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16 avril 2011 6 16 /04 /avril /2011 10:33

F.-Couturier-Tarkovsky-Quartet--cover.jpgFrançois Couturier a longtemps joué du jazz avec des musiciens cherchant comme lui à faire tomber les barrières cloisonnant les genres musicaux. Une longue collaboration avec Anouar Brahem l’a conduit à se rapprocher de la mélodie, du silence. Ouvert aux musiques de son temps, le pianiste s’intéresse moins au swing qu’à l’élaboration d’une musique ouverte dépassant le cadre du jazz. François a ainsi étudié et déchiffré de nombreuses partitions tant classiques que contemporaines, et a récemment enregistré un album entier d’œuvres du compositeur catalan Federico Mompou. Les trois albums ECM qu’il consacre à Andreï Tarkovsky, son cinéaste préféré, sont parfaitement représentatifs de sa démarche esthétique, le choix d’une musique acoustique qui privilégie la ligne mélodique, mais ne se refuse pas l’improvisation, l’atonalité, la modalité, et affirme haut et fort sa liberté. Comme les deux précédents opus de cette trilogie - “Nostalghia”  et “Un jour si blanc”  - , ce “Tarkovsky Quartet” aurait pu sortir sur le label ECM New Series qui rassemble de nombreuses œuvres contemporaines de qualité. S’il échappe à toute classification, il contient mélodie, harmonie, rythme et nous fait passer de l’autre côté du miroir où la musique se rêve et fait voir des images. S’inspirant de celles, inoubliables, de Tarkovsky, mais aussi de son journal, François Couturier a composé neuf pièces musicales illustratives et féeriques, s’autorisant quelques emprunts à Pergolèse, Bach, Chostakovitch, nourrissant sa musicalité auprès des maîtres. Trois improvisations collectives offrent des moments d’attente (San Galgano), d’abstraction suspendue (Sardor), les instruments déployant majestueusement leurs ailes entre ciel et terre (La main et l’oiseau). Bien que bénéficiant d’une instrumentation identique à celle de “Nostalghia”, la musique est plus orchestrale, davantage pensée pour les quatre instruments du quartette. Le violoncelle d’Anja Lechner, l’accordéon de Jean-Louis Matinier, le saxophone soprano de Jean-Marc Larché et le piano de François font chanter leurs timbres, déploient une large palette de couleurs. Portée par les magnifiques ostinato du piano (Tiapa, Mychkine), constamment enrichie de notes délicates, la ligne mélodique frémit d’aise et s’envole. Les yeux clôts, on la suit dans son voyage, périple peuplé de visions, de souvenirs qui se mêlent aux nôtres pour nous toucher profondément.   

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13 avril 2011 3 13 /04 /avril /2011 08:49

Jazz---Java-c-Vincent-Gramain.jpgVENDREDI 25 mars

Antoine Hervé au théâtre Jean Vilar de Suresnes dans une nouvelle création en quintette, “Le Jazz et la Java”, clin d’œil à Claude Nougaro dont il reprend la chanson. Un programme au sein duquel, grâce à la chanson française, le jazz s’offre de nouveaux standards, des textes poétiques, des vraies mélodies parlant à tous. Edith Piaf (Mon amant de Saint-Jean, L’Hymne à l’amour), Yves Montand (A bicyclette), Serge Gainsbourg (La Javanaise, Les Sucettes, Couleur café) nous les ont fait connaître. Oncle Antoine n’a pas oublié Michel Legrand, auteur de Antoine-Herve---Melanie-Dahan.jpgthèmes admirables comme cette Chanson de Maxence extraite des “Demoiselles de Rochefort”. Pour les chanter, une autre demoiselle, Mélanie Dahan. Sa voix fraîche, agréable se prête bien à ce répertoire. Mélanie ne scate pas, mais vocalise, interprète avec sensibilité ces chansons, en articule parfaitement les paroles, les rend sensibles et convaincantes. Exposant les thèmes, elle en chante les lignes mélodiques et les confie à Antoine qui les transforme, leur apporte d’autres couleurs harmoniques, les engage sur le terrain poétique de l’improvisation. Comme Les Feuilles mortes, morceau bénéficiant d’un arrangement malicieux le faisant passer d’un tempo à un autre, les bons moments se ramassent à la pelle dans une recréation qui apporte au jazz de nouveaux standards. Les musiciens exploitent avec bonheur le potentiel mélodiques de ces airs qu’il fait bon chantonner. Eric Le Lann et sa trompette magique entrouvrent les portes de la nuit. Michel Benita caresse une contrebasse ronronnante de plaisir. Philippe Garcia fait doucement parler ses tambours, chuchote des Eric-Le-Lann---michel-Benita.jpgrythmes qui ponctuent un flux musical réservant bien des surprises. A Bicyclette qui roule sur un tempo très rapide croise All Blues de bon matin sur son chemin. Plus surprenantes encore ces relectures jazz de chansons du répertoire d’Edith Piaf, Les amants d’un jour (avec Michel Benita à la guitare basse) et L’Hymne à l’amour que Piaf composa, morceau bénéficiant des harmonies arc-en-ciel d’un piano élégant. Antoine Hervé l’introduit longuement en solo, en dévoile progressivement le thème. Abordée sur un tempo très lent, sa mélodie inoubliable gagne en intensité lyrique. Mélanie Dahan la chante avec beaucoup d’émotion et elle nous met les larmes aux yeux dans Ne me quitte pas, un duo voix piano, le rappel poignant d’un concert qui confirme que pour être mieux accepté le jazz a besoin de vraies mélodies qui parlent au cœur et pas seulement d’exploits techniques qui ne s’adressent qu’à l’intellect.

