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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 09:59

Mauro-Gargano-Mo-Avast--cover.jpgParisien depuis 1998 et contrebassiste très demandé - René Urtreger, Christophe Marguet, Giovanni Mirabassi, Nicolas Folmer, Philippe Le Baraillec utilisent ses services - , Mauro Gargano a choisi de donner à ce disque le nom de sa formation, Mo’ Avast, « ça suffit ! » dans le dialecte de Bari, ville des Pouilles qui le vit naître. Son existence remonte à 2003, mais Mauro n’avait jamais enregistré avec elle, préférant attendre pour la faire connaître sur disque. La longue période qui s’est écoulée depuis sa création a ainsi permis aux musiciens d’affiner un jeu interactif, de parfaire des compositions ouvertes qui leur laissent beaucoup de place pour improviser. Dans les notes de livret de l’album qu’il a rédigées, le contrebassiste avoue avoir conservé dans la mesure du possible un maximum de premières prises « même à défaut d’une certaine précision formelle » ce qui donne fraîcheur et spontanéité à la musique du groupe. Poids lourd du saxophone ténor, mais aussi clarinettiste, Francesco Bearzatti a l’habitude de mêler ses instruments à l’alto de Stéphane Mercier qu’il provoque. Leurs discussions sont vives, passionnées. Tous deux exposent les thèmes, leurs unissons s’effilochant pour devenir dialogues, interrogations ludiques, va et vient permanent de questions et de réponses. Si Francesco souffle des notes souvent brûlantes, son agressivité au ténor se voit tempéré par l’aspect chantant et mélodique des compositions de Mauro dont la contrebasse ronde et inventive structure la musique, l’encadre souplement. Avec elle pour réagir, faire silence, doubler ou modifier le tempo, les tambours et les cymbales de Fabrice Moreau, batteur coloriste qui suggère et caresse les rythmes, attache de l’importance au son, à la dynamique de sa batterie. Mauro Gargano aime les couleurs d’où l’importance de la clarinette dans Respiro del Passato, l’un des thèmes chantants de cet album dans lequel il se réserve quelques solos de contrebasse (dans Bass“A” Line notamment), Rootz (4min 40) étant entièrement dévolu à l’instrument. Dans 1903, la clarinette cite clairement Nino Rota. La composition semble pourtant inspirée par Lonely Woman d’Ornette Coleman dont l’esprit souffle sur la musique. Lorsque Bruno Angelini y ajoute son piano, elle acquiert d’autres couleurs, mais aussi une assise harmonique plus franche. Mars surtout en bénéficie. S’appuyant sur l’ostinato que joue la contrebasse, le pianiste pose les accords du thème, lui offre des harmonies chatoyantes. Des relectures de Turkish Mambo(méconnaissable sans le piano de Lennie Tristano) et de When God Put a Smile Upon Your Face (un tube de Coldplay), complètent un album dont la richesse ne se dévoile qu’après plusieurs écoutes. 

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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 11:28

La-crise--jpgLa crise : même le Père Noël fait les poubelles. Le 24 décembre, comme l’an dernier, Jean-Paul tenait le rôle de Saint Joseph dans la crèche vivante de la paroisse parisienne des Saints Innocents. Le lascar avait postulé pour tenir celui de l’Enfant Jésus, ce qui, vu sa taille, lui fut refusé. Souffrant d’une sciatique qui le courbait en deux, Bajoues Profondes n’eut aucun mal à faire un bœuf plus vrai que nature. Edouard Marcel avait cru bon composer une œuvre religieuse contemporaine pour la circonstance, mais ses immenses rouleaux de partitions mirent la puce à l’oreille des bons pères qui, méfiants, demandèrent à l’entendre. Deux d’entre eux sont toujours à hôpital. Sorti du sien, Monsieur Michu a pu assister à la messe de minuit, à l’issue de laquelle Jean-Paul invitait chez lui autour d’un chocolat chaud que servait Bernard, fauché après les concerts désastreux de son Tarzan et Jane Jungle Electro Jazz Band. Pour achever de le ruiner, Edouard Marcel vient de lui passer commande d’un nouveau répertoire spécifiquement conçu pour un groupe jouant au sein d’un tambour gigantesque. Il est malheureusement trop tard pour que le festival Sons d’hiver le programme dans le Val-de-Marne. Sa nouvelle édition aura lieu du 27 janvier au 18 février. Quelques concerts interpellent - Stéphan Oliva fin janvier, Craig Taborn en duo avec Vijay Iyer, le sextette de Benoît Delbecq relisant Duke Ellington en février. Le free Jazz y reste toutefois largement privilégié ainsi que l’afro-punk, le hip-hop, le rap, les tensions électriques, les bâillements acoustiques... L’objectif du festival semble être de réveiller nos conduits auditifs endormis et, je cite ici le dossier de presse, de « retransmettre au mieux les palpitations chatoyantes et sonores de la vie. » Celles qu’éprouve Monsieur Michu à la lecture du programme inquiètent son épouse. Quant à Jean-Paul, il en a déjà des sueurs froides et des claquements de dents. Amateurs de jazz qui ressemble à du jazz avec des mélodies et des rythmes qui swinguent, les Michu se tiendront prudemment à l’écart de ces frissons d’hiver. 

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

 

Nagual-Orchestra.jpg-Le Nagual Orchestra au Sunset le 7. On a pu écouter la formation l’an dernier à l’Âge d’Or, Paris 13ème, où elle tint résidence. Son personnel n’est plus tout à fait le même depuis l’enregistrement en 2007 de l’album “La boîte à desseins”, qui la fit remarquer. Olivier Laisney à la trompette et Alexis Pivot au piano ont rejoint Florent Hubert (saxophone ténor et à la clarinette), Matthieu Bloch (contrebasse) et David Georgelet (batterie), mais leur jazz acoustique aux fortes racines n’a fait que s’affiner. Vainqueur des Trophées du Sunside en 2009 et parfaitement cimenté par la contrebasse de Mathieu, le groupe séduit par ses couleurs, sa sonorité spécifique, ses compositions originales et mélodiques qui séduisent l’auteur de ces lignes. Le groupe qui en possède de nouvelles prévoit de les enregistrer en février pour une sortie d’album en automne.

 

Claude-Carriere.jpg-Claude Carrière poursuit son cycle de conférences sur les suites de Duke Ellington le 9 à 19h00 au Collège des Bernardins. Au programme, les années 1951 à 1956 avec la Controversial Suite, les trois mouvements de Night Creature qui firent l’objet d’un ballet et la Newport Jazz Festival Suite. 1956 est l’année de l’enregistrement de “Such Sweet Thunder”, chef-d’œuvre ellingtonien qui peut faire l’objet d’une conférence à elle seule.

 

Prysm-Prysm au Duc des Lombards le 12 et le 13 dans le cadre du French Quarter Festival (du 3 au 31 janvier). Le groupe s’y est produit en avril 2011 sans Pierre de Bethmann handicapé par une double fracture de l’épaule. La guitare de Manu Codjia suppléa son absence sans nous la faire tout à fait oublier. Tout semble aujourd’hui rentré dans l’ordre pour une formation longtemps mise en sommeil. Pierre de Bethmann (piano et fender rhodes), Christophe Wallemme (contrebasse) et Benjamin Henocq (batterie) se sont à nouveau réunis pour des relectures inventives des grands titres de leur répertoire. “Five” Le disque live qu’ils ont fait paraître l’an passé est entièrement constitué d’anciens morceaux. Le trio joue aujourd’hui un jazz moderne et énergique qui témoigne de la parfaite entente de ses membres, l’échange, le partage étant ainsi privilégiés.

Enrico Rava

-Enrico Rava au Sunside les 13, 14 et 15 janvier pour jouer “Tribe”, son dernier disque ECM, un de mes 13 Chocs de l ‘année 2011. Avec lui Gianluca Petrella au trombone pour tenir de véritables discours mélodiques, mais aussi Giovanni Guidi, pianiste subtil qui apporte des couleurs tamisées à une musique délicieusement paresseuse. Cette dernière regorge de soleil et sa chaleur méditerranéenne pousse au farniente. Gabriele Evangelista à la contrebasse et Fabrizio Sferra à la batterie complètent cette formation transalpine avec laquelle le trompettiste signe l’un des albums les plus lyriques de sa discographie.

