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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 12:03

R.-Fiorentino---Ange-Musicien.jpgMalgré le manque de pluie, les disques poussent comme des champignons, le printemps nous en apportant autant qu’en automne. Leur cueillette n’est pas sans dangers. On les écoute avec prudence, de la musique vénéneuse pouvant vous expédier fissa à l’hôpital. Monsieur Michu en fit les frais en décembre. On ne prend aucun risque avec les nouveaux opus de Brad Mehldau et Ahmad Jamal, musiciens confirmés qui font le plein de concerts. Moins médiatisés, Marc Copland, Guillaume de Chassy, Carlos Maza, Laurent de Wilde, Vincent Bourgeyx, Philippe Le Baraillec remplissent de moins grandes salles, mais leurs disques, aussi comestibles que les cèpes et les bolets royaux du Bon Dieu, se consomment sans modération. Le blogueur de Choc qui a goûté avec ses oreilles ces nourritures célestes préfère vous en rendre compte en deux temps. Deuxième service courant mai. Bon appétit !

 

-Ahmad JAMAL : “Blue Moon” (Jazz Village / Harmonia Mundi)

A Jamal J’ai failli oublier cet album du pianiste publié à peu près à la même date que le dernier concert qu’il donna au Châtelet (lire “Des visiteurs très attendus”, mis en ligne le 13 février). Il est pourtant très réussi, meilleur que “A Quiet Time”, un bon disque dont la musique ronronne un peu. “Blue Moon” ne la renouvelle pas, mais Ahmad Jamal change de bassiste et lui donne une dynamique nouvelle qui la rend plus excitante. Attentive, sa section rythmique comble les silences de son piano orchestral, installe une tension qui profite à jeu félin. Omniprésent aux percussions, Manolo Badrena y occupe un poste clef. Reginald Veal le nouveau bassiste et Herlin Riley le batteur officient avec la précision d’un métronome. Les morceaux plus longs favorisent l’hypnose rythmique et c’est en toute quiétude que Jamal joue des cascades d’arpèges, plaque des accords inattendus ou de gracieuses notes perlées. Si I Remember Italy tourne un peu en rond, Blue Moon et Invitation s’imposent dans la durée. Gypsy, une des nouvelles compositions du pianiste, semble bien difficile à jouer, mais Jamal reprend avec bonheur Autumn Rain, un de ses anciens morceaux, et démontre avec Laura qu’il est toujours capable d’apporter un nouveau souffle à un standard, fut-il le plus rabâché.

 

-Guillaume DE CHASSY : “Silences” (Bee Jazz / Abeille Musique) 

Guillaume de Chassy De la musique de chambre jouée par un trio réunissant Guillaume de Chassy au piano, Thomas Savy à la clarinette et Arnault Cuisinier à la contrebasse. Au programme, quelques compositions collectives, mais aussi des adaptations de pièces écrites par Francis Poulenc, Serge Prokofiev , Franz Schubert, Dmitri Chostakovitch, le trio parvenant à faire le lien entre le jazz et l’héritage européen de la musique. Pour des raisons acoustiques (la réverbération importante du lieu), les musiciens ont évité de trop charger de notes les pièces qu’ils interprétaient, cette contrainte leur donnant une grande respiration. Bien que partiellement improvisées, ces "extensions mélodiques" ne relèvent pas vraiment du jazz ce qui ne leur empêche pas d’être profondes et créatives. Enregistrée dans le vaste réfectoire de l’abbaye de Noirlac, cette musique apaise par ses nombreux silences, ses notes rares et précieuses. On y entend un piano aussi économe qu’inspiré, une clarinette chantante, une contrebasse aussi discrète que bienvenue. On y trouve certes des cadences, mais sans pesanteur, aussi légères qu’un pollen printanier. En solo, Guillaume magnifie la musique d’“Adieu Chérie”, un film léger et amusant de Raymond Bernard (1945). Il est sans doute le seul pianiste de jazz à connaître Wal Berg (Voldemar Rosenberg) qui en signa la partition.

 

-Brad MEHLDAU : “Ode” (Nonesuch / Warner)

B.-Mehldau-Trio--Ode--cover.jpgDonnant de nombreux concerts en solo ou en duo, Brad Mehldau (attendu en juin à Paris avec Joshua Redman) a fait peu d’albums avec Larry Grenadier à la contrebasse et Jeff Ballard à la batterie, ce dernier remplaçant depuis 2005 Jorge Rossy batteur de son premier trio. “Day is Done”, un disque en studio de 2005, et un double live gravé au Village Vanguard l’année suivante, se voient aujourd’hui complétés par “Ode”, un recueil de compositions originales enregistrées en novembre 2008 et en avril 2011. Il est toutefois difficile de distinguer quelles sont les plus récentes de ces pièces qui bénéficient d’une même unité stylistique. S’il innove moins que lors de ses concerts en solo, le pianiste s’accommode parfaitement d’une contrebasse mobile qui impose ses propres lignes mélodiques et d’une batterie haletante qui précipite le rythme de la musique. Avec Ballard, on est loin du chabada traditionnel, mais plus près du rebond, son jeu foisonnant donnant relief et souplesse à la phrase musicale. C’est donc sur un tapis rythmique très fourni que le pianiste tire parti de son jeu ambidextre, trempe ses improvisations dans le blues – 26, Bee Blues – ses thèmes, parfois très simples, nourrissant d’amples développements. De quelle manière improviser à partir d’une structure mélodique ? C’est à cette question que répond collectivement le trio qui invente une musique vivante, ouverte, et parvient à la rendre constamment passionnante.

 

-Marc COPLAND : “Some More Love Songs” (Pirouet / Codaex)

Marc-Copland--Some-More-Love-Songs--cover.jpgSept ans après avoir enregistré sept morceaux sous le titre de “Some Love Songs”, Marc Copland en reprend sept autres dans “Some More Love Songs”, et les joue avec Drew Gress à la contrebasse et Jochen Rückert, section rythmique déjà présente à ses côtés en 2005. Émergeant de sa mémoire, ces pièces se sont imposé naturellement au pianiste, comme si elles avaient choisi leur interprète. Ce dernier traduit avec ses propres harmonies les sensations qu’elles lui suggèrent et nous en offre des versions très personnelles. Il diffracte ses notes, les rend liquides, aussi transparentes que du verre. Un soin extrême est apporté à leurs couleurs, à leur résonance. Le pianiste les allonge ou les contracte, apporte les plus subtiles nuances à ses harmonies flottantes. Sa version onirique de I’ve Got You Under My Skin n’a pas grand chose à voir avec celle de Frank Sinatra. My Funny Valentine et I Remember You que reprit Chet Baker sont abordés sur des tempos inhabituellement rapides. La contrebasse ronde, enveloppante de Drew Gress y fait merveille. Les autres thèmes sont des ballades. Marc Copland enregistre souvent les mêmes thèmes et I Don’t Know Where I Stand de Joni Mitchell apparaît dans “Alone”, un disque en solo de 2009, son meilleur album avant celui-ci.

Bandeau : Rosso Fiorentino (1495-1540) "Ange Musicien" (détail) - Florence, musée des Offices.   

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 09:50

Revue Littéraire, coverAmphibiens urodèles qui peuplent les lacs du Mexique depuis cinq cent millions d’années, les axolotls me fascinent depuis longtemps. J’ai fait leur connaissance dans “Les armes secrètes”, un recueil de nouvelles de Julio Cortázar. L’une d’entre-elles s’intitule Axolotl. C’est la plus courte du livre, sept pages qu’il m’a été impossible d’oublier. Une amie connaissait ces batraciens translucides d’une quinzaine de centimètres aux yeux grands comme des têtes d’épingle et les appréciait énormément. L’aquarium du Trocadéro en renfermait des spécimens. Elle m’amena les voir. Nous collions nos visages contre la vitre, tout en nous gardant bien de nous transformer en axolotl comme le narrateur de la nouvelle. Le petit animal ressurgit dans ma vie en 2006. Pour Jazzman, Alex Dutilh m’avait confié la chronique d’“Intense”, un disque de Patrick Favre labellisé AxolOtljazz. Jean-Louis Wiart, le producteur de l'album, les avait lui aussi rencontrés dans la nouvelle homonyme de Cortázar. Nous étions fait pour nous entendre. Grand lecteur, cinéphile impénitent, amateur de jazz et de musique classique, cet homme cultivé et érudit est aussi une grande plume. Ses articles dans Les Allumés du Jazz m’enchantent. Il vient de publier De l’axolotl dans La Revue Littéraire (n°52, février-mars 2012), une vingtaine de pages pour tâcher de faire connaître l’Ambystoma mexicanum que Cortázar découvrit au Jardin des Plantes.   