 

Didier-Malherbe.jpgMARDI 29 mars

Le Hadouk Trio au New Morning avec en première partie Didier Malherbe et Eric Löhrer qui fêtent la sortie de “Nuit d’Ombrelle” (Naïve), double album comprenant un disque de standards et un second totalement improvisé. Occupant la scène une bonne demi-heure, les deux complices donnèrent des couleurs inédites à St James Infirmary, firent briller nos yeux de plaisir avec Smoke Gets in your Eyes, improvisèrent un Vaguablues et reprirent plusieurs pièces de Thelonious Monk  ‘Round Midnight, Think of One, Friday the 13th avec Steve Shehan pour rythmer la musique. On sait l’admiration Eric Löhrerque le guitariste porte au Moine. Rappelons “Evidence” enregistrement en solo que Löhrer lui consacra et qui reste sa plus belle réussite. Transposer Monk à la guitare n’est pas facile, mais le jouer au doudouk, instrument arménien en Loy-Ehrlich.jpgbois d’abricotier qui ne possède qu’une octave et une quarte tient de l’exploit. Didier Malherbe parvient à moduler ses notes, à les faire vibrer, à les poétiser. On classe l’instrument dans la famille des hautbois, mais son timbre doux et triste porte l’âme d’un peuple et évoque son histoire. Didier le découvrit en 1993 et n’a jamais cessé d’en jouer, l’associant à la sonorité d’ensemble du Hadouk Trio qui nous offrit quelques belles pièces de son répertoire, Dragon de Lune avec Didier au soprano, Barca Solaris, les notes de Loy Ehrlich sonnant comme celles Steve-Shehan.jpgd’un santour. Batteur percussionniste constamment inspiré, Steve Shehan joua bien sûr du hang, sphère métallique qui comprend sept ou huit notes et une fondamentale. Le Hadouk Trio nous fit voir le bleu du ciel avec la world musique planante et aérienne d’“Air Hadouk”, un disque plus proche du jazz que les précédents opus du groupe. On décolle avec Lomsha pour se poser en douceur avec Soft Landing. Le rappel vit le groupe inviter Eric Löhrer et Jean-Philippe Rykiel (claviers électriques) pour une tournerie magique dont les derviches gardent le secret.

 

Fay ClaassenMERCREDI 30 mars

Fay Claassen au foyer du théâtre du Châtelet pour une présentation de son dernier album “Sing ! ” dont vous trouverez une récente chronique dans ce blog. N’étant guère possible de faire venir de Cologne le WDR Big Band, c’est accompagné d’un trio que Fay nous en chanta les morceaux, Olaf Polziehn au piano et Christophe Wallemme se chargeant des chorus. Ce dernier sait mettre en valeur la sonorité ronde, charnue de sa contrebasse. Il n’en fait jamais trop et sert idéalement la musique de Fay, un répertoire éclectique (Cole Porter, Joni Mitchell, Betty Carter, Ennio Fay Claassen cMoricone, Abbey Lincoln). Fay le chante magnifiquement. Elle possède un solide métier, place sa voix sur la musique, étire les mots, longues notes tenues et sensibles joliment modulées. Elle impressionne par la qualité de ses scats (dans You’d Be So Nice to Come Home notamment), mais ce sont les ballades qu’elle reprend qui révèlent davantage ses qualités vocales, le parfait placement de sa voix, la justesse de son chant. Love for Sale de Cole Porter abordé sur tempo lent, You Turn Me On que chantait la grande Blossom Dearie, My Funny Valentine furent ainsi de grands moments de tendresse. Un  piano élégant les habilla d’harmonies lumineuses, et si Stéphane Huchard n’eut guère l’occasion de jouer son propre jeu  de batterie, il rythma avec humilité la musique, la portant discrètement au zénith.

 

Photos : © Pierre de Chocqueuse - Grande photo avec, de gauche à droite, Philippe Garcia, Michel Benita, Mélanie Dahan, Antoine Hervé et Eric Le Lann © Vincent Gramain.

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9 avril 2011 6 09 /04 /avril /2011 11:42

Fred-Hersch-alone--cover.jpgEnregistré au Vanguard de New York en décembre 2010, ce concert de Fred Hersch ne possède pas l’intensité de celui qu’il donna en solo au Sunside en octobre dernier devant un public clairsemé, un moment de grâce comme les musiciens sont capables d’offrir lorsqu’ils sentent le public en osmose avec eux. Hersch joue pourtant un piano inspiré, une musique si fluide que l’on ne perçoit pas l’immense technique qu’elle nécessite. Son disque est le dernier set d’un engagement d’une semaine dans le club new-yorkais. Le pianiste y exprime ses sentiments, habille de superbes couleurs harmoniques les standards qu’il reprend et transforme. Le son est malheureusement un peu écrasé ce qui ne facilite pas son écoute. Il faut passer outre et se laisser porter par une musique qui ne dévoile pas d’emblée sa richesse. Fred commence son set par une version romantique d’In the Wee Small Hours of the Morning que des notes perlées enveloppent d’un baume apaisant. Il flatte la belle ligne mélodique de Memories of You d’Eubie Blake par des fioritures exquises, et nous fait tourner la tête avec Echoes qui ruisselle de tendresse. Rythmiquement, le pianiste fascine par son sens du tempo, sa conception très souple du rythme qui lui permet de passer du stride au boogie dans Down Home et Lee’s Dream, ou de jouer une bossa (Doce de Coco) avec un brio sans pareil. Héritant de nouvelles harmonies et d’une cadence inhabituelle, Work de Thelonious Monk devient un morceau presque neuf, et l’on peine à reconnaître Doxy de Sonny Rollins dans une progression d’accords labyrinthiques qui s’achèvent sur un blues. Certaines compositions furent interprétées à Paris : Work dans une version plus monkienne que celle proposée ici, et Pastorale, pièce contrapuntique dédiée à Robert Schumann dans laquelle cohabitent plusieurs lignes mélodiques, morceau aux accords de rêve et au feeling miraculeux.

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6 avril 2011 3 06 /04 /avril /2011 08:56

M.-Copland-4tet--b-cover.jpgMarc Copland s'entend fort bien avec le saxophoniste Greg Osby qui aime les risques et les rencontres. Les phrases fluides et lyriques du saxophone alto soulignent et complètent le discours hypnotique de son piano cristallin. Je préfère Marc en solo ou en trio, mais il a enregistré deux albums en duo avec Greg dans les années 90, connait sa musique, sa manière de phraser, et anticipe parfaitement ses réactions. Plus discrète que celle de Gary Peacock ou de Drew Gress, la contrebasse de Doug Weiss apporte au groupe une solide et régulière assise rythmique. Construit sur des accords de bop, son Ozz-Thetic (un clin d’œil musical à George Russell qui composa Ezz-Thetic), fait entendre une walking bass aux lignes mobiles calée sur un chabada presque classique. On le doit à Victor Lewis qui donne consistance à la musique par une frappe un peu lourde, très variée sur le plan des timbres. Le tissu rythmique peut se trouver distendu, comme dans Diary of the Same Dream, pièce abstraite de Greg Osby enrichie par les harmonies magnifiques qu’apporte le piano, il n’en reste pas moins que la contrebasse et la batterie servent avec imagination les solistes. Apportant trois compositions dont Talkin’Blues précédemment enregistré en duo avec Peacock, Copland donne de l’importance à la couleur et à la dynamique de ses notes scintillantes, construit ses morceaux sur des ostinato qui libèrent la rythmique. Son fameux jeu de pédales confère des teintes délicates et brumeuses à ses harmonies bohémiennes dont profitent les ballades de l’album, Slow Hand qu’il a écrit et Tenderly, un standard qu’il fait bon écouter. Très bonne version de Minority, un thème de Gigi Gryce que l’on joue beaucoup ces temps-ci. Une réussite.