 

Palatino-c-Stephane-Barthod.jpg-Empruntant son nom au train qui assure chaque jour la liaison entre Paris et Rome, Palatino réunit Paolo Fresu au bugle et à la trompette, Glenn Ferris au trombone, Michel Benita à la contrebasse et le grand Aldo Romano à la batterie. On pensait le groupe disparu après l’enregistrement de son troisième album en 2001. Un nouvel opus live en novembre dernier (Naïve) vient démentir sa dissolution. Il est même attendu au Duc des Lombards le 16 et le 17 pour régaler son public d’une musique chantante qui réchauffe en ces temps hivernaux. On ne manquera pas les dialogues probables entre Fresu et Ferris, le jeu rugueux du trombone donnant du nerf à la musique. Chaque musicien apporte ses compositions, des mélodies solaires et enivrantes comme le vin de Toscane. Elles agissent comme de puissants remèdes contre la morosité et bien d’autres fléaux. On se précipitera.

 

M.-Copland---J.-Abercrombie.jpg-Pas évident de réunir un piano et une guitare. Associer les deux instruments reste délicat sur le plan harmonique. Pour le guitariste, il faut redéfinir l’attaque de ses notes, repenser ses voicings pour que le pianiste trouve sa place et puisse se faire entendre dans un autre registre. La réussite d’une telle association se trouve dans la retenue, la qualité d’une écoute réciproque. Brad Mehldau et Pat Metheny, Jim Hall et Geoffrey Keezer (leur disque date de 2005, je me le suis procuré récemment) ont parfaitement compris comment optimiser leurs rencontres. S’ils jouent rarement ensemble, Marc Copland et John Abercrombie se connaissent depuis longtemps. Leur dernier disque est quelque peu monotone, mais la magie peut à tout moment renaître et opérer. On ne se privera pas d’écouter ces deux grands musiciens au Sunside le 18.

 

Laurent-de-Wilde-copie-1.jpg-Laurent de Wilde joue un merveilleux piano. Habitué des clubs de la rue des Lombards, directeur artistique de la première édition de "Sorano Jazz" à l’Espace Daniel Sorano de Vincennes, Laurent multiplie les rencontres. On a pu l’entendre avec Géraldine Laurent, Eric Le Lann, Glenn Ferris, Elise Caron et les rythmiques qu’il affectionne, Yoni Zelnik et Jérôme Regard à la contrebasse, Laurent Robin et Donald Kontomanou à la batterie, sans parler des concerts qu’il donne avec son vieux complice Otisto. Les amateurs de jazz et de beau piano lui réclamaient depuis longtemps un nouveau disque. Initialement prévu à New York, son enregistrement se fera dans quelques jours à Paris, en trio avec Ira Coleman à la contrebasse et Clarence Penn à la batterie. Auparavant, les trois hommes peaufineront les détails de leur musique au Duc des Lombards les 18 et 19. Laurent l’annonce « très rythmique, louchant sur l’afro-beat comme sur l’électro, sans oublier les blues et les ballades. »

 

Jacky Terrasson-copie-2Philip Catherine © Jos L KnaepenStephane-Belmondo.jpg-Jacky Terrasson au piano, Philip Catherine à la guitare et Stéphane Belmondo à la trompette et au bugle le 19 au Sunside. On ne manquera pas ce trio inédit, rencontre de trois musiciens émérites qui ont déjà une longue carrière derrière eux. On a entendu Stéphane l’an passé avec le pianiste Kirk Lightsey, mais aussi avec Roy Hargrove et Tom Harrell dont les trompettes s’accordent à la sienne. Jacky a invité Malia à rejoindre son trio lors de la dernière édition du festival Jazz en Tête et s’apprête à enregistrer un nouvel album. Quant à Philip, son dernier disque “Plays Cole Porter” (Challenge) met constamment en valeur les inoubliables mélodies qu’il contient. Stéphane indisponible le 20, c’est un duo qu’abritera le Sunside ce soir-là, mais même privé de sa trompette le piano de Jacky et la guitare de Philip feront pleuvoir des notes aussi lumineuses que des feux de Bengale.

 

Rolando-Faria.jpgAntoine-Herve-copie-2.jpg-Le 24, toujours à la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs (auditorium St. Germain, 4 rue Félibien 75006 Paris), Antoine Hervé consacrera sa leçon de jazz à Antonio Carlos Jobim et la bossa nova avec comme invité le chanteur Rolando Faria, chanteur survivant des Etoiles qui enregistrèrent leur premier disque en France en 1976. Ceux qui manqueront le cours de l’Oncle Antoine pourront s’en procurer le polycopié en DVD (R.V. Productions / distribution Harmonia Mundi). Outre le concert commenté non sans humour et divers bonus, on se réjouira du contenu musical du CD que contient cette édition, quatorze classiques du grand Jobim joliment interprétés par Antoine et Rolando parmi lesquels Desafinado, Samba de Uma nota so, Corcovado et Agua de Beber. Prochaines sorties : “Wayne Shorter, jazzman extra-terrestre” le 21 février et “Oscar Peterson, maître du swing” en mars.

Pierrick Pedron

 

-Les 26 et 27, le Duc des Lombards accueille Pierrick Pedron, magnifique altiste parkérien (si, si, ouvrez vos oreilles, on peut entendre le chant de l’Oiseau), non pour nous interpréter son dernier album que je suis loin d’apprécier, mais pour jouer la musique de Thelonious Monk en compagnie de Laurent de Wilde au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Simon Goubert à la batterie.

 

Tiy-cover.jpg-Toujours le 27, Leïla Olivesi jouera au Sunside son nouvel disque. Épouse d’Amenothep III et grande reine d'Egypte, Tiy prête son nom au troisième opus de la pianiste franco-mauritanienne. Elle nous livre ses mélodies colorées, son piano délicat et sensible, et rend aussi hommage à Néfertiti et à Balkis, la reine de Saba, des femmes de pouvoir aux destins exceptionnels. Avec elle les musiciens qui l’accompagnent dans son album : Emile Parisien aux saxophone soprano, Manu Codjia à la guitare, Yoni Zelnik à la contrebasse et Donald Kontomanouà la batterie. “Tiy” est disponible dans les FNAC de la capitale et dans plusieurs magasins de province. On peut aussi le commander sur le site de Leïla : www.leilaolivesi.com

  

Stephan-Oliva.jpg-Au sein d’une programmation hétéroclite privilégiant free jazz et bizarreries, le festival Sons d’hiver accueille le 31 janvier à Arcueil (20h30 espace Jean Vilar, 1 rue Paul Signac) le pianiste Stéphan Oliva dans son programme consacré aux films noirs. Avec lui, Philippe Truffaut pour « recréer un dialogue entre le son et le visuel et répondre en images ». Choc 2011 de ce blog, “Film Noir”  le dernier disque de Stéphan, compte parmi les plus beaux de l‘année qui s’achève. Très prisé par les cinéastes dans les années 40 et 50, le genre eut ses compositeurs : David Raskin, Miklós Rózsa, Dimitri Tiomkin et même John Lewis que les amateurs de jazz connaissent bien. Stéphan a relevé les thèmes ou les séquences musicales illustratives des films auxquels ils participèrent. Son piano improvise, prend des libertés, se fait tendre et mélodique ou accentue l'aspect dramatique de leurs musiques, les graves de l’instrument, ses notes lourdes et obsédantes traduisant leur noirceur. En deuxième partie, le saxophoniste Sonny Simmons, 78 ans - il composa Music Matador qu'il enregistra avec Eric Dolphy en 1963 - , peut provoquer la surprise.  

 French-Quarter-au-Duc.jpeg

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Collège des Bernardins : www.collegedesbernardins.fr 

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Auditorium St Germain : www.mpaa.fr

-Festival Sons d’hiver : www.sonsdhiver.org

 

CREDITS PHOTOS : Nagual Orchestra, Claude Carrière, Prysm, Enrico Rava (montage), Laurent de Wilde, Jacky Terrasson, Stéphane Belmondo, Antoine Hervé, Rolando Faria, Pierrick Pedron, Stéphan Oliva © Pierre de Chocqueuse - Palatino © Stéphane Barthod - Marc Copland & John Abercrombie © Konstantin Kern / Pirouet Records - Philip Catherine © Jos L Knaepen - Père Noël : photo X/D.R.

