« Mon professeur de français me haïssait. J’ai étudié votre langue pendant trois ans avant de prendre du recul avec elle. » Décontracté, Eli Degibri plaisante facilement avec le public du Sunside. Au regard des pochettes de ses disques, je le voyais plus grand. Je ne suis pas le premier à le lui dire et lui-même ne sait pas trop pourquoi. Il accepte volontiers que je le prenne en photo avec Aaron Goldberg, son pianiste. Eli est un saxophoniste ténor puissant et expressif qui sait mettre une bonne dose de tendresse dans les ballades qu’il interprète au soprano. Il a enregistré trois albums et son jazz moderne aux compositions soignées interpelle. Né en Israël, il vit aux Etats-Unis depuis 1997. Un an d’études au Berklee College of Music de Boston, puis le programme du Thelonious Monk Institute of Jazz Performance qu’il suit au New England Conservatory of Music de la même ville le mettent sur la sellette. Il joue pendant trois ans avec Herbie Hancock puis intègre le groupe du batteur Al Foster. Au Sunside, ses amis musiciens l’accompagnent. Ben Street indisponible, Thomas Bramerie le remplace sans difficulté à la contrebasse. Son solide métier lui permet de se sentir parfaitement à l’aise dans des contextes musicaux très variés. Les autres membres du quartette qui l’entoure connaissent ses compositions. A la batterie, Jonathan Blake impose la singularité d’une polyrythmie foisonnante. Eli joue souvent avec Aaron Goldberg qui développe avec autorité et savoir-faire les thèmes qui lui sont confiés : Pum-Pum, In the Beginning qui est aussi le titre de l’un des albums d’Eli, mais aussi Sue, un morceau fiévreux et énergique et Jealous Eyes, une ballade récente dans laquelle Aaron développe des voicings inventifs et fluides.
LUNDI 25 janvier
Marc Copland au Sunside, en duo avec Riccardo Del Fra dont la belle contrebasse accompagne souvent de grands musiciens. Marc est l’un d’entre eux, non pour sa virtuosité tapageuse (les cascades de notes perlées à la Oscar Peterson ne sont pas indispensables à son univers musical poétique), mais pour l’approche différente du piano qu’il propose, Marc se souciant davantage de la sonorité qu’il peut tirer de l’instrument que de l’habileté avec laquelle il peut en jouer. Celui du Sunside n’est pas idéal pour un pianiste qui attache une si grande importance à la couleur et à la dynamique de ses notes, mais Copland s’en accommode. Son fameux jeu de pédales modifie leurs résonances et change le son de l’instrument. Au cours du premier morceau interprété, il trouve les nuances qu’il recherche et parvient à jouer sa musique, un piano aux harmonies brumeuses et oniriques. Avec Riccardo, une vraie conversation peut alors s’installer. Rencontre oblige, contrebasse et piano dialoguent et inventent, le plus souvent sur des standards. Les notes scintillent, tintinnabulent. La palette sonore s’enrichit de nouveaux timbres, s’ouvre à d’inépuisables variations harmoniques, les ostinato de piano laissant du champ libre à une contrebasse désireuse de chanter. In a Sentimental Mood bénéficie de nouvelles harmonies qui transforment le thème. On Your Own Sweet Way de Dave Brubeck se voit jouer de manière très personnelle, de même que Round Midnight au sein duquel la contrebasse esquisse un léger rythme de samba. Couplé avec I’m a Fool to Want You, Someday My Prince Will Come fut un autre grand moment de la soirée, confiée à deux complices en parfaite osmose, la musique acquérant une profondeur et une sensibilité peu communes.
JEUDI 28 janvier
Avec Jean-Loup Longnon vous êtes toujours sûr de passer une excellente soirée. Le trompettiste, arrangeur, compositeur avait envahi le Sunset à la tête d’un rutilant big band. Imaginez dans une cave de taille moyenne une formation de dix-sept musiciens portant le swing à ébullition. Bien que surchargée d’harmonies savantes, la musique n’est jamais difficile à suivre. Attaché à la tradition du jazz et à son courant mainstream, Jean-Loup Longnon place au premier plan la mobilité des instruments au sein d’arrangements fluides et linéaires qui favorisent le swing et la mélodie. Plutôt que chercher à innover, Jean-Loup privilégie la clarté et la respiration de la masse orchestrale. Trompettes, trombones, anches, les sections sont des voix bien distinctes qui croisent et mêlent leurs lignes mélodiques chantantes, constituent de subtils alliages de timbres et de couleurs et mettent les solistes en valeur. Pierre Guicquero nous offre ainsi un solo de trombone mémorable dans Two notes blues. Ludovic Alainmat fait merveille au piano dans Stephanie’s dream et invité à se joindre à l’orchestre Louis Mazetier plonge un court moment la musique dans le stride. Au sein de ce jubilatoire maelström sonore que co-dirige le batteur Frederic Delestré (photo de droite), Jean-Loup Longnon en est l’acteur le plus brillant. Tout en maintenant une grande tension entre ses notes, le trompettiste contrôle parfaitement l’aigu de son instrument. L’articulation est parfaite et la phrase, aérée par des notes tenues, constamment fluide. Pas besoin de micro pour l’imposant personnage. Sa voix puissante et grave porte loin. Il chante le célèbre On est pas là pour se faire engueuler, morceau dans lequel il s’offre un scat éblouissant, véritable histoire contée avec force onomatopées. Il plaisante aussi avec un très nombreux public tassé comme sardines en boîte et présente avec humour chaque pièce qu’il interprète. Toutes proviennent de son nouvel album dont il conseille vivement l’achat. Intitulé “Encore du Bop“ et disponible sur www.integralmusic.fr , il contient des compositions originales mais aussi des arrangements très réussis de Que reste t’il de nos