 

Axolotl.jpgComme Jean-Louis Wiart le précise, le mot axolotl est lui-même musical. On comprend mieux l’attrait qu’exerce sa sonorité sur certains mélomanes. Sa prononciation impose un placement singulier de la langue, et à la faire claquer derrière les dents. Comme peyotl, le mot provient du nahuatl, la langue des Aztèques, et signifie « chien d’eau ». Le second chapitre de cette monographie romancée – son auteur la décrit ainsi – nous l’apprend. Le troisième aborde la symbolique de l’animal, pauvre si on la compare à celle d’un autre reptile amphibien, la Salamandra maculata dont l’espèce est commune en Europe. Bien que l’ancienne symbolique chrétienne en fait l’antithèse du griffon, la salamandre n’est pas bien vue au Moyen-Âge. Dans son “Bestiaire Divin”, Guillaume de Normandie accuse l’animal d’empoisonner l’eau des puits et des fontaines dans lesquels il plonge, de corrompre les arbres sur lesquels il grimpe. Ses propriétés merveilleuses ont été beaucoup exagérées depuis l’Antiquité. Dans le livre X de son “Histoire Naturelle”, Pline prétend que la salamandre « est tellement froide qu’elle éteint le feu par son contact, comme ferait la glace. »

 

Breton---Trotsky-a-Cacoyan-c-Fritz-Bach.jpgL’Axolotl n’a pas ces vertus. On lui en prête d’autres, notamment la faculté de se transformer. Selon la légende, le dieu Xolotl serait devenu axolotl par métamorphoses successives. Plus réservés, voire sceptiques, les scientifiques n’ont pu empêcher les écrivains d’en faire des animaux magiques. André Breton les dit porteurs de souliers bleus. Il les a examinés de près, les pêchant au Mexique avec Trotsky. Le cinéaste suisse amphibien Alain Tanner a intitulé un de ses films “La Salamandre”. L’action se passe à Genève, en Suisse « pays de lacs » rappelle l’auteur. De Tanner également, mais tourné à Lisbonne « ville de Fernando Pessoa, de fait axolotl lui-même puisque grand spécialiste des identités multiples » indique Wiart, “Dans la ville blanche” contient des allusions directes à l’animal qui nous préoccupe. Trouve-t-on des axolotls chez les jazzmen ? Si l’on tient compte des nombreuses transformations de sa musique, Miles Davis faisait partie de la famille bien que les photos faites par Irving Penn pour la pochette de “Tutu” montrent davantage un vieux crocodile que notre cher batracien. Les utilisateurs d’instruments à vent seront heureux d’apprendre qu’il existe un sirop d’axolotl réputé soigner les affections pulmonaires. Jean-Louis Wiart serait aussi apothicaire. Je vous conseille vivement de lire ses pages, de suivre ses conseils. On n'est jamais assez prudent !

La Revue Littéraire n°52, février-mars 2012, Éditions Léo Scheer. 

André Breton et Trotsky à la pêche aux axolotls (1938) © Fritz Bach

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 10:27

Chick-Corea.jpg

Trois enregistrements de Chick Corea ont été publiés récemment. Œuvre ambitieuse et en partie écrite, “The Continents” rassemble un quintette de jazz et un orchestre de chambre. Enregistré live au Blue Note de New York en 2010, “Further Explorations” fait entendre le pianiste avec le bassiste Eddie Gomez et le batteur Paul Motian. Enfin “Hot House” marque le 40ème anniversaire de son association avec le vibraphoniste Gary Burton.

 

Si certaines compositions de Chick Corea sont aujourd’hui célèbres, ses arrangements sont loin de toujours faire l’unanimité. Le pianiste a écrit des œuvres très variées, se laissant parfois aller à la facilité pour plaire à un large public. Ses orchestrations révèlent toutefois un musicien habile à associer les diverses sections d’un orchestre, à donner à sa musique des couleurs chatoyantes. Enregistrés dans les années 70 et malgré des arrangements soignés, “The Mad Hatter”  et “My Spanish Heart – son disque le plus personnel – , furent mal accueillis par la critique. Plus près de nous, “The Ultimate Adventure” qui combine habilement espagnolades et flamenco passa inaperçu. Certes, Corea s’égare parfois. Son “Concerto pour piano et orchestre“ en trois mouvements relève de la musique classique européenne, tout comme son “Septet” gravé pour ECM en 1984.

 

Chick Corea Le pianiste en a tiré les leçons. Dans “The Continents” que publie le label Deutsche Grammophon, il a la bonne idée de faire jouer un quintette de jazz avec l’orchestre de taille moyenne auquel il confie sa musique. Ce dernier est parfois trop présent dans ce concerto en six mouvements d’une durée supérieure à soixante-dix minutes. Les velléités du compositeur classique se manifestent surtout dans Africa, pièce clinquante qui introduit brièvement les musiciens du quintette, Antartican’évitant pas certaines lourdeurs orchestrales. Mieux équilibré, Australia met en valeur la section rythmique – Hans Glawischnig (contrebasse), Marcus Gilmore (batterie) – , et Asia, une belle page d’écriture pour cordes, contient des chorus stimulants. Tim Garland (saxophone soprano, clarinette basse, flûte) et Steve Davis (trombone) improvisent à tour de rôle dans Europe et America, le continent américain inspirant au pianiste une musique latine aux rythmes chaloupés, aux arrangements légers et élégants. Se réservant de nombreuses parties de piano, Corea dialogue avec l’orchestre dans Australia, et avec une étonnante clarinette basse dans Antartica. Les quatre premières plages du second disque ont été jouées spontanément en studio. Lotus Blossom, Blue Bossa et Just Friends fournissent un matériel thématique conséquent. Des improvisations en solo les complètent. Chick fait alors ses gammes, virevolte de note en note tel un papillon qui ne sait trop où se poser. Ces pièces abstraites, sans réelles directions mélodiques, lassent un peu.

 

Chick-Corea-Trio--Further-Explorations-.jpgOn leur préférera sans hésiter “Further Explorations” avec Eddie Gomez et Paul Motian. Un choix qui n’est pas dû au hasard. Gomez fut pendant onze ans (1966-1977) le contrebassiste de Bill Evans et Motian le batteur du prestigieux trio qu’Evans constitua avec le bassiste Scott LaFaro. Dans cet enregistrement live consacré aux compositions du pianiste mais aussi à son répertoire, Chick Corea joue son meilleur piano et nous livre l’un de ses albums les plus réjouissants. Il en a déjà consacré des albums à des pianistes qui l’ont influencé – Thelonious Monk dans “Trio Music”, Bud Powell dans “Remembering Bud Powell” – , mais Evans a notablement marqué son jeu pianistique et reste le modèle incontournable. Enregistré en 1968, “Now He Sings, Now He Sobs”, son premier disque, témoigne de son écoute. Proche d’Evans par ses choix harmoniques, son tempérament romantique, il l’est aussi de Powell, par son piano vif et percussif, les accords qu’il frappe avec une précision toute rythmique. Difficile ici de mettre en avant un morceau plus qu’un autre, les meilleurs moments de deux semaines de concerts nous étant proposés. En grande forme, Corea joue des harmonies recherchées, introduit They Say That Falling in Love is Wonderful par un délicat rubato. Gloria’s Step fascine par son approche non linéaire. Les notes mélancoliques de Laurie, morceau composé par Evans quelques mois avant sa mort, ruissellent de tendresse. Lorsqu’il n’improvise pas ses propres lignes mélodiques derrière le piano, Eddie Gomez dialogue avec Chick, commente, répond à ses questions. La prise de son écrase un peu les rondeurs de l’instrument dans Peri’s Scope, mais le bassiste virtuose fait chanter ses harmoniques, notamment dans Alice in Wonderland, Diane, Hot House, prend quelques mirifiques chorus (Very Early), et utilise l’archet dans Turn Out the Stars, But Beautiful et Mode VI, une pièce lente, onirique de Paul Motian. Le batteur colore, assure des tempos souples à métrique variable, le groupe vagabondant souvent dans des chemins de traverse. Corea apporte plusieurs compositions dont Bill Evans, une pièce aux harmonies évanescentes, son hommage personnel au pianiste.