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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 10:00

Voeux 2012                     BONNE ET HEUREUSE ANNÉE 2012


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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 00:05

  Joyeux  Noë à  tous  et  à  toutes

Joyeux Noël 2011

                                    Merr Christmas

Photo montage © Pierre de Chocqueuse

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21 décembre 2011 3 21 /12 /décembre /2011 15:00

Chocs-2011.jpgDécembre, le temps des bilans, des récompenses. L’Académie du Jazz remettra ses prix début janvier. Jazz Magazine/Jazzman a publié ses Chocs de l’année dans son numéro de décembre. Laurent Sapir m’a gentiment fait parvenir le choix de TSF. Quant à l’Académie Charles Cros, nous avions son palmarès dès le 24 novembre. Vous attendiez donc le mien avec impatience. Le voici. Philippe Etheldrède râle déjà car il contient quatre piano solo. Le genre me plaît et il m’était difficile d'écarter les CD de Bill Carrothers et de Richie Beirach qui comptent parmi les plus beaux de l’année. Philippe se consolera avec le big band de Gerald Wilson qu’il apprécie beaucoup. Je m’en veux un peu de n'avoir mis que 4 étoiles à son disque dans Jazz Magazine/Jazzman, car en le réécoutant – et je l’écoute souvent – il me plaît de plus en plus. Sélectionner douze nouveautés et une réédition n’a pas été facile. Tous les disques dont j’assure la chronique sortent déjà du lot, possèdent des qualités qui les placent au-dessus des autres. Il est d’ailleurs impossible de parler de tous les CD que l’on m’adresse. La plupart d’entre eux ne dépassent pas une honnête moyenne. Les bonnes surprises sont rares. “Reflets” de Michel El Malem, un disque inattendu dont l'écoute m’a subjugué, m'est d'autant plus précieux. Il a sa place aux côtés d’enregistrements de jazzmen confirmés qui sont loin d’être tous médiatisés, reconnus à leur juste valeur. Mes Chocs 2011 sont donc très différents des autres palmarès. Aucun disque en commun avec TSF, un seul avec Jazz Magazine/Jazzman – “Impressions of Tokyo” de Richie Beirach. L’Académie Charles Cros a primé Ambrose Akinmusire et Roy Haynes dont j’ai chroniqué les disques sans pour autant les retenir. Question de goût, de choix. J’ai beaucoup hésité à inclure “Patience”, un disque très attachant de Stéphane Kerecki et John Taylor, mais “Houria”, l’enregistrement précédent de Stéphane, a fait partie de cette sélection en 2009. Il ne m‘en voudra probablement pas de ne pas compter parmi mes treize finalistes quoique, pour certains, figurer à ce palmarès soit la plus belle des récompenses. Je vous rappelle également que cette chronique est la dernière de l'année. Le blogdechoc sommeillera jusqu'aux premiers jours de janvier. Bonnes fêtes à tous et à toutes. 

 

Douze nouveautés…

Corea, Clarke & White, cover-COREA, CLARKE & WHITE : “Forever” (Concord/Universal) Chroniqué dans le blogdechoc le 25 janvier

Chick Corea, Stanley Clarke et Lenny White jouent sur des instruments acoustiques sur le premier disque de ce double CD. Il réunit les meilleurs moments d’une tournée « unplugged » effectuée en 2009. On aurait aimé assister à ces concerts. Les trois hommes tiennent une forme éblouissante et rajeunissent leur répertoire. Virtuosité et musicalité se tendent la main pour des bouquets de notes luxuriantes. Jean-Luc Ponty, mais aussi la chanteuse Chaka Khan et Bill Connors, le premier guitariste de Return to Forever, les rejoignent sur le second qui contient une autre plage en trio, une reprise époustouflante de 500 Miles High enregistré en état de grâce au festival de Monterey.

 

S. Oliva - Film Noir, cover-Stéphan OLIVA : “Film Noir” (Illusions/ www.illusionsmusic.fr) Chroniqué dans le blogdechoc le 18 Février

Le film noir parle à Stéphan Oliva. Le pianiste consacre un disque entier au genre, terrain d’élection de cinéastes « émigrés » qui connut son âge d’or dans les années 40 et 50. Dix des treize longs-métrages qu’évoque cet album datent de cette période. Oliva en a relevé les musiques et effectue un véritable travail de remontage des thèmes ou des séquences musicales qu’il reprend. Une utilisation fréquente de la pédale forte lui permet d’en traduire les nuances les plus sombres, d’augmenter la noirceur des accords qu’il plaque dans les graves du clavier. Mis à nu par Stéphane, ces compositions vénéneuses retrouvent leur splendeur mélodique, se révèlent à nous comme si elles venaient d’être écrites.

 

Laïka Fatien, cover-Laïka FATIEN : “Nebula” (Verve/Universal) Chroniqué dans le blogdechoc le 27 février

Le cœur chavire à l’écoute de cette voix chaude et douce que Laïka Fatien met au service de thèmes peu chantés. Elle préfère la justesse et la sincérité au maniérisme et aux effets de style, s’exprime avec sensibilité et naturel, et pose ses propres paroles sur des instrumentaux de Wayne Shorter, Joe Henderson, Tina Brooks et Jackie McLean. On doit à Meshell Ndegeocello les arrangements très soignés de “Nebula”, un album dans lequel la guitare accentue l’aspect folk de certaines ballades et tient une place essentielle. Laïka chante aussi Stevie Wonder, Villa-Lobos et Björk. Elle murmure à nos oreilles des musiques évanescentes, nébuleuses comme sorties du plus profond d’un rêve.

 

Brad Mehldau - Live in Marciac, cover-Brad MEHLDAU : “Live in Marciac” (Nonesuch/Warner) Chroniqué dans le blogdechoc le 9 mars

Pas moins de trois rappels pour Brad Mehldau à Marciac ce 2 août 2006, un concert privilégiant feux d’artifices de notes et improvisations méphistophéliques aux rythmes échevelés. Le pianiste renouvelle les improvisations d’un répertoire qui nous est en partie familier, les dote d’une architecture sonore achevée. Ses deux mains dialoguent, la gauche, section rythmique à elle seule, répondant au discours mélodique d’une main droite exubérante. Troisième enregistrement de Brad en solo après “Elegiac Cycle”  (1999) et “Live in Tokyo” (2003), c’est le premier dont nous avons des images, un DVD qui permet de visualiser le choix de ses notes, la précision métronomique de son jeu.

 

F. Couturier Tarkovsky Quartet, cover-François COUTURIER : “Tarkovsky Quartet” (ECM/Universal) Chroniqué dans le blogdechoc le 16 avril

Dernier volet d’une trilogie consacrée à Andreï Tarkovsky le cinéaste préféré de François Couturier, ce “Tarkovsky Quartet” aurait très bien pu sortir sur le label ECM New Series réservé à la musique contemporaine et aux œuvres classiques. Car le pianiste s’intéresse moins au swing qu’à l’élaboration d’une musique ouverte dépassant le cadre du jazz et conçue pour les quatre instruments de son quartette, le violoncelle d’Anja Lechner, l’accordéon de Jean-Louis Matinier et le saxophone soprano de Jean-Marc Larché s’ajoutant à son propre piano. Neuf pièces musicales illustratives et féeriques qui malgré quelques emprunts à Pergolèse, Bach, Chostakovitch, échappent à toute classification, nous font passer de l’autre côté du miroir où la musique se rêve et fait voir des images.

 

EXCELSIOR, Bill Carrothers,cover-Bill CARROTHERS : “Excelsior” (Out Note/ Harmonia Mundi) Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°625 - mai (Choc)

Excelsior, une petite ville tranquille du Minnesota de 3000 habitants construite au bord du lac Minnetonka. Bill Carrothers y passa sa jeunesse. L’été, les habitants de Minneapolis y passaient leurs vacances, leurs enfants raffolant de son parc d’attractions, les manèges et les montagnes russes de l’Excelsior Amusement Park aujourd’hui disparu. Après avoir jazzifié chants patriotiques et hymnes de l’Amérique et consacré un disque entier au répertoire de Clifford Brown, le pianiste se penche sur son passé, se remémore Excelsior qu’il n’a pas oublié. Bill en a presque entièrement improvisé la musique en studio en octobre 2010, inventant des mélodies exquises, des images nostalgiques débordantes de tendresse.    