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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 15:45

EXCELSIOR, Bill Carrothers,coverAvril: il pleut des disques en pagaille, des bons et surtout des moins bons. Parmi ces derniers, un enregistrement en solo d’Olivier Benoît, guitariste très prisé par une avant-garde intellectuelle affranchie de toute tradition. Il faut en effet prêter une oreille plus qu’attentive pour découvrir de la musique dans trois longues plages avares de notes, les sons perceptibles n'étant que frôlements, grincements, frottements et effets de larsen « vocabulaire timbral large n’utilisant que très peu d’ustensiles et peu d’effets » précise le communiqué de presse. Armand Meignan souhaite paraît-il programmer le phénomène au Mans, ville habituée aux tremblements de terre culturels. J’ai fait entendre le disque à Bernard, cet ami de Jean-Paul qui après avoir vainement essayé de faire jouer de la musique par des robots (voir mes éditos de mars et avril 2010) se lance dans un jazz conceptuel beaucoup moins onéreux. Le musicien installe son instrument sur scène, mais n’y touche pas. Il se contente d’annoncer les titres des morceaux. Au public d’en imaginer la musique. Rendu sourd par la cacophonie de ses machines déréglées, Bernard se bat pour imposer le silence, la plus belle des musiques. Si la beauté du silence est effectivement préférable aux grattements sonores d’Olivier Benoît, les bons disques qui renferment de la musique procurent un bonheur indicible. Parmi ceux qui sortent en avril, “Excelsior” de Bill Carrothers (Out Note Records, parution le 14) émerveille par ses inventions mélodiques, la nostalgie poignante de ses improvisations. J’en réserve la chronique au numéro de mai de Jazz Magazine / Jazzman. Le pianiste rêve d’Excelsior, petite bourgade du Minnesota dans laquelle il a vécu sa jeunesse. La musique de son album, Bill l’a fait jaillir spontanément de lui-même, imprégnant de son âme ses souvenirs les plus chers.

 

Jean-Paul qui vient de relire ce texte me demande d’annoncer que le prochain Jazz à Fip de Philippe Etheldrède, le Tarzan des ondes, est le dimanche 17 avril. J’en profite pour vous prévenir que Laurent Mignard donne une conférence le lundi 4 au Collège des Bernardins, 20 rue de Poissy 75005 Paris. Son thème : "Duke Ellington manager". Dans le même somptueux bâtiment, François Theberge en donnera une le 2 mai sur les trombones ellingtoniens.       

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Prysm-FivecChristophe-Charpenel.jpg-Le retour de Prysm mis en sommeil en 2001, peu après l’enregistrement de son quatrième album. Pierre de Bethmann (piano et fender rhodes), Christophe Wallemme (contrebasse) et Benjamin Henocq (batterie) se sont retrouvés en 2009 pour des concerts à l’opéra de Lyon, Rosario Giuliani (saxophone alto) et Manu Codjia (guitare) les rejoignant sur scène. Leur nouveau disque en renferme les meilleurs moments, des relectures inventives des grands titres de leur ancien répertoire. Ils espéraient en fêter tous ensemble la sortie au Duc des Lombards les 4, 5 et 6 avril, mais handicapé par une double fracture de l’épaule, Pierre de Bethmann ne pourra assurer au piano. La guitare de Manu Codjia aura mission de suppléer son absence, tâche délicate mais non point impossible. La musique du groupe sera de toute manière différente avec Rosario Giuliani également présent les trois soirs, Prysm se transformant pour la première fois de son histoire en quartette sans piano.

 

Tirtha_bw_1_Alan-Nahigian.jpg-Vijay Iyer et Thirtha (passage, traversée en sanscrit) son trio indien le 5 à Clichy-sous-bois (20h30, Espace 93 Victor Hugo) dans le cadre du festival Banlieues Bleues. Après le très abouti “Historicity” enregistré en trio et un album en solo presque aussi convaincant, le pianiste propose une musique plus proche de ses origines. Ouvertes au tumulte comme à l’émotion mais ancrées dans une approche occidentale de la musique, ses recherches harmoniques et rythmiques se voient confrontées aux subtilités de la musique carnatique. Avec lui, deux musiciens indiens qui vivent comme lui en Amérique : le guitariste Prasanna et le joueur de tablas Nitin Mitta. Sur le plan rythmique et mélodique, leur musique emprunte beaucoup à la musique carnatique, mais Iyer joue son propre piano, ce qui génère de passionnants moments musicaux.

 

Daniel Yvinec ONJ-L’ONJ au Blanc-Mesnil le 6 (20h30, Le Forum, salle Barbara) dans le cadre de Banlieues Bleues. Au programme, le répertoire de “Shut up and Dance” son dernier album, compositions sur le thème du mouvement et de la danse que l’on doit à John Hollenbeck, batteur new-yorkais qui, à la tête de son Large Ensemble, a enregistré plusieurs disques novateurs. Ne manquez pas ce concert, le dernier de l’ONJ avant que l’orchestre ne s’envole fin avril pour les Etats-Unis. Guillaume Poncelet son trompettiste cède sa place à Sylvain Bardiau (La compagnie des Musiques à Ouïr, Journal Intime) et Daniel Yvinec a été reconduit pour trois ans dans ses fonctions de directeur artistique. Souhaitons-lui plein d’idées mirifiques.

Antoine Hervé

 

-Antoine Hervé à la maison des pratiques artistiques amateurs (auditorium St. Germain) le 11 à 19h30 pour une leçon de jazz consacrée aux deux quintettes « historiques » de Miles Davis. Pour l’illustrer, oncle Antoine réunit Eric Le Lann (trompette), Stéphane Guillaume (saxophones), Michel Benita (contrebasse) et Philippe Garcia (batterie). Beau programme, belle formation dont Antoine est D. Douglas © LauraTenenbaumbien sûr le pianiste.