 

C.-Corea_G.-Burton--Hot-House-.jpgL’amitié qui unit Chick Corea à Gary Burton remonte au début des années 70 lorsque Manfred Eicher, le directeur d’ECM suggéra à Corea l’idée d’un duo avec Burton. Chick avait remplacé Gary dans le quartette de Stan Getz et appréciait son travail polyphonique novateur au vibraphone. Enregistré à Oslo, “Crystal Silence”, le plus fameux de leurs disques, date de 1972. Depuis, nos duettistes se sont souvent retrouvés pour des concerts et des enregistrements. Ils se connaissent si bien qu’ils parviennent à anticiper les accords qu’ils vont jouer, leur musique atteignant ainsi une fluidité remarquable. Si leurs six albums précédents contiennent surtout des compositions du pianiste, “Hot House” ne renferme presque exclusivement que des standards, pain béni pour les deux hommes qui aiment coller leurs propres harmonies sur les thèmes qu’ils affectionnent. On trouvera donc affranchis de toute pesanteur et revêtus d’habits cristallins Light Blue de Thelonious Monk, Chega de Saudade et Once I Loved d’Antonio Carlos Jobim, Strange Meadow Lark de Dave Brubeck, nos complices faisant preuve d’éclectisme en ajoutant Eleanor Rigby à leur répertoire. Il s’offrent même les cordes du Harlem String Quartet dans Mozart Goes Dancing, composition de Corea qui nous donne un avant-goût de la musique que les deux hommes comptent jouer en concert en 2013.

 

-Chick COREA : “The Continents, concerto for jazz quintet & chamber orchestra” (Deutsche Grammophon / Universal)

-Chick COREA, Eddie GOMEZ, Paul MOTIAN : “Further Explorations” (Concord / Aurélia Distribution)

-Chick COREA & Gary BURTON : “Hot House” (Concord / Universal)

 

Chick Corea et Gary Burton se produiront en duo à Pleyel le 17 avril.

 

Photo Chick Corea © Pierre de Chocqueuse.

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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 10:22

 Joyeuses fêtes de Pâques à tous  et  à  toutes

Pâques 2012                                                                  Happy Easter

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4 avril 2012 3 04 /04 /avril /2012 08:39

On Stage, Red« Papy, John Coltrane a joué avec Tresorious Monk ou avec Miles Davis 

- Avec les deux Jacquot. Ce n’est pas Tresorious mais Thelonious. Consulte ton Dictionnaire du Jazz.

- Papy, les sourdines wah-wah qu’utilisaient les cuivres de l’orchestre de Duke Ellington dans ses années jungle étaient-elles électrifiées ?

NDDJ, cover- Bien sûr que non Jacquot.

- Papy, pourquoi les titres provisoires des morceaux d'Ellington portent-ils quatre lettres ?

- Demande à Claude Carrière. Lui seul pourrait te répondre. »

Monsieur Michu a rencontré Claude lors d’une conférence que ce dernier donnait au Collège des Bernardins. Une aubaine, car depuis qu’il a laissé tomber sa panoplie gothique, son petit-fils le harcèle de questions sur le jazz. Claude sait tout ou presque sur Ellington, mais pour ne pas constamment le déranger, Monsieur Michu a offert à Jacquot “Le Nouveau Dictionnaire du Jazz” paru peu avant les fêtes chez Robert Laffont dans sa collection Bouquins. Créé en 1988 par Philippe Carles, André Clergeat et Jean-Louis Comolli aidés par de nombreux collaborateurs, remis à jour et augmentée de 400 entrées par rapport à la seconde édition de l’ouvrage en 1994, cette nouvelle mouture rassemble 3300 articles très utiles à tous ceux qui veulent connaître le jazz et son histoire. Mécontent de ne pas y avoir trouvé de données biographiques sur le S.F. Jazz Collective et les Clayton Brothers, Jean-Paul râle comme d’habitude. Il est pourtant le premier à s’en servir. Anticipant les inévitables critiques des pisse-froid, Philippe Carles a eu la bonne idée d’y placer en exergue cette phrase de George Bernard Shaw : « Un dictionnaire est comme une montre : indispensable, mais jamais à l’heure ! » Il manque des musiciens dans ce “Nouveau Dictionnaire du Jazz”, mais ses 1472 pages renferment des informations précieuses que l’on est bien content de trouver. Monsieur Michu l’a donc offert à Duke Ellington Orchestra, SWR coverJacquot qui a tout à apprendre sur cette musique. Remarquant l’étrange regard de Miles Davis sur la couverture, une photo inquiétante de Giuseppe Pino, Jacquot s’est empressé de parcourir la notice qui concerne le trompettiste. La musique électrique des derniers disques qu’il enregistra ne plaît guère à Monsieur Michu. Il préfère voir son petit-fils écouter “Kind of Blue” qu’il promet de lui acheter. En attendant, ils savourent ensemble un enregistrement inédit* du Duke Ellington Orchestra sur le label SWR que distribue Intégral. Enregistré live à Stuttgart le 6 mars 1967, ce disque au son fantastique contient 13 compositions mirifiques pleines de swing et de couleurs. Ayant retrouvé les siennes, Monsieur Michu compte bien se rendre le 27 avril à l’UNESCO qui organise la première journée internationale du Jacquot.jpgjazz. Malgré les bandages épais qui lui recouvrent le visage (il s’est fait retirer clous, épingles et chaînettes qui le trouaient de part en part et a bien du mal à cicatriser), Jacquot (photo ci-contre) souhaite l’accompagner. Son grand-père espère que Tigran Hamasyan, prévu au programme, portera une autre tenue que celle qu’il arbore sur la pochette de son dernier disque. Ses habits noirs seraient un mauvais exemple pour son petit-fils qui porte encore des lunettes très gothiques. C’est le printemps, bonjour, bonjour les hirondelles. Le ver de terre frétille comme un jeune marié le soir de ses noces. Dans son “Almanach des quatre saisons”, Alexandre Vialatte nous apprend que le mois d'avril est le mois préféré de l'escargot coureur et que l'homme est magnifique à voir. Il a toutefois bien du mal à ne pas se pencher sur le précipice d’où il s’est tiré.

 

*Si la musique et la prise de son tiennent du miracle, les titres des morceaux ne sont pas toujours les bons. Duke Ellington leur donnait souvent des titres provisoires. Eggo est ainsi la 2ème partie d'une suite intitulée “The Little Purple Flower. On la trouve en entier dans le “Yale Concert” édité l'année suivante chez Fantasy. Derrière Kixx se dissimule The Biggest and Busiest Intersection, un extrait du “Second Sacred Concert . Derrière Knob Hill se cache Mount Harissa et Freakish Lights n'est autre que Blood Count, la toute dernière composition de Billy Strayhorn. Enfin, attribué à Duke EllingtonTutti for Cootie est de Jimmy Hamilton. Ces précisions m'ont été donné par Claude Carrière. Qu'il soit ici remercié.

Stéphane Belmondo

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

 

-Stéphane Belmondo invite ses amis au Duc des Lombards les 5, 6 et 7 avril. Le trompettiste fréquente beaucoup les clubs, improvise, aime les rencontres, les « battle royal » inattendues. Sur la scène du Duc, il convie Kirk Lightsey pour un duo piano - trompette (ou bugle) le 5. Jacky Terrasson sera son pianiste les deux autres soirs. Marcel Azzola (accordéon) et Thomas Bramerie (contrebasse) le 6, Sylvain Romano (contrebasse) et Laurent Robin (batterie) le 7 arbitreront leurs échanges.

Robert Glasper au Trianon

 

-Avec “Black Radio”, son dernier disque, l’excellent pianiste Robert Glasper touche un public beaucoup plus large que celui du jazz. Séduisant et sophistiqué, l‘album réunit de nombreuses stars du hip hop et de la soul. Bilal, Erykah Badu, Meshell Ndegeocello répondent aux envolées de ses claviers. Le Trianon (80 bd Rochechouard 75018 Paris) l’accueille le 6. Avec lui, Casey Benjamin au saxophone alto et au vocoder, Derrick Hodge à la contrebasse, Mark Columberg à la batterie et le chanteur Bilal, déjà à ses côtés dans “Mood”, un disque de 2003, son premier.

