En juin, le soleil
réchauffe les mollets et les jours sont plus longs. Envahis de pigeons qui roucoulent, entourés de grilles en fer de lance, les jardins parisiens remplis de fleurs égayent les promeneurs. Depuis
plusieurs années, le Parc Floral de Paris se fait son festival. Dès le 9 et durant huit week-end, ses pelouses accueilleront « tous les jazz », ce qui ne manque pas d’inquiéter. Les
concerts du samedi se dérouleront sur « La Barge à Jazz », scène aquatique installée à l’extrémité du grand bassin. Juin est aussi le temps des cerises. Les Michu
en raffolent. Jean-Paul qui a voyagé au Népal est beaucoup plus méfiant. On trouve là-bas un cerisier
toxique qui foudroie les chèvres gourmandes. Alexandre Vialatte pour qui la montagne n’a point de secret, va jusqu’à prétendre que tous
les béliers ont des têtes de veuf. On trouve effectivement de l’acide prussique ou acide cyanhydrique dans les feuilles de certains prunus laurocerasus (laurier-cerise). La
majorité des prunus portent heureusement des fruits comestibles. Consommez sans modération des bigarreaux, cerises pâles ou foncées à chair ferme et douceâtre, Napoléon, Burlat, Cœur de Pigeon,
autant d’espèces savoureuses pour nos palais reconnaissants. Quant aux randonneurs du dimanche, ils feront attention où mettre les dents. Celles, gâtées, de Jacquot ne l'aident pas à lui faire un visage plus
attrayant. Sans ses bandelettes de momie, zébré de cicatrices et défiguré par une rouille galopante, il ressemble à la créature imaginée par Frankenstein. Photographié ici par Monsieur Michu, Jacquot ne
désespère pas. La chirurgie esthétique sculpte, redessine, fait des miracles. Il pourra bientôt ressembler à un autre. À Duke Ellington par exemple dont Laurent Mignard ressuscitera royalement la musique le 11 juin sur la scène du Petit Journal
Montparnasse.
QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT
-Jean-Pierre Mas au Duc des Lombards le 4 juin avec les musiciens de son dernier
album : Eric Seva (saxophones ténor & soprano), Sylvin Marc (contrebasse) et Xavier Desandre (batterie). Renfermant ballades et pièces chaloupées percluses de soleil, “Juste
Après”, la suite de “Juste avant” enregistrée en 2010 avec une section rythmique différente, est à marquer d’une pierre blanche dans la discographie du pianiste compositeur qui s’ouvre en 1976
avec “Rue de Lourmel”, le disque qui le fit connaître. On y entre avec joie, au son d’un piano qui danse et se déhanche, de rythmes qui se font chair autour de vrais thèmes,
Jean-Pierre Mas tendant les paumes de ses mains à d’invisibles tambours qui font battre le cœur.
-Laurent de Wilde à Roland Garros
(musée de la Fédération Française de Tennis) le 6, et au Sunside le 7 avec Ira Coleman (contrebasse) et Laurent
Robin (batterie). Ce dernier remplace Clarence Penn, le batteur de Laurent dans “Over the
Clouds”, le premier disque de jazz acoustique que le pianiste enregistre depuis 2006, un recueil de compositions très variées contenant des originaux et des relectures habiles de standards.
Laurent y joue des blues, des ballades, le rythme occupant une place importante dans des compositions souvent musclées au fort parfum africain. Ecoutez Over the Clouds qui donne
son titre à l’album : le piano sonne comme un balafon et invite à la danse.
-Stephan Oliva à la Dynamo de Banlieues Bleues le 8 pour un hommage aux films noirs. Avec lui, le
cinéaste Philippe Truffaut, pour « recréer un dialogue entre le son et le visuel et répondre en images » à un piano qui se fait
tendre et mélodique ou accentue l'aspect dramatique de musiques composées par Franz Waxman (“Boulevard du crépuscule”)
Miklós Rózsa (“Quand la ville dort”, “Assurance sur la mort”) Dimitri Tiomkin (“Un
si doux visage”) Henry Mancini (“La soif du mal”), David Raksin (“L’enfer de
la corruption”) et John Lewis (“Le coup de l’escalier”). Les graves de l’instrument, ses notes lourdes et obsédantes traduisent la
noirceur de la thématique proposée.