 

Gerald-Clayton-Bond--cover.jpg-Gerald CLAYTON : “Bond, The Paris Sessions” (EmArcy/Universal) Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°626 - juin (Choc)

Tout en restant en phase avec la tradition du jazz et son vocabulaire harmonique, Gerald Clayton prend des libertés avec les standards qu’il aborde. La nouvelle jeunesse qu’il leur offre tient beaucoup à leur transformation rythmique. La contrebasse nerveuse et réactive de Joe Sanders, la frappe asymétrique de son batteur Justin Brown apportent un swing différent proche du funk et du hip-hop, une polyrythmie qui traduit d’autres influences que celle du jazz. Le blues dans les doigts, le pianiste fait chanter ses compositions chaloupées et y sème un grain de folie réjouissant.

 

Richie Beirach, cover 2-Richie BEIRACH : “Impressions of Tokyo” (Out Note/Harmonia Mundi) Chroniqué dans le blogdechoc le 16 juin

Richie Beirach aime le Japon. Il s’y est souvent rendu et affectionne Tokyo, lieu de rencontre du passé et du futur dont il livre ici ses impressions intimes sous la forme d’haïkus, courts poèmes visant à cerner l’évanescence des choses par l’ellipse et l’allusion. Le regard affectueux qu’il lui porte est celui d’un improvisateur imprégné de musique classique européenne. Evitant les rapsodies jazzistiques dont raffolent les habitants du pays du soleil levant, le pianiste s'amuse à faire danser de courtes pièces abstraites ou invente des mélodies magnifiques. Il leur réserve ses plus belles couleurs, mais privilégie l’épure, comme si quelque chose du Japon, son essence impalpable, s’exprimait à travers sa musique.

 

G Wilson Orchestra, Legacy cover-Gerald WILSON Orchestra : “Legacy” (Mack Avenue/Codaex) Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°627 – juillet (4 étoiles)

Quelques bons disques en grand orchestre ont été publiés cette année, mais celui de Gerald Wilson, 94 ans depuis septembre, s’impose par sa musique et la qualité de ses solistes. L’arrangeur est un coloriste qui soigne ses peintures sonores et trempe dans le swing ses couleurs harmoniques. On a envie d’applaudir à l’écoute de cet album qui regorge de thèmes admirables. Outre une longue suite en sept mouvements sur Chicago, la cité des vents, il contient des variations habiles autour de thèmes de Stravinsky, Beethoven et Puccini. L’œuvre de ce dernier, une aria de son opéra “Turandot”, met particulièrement en valeur les délicates couleurs impressionnistes de ce big band de rêve. 

 

Diego Imbert Next Move, cover-Diego IMBERT : “Next Move” (Such Prod/ Harmonia Mundi) Chroniqué dans le blogdechoc le 24 octobre

Depuis 2007, Diego Imbert compose et arrange ses propres morceaux pour un quartette comprenant Alex Tassel au bugle, David El-Malek au ténor et Franck Agulhon à la batterie. Garante du tempo, sa contrebasse stabilise le flux musical, lui donne une forte assise rythmique. La solidité et la logique de ses lignes de basse vont de pair avec l’attention qu’il porte aux mélodies, ces dernières guidant et inspirant son travail. “A l’ombre du saule pleureur”, son disque précédent, mêlait déjà écriture et improvisation au sein de morceaux ouverts réservant de grands espaces de liberté aux solistes. La formation eut l’occasion de donner de nombreux concerts et les compositions de “Next Move”, son second opus, s’agencent avec une fluidité remarquable.

 

E. Rava, Tribe cover-Enrico RAVA : “Tribe” (ECM/Universal) Chroniqué dans le blogdechoc le 7 novembre

Trois ans après “New York Days”, un enregistrement new-yorkais qui compte parmi les grands opus de sa discographie, Enrico Rava retrouve son groupe transalpin. Remplaçant Stefano Bollani qui possède désormais son propre trio et donne des concerts en duo avec Chick Corea, le jeune Giovanni Guidi fait merveille au piano. Il possède un toucher délicat, un sens profond des couleurs, économise ses notes et enrichit les thèmes par ses nuances. Rava reprend ici de vieux thèmes de son répertoire. Cinq des douze morceaux que contient l'album ont été précédemment enregistrés pour divers labels. De courtes pièces modales complètent cet album, l’un des plus lyriques de la discographie du trompettiste.

 

Michel-El-Malem--cover.jpg-Michel EL MALEM : “Reflets”  (Arts et Spectacles/Rue Stendhal) Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°632 - décembre (Révélation)

Saxophoniste, Michel El Malem possède un son épais et chaleureux aussi bien au ténor qu’au soprano. Ce disque, le second qu’il enregistre, fascine par sa richesse est tout simplement fascinant. “First Step” son premier opus séduisait déjà par sa cohérence musicale, mais “Reflets”  est un immense pas en avant comme si le groupe en état de grâce communiait avec la musique. Aux musiciens de “First Step” – Michael Felberbaum à la guitare, Marc Buronfosse à la contrebasse, Luc Isenmann à la batterie – s’ajoute Marc Copland qui apporte une dimension poétique à l’album tout en jouant un piano différent, plus énergique que d’habitude, les musiciens parvenant à transcender les compositions du saxophoniste, des thèmes simples aux lignes mélodiques transparentes.   

 

...et une réédition partiellement inédite

M.-Davis-Live-in-Europe--cover-b.jpg-Miles DAVIS Quintet : “Live in Europe 1967” (Columbia/Sony) Chroniqué dans le blogdechoc le 26 septembre

Chichement empaqueté dans un coffret réunissant 3 CD et 1 DVD, ces cinq concerts européens de 1967 donnés par Miles Davis et son second quintette (Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter, Tony Williams) sont incontournables. De bonne qualité, le son et les images proviennent des radios ou des télévisions des pays visités. Les trois CD audio ne sont pas totalement inédits. Il existe des éditions pirates des concerts d’Anvers et de Paris, mais ce dernier est pour la première fois publié dans sa totalité. Les concerts filmés à Stockholm et à Karlsruhe ont été précédemment inclus en 2009 dans le coffret “Miles Davis : The Complete Columbia Album Collection”. Fascinante, ouverte, disciplinée malgré sa tension, cette musique modale et colorée révèle l’interaction quasi télépathique qui règne alors au sein du groupe, l'un des meilleurs de l'histoire du jazz.

Montage photo © Pierre de Chocqueuse

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16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 10:00

Rickie Lee Jones, bandeau

 

DIMANCHE 27 novembre

Rickie Lee Jones jouant “Pirates” Salle Pleyel, belle occasion de se souvenir. C’était en 1981, en été, que l’album vit le jour. Sa pochette, une photographie de Brassaï en noir et blanc n’avait rien à voir avec celle de son premier disque paru deux ans plus tôt, un cliché en couleur, la montrant portant béret, cigarillo aux lèvres et cheveux plein les yeux. Enfant de la balle, Rickie Lee Jones, 24 ans, s’était fixée à Los Angeles, tournait dans les bars de Venice et composait des Rickie Lee Jones, coverRLJ Pirates, coverchansons. L’une d’entre-elles, Easy Money, lui avait ouvert les portes des disques Warner Bros. Sobrement intitulé “Rickie Lee Jones”, ce premier opus la catapulta vers le succès. Il contient d’excellentes chansons autobiographiques – les célèbres Chuck E’s In Love, The Last  Chance Texaco, et Danny’s All-Star Joint – et de solides musiciens l’accompagnent – Ernie Watts, Tom Scott, Victor Feldman, Red Callender, Steve Gadd. Sa voix haut perchée de petite fille au timbre légèrement éraillé évoque un peu Blossom Dearie, sa musique, un mélange de soul, de folk et de blues, se teintant souvent de jazz. Arrangé par Johnny Mandel, Company en dégage le parfum. On attendait beaucoup de cette nouvelle Joni Mitchell, une poétesse capable comme cette dernière d’émouvoir par le choix de ses mots. “Pirates” ne nous fit pas regretter notre attente, bien que le ton en soit plus sombre. La fin de sa relation Rickie Leeavec Tom Waits le rend désenchanté. A Lucky Guy en porte la blessure. Partiellement conçu à New York, achevé et enregistré dans un studio de L.A., il bénéficie d’une production très soignée. On y retrouve Tom Scott, Victor Feldman, Steve Gadd auxquels s’ajoutent David Sanborn, Randy Brecker, Chuck Rainey, Donald Fagen de Steely Dan et Russell Ferrante des Yellowjacquets. Les arrangements de cordes qui colorent certaines plages sont confiés à Nick DeCaro et Ralph Burns. Woody and Dutch on the Slow Train to Peking, un hommage joyeux au be-bop, laissait supposer une orientation plus jazz de sa carrière. Contenant des reprises émouvantes de Lush Life et de My Funny Valentine, “Girl at Her Volcano”, un recueil de sept chansons publié en 1983, le confirma. Séduite, l’Académie du Jazz lui décerna un « Prix du Jazz Contemporain ». La chanteuse qui s’était installée à Paris fit la couverture de Jazz Hot. Son flirt avec le jazz se poursuivit en 1991 avec “Pop Pop”, un album acoustique enregistré avec Joe Henderson et Charlie Haden.