 

stacey-kent-2010-cnicole-nodland.jpg-Par la justesse de sa voix et de son phrasé, mais aussi par le choix de son répertoire, Stacey Kent touche aussi un large public. Elle sera à l’Olympia le 6 avec son groupe dont fait partie son mari, le saxophoniste britannique Jim Tomlinson. Certains la trouvent trop apprêtée, mais ses reprises de standards, les compositions que Tomlinson co-signe parfois avec l’écrivain Kazuo Ishiguro (“Les vestiges du jour”) traduisent un goût très sûr de cette américaine qui parle parfaitement le français, chante sans accent Ces petits riens, Jardin d’hiver, La saison des pluies. Difficile de résister au charme de la chanteuse, à cette voix suave et douce qui articule chaque mot avec gourmandise.

Harold-Lopez-Nussa.jpg

-Le Festival Banlieues Bleues se poursuit jusqu’au 13 avril avec son cortège de musiques déjantées et de bonnes surprises. Inviter le trio du pianiste Harold Lopez-Nussa (Felipe Cabrera à la contrebasse et Ruy Adrian Lopez-Nussa à la batterie) en est une. Le 11, le jeune et prometteur pianiste cubain convie la chanteuse malienne Mamani Keita à rejoindre son groupe sur la scène du Centre Culturel Jean Houdremont à La Courneuve. Au A. Akinmusire © Ph. Etheldrèdemême programme, le quintette du trompettiste Ambrose Akinmusire ravira les amateurs de jazz moderne. Publié l’an dernier, son disque “When The Heart Emerges Glistening” (Blue Note) a obtenu le Grand Prix de l’Académie du Jazz. Ce n’est pas rien. On n’hésitera donc pas à aller écouter un musicien qui met de l’amour dans ses notes, n’exhibe jamais gratuitement sa technique et fascine par ses tutti, ses phrases mélodiques délicatement ciselées. Avec lui les musiciens de son album, Walter Smith III au ténor, Harish Raghavan à la contrebasse, Justin Brown à la batterie, Sam Harris remplaçant Gerald Clayton au piano.

 

Jean-Luc-Ponty.jpg-Jean-Luc Ponty au Châtelet le 11 (20h00) pour fêter les 50 ans d’une carrière qui l’a longtemps tenu éloigné de la France. Installé en Californie à partir de 1973, il crée pour Atlantic des œuvres inégales dans lesquelles le violoniste se montre souvent plus inspiré que le compositeur. Frank Zappa ne s’y trompe pas lorsqu’il l’engage en 1969 dans son orchestre. Son instrument contribue à la grandeur des albums “Hot Rats”  “Apostrophe” et “Overnite Sensation”. L’amateur de jazz préfère toutefois ses premiers disques, les faces historiques qu’il enregistra avec Eddy Louiss et Daniel Humair. Il les retrouvera au Châtelet, Biréli Lagrène et Stanley Clarke les rejoignant pour un concert qui verra aussi le violoniste interpréter ses compositions avec l’Orchestre Pasdeloup.

 

Aaron Parks-Aaron Parks en trio au Duc des Lombards le 12 et le 13. Elève de Kenny Barron, il a longtemps jouée avec Terence Blanchard dont il fut le pianiste. Les voicings, les choix harmoniques des pièces brèves de l’unique album qu’il a enregistré pour Blue Note en 2008, “Invisible Cinema”, séduisent par leur lyrisme. Parks a depuis rejoint James Farm, groupe du saxophoniste Joshua Redman qui a publié l’an dernier un album très remarqué. Au Duc, le pianiste sera accompagné par Klaus Nørgaard à la contrebasse et Craig Weinrib à la batterie.

 

M.-El-Malem.jpg-Michel El Malem Group à la Maison de la Radio (Studio Charles Trenet) le 14 à 17h30. Publié en novembre dernier et primé par l’Académie du Jazz qui lui a décerné le Prix du Disque Français 2011, “Reflets” traduit les choix esthétiques du saxophoniste qui sait rendre fluides et transparentes ses lignes mélodiques. À la virtuosité, Michel préfère le lyrisme, les notes chantantes et aérées. L’album bénéficie de la présence du piano magique de Marc Copland, mais Michel possède un véritable groupe pour jouer sa musique. Michael Felberbaum (guitare), Marc Buronfosse (contrebasse), Luc Isenmann (batterie) développent un jeu collectif très créatif. Bruno Angelini (piano) remplace Marc Copland pour ce concert, une des rares apparitions d’une formation que l’on souhaiterait écouter plus souvent.

 

ECM-copie-1.jpg-Fly, un trio sans piano, mais aussi sans véritable leader. Chaque membre du groupe apporte ses propres idées musicales et les mêle à celles des autres, le répertoire tenant compte de l’instrumentation (saxophone ténor, contrebasse, batterie) et de la personnalité de chacun. Les compositions collectives qui en résultent accordent autant de place à l’improvisation qu’à l’écriture. Chaque instrument questionne et répond aux propos des deux autres, l’espace sonore se voyant occupé à parité égale. La contrebasse de Larry Grenadier complète le discours mélodique que tient Mark Turner au saxophone ténor, lui apporte un ample contrepoint rythmique. La batterie de Jeff Ballard souligne, colore, étire le temps et le structure. Fly sort son second album. “Year of the Snake” (ECM) a été enregistré à New York en janvier 2011. On en découvrira les morceaux au Sunside les 15 et 16 avril.

 

Corea.jpg-Chick Corea en duo avec Gary Burton Salle Pleyel le 17. Sous l’égide de Manfred Eicher, patron aux grandes oreilles du label ECM, leur dialogue débuta au début des années 70 avec le disque “Crystal Silence” dont le titre éponyme fit le tour du monde. S’affranchissant de la pesanteur, les deux complices imposaient leurs harmonies élégantes, leurs notes virtuoses et transparentes. Après un mémorable concert donné à Zürich  publié en  album, les deux hommes se consacrèrent à nouveau à leurs groupes respectifs, tout en se retrouvant périodiquement pour de nouvelles aventures. En 1998, le vibraphoniste invita Corea à participer à “Like Minds”, opus réunissant Pat Metheny, Dave Holland et Roy Haynes. Pour fêter le 40ème anniversaire de leur association, nos duettistes publient aujourd’hui “Hot House” consacré à la relecture de standards - de Jobim, Monk, Brubeck, le morceau Hot House étant une célèbre composition de Tadd Dameron.

 

Vijay-Iyer.jpg-Vijay Iyer avec Stephan Crump (contrebasse) et Marcus Gilmore (batterie) au Duc des Lombards le 21. “Accelerando”, leur nouvel album, prolonge leurs recherches qui visent à ouvrir davantage les portes du jazz. Les standards, les morceaux de Duke Ellington, Herbie Nichols et même les reprises soul qu’il contient (Human Nature de Michael Jackson) nous sont familiers. Pourtant écouter cette musique c’est comme si se trouvant dans une pièce, un torrent furieux de notes, de clusters, une houle brûlante de rythmes poussaient les murs, faisant apparaître des paysages sonores inconnus embués de rêve. Bien que jouant un piano souvent percussif et abstrait, le pianiste peut aussi se montrer profondément lyrique. Influencée par Thelonious Monk, Cecil Taylor et Andrew Hill, sa musique l’est aussi aussi par Duke Ellington et se situe dans la tradition du jazz.

 

Bobby-McFerrin-b-c-Carol-Friedman.jpg-Abordant toutes sortes de musiques, Bobby McFerrin fait ce qu’il veut avec sa voix. Sa large tessiture lui permet toutes sortes d’acrobaties vocales, de rivaliser et d’imiter de nombreux instruments. Il est aussi l’un des rares chanteurs à pouvoir se produire en concert a cappella. McFerrin est surtout un musicien complet. Les instruments dont il sculpte et souffle les sons, il a appris à en jouer. Il sait diriger un orchestre et a écrit des arrangements pour big band. « Confiez-lui la direction d’un orchestre symphonique, et vous aurez un orchestre au chômage » peut-on lire très justement dans le communiqué de presse. Les 23 et 24 avril prochains, au théâtre du Châtelet, il se contente d’inviter Marie-Claude Pietragalla, Paco Séry et Thomas Dunford luth, théorbe (le 23), Tigran Hamasyan, Michel Godard et Jonathan Dunford viole de gambe, basse de viole (le 24).