amours ? , L’important c’est la rose et une version afro-cubaine inattendue du fameux Curé de Camaret, pièce qui hérite de beaucoup de soleil. Comme le dit si bien Jean-Loup dans une interview accordée récemment à Jazz Magazine/Jazzman : « le curé de Camaret se décide enfin à aller à la plage ». Avec ses riffs de cuivres, ses tutti de trompettes, ses jolies lignes de saxophones à la Four Brothers, l’orchestre balance une musique festive qui se déguste avec gourmandise en concert.Février : Amateur de jazz, Jean-Paul n’arrête pas de râler. Les disques, il les veut tous et n’en possède jamais assez. Son érudition est admirable. Il vous annonce tout de go que “Way, Way Out“ de Ken McIntyre a été enregistré le 27 mai 1963. Il râle car bien qu’ayant été réédité par Blue Note en 1997, ce disque, publié à l’origine sur United Artist, est aujourd’hui introuvable. Mécontent de cette situation, il en retire le plaisir de la chasse. Jean-Paul occupe une bonne partie de ses loisirs à chercher le “Tokyo Live“ de Tony Williams, un double CD Blue Note de 1993, enregistré en mars 1992 précise-t-il, entrevu sur e-bay à un prix prohibitif. Il a récemment payé fort cher en vinyle l’édition originale de “The Blues Hot and Cool“, un disque de Bob Brookmeyer, pour le découvrir quelques jours plus tard en CD. Il compare et découvre que le Verve de 1960 qu’il vient d’acheter sonne beaucoup mieux que sa réédition. Normal, car confiés à de mystérieux activistes de la contrefaçon, les maisons de disques battant pavillon noir ne possèdent pas les bandes des CD qu’ils éditent. Ils partent d’un 33 tours en bon état et reproduisent s’ils le peuvent la pochette originale de l’album, l’amateur de jazz maniaque et tatillon préférant cette dernière. Multipliant les labels fantômes, les “Frères de la Côte Numérique“ inondent ainsi les magasins de leurs éditions pirates et occupent le terrain, les grandes surfaces du disque regorgeant de contrefaçons. Six disques du catalogue Horo ont ainsi été récemment réédités par Atomic Records sans aucune autorisation. Quant aux majors, après avoir ressorti en CD les principaux albums de leurs catalogues, ils se les laissent aujourd’hui piller sans réagir. Jean-Paul râle, mais en l’absence de rééditions légales, achète tout ce qui lui tombe sous la main. Peu lui chaut que les musiciens perçoivent ou non des royalties sur des CD dont il ne veut pas connaître la provenance. Il est même prêt à réinvestir dans ces disques vinyles qui envahissent comme au bon vieux temps les bacs des disquaires. Ces pressages de 180 grammes revêtues de leurs belles pochettes originales mettent l’eau à la bouche. Jean-Paul vient même de se procurer “Sonny Stitt with the New Yorkers“, un disque que le saxophoniste enregistra en quartette pour le label Argo à New York en 1957. Des plages rééditées avec beaucoup de soin par Jazz Wax Records et qui, tombées dans le domaine public, sont fréquentables en toute légalité.
LES CONCERTS DE FEVRIER
-Deux pianistes au Duc des Lombards le 3 pour dialoguer, s’amuser, inventer. Alexandre Saada rencontre Philippe Baden Powell pour des échanges et des développements pianistiques que l’on espère passionnants.
-Membre des formations de Carla Bley et partenaire occasionnel de la pianiste Rita Marcotulli, le saxophoniste Andy Sheppard est attendu au Sunside le 3 et le 4 avec les musiciens de “Movements in Colour“, album qu’il a publié l’an dernier sur ECM. Autour de lui, le joueur de tablas et percussionniste indien Kuljit Bhamra, les guitaristes Eivind Aarset et John Parricelli et le célèbre contrebassiste norvégien Arild Andersen.
-Toujours le 4, à l’Hôtel Bel-Ami, 7-11 rue Saint Benoît 75006 Paris, Laïka Fatien pose sa belle voix sur le répertoire de Billie Holiday qu’elle célèbre dans “Misery“, disque publié en 1998. Avec elle, le pianiste Pierre-Alain Goualch au piano, Darryl Hall à la contrebasse et Matthieu Chazarenc à la batterie.
-Les 5, 6, 8 et 9 février au Sunside, le batteur Aldo Romano réunit les musiciens de l’ensemble Hymne au Soleil pour fêter la sortie chez Dreyfus de son nouvel album, “Origine“, arrangé par le saxophoniste Lionel Belmondo. Outre ces derniers, l’incontournable Stéphane Belmondo au bugle, Thomas Savy à la clarinette basse et Franck Avitabile au piano complètent la formation.
-A l’occasion de la sortie chez ECM d’“Un jour si blanc“, François Couturier donne le 8 un concert de piano solo à la Maison de la Poésie, passage Molière, 157 rue Saint Martin 75003 Paris. Second volume d’une trilogie commencée avec “Nostalghia“, la musique de ce disque dont le titre évoque un poème du père du cinéaste Andreï Tarkovski, est décrite par le pianiste comme « une promenade calme de l’aube au crépuscule dans un monde idéal. » Lune de Miel, L’intemporel, Sensation et Un jour si blanc en sont inoubliables.
-Le Surnatural Orchestra au Studio de l’Ermitage le 9. Collectif de plus de vingt musiciens, ce grand orchestre qui est aussi une fanfare à la musique épicée, aux couleurs vives et élégantes, séduit par la qualité de ses spectacles, véritable mise en scène d’un univers musical festif qui évoque les riches heures du cirque. – Egalement le 9, et toujours à l’auditorium St Germain (4 rue Félibien 75006 Paris), Oncle Antoine alias Antoine Hervé consacre sa belle histoire (une leçon de jazz, faut-il le préciser) au compositeur et saxophoniste Wayne Shorter.
-Le quartette d’Edouard Ferlet au Duc des Lombards le 10. Airelle Besson (trompette, voix), Alexandra Grimal (saxophones, voix) et Fabrice Moreau (batterie) entourent le pianiste dans “Filigrane“, voyage onirique d’une écriture très
personnelle que le groupe nous invite à découvrir sur scène.
