. “Season of Changes” date de 2008 et un nouvel album, “Landmarks”, est prévu pour la rentrée. Même sans son guitariste, Kurt Rosenwinkel, on ne manquera donc pas le passage du Fellowship Band au Sunside le 12 et le 13. Sa musique : un habile mélange de jazz, de folk et de soul, Blade appréciant tout autant le jazz improvisé de Wayne Shorter dont il est le batteur que la musique de Joni Mitchell. Cette dernière chante d’ailleurs sur un titre de “Perceptual”, le deuxième album de la formation.

 

Aaron-Goldberg.jpg-Carte blanche à Aaron Goldberg au Duc des Lombards du 12 au 14. Le premier soir, le pianiste jouera sa musique avec Matt Penman à la contrebasse et Greg Hutchinson à la batterie. Le 13, le trio deviendra un quartette, Mark Turner le rejoignant au saxophone ténor et à clarinette. Enfin le 14 Guillermo Klein apportera au quatre musiciens les couleurs de ses pianos électriques. Klein et Goldberg ont récemment enregistré ensemble. Leur album s’intitule “Bienestan”. On peut préférer les albums en trio de Goldberg, notamment “Yes ! ” enregistré avec Omer Avital (contrebasse) et Ali Jackson (batterie), un disque dans lequel le pianiste en grande forme privilégie le blues et la tradition, fait chanter ses notes tout en n’oubliant pas d’émouvoir.

 

The-Jazz-Crusaders.jpg-Wilton Felder (saxophone ténor), Wayne Anderson (trombone) et Joe Sample (piano) constituèrent les Jazz Crusadersau début des années 60 avec Jimmy Bond et Stix Hooper, et enregistrèrent sous ce nom leurs meilleurs albums pour le label Pacific Jazz. En 1972, la formation devint les Crusaders, sa musique, un mélange de soul-jazz et de funk, se faisant plus commerciale. Réduit à un trio, le groupe se dissout en 1980 pour ressusciter dix ans plus tard. Aujourd’hui l’aventure continue et passe même par Paris rarement visité. Les Jazz Crusaders seront en effet au New Morning les 16 et 17 juillet pour deux concerts. En quintette, Nick Sample (basse) et Joël Taylor (batterie) complètent une formation que l’on voit peu souvent sur scène.

 

Ambrose-Akinmusire-c-Matt-Marshall.jpg-Ambose Akinmusire au Sunside le 18 et le 19. Avec lui les membres de son quintette habituel : Walter Smith III au ténor, Sam Harris au piano, Harish Raghavan à la contrebasse et Justin Brown à la batterie. Produit par Jason Moran et publié l’an dernier, son album “When The Heart Emerges Glistening” (Blue Note) a obtenu le Grand Prix de l’Académie du Jazz. Depuis longtemps à ses côtés, ses musiciens jouent sans peine une musique présentant de nombreuses difficultés techniques, un jazz moderne imprégné de tradition et de musiques de son temps. Ouvert au hip hop qui nourrit les rythmes de ses compositions et leur donne un groove appréciable, Akinmusire a aussi baigné dans le gospel dès son plus jeune âge. Lauréat en 2007 de la Thelonious Monk Jazz Competition, il fascine par la tendresse de ses ballades, par les délicates phrases mélodiques qu’il cisèle tel un orfèvre. Avec lui le jazz prend des risques, mais se revêt aussi d’habits précieux.

 

W.-Marsalis---The-Lincoln-Center-Orchestra.jpg-Wynton Marsalis et le Lincoln Center Orchestra à l’Olympia le 19. Le trompettiste en est le directeur artistique, le dirige et écrit pour lui des partitions. Créé en 1988, l’orchestre a toutefois pour vocation d’interpréter les compositions et arrangements des géants du jazz. Les musiciens du groupe de Marsalis en sont membres et leurs noms nous sont familiers. On retrouve ainsi Walter Blanding aux saxophones ténor et soprano, Dan Nimmer au piano, Carlos Henriquez à la contrebasse et Ali Jackson Jr. à la batterie. Le big band comprend aussi les trompettistes Ryan Kisor et Marcus Printup, le tromboniste Vincent Gardner, les saxophonistes Ted Nash et Victor Goines. Pour cette tournée, le Lincoln Center Orchestra s’offre un chanteur et pas n’importe lequel puisque Grégory Porter partagera la scène avec Wynton et ses musiciens. Un grand concert en perspective.

 

Concord-rec.jpg-Christian Scott au New Morning le 21 avec Matthew Stevens (guitare), Kris Funn  (contrebasse), Jamire Williams (batterie), tous trois membres de son quintette. Le pianiste de cette tournée est Fabian Almazan, musicien d’origine cubaine, un ancien élève de Kenny Barron à la Manhattan School of Music. Quant au trompettiste, il vient de sortir “Christian aTunde Adjuah” , un copieux double CD, tant par sa durée que par son contenu, dans lequel il mêle tradition et innovations, explore de nouveaux territoires avec fougue et lyrisme. Son instrument y occupe une place importante. Tuttis acrobatiques, longues phrases tranquilles et mélancoliques évoquant le Miles Davis des années 60, Scott étonne par sa puissance imaginative, son habileté à élargir le jazz en l’ouvrant à d’autres musiques.