-Danilo Perez au Duc des Lombards les 7, 8 et 9 juin. En trio avec Ben Street
à la contrebasse et Adam Cruz à la batterie, musiciens qui travaillent avec lui depuis huit ans, le
pianiste panaméen combine hardiment un jeu rythmique et une approche harmonique sophistiquée brassant beaucoup de notes. La main droite harmonise, brode des variations ; la gauche baigne la
musique dans le rythme. Dans son dernier disque “Providencia”, publié en août 2010 aux Etats-Unis – la composition qui lui donne son nom est d’ailleurs une rumba guaguancó – , Perez revendique
ses racines latines. Contrebasse et batterie y adoptent des rythmes de tamborito, la danse la plus populaire de Panama. Il contient également Historia de Un Amor de Carlos
Eleta Almaran, morceau naguère enregistré par Oscar Peterson, et Irremediablemente
Solo de l’organiste et pianiste Avelino Muñoz, l’un des plus importants compositeurs panaméens. Un chaud concert en
perspective !
-Al Jarreau à l’Olympia le 10 juin. Sur scène, dès qu’il commence à chanter, le chanteur nous fait vite
oublier ses soixante-douze ans. Malgré un tassement de la voix dans l’aigu, il conserve une large tessiture et sa maîtrise du scat reste impressionnante, ses onomatopées rythmiques devenant
percussions vocales, imitations de tambours, cuica et contrebasse. Il chante You Don’t See Me, reprend We Got Bye, ses grands morceaux
des années 70 dont le plus fameux reste Take Five qu’il introduit toujours par une longue improvisation vocale. Al place d’autres musiques dans
son répertoire et accorde une place importante au funk, à la soul et à la musique brésilienne. Les musiciens qui l’entourent travaillent avec lui depuis longtemps. Outre Joe
Turano (claviers et saxophones) qui fait office de directeur musical, sa formation comprend le pianiste Larry Williams qui, en
2004, arrangea “Accentuate the Positive”, disque particulièrement apprécié des jazzmen.
-Un concert que Jacquot ne veut manquer sous
aucun prétexte, celui que le Duke Orchestra de Laurent Mignard donnera au
Petit Journal Montparnasse le 11 à l'occasion de la présentation de l'album “Battle Royal, Live Jazz à Vienne 2011” (Juste une Trace) à paraître en septembre sur Columbia / Sony Music. Car c’est
au festival de Vienne, l’an dernier, qu’avec Michel Pastre et son orchestre, Laurent recréa la légendaire « Bataille Royale »
qui avait opposé en studio en 1961 les orchestres de Duke Ellington et de Count Basie. Soirée événement donc au Petit Journal, le Duke Orchestra invitant Michel Pastre
(saxophone ténor) et quelques solistes de son orchestre pour une nouvelle et inestimable rencontre au sommet.
-En trio, avec Raphaël Dever à la contrebasse et Mourad Benhammou à la batterie, Pierre Christophe fêtera les 12 et 13 juin au Sunside la sortie de “Byard By Us Live !”, son nouvel album, son meilleur, le pianiste étant plus enthousiasmant en concert qu’en studio.
Au programme : la musique de Jaki Byard, son maître, mais aussi des compositions personnelles qui permettent à Pierre de survoler
l’histoire du jazz. Enraciné dans la tradition, son piano célèbre non sans humour Fats Waller et Erroll Garner
que Bud Powell et Bill Evans. Ragtime,
swing, modes et dissonances cohabitent sous les doigts d’un pianiste dont la verve mélodique se révèle dans ses ballades.
-Carte blanche à Joshua Redman
à la Cité de la Musique et à Pleyel, du 15 au 18.
