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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 09:05

Brad-Mehldau---Live-in-Marciac--cover.jpgPas très belle la pochette : une image floue de Brad Mehldau au piano extrait du DVD qui accompagne les deux disques audio. Le son est par contre d’une excellente qualité. On est même surpris d’entendre si peu de réverbération, l’immense chapiteau abritant les concerts de Marciac n’offrant pas une bonne condition d’écoute. Ce n’est évidemment pas par hasard que le pianiste a choisi de publier celui qu’il y donna le 2 août 2006. Troisième enregistrement de Brad en solo après “Elegiac Cycle”  (1999) et “Live in Tokyo” (2003), c’est le premier dont nous avons des images. Sur le plan sonore, le DVD a même davantage de dynamique. Malgré des zooms bien inutiles, on peut y suivre les mains du pianiste se promener sur le clavier, visualiser le choix de ses notes. Ceux qui le souhaitent peuvent visionner les portées musicales de Resignation en même temps qu’écouter la musique. Loin de choisir le confort de se répéter, Brad la réinvente sans cesse. Une bonne partie de son répertoire nous est familier, mais le pianiste en renouvelle les improvisations, les dote d’une rigoureuse architecture sonore qui leur donne un aspect achevé. Son sens de la forme lui permet d’organiser ses nombreuses idées mélodiques et rythmiques. Loin d’être un simple échauffement virtuose, Storm qui ouvre l’album sert d’introduction à It’s All Right with Me de Cole Porter. Le tempo est vif. Brad croise ses mains, fait sonner ses graves et tient deux discours parallèles d’une rare logique sans jamais hésiter. Son piano est une section rythmique présente dans chacune de ses phrases. Le poids qu’il donne à ses basses profite à Secret Love, l’une des ballades d’un concert privilégiant feux d’artifices de notes et improvisations méphistophéliques aux rythmes échevelés. Unrequited fait référence à Bach. Brad pratique l‘art de la fugue. Ses deux mains conversent, les graves répondent au discours mélodique d’une main droite exubérante. Trois morceaux proviennent de “Elegiac Cycle”. Resignation et Trailor Park Ghost mettent en avant la précision métronomique du jeu de Mehldau. Le tempo reste très soutenu dans la première partie du premier, une pièce à tiroirs dont le mouvement central et la coda sont particulièrement lyriques. La prise de risque est toutefois plus importante dans l’improvisation qu’il greffe sur le second, une composition dans laquelle le thème s’estompe et se dilue dans des myriades de notes. Provenant également d’“Elegiac Cycle”, Goodbye Storyteller possède une mélodie poignante. Il s’achève par un long martèlement dans les graves qui sert d’introduction à Exit Music (for a film), morceau de Radiohead, vaste ostinato de notes martelées qui apportent l’hypnose. Brad aime la musique de Nick Drake, l’auteur de River Man et de Things Behind the Sun souvent intégrés à son répertoire. Ce dernier thème hérite d’une longue introduction et d’un rythme plus rapide que dans “Live in Tokyo”. Lilac Wine, une autre ballade, bénéficie des structures du blues. Le pianiste s’attache à faire respirer ses notes qu’il choisit délicates et tendres. Pas moins de trois rappels pour Brad Mehldau à Marciac, le troisième, une reprise de Dat Dere (Bobby Timmons) n’existant qu’en version audio. Martha My Dear, l’une des nombreuses compositions de Lennon/McCartney que le pianiste affectionne, a été enregistré en solo dans “Day is Done”, un disque de 2005. Le tempo est sensiblement le même, mais l’improvisation complètement différente. Réharmonisé de manière subtile, My Favorite Thing témoigne de la tendresse particulière que Brad éprouve pour John Coltrane dont il a longuement analysé la musique. Il en propose une version calme et apaisée, son léger balancement de valse lui donnant beaucoup de charme.                       

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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 16:42

Portrait-avec-masque.jpgChaque année en mars les banlieues sont bleues, un drôle de bleu si l’on examine attentivement le programme du festival du même nom. Pour sa 28e édition, ce dernier s’écarte une fois encore de la scène jazz pour brasser toutes les cultures du monde. Combo marteau, rhizome musical haïtien, hip-hop tribal, rap urbain, funk stratosphérique, nu-soul, ka labouré rythmiquement, zouk, salsa alternative, cuivres des Balkans, borborygmes improvisés, aventuriers de musiques perdues, musiciens guérisseurs gnaouas, fanfares néo-orléanaises et musiques à ouïr sont attendus du 11 mars au 8 avril dans quinze villes du département de la Seine-Saint-Denis. Copieux et éclectique, l’absence des derviches pasteurs étant fort regrettable, le festival Banlieues-Bleues--affiche.jpglaisse peu de place au jazz. Emile Parisien, Tony Malaby, Aldo Romano, l’ONJ de Daniel Yvinec, Bernard Lubat avec Michel P et sa clarinette B, le Caratini Jazz Ensemble avec Alain Jean-Marie, Vincent Courtois, Vijay Iyer et Laïka Fatien sont toutefois à l'affiche. On peut bien sûr contester ces choix artistiques. Ils ne plaisent pas à Jean-Paul qui attend impatiemment le dimanche 13 mars, pour écouter Jazz à Fip présenté par Philippe Etheldrède, le Tarzan des ondes, assisté de Jane Villenet. Peu de concerts de Banlieues Bleues éveillent ma curiosité, interpellent l’amateur de jazz, de piano, et de musique de tradition classique que je suis. Il faut toutefois saluer la dizaine de résidences musicales que le département de la Seine-Saint-Denis soutient chaque année, les quarante-deux écoles de musique, de danse et d’art dramatique qu’il accompagne, son action pour « la culture et l’art au collège » afin de favoriser la création artistique, même si cette dernière tient rarement ses promesses. La programmation de Banlieues Bleues a également le mérite de ne pas ressembler à celles des autres festivals qui se battent à coup de cachets pharaoniques pour faire venir les mêmes stars médiatiques, comme s’il fallait nécessairement être dans le coup, monter dans le train du jazz à très grande vitesse qui ne laisse guère le temps de regarder en arrière. Poussé par de nouvelles avant-gardes, le jazz post-moderne appartient déjà à l’âge de pierre. Il faut sans cesse applaudir de nouveaux artistes que quelques journalistes influents portent aux nues, des musiciens branchés qui bénéficient de campagnes de presse, de panneaux publicitaires dans les Fnac et les mégastores. Les autres se débrouillent comme ils peuvent pour sortir de l’ombre. Ce blog qui applaudit Jackie Terrasson, Tord Gustavsen et Geri Allen a aussi pour vocation de faire connaître de nouveaux talents. Le label Black & Blue dont le grand timonier Jean-Pierre Tahmazian possède de grandes oreilles, m’a récemment fait parvenir deux excellents disques, “Bleu outre mémoire” du PG Project, formation du tromboniste Pierre Guicquéro, et “Take it Easy”, premier enregistrement de Philippe Pilon, saxophoniste et compositeur talentueux. Tous deux pratiquent un jazz moderne ancré dans la tradition. Ils ne cherchent pas à innover, certains morceaux de leurs albums sont plus réussis que d’autres, mais leur musique conviviale aux notes blues et bleues n’oublie jamais de swinguer.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

G.-Laurent-quartet.jpg-Laurent de Wilde ose Géraldine Laurent. Avec Yoni Zelnik à la contrebasse et Luc Insemann à la batterie, leur quartette prend plaisir à jouer les standards du passé, mais donne peu de concerts. La formation se produit au Sunside les 3 et 4 mars. Le club de la rue des Lombards l’avait déjà accueilli en février 2009, dans un programme largement consacré aux compositions de Wayne Shorter. Un retour au bercail attendu.

 

E.-Pieranunzi---R.-Giuliani.jpg-Enrico Pieranunzi (piano) et Rosario Giuliani (saxophone alto) au Sunside le 7, 8 et 9. Les deux hommes y ont joué en septembre dernier. Ils reviennent en quartette avec Darryl Hall (contrebasse) et André Ceccarelli (batterie), section rythmique qu’Enrico apprécie. Chaque visite qu’il nous fait est un événement. Je le préfère en solo ou en trio avec une contrebasse et une batterie, mais quelle que soit l’instrumentation, on ne peut ignorer le maestro romain.

 

David-Murray-copie-1.jpg-Chaud le Duc des Lombards, les 7, 8 9 et 10 mars ! David Murray et les dix musiciens de son Cuban Ensemble l’investissent pour un Nat “King” Cole « en español », relecture de “Cole Español”  et de“More Cole Español”, deux best-sellers du crooner. L’album de Murray n’est qu’à moitié réussi, mais il en va tout autrement en concert. Les solistes pallient l’absence de la voix, les thèmes étant développés par les instruments mélodiques de l’orchestre et par  Murray lui-même. Saxophoniste au jeu expressif et lyrique, ce dernier semble suivre à rebours l’histoire du jazz, Coleman Hawkins et les grands de l’instrument se faisant entendre dans son ténor.