Ernie Watts ©Ph. Etheldrède

 

-S’il n’a jamais réussi à imposer ses propres albums, Ernie Watts reste l’un des meilleurs saxophonistes en activité de la Côte Ouest et possède un son facilement reconnaissable au ténor. Charlie Haden en est conscient lorsqu’il l’engage en 1986 dans son Quartet West. Musicien de studio très demandé, il a participé comme sideman à un nombre considérable d’enregistrements, de jazz et de musiques de films - celle des “Chariots de Feu” lui fait obtenir un Grammy Award en 1982. Le Duc des Lombards l’accueille le 23 et le 24 avec Bernard Vidal (guitare), Peter Giron (contrebasse) et Tony Match (batterie).

 

Ania-Freindorf.jpg-Comme précédemment annoncé dans ce blog, sous l’égide de l’Unesco et le patronage de son Ambassadeur de Bonne Volonté Herbie Hancock, le 27 avril devient la première journée internationale du jazz. New York et La Nouvelle-Orléans la fêteront le 30, mais c’est bien sûr la programmation parisienne qui nous intéresse. Outre une nuit blanche prévue rue des Lombards, l’Unesco (7, place de Fontenoy 75007 Paris) accueillera à partir de 10h30 de nombreuses manifestations jazzistiques. Concerts (Tigran Hamasyan, Riccardo Del Fra et le Sextette du Conservatoire de Paris, Paul Lay, Giovanni Mirabassi, Dominique Fillon), master classes (avec Herbie Hancock, Dee Dee Bridgewater, Barbara Hendricks, Marcus Miller, Biréli Lagrène et Fabien Ruiz, chorégraphe du film “The Artist”), table ronde autour du jazz et du cinéma organisée par l’Académie du Jazz avec la participation de Bertrand Tavernier et expositions de photos seront les points forts de cette manifestation. S’inscrire est obligatoire pour y assister. Renseignements et programmes sur le site de l’UNESCO : www.unesco.org/new/en/culture/jazz-day

 David-Sanchez

-S’il revendique ses origines latines, David Sanchez est d’abord un jazzman, un enfant de Sonny Rollins et de John Coltrane, et sa musique, d’une frénésie capiteuse, n’oublie jamais d’être lyrique. Attendu au New Morning le 27, le fougueux saxophoniste s’y rendra avec Gerald Clayton, pianiste complet qui connaît parfaitement le vocabulaire du jazz et aime faire danser les tempos. Matt Brewer à la contrebasse et Henry Cole à la batterie complèteront une formation annonçant les chaleurs de l’été.   

 

TONY-TIXIER-c-Sharly.jpg- “Dream Pursuit”, le nouveau disque de Tony Tixier (Space Time) révèle un pianiste original qui maîtrise parfaitement son instrument. Né à Montreuil en 1986, Tixier ne cherche pas à jouer un piano inutilement virtuose. Il préfère inventer, proposer des harmonies inhabituelles et des notes souvent brûlantes à une section rythmique habitée par le groove. Burniss Earl Travis II à la contrebasse et pour ces concerts Kendrick Scott à la batterie ne dédaignent pas les métriques du hip hop, les tempos de la soul. Avec le saxophoniste Logan Richardson (alto et soprano) pour compléter la formation, sa musique est puissante, forte et prometteuse. On s’en rendra compte au Sunside que le quartette investit les 27 et 28.    

ACT-Jubile.jpg      

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Le Trianon : www.letrianon.fr

-Olympia : www.olympiahall.com

-Festival Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org

-Théâtre du Châtelet : www.chatelet-theatre.com

-Maison de Radio France : www.radiofrance.fr

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Salle Pleyel : www.sallepleyel.fr

-New Morning : www.newmorning.com

 

Crédits Photos : Stacey Kent © Nicole Nodland/EMI - Ambrose Akinmusire, Ernie Watts © Philippe Etheldrède - Aaron Parks © Blue Note Records - Fly © John Rogers/ECM - Gary Burton & Chick Corea © Concord Jazz/Universal - Bobby McFerrin © Carol Friedman - Herbie Hancock © UNESCO/Ania Freindorf - Tony Texier © Sharly/Space Time Records - On Stage (Red), Stéphane Belmondo, Harold Lopez-Nussa, Jean-Luc Ponty, Michel El Malem, Vijay Iyer  © Pierre de Chocqueuse - Robert Glasper, David Sanchez © X/D.R.

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 09:00

S.-Koechlin-Le-vent--cover-copie-1.jpg« Mon père est le fondateur de Rock & Folk, un mensuel légendaire qui eut son heure de gloire pendant les années 70. » Philippe n’est toutefois pas le seul Koechlin qui fera vivre sa famille de la musique. Compositeur « à la barbe fluviale », Charles Koechlin (1867-1950) occupa bien avant lui les colonnes de journaux, publiant ses articles dans la Revue Musicale et dans l’Humanité. Il laissa une œuvre aussi diverse qu’admirable, riche de 226 numéros d’opus. Son traité d’orchestration reste aujourd’hui encore un ouvrage de référence. Le narrateur ne sait rien des goûts musicaux de Maurice Koechlin, le chef du bureau d’études de Gustave Eiffel. Dans l’ombre de l’architecte, il eut l’idée de la tour et en fit les calculs. Vous l’avez compris, “Le vent pleure Marie” (le titre est emprunté à une célèbre chanson de Jimi Hendrix) est une saga familiale qui se déroule sur plus de cent ans, l’histoire de la propre famille de Stéphane Koechlin, journaliste et auteur de plusieurs biographies de musiciens. Son arrière grand-mère Geneviève était une excellente pianiste. Son grand-père Rodolphe Koechlin épousa Jeanne, une élève de Marguerite Long. Il ne sera ni musicien, ni journaliste. Une balle de mitrailleuse allemande dans la tête l’empêchera à jamais d’entendre correctement. Il vendra des automobiles et aura trois garçons.

 

L’aîné Philippe Koechlin naquit en 1938. Il en est beaucoup question dans ce livre, un faux roman, Stéphane Koechlin ayant modifié certains noms ou prénoms dont celui de sa mère pour se sentir plus libre avec ses personnages. On suit la vie de ses parents, leur rencontre au collège Jean-Jacques Rousseau. Avec quelques amis dont Jean-Louis Dumas futur PDG de la prestigieuse maison Hermès, Philippe avait monté un orchestre de jazz et jouait du trombone. Sa passion pour le jazz le conduisit 14 rue Chaptal, siège de la revue Jazz Hot financée par Charles Delaunay son fondateur qui en présidait la destinée. Philippe commença par classer des photos. Le service militaire interrompit son travail de secrétaire de rédaction. Affecté aux transmissions, il fut envoyé à Berlin. Lors d’une permission, il découvrit Twen, une revue allemande qui décidera de l’esthétisme du futur Rock & Folk dont la genèse est racontée en détail par Stéphane. Devenu Philippe Koechlin © Jean-Pierre Leloirrédacteur en chef de Jazz Hot, Philippe Koechlin s’intéressa à d’autres musiques. Le rock, le folk, la soul le passionnaient bien davantage que le free jazz. Malgré l’insuccès d’un numéro consacré à James Brown, Philippe tenta un numéro spécial en 1966 avec Bob Dylan en couverture. Rock & Folk était né. Il accompagnera plusieurs générations de jeunes mélomanes. Les dix premières années furent fertiles. La musique pop connaissait son âge d’or et Rock & Folk en tint la chronique. Philippe en peaufinait la mise en page et une équipe de jeunes journalistes avait rejoint Philippe Adler et Kurt Mohr, pionniers aux grandes oreilles qui firent bénéficier à la jeune revue leurs goûts éclectiques. Leurs noms nous sont familiers de même que ceux de la nouvelle génération de journalistes qui poussèrent la porte de la rue Chaptal : Philippe Garnier, Yves Adrien, François Ducray, Philippe Manœuvre. Mais pourquoi Burning Daylight et Dorian ne portent-ils pas leurs noms véritables ? Pourquoi Robert Baudelet et Jean-Pierre Leloir apparaissent-ils sous leurs vrais noms alors que le fidèle Jean, qui jusqu’à sa mort inattendue ne manqua jamais les réunions de l’Académie du Jazz, se trouve t-il affublé du pseudonyme Senso ?