- Le même soir au Sunset, le jazz se mobilise pour Haïti et les victimes de son tremblement de terre. Avec le Rhoda Scott “Lady“ Quartet (Sophie Alour, Lisa Cat-Berro, Julie Saury) et le Stefan Patry Trio. Entrée 20€. La recette sera entièrement reversée à la Fondation de France. - Toujours le 10, mais au Baiser Salé et à 19h30, le contrebassiste Michel Zenino invite le pianiste Alain Jean-Marie à partager intimement avec lui quelques standards.
-Kristin Asbjørnsen et Tord
Gustavsen au New Morning le 11. Avec sa voix rauque et sensuelle, elle fait merveille dans le dernier album ECM du pianiste (ma chronique dans le dernier
numéro de Jazz Magazine/Jazzman). Plutôt ancré dans la world music, le dernier opus de la chanteuse norvégienne “The Night Shines Like the Day“ contient de magnifiques chansons aux arrangement
élaborés. Profitons de son séjour parisien pour la découvrir sur scène.
- Toujours le 11, Alexis Tcholakian se produit en trio au Sunside avec Claude Mouton à la contrebasse et Thierry Tardieu à la batterie. Les amateurs de piano ne manqueront pas d‘écouter ce mélodiste qui fait si bien chanter son instrument.
-Pat Metheny à l'Olympia le 13. Inauguré à Coutances le 30 janvier, le Pat Metheny Orchestrion Tour se poursuit en France et s’achèvera en mai au Town Hall de New York. Metheny est seul sur scène avec ses guitares et de très nombreux instruments qu’il pilote par ordinateur. Récemment publié sur Nonesuch Records, son nouvel album donne une assez bonne idée de la musique qu’il interprète, mais il faut voir le guitariste la faire jouer par ses robots en concert.
-Grace Kelly n’a que 17 ans. Elle chante, joue du saxophone ténor, de l’alto, de la flûte, de la clarinette, du piano et un peu de batterie. Née Grace Chung (elle porte le nom de son beau-père qui l’a légalement adoptée), cette jeune artiste d’origine coréenne a étudié le saxophone avec Lee Konitz et Jerry Bergonzi et joué avec Kenny Barron, Phil Woods, Dave Brubeck, Dianne Reeves qui en disent le plus grand bien. La chanteuse Ann Hampton Callaway lui trouve un immense talent. Pour s’en convaincre, on ira écouter ses premiers concerts parisiens au Duc des Lombards les 13 et 14.
-Christian Scott au New Morning le 16 avec les
musiciens de “Yesterday You Said Tomorrow“, son (excellent) dernier album : Matthew Stevens à la guitare, Milton Fletcher Jr.
au piano, Kristopher Keith Funn à la contrebasse et Jamire Williams à la batterie. Après Wynton Marsalis, Terence Blanchard et
Nicholas Payton, il est le dernier trompettiste de la Nouvelle-Orléans à s’affirmer. Articulation parfaite, sonorité claire, attaques puissantes, on
attend un concert explosif.
- Le même soir au Sunside, le compositeur et multi instrumentiste Pierre Louis Garcia (saxophones alto et soprano, clarinette
basse) réunit autour de lui les musiciens de son premier album, “Die Grupen“, dont il fête la réédition. Le tromboniste Denis Leloup et le
batteur Frédéric Sicart ont répondu présents. Philippe Bussonet qui tient la basse électrique
chez Magma remplace Dominique Bertram indisponible.
- Le 16 encore, mais au Sunset, le saxophoniste Boris Blanchet retrouve Daniel Jeand’heur, le batteur de “Soul Paintin“ son nouvel album. Inspirés par la musique de John Coltrane, les deux hommes proposent « une aventure musicale et humaine, chaleureuse, voire brûlante, aux effets sismiques irrésistibles » selon le communiqué de presse. Les amateurs de sensations fortes seront au rendez-vous.
-Au Duc des Lombards les 17 et 18, le pianiste Antonio Faraò retrouve le contrebassiste Dominique Di Piazza et le batteur André Ceccarelli pour une relecture de leur album “Woman’s Perfume“ consacré à quelques-unes des musiques (il en signa près de 300 !) que le compositeur Armando Trovajoli écrivit pour de nombreux films, le plus célèbre restant “Parfum de femme“ réalisé par Dino Risi en 1974.
-A l’Entrepôt le 18, à la tête de son Duke Orchestra, rutilant big band stratosphérique et ellingtonien de quinze musiciens, Laurent Mignard propose la “Far East Suite“, album culte de 1967 qui reste l’une des dernières grandes suites du compositeur. Elle s’achève par le fameux Ad Lib On Nippon, illustration musicale d’une tournée de l’orchestre au Japon en 1964.
-Le saxophoniste Sylvain Beuf
et son Septissimo (Sylvain Gontard à la trompette,
Philippe Georges au trombone, Olivier Zanot au saxophone alto, Michel Perez à la guitare, Yoni Zelnik à la contrebasse et David Grebil à la batterie),
donnent leur dernier concert au Café des 3 Arts, 21 rue des Rigoles 75020 Paris, le 19. Enregistré live au Jazz Club de Dunkerke et intitulé "Joy", son prochain album en sextet sort le 23 mars
(Such Prod / Harmonia Mundi).
-Carte blanche à Laurent de Wilde au Sunside à partir du 19. Le pianiste qui invite ce soir-là Darryl Hall à la contrebasse et Leon Parker à la batterie, retrouve pour ses autres concerts son trio habituel – Bruno Rousselet à la contrebasse et Laurent Robin à la batterie – et convie le 20 le tromboniste Glenn Ferris, le 21 la chanteuse Elise Caron, le 27 l’organiste (et pianiste) Emmanuel Bex et le 28 la saxophoniste Géraldine Laurent.