 

Philippe-Pilon.jpg-Philippe Pilon au Sunset le 8 mars. Ce saxophoniste nourri de blues et de tradition a donc eu la bonne idée de me faire parvenir son disque. On y découvre un jeune amoureux de Lester Young dont le ténor est ancré dans le swing. Philippe ne révolutionne pas le jazz, mais en souffle avec bonheur les notes généreuses. Les musiciens qui jouent sur son premier opus seront tous présents. Le pianiste en est Pierre Christophe. Raphaël Dever à la contrebasse et Guillaume Nouaux à la batterie assurent la rythmique. Deux trompettistes, Julien Alour et Jérôme Etcheberry se partagent quelques chorus. On ne peut qu’applaudir l’album. Il donne envie d’en écouter les musiciens sur scène, d’en goûter autrement les morceaux qu’il contient.

Elisabeth Caumont

 

-Du 8 au 12 mars, en duo avec Alain Debiossat à la guitare, Elisabeth Caumont assure la première partie des concerts de Michel Jonasz au Casino de Paris. Sept chansons pour retracer son  parcours avec ses propres textes, des histoires du quotidien, avec un humour espiègle et une voix de velours. Comme elle, Michel Jonasz entretient un rapport complice avec le jazz. Il sort un nouvel album “Les hommes sont toujours des enfants”, s’entoure de jazzmen (Guillaume Poncelet, Stéphane Edouard, Jim Grancamp et deux choristes) pour chanter le blues, de nouveaux morceaux et ses chansons Ronnie Lynn Pattersonfétiches.

 

-Ne manquez pas le concert que Ronnie Lynn Patterson donne le 12 à 17h30 au Studio Charles Trenet de Radio France. On ne le voit pas assez dans les clubs, Ronnie Lynn se montrant trop discret dans un paysage jazzistique passablement encombré. Le piano de cet autodidacte reste pourtant l’un des plus touchants qui soit. En trio avec François et Louis Moutin (contrebasse et batterie), il met sa technique au service du lyrisme. “Music” son dernier disque, un recueil de standard, mérite de figurer dans toute bonne discothèque.

 

Joe-Lovano-c-Jimmy-Katz.jpg-Joe Lovano au New Morning le 15 avec Us Five, quintette ouvrant de nouvelles perspectives à sa musique. Petar Slavov qui joue régulièrement de la contrebasse au sein du trio du pianiste cubain Alfredo Rodriguez remplace Esperanza Spalding pour cette tournée. James Weidman (piano), Otis Brown III et Francisco Mela (Batterie et percussions) complètent la formation du saxophoniste. Elle vient d’enregistrer un album consacré à Charlie Parker, non un hommage mais une relecture moderne et inventive de son monde musical. Le disque s’intitule “Bird Nest”. EMI France se décide enfin à le sortir deux mois après l’Amérique. Mieux vaut tard que jamais.

 

TH.-Enhco---N.-Charlier.jpg-Les quelques râleurs qui n‘apprécient pas le saxophone de Joe Lovano pourront écouter le même soir Thomas Enhco au Sunside dont il est désormais « résident », Stéphane Portet lui ouvrant les portes de son club une fois par mois. Joachim Govin à la contrebasse et Nicolas Charlier à la batterie accompagnent le jeune pianiste qui prépare un nouveau disque. Car Thomas prend son temps pour peaufiner standards et compositions originales, mettre en valeur les mélodies qu’il entend dans sa tête. Son piano a acquis sûreté et profondeur, la technique étant judicieusement mise au service du lyrisme.

Brian-Blade.jpg

-Quatre soirs de suite, les 16, 17, 18 et 19 mars, le Duc des Lombards accueille Brian Blade et ses musiciens : Kelly Jones (chant et guitare), Goffrey Moore (guitare), Chris Thomas (basse électrique) et Steve Nistor (batterie). Tous sauf le batteur l’accompagnent dans “Mama Rosa”, recueil de chansons dignes des sixties et que le label Verve publia en 2009. Sideman impliqué dans de nombreuses séances d’enregistrements, et membre régulier du quartette de Wayne Shorter, Blade met ici le jazz de côté et nous dévoile une autre facette de son talent. Il chante ses propres compositions et joue de la guitare. Mélange de folk et de country music, sa musique évoque Neil Young et David Crosby. Puristes s‘abstenir. Concerts à 20h00 et 22H30.

 

Oxyd.jpg-Lauréat des trophées du Sunside en 2008 (premier prix de groupe et premier prix de soliste au pianiste Alexandre Hererqui en est le leader) OXYD est une formation de cinq jeunes musiciens qui mélangent avec bonheur jazz, rock et sonorités contemporaines. Outre, Alexandre Herer au fender-rhodes, OXYD comprend Olivier Laisney à la trompette, Julien Pontvianne au saxophone ténor, Matteo Bortone à la basse et Thibault Perriard à la batterie. Difficile de décrire précisément leur musique forte de tension et d’énergie que le disque ne reflète qu’imparfaitement. On l’écoutera au Sunset le 19 sans pour autant bouder “Oblivious”  leur deuxième album dont la sortie est imminente (Juste Une Trace/Socadisc).

 

Laïka © Daniel Garcia-Bruno-Toujours le 19, le théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis accueille Laïka Fatien dans le cadre du festival Banlieues Bleues. Je dis grand bien dans ce blog de son dernier disque. Des compositions de Stevie Wonder y côtoient des grands standards de jazz auxquels la chanteuse a confié ses propres paroles. Les musiciens qui l’accompagnent sur scène - El Indio (trompette), Robert Irving III (piano), Jaribu Shahid (contrebasse) - ne nous sont pas inconnus. De même que le tromboniste Craig Harris chargé de la direction artistique du concert. Attendons-nous à de nouvelles orchestrations, à d’autres couleurs pour habiller les thèmes, Laïka posant sa voix douce et troublante sur un répertoire audacieux.

 

Le-Jazz---la-Java-copie-1.jpg-Les 25 et 26 mars, le théâtre Jean Vilar de Suresnes programme Le jazz & la java, nouvelle création pour quintette de jazz d’Antoine Hervé. La bonne chanson française y est à l’honneur avec la voix de Mélanie Dahan pour faire swinguer A bicyclette, Les feuilles mortes, La chanson des vieux amants, la javanaise et Le jazz et la java qui prête son nom à un projet dont la poésie inspire la musique. Confiée à la trompette d’Eric Le Lann, à la contrebasse de Michel Benita, à la batterie de Philippe Garcia et bien sûr au piano d’Antoine, cette dernière interpelle sérieusement. Ce même théâtre de Suresnes propose également quatre leçons de jazz de l’oncle Antoine les mardi 8, 15, 22 et 29 mars (consacrées respectivement au Blues côté piano, Louis Armstrong, Antonio Carlos Jobim et Keith Jarrett). Quant à sa leçon de jazz « parisienne » qui portera sur Keith Jarrett, oncle Antoine la donnera le 21 à 19h30, toujours à la maison des pratiques artistiques amateurs (auditorium Saint-Germain).

 

Kneebody.jpg-Kneebody revient jouer au Duc des Lombards le 26. Ce groupe de jazz électrique, l’un des plus convaincant de la grande Amérique, gomme les frontières des genres. Grand spécialiste du Fender Rhodes, le pianiste Adam Benjamin est aussi membre de Keystone, la plus excitante des formations de Dave Douglas. Le trompettiste Shane Endsley joue régulièrement à New York avec Tim Berne et Ralph Alessi. Ben Wendel (saxophone ténor), Kaveh Rastegar (basse électrique) et Nate Wood (batterie) complètent une jeune formation qui a enregistré quatre albums d’une musique colorée et foisonnante au tissu rythmique serré et à la mise en place précise et rigoureuse.

 

Laurent Mignard-copie-2-Laurent Mignard et son Duke Orchestra le même soir (26 mars) à l’Alhambra. Laurent m’a récemment surpris par la modernité de son jeu de trompette au sein du sextette du pianiste Mico Nissim (un disque consacré à Ornette Coleman et Eric Dolphy sur le label Cristal). Ses mignardises conservent toutefois une saveur ellingtonienne. Avec François Biensan, Philippe Chagne, Nicolas Montier, André Villéger, Philippe Milanta, Pierre-Yves Sorin, Julie Saury (pour ne pas citer les autres musiciens de l’orchestre, tous aussi brillants), il possède le meilleur big band ellingtonien de la planète. A l’Alhambra, grâce à un mixage d’images d’archives sur écran géant, Laurent fera revivre le Duke qui racontera et dirigera sa musique. Un événement à ne pas manquer.