 

Préférant maquetter son magazine, Philippe Koechlin les laissera occuper l’espace médiatique. « Il tirait de ses tiroirs sa trousse à outils : scotch, règle en fer calibrée, feutres aux mines fines, des tire-lignes aux manches jaunes, toutes sortes d’objets menus et précieux que ma sœur et moi n’avions pas le droit de toucher. » Le matin, il travaillait chez lui, en pyjama, sous le regard de Stéphane avec lequel il peinait à communiquer. Philippe transmit à son fils l’amour de la musique et une passion pour Rock & Folk, un « grand frère » qu’il lisait assidûment. Les années 1977 et 1978 sonnèrent la fin de l’aventure. Avec l’apparition du mouvement punk, le déclin de la revue devint inévitable. Philippe Koechlin n’aimait guère cette musique immature aux notes rachitiques. Trop en marge de ce nouveau courant, Rock & Folk perdait pied et lecteurs. Les années 80 furent la longue traversée d’un désert musical. Stéphane préférait écouter du blues, de la soul. Philippe revint au jazz, aux big band des années 30 qui célébraient le swing. Après la vente de Rock & Folk au début des années 90, il réalisa des films pour Canal Plus, des Charles Koechlinbiographies de Louis Armstrong, Billie Holiday, Sidney Bechet, et écrivit des "mémoires" dans lesquelles il est beaucoup question de jazz. Après sa disparition en décembre 1996, Stéphane accompagna sa mère à la Nouvelle-Orléans. Elle s’y était rendue avec Philippe peu de temps avant sa mort. Son beau-père Rodolphe en avait rapporté un disque d’Armstrong. Avant lui au début du siècle, Charles, le compositeur (photo) avait fait le voyage et conquis par sa lumière en avait ramené un récit de voyage. Marie est la figure centrale de la dernière partie de ce livre. Cette femme forte et digne qui dans l’ombre de son mari partagea ses passions hérite des pages les plus émouvantes. L’écriture en est fluide. Le récit passionnant fait remonter bien des souvenirs. 

 

Comme Stéphane Koechlin, Rock & Folk accompagna ma jeunesse. Je découvris le magazine en 1968. Cette année-là, peu avant les fêtes de Noël, je me rendis rue Chaptal acheter d’anciens numéros, découvrant le pavillon de Jazz Hot qui abritait la revue, sans savoir que j’occuperais plus tard un des bureaux du premier étage. Ma première rencontre avec Philippe Koechlin eut lieu en 1975. Attaché de presse de la firme Polydor, je pris l’habitude de lui porter des disques, des Verve, des Pablo. J’avais des Stan Getz, des Lionel Hampton, des Art Tatum, des Oscar Peterson plein les bras. Nous devînmes amis. Philippe me témoigna beaucoup d’affection. Il fut heureux d’apprendre que j’avais rejoint la nouvelle équipe de Jazz Hot. Nous déjeunions à l’Annexe. Rock & Folk s’était installé au numéro 9 et je passais souvent le voir en fin de journée. Grâce à Philippe Adler, un proche des Koechlin, nous nous rapprochâmes davantage. Je fis connaissance de la famille, de la Marie solaire de ce beau livre. Stéphane en raconte l’histoire, fait revivre avec une plume trempée de tendresse son enfance heureuse rue de Siam « emplie de lumière et de musique ».

 

 Stéphane Koechlin “Le vent pleure Marie, Fayard, 554 pages.

 

Crédits Photos: Philippe Koechlin © Jean-Pierre Leloir - Charles Koechlin © X/D.R. 

 

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 09:58

Viji-Iyer-Trio-c-Jimmy-Katz.jpgTrois disques en trio. Celui de Vijay Iyer accorde une place prépondérante au rythme. Aaron Golberg privilégie le blues et la tradition dans le sien. Sans piano, mais accompagné par la contrebasse de Michel Benita et la batterie de Sebastian Rochford, le saxophoniste britannique Andy Sheppard fait constamment chanter sa musique.

 

Vijay IYER trio “Accelerando” (ACT / Harmonia Mundi)

Vijay-Iyer-Trio--Accelerando-cover.jpgProlongeant “Historicity » enregistré en 2009 par le même trio, “Accelerando” offre à nouveau des relectures de standards, des reprises inventives de Duke Ellington, Herbie Nichols, mais aussi des tubes de la soul – The Star of a Story d’Heatwave, Mmmmhmm de Flying Lotus, alias Steve Ellison producteur de hip hop, Human Nature popularisé par Michael Jackson et gravé en solo par le pianiste en 2010. “Accelerando” n’est pas pour autant un album funky. Sa palette rythmique beaucoup plus large, intègre les rythmes du jazz, de l’Inde, de l’Afrique, le groove surgissant de métriques complexes. Au sein du trio, la notion de soliste s’estompe au profit de l’énergie collective des trois instruments qui, ensemble et spontanément, façonnent une matière sonore épaisse, une musique physique, une houle brûlante de rythmes réduite à un battement rudimentaire dans Mmmmhmm. Comme son nom l’indique, le morceau intitulé Accelerando bouge, accélère sous les ruades des tambours. Il reprend le mouvement final d’une suite écrite par Iyer pour la chorégraphe Karole Armitage, ce disque s’écoutant aussi avec le corps. Principal instrument mélodique, le piano de Vijay harmonise les thèmes, dialogue avec la contrebasse de Stephan Crump, la batterie de Marcus Gilmore, tous trois travaillant sans filet. Dans The Star of a Story le rythme semble constamment freiner la mélodie, le pianiste finissant par faire tourner un ostinato et se caler sur la batterie. Wildflower d’Herbie Nichols est joué à la Monk. Derrière le piano, la contrebasse commente, double le temps. C’est probablement dans Little Pocket Size Demons, une pièce d’Henry Threadgill destinée à une formation comprenant deux tubas, deux guitares et un cor que les musiciens vont le plus loin dans l’abstraction. Le morceau est vif, d’une verticalité turbulente. Stephan Crump y utilise beaucoup l’archet. Heurtés, saccadés, martelés, les rythmes naviguent, se soulèvent, s’abaissent sur les vagues de notes d’un piano inspiré.     

 

Aaron GOLDBERG, Omer AVITAL, Ali JACKSON : “Yes !” (Sunnyside / Naïve)

Aaron-Goldberg-Trio--Yes-cover-.jpgAaron Goldberg, Omer Avital et Ali Jackson se connaissent depuis si longtemps qu’ils n’ont pas eu besoin de se concerter avant d’enregistrer ce disque dont la musique semble avoir jailli spontanément. Une seule journée de studio pour réunir neuf morceaux miraculeux, la première prise étant souvent la bonne. Au programme, des compositions de Duke et Mercer Ellington, de Thelonious Monk. Proche du stride, l’ostinato rythmique qui l’introduit et le conclut le rendant méconnaissable, Epistrophy se dévoile grâce à son thème. Aaron y greffe une improvisation particulièrement brillante. Maraba Blue, la composition bleue d’Abdullah Ibrahim qui ouvre l’album, place le rythme au cœur de la musique. Un simple balancement, un souple et subtil déhanchement pour l’installer en douceur, poser dessus un thème, et le blues s’affirme avec le piano de Goldberg qui en chante les notes, les claquements de doigts de Jackson, le batteur, pour en marquer les temps. Car ici les trois musiciens s’expriment en toute simplicité, et accordent la priorité au feeling. Profondément ancrée dans le blues qui l’irrigue, leur musique sonne constamment authentique, comme façonnée par les leçons d’un passé qu’ils n’ont pas oublié. Mis à part, Manic Depressive un blues du saxophoniste Eli Degibri, un copain, les autres thèmes, lyriques, sont d’Avital et de Jackson. Batteur du Lincoln Center Jazz Orchestra ce dernier est aussi un fin mélodiste comme en témoigne El Soul, une ballade aux couleurs délicates. Dans Aziel Dance qu’il apporte également, un piano solaire déploie des harmonies rayonnantes sur un rythme de samba. D’une précision métronomique, la contrebasse boisée d’Avital sait aussi émouvoir. Homeland, sa composition en recèle les notes nostalgiques.