-Le 19 et le 20, Fabrizio Bosso (trompette), Géraldine Laurent (saxophone alto), Henri Texier (contrebasse) et Aldo Romano (batterie) jouent au Duc des Lombards la musique de Don Cherry. Le groupe qu’ils ont mis sur pied s’appelle Complete Communion, titre du meilleur album de la discographie hétéroclite du cornettiste disparu. Un hommage attendu.
-Le New Large Ensemble de la pianiste Carine Bonnefoy à la Maison de Radio France (studio Charles Trenet) le 20 à 17h30. La pianiste a composé une œuvre d’envergure dans laquelle, outre les cuivres et les anches d’un orchestre de jazz, se fait entendre un quatuor à cordes. L’un des saxophonistes de ce “large ensemble“ de 16 musiciens est Stéphane Guillaume, Prix Django Reinhardt 2009 de l’Académie du Jazz.
-Comprenant Matthieu Donarier
aux saxophones et Thomas Grimmonprez à la batterie, le trio inventif du contrebassiste Stéphane
Kerecki retrouve le 24 au Sunside le saxophoniste Tony Malaby. Occasion d’écouter live une
musique sauvage et puissante qui pèse un bon poids de tendresse.
-Le contrebassiste Dominique Di Piazza en trio au Baiser Salé le 24 avec le guitariste Nelson Veras et le batteur Manhu Roche. L’affiche interpelle.
-Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com
-Sunset - Sunside : http://www.sunset-sunside.com
-Hôtel Bel-Ami : http://www.hotel-bel-ami.com
-Maison de la Poésie : http://www.maisondelapoesieparis.com
-Studio de l’Ermitage : http://www.studio-ermitage.com
-Auditorium St Germain : http://www.mpaa.fr -Le Baiser Salé : http://www.lebaisersale.com
-New Morning : http://www.newmorning.com -Olympia : http://www.olympiahall.com
-L’Entrepôt : http://www.lentrepot.fr -Café des 3 Arts : http://lestroisarts.free.fr
-Maison de Radio France : http://www.radiofrance.fr/
-Maison de la Culture du Japon : http://www.mcjp.fr
CREDITS PHOTOS : “Lumière club“, Andy Sheppard, Laïka Fatien, Aldo Romano, François Couturier, Edouard Ferlet, Antonio Faraò, Laurent de Wilde, Carine Bonnefoy, Stéphane Kerecki © Pierre de Chocqueuse - Kristin Asbjørnsen © Hans Fredrik Asbjørnsen - Pat Metheny © Nonesuch Records - Grace Kelly © Jimmy Katz - Christian Scott © Kiel Scott - Pierre Louis Garcia © Marianne Rosenstiehl - Junko Onishi © Kunihoro Takoma.
Le trompettiste Nicolas Folmer retrouve le saxophoniste Bob Mintzer au Duc des Lombards. Les deux hommes fêtent la sortie de “Off the Beaten Tracks Vol.1“ (Cristal/Harmonia Mundi), un vrai disque de bop moderne enregistré au même endroit en juillet. J’ai rendu compte dans ce blog de ces deux concerts, le second avec les musiciens de Mintzer. Ceux de Nicolas, Antonio Faraò au piano, Jérôme Regard à la contrebasse et Benjamin Henocq à la batterie secondent brillamment le trompettiste dans cette nouvelle rencontre. Fréquemment exposés par les deux souffleurs à l’unisson, les thèmes servent de support à des improvisations inventives. La section rythmique pousse et stimule les solistes, met la pression aux bons moments. Le jeu souvent mélodique de Jérôme Regard en fait un soliste à part entière dans Let’s Rendez-vous! et Fun Blues, titres dans lesquels il étonne par la pertinence de ses chorus. Le groupe semble encore plus soudé qu’en juillet, et les morceaux bénéficient d’une mise en place irréprochable. Mintzer souffle des notes aussi puissantes que lyriques. Celles acrobatiques de Nicolas s’envolent, saxophone et trompette croisant le fer dans Off the Beaten Tracks, morceau très rapide reposant sur un riff. Il donne son titre au nouvel album et exige une grande précision d’exécution. Bien que très enrhumé, Antonio Faraò joua son meilleur piano. Tendre et romantique dans Soothing Spirit, il étonne par son jeu vigoureux, sa facilité à enchaîner avec fluidité des accords du bop, à trouver des idées harmoniques. Offert en rappel, Black Inside, une de ses compositions, déchaîna l‘enthousiasme.
SAMEDI 9 janvier
Avec son quartette sans piano comprenant David El-Malek au saxophone ténor, Alexandre Tassel au bugle et Franck Agulhon à la batterie, le contrebassiste Diego Imbert interprète au Sunset les morceaux de “A l’ombre du saule pleureur“, premier album d’une grande richesse d’écriture, chroniqué dans ce blog le 12 octobre dernier. Ce travail sur la forme, on le retrouve sur scène, les compositions très soignées de Diego étant toutefois développées par les improvisations de ses musiciens. Des chorus plus longs étoffent sensiblement la musique, lui font prendre des tournures harmoniques inattendues. David El-Malek explore jusqu’au cri la matière sonore. Lave brûlante, ses notes croisent la douceur crémeuse de celles du bugle, les deux instruments se retrouvant fréquemment pour chanter les thèmes à l’unisson, mêler les couleurs de leur timbre. Fil conducteur de la musique, la contrebasse l’organise avec une batterie visiblement complice. Franck Agulhon peut aussi bien marteler puissamment ses tambours que caresser ses peaux comme on caresse une jolie femme. Les dents qui poussent bénéficie de cette tendresse. Un solo de batterie explosif introduit Leo. Le ténor s’en empare, souffle des notes fiévreuses. Carthagène au thème décidemment magnifique, calme le jeu. Bénéficiant d’une assise rythmique aussi souple qu’inventive, les deux souffleurs s’entendent pour jouer les phrases lyriques qui mettent du baume au coeur.