 

 

-Le trompettiste Dave Douglas le 12 à la Cité de la musique (20h00) pour un hommage au Brass Fantasy de Lester Bowie dont faisaient partie Vincent Chancey au cor et Luis Bonilla au trombone. On les retrouve dans Brass Ecstasy, la formation de Douglas. Marcus Rojas au tuba, Nasheet Waits à la batterie complètent ce quintette très cuivré qui rappelle les vieux brass bands de la Nouvelle-Orléans.

 

-Du 12 au 16 avril inclus, Kurt Rosenwinkel occupe le Sunside avec un quartet comprenant Aaron Parks au piano, Eric Revis à la contrebasse et Justin kurt RosenwinkelFaulkner à la batterie. Kurt est l’un des plus excitants guitaristes de la scène jazz actuelle. Il joue des intervalles inhabituels, possède une façon très personnelle d’assembler ses notes, de les faire sonner et respirer. Un phrasé unique qu’il met au service de phrases simples et mélodiques. Remarqué par John Scofield, Pat Metheny et Joshua Redman dont il emprunte l’actuel pianiste, ce natif de Philadelphie, ancien élève de la Berklee School a enregistré une dizaine d’albums sous son nom, notamment pour Verve, les trois derniers pour le label Wommusic.

 

Overtone-Le 17, un dimanche, Dave Holland, l’un des meilleurs contrebassistes de la planète jazz présentera Salle Pleyel son Overtone Quartet, formation réunissant de grands spécialistes de leurs instruments respectifs. Au piano Jason Moran n’est jamais meilleur que lorsqu’il s’exprime comme sideman. Saxophone puissant et véloce, Chris Potter est également un arrangeur très compétent. Enfin Eric Harland rythme le jazz comme nul autre derrière sa batterie. Difficile donc d’ignorer de telles pointures en France pour seulement deux concerts, le Festival de Jazz de Berne les réclamant le 19. Dernière minute : Concert et tournée annulés.

 

Steve-Turre-n-b.jpg-Steve Turre en quartette au Duc des Lombards les 18 et 19 avec Nico Menci au piano, Marco Marzola à la contrebasse et Dion Parson à la batterie. On a un peu perdu de vue ce tromboniste qui a joué avec Ray Barreto, Tito Puente, Ray Charles, Woody Shaw, Dizzy Gillespie, les Jazz Messengers et Roland Kirk, son maître, qu’il accompagna fidèlement jusqu’à sa disparition en 1977. Ce dernier lui dévoila l’importance du blues et du gospel et lui apprit comment utiliser conques et coquillages avec lesquels il enregistra ses plus beaux disques. Parmi eux, l’inoubliable “Rhythm Within” (1995), joyau de sa discographie.

 

Clayton Brothers Quintet-Le Clayton Brothers Quintet au Duc des Lombards les 21, 22 et 23 avril. Jeff et John Clayton sont frères et leur combo existe depuis 1977. Le premier joue du saxophone alto. Le second de la contrebasse. John compose et arrange les morceaux de la formation. Avec le batteur Jeff Hamilton, il co-dirige le Clayton / Hamilton Jazz Orchestra qui accompagne Diana Krall dans plusieurs de ses disques. Gerald Clayton le pianiste est le fils de John. Sur EmArcy, il publie un nouvel album en mai, “Bond”, enregistré au studio de Meudon. Terrell Stafford, le trompettiste du groupe que complète Obed Calvaire à la batterie, est également un musicien accompli. De l’excellent jazz en perspective.

 

Celine-Bonacina-c-Sylvain-Madelon.jpg-Le 23, à 17h30, le Studio Charles Trenet de Radio France accueille le trio de Céline Bonacina. D’un long séjour de sept ans à la Réunion, Céline y a rapporté une musique à la fois personnelle et dansante, énergique et tendre. Elle joue des saxophones alto et soprano, mais utilise surtout le baryton, donnant ainsi du poids à ses notes percussives, à ses phrases graves et chantantes, matière sonore qu’elle sculpte de son souffle. Kevin Reveyrand (basse électrique) et le fidèle Hary Ratsimbazafy (batterie et percussions) accompagnent un discours musical toujours cohérent, des compositions structurées qui accordent une large place à l’improvisation.     

 

Anne Ducros © JB MILLOT-Anne Ducros au Sunside les 22 et 23 pour chanter la grande Ella Fitzgerald dont elle reprend partiellement le répertoire dans son dernier disque “Ella…My Dear” publié l‘an dernier et enregistré avec le « Coups de vents » Wind Orchestra. Au Sunside, Anne choisit Benoît de Mesmay au piano, Gilles Nicolas à la contrebasse et Bruno Castellucci à la batterie pour accompagner sa voix chaude et puissante, l’une des plus vertigineuses du jazz français. La fluidité de ses scats traduit son métier. Elle sait rythmer les mots qu’elle chante, en tenir ses notes, et les faire respirer. Ses concerts sont toujours de grands moments, car Anne aime son public, communique avec humour avec lui et prend toujours plaisir à lui offrir le meilleur de son chant.

 

Henri-Texier.jpg-Henri Texier et son Nord Sud Quintet au Duc des Lombards les 25 et 26. Fourre-tout rassemblant des thèmes simples arrangés avec soin, “Canto Negro” le dernier disque du groupe puise son inspiration dans les musiques des terres chaudes de la planète. Le contrebassiste voyageur nous livre ses impressions d’Afrique, d’Amérique du Sud, de Louisiane. Sa musique métissée évoque parfois le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden. La section rythmique qu’il constitue avec Christophe Marguet à la batterie est suffisamment souple pour que les solistes puissent s’y glisser. Sébastien Texier et Francesco Bearzatti mêlent très judicieusement les timbres de leurs instruments (saxophones et clarinettes), la guitare parfois très rock de Manu Codjia (Mucho Calor) se faisant miel dans des ballades solaires qui constituent la majeure partie d’un répertoire le plus souvent mélodique.

 

-Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com

-Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org

-Auditorium St Germain : www.mpaa.fr

-Cité de la Musique : www.cite-musique.fr

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Salle Pleyel : www.sallepleyel.fr

-Maison de Radio France : www.radiofrance.fr

 

Photos : Prysm © Christophe Charpenel - Thirtha © Alan Nahigian - Dave Douglas © Laura Tenenbaum - Céline Bonacina © Sylvain Madelon - Anne Ducros © Jean-Baptiste Millot - Daniel Yvinec, Antoine Hervé, Henri Texier © Pierre de Chocqueuse - Kurt Rosenwinkel, Overtone Quartet, Steve Turre, The Clayton Brothers : photos X / DR.