 

Harold-Mabern.jpg-Les occasions d’écouter le pianiste Harold Mabern dans un club parisien se font plus fréquentes depuis 2009. Cette année-là, en juillet, le pianiste se produisit au Duc des Lombards avec le saxophoniste Eric Alexander. Il revint deux ans plus tard, en novembre 2011, mais au Sunside, avec John Weber à la contrebasse et Joe Farnsworth à la batterie qui seront avec lui au Duc le 22. Influencé par Phineas Newbornson mentor auquel il dédia une de ses compositions Blues for Phineas, et par Horace Silver, Mabern, né en 1936, reste une des légendes du piano. Il joue un bop puissant et mélodique, sa main gauche assurant les basses, la droite, fluide, plaquant quantité de notes perlées. Ne dédaignant pas jouer en accords, Mabern tire une grande dynamique d’un instrument avec lequel il forgea sa réputation dans les années hard bop, travaillant avec Miles Davis, Lee Morgan, Freddie Hubbard, Sonny Rollins et d’autres grands du jazz.

 

Bobby-Watson-c-Lafiya-Watson.jpg-Toujours au Duc des Lombards, on retrouve Harold Mabern et son trio les 24 et 25 au sein du quintette du saxophoniste Bobby Watson que complète l’excellent Jim Rotondi à la trompette. Étudiant théorie et composition à l’Université de Miami, Watson se lia d’amitié avec Pat Metheny et Jaco Pastorius avant de gagner New York et de devenir à 24 ans le directeur musical des Jazz Messengers d’Art Blakey. Très actif dans les années 80, plus discret ces dernières années, il demeure un altiste à la sonorité brûlante, un disciple inspiré de Cannonball Adderley et de Jackie McLean dont il possède la fougue, le fort tempérament.

 

Steve-Kuhn.jpg-On l’a vainement attendu au New Morning en février. Steve Kuhn devait s’y produire en quartette avec le saxophoniste Donny McCaslin. Le Duc des lombards rattrape le coup les 26 et 27, invitant le pianiste avec Steve Swallow qui joue de la basse dans son nouvel album ECM, et Billy Drummond à la batterie. Choc Jazz Magazine / Jazzman en juin, “Wisteria” contient d’anciens morceaux de Kuhn précédemment enregistrés avec des cordes et une superbe composition de Carla Bley, Permanent Wave, que le trio reprendra certainement. Pianiste aux harmonies raffinées, Kuhn peut aussi bien jouer dans la tradition du bop que du jazz modal, Bud Powell et Bill Evans ayant tous deux influencé son piano. Il fut aussi pendant quelques mois le pianiste de John Coltrane auquel il rend hommage dans “Mostly Coltrane”, l’un de ses plus beaux opus.

 

Ran-Blake---Sara-Serpa.jpg-Ran Blake et Sara Serpa au Sunside le 27 pour une autre sorte de jazz, plus près du cœur que du swing. Blake fait depuis longtemps entendre un piano unique aux notes sombres et rêveuses. Ses accords parcimonieux, son approche minimaliste de la phrase envoûtent l’auditeur aussi sûrement qu’un hypnotiseur patenté. Certains d’entre-nous se souviennent d’un concert en solo inouï donné au Théâtre du Ranelagh lors de la parution de “Wende”, un de ses plus beaux disques. Ran Blake a toujours aimé travailler avec des chanteuses. Après Jeanne Lee dont il a magnifiquement servi la voix, il met en orbite celle étonnante de Sara Serpa, une portugaise native de Lisbonne qui fut une de ses élèves au New England Conservatory de Boston. Ils ont enregistré un disque ensemble en 2010, “Camera Obscura” . Le piano troue la pénombre et éclaire une voix unique que nous pourrons découvrir en toute intimité.

 

Hal-Singer-c-Martine-Thomas.jpg-Avec Rasul Siddik (trompette), Katy Roberts (piano), Dominique Lemerle (basse) et Ichiro Onoe (batterie), Hal Singer (saxophone ténor) donnera son dernier concert parisien au Sunside le 28. Né à Tulsa (Oklahoma) en 1919, il reste le seul survivant du grand orchestre de Roy Eldridge qu’il rejoignit en 1944. Don Byas, Lucky Millinder, Sir Charles Thompson et Duke Ellington (le temps d’une tournée en 1949) s’attachèrent ses services. Il accompagna aussi Ray Charles, Dinah Washington et Wilson Pickett. Installé en France depuis 1965, il y a publié ses mémoires, “Jazz Roads” (Edition n°1), bouquin passionnant écrit avec sa femme Arlette, livre publié en 1990 qu’il convient de lire et de relire, mais qui n’est plus édité. Al venait d’achever le tournage de “Taxi Blues”, film de Pavel Lounguine dans lequel il tient son propre rôle.

Nous n'irons pas à NY

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-La Cigale : www.lacigale.fr

-New Morning : www.newmorning.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Olympia : www.olympiahall.com

 

Crédits Photos : Dan Tepfer, Harold Mabern, Steve Kuhn © Pierre de Chocqueuse – John Scofield © Mark Hess – Ambrose Akinmusire © Matt Marshall – Christian Scott © Kiel Adrian Scott / Concord Records – Bobby Watson © Lafiya Watson – Hal Singer © Martine Thomas – Dr. John, The Fellowship Band, Aaron Goldberg, The Jazz Crusaders, Wynton Marsalis & The Lincoln Center Orchestra, Ran Blake &  Sara Serpa © Photos X/D.R.     

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