LUNDI 11 janvier
Stéphane Guillaume est un homme heureux. Le Prix Django Reinhardt 2009 de l’Académie du Jazz a également reçu le Prix du Disque Français (meilleur disque de jazz enregistré par un musicien français) pour l’album “Windmills Chronicles“ récompense décernée par cette même Académie du Jazz. La veille de cette remise de Prix, Stéphane, les membres de son quartette et les sept cuivres sur lesquels repose la musique de ce dernier projet donnaient un concert au Café de la Danse. La scène donne sa vraie dimension à la sonorité ample et raffinée du mélange des divers instruments en présence. Si la musique accorde beaucoup de place aux solistes et à leurs improvisations, l’écriture rigoureuse met en valeur les cuivres, et exige une mise en place très précise. Ces derniers relancent les solistes dans Fields of Nothing, accompagnent leurs chorus par des riffs dans Vent sur le Reg, enveloppent les mélodies de La légende de l’Uirapuru et d’Urban Trek (première plage de l’album “Soul Role“) ou déploient seuls leurs timbres dans la coda de l’Amphi en Fard, écrite sous forme chorale. Superbement arrangée, la Ballade irlandaise d’Emil Stern fait aussi la part belle aux cuivres, Stéphane exposant et déclinant le thème au ténor. Selon les compositions, il improvise également au soprano, à la flûte ou à la clarinette basse. Les autres solistes brillent par leur excellence. Je ne vais pas les citer tous, mais Pierre Drevet fait merveille dans The Man With the Skullcap, un hommage à Joe Zawinul. A la guitare, Frédéric Favarel s’offre un chorus hendrixien dans Vent sur le Reg et Denis Leloup éblouit au trombone dans La légende de l’Uirapuru.
MARDI 12 janvier
Journée chargée pour les membres de l’Académie du Jazz. Outre la remise des Prix au Châtelet, certains d’entre eux sont conviés dans les salons du Ministère de la Culture pour honorer leur éminent collègue Jean-Pierre Leloir, mais aussi le contrebassiste Ron Carter qui a fait l’amitié à François Lacharme d’être à Paris ce jour-là. En présence de leurs amis (Daniel Humair, Bertrand Tavernier, Chantal Koechlin), le premier reçut les insignes d’Officier et le second de Commandeur dans l’ordre des Arts et Lettres, distinctions remises par Frédéric Mitterand, ministre de la Culture et de la Communication.
Dans le discours qu’il prononça, ce dernier rendit hommage à « l’un des plus grands contrebassistes de l’histoire du jazz et l’un de nos meilleurs photographes, notamment pour ses portraits de musiciens, (…) le son et l’image de plus d’un demi-siècle de cette “musique en liberté“ qui ne cesse de nous émouvoir. » Il s’adressa à Ron Carter « non seulement en tant que ministre de la Culture et de la Communication, mais aussi – et c’est peut-être beaucoup plus important ! – en tant qu’amateur fervent et passionné de jazz ». Saluant le Président et les membres de l’Académie du Jazz présents à cette cérémonie émouvante, Frédéric Mitterand confia ensuite à Jean-Pierre Leloir qu’il avait « su saisir, d’un seul regard, les traits qui caractérisent chacun de ces artistes de génie (…) Dans chacune de vos œuvres, vous avez ce talent si rare de savoir capter et magnifier ce moment d’instantané, de mouvement et d’éternité, prélevé sur la fugacité des choses, et par là de donner à sentir les affinités secrètes entre la musique et l’image. » Frédéric Mitterand n’oublia pas non plus de saluer le jazz « l’un des plus phénomènes esthétiques du XXe siècle, et c’est un peu lui que nous célébrons aujourd’hui à travers deux de ses plus éminents acteurs que nous avons le plaisir et l’honneur d’avoir parmi nous. »
Au cours du cocktail qui suivit, j’eus la chance de pouvoir parler avec Bertrand Tavernier. Spécialiste du cinéma américain, il est tout aussi intarissable et passionnant sur le cinéma britannique (on lui doit la redécouverte du cinéaste Michael Powell dont il préfaça la biographie “Une vie dans le cinéma“ publié chez Actes Sud en coédition avec l’Institut Lumière qu’il préside à Lyon). Bonheur d’entendre de vive voix ce conteur passionné me parler de la phrase assassine de François Truffaut sur l’incompatibilité entre le mot cinéma et le mot Angleterre, remarque qui pour mieux imposer l’œuvre d’Alfred Hitchcock, fâcha longtemps le cinéma britannique auprès des cinéphiles. Plaisir de voir son regard pétiller à l’évocation des studios Ealing et de ses cinéastes Robert Hamer (“Noblesse oblige“), Alberto Cavalcanti (“Au coeur de la nuit“), Alexander Mackendrick (“Whisky à gogo“, “L’Homme au complet blanc“) qu’il s’emploie à réhabiliter. Bertrand Tavernier aime le jazz et affectionne les contrebassistes. Outre “Autour de Minuit“ avec Dexter Gordon, Herbie Hancock, Tony Williams et Ron Carter pour la musique, le contrebassiste a signé celle d’un autre de ses films, “La Passion Béatrice“. Henri Texier a quant à lui composé celle de “Holy Lola“. Tavernier réalisa également avec Robert Parrish le documentaire “Mississippi Blues“, et dans son dernier long métrage tourné en Louisiane, “Dans la brume électrique“, l’un des meilleurs films de l’an passé, il confie de petits rôles à Levon Helm le batteur du Band et au guitariste Buddy Guy.
De Gauche à droite: Roberta Gambarini Prix du Jazz
Vocal 2009 de l'Académie du Jazz, Ron Carter, le pianiste Kirk Lightsey et Daniel Humair. - André Cayot le Monsieur Jazz du Ministère de la Culture, Pascal
Anquetil (Irma) et Daniel Humair.