 

Rickie Lee-aRickie Lee Jones retrouvait donc Paris pour offrir à son public qui remplissait la Salle Pleyel les chansons de ses deux premiers disques. Avec elle, deux cuivres (trompette et trombone) et un saxophoniste. On les entendit peu, mais ils trempèrent Young Blood, Danny’s All-Star Joint, Woody and Dutch et Pirates dans un grand bain de soul. Un quintette occupait la scène le reste du temps, les claviers de Tom Canning (il fut le pianiste d’Al Jarreau à ses débuts) palliant l’absence des cordes. Jeff Pevar assura les chorus de guitare électrique, la guitare basse étant confiée à Reggie McBride un des spécialistes de l’instrument. Il en joue dans “Fulfillingness’ First Finale” de Stevie Wonder et travailla avec James Brown et B.B. King. S’accompagnant à la guitare, mais le plus souvent au piano, la chanteuse ne cacha pas son plaisir d’être à nouveau parisienne. Le responsable de la sono mit trop de réverbération dans une voix qu’elle possède un peu plus rauque, mais l’émotion restait intacte et avec elle une fragilité rendant touchantes ses chansons tant aimées.

 

Rickie Lee Jones(chant), Jeff Pevar (guitares), Tom Canning (claviers), Reggie McBride (basse électrique), Johnny Friday (batterie), Jamelle Williams (trompette), Andrew Lippman (trombone), Scott Mayo (saxophones).

 

SAMEDI 3 décembre

Patrice CaratiniLe studio Charles Trenet de Radio France accueillait Patrice Caratini et son Jazz Ensemble dans un programme entièrement consacré à André Hodeir. Patrice qu’il appréciait avait enregistré en 1993 son Anna Livia Plurabelle, cantate pour deux voix de femmes et orchestre de jazz. Il lui avait confié ses partitions quelques mois plus tôt à l’occasion de son 90ème anniversaire et aurait sûrement aimé être présent à ce concert prévu de longue date. Madame André Hodeir s’était bien sûr déplacée pour cet hommage rendu à son époux disparu le 1er novembre. Martial Solal était présent lui aussi. Il tient le piano dans la plupart des morceaux des albums “Kenny Clarke’s Sextet Plays André Hodeir” (1957) et “Jazz et Jazz” (1960), et lui consacra un disque entier en 1984, “Solal et son orchestre jouent André Hodeir” (Carlyne). Alain Jean-MarieAndré VillégerEmpruntant à Bobby Jaspar ses musiciens, André Hodeir fonda en 1954 le Jazz Group de Paris, nonette à géométrie variable constitué par des musiciens capables de jouer ses partitions difficiles. Patrice Caratini dut longuement faire répéter sa formation pour qu’elle puisse les jouer avec fluidité et fidèlement les recréer. On connaît les enregistrements souvent anciens qui en ont été faits. Redécouvrir dans de quasi parfaites exécutions Bicinium, Oblique (un thème canonique en 16/16), réentendre ses arrangements de Jordu  et de Criss Cross, fut un émerveillement. D’une modernité inaltérée, ses musiques procurent un bonheur d’écoute que l’on n’aurait pas cru possible au Mathieu Donarierregard des difficultés posées par les partitions, André Hodeir allant jusqu’à écrire les chorus de ses solistes. Patrice Caratini s’accorda toutefois la liberté de laisser improviser Claude Egea dans On a Riff, un riff de quatre mesures qui, pour reprendre les propos du compositeur, « change de forme, se brise, passe de l’unisson à deux, puis trois voix en une intensité croissante, (…) enfin se pulvérise, éparpille ses notes dans tous les registres de l’orchestre, pour ne se reconstituer (partiellement) que dans les dernières mesures. » Invité à tenir le piano dans cette pièce, Alain Jean-Marie s’accorda également un vrai solo dans On a Standard, variations autour de Night and Day de Cole Porter.


Caratini Jazz Ensemble

 

André Hodeir écrivit aussi de nombreuses musiques de films. Patrice Caratini et les musiciens de son Jazz Ensemble en reprirent quelques-unes. Composé pour un court-métrage sur le facteur Cheval et traversé de rythmes afro-cubains, Le Palais Idéal et ses sept parties, n’avait jamais été joué en concert. Son long solo de Valérie Philippinvibraphone intégralement écrit en est le grand moment. Bande-son de “Chute de Pierres”, un court-métrage de Michel Fano, Jazz Cantata comprend également sept parties groupées en trois mouvements. Si le vibraphone de Stéphan Caracci y occupe aussi une place de choix, la voix y est aussi à l’honneur, Caratini confiant les délicates parties de scat imaginées par Hodeir à Valérie Philippin, l’une de ses deux interprètes d’Ana Livia Plurabelle, une œuvre de 1966 que Jazz Cantata préfigure. Composition « partant à la recherche de ses visages successifs », cette Jazz Cantata marquait une nouvelle étape dans les recherches d’André Hodeir. Trop neuve, elle ne fut pas comprise. Elle l’est toujours, mais n’effraye plus. Puisse cette musique être diffusée dans les festivals de jazz et rencontrer un vaste public.

 

Claude Egea et Pierre Drevet (trompettes), Jean-Christophe Vilain (trombone), André Villéger (saxophone alto), Mathieu Donarier (saxophone ténor), Pierre-Olivier Govin (saxophone baryton), Stéphan Caracci (vibraphone), Patrice Caratini (contrebasse et direction) Thomas Grimmonprez (batterie). Invités : Alain Jean-Marie (piano), Valérie Philippin (voix).

 

Photos © Pierre de Chocqueuse 

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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 10:50

Il serait dommage d'ignorer ces trois enregistrements tardivement publiés. Contrairement à mon précédent « repêchage », ils ne sont pas à mettre entre toutes les mains. J’en entends déjà certains râler. Philippe Etheldrède risque d’en faire une congestion. Jean-Paul fâché ne m’adresse plus la parole. Les Puristes du jazz ne vont pas apprécier. J'attends leurs commentaires. Ce sont mes dernières chroniques de disques avant la mise en sommeil de ce blog pour les fêtes. Ne manquez pas vers le 20 mes Chocs 2011 pour le clore en beauté.  

 

J.-Udden--Plainville-cover.jpgJeremy UDDEN’s Plainville : “If the Past Seems So Bright” (Sunnyside/Naïve)

Saxophoniste de jazz dont la sonorité diaphane évoque l’alto de Lee Konitz, Jeremy Udden qui joue aussi du soprano et de la clarinette propose une musique inclassable dans laquelle jazz, blues, rock, folk et country se mélangent pour évoquer les vastes plaines de la grande Amérique. Plainville dont le groupe tire son nom est une bourgade rurale de la Nouvelle-Angleterre dans laquelle Udden passa sa jeunesse. C’est aussi le nom du précédent disque de la formation publié en 2009 sur le label Fresh Sound New Talent. Certains titres sonnent très rock, d’autres baignent dans un folk jazz mélodique. On pense aux premiers disques de Neil Young, au Band qui accompagna Bob Dylan et dont les premiers opus “Music from Big Pink” et “The Band” ne sont pas si éloignés de l’univers champêtre proposé par Udden. Les instruments inhabituels qu’utilise Pete Rende - orgue à pompe, piano Wurlitzer - confèrent une sonorité particulière à la musique. Brandon Seabrook la nourrit de ses guitares parfois électriques. Son banjo lui donne un fort aspect rural. Avec Eivind Opsvik à la contrebasse et R.J. Miller au jeu volontairement minimaliste à la batterie, Plainville possède un son unique, l’instrumentation du groupe se voyant renforcée par d’autres guitares acoustiques, les voix amies de Nathan Blehar et de Justin Keller. Les puristes du jazz pousseront de grands cris. Les curieux endosseront leurs caches poussières pour écouter ces images sonores typiquement américaines.