 

Andy SHEPPARD, Michel BENITA, Sebastian ROCHFORD : “Trio Libero”

(ECM / Universal)

A-Sheppard--Trio-Libero-cover.jpgUn trio sans piano, mais à sa tête un saxophoniste fait constamment chanter ses instruments (ténor et soprano), cisèle des notes exquises et profondes. Andy Sheppard, Michel Benita et Sebastian Rochford s’étaient plusieurs fois rencontrés sans toutefois jouer tous ensemble. Ils le firent en 2008 à Coutances. L’année suivante, en résidence à Aldeburgh dans le Suffolk, ils mirent au point à un répertoire original, improvisant des pièces entières, les retravaillant pour leur donner une forme, « improviser, transcrire, développer et puis les rejouer en improvisant de nouveau – d’où le nom de Trio Libero. » En juillet 2011, les trois hommes se retrouvent en studio à Lugano pour les enregistrer, les laissant ouvertes pour y déposer d’autres idées, se donnant la liberté de questionner, répondre, créer. À tout moment, ils font sonner leurs instruments, mettent leurs timbres en valeur. Même le cri devient musique, prolonge naturellement la note, la sanctifie. Le saxophone la laisse s’épanouir, en prolonge le son. On y perçoit le souffle qui la fait naître et l’organise. Contrebasse et batterie font de même, remplissent l’espace sonore sans jamais le charger et c’est miracle de les entendre dialoguer, harmoniser et colorier les mélodies qu’ils inventent. Les pièces sont brèves, souvent co-signées par le trio. La plus longue ne dépasse pas les six minutes, car nul besoin ici d’étaler sa virtuosité, de répandre des notes inutiles. Bien les choisir, les faire respirer, chanter importe davantage. On a du mal à croire que cette musique si lyrique est largement improvisée. Magnifique reprise instrumentale de I’m Always Chasing Rainbows, une chanson de 1917 inspirée par une Fantaisie-Impromptu de Chopin, popularisée à Broadway par les Dolly Sisters.

 

Photo Vijay Iyer Trio © Jimmy Katz / ACT

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20 mars 2012 2 20 /03 /mars /2012 09:06

Milanta--Rochelle--Rousselet.jpgLundi 12 mars

Le tout Paris du jazz s’était donné rendez-vous au Palace pour écouter le Duke Orchestra de Laurent Mignard qui fêtait la sortie de son second album,“Ellington French Touch”, un recueil de compositions ou d'arrangements de Duke Ellington et Billy Strayhorn associés à Laurent-Mignard.jpgl’hexagone, la présence de nombreuses pièces rares ou inédites évitant de faire tomber l’orchestre dans de la musique de répertoire. Invités par Claudette de San Isidoro, attachée de presse de la Maison du Duke, ou par Agnès Tomas qui assure la promotion du nouveau disque, de nombreux journalistes s’étaient déplacés. J’ai fréquenté le lieu à la fin des années 70, m’occupant de Millie Jackson qui y donnait un show, assistant au premier des trois concerts qu’Arthur Poivre parvint à donner à Paris. Longtemps fermée, l’ancienne boîte de nuit de Fabrice Emaer a aujourd’hui fait peau neuve, retrouvant les fauteuils et strapontins d’une vraie salle de concert.

 

The Duke OrchestraLes Michu occupaient de bonnes places face à la scène. Un de leurs petits-enfants les accompagnait. Adolescent boutonneux exhibant la panoplie noire du parfait gothique, Jacquot dit Black Jacques s’impatientait. Les Michu avaient eu du mal à le convaincre de venir. Fan d’ACDC, il ne croyait pas que le Duke Orchestra puisse tenir le rythme, bastonner comme ses idoles. Duke Ellington, il en avait entendu parler, ne connaissait rien de sa musique, et s’imaginait déjà la conspuant tout en mâchonnant les poils de sa barbe naissante. Nicolas-Montier---Didier-Desbois.jpgAussi nerveuses que leur propriétaire, ses pesantes chaussures cloutées martelaient le sol, ce qui ne manquait pas d’inquiéter Jean-Paul assis un peu plus loin. Dès le lever de rideau, une reprise maousse costaud de Take The A"Train", la salle se sentit soulevée par la puissance sonore de l’orchestre, son intense trépidation rythmique. Black Jacques n’osait pas encore se l’avouer, mais  Such Sweet Thunder, Rockin’ Rythm  ou Battle Royal swinguaient quand même bien davantage que le hard rock lourdingue auquel il avait été habitué – « la faute de ses parents indignes » m'ont confié les Michu qui en veulent toujours à leur fils d’avoir fait mai 68.

 

Couderc--Rousselet--Montier--Tropez-.jpgMonsieur Michu ne s’attarda pas à récriminer son petit-fils. Comme ceux des autres représentants de la gente masculine remplissant ce soir-là le Palace, ses yeux brillèrent de plaisir lorsque apparut sur scène la belle Nicolle Rochelle qui chante, danse, frétille comme une sirène dans la piscine d’eau chaude d’un milliardaire hollywoodien. Quelques paires d'yeux délaissèrent même leurs orbites pour admirer de plus près la plastique superbe de l’arrivante, les formes sculpturales qui s'offraient aux regards. Plus espiègle que jamais, mon voisin de gauche, Michel Contat, semblait avoir brusquement rajeuni. Très à l’aise, la chanteuse papillonnante survola brillamment Bli-Blip sous les applaudissements. Celle qui tenait Nicolle-Rochelle.jpgle rôle de Joséphine Baker dans “À la recherche de Joséphine”, un spectacle de Jérôme Savary, fit merveille dans Paris Blues et No Regrets. Grande et souple sauterelle, la danseuse tournoya avec un tap dancer (Philippe Roux) sous les tutti des trompettes, le souffle chaud des blacks trombones, le timbre mordoré des saxophones. Avec elle, le Duke commentait sa musique, répondait aux questions de Laurent Mignard qui, tout feu tout flammes face à un écran géant servant de machine à remonter le temps, dirigeait son orchestre. Par la magie des trucages, du fondu enchaîné numérique, le passé rencontrait le présent, Paul Newman et Sydney Poitier rejoignaient Fred Couderc et François Biensan dans une même Battle Royal.

 

N.-Rochelle-et-J.-Saury.jpgSi l’éclairage laissait à désirer, la qualité du programme musical enthousiasma les plus sceptiques – ne vit-on pas Black Jacques le sourire jusqu'aux oreilles ôter ses mitaines pour claquer dans ses mains ? Galvanisé par son chef dont on connaît les mignardises, le Duke Orchestra joua de larges extraits de son dernier disque, nous fit revivre l’enregistrement de Turcaret, exhuma Gigi un laissé pour compte de la Goutelas Suite, et Daily Double, musique qui devait servir de bande sonore à Fred Coudercun film sur les peintures d’Edgar Degas. Le saxophone alto de Didier Desbois remit sur rails The Old Circus Train. Le piano de Philippe Milanta fit reverdir la Fountainebleau Forest (Le Duke devait avoir très soif lorsqu’il composa ce morceau) et la clarinette d’Aurélie Tropez se glissa sous les plumes d’un rossignol pour chanter Bluebird of Dehli. Il m’apparaît fastidieux de citer les quinze musiciens de l’orchestre. Vous trouverez leurs noms en vous procurant le disque. Redevenu Jacquot, Black Jacques compte l’acheter ainsi qu’une veste blanche afin de ressembler au Duke. Il devra ôter la quincaillerie fort peu ellingtonienne qu’il arbore et qui le troue de part en part. Il lui faudrait une greffe. On voit d’ici l’étrange cépage.

 

Logo-Maison-du-DUKE.jpgDuke Ellington et son grand orchestre traversèrent le XXe siècle avec un répertoire original mêlant l’esprit du blues à une invention orchestrale raffinée. Fondée en septembre 2009, la Maison du Duke et son équipe (Claude Carrière, Philippe Baudoin, Isabelle Marquis, Christian Bonnet, Laurent Mignard) en font aujourd’hui rayonner l’héritage. Après un partenariat avec l’Entrepôt, c’est le magnifique Collège des Bernardins récemment restauré qui accueille les manifestations qu’organise l’association : cycle mensuel de conférences, concerts bimestriels, expositions itinérantes, gestion d’archives sonores ellingtoniennes inédites et traduction en cours de “Music is my Mistress”, l’autobiographie ducale. Les 28 et 29 septembre prochains, Provins (77) accueillera la première édition d’un Duke Festival.