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 11:08

Fay-Claassen-Sing---cover.jpgOn la connaît encore mal en France bien qu’elle soit l’une des trois voix de l’album de David Linx “One Heart, Three Voices”, celle de Maria Pia De Vito complétant la formation. Avec cinq albums à son actif (“Sing !” est le sixième) et déjà une longue carrière derrière elle, Fay Claassen est considérée à juste titre comme la meilleure chanteuse de jazz des Pays-Bas. Elle a d’ailleurs récemment obtenu un Edison Award, la plus importante récompense de son pays, l’équivalent d’un Grammy Award américain. Après avoir chanté Chet Baker et Cole Porter, cette ancienne élève de Rachel Gould s’offre l’un des meilleurs orchestres de jazz européen, le WDR Big Band de Cologne, placé sous la direction de Michael Abene. Ce n’est pas la première fois que Fay joint sa voix à une masse orchestrale imposante. Elle a donné des concerts avec les jazzmen du Concertgebouw d’Amsterdam, le Danish Radio Big Band, le Metropole Orchestra et a déjà travaillé avec Michael Abene, lui confiant le soin d’arranger “Red, Hot & Blue”, son disque précédent. Abene possède un grand sens des volumes. Les sections de l’orchestre mêlent harmonieusement leurs timbres, constituent des bouquets sonores d’une grande variété de couleurs, chaque morceau possédant ainsi son propre caractère. Les flûtes occupent une place importante dans Umhome. Leurs riffs répondent à la voix dans Is You Is Or Is You Ain’t My Baby, un thème de Louis Jordan que reprit Dinah Washington. A Good Man is Hard to Find, un vieux blues de Bessie Smith qui donna son titre à une célèbre nouvelle de Flannery O’Connor, privilégie le trombone. Les cordes enveloppent Throw it Away, une guitare placée au premier plan renforçant l’aspect folk de cette ballade d’Abbey Lincoln. Car Fay Claassen est une interprète qui s’ouvre à un répertoire très varié. Outre des standards, elle chante Antonio Carlos Jobim (en portuguais !), Miriam Makeba, Joni Mitchell et Björk, son Cover me héritant d’une partition hantée par des cordes et des dissonances, une musique illustrative que l’on verrait bien accompagner des images. Dans Be Cool, la voix swingue, rythme de manière très naturelle les paroles de la chanson de Joni Mitchell. Fay les remplace par des onomatopées dans Umhome de Miriam Makeba. La parfaite mise en place de sa voix un peu voilée lui permet de constamment survoler l’orchestre, de dialoguer rythmiquement avec lui. Ses scats particulièrement inventifs dans Tight, Is You Is Or Is You Ain’t My Baby et l’inusable Tea for Two traduisent son formidable métier. Sa version émouvante d’Everything Must Change révèle sa sensibilité. Auprès d’elle, les musiciens de l’orchestre se répartissent les chorus. Leurs noms ne vous diront rien. Vous les trouverez sur la pochette de ce CD fort réjouissant.

 

Au sein d’un quartette comprenant Olaf Polziehn au piano, Christophe Walemme à la contrebasse et Stéphane Huchard à la batterie, Fay Claassen présentera son album le 30 mars à 19h30 dans le Grand Foyer du théâtre du Châtelet. Entrée gratuite dans la mesure des places disponibles. Un second concert est prévu le 31 mars à 21 heures au Sunside.

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24 mars 2011 4 24 /03 /mars /2011 14:43

de-Wilde-Quartet.jpg

VENDREDI 4 mars

Géraldine Laurent (saxophone alto), Laurent de Wilde (piano), Yoni Zelnik (contrebasse) et Luc Insemann (batterie) au Sunside dans un programme entièrement consacré à Wayne Shorter. Le quartette avait déjà abordé ce répertoire en février 2009 dans ce même club qu’ils affectionnent et dans lequel au sein de diverses formations, ils se produisent régulièrement. Jouer des musiques de Shorter, c’est s’attaquer à des mélodies singulières, des paysages sonores brumeux et fantomatiques aux tonalités flottantes et ambiguës. Greffant sur elles des harmonies et des rythmes nouveaux, le groupe renouvelle ces morceaux tout en parvenant à conserver leur aspect troublant. Dès le premier set, Géraldine prend G.-Laurent---L.-de-Wilde.jpgles choses en main, souffle avec vigueur et autorité les notes d’Armageddon, donne du tonus à Barracudas, un thème de Gil Evans reconnaissable à sa structure rythmique. Le chant de l’alto se fait tendre et émouvant dans Fall, une ballade envoûtante nimbée de mystère que Shorter jouait avec Miles Davis. Après avoir soulevé des tourbillons de notes dans Eighty One, le piano prend le temps de rêver. Portés par un tissu rythmique suffisamment souple pour permettre à la musique de toujours respirer, Laurent et Géraldine dialoguent, inventent et bousculent joyeusement nos habitudes d’écoute. Nombreux sont leurs échanges dans une version rénovée d’Eighty One, mais aussi dans Pinocchio, autre thème fascinant naguère confié à Miles qui inspire les solistes, incite le groupe à doubler le tempo, à improviser avec un brio sans pareil. Adam’s Apple hérite d’une rythmique funky et d’un grand solo de contrebasse. Laurent donne puissance et dynamique à son instrument, le trempe constamment dans le blues et le bleu. Il n’existe aucun disque de cette formation que l’on aimerait entendre plus souvent. Qu’attend-elle pour enregistrer ce répertoire, le mettre à la disposition de tous ?

 