 

Kevin-Hays-Variations--cover.jpgKevin HAYS : “Variations” (Pirouet/Codaex)

Les amateurs de jazz risquent de diversement accueillir ces “Variations”, de courtes sonates qui relèvent davantage de la musique classique que du jazz. Kevin Hays est pourtant un jazzman authentique qui a accompagné Benny Golson, James Moody et Sonny Rollins. Trois albums Blue Note dont l’un en trio avec Ron Carter et Jack DeJohnette l’ont placé au premier rang des pianistes de sa génération (il est né en 1968). Son bagage technique impressionnant lui a permis d’enregistrer du Brahms et du Webern. Publié récemment, “Modern Music” (Nonesuch Records) le fait entendre en duo avec Brad Mehldau dans un programme constitué d’œuvres de Steve Reich, Philip Glass et Patrick Zimmerli. Saxophoniste de jazz devenu compositeur, ce dernier est à l’origine de ce disque dont il est co-producteur. Hays s’enferma deux jours dans un studio du New Jersey et enregistra de nombreuses improvisations, l’équivalent de quatre heures de musique. 24 d’entre-elles ont été sélectionnées pour ce disque qui débute et se conclut par des variations autour de la première des quatre fugues pour piano de Robert Schumann opus 72. Un CD organisé en trois parties contenant chacune huit pièces, toutes différentes malgré plusieurs versions d’un même morceau. Le pianiste développe un tempo, un ostinato ou part d’un motif mélodique pour improviser. Les exercices rythmiques restent toutefois minoritaires. Hays préfère diversifier ses couleurs harmoniques pour traduire ses sentiments. On passe tour à tour de l’obscurité à la lumière, mais contrairement à “Open Range”, un enregistrement en solo de 2004 inspiré par une retraite qu'il effectua au Nouveau-Mexique, les pièces sombres sont ici plus nombreuses, la ville de New York souvent sous les nuages lui dictant une musique plus dépouillée, mais tout aussi profonde.

 

Theo-Bleckmann--Hello-Earth--cover.jpgTheo BLECKMANN : “Hello Earth !” (Winter & Winter/Abeille)

Né en Allemagne et installé à New York depuis 1987, Theo Bleckmann a longtemps travaillé au sein du groupe vocal qui entoure Meredith Monk. La musique contemporaine est davantage son domaine que le jazz bien que Peace (Ornette Coleman) et Misterioso (Thelonious Monk) figurent au répertoire du Refuge Trio dont il est l’un des membres. Après avoir chanté Charles Ives avec le groupe Kneebody, mais aussi Robert Schumann, Hanns Eisler et Kurt Weill, il consacre son nouveau disque à des reprises de chansons de Kate Bush, une des rares pop stars possédant un univers. Avec sa voix de ténor léger, ses orchestrations pour le moins singulières, Bleckmann a aussi le sien. Il retrouve ici son vieux complice John Hollenbeck qui assure batterie et percussions. Henry Hey aux claviers, Caleb Burhans, à la guitare et au violon électrique et Skúli Sverrisson à la basse électrique complètent une formation qui soigne les timbres des morceaux qu'elle reprend, enveloppe les thèmes de sonorités inédites, les pare d’autres couleurs. Violin, un rock speedé mis à part, Bleckmann fait volontairement flotter les sons. La mise en boucle des voix et la spatialisation des instruments, notamment dans And Dream of Sheep et This Woman’s Work rendent la musique profondément onirique. Les albums très personnels que Kate Bush publia dans les années 80 ne sont pas exempts de défauts. Leurs boîtes à rythme donnent un aspect mécanique à certaines compositions. Le chanteur évite ce piège, modifie les tempos, les rend souples, les étire jusqu’à totalement repenser les harmonies de la chanteuse. Running Up That Hill hérite ainsi d’un long prologue onirique, le martèlement rythmique de la pièce surgissant beaucoup plus tard. Seule l’introduction de Saxophone Song relève du jazz dans ce disque inventif d’une fraîcheur étonnante.   

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7 décembre 2011 3 07 /12 /décembre /2011 00:00

Publiés cet automne, ces deux disques ne méritent pas l'oubli. Jean-Paul peut sans danger les offrir à Monsieur Michu. Merci d’y prêter attention.

 

Roy Haynes, Roy-Alty coverRoy HAYNES : “Roy-Alty” (Dreyfus Jazz/Sony)

À 86 ans, Roy Haynes n’est plus un tout jeune homme. Batteur préféré de Charlie Parker, il a été de l’aventure du bop et garde le jazz en mémoire. Rien d’étonnant donc à ce que ses disques restent ancrés dans son histoire. Reconnaissable à sa sonorité mate et contrastée, sa batterie bat le blues et le bop et place le groove au cœur de la musique. Attaché aux standards et à la tête de son Fountain of Youth Band au sein duquel David Wong remplace John Sullivan à la contrebasse, Roy reprend These Foolish Things, joue Thelonious Monk, Sonny Rollins et Miles Davis. Son disque contient aussi de grandes versions de Tin Tin Deo et Passion Dance, un thème de McCoy Tyner. Le batteur a toujours aimé s’entourer de jeunes musiciens et en a découvert un grand nombre. Après avoir gardé quinze ans à ses côtés le pianiste David Kikoski, il travaille depuis quelques années avec Martin Bejerano qui donne de belles couleurs à sa musique. Au saxophone alto, Jaleel Shaw n’a pas encore la notoriété d’un Kenny Garrett ou d’un Marcus Strickland qui l’ont précédé dans la formation du batteur, mais il possède un réel talent de soliste. Pinky, une ballade, témoigne de son inspiration. Cet album est aussi l’occasion pour Roy Haynes d’inviter Roy Hargrove et son vieux complice Chick Corea qui tient une forme éblouissante. Outre une version brillante de Off Minor, les deux hommes nous surprennent dans All the Bars are Open, une improvisation modale que Roy colore de ses timbres.

 

Greg Reitan Daybreak coverGreg REITAN : “Daybreak” (Sunnyside/Naïve)

Pour nous montrer qu’il est capable d’enfiler des notes comme d’autres des perles, Greg Reitan introduit son disque par un court morceau virtuose. Il peut multiplier l’exercice, mais la pure technique ne l’intéresse pas. Sa musique n’est pas une voiture de course lancée à vive allure ; elle n’a pas besoin de vitesse pour révéler sa profondeur. Après “Some Other Time”  et “Antibes”, le pianiste poursuit sa quête musicale avec le même trio, Jack Daro à la contrebasse et Dean Koba à la batterie. S’il nous confie quelques bonnes compositions personnelles, la plus réussie étant The Bells of Soledad, une sorte de valse inspirée par une visite à la Nuestra Señora de la Soledad, mission du district de Monterey, il préfère reprendre des standards, les retravailler à sa manière, y greffer ses propres harmonies pour en laisser des versions aussi personnelles que neuves. Ils constituent un matériel inépuisable pour un pianiste inventif au toucher fin et délicat qui surprend par la fraîcheur de ses idées, la qualité de son langage mélodique. On pense à Bill Evans, à Vince Guaraldi qu’il admire et dont il interprète Great Pumpkin Waltz après avoir enregistré en 2008 Star Song, une autre de ses compositions. Greg aime aussi célébrer Wayne Shorter et Bill Evans. Après Re: Person I Knew (sur “Antibes”), Blue in Green s’ajoute à son répertoire, de même que Toy Tune de Shorter. Chelsea Bridge de Billy Strayhorn dont il réharmonise les premières notes du thème et Lament, probablement la plus belle pièce de J.J. Johnson, complètent un disque d’une rare élégance que couronne une magnifique version de Blue In Green longuement introduite en solo.