DIMANCHE 17 janvier
Susanna Bartilla retrouve le Sunside, club dans lequel elle a récemment enregistré un album. Elle en fête la sortie avec les musiciens de son disque, Alain Jean-Marie au piano, Sean Gourley à la guitare et Claude Mouton à la contrebasse. Au programme, les chansons de Johnny Mercer dont on a célébré en novembre 2009 le centenaire de la naissance. On lui doit les paroles de quelques 1500 mélodies. Harold Arlen, Henry Mancini, Jerome Kern, Hoagy Carmichael, Duke Ellington et bien d’autres compositeurs en ont écrit les musiques. Susanna connaît très bien ce répertoire. De Harold Arlen, elle interprète I’m Old Fashioned, One for My Baby, Come Rain or Come Shine, My Shining Hour…Henry Mancini est également à l’honneur avec de belles reprises de Charade, Days of Wine and Roses et Moon River. Susanna chante aussi Skylark, Les Feuilles mortes et La Mer de Charles Trenet. Sa voix chaude et traînante au léger vibrato évoque parfois Marlène Dietrich et se complaît dans une tessiture grave. Susanna en connaît les limites et les gère. Elle éprouve surtout beaucoup de plaisir à chanter sur scène et le communique à son public. Ses musiciens ne sont pas en reste. Peaufinant leurs chorus, Alain et Sean nous plongent dans un grand bain d’harmonies fines. Autoproduit, le disque de Susanna a des qualités et des défauts. Trop souvent au même niveau sonore, les instruments manquent de relief, mais la voix singulière est celle d’une chanteuse que j’incite à découvrir.Stéphane Guillaume, Prix Django Reinhardt et Prix du Disque Français 2009 de L'Académie du Jazz.
Mardi 12 janvier : en la personne de son directeur, le Théâtre du Châtelet accueillait pour la quatrième année consécutive en son foyer l’Académie du Jazz.
Jean-Luc Choplin, souhaita une très bonne soirée à l’assemblée de musiciens, journalistes, éditeurs de disques, représentants de l’Etat et du
Ministère de la Culture
venus nombreux assister à cette proclamation de prix. Il remit lui-même le Prix du livre de Jazz 2009 à Laurent Cugny pour“Analyser le
jazz“ (Editions Outre Mesure), et à Gérard Régnier pour “Jazz et Société sous l’Occupation“ (L’Harmattan). Une mention spéciale fut
également décernée à “The Life and Music of Tommy Ladnier (Jazz’edit) de Bo
Lindström & Dan Vernhettes (ce dernier présent à cette cérémonie) ouvrage édité à Paris, mais en anglais et hors compétition.
Voté en commission, le Prix du Musicien Européen couronne cette année Laurent Blondiau, trompettiste belge quasi-inconnu du public français, absent car en Afrique pour les besoins d’un documentaire. François Lacharme, président de l’Académie du Jazz, appela le photographe Jean-Pierre Leloir (et membre de l’Académie) à remettre le Prix du Jazz Classique. Répondant présents, les lauréats (Marc Richard, directeur musical du Paris Swing Orchestra, formation récompensée pour “Swingin’ Sidney Bechet“ et le saxophoniste André Villéger, soliste invité de ce mirifique big band) nous régalèrent d’un court morceau de Bechet, Viper Mag, enregistré par le saxophoniste et les Noble Sissle’s Swingsters, le 10 février 1936. Marc à la clarinette, André au soprano (instrument qu’il utilise avec un savoir faire incomparable), Jacques Schneck au piano, Enzo Mucci à la guitare, Gilles Chevaucherie à la contrebasse et Michel Senamaud à la batterie en furent les interprètes.
Editeur de disques et membre du conseil d’administration de la Sacem, Jean-Marie Salhani remit le Prix du Meilleur
Inédit ou de la meilleure réédition à Jean-Philippe Allard pour “People Time“, coffret de sept CD enregistré par Stan
Getz et Kenny Barron au Café Montmartre de Copenhague en mars 1991. Jean-Philippe en était
le producteur.
Délivré par Claude Carrière, qui présida pendant plus de dix ans l’Académie du Jazz, le très attendu Prix Django Reinhardt (les lauréats en sont tellement fiers qu’il apparaît toujours en bonne place dans leur C.V.) récompensa le saxophoniste Stéphane Guillaume, qui reçut également pour “Windmills Chronicles“ le Prix du Disque Français. Accompagné par les musiciens de son quartette (Frédéric Favarel à la guitare, Marc Buronfosse à la contrebasse, Antoine Banville à la batterie), Stéphane au saxophone ténor (il joue aussi du soprano, de la flûte et de la clarinette basse) nous gratifia de Vent sur le Reg, une des compositions de son très bel album.
En invitant à cette soirée Claude Séférian, vice-président des Amis de Jean Cocteau, l’Académie rendit hommage à l’homme de lettres qui aima et célébra le jazz. La comédienne Clotilde Courau (“Le petit criminel“ de Jacques Doillon, “Elisa“ de Jean Becker) lut la lettre préface que Cocteau écrivit pour “Swing“, (qualifiée de « feu d’artifice contre l’artifice » par Boris Vian), plaquette brève et ardente publiée en 1948 aux Editions Universitaires de France. Son auteur, le poète et romancier Gaston Criel, multiplia les métiers. Tour à tour attaché culturel, secrétaire de rédaction, metteur en page, journaliste, publicitaire, marchand de caravanes, vendeur de disques, employé de bureau, laveur de carreaux, barman et portier de boîte de nuit, il fut également le locataire de Jean-Paul Sartre et le secrétaire d’André Gide.