Patrice-Caratini.jpgLUNDI 7 mars

Au P'tit Journal Montparnasse, le Patrice Caratini Jazz Ensemble et le trio Biguine Reflections d’Alain Jean-Marie fêtent la sortie de “Chofé buiguine la”, un enregistrement live de décembre 2001. Le disque n’est pas terrible sur le plan sonore, mais comme l’écrit très justement Patrice dans les notes du livret « L’énergie circule, l’émotion irrigue le concert et le public n’est pas en reste. » Car en public, cette musique est incomparablement plus vivante que sur disque (même s’il s‘agit d’un concert). Les amateurs de jazz purent le vérifier en découvrant bien sonorisés ces deux orchestres sur scène alignant deux bassistes (outre Patrice Caratini à la contrebasse, Eric Vinceno tient la basse électrique) deux batteurs (Thomas Grimmonprez et Jean-Claude Andre-Villeger.jpgMontredon), Roger Raspail, un ami percussionniste, renforçant la section rythmique dans certains titres du répertoire. Ce dernier comprend plusieurs compositions d’Al Lirvat dont Pa Oublié ti Commission la et Tou sa sé pou doudou orchestré pour neuf musiciens, Pierre-Olivier Govin (saxophone alto) et Claude Egea (trompette) assurant les chorus. Biguine plus archaïque car composée avant l’éruption de la Montagne Pelée qui en 1902 détruisit Saint-Pierre jusque-là principale capitale culturelle de la Martinique, Serpent maigre d’Alexandre Stellio (il fit connaître cette musique à la Métropole dans les années 30) mêle improvisations jazziques de la Nouvelle-Orléans et les rythmes afro-cubains des îles qui entourent les Antilles françaises. Bastien Thill au tuba, David Chevallier au banjo et André Villeger à la clarinette animent le morceau. Sur ce dernier instrument, André se distingue dans Fête à la Guadeloupe, un des grands succès d’Edouard Mariépin. Alain-Jean-Marie.jpgIntroduit au piano par Alain Jean-Marie, Tú mi delirio est un bolero très lent que Denis Leloup enrichit d’un chorus de trombone. Jean Claude Montredon apporte au groupe Diamant H2O. La section rythmique tourne alors à plein régime, occasion pour Alain de chalouper ses notes et d’y mettre le feu. Son piano est bien mis en valeur dans Antillas, une suite en trois parties de Patrice, un collage inspiré par l’Afrique et les musiques des Caraïbes. Son deuxième mouvement est une rumba lente. Alain nous invite à danser la biguine dans le troisième. Il apporte plusieurs morceaux forts dont le très beau Haïti dans lequel Pierre-Olivier Govin à l’alto fait des étincelles. Mieux qu’un concert, une fête irrésistible !

 

E.-Pieranunzi--R.-Giuliani-Quartet.jpgMARDI 8 mars

J’avoue préférer Enrico Pieranunzi en trio ou en solo (ses disques en duo avec Marc Johnson sont également formidables), mais avec Rosario Giuliani la musique circule, respire, surtout lorsque les deux hommes s’appuient sur une bonne section rythmique pour encadrer leurs échanges. Avec Darryl Hall à la contrebasse et André Ceccarelli à la batterie, les deux amis peuvent se permettrent de rénover leurs propres compositions, d’innover sur des standards dont on pourrait croire qu’ils ont depuis longtemps livré leurs secrets, épuisé leur potentiel novateur. Enrico aime le risque et Rosario lui en offre avec ses longues phrases fiévreuses qui Enrico-Pieranunzi.jpgescaladent les barres de mesure, sa sonorité âpre qui contraste avec le lyrisme du pianiste romain dont les doigts en or harmonisent et colorent de mélodies superbes. Retrouvant le Sunside, Enrico joua les siennes, alternance de pièces lyriques et de morceaux rapides propices à des séquences virtuoses, mais aussi celles de Rosario, Dream House, une ballade, témoignant des capacités d’inventions mélodiques du saxophoniste. Ce dernier reprit  Lennie’s Pennies, un thème acrobatique de Lennie Tristano qui donne son nom à son dernier album. Impassible, le maestro ne se laisse jamais déborder par les phrases brûlantes qu’invente son partenaire. Sa main gauche réagit, plaque de puissants accords, ses notes restent toujours d’une suprême élégance.

 

Philippe Pilon band + guestsLe même soir, Philippe Pilon donnait un concert au Sunset pour fêter la sortie de “Take it Easy”, album récemment chroniqué dans ces colonnes et dont je dis le plus grand bien. N’ayant point le don d’ubiquité, mon cœur balançant entre la musique d’Enrico et celle de Philippe, j’assistai à son premier set, découvrant avec plaisir qu’un nombreux public de connaisseurs remplissait le club. Accompagné par les musiciens de son disque, Philippe Soirat remplaçant Guillaume Nouaux indisponible à la batterie, le saxophoniste nous en fit entendre les principaux thèmes, des compositions originales (Take it Easy, Chicken Walk, Sulkin’) et des standards (Blue Turning Grey Over You), y ajoutant I Surrender Dear, ballade dans laquelle il se fait miel, et une version funky et capiteuse du Soul Sister de Dexter Gordon. La sonorité moelleuse et chaude de son ténor, Philippe la met au service du bop et du swing qu’il approche de façon constamment mélodique. Une esthétique qu’il partage avec ses musiciens qui nous offrirent des chorus plein de joie, Pierre Christophe en grande forme parvenant à tirer le maximum de son piano droit, ses notes lumineuses éclairant le club comme si un grand soleil d’été y plongeait ses rayons.

 

E. Caumont & A. DebiossatJEUDI 10 mars

Michel Jonasz au Casino de Paris avec Elisabeth Caumont en première partie, une petite demi-heure, juste le temps de se raconter en chansons avec la guitare d’Alain Debiossat pour rythmer son chant et le faire s’envoler. Le jazz, Elisabeth le vit avec ses propres mots, petits poèmes qui naissent et se développent près du cœur avant d’éclore au jour. Les musiques des grands jazzmen héritent de ses textes. Elisabeth les greffent aussi sur de jolies mélodies d’Alain (Princesse Micomiconne, Yaoundé). On aime Le petit foulard vert, ses arpèges, la voix douce qui le chante et lui confie son souffle. Michel Jonasz a souvent flirté avec le jazz. Sa boîte en a Michel-Jonasz-a.jpglongtemps été pleine. Aujourd’hui il y met du blues, reprend Hoochie Coochie Man du grand Muddy Waters, y ajoute le rock et le twist. On lui doit de grandes chansons, Lucille que réclame son public mais qu’il ne chantera pas, Super Nana son morceau fétiche qu’il fait reprendre en chœur, Guigui, Arthur et beaucoup d’autres. Avec sa moustache, Michel Jonasz ressemble aujourd’hui davantage à Michel Blanc qu’à lui-même. C’est à la voix qu’on le reconnaît, à ce vibrato qui transmet l’émotion. Il danse comme un jeune homme avec ses deux chanteurs, soigne la chorégraphie de son spectacle largement consacré à son nouvel album “Les Hommes sont toujours des enfants”, le premier depuis bien trop longtemps.