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2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 10:00

cluedo b  Décembre : hospitalisé depuis une semaine, Monsieur Michu garde le lit. Un malaise cardiaque provoqué par l’écoute d’un CD qu’un voisin malfaisant lui a fait parvenir en est la cause. Monsieur Michu récupère. A son chevet, Madame le ravitaille en macarons. Il a bonne mine et je le soupçonne de planquer sous son lit une bouteille de Jackie McLean, un whisky hors d'âge revigorant. Jean-Paul a tenu à rendre visite à cette « victime de la musique qui tue » (ce sont ses propres termes). La police recherche le coupable. Les auteurs du disque ont été identifiés. Il s’agit de quatre jeunes terroristes qui sous le nom d’Infernal Quartet explorent de nouveaux territoires musicaux. Lesquels ? Ils ne le savent pas eux-mêmes, le but étant de créer un mur du son et de porter la transe au cœur même des foyers. Le cœur fragile au sein du sien, Monsieur Michu n’aurait jamais dû recevoir ce disque dont les timbres stridents et agressifs rappellent ceux des vieilles roulettes de dentiste bruyamment douloureuses de ma jeunesse. Déjà échaudé par les cacophonies festivalières de l’été, le pauvre homme n’a pas résisté à la violence de ces musiques pseudo modernes qui célèbrent le bruit, musiques improvisées n’obéissant à aucune règle, n’appartenant à aucune tradition, mais qui s’implantent sur les ondes et dans les festivals. On vit une époque formidable. Plus besoin d’utiliser clef anglaise, corde, matraque, chandelier, ou revolver pour envoyer ad patres Mademoiselle Rose, le Colonel Moutarde, Madame Pervenche ou Monsieur Michu. Faites-leur parvenir par la poste un de ces disques dont l’écoute terrasse presque à coup sûr. Grâce aux soins qu’il reçoit et à la sympathie dont lui témoigne son entourage, Monsieur Michu va mieux. Il sera rentré chez lui pour écouter Jazz à Fip qu’animera le dimanche 11 Philippe Etheldrède décidément fâché avec le jazz qui se fait aujourd’hui. Certes, le swing et le blues présentent des vertus curatives, mais on ne saurait dire que les derniers disques en solo de Fred Hersch, Bill Carrothers et Richie Beirach en soient dépourvus. Les offrir pour Noël à Monsieur Michu devrait également améliorer son état.

Après vous avoir communiqué mes Chocs de l’année, ce blog sommeillera vers le 20 et ce jusqu’aux premiers jours de janvier. Merci de suivre le blogueur de choc.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT


Aaron Goldberg

-Aaron Golberg en trio au Sunside les 1, 2 et 3 décembre avec Reuben Rogers (contrebasse) et Eric Harland (batterie). Membres du quartette de Charles Lloyd, ces derniers travaillent avec Goldberg depuis une dizaine d’années et assurent la section rythmique de ses disques. On les entend notamment dans “Unfolding” et “Home” (2010), deux de ses meilleurs opus. Natif de Boston, le pianiste s’est récemment fait remarquer dans “Bienestan”, album enregistré en sextette avec Guillermo Klein. Mais c’est davantage en trio que l’ex-partenaire de Joshua Redman nous régale de son art, nous révèle sa grande sensibilité harmonique.

 

Mauro Gargano

-Installé à Paris depuis 1998, Mauro Gargano joue une belle et profonde contrebasse aux harmonies inventives que l’on n’oublie pas. S’il se produit souvent avec Nicolas Folmer, René Urtreger, Christophe Marguet, Philippe Le Baraillec, Bruno Angelini et joue avec de nombreuses formations, c’est avec la sienne que Mauro se produira au Sunset le 2 et fêtera la sortie de “Mo’Avast” (Note Sonanti), son premier disque pour lequel il cherche un distributeur pour la France. Avec lui Francesco Bearzatti, poids lourd du saxophone ténor (et clarinettiste), Stéphane Mercier, saxophoniste belge, un alto avec lequel il travaille depuis 2003, et Fabrice Moreau à la batterie. Le quartette propose une musique ouverte qui laisse beaucoup de place aux solistes, leurs improvisations énergiques se voyant habilement encadrées par une rythmique soucieuse de couleurs et de mélodies chantantes, celles d’un compositeur inspiré.

 

Nicolas-Folmer.jpg-Attendus au Duc des Lombards le 2 et le 3, Nicolas Folmer et Daniel Humair en profiteront pour enregistrer un CD dont la sortie est prévue en mars 2012. Leur formation, un quartette que complètent Alfio Origlio au piano et Laurent Vernerey à la contrebasse, porte le nom de Daniel HumairNicolas Folmer & Daniel Humair Project. Cela fait un an que le batteur et le trompettiste ont commencé à jouer ensemble. Ils se sont découvert des affinités musicales et poursuivent aujourd’hui une association qui se révèle fructueuse sur le plan musical. Leurs concerts en témoignent d’où leur préférence pour un disque live, reflet fidèle de leurs prestations scéniques.

 

Andre-Hodeir.jpg-Le 3 à 17h30, au studio Charles Trenet de Radio France, Patrice Caratini et son Jazz Ensemble rendront hommage à André Hodeir décédé le mardi 1er novembre. Au programme : des œuvres que ce dernier composa dans les années 50 pour le Jazz Group de Paris. André en avait confié les partitions à Patrice et Xavier Prevost qui avait depuis longtemps programmé ce concert pour son émission “Jazz sur le Vif” espérait la présence du compositeur. C’est donc sans André Hodeir, mais en pensant à lui que l’on écoutera ses musiques (On a Scale, Bicinum, Tension détente, Paradoxe I, Evanescence) jouées par une formation de onze musiciens qui outre Patrice à la contrebasse comprend Claude Egea (trompette), André Villéger (saxophone alto), Mathieu Donarier (saxophone ténor), Pierre-Olivier Govin (saxophone baryton) et Alain Jean-Marie (piano).

 

M.-Copland.jpg-Dave Liebman partagera la scène du Sunside avec Marc Copland le 6. Le saxophoniste joue plus souvent avec Richie Beirach, son partenaire au sein de Quest, groupe longtemps mis en sommeil et aujourd’hui réactivé. Enregistré sous leurs deux noms, “Unspoken” (Out Note) est l’une des bonnes surprises de l‘année. Liebman fait toutefois merveille avec Copland. Les deux hommes ont gravé en 2002 un double CD Dave Liebmanfascinant pour hatOLOGY, “Bookends”, dont je recommande l’acquisition. Copland possède son style propre et cultive un piano aux notes transparentes et tintinnabulantes qui ne ressemble à aucun autre. Liebman tempère aujourd’hui son ardeur. La férocité de son langage expressionniste s’est beaucoup émoussée au bénéfice d’un jeu mélodique qui se fait plus abordable.

 

Antonio-Farao-b.jpg-Habitué du Duc des Lombards – il s’y produit souvent avec Dominique Di Piazza et André Ceccarelli - , Antonio Faraò y est attendu les 8, 9 et 10 pour nous faire goûter son phrasé fluide, les couleurs solaires de son piano et nous jouer la musique raffinée de son nouveau disque. Intitulé “Domi” (Cristal Records), ce dernier fait part belle aux ballades, nombreuses au sein d’un répertoire consacré à de nouvelles compositions et qu’interprète un presque nouveau trio. “le Bel Antonio” (les cinéphiles comprendront) choisit avec discernement ses partenaires. Dédé reste derrière ses tambours et Darryl Hall à la contrebasse remplace Di Piazza pour épauler acoustiquement et idéalement son piano.

 

Antoine-Herve-copie-1.jpg-La Maison des Pratiques Artistiques Amateurs (auditorium St. Germain, 4 rue Félibien 75006 Paris) accueille Antoine Hervé le lundi 12 décembre à 19h30 pour une nouvelle leçon de jazz consacrée au pianiste Dave Brubeck. Oncle Antoine nous l’annonce très axée sur les rythmes asymétriques qu’affectionnait Brubeck, leader du quartette qui créa Take Five, composition de Paul Desmond son magnifique saxophoniste. Le 13, Antoine donne un concert en solo dans la ville de Le Perreux sur Marne - 20h30 auditorium Maurice Ravel, 62 avenue George Clemenceau. S’ils le peuvent, les amateurs de piano s’y précipiteront.