-Le vendredi 15, le saxophoniste se produit au sein de l’Axis Saxophone
Quartet, quatuor de soufflants qui réunit Mark Turner, Chris Cheek
et Chris Potter (Cité de la Musique, 20h00).
-Le 16, Redman retrouve Brad Mehldau qui fut le
premier pianiste de son quartette pour un duo fort prometteur (Salle Pleyel, 20h00).
-Le 17, c’est en double trio, avec deux bassistes (Matt Penman et Reuben Rogers) et deux batteurs (Brian Blade et Gregory Hutchinson), formation peu courante, que Redman choisit de s’entourer. Le saxophoniste développa cette
approche musicale en 2009 dans “Compass”, l’une des grandes réussites de sa discographie (Cité de la Musique, 16h30).
-Enfin, le 18, Redman nous propose une version résolument acoustique de Elastic
Band, trio que complètent Sam Yahel au piano et Brian Blade
à la batterie (Cité de la Musique, 20h00).
-Enrico Rava et son Tribe Quintet le 23 au Parc Floral de Paris dans le cadre du Paris Jazz Festival 2012. Le groupe offre à “Tribe”, un de mes douze Chocs de 2011, sa musique paresseuse aux couleurs
tamisées. Gianluca Petrella au trombone, Giovanni Guidi au piano,
Gabriele Evangelista à la contrebasse et Fabrizio Sferra à la batterie complètent
une formation transalpine qui enveloppe ses compositions lyriques de soleil et pousse à un reposant farniente.
-Ahmad Jamal et Yusef Lateef à l’Olympia le 27. Deux sages que dix ans d’âge séparent, mais non la musique. Né en 1920 et redécouvert en 2005 grâce aux frères Belmondo
(leur album “Influence”), le saxophoniste (outre du ténor, il joue aussi de nombreuses flûtes) s’est depuis longtemps démarqué du be-bop pour s'approcher des
traditions, s’affranchir des barrières stylistiques et entretenir des rapports plus mystiques avec la musique. Son attrait pour les modes orientaux, pour les racines africaines du jazz,
l’utilisation d’instruments « exotiques » tels que l’argol et le rebab ont apporté de nouvelles perspectives à son art. Après Marciac l’été dernier, Yusef Lateef
retrouve donc Ahmad Jamal et ses musiciens, Reginald Veal (contrebasse), Herlin Riley (batterie) et Manolo Badrena (percussions). Né en 1930, le pianiste produit depuis longtemps et à l’écart des courants dominants une musique inventive faite de tension, de mouvement permanent. “Blue
Moon” (Jazz Village), son nouvel album, traduit la modernité et la fraîcheur constante de sa musique.
-Leïla Martial au Sunset le 30. Longtemps hésitante entre le métier de
comédienne et celui de chanteuse, elle choisit de jouer de sa voix comme d’un instrument, de s’immerger dans la musique et l’improvisation. Elle le fait dans “Dance Floor”, (Out Note) son premier
disque officiel dans lequel elle parvient à émouvoir par une réelle simplicité mélodique. Avec elle, Jean-Christophe Jacques (saxophones
ténor et soprano), Laurent Charvoit (basse) et Eric Perez (batterie,
sampling, voix) pour une approche différente du chant, une musique singulière entre densité et dénuement.
-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com
-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com
-La Dynamo de Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org
-Olympia : www.olympiahall.com
-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com
-Cité de la Musique : www.citedelamusique.fr
-Salle Pleyel : www.sallepleyel.fr
-Paris Jazz Festival : www.parisjazzfestival.paris.fr
Crédits Photos : Jacquot © Monsieur Michu
– Jean-Pierre Mas © Jean-Jacques Pussiau – Laurent de Wilde, Stephan Oliva, Danilo Perez, Al Jarreau,
Raphaël Dever & Pierre Christophe © Pierre de Chocqueuse – Joshua Redman © Michael Wilson – Enrico Rava © Roberto Masotti /
ECM – Yusef Lateef & Ahmad Jamal © Philippe Etheldrède – Leïla Martial © Philippe Marchin.