 

Lohrer-a.jpg-Double concert le 29 au New Morning : Didier Malherbe au doudouk (hautbois arménien en bois d'abricotier) se produira en duo avec le guitariste Eric Löhrer. Les deux hommes fêtent la sortie de “Nuit d’ombrelle” (Naïve), double CD mêlant improvisations, compositions originales et standards de jazz, compositions de Thelonious Monk étant particulièrement à l’honneur. Didier qui joue aussi de la flûte, du Khen, et du saxophone soprano rejoindra ensuite ses deux complices du Hadouk Trio, Loy Ehrlich (claviers,gumbass, hajouj, kora) et Steve Shehan (batterie, djembe, hang, percussions) pour la musique métissée et aérienne dont ils ont le secret. “Air Hadouk” leur dernier disque contient une version de Friday the 13th (Monk toujours) dans laquelle se fait entendre la guitare de Löhrer. Lomsha, Yillah et Soft Landing en sont les titres forts. Rendez-vous rue des Petites-Ecuries pour les redécouvrir avec des pièces plus anciennes de leur répertoire, Suave Corridor et Dragon de Lune comptant parmi les plus belles.

 

Fay-Claassen.jpg-Entouré du WDR Big Band de Cologne placé sous la direction de Michael Abene (mais aussi par l’orchestre symphonique de la même radio sur quelques titres), Fay Claassen parvient facilement à convaincre. Elle possède un solide métier, une voix fraîche et juvénile, scate sans aucun maniérisme et choisit bien son répertoire, des thèmes de Louis Jordan, Betty Carter, Billy Strayhorn, Miriam Makeba, Björk et Joni Mitchell qui révèle son éclectisme artistique. Son nouveau disque s’intitule “Sing ! ”. Elle nous l’interprétera le 30 à 19h30 dans le Grand Foyer du théâtre du Châtelet avec un quartette comprenant Olaf Polziehn au piano, Christophe Walemme à la contrebasse et Stéphane Huchard à la batterie. Entrée gratuite dans la mesure des places disponibles. Un second concert est prévu le 31 mars au Sunside.  

 

-Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com

-Casino de Paris : www.casinodeparis.fr

-Maison de Radio France : www.radiofrance.fr

-New Morning : www.newmorning.com

-Théâtre Gérard Philippe, Saint-Denis : www.theatregerardphilipe.com

-Théâtre Jean Vilar, Suresnes : www.theatre-suresnes.fr

-Auditorium St Germain : www.mpaa.fr

 

PHOTOS : Petite fille avec masque, Laurent de Wilde & Géraldine Laurent Quartet, Enrico Pieranunzi & Rosario Giuliani, David Murray, Elisabeth Caumont, Ronnie Lynn Patterson  © Pierre de Chocqueuse - Philippe Pilon © Roger Perrotin - Joe Lovano © Jimmy Katz - Brian Blade © Megan Holmes - Laïka Fatien © Daniel Garcia-Bruno - OXYD © Jean-Jacques Barbet - Didier Malherbe & Eric Löhrer © Julien Mignot / Naïve - Fay Claassen © John Abbott.

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27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 09:53

Laika-Fatien--cover.jpgLaïka Fatien prend tout son temps pour peaufiner ses albums. Elle a étudié la musique, apprit à chanter le jazz au CIM et à l’IACP, se lançant dans l’aventure au sein du grand orchestre de Claude Bolling. Parallèlement à sa carrière de musicienne et aux trois disques qu’elle a enregistrés sous son nom, Laïka est une comédienne qui a fait ses classes au Théâtre de Chaillot et à la Cartoucherie. Ses deux activités se rejoignent lorsqu’elle trouve à s’exprimer dans des comédies musicales (“A Drum is a Woman“ de Duke Ellington et Orson Welles en 1996) ou lorsqu’elle est Celestina del Sol dans “La tectonique des nuages”, l’opéra jazz de Laurent Cugny qu’elle chante en français et en espagnol, sa langue maternelle – elle est née d’un père ivoirien et d’une mère hispano-marocaine. Dans ses propres disques, elle utilise l’anglais, la langue du jazz et du swing. Elle admire beaucoup Carmen McRae et Billie Holiday dont elle revisite le répertoire dans son second opus, mais ne cherche à imiter personne. Menue et gracieuse comme une danseuse étoile, Laïka parvient à rester elle-même, la relecture des standards qu’elle reprend bénéficiant de sa voix chaude et douce, la chanteuse privilégiant la justesse et la sincérité au maniérisme et aux effets de style. Dans “Nebula”, elle pose ses propres paroles sur des instrumentaux, des musiques de Wayne Shorter (Lost) et Joe Henderson (Black Narcissus), mais aussi sur Isle of Java morceau du saxophoniste Tina Brooks que Jackie McLean interprète avec lui en sextette dans “Jackie’s Bag”. Cet album Blue Note contient Appointment in Ghana, composé par McLean. Laïka le reprend sous le titre de Watch Your Back (attention derrière toi). Rebaptisé Matrix, Think of One de Thelonious Monk hérite d’un arrangement étonnant. Un tempo funky décalé, des rythmes asymétriques accompagnent la voix, la mélodie étant confiée à la guitare de Chris Bruce. L’instrument tient une place essentielle et donne un aspect folk aux ballades, à Imagination notamment (musique de Jimmy Van Heusen, paroles de Johnny Burke. Ella Fitzgerald et Nat “King” Cole en popularisèrent le thème). Laïka chante aussi Stevie Wonder et nous livre une émouvante version de Visions. Meshell Ndegeocello y assure la basse. On lui doit surtout les arrangements très soignés de l’album, un parfait écrin sonore pour la chanteuse qui fait passer ses sentiments dans sa voix, habite ses morceaux, nous les murmure au creux de l’oreille. Ici, le jazz et la soul music se tendent la main, les barrières musicales tombent d’elles-mêmes. Björk et Villa-Lobos se rencontrent. Dans ce disque aux orchestrations très variées, les souffleurs occupent peu de place. Il n’y a pas de saxophone dans Black Narcissus. Claviers électriques et guitare compensent son absence. Oliver Lake (saxophone alto) et Joshua Roseman (trombone) abordent à l’unisson le thème riff d’Isle of Java (rebaptisé Essence) et se répartissent les chorus. Dans Appointment in Ghana, le trombone pose en premier les couleurs du morceau ; l’alto répond à la voix ; la guitare s’associe aux percussions. Le morceau a quelque chose d’évanescent, de nébuleux, comme si la musique surgissait au plus profond d’un rêve.

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23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 10:25

Steve-Kuhn-Trio-a.jpg

                                                                                                                                                       Steve Kuhn, Dean Johnson, Joey Baron

MARDI 1er février

Chico-Freeman.jpgLe saxophoniste Chico Freeman ne nous visite pas souvent. Dans le cadre de Sons d’Hiver, la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville de Saint-Mandé l’accueillait avec son groupe, George Cables (piano) Lonnie Plaxico (contrebasse) et Winard Harper (batterie), des pointures, de la bonne musique garantie. Lonnie-Plaxico.jpgJ’avais surtout envie d’écouter Cables, le compagnon du come back d’Art Pepper, pianiste discret qui s’est souvent mis au service des autres au détriment de sa propre carrière. Il apparut un peu fatigué, compensant ses faiblesses par un tapis de notes généreuses sur lesquelles Freeman assoit les siennes, construit de longs et puissants chorus. Contrebasse et batterie tissent un voile rythmique très souple qui n’oblige pas les solistes à nécessairement respecter les barres de mesure. Ténor au souffle puissant, Freeman truffe son discours d’effets harmoniques, de notes lourdes du poids d’une histoire qu’il revendique africaine. Son jazz suinte le blues et la tradition. Il a joué George Cablesavec Elvin Jones dont la polyrythmie, prolifération de battements décalés, propulsent et galvanisent les solistes. Freeman n’est toutefois plus le musicien fougueux de ses premiers albums qui firent sensation dans la seconde moitié des années 70. Il parle surtout le langage du cœur, structure davantage ses histoires, son phrasé legato, conserve ses attaques, son haut débit de notes. Son lyrisme est plus particulièrement évident dans les ballades qu’il aborde. Il présente son concert comme un « Tribute to Elvin Jones » et Winard Harperreprend des compositions de John Coltrane (Lonnie’s Lament) et McCoy Tyner. Excellent rythmicien, Cables évoque parfois ce dernier dans les couleurs modales de ses notes virevoltantes. Imperturbable, la contrebasse de Lonnie Plaxico relie les instruments entre eux et seconde un Winard Harper impérial. Ce dernier ne joue pas du tout comme Elvin Jones. Il possède un jeu solide et inventif, fait magnifiquement sonner ses tambours et fouette ses cymbales avec le sens du groove et l’énergie du fol espoir.