Pour rejoindre la Maison du Duke, bénéficier des avantages qu’elle propose ou pour vous tenir informés de ses activités : www.maison-du-duke.com

 

Mignard-et-sa-mignardette.jpgPhotos © Pierre de Chocqueuse

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15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 10:18

Enrico-Pieranunzi.jpgVENDREDI 2 mars

Le nouveau trio d’Enrico Pieranunzi ne serait-il pas le meilleur de sa longue carrière ? C’est la question que l’on se pose après son premier concert parisien à Roland Garros. Le maestro a toujours su choisir ses musiciens. Avec Marc Scott--Colley.jpgJohnson et Joey Baron, il a longtemps bénéficié de l’une des meilleures paires rythmiques de la planète jazz. En privilégiant le jeu collectif, Scott Colley et Antonio Sanchez parviennent cependant à renouveler sa musique et à la rendre plus excitante que jamais. Contrebasse et batterie interviennent directement dans le processus créatif, structurent les thèmes qu’apporte Enrico, et lui donnent une tension appréciable. Colley est un rythmicien capable de répondre aux sollicitations mélodiques d’un pianiste virtuose qui aime surprendre et questionner. Sanchez n’est pas en reste. Batteur, mais aussi percussionniste, il colore la ligne mélodique et possède une frappe lourde qui remplit l’espace sonore. Il en résulte une musique très dense. Le piano taquine une basse vrombissante qui joue beaucoup de notes ; le batteur mitraille, percute tambours et cymbales. Le groupe s’impose dans l’action. Les tempos rapides favorisent les échanges. Un ostinato, la mise en E.-Pieranunzi---S.-Colley.jpgboucle d’une phrase mélodique en guise de thème suffisent aux musiciens pour installer l’espace de jeu, improviser. Stangest Consequences et Permutation qui donne son nom au disque du trio sont ainsi des pièces ouvertes à tous les possibles. Enrico adopte un jeu inhabituellement agressif dans la première, abstrait dans la seconde. Véloce, le pianiste y place des cascades de notes inattendues, les attaque avec gourmandise. Des ballades viennent adoucir une prestation intense. La mélodie de Distance from Departure inspire le poète qui fait chanter ses notes, les détache, les sert par la finesse de son toucher. Colley et Sanchez s’y montrent discrets, comme si Enrico souhaitait réserver ces Antonio-Sanchez.jpgpages lyriques à son instrument. Pas une seule note de Whithin the House of Night, une pièce lente et majestueuse également incluse dans “Permutation”, n'est improvisée. La contrebasse réexpose le thème, cymbales et toms délicatement martelés ajoutent de discrètes couleurs à un morceau composé pour le piano. Mais c’est aussi en conviant les musiciens de son nouveau trio à partager Horizontes Finales, qu’Enrico éblouit et ouvre les portes du rêve. Colley en double la ligne mélodique tout en offrant un subtil balancement à un morceau qui respire une joie de vivre, une félicité toute printanière. Puisse-t-il nous porter bonheur.

 

SAMEDI 3 mars

Susi-Hyldgaard.jpgSusi Hyldgaard au Sunside. La chanteuse danoise ne s’était pas produite dans un club parisien depuis des concerts donnés au Duc des Lombards en octobre 2010. Elle vient de fait paraître un nouvel album qui bénéficie d’une chronique enthousiaste du blogueur de Choc, et en interprète de nombreux extraits. Avec elle, une équipe réduite la suit depuis longtemps. Jannick Jensen fournit un énorme travail à la basse électrique. Il ressemble en plus jeune au commissaire Maigret, un ami de François Lacharme que les membres de l’Académie du Jazz connaissent bien. A la batterie, Jannick Jensenla fidèle et souriante Benita Haastrup qui double la voix de Susi, assure les contre-chants. Elle utilise surtout des balais, des sticks, rythme avec grâce, sans lourdeur aucune, et siffle aussi très bien. Ils ne sont donc que trois, mais parviennent pourtant à remplir l’espace sonore, à le rendre féerique. Susi dispose bien sûr du piano du Sunside, en tire des belles couleurs, des harmonies délicates. Elle n’a pas apporté son accordéon, mais un piano électrique et un ordinateur dans lequel sont stockés des samples de voix, des séquences sonores qu’elle superpose à la musique qu’elle et ses musiciens jouent sur scène. Elle possède surtout un tel feeling que son univers musical, souvent réduit à peu de choses, enveloppe et Benita Haastrupentête. “Dansk”, son nouveau disque, est une réflexion sur l’identité, la communication. Le Danemark est un petit pays entouré de grands. Susi se rapproche de leurs habitants en chantant en français, en allemand, en anglais et bien sûr en danois, mélangeant ces langues comme elle entremêle toutes sortes de musiques. Moins célèbre que Björk et Joni Mitchell, elle leur ressemble par la profondeur de ses textes, l’originalité du monde sonore qu’elle parvient à créer. Inclassable, Il n’y a pas si longtemps sonnant un peu plus jazz que les autres morceaux qu’il contient,“Dansk” reste plus proche de “Blush” que de son disque B. Haastrup & S. Hyldgaardprécédent,“It’s Love We Need”, un disque de jazz joyeusement funky arrangé par Roy Nathanson et Bill Ware et enregistré avec le NDR Big Band. Le second set fut consacré à des compositions de ses autres disques. Elle reprit Blush, chanta un Welcome to India aux sonorités orientales et un standard inattendu My One and Lonely Love, révélant ainsi l’étendue de sa culture.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 10:00

Dress Code Far away, coverLe groupe s’appelle  Dress Code. Il rassemble de jeunes musiciens prometteurs et “Far Away” leur premier disque est une des bonnes surprises de ce trimestre. Ses compositions originales aux arrangements soignés reflètent diverses sources d’inspirations, Dress Code ancrant sa musique dans la tradition du jazz. On pense surtout au second quintette de Miles Davis, bien que le jeu mobile aux attaques puissantes du trompettiste Olivier Lainey évoque plutôtFreddie Hubbard. Le pianiste Benjamin Rando est à l’origine de la formation qui vit le jour en 2006 lorsqu'il présenta Simon Tailleu et Cédrick Bec, rencontrés à l’IMFP de Salon de Provence, à Olivier Lainey et Yacine Boularès. Saxophoniste franco-tunisien, ce dernier a étudié à Paris, travaillé à New York et a été élu meilleur soliste du concours Esprit Jazz en 2006. Influencé par John Coltrane, son jeu de ténor reste toutefois marqué par celui de Wayne Shorter dont il possède le phrasé sinueux, Yacine évoquant aussi Mark Turner par sa sonorité détimbrée. Comme Benjamin Rando et Simon Talleu, il a suivi des cours d’improvisation avec André Villéger, une référence ! Ainsi constitué, le groupe se présente en 2007 au Concours de la Défense, Tailleu et Bec obtenant chacun un prix d’instrumentiste. Sa participation à plusieurs festivals va lui permettre de peaufiner son répertoire. Enregistré en 2009, ce premier album nous parvient enfin. Trompette, ténor et piano s’associent de manière à surprendre, improvisent sur de vraies mélodies. Souvent exposés à l’unisson par les vents, les thèmes bénéficient des belles couleurs modales d’un pianiste économe qui sait faire respirer ses phrases élégantes (Dear Emma). Derrière les solistes qui se répondent et ne dédaignent pas les contre-chants (dans Seeing You notamment), la section rythmique travaille tout en souplesse, adapte ses métriques au discours musical, donne un balancement funky à Bleu, un thème chorale de Benjamin. Dans Lumière Froide, une mélodie confiée à la trompette se greffe sur un ostinato rythmique. Bien que la pièce soit fort brève, c’est la période électrique de Miles Davis qui sert de modèle à Mr A.M. Ses rares notes s’allongent, se propagent comme une onde. Court morceau également, 22 South East se fait porter par la contrebasse. Rejointe par le saxophone, la trompette en cisèle le thème angoissant.

Dress Code sera au Sunside le 17 mars pour fêter la parution de son album.

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