Après l’attribution par Jacques Périn des Prix Blues (“Chicago Blues : A Living History“ par Billy Boy Arnold, John Primer, Billy Branch et Lurrie Bell ; Nominé pour les prochains Grammy Award, le disque a vu le jour grâce à la ville d’Aulnay sous Bois en Seine Saint-Denis) et Soul (“Who’s Hurting Now“ par Candi Staton), François Lacharme et l’Académie du Jazz rendirent hommage à Ron Carter contrebassiste de légende, ainsi qu’à Jean-Pierre Leloir photographe et spectateur depuis près de 60 ans de nos évènements musicaux. Le matin même, dans les salons du Ministère de la Culture, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication saluait le Président et les membres de l'Académie du Jazz présents à la cérémonie au cours de laquelle il remettait à Jean-Pierre Leloir les insignes d'Officier dans l'ordre des Arts et Lettres, et à Ron Carter ceux de Commandeur dans le même ordre. Au Châtelet, ovationné par une salle enthousiaste, le contrebassiste invita un vieux complice, le guitariste Christian Escoudé à le rejoindre dans une belle version de Django, composition de John Lewis tout à fait de circonstance en cette année 2010, centième anniversaire de la naissance du guitariste.
Récompense également très convoitée, le Grand Prix de l’Académie du Jazz revint à “The Bright Mississippi“ d’Allen Toussaint, disque controversé, adulé par certains, détesté par d’autres, mais sur lequel une large majorité de voix des académiciens s’est portée. Producteur, pianiste, chanteur, compositeur et arrangeur de rhythm’n’blues, Allen Toussaint est le premier "non jazzman" à recevoir ce prix depuis sa création en 1960. Ce dernier n’ayant pu se déplacer, Christophe Cheynier de l’AFP remit le trophée à Isabelle Rodier de Nonesuch Records qui nous lut le bref et touchant discours de remerciement envoyé par Toussaint.
Pour remettre le Prix du Jazz Vocal à Roberta Gambarini, François Lacharme appela sur scène Natalie Dessay. Cantatrice à la carrière prestigieuse, (elle a été l’Olympia des “Contes d’Hoffman“ d’Offenbach, la Manon de Massenet, la Mélisande de Debussy et sera bientôt Amina dans “La Sonnambula“ de Bellini à l’Opéra de Paris), Natalie félicita chaleureusement Roberta, lui laissant le soin de chanter So in Love a cappella, et en duo avec le pianiste Kirk Lightsey, The Jamfs are coming, blues composé par le saxophoniste Johnny Griffin. Et puis, la fête, les vins de Philippe Briday pour étancher la soif que procure l’émotion.
De gauche à droite au premier rang : François Lacharme, Jean-Philippe Allard, Laurent Cugny et Stéphane Guillaume. Sur le podium, de gauche à droite : Dan Vernhettes, Marc Richard, André Villéger, Gérard Régnier, Roberta Gambarini, Larry Skoller et Ron Carter (Photo: Jean-Marie Legros)
De gauche à droite: Julien Delli Fiori (FIP) et Hélène sa délicieuse épouse. Isabelle Rodier (attaché de presse de Nonesuch Records) et Géraldine Santin (responsable de la communication du Festival de Saint-Germain-Des-Prés). Christian Escoudé et Michel Sardaby, guitariste et pianiste émérites.
De gauche à droite: Daniel Humair (batteur jubilatoire) et François Lacharme. André Francis (également membre de l'Académie du Jazz) au piano. Geneviève Peyregne (agent de nombreux artistes) et Jean-Jacques Pussiau (producteur de disques inoubliables)
De gauche à droite: Pascal Anquetil (IRMA, journaliste et académicien), Jean-Louis Chautemps (saxophoniste boute-en-train) et Pierre-Henri Ardonceau de l'Académie du Jazz. Christian Bonnet (Académie du Jazz), Laurent Mignard (trompettiste et directeur musical du Duke Orchestra), André Villéger (saxophoniste, spécialiste du soprano) et le blogueur de Choc.
De gauche à droite: Roberta Gambarini (Prix du Jazz Vocal 2009) et le pianiste Kirk Lightsey. François Lacharme et Philippe Coutant, directeur du Grand T, Nantes)
De gauche à droite: Xavier Felgeyrolles (Space Time Records, directeur du Festival Jazz En Tête à Clermont-Ferrand) et Ron Carter. La gracieuse Marie-Claude Nouy (ECM Records) et Laurent Cugny (pianiste, chef d'orchestre, arrangeur, auteur de "Analyser le Jazz", Prix du Livre 2009).
De gauche à droite: Sébastien Belloir (ECM Records) et Miles
Yzquierdo (attachée de presse chez Harmonia Mundi du label World Village). Le toujours jeune Marcel Zanini. Bénédicte et Francis,
infatigables et efficaces barmaid et barman d'un soir.
PALMARES 2009
Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année) : Stéphane Guillaume
Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année): Allen Toussaint « The Bright Mississippi » (Nonesuch/Warner)
Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) : Stéphane Guillaume « Windmills Chronicles » (Gemini/Sphinx)
Prix du Musicien Européen (récompensé pour son œuvre ou son actualité récente) : Laurent Blondiau
Prix de la Meilleure Réédition ou du Meilleur Inédit : Stan Getz – Kenny Barron « People Time, The Complete Recordings » (EmArcy/Universal)
Prix du Jazz Classique : Paris Swing Orchestra & André Villeger « Swingin’ Sidney Bechet » (Black & Blue)
Prix du Jazz Vocal : Roberta Gambarini « So in Love » (EmArcy/Universal)
Prix Soul : Candi Staton « Who’s Hurting Now » (Honest Jons/EMI)
Prix Blues : Billy Boy Arnold - John Primer - Billy Branch - Lurrie Bell « Chicago Blues : A Living History » (Raisin/Socadisc)
Prix du livre de Jazz : Ex-aequo : Laurent Cugny « Analyser le jazz » (Outre Mesure) & Gérard Régnier « Jazz et société sous l’Occupation » (L’Harmattan)
Mention Spéciale : Bo
Lindström & Dan Vernhettes « Traveling Blues, The Life and Music of Tommy Ladnier (Jazz’edit, Paris)
Photos: Pierre de Chocqueuse. Outre la photo de groupe, celles de Laurent Cugny avec François Lacharme & Gérard
Régnier, de François Lacharme avec Ron Carter & Jean-Pierre Leloir, de Natalie Dessay et de Roberta
Gambarini sont de Jean-Marie Legros. Qu'il soit ici remercié.