 

SAMEDI 5 février

Jacky-Terrasson.jpgGrâce à l’infatigable Stéphane Portet (Sunset et Sunside), le musée de la fédération de tennis du Stade Roland Garros se transforme une fois par mois en salle de concert. (Yaron Herman s’y produira le 5 mars prochain).  En trio avec Thomas Bramerie à la contrebasse et Leon Parker à la batterie, Jacky Terrasson inaugurait cette vaste salle offrant une parfaite visibilité aux mélomanes. Le son pose davantage problème, l’endroit n’ayant pas été conçu pour écouter de la musique. Mais le piano sur lequel joua Jacky n’était pas celui qui avait été demandé et il serait prématuré de porter un jugement définitif sur l’acoustique du lieu à l’écoute d’un seul concert. Jacky en donna de meilleurs, mais sans être inoubliable, celui de Roland Garros fut loin d’être mauvais. Outre le fait qu’il parvint à faire sonner un médiocre piano, il enthousiasma par sa capacité à renouveler sa musique. Avec J.-Terrasson-Trio.jpgThomas Bramerie et Leon Parker, cette dernière est moins rentre-dedans, moins funky qu’avec les autres sections rythmiques que Jacky affectionne, le tandem Ben Williams et Justin Faulkner (une découverte de Branford Marsalis) ou celle que constituent Ben et Jamire Williams. Batteur au jeu minimaliste, Parker ne pousse nullement le pianiste à tenir des tempos déraisonnables. Avec lui, Jacky joue un piano fin et sensible. Basse et batterie répondent à ses lignes mélodiques inventives, les provoquent, installent une tension rythmique quasi jamalienne, un perpétuel questionnement qui enrichit la musique. Si Beat It de Michael Jacksonfonctionne moins bien, les opportunités mélodiques se font plus nombreuses avec une contrebasse élégante qui fait chanter ses notes. Des morceaux comme Smile, Smoke Gets in your Eyes et My Church en bénéficient, acquièrent un lyrisme encore plus grand. Ils témoignent de la forme éblouissante d’un pianiste qu’on ne se lasse jamais d’écouter.

 

MARDI 8 février

Steve-Kuhn-copie-1.jpgEntre les deux concerts qu’il donna au Duc des Lombards, Steve Kuhn me confia qu’il n’avait pas joué en France depuis près de dix ans. Ce grand styliste du piano fut l’un des accompagnateur de Kenny Dorham, Stan Getz, Art Farmer et brièvement John Coltrane. Ses harmonies élégantes restent ancrées dans la tradition du bop. Il en connaît parfaitement les grilles et les exploite avec intelligence dans les nombreux standards qu’il reprend (Lotus Blossom de Kenny Dorham, Four de Miles Davis, Airegin de Sonny Rollins), mais adopte un jazz plus modal dans ses propres compositions, son jeu ressemblant alors à celui de McCoy D.-Johnson---J.-Baron.jpgTyner. Moins abstrait et novateur que Paul Bley, Kuhn s’en rapproche par son lyrisme. Si le grand modèle reste Bill Evans, le grand Bud Powell se fait également entendre dans son piano. Ce dernier influença Evans à ses débuts, le lyrisme n’empêchant nullement la pratique d’un bop plus musclé. C’est donc une solide section rythmique qui encadre Steve Kuhn sur la scène du Duc. Dean Johnson a beaucoup joué avec Gerry Mulligan. Il prend de bons chorus et fait sonner ses notes avec goût. Excellent batteur constamment à l’écoute de la dynamique pianistique, Joey Baron pratique un réjouissant chabada sur la grande cymbale et joue beaucoup avec la résonance naturelle de ses tambours. La finesse de son drumming fait merveille dans les ballades. Le trio reprit Autumn Leaves partiellement transformé en valse, mais aussi Don’t Explain de Billie Holiday, Kuhn jouant des lignes de blues, ornementant la ligne mélodique du morceau par de jolies cascades de notes Steve-Kuhn-Trio-c.jpgperlées. Le blues, le pianiste le mêle au ragtime dans une étonnante version de Jitterburg Waltz(Fats Waller) longuement introduite en solo. Autres surprises de ces deux concerts, The Lamp is Low, une adaptation de la célèbre Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel et Slow Hot Wind de Henry Mancini porté par une walking bass précise et efficace. Dans les pièces qu’il a lui-même composées, Khun diversifie son jeu, joue un autre piano. Oceans in the Sky et The Zoo (un des titres de “Playground” enregistré en quartette avec Sheila Jordan) en bénéficient. Le pianiste se lâche, joue des grappes de notes tourbillonnantes, fait chanter ses arpèges et place alors le rêve au cœur de sa musique.          

 

VENDREDI 18 février

Tord-Gustavsen.jpgTord Gustavsen à Nantes au Grand T, pour son seul concert sur le sol français. Une salle pleine, huit cents sièges occupés. Le pianiste s’en montre surpris. Aucune date à Paris malgré le succès critique de son dernier album. Tord n’a plus d’agent pour lui trouver des concerts ce qui explique cette regrettable impasse sur la capitale. C’est en quartette qu’il effectue sa tournée. Mats Eilersten, le nouveau bassiste, ne change en rien sa musique. On s’en rend compte à l’écoute de “Restored, Returned”, disque dans lequel on découvre le saxophone lyrique de Tore Brunborg, le quatrième membre du Tore-Brunborg.jpggroupe, une pièce essentielle de son dispositif musical, ce dernier apportant à la musique de nouvelles couleurs, une sonorité chaude et expressive que ce soit au ténor ou au sopranino. Ses improvisations ne s’écartent jamais trop des thèmes. Tore embellit, souffle des notes onctueuses qui donnent poids et relief aux oeuvres du pianiste. Ce dernier reprit plusieurs morceaux de “Changing Places” et “Being There” ses anciens albums, Deep as Love notamment, et en interpréta de nouveaux. Il enregistrera dans quelques jours un quatrième opus pour ECM avec ce même quartette et le groupe en peaufine le contenu sur scène, des compositions Mats Eilertsenqui mêlent étroitement blues et gospel, Tord poursuivant une quête mélodique dans laquelle le silence et la note jouée ont beaucoup d’importance. La plupart des thèmes sont longuement introduits en solo. Gaucher, Tord possède une main droite mobile et puissante. S’il aime caresser ses notes et nous toucher par une musique intensément spirituelle, il peut aussi les faire puissamment sonner, jouer un impressionnant piano orchestral. Le blues surtout irrigue ses lignes mélodiques, ses voicings subtilement colorés et rythmés par le fidèle Jarle Vespestad, batteur délicat dont les toms aux peaux volontairement distendues possèdent une sonorité sourde. Le solo dont il nous gratifia fut remarquable d’intelligence et de musicalité. Le second rappel, une superbe version de The Child Within, un duo piano saxophone, fut l’un des grands moments d’une soirée mémorable.

 

Reconstruire pour continuer à sourire

Tet kole logo-Le 5 novembre dernier, à l’Auditorium St. Michel de Picpus, 53 rue de la gare de Reuilly 75012 Paris, l’association Tèt Kolé organisait un concert pour venir en aide aux enfants de l’école Basile Moreau de Port-au-Prince dévastée par le tremblement de terre. Les fonds récoltés permirent de financer la reconstruction du mur d’enceinte de l’établissement. Un second concert est prévu au même endroit le mardi 1er mars à 20h30 afin de réhabiliter le bâtiment du primaire. Au programme : le Patrice Caratini Latinidades Quintet (avec Remi Sciuto aux saxophones et Manuel Rocheman au piano) et un trio comprenant André Villéger (saxophone), Benoît Sourisse (orgue) et André Charlier (batterie). Prix des places 15€ (adultes) et 8€ (étudiants). Réservations au 01 43 44 79 19. 

Photos © Pierre de Chocqueuse

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 11:40

Touchofevilquinlan.jpg                                                                                        Orson Welles (Quinlan) dans “Touch of Evil” (“La Soif du mal”)

 