 

Moutin-a.jpgSAMEDI 12 mars

Ronnie Lynn Patterson est un homme si discret qu’il serait bien capable de se rendre invisible. Il joue un magnifique piano, mais se produit si peu que organisateurs de festivals oublient de l’inviter au profit de stars médiatiques, des techniciens dont le jazz est technique. L’an dernier, Ronnie Lynn nous offrit “Music”, un recueil de standards enregistré avec François et Louis Moutin qui témoigne de sa sensibilité, de sa capacité à renouveler un matériel thématique et à le faire chanter. Le Studio Charles Trenet de Radio France l’accueillait pour un de ses très rares concerts avec les deux frères qui savent si bien mettre en valeur son piano lyrique. N’ayant pas eu l’occasion de préparer un répertoire et de le répéter, les Moutin btempos furent lents, presque distendus, la musique peinant à circuler. Les Moutin ont une telle habitude de jouer ensemble que le pianiste hésita longtemps à rentrer dans leur jeu, pour ne pas déranger, ne pas troubler leurs conversations ludiques et inventives. C’est avec Lazy Bird (John Coltrane) que ce piano aux harmonies subtiles et colorées se glissa dans la toile rythmique tissée par la basse et la batterie. Se laissant porter par elle. Ronnie Lynn put ainsi confier ses plus belles notes à son instrument, sa musique, épanchement d’un grand plein de tendresse, jaillissant alors d’une même source, celle, désaltérante, d’un trio retrouvé.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 09:33

Ph.-Pilon--cover.jpgDans les notes de livret qu’il a tenu à rédiger lui-même, Philippe Pilon avoue avoir pris tout son temps pour préparer ce disque, son premier. Il souhaitait y apporter ses propres compositions, en peaufiner les arrangements pour que son album ne soit pas un simple objet de consommation parmi tant d’autres albums oubliables. Philippe a eu bien raison, car il se distingue immédiatement des autres par un swing jubilatoire qui manque à de nombreuses productions actuelles. Non qu’il faille nécessairement associer au jazz le balancement de la syncope - certains disques de jazz moderne ne swinguent pas ce qui ne les empêche pas d’être excellents - , mais à une époque de confusion des genres, l’emploi de cette pulsation souple et (re)bondissante abusivement associée au seul jazz classique (il en marqua certes l’histoire), procure un plaisir indicible. Etrange parcours que celui de ce saxophoniste qui, après une adolescence consacrée au rock, au ska et au reggae, découvre à 18 ans le jazz de Lester Young, avec A Ghost of a Chance - « un choc profond » - qu’il ne pouvait manquer inclure dans son répertoire. Le saxophone, Philippe Pilon le pratique dès sa jeunesse. Il a huit ans lorsqu’il choisit de l’étudier, commence par l’alto puis adopte le ténor. Il enseigne aujourd’hui l’instrument dans différentes écoles et conservatoires et en milieu scolaire. Ce disque a d’ailleurs été enregistré dans le théâtre du centre culturel Athénée de Rueil-Malmaison. Philippe y donne des cours depuis 1997 et s’y sent parfaitement à l’aise. La musique de “Take It Easy” témoigne de cet état d’esprit. Le saxophoniste l’aborde avec douceur et décontraction. Ses phrases élégantes et souples s’attachent à l’esthétique. Hantées par le blues, ses improvisations mélodiques en profitent. Dans son texte, Philippe révèle que ses idées musicales lui viennent en marchant. Il chante et rythme de ses pas les mélodies qu’il invente, trouvant ainsi pour elles le meilleur tempo possible. Avec Pierre Christophe au piano, Raphaël Dever à la contrebasse et Guillaume Nouaux à la batterie, il dispose d’un excellent quartette que complètent dans certaines plages les trompettistes Julien Alour et Jérôme Etcheberry. De bons compagnons de jeu, l’aspect ludique de la musique recouvrant d’un voile pudique les difficultés techniques rencontrées. Le thème qui donne son nom à cet enregistrement est un riff inspiré par un solo de Lester. Egalement composé par Philippe, Sulkin’ se base sur les harmonies de Honeysuckle Rose. Le tempo est vif dans Never too Late et les chorus fiévreux se succèdent jusqu’à la coda. La belle trompette de Julien Alour expose le thème à l’unisson du ténor puis le laisse s’envoler. Celle plus classique de Jérôme Etcheberry s’invite dans trois autres morceaux. Marqué par le blues, Ghost Town et son thème aérien bénéficient d’une walking bass efficace et d’un piano inventif. L’Elfe, calypso au swing irrésistible, donne réellement envie de danser. Musicien caméléon, Pierre Christophe maîtrise blockchords et jeu en single notes, joue aussi bien un piano modal que du blues et du bop et fait merveille dans cette séance. Outre A Ghost of A Chance, superbe ballade qu’interpréta Lester et que chantèrent aussi Billie Holiday et Ella Fitzgerald, ce disque renferme I Found A New Baby et Blue Turning Grey Over You, standards que l’amateur de jazz affectionne. Il permet de découvrir les compositions et le chant d’un saxophoniste que l’on aurait tort d’ignorer.   

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17 mars 2011 4 17 /03 /mars /2011 09:00