 

L. Mignard©Pascal Bouclier-Laurent Mignard et son Duke Orchestra fêtent Noël le 12 à 20h00 au Collège des Bernardins avec des standards, de la musique sacrée, des inédits, des chansons arrangées par Duke Ellington pour le film “Paris Blues” et son album “Midnight in Paris” (Columbia 1962). Ce concert de Noël affichant déjà complet, le Duke Orchestra vous invite à l’écouter le mardi 27 au conservatoire de Clamart (2 séances gratuites à 17h30 et 21h00). La formation en profitera pour enregistrer live son deuxième album qui s’intitulera “Ellington French Touch”. Réservations : info@jazzaclamart.fr

TSJ Jazz 2011

 

-Nuit TSF Jazz à l’Olympia le 12. “You & the Night & the Music” réunit douze formations dont celles de Gretchen Parlato,Mario Canonge, Stéphane Belmondo (avec Kirk Lightsey et Gregory Porter), Stefano di Battista (en duo avec Yaron Herman). A la tête du Nice Jazz Orchestra, le saxophoniste Pierre Bertrand se voit confier l’orchestre de cérémonie et André Ceccarelli est l’invité d’honneur de la manifestation.

 

Bill-Carrothers.jpg-Toujours le 12, Bill Carrothers retrouve le Duc des Lombards pour deux concerts (20h00 et 22h00). Avec Nicolas Thys (contrebasse) et Dré Pallemaerts (batterie), musiciens qui l’accompagnent dans le double CD “A Night at the Village Vanguard” publié cette année. Imprévisible, changeant de répertoire au gré de sa fantaisie, le pianiste peut tout aussi bien se pencher sur les thèmes que jouait Clifford Brown que sur les musiques de l’histoire de l’Amérique, ses hymnes qu’il affectionne. Bill peut aussi regarder son passé, se remémorer Excelsior, la petite ville de sa jeunesse. L’album qu’il lui a récemment consacré sur le label Out Note est l’un des plus émouvants de l’année.

G.-Parlato-c-Ph.-Etheldrede.jpg

 

-Gretchen Parlato au Duc le 13 avec une formation comprenant le talentueux pianiste Taylor Eigsti, le guitariste Alan Hampton, le bassiste Derrick Hodge et le batteur Justin Browne. La chanteuse possède une voix singulière qui psalmodie et étale avec nonchalance d’étranges vocalises. Elle soigne aussi les orchestrations de ses musiques, des morceaux de ses musiciens, mais aussi de Miles Davis (Blue in Green), Wayne Shorter (Juju), Ambrose Akinmusire (Henya) et Robert Glasper qui a co-produit son dernier album. Leurs arrangements minimalistes renforcent son aspect hypnotique.

 

 

-Découvert par Xavier « big ears » Felgeyrolles, le saxophoniste Baptiste Herbin impressionne par la maîtrise de son instrument, le saxophone alto qu’il étudia avec Jean-Jacques Rulhmann et Julien Lourau. Installé à Paris depuis B. Herbin © Ph. Etheldrède2005, cet habitué de la rue des Lombards est de toutes les jam-sessions. Il connaît le vocabulaire du bop, joue des lignes de blues qui sortent les plus sourds de leur sommeil, mais aussi de la salsa, de la musique malgache (avec l’Ouranos Quartet que dirige le guitariste Dimitri Dourantonis) et pratique un éclectisme musical réjouissant. Le Duc des Lombards l’accueille le 19 avec un septet comprenant Yoann Loustalot à la trompette, Michael Cheret au saxophone ténor, Fred Couderc au saxophone baryton, Alain Jean-Marie au piano, Gilles Naturel à la contrebasse et Romain Sarron à la batterie. Au programme : la musique d’Oliver Nelson (1932-1975), saxophoniste, compositeur et arrangeur dont le disque le plus célèbre “The Blues and the Abstract Truth” (un enregistrement en septet) réunit Eric Dolphy, Freddie Hubbard et Bill Evans. Nul doute que Baptiste et ses complices reprendront Stolen Moments la plus célèbre composition de Nelson, un cadeau de Noël à ne pas manquer.      

 

Mario Canonge a-S’il invite des amis musiciens pour donner des couleurs chatoyantes à ses musiques - Irving Acao, Manu Codjia participent à “Mitan” son dernier album, le quinzième qu’il enregistre sous son nom - , le pianiste antillais Mario Canonge joue en trio des musiques créoles et métissées, mais aussi du jazz qu’il aime rythmé et mélodique. Le Sunside lui en offre la possibilité pendant trois soirs, les 19, 20 et 21 décembre. Avec lui Felipe Cabrera, le bassiste d’Harold López-Nussa, un musicien cubain à même de comprendre la tonalité caraïbe de sa musique. Egalement d’origine cubaine (il est né à La Havane en 1970), Lukmil Perez Herrera son batteur vit et travaille à Paris depuis 1999. Nul doute que dynamisée par une telle rythmique, sa musique donne envie d’embrasser le soleil.

Duc des Lombards

 

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Maison de Radio France : www.radiofrance.fr

-Auditorium St Germain : www.mpaa.fr

-Collège des Bernardins : www.collegedesbernardins.fr

-Olympia : www.olympiahall.com

 

PHOTOS : Aaron Goldberg, Mauro Gargano, Nicolas Folmer, Daniel Humair, Dave Liebman, Marc Copland, Antonio Faraò, Antoine Hervé, Bill Carrothers © Pierre de Chocqueuse - Laurent Mignard © Pascal Bouclier – Gretchen Parlato, Baptiste Herbin © Philippe Etheldrède - Mario Canonge © Enzo Productions.

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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 00:00

Delbecq-Houle--cover.jpgBenoît Delbecq travaille avec François Houle depuis 1996. Lorsque la distance le lui permet. Directeur artistique du Vancouver Creative Music Institute et grand clarinettiste, ce dernier joue aussi bien Mozart que Messiaen, du jazz que du classique. C’est à l’occasion de quelques concerts donnés en France en janvier 2011 que cet album, leur troisième, a été rendu possible. “Dice Thrown” leur précédent, date de 2002. Neuf ans donc que Delbecq et Houle n’ont pas joué ensemble, et pourtant les premières mesures de The Mystery Song donnent l’impression qu’ils ne se sont jamais quittés tant la musique se fait inventive et fluide. Duke Ellington l’écrivit pour le danseur à claquettes Eddie Rector au début des années 30, lorsque avec son orchestre, il faisait les beaux soirs du Cotton Club de Harlem. Il le grava pour le label Victor, le 17 juin 1931. Son étrange mélodie chromatique jouée pianissimo par les cuivres ressort ici encore plus mystérieuse. Les notes graves du Bösendorfer 225 se marient à la clarinette dont les aigus, tels des cris de mouettes rieuses, renforcent l’envoûtement. L’autre reprise de cet opus est Clichés de Steve Lacy, un extrait de “Prospectus”, disque de 1982 que le label hatOLOGY réédita en 1999. Benoît a placé dans certaines cordes de son instrument des morceaux de bois ou des gommes qui en modifient le timbre. Il fait de même dans Pour Pee Wee. Simple jeu de miroirs et de résonances, Le bois debout, la pièce la plus courte de l’album, introduit Because She Hoped, composition très lente, presque austère, dont la structure, le fil conducteur reste mélodique. Le morceau privilégie les timbres, les couleurs et abrite des échanges spontanés. Le concombre de Chicoutimi  (dédié au hockeyeur Georges Vezina) et Binoculars semblent également improvisés. Les instruments s’écoutent, se complètent, se lâchent. La musique coule, se déplace avec aisance, le piano se faisant liquide dans un Binoculars onirique. Ando nous entraîne sur des terres africaines. Benoît le joue en solo dans “Circles and Calligrams”, en trio dans “The Sixth Jump”. Son piano préparé devient instrument de percussion, sonne comme un balaphon. Les notes graves font office de tambours. La clarinette se glisse et y trouve naturellement sa place. Les deux dernières plages ont été enregistrées live au Petit Faucheux. Elles s’étalent dans la durée, la scène étant propice aux longs développements. Nancali donne son titre à leur premier album. On mesure le travail accompli : une plus grande expérience, une profonde connaissance de la musique de l’autre. Celle de Benoît est un univers sonore. La clarinette de François s’y intègre avec beaucoup de naturel. Son chant en parfait la musique.

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