S. Oliva - Film Noir, coverEmpruntant autant aux drames psychologiques qu’aux films de gangsters, le film noir parle à Stéphan Oliva. Son piano économe en traduit les nuances les plus sombres. Dans “Jazz’n (e)motion“ (1997), Stéphan reprend “Touch of Evil” (“La Soif du mal”) qu’il revisite aujourd’hui, mais aussi “Vertigo” (“Sueurs froides”) de Bernard Herrmann. Après avoir convoqué les fantômes de ce dernier dans deux albums, le pianiste consacre un disque entier au genre, transpose sur son clavier les ombres du noir et blanc, les couleurs parcimonieuses de son jeu crépusculaire ne les faisant que mieux ressortir. Terrain d’élection de cinéastes « émigrés » (Robert Siodmak, Fritz Lang, Otto Preminger et Billy Wilder sont autrichiens et allemands), confié à des chefs opérateurs au talent exceptionnel (le hongrois John Alton pour n’en citer qu’un), le film noir connut son âge d’or en Amérique dans les années 40 et 50. Dix des treize longs-métrages qu’évoque cet album datent de cette période. Oliva inclut aussi dans son programme deux films en couleurs plus tardifs, “The Long Goodbye” (“Le Privé”) et “Der Amerikanische Freund” (“L’Ami américain”). Un medley consacré à Akira Kurosawa complète ces bandes-son qu’Oliva arrange, transforme et s’approprie. Il a vu chaque film plusieurs fois pour en relever les partitions, coupe, effectue un véritable travail de remontage des thèmes ou des séquences musicales qu’il reprend. Une utilisation fréquente de la pédale forte lui permet de prolonger la résonance des notes, la vibration des cordes, d’augmenter la noirceur des accords qu’il plaque dans les graves du clavier. Le pianiste ne reprend pas nécessairement les génériques des films. Il développe des thèmes secondaires, des passages illustratifs. On suit ainsi la descente de la rivière effectuée par John et Pearl, les deux enfants que poursuit Robert Mitchum dans “Night of the Hunter” (“La Nuit du chasseur”). Le martèlement des basses qui débute le morceau est le cri de rage de ce dernier voyant que ses proies lui échappent. Stanley Kubrick n’a pas mis de musique sur le générique de “The Killer’s Kiss” (“ Le Baiser du Tueur” ). Elle survient un peu plus tard, avec l’apparition de Gloria (Irene Kane) dans son appartement, et accompagne de nombreuses scènes du film. Stéphan Oliva en a beaucoup ralenti le rythme. Il détache toutes les notes du thème et parvient à les faire magnifiquement sonner. On entre dans ce recueil avec la musique que John Lewis écrivit pour “Odds Against Tomorrow” (“Le Coup de l’escalier”). Stéphan conserve certaines notes bleues que joue Bill Evans dans la bande-son originale. Avec “Force of Evil” (“L’Enfer de la corruption”) et “The Asphalt Jungle” (“Quand la ville dort”) les climats s’assombrissent. Dans le premier, le piano, abstrait et dissonant restreint sa palette de couleurs. Normal, la société que dénonce Abraham Polonsky dans son film est entièrement corrompue. Une métaphore de l’Amérique et du monde des affaires. Cette angoisse que le pianiste exprime par la profondeur abyssale de ses basses est encore plus marquée dans “The Asphalt Jungle”, un ostinato de notes lourdes et obsédantes qui accompagnent Sterling Hayden au bout de sa cavale, dans un champ de son Kentucky natal, parmi des chevaux. Cette noirceur, on la retrouve dans les cadences graves et lentes de “Whirpool” (“Le Mystérieux docteur Korvo”). Mis à nu par Stéphane qui les a débarrassés d’orchestrations parfois douteuses, les thèmes vénéneux d’“Angel Face”, “Double Indemnity” (“Assurance sur la mort”) ou “The Long Goodbye” retrouvent leur splendeur mélodique primitive, se révèlent à nous comme si on les entendait pour la première fois.

 

S.-Oliva---After-noir--cover.jpgOutre “Film Noir”, le label Sans Bruit met à disposition en téléchargement (MP3 320 ou FLAC qualité CD) “After noir”, un album de compositions et d’improvisations de Stéphan Oliva enregistré pendant la même séance. Acteurs et actrices inspirent son piano « after gone », notamment Robert Ryan dont une image en couleur de “Odds against Tomorrow” illustre la pochette. L’attaque des notes, les choix harmoniques, révèle un jazzman au toucher délicat qui réserve aux actrices des morceaux intensément lyriques. Le blues est présent dans la ligne mélodique de la pièce consacrée à Piper Laurie, la partenaire de Paul Newman dans “The Hustler” (“L’Arnaqueur”). Lizabeth Scott qui enregistra un disque de jazz en 1958 pour le label Vik hérite aussi d’une très belle mélodie. On trouve son nom dans de nombreux films noirs. Le plus célèbre reste sans doute “The Strange Love of Martha Ivers” (“L’Emprise du crime”) de Lewis Milestone, le rôle de Martha Ivers étant confié à Barbara Stanwyck. Pour ce film, le premier de Kirk Douglas, Miklos Rozsa a composé une partition que Stéphan a probablement entendue. Les deux autres femmes qu’il célèbre dans ce disque sont Gloria Grahame et Gene Tierney. Cette dernière, la Laura d’Otto Preminger, mais aussi l’inoubliable Madame Muir, bénéficie d’une mélodie très tendre sur laquelle le pianiste a l’habitude de terminer ses concerts. Comme celui de Lizabeth Scott, le portrait de Gloria Grahame est inclus dans l’After Dark Suite, improvisation de vingt-quatre minutes enregistrée d’une traite tard dans la nuit à La Buissonne. Elle contient une superbe version de The Blue Gardenia qu’interprète Nat King Cole dans le film de Fritz Lang qui porte le même nom. Son hommage à Humphrey Bogart par lequel elle débute s’inspire de “The Maltese Falcon” (“Le Faucon maltais”) dont Stéphan décline quelques mesures du thème. Les autres acteurs de cette suite sont Sterling Hayden – le piano restitue parfaitement l’ivresse de l’écrivain alcoolique Roger Wade dans “The Long Goodbye” - , Robert Mitchum et Robert Ryan. Ces deux-là entourent Gloria Grahame dans “Crossfire” (“Feux croisés”), un film d’Edward Dmytryk dans lequel Ryan tient le rôle du salaud. Intitulant son propre morceau Crossfired, le pianiste durcit le trait, attaque puissamment les basses de son clavier. Il fait de même dans “On Dangerous Ground” (“La Maison dans l’Ombre”), première des trois pièces consacrées à l’acteur. Policier aigri et violent dans ce film de Nicholas Ray, Ryan inspire à Oliva un piano tourmenté et abstrait d’une noirceur inoubliable.

Piper LaurieLizabeth ScottG-Grahame.jpg

Piper Laurie                                               Lizabeth Scott                                             Gloria Grahame

 

“Film Noir” : www.illusionsmusic.fr

“After Noir (Piano Gone)” : www.sansbruit.fr (Disponible à partir du 19 février)

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13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 13:09

Geri Allen trio                                                                                                                                    Geri Allen, Kenny Davis & Kassa Overall

JEUDI 20 janvier

Cela faisait longtemps que l’on attendait Patrick Favre dans un club parisien. Le Sunside l’accueillait le 20 janvier dernier et la qualité fut au rendez-vous de nos Patrick Favre Sunsideespérances. En trio avec Gildas Boclé à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie, les musiciens de son dernier album “Humanidade”, Patrick fit d’emblée chanter ses notes de son piano. Leur flot paisible et régulier baigne ses thèmes oniriques. Résolument modale, sa musique en nécessite peu. La difficulté est de les assembler afin de leur donner le plus d’éclat possible. Patrick sait les faire sonner. Taillées et polies comme des diamants, elles étincellent sans défauts dans des improvisations structurées et réfléchies. Ses thèmes, de courts motifs mélodiques, donnent ainsi naissance à de vastes paysages harmoniques dont il a soigneusement peaufiné l’architecture et les couleurs avant Gildas-Bocle-copie-1.jpgde les livrer au disque, de les jouer en concert. Spontanéité et imprévu n’y sont nullement exclus. Chaque composition peut être améliorée par les nouvelles idées mélodiques ou rythmiques qu’apportent les musiciens. Le trio interpréta Instinct, Distance, Sereine, des morceaux aux noms courts qui traduisent en un seul mot l’émotion, le ressenti du pianiste. Les tempos sont lents. Le recours à des pédales ralentit plus encore le rythme harmonique de ces pièces majestueuses. Confié au piano et à la contrebasse, leur déroulement mélodique en bénéficie. Gildas Boclé utilise avec bonheur son archet. Le piano prend le temps de poser les couleurs du rêve. Confiés à Karl Jannuska, les rythmes se font légers et aériens. Le second set sera meilleur encore. Les musiciens Karl-Jannuska.jpgprennent davantage de risques et Air de Lune en bénéficie. Les musiciens ont retravaillé cette pièce que la contrebasse et le piano se partagent seuls dans “Humanidade”. Ils se lâchent, improvisent, déploient largement le spectre coloré de leurs instruments dans une version différente de celle du disque. Premice, un titre plus musclé, leur offre des interventions dynamiques. Les phrases s’allongent, héritent de nouvelles couleurs harmoniques. Le trop court troisième set fut un enchantement. Daphné, un extrait de “Danse Nomade”  n’a quasiment pas été répété avant le concert. Bénéficiant de chorus spontanés, d’un léger balancement rythmique qui convient au piano tendre et lyrique de Patrick, il trouva son interprétation idéale.