Alain Gerber C’est à Venise en 1996 qu’Alain Gerber entend parler d’Emmett Ray. Il déjeune dans une trattoria avec Woody Allen lorsque le cinéaste lui demande s’il connaît Emmett Ray, Amintore Repeto de son vrai nom, un guitariste plus grand qu’Eddie Lang et Charlie Christian, l’auteur de six uniques faces de 78 tours enregistrées pour RCA Victor en 1951. Gerber qui possède une connaissance encyclopédique du jazz croit à un canular. Woody Allen affabule, son Emmett Ray n’a jamais existé. Quelques mois plus tard, du bureau new-yorkais d’Allen, une cassette D.A.T. lui parvient, une copie de I’ll See You in my Dreams, un des titres de cette unique séance du guitariste inconnu, un bon démarquage d’un thème gravé par Django Reinhardt en 1939. Alain pense à une mystification, il n’existe aucun enregistrement de Ray, Daniel Richard et Philippe Baudoin le confirment. Lorsqu’il reçoit une lettre d’un certain Jean-Charles Gracieux qui prétend avoir tenu la contrebasse dans le quartette de Ray en 1945, le romancier est pour le moins surpris. Il lui rend visite dans son pavillon de banlieue, et le laisse raconter son histoire. Emmett a séjourné plusieurs fois à Paris. Il s’est même trouvé une petite amie pendant l’été 1945, une fille prénommée Lorette. Il portait alors l’uniforme de l’infanterie américaine. De la bouche de Gracieux, Gerber apprend de nombreux épisodes de la vie de Ray, mais le vieil homme est-il crédible ? N’est-il pas mythomane comme certains le prétendent ? Alain se perd en conjecture lorsqu’une nouvelle lettre de Gracieux lui fournit le nom du batteur de Ray, un certain Bill Shields alias Napoleone Ciani qui, de passage dans la capitale, souhaite le voir. Alain le rencontre au Crillon. Ciani parle, complète la biographie d’Emmett qui devient aussi réelle que peut l’être celle d’un personnage de roman. A New York, Ray a croisé Django en compagnie de Marcel Cerdan et Igor Stravinsky. En 1948, il s’est retiré à Bottleneck, petite ville côtière située à quarante-cinq minutes au sud de Boston, et n’a jamais franchi les portes d’un studio d’enregistrement. Son récit laisse Gerber plus perplexe que jamais. La fin de l’histoire, il l’apprend par hasard en 1998. Un périple en voiture de Montréal à New York le conduit à Bottleneck et le Accords-et-desaccords--affiche.jpgmène à Lorette. Elle lui confirme qu’Emmett s’est bien rendu à New York en 1951 pour y graver quelques faces, mais l'a-t-il fait ? De cette prétendue séance pour Victor, aucune bande n’a été conservée. Qui donc joue sur ce mystérieux enregistrement que Woody Allen a fait parvenir au romancier ? A Venise où il le croise une seconde fois, Woody lui donne la solution de l’énigme. Samantha Morton, une jeune actrice l’accompagne. Avec elle et Sean Penn, le cinéaste s’apprête à tourner “Sweet and Lowdown” (“Accords et désaccords”) qu’il présentera à la Mostra (hors compétition) en 1999. Une évocation de la vie du guitariste bien différente que celle qu'Alain Gerber nous propose dans “Je te verrai dans mes rêves”, un roman publié chez Fayard. D’une plume espiègle, le romancier brouille les pistes, donne des noms et des détails biographiques de personnes réelles et les mêle à d’autres de pure fantaisie. Le cadre historique est d’une telle vérité que l’on peine à croire qu’Emmett Ray n’est que fiction. Né de l’imagination d’Allen, malicieusement réinventé par Gerber, le guitariste s’étoffe, prend de l’épaisseur et devient aussi vrai que s’il avait réellement existé.

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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 12:19

Burton.jpg                                                                                De gauche à droite : Abraham Burton, Eric McPherson et Nasheet Waits 

L’automne à New York et ses pluvieuses nuits de jazz. Entre le 18 et le 25 novembre 2008, huit concerts furent donnés huit soirs de suite dans huit clubs de la ville. Tous furent filmés et diffusés sur Mezzo, puis édités fin 2009 sur un double disque Blue Ray. Mêlés à des images de la ville tournées un an plus tard, les meilleurs moments de ce festival sont aujourd’hui rassemblés dans "JazzMix", un film de 90 minutes abusivement présenté comme une radioscopie du jazz d’avant-garde qui se joue à New York. Cette soi-disant avant-garde musicale existe-t-elle vraiment ? Si oui, elle n’est plus depuis longtemps un phénomène new-yorkais. L’Europe regorge de jazzmen plus aventureux qu’inventifs qui ne veulent surtout pas manquer le grand train de l’histoire, qui ne savent pas que le jazz qui est derrière eux est souvent plus moderne que celui d’aujourd’hui. Saisis par quatre caméras bien placées, bénéficiant d’images et d’une prise de son de qualité, les groupes que l’on voit dans "JazzMix" témoignent de la diversité du jazz actuel ce qui est plus réaliste.

 

Jazzmix--petite-affiche.jpgL’excellent big band de Jason Lindner ouvre et termine le film. On se passerait bien du rappeur Baba Israel, mais Anat Cohen prend un long et beau solo de clarinette, le chanteur et saxophoniste Jay Collins tire son épingle du jeu, et la section rythmique a des ailes. Très bon groupe également que celui réunissant au Jazz Standard de Murray Hill Ambrose Akinmusire à la trompette (en photo), Walter Smith III au ténor, Fabian Almazan au piano, Harish Raghavan à la contrebasse et Justin Brown à la batterie. Le pianiste inspiré joue de courtes phrases logiques et troublantes, Akinmusire est un trompettiste sur lequel il faut compter et les musiciens prennent le temps de s’exprimer, de longuement développer leurs idées. Dans Soho, à la Jazz Gallery, Jaheel Shaw joue de l’alto et propose un bop musclé et réjouissant. Ben Williams à la contrebasse que l’on entend souvent avec Jacky Terrasson, et Otis Brown à la batterie lui donnent une solide assise rythmique. Le pianiste du groupe, Aaron Goldberg une vieille connaissance, ajoute à la musique la finesse harmonique de son piano. Plus expérimentale, la prestation du saxophoniste Abraham Burton à la Knitting Factory n’en reste pas moins envoûtante. Deux batteurs - Nasheet Waits et Eric McPherson - accompagnent le chant lyrique du ténor et offrent à A.-Akinmusire-2.jpgson calypso un tapis de rythmes aussi subtils que variés. Les autres groupes sont moins convaincants. Le jeu torturé du saxophoniste Steve Lehman et la frappe bien lourde du batteur Tyshawn Sorey ne mettent guère en valeur le piano de Vijay Iyer qui s’exprime de manière plus personnelle dans des contextes moins agressifs. Au Hip Hop Cultural Center de Harlem, Chris Dave (batterie), Derrick Hodge (basse électrique) et Robert Glasper (Fender Rhodes) jouent un funk jazz monochrome que parasite MC Stimulus, chanteur/rappeur peu stimulant. Difficile de se prononcer sur la prestation de Theo Bleckmann au Joe’s Pub. Le groupe Kneebody qui accompagne sa voix magnifique ne joue pas sa musique habituelle mais celle de Charles Ives qu’ils célèbrent ensemble dans un de leurs disques. Au Drom Club, on se lasse vite des improvisations tourmentées auxquelles se livrent Marvin Sewell (guitare), Val-Inc (percussions électroniques) et Jowee Omicil (saxophone soprano). La musique colle toutefois bien aux images de la ville, que l’on visite sans déplaisir. Plantant ses caméras aux bons endroits, Olivier Taïeb le réalisateur a su saisir le mouvement d’une cité fiévreuse qui ne ressemble à aucune autre.

 

En salle depuis le 2 mars. Séances tous les jours à 20h au Cinéma l'Entrepôt 7, rue Francis Pressensé 75014 Paris. A partir du 11 mars, séance tous les vendredis à minuit au Balzac, 1, rue Balzac 75008 Paris (projection numérique full HD et Dolby E 5.1).

Photos: X/DR

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