 

VENDREDI 28 janvier

Geri-Allen-copie-1.jpgLes visites de Geri Allen se font rares. La pianiste ne s’était pas produite en France depuis quatre ans. La voir programmer au théâtre Paul Eluard de Choisy-Le-Roi dans le cadre du Festival Sons d’hiver constituait donc un événement. Time Line, le groupe qui l’accompagne associe un « tap percussionist » à une section rythmique. Utilisées comme un instrument à part entière, les claquettes de Maurice Chestnut doublent les rythmes de la batterie ou dialoguent avec eux. L’homme saute, cabriole, bat l’air de ses bras pour trouver son équilibre. Cette énorme dépense d’énergie l’oblige parfois à quitter la scène pour récupérer. Geri Allen se Kenny-Davis.jpgretrouve alors en trio pour jouer son piano. Elle possède un jeu puissant aux harmonies riches et colorées, met de la tension dans ses notes, du feu Maurice-Chestnut.jpgdans ses accords, donne de la dynamique à sa musique, un ballet dont elle rythme figures et épisodes. Il y a beaucoup d’imprévus dans ses voicings, véritable flux pianistique, dont elle contrôle le débit et l’intensité. Elle dispose de la contrebasse mélodique de Kenny Davis et d’un batteur au chabada très précis. Attentif à son jeu, prêt à réagir à ses nombreuses demandes, Kassa Overall dialogue avec elle, transpose en figures rythmiques les riffs de son piano. S’appuyant sur la contrebasse métronomique de Davis, Kassa-Overall.jpgmultipliant les duos avec Overall et Chestnut, ce dernier s’élançant, échappant à la terre pour mieux la marteler de ses pas, Geri nous combla par un répertoire tonique comprenant compositions personnelles (Philly Joe) et standards de jazz. Ancré dans la tradition, son piano actualise et enrichit le vocabulaire du bop, s’ouvre largement à l’harmonie la plus contemporaine. Le blues et le groove imprègnent naturellement sa musique. Charlie Parker, Thelonious Monk et Mal Waldron (Soul Eyes) se retrouvent à la fête dans un piano orchestral aux notes généreuses, aux basses lourdes et  percussives (l’influence de Cecil Taylor) pour célébrer le rythme.

 

LUNDI 31 janvier

J.J.-Elangue---T.-McClung.jpgDe Jean-Jacques Elangué, je n’avais rien entendu. Quant à Tom McClung, compagnon de route d’Archie Shepp, je connais son piano depuis pas mal de temps. Nicolas Petitot m’avait remis leur disque. Il aime le jazz et, occasionnellement, édite quelques albums. Sa production précédente, un enregistrement de Tom jazzifiant en solo le répertoire classique, ne m’avait guère séduit. Recueil de pièces pour saxophone et piano, “This is You”  le nouveau disque me plaît énormément. Dans un Sunside presque trop plein (un exploit pour un lundi soir !), les deux hommes nous en offrirent un contenu différent, imaginant d’autres progressions harmoniques, d’autres introductions et codas à leurs morceaux. Comment deviner J.J.-Elangue.jpgIn the Night, dernière pièce de l’album, dans le souffle brûlant du ténor qui en masque longtemps le thème ? Tom assura le premier chorus de ce morceau funky qui favorise le swing et se prête aux échanges. Au saxophone ténor, Jean-jacques Elangué possède une sonorité ample et généreuse. Il sculpte ses notes avec tendresse, en étrangle le son, le fait vibrer lorsqu’il le souhaite. Il utilise tout le registre de son instrument et ses basses portent à l’estomac. Près de lui, Tom McClung trouve toujours les accords adéquats, des notes très bleues qui enrichissent la ligne mélodique de ses phrases. Ses chorus sont des pluies de notes élégantes macérées dans le blues. Tom et Jean-Jacques aiment Thelonious Monk et jouent Pannonica, Skippy, un medley Tom-McClung.jpgde ses thèmes, sans oublier Nutty, un des morceaux de leur album. Leurs propres compositions, lyriques et anguleuses, ne sont pas étrangères à son influence. Monk n’aurait sûrement pas désavoué Kouignamani abordé à l’unisson par deux instruments malicieux. Le saxophone répond à un piano un peu canaille au déhanchement chaloupé, Tom assurant les basses à la main gauche. Jean-Jacques joue la ligne mélodique pendant que son complice improvise. Ces deux-là se complaisent dans le bop. Monk n’est pas leur seule référence. Charles Mingus et Duke Ellington occupent aussi leur mémoire et le blues le plus authentique imprègne leur musique. De ce dernier, ils reprennent Fleurette Africaine, en donnent une version onirique. L’émotion, le feeling passe aussi par la voix. Celle de Jean-Jacques brode des onomatopées, ajoute des paroles à This is You, superbe ballade qui donne son nom à un album pas comme les autres.

PHOTOS © Pierre de Chocqueuse

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 09:19

Heterotopos.jpgEvrim Evci m’était parfaitement inconnu avant qu’il ne me fasse parvenir son disque, une autoproduction réunissant quelques musiciens que j’apprécie. Séduit par sa musique et non par le texte de pochette pour le moins rebutant qui l’accompagne, je me suis penché sur sa biographie et appris qu’Evrim, ingénieur de formation et autodidacte touche à tout, avait été rédacteur en chef du site Citizen Jazz. J’ai surtout découvert un talentueux saxophoniste dont les compositions traduisent un réel sens des couleurs et un intérêt pour la forme. On est d’emblée séduit par l’heureux mélange de sonorités qu’apportent le trombone de Sébastien Llado, le soprano d’Evrim et le ténor de Max Pinto, trois vents qui chantent de vraies mélodies, pratiquent l’improvisation collective, soufflent de beaux riffs et prennent de très inventifs chorus individuels. Derrière eux, Marc Buronfosse à la contrebasse et Antoine Banville fournissent des rythmes souples et solides. Ils ont l’habitude de jouer ensemble et assurent de parfaits tempos. Marc joue de bien belles notes dans Albissong, un thème confié au piano de Nico Morelli qui introduit joliment le morceau. Les improvisations de ce dernier sont parfois plus banales, mais au sein de la section rythmique, Nico place des accords judicieux pour en renforcer le groove. Dans la nuit du 11 au 13, un blues au feeling généreux, la guitare de Frédéric Favarel se substitue à son piano pour dialoguer avec les vents et électrifier la musique. J’apprécie moins Whimsical, une pièce dure et abstraite, mais m’enthousiasme pour la pièce suivante, Ne m’aime pas, dont le thème évoque Útviklingssang de Carla Bley (“Social Studies”). Sébastien Llado en est l’homme clef. Son chorus de trombone lui confère sa chaleur. Llado souffle aussi dans des conques pour poétiser Endeka, autre composition mélodieuse de l’album. Entre-elles, Evrim Evci place des morceaux plus funky. Son soprano commente avec éclat Dans la nuit du 11 au 13 et dialogue avec le ténor de Max Pinto dans Heckyll & Jyde. La dernière plage du disque, la plus longue, Zacatin, accueille le chanteur kurde Issa Hassan. Son bouzouki double les notes du thème, improvise et donne un aspect oriental à la musique. “Hétérotopos” : du grec topos (lieu) et hétéro (autre), un lieu autre, un disque à l’alchimie capiteuse dont il émane une belle lumière.

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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 11:48

Soldes-c.jpgFévrier : dans les magasins de disques, les prix varient comme les cours de la bourse. Il faut guetter le bon moment pour acquérir à prix réduit et ne jamais se précipiter. Si les opérations spéciales du genre trois CD pour le prix d’un sont légions tout au long de l’année, les soldes sont plus intéressants encore. Les boutiques déstockent alors à très bas prix quantité de disques dont certains excellents. Pour cinq euros on peut même prendre des risques. Modérément, car quoiqu’en disent ceux qui prétendent que tout est subjectif, que le beau et le laid ne relèvent que du goût de chacun, les mauvais disques sont beaucoup plus nombreux. Bons ou mauvais, ces rondelles de plastique que personne ne veut s’empilent dans les Bill-Evans-Explorations--cover.jpgarrières boutiques des magasins qui soldent désespérément faute de toujours pouvoir les retourner aux éditeurs. Peu d’albums sont mis sur le marché entre la mi-décembre et la mi-février. Tant mieux. On peut ainsi prendre le temps de réécouter quelques enregistrements de sa discothèque. C’est avec une joie non dissimulée que la musique de Thelonious Monk a récemment titillée mes oreilles (“Criss-Cross”), que j’ai replongé dans Duke Ellington (“Blues in Orbit”), Bill Evans (“Explorations”) et Stan Getz (“Anniversary” et “Serenity”). Federico Monk-Criss-Cross-cover.jpgMompou, Georges Enesco et Charles Koechlin ont parfait mon bonheur, mais aussi Michael Brecker dont le recueil de ballades “Nearness of You” me touche particulièrement. Ecoutant le ténor de ce dernier, j’ai reconnu quantité de saxophonistes qui ont préféré emprunté sa sonorité plutôt que de forger la leur. Aujourd’hui tout le monde sonne pareil, comme Brecker qui reste un des modèles incontournables d’un jazz qui se dit créatif, mais ne fait que tourner en rond. Les pianistes n’ont pas ce problème, leur instrument étant censé être accordé. Leur handicap Stan-Getz-Serenity--cover.jpgvient de leur nombre, plus élevé que les harpistes ou les harmonicistes. Quelques-uns sortent du rang, inventent, bousculent nos habitudes d’écoute. Pas toujours les plus médiatiques. La vigilance reste de mise. Les oreilles doivent rester grandes ouvertes. Même en hiver, il faut sortir, juger un musicien sur ses concerts, pas seulement sur ses disques, et lui donner une seconde chance. Philippe Etheldrède ne fréquente pas beaucoup les clubs. Il n’en a cure, la plupart des musiciens qu’il programme dans ses Jazz à Fip sont depuis longtemps au paradis. Ses émissions accordent une large place à des jazzmen d’hier que l’on n’écoute pas assez. Philippe connaît parfaitement le jazz des années 50 et 60, et fait un travail d’utilité public. On peut comme Jean-Paul l’applaudir des deux mains. Février, un mois qui sommeille laisse des loisirs, mais apporte moins de concerts incontournables. J’en propose quelques-uns qui m’inspirent. Couvrez-vous chaudement pour sortir. Bonnet, écharpe et paire de gants semblent appropriés avec ce froid. On n’est jamais assez prudent.          

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Jackie-T.jpg-Nouveau lieu de concert parisien, la galerie du musée de Roland Garros aménagée en club accueillera une fois par mois, de janvier à juin, un pianiste de jazz. Stéphane Portet (Sunset Sunside) s’occupe de la programmation. A tout seigneur, tout honneur, c’est Jacky Terrasson qui, en trio avec Thomas Bramerie à la contrebasse et Leon Parker à la batterie, essuiera les plâtres de ce premier Sunset hors les murs à Roland Garros le samedi 5 février.  Yaron Herman, Giovanni Mirabassi et Eric Legnini assureront les futures soirées de ce nouveau temple du jazz.

 

Steve Kuhn-Pianiste à la carrière prestigieuse – il a notamment enregistré avec Stan Getz, Kenny Dorham, Art Farmer, Max Roach, Bob Brookmeyer, Gary McFarland, John Coltrane et la chanteuse Sheila Jordan - , Steve Kuhn donne quatre concerts au Duc des Lombards le 7 et le 8 (20h00 et 22h00), en trio avec Dean Johnson à la contrebasse et Joey Baron à la batterie. L’événement est de taille. Pianiste raffiné, Kuhn enchante par ses choix harmoniques. Auteur de superbes albums en solo – “Ecstasy” pour ECM, “Jazz’n (e)motion” pour BMG France - , il est l’auteur de l’un des meilleurs disques de jazz édité en 2009, “Mostly Coltrane” (ECM), un hommage au grand John dont il fut en 1960 le pianiste pendant trois mois.

C.-Flowers-flyer-fev11.jpg

-Egalement le 7, Christine Flowers occupe le Bœuf sur le Toit (34 rue du Colisée 75008 Paris) avec ses excellents musiciens habituels : Jobic Le Masson au piano, Peter Giron à la contrebasse et Jeff Boudreaux à la batterie. Au programme : les chansons du grand Oscar Brown, Jr. que Christine interprète avec brio et authenticité. Elle en a enregistré douze et cherche toujours à les commercialiser.

 

-Nouvelle venue dans le jazz vocal, Cécile McLorin Salvant a remporté le 4 octobre dernier la prestigieuse Thelonious Monk Competition devant un jury de professionnels qui C. McLorin © B. Deniscomprenait Patti Austin, Dee Dee Bridgewater, Kurt Elling, Al Jarreau et Dianne Reeves. Elle est attendue au Duc des Lombards le 11 et le 12 pour quatre concerts (20h00 et 22h00). Avec elle, le saxophoniste Jean-François Bonnel qui depuis trois ans lui fait travailler le jazz vocal à Aix-en-Provence, et les musiciens du CD autoproduit par ce dernier : Jacques Schneck au piano, Enzo Mucci à la guitare, Pierre Maingourd à la contrebasse et Sylvain Glevarec à la batterie. Les arrangements de l’album datent un peu, mais Cécile possède une voix admirable qu’il faut absolument écouter.

Devil-Quartet.jpg

-Ceux qui ont manqué le mythique quintette italien de Paolo Fresu au Sunside les 10 et 11 décembre peuvent se rattraper en se rendant au New Morning le 11 février. Le trompettiste sarde s’y produit avec son Devil Quartet Bebo Ferra (guitare), Paolino Dalla Porta (contrebasse) et Stefano Bagnoli (batterie) – , et propose un jazz métissé de rock, de pop et de world qui fait la part belles aux ballades.

L.-de-Wilde.jpg

 

-Toujours le 11, le trompettiste Eric Le Lann se produit en quartet au Sunside avec Laurent de Wilde au piano, Jérôme Regard à la contrebasse et Laurent Robin à la batterie. La trompette de Le Lann ajoute du lyrisme à un combo très performant qui peut se suffire à lui-même. On le constatera le 12, Wilde, Regard et Robin poursuivant au Sunside leurs agapes musicales en trio.

Antoine-Herve.jpg

 

-Le 14 à 19h30, on retrouve Antoine Hervé à l’Auditorium Saint-Germain qui est aussi la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs. On ne se lasse pas de ce rendez-vous mensuel avec Oncle Antoine, conteur et pianiste émérite. Sa belle histoire de février portera sur Pat Metheny. Rassurez-vous, l’Oncle Antoine ne s’est pas mis à la guitare. Il laisse à son invité, Manu Codjia, le soin de tenir l’instrument. Véronique Wilmart sera également présente sur scène aux claviers. Une belle leçon de jazz en perspective !

A-Thin-of-Flesh.jpg

-Elise Caron retrouve Lucas Gillet le 16 au Studio de l’Ermitage (20h30) pour une reprise de “A Thin Sea of Flesh”, adaptation musicale très réussie de quelques poèmes du grand Dylan Thomas. Ce n’est certes pas du jazz, mais la musique est belle et la voix d’Elise, sensuelle et caressante, sert idéalement la langue immortelle du poète dont chaque parole, brûlante et liquide, est comme une lave qui ne refroidit jamais.

 

Nagual Orchestra-copie-1-Le 17, le Nagual Orchestra poursuit sa résidence à l’Age d’Or, 26 rue du Docteur Magnan 75013 Paris. Constitué de Florent Hubert au saxophone ténor et à la clarinette, Olivier Laisney à la trompette, Alexis Pivot au piano, Mathieu Bloch à la contrebasse et David Georgelet batterie, ce quintette de jazz moderne inventif et inspiré s’y produit les troisième jeudi de chaque mois à 20h30 (entrée gratuite).

Tord Gustavsen Ensemble

-Le 18 février, je serai à Nantes. Le Grand T (84 rue du Général Buat) accueille à 20h30 le Tord Gustavsen Ensemble. Trois disques en trio pour ECM ont suffi à imposer le pianiste comme l’un des jazzmen européens les plus prometteurs et “Restored, Returned” son dernier album, Choc Jazz Magazine / Jazzman en février 2010, est une vraie splendeur. Tord puise son inspiration dans le blues, le gospel et les vieux hymnes d’église. Privilégiant la mélodie, il joue peu de notes, les choisit avec soin et s’investit dans chacune d’elles, créant un jazz intimiste dans lequel la respiration et le silence ont beaucoup d’importance. Si le trio reste pour lui une vraie passion - Mats Eilertsen à la contrebasse et Jarle Vespestad à la batterie en sont les musiciens -  c’est en quartette qu’il se produit à Nantes, l’excellent saxophoniste Tore Brunborg ajoutant de nouvelles couleurs à sa musique. Ne manquez surtout pas ce concert événement, seule date française de sa tournée.

 

Jean-Loup Longnon-Jean-Loup Longnon est un grand musicien, un ami de ce blog qu’il anime par ses facéties avec beaucoup de gentillesse (les photos de la récente remise des prix de l’Académie du Jazz). Avec lui, tout est grand, volumineux. Il possède une voix puissante et les tutti de sa trompette brisent les verres un peu fins. Une fois par mois, il occupe le Duc des Lombards avec son enormous big band, dix-sept musiciens qui envahissent non seulement la scène, mais une partie de la salle. A proximité du bar dont il peut à loisir contempler les dives bouteilles, sans porte-voix (il n’en a nullement besoin), il dirige ses hommes, fait résonner trompettes, saxophones et trombones dans un maelström de swing puissant qui charme nos oreilles. Le 22 février au Duc pour deux concerts inoubliables (20h00 et 22h00).


Duc-des-Lombards.jpg-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com

-Bœuf sur le Toit : www.boeufsurletoit.com

-New Morning : www.newmorning.com 

-Auditorium St Germain : www.mpaa.fr

-Studio de l’Ermitage :www.studio-ermitage.com

-L’Âge d’Or : www.lagedorparis.com

-Grand T : www.legrandT.fr

 

Photos : Jacky Terrasson, Paolo Fresu & Bebo Ferra, Laurent de Wilde, Antoine Hervé, Nagual Orchestra, Jean-Loup Longnon © Pierre de Chocqueuse - Steve Kuhn © ECM Records - Cécile McLorin Salvant © Bruno Denis - Tord Gustavsen Ensemble © Hans-Fredrik Asbjørnsen / ECM Records. 

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30 janvier 2011 7 30 /01 /janvier /2011 10:24

Ch.-Koechlin--Heures-Persanes--cover-b.jpgJe ne connaissais pas “Les Heures persanes”  de Charles Koechlin avant de trouver ces jours-ci sa version pour piano dans les bacs de soldes de la FNAC Montparnasse. Né à Paris le 27 novembre 1867, décédé au Canadel (Var), le 31 décembre 1950, Charles Koechlin (un parent de Philippe Koechlin qui fut rédacteur en chef de Jazz Hot et l’un des fondateurs de Rock & Folk) reste un musicien largement méconnu malgré une œuvre aussi diversifiée qu‘abondante (226 opus répertoriés). Une infime partie d’entre-elle existait sur disque avant que le label Hänssler Classic n’entreprenne de l’éditer – neuf CD sont actuellement au catalogue de la firme allemande. Achevées en 1919, “Les Heures persanes” furent orchestrées deux ans plus tard par le compositeur. Cette version pour piano n’est pas pour autant inachevée ou incomplète, comme c’est parfois le cas de certaines réductions. Bénéficiant de magnifiques couleurs orchestrales, elle conserve même une modernité tout à fait surprenante. Jean-Paul, Philippe “Machin Chose” Etheldrède et quelques grincheux vont sans doute râler, voire protester lorsqu’il découvriront cette chronique. Accordé, ce n’est pas du jazz, et pourtant on y entend Bill Evans et Thelonious Monk, on y découvre un langage harmonique riche et fascinant qui est celui du jazz moderne et que Koechlin utilise des années avant eux. Grand voyageur, ce dernier ne mit jamais les pieds en Perse. L’écriture des “Heures persanes” lui fut inspirée par ses lectures des Mille et une Nuits, des Nouvelles Asiatiques de Gobineau et le journal de voyage de Pierre Loti. Ne pensez pas entendre une musique orientale. “Les Heures persanes” de Koechlin n’ont rien de persan. En raison d’une différence de systèmes tonals, ce dernier a évité toute transcription, n’a rien emprunté à la musique arabe traditionnelle. Il a de même écarté les équivalences modales préférant imaginer une écriture très libre, conduire l’auditeur dans des paysages harmoniques inexplorés le plaçant à l’avant-garde des compositeurs de son temps. L’œuvre fut pourtant tardivement imprimée. Son premier enregistrement par Herbert Henck date de 1987. On en dit grand bien. Ne l’ayant point écouté, je ne saurais le comparer à cette présente version confiée au pianiste Michael Korstick et enregistrée en 2008. Un enchantement ! D’une durée de 66 minutes, ce cycle de seize pièces (un peu plus de 8 minutes pour la plus longue ; moins de 2 minutes pour la plus courte) séduit par la richesse de ses harmonies enivrantes. Pour en agrandir le spectre, Koechlin combine souvent plusieurs tonalités éloignées, élargit jusqu’à l’atonalité une harmonie fréquemment polytonale. Il introduit des accords de neuvièmes parallèles, des notes pédales et des accords de pédales notamment dans La Caravane (rêve pendant la sieste), long morceau particulièrement envoûtant au sein duquel, portée par un ostinato de basse, une ligne mélodique construite autour de mystérieuses et impalpables arabesques sonores voit le jour. L’ostinato est également employé dans La paix du soir, au cimetière et la répétition obsédante du mi confère une grande majesté au morceau. Koechlin aime les passages infiniment lents dans lesquels les nuances et les couleurs importent davantage que les barres de mesure. Cette musique ouverte dont les dissonances et les notes en suspens contribuent à l’étrangeté, on la retrouve dans le piano de Paul Bley, Keith Jarrett, Brad Mehldau et dans celui de nombreux jazzmen contemporains – les noms de Marc Copland et Richie Beirach me viennent également à l’esprit, mais il y en a beaucoup d’autres. Des années plus tôt, Charles Koechlin, créait un univers sonore complètement neuf qu’il importe de découvrir.

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 08:57

Corea, Clarke & White, coverDifficile d’ignorer le nouveau disque de ces trois-là. Chick Corea, Stanley Clarke et Lenny White connurent gloire et fortune dans les années soixante-dix avec Return to Forever. Avant de devenir l’un des groupes phares du jazz fusion, il est bon de rappeler qu’à l’origine RTF distillait un jazz métissé de musique brésilienne et de rythmes latins. Leurs deux premiers disques sont dans cette veine. Corea joue seulement du Fender Rhodes et White n’a pas encore rejoint la formation qui, outre Corea et Clarke, comprend la chanteuse Flora Purim, le saxophoniste flûtiste Joe Farrell et le batteur percussionniste Airto Moreira. Lorsque ces derniers quittent le groupe en 1973, Corea, Clarke et White tentent l’aventure en trio. Pendant quelques mois, ils jouent du jazz acoustique dont on ne possède malheureusement aucun enregistrement. Un soir, à San Francisco, deux guitaristes les rejoignent sur la scène du Keystone Korner. Le succès qu’ils rencontrent les conduisent à électrifier de manière beaucoup plus radicale leur musique, Corea se remet au Fender et adopte le synthétiseur. Ils engagent aussi un guitariste, Bill Connors, brièvement remplacé par Earl Klugh, puis par Al Di Meola en 1974. Avec ce dernier, RTF fait le plein de concerts et de tournées mondiales. Dissout en 1977, il s’est reconstitué en 1983 et plus récemment en 2008.

 

Malgré son titre ambigu, “Forever”, double CD au minutage copieux, n’est pas réellement un disque de RTF. Il renferme le premier enregistrement acoustique que les trois hommes publient sous leurs trois noms. Point de fusion donc, mais du jazz, les meilleurs moments d’une tournée « unplugged » effectuée en 2009 qui ne manquent pas de panache. Corea apporte No Mystery qui donne son nom à un album célèbre de RTF, Señor Mouse qu’il joua souvent en duo avec Gary Burton, mais aussi Windows qui se trouve dans “Now He Sings, Now He Sobs”, son premier disque. En complète osmose, le trio reprend aussi avec enthousiasme une poignée de standards, On Green Dolphin Street, Waltz for Debby et Hackensack. Utilisant une large palette harmonique, Chick Corea joue avec un brio phénoménal un piano dynamique, lyrique et volubile. Lenny White surprend par sa compréhension d’un jazz ternaire qu’il rythme et maîtrise à la perfection. D’une justesse parfaite, les notes que Stanley Clarke fait naître forment un tissu mélodique qui enveloppe le piano. Il fait sonner magnifiquement ses cordes et utilise l’archet avec sûreté dans La Canción de Sofia, sa propre contribution au répertoire de ces concerts. Nos trois lascars exhibent parfois un peu trop leur technique, mais cette dernière reste toujours au service d’une musique conséquente qui pèse son poids de belles notes.

 

White--Corea--Clarke.JPGPlus électrique, le deuxième disque est principalement la répétition en studio d’un concert que les trois hommes donnèrent à l’Hollywood Bowl de Los Angeles pour lancer leur tournée de 2009. La chanteuse Chaka Khan, le violoniste Jean-Luc Ponty et Bill Connors, le premier guitariste de RTF, ont été conviés à les rejoindre. Ce dernier joue dans After the Cosmic Rain et Space Circus deux des morceaux de “Hymn of the Seventh Galaxy” le seul disque de RTF dans lequel on entend sa guitare. Ponty intervient dans ces deux titres, ainsi que dans I Love You Porgy que chante Chaka Khan, Armando’s Rhumba et Renaissance, une de ses compositions. Son violon s’intègre idéalement à la musique, lui apporte une plus grande diversité de couleurs. Il éclairait déjà la version originale d’Armando’s Rhumba incluse dans “My Spanish Heart” (1976), le disque de Corea le plus proche de ses racines hispaniques. Captain Marvel est joué en trio avec ce dernier au Fender Rhodes, et Señor Mouse en quartette avec Connors. On comparera les versions de ce double CD, toutes deux excellentes. Accompagné par Lenny White, Chick Corea improvise sur Crescent de John Coltrane. Comme dans Armando’s Rhumba, il utilise un piano acoustique. Il en joue aussi dans une reprise époustouflante de 500 Miles High enregistrée en trio avec Clarke et White le 30 septembre 2009 au Monterey Jazz Festival, douze minutes d’un jazz virtuose que les amateurs apprécieront.

Photo © Tailor Cruthers, courtesy of Universal Records

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