« Chaque thème doit mener à l’improvisation et chaque improvisation doit permettre de revenir à l’écriture. De cette façon l’énergie n’est jamais perdue. Elle se conserve et se transforme. » Ces propos de Stéphane Kerecki sur sa propre musique conviennent parfaitement à celle qu’Amy Gamlen nous offre dans ce disque. Partant de l’écriture, un dialogue permanent s’instaure entre les membres de l’orchestre. Ces derniers peaufinent les thèmes, y reviennent, leurs chorus contribuant à structurer les compositions sur le plan de la forme. Thomas Savy a, paraît-il, naguère été conquis par la saxophoniste pour l’avoir entendue en trio avec Stéphane Kerecki à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie. Il joue depuis plus de deux ans de la clarinette basse avec ces derniers, le guitariste Michael Felberbaum complétant le quintette de cette jeune anglaise installée à Paris depuis 2001. “Cold Light“ s’ouvre sur un duo entre Amy et Thomas. Le timbre chaleureux de la clarinette basse contraste avec la sonorité tranchante de l’alto. Le morceau s’intitule Exit et les deux instruments esquissent les notes d’une ritournelle dont s’empare la section rythmique. Egalement construites autour d’un leitmotiv humoristique, There Was et Fanfare génèrent de passionnantes improvisations, Fanfare entrecroisant habilement plusieurs discours, chacun possédant sa propre logique. A la fois souple et énergique, la section rythmique épouse les sinuosités mélodiques de compositions pleines de surprises et de fantaisies dans lesquelles se fait entendre un vrai son de groupe. La contrebasse de Stéphane Kerecki porte les notes de Undertow. Autour d’elle s’organisent les échanges, se dessinent les délicates nuances d’un morceau qui, abstrait de prime abord, devient une véritable danse. Ailleurs, dans Invisible Woman, une walking bass pneumatique et un batteur au drive subtil offrent un superbe écrin à la clarinette de Thomas qui converse fréquemment avec le saxophone. La guitare de Michael Felberbaum assure de passionnants contrepoints aux souffleurs et égraine les accords un peu magiques de Sleeping Potion, composition baignant dans un climat onirique dans laquelle la clarinette basse peint les couleurs du rêve. Quant à Amy Gamlen elle sait raconter des histoires. Ses saxophones (alto ou soprano selon les plages) chantent de bien belle façon dans Acceptance et Lil, courte pièce de transition avant l’envoûtant In the cold Light of Day, une pièce ouverte, aérée, dans laquelle les instruments se font tendres pour mieux nous séduire.
Amy Gamlen et ses musiciens seront le 15 janvier sur la scène du Sunset. On viendra nombreux les applaudir.
Les dernières années de la vie de Stan Getz furent sans doute les plus
lyriques de son art. Le saxophoniste maîtrise son instrument au point d’en tirer une sonorité spécifique lui appartenant en propre, un son « brumeux, fantomatique, bouleversant comme un
amour perdu et retrouvé » écrit Alain Gerber dans les notes de livret de l’édition originale de “People Time“ publié en 1992. Getz est « The Sound », le chef de
file de l’esthétique cool qui, depuis sa version inoubliable de Early Autumn en 1948, fait chanter son ténor mieux que les autres et n’a surtout plus rien à prouver. Lorsqu’il
s’attache pour de bon à Kenny Barron en 1986, le bopper trempe depuis longtemps ses phrases élégantes dans le miel. Les disques en quartette, magnifiques, se succèdent avec
George Mraz ou Rufus Reid à la contrebasse et Victor Lewis à la batterie. Citons “Voyage“ en 1986, “Anniversary“ et “Serenity“ tous deux
enregistrés live au Café Montmartre de Copenhague en 1987. On doit les deux derniers à Jean-Philippe Allard qui en 1991, trois mois avant le décès du saxophoniste,
produisit les derniers albums publics de sa carrière. Cette année-là, du 3 au 6 Mars, dans ce même Café Montmartre, les micros de l’ingénieur du son Johnnie Hjerting captent
inlassablement la musique. Getz admire son pianiste, le respecte et exige qu’il partage avec lui l’affiche de ces concerts. Malade, il n’hésite pas à s’appuyer sur lui lorsque le souffle lui
manque. Il a 64 ans. Un cancer ronge ses poumons. Il a puisé en lui-même des forces insoupçonnées pour graver un mois plus tôt auprès d’Abbey Lincoln“ “You Gotta Pay The Band“ et
en trouve d’autres pour défier avec son saxophone les nuits froides de l’hiver danois. D’une tendresse exquise, d’une chaleur à faire fondre la glace, émouvante et intense, la musique qu’il joue
tient du miracle. Getz termine ses chorus épuisé par l’effort. Attentif, Barron n’hésite pas à prolonger son discours lorsqu’il le juge nécessaire, dans la première des deux versions d’East
of the Sun notamment. Le 5 mars, mécontent de sa sonorité dans Whisper Not, Getz change l’anche de son saxophone et laisse Barron prendre en main le morceau. Styliste raffiné et
bopper accompli, ce dernier reste attaché au swing, aux harmonies délicates qui enrichissent son beau piano. Musicien caméléon, il s’adapte à toutes les situations, peut tout aussi bien jouer
stride, bop ou adopter des dissonances à la Monk.
Ce coffret de sept CD (un par set, le saxophoniste n’en a joué qu’un le dernier soir) réunit quarante-huit morceaux. Getz interprète trois fois
Stablemates, Soul Eyes, First Song, People Time (une composition de Benny Carter), et quatre fois The Surrey With the Fringe On Top. Aucune de
ces versions n’est anecdotique et lorsque Stan Getz et Jean-Philippe Allard préparèrent la première édition en 2 CD de “People Time“ (photo jointe), ils auraient
pu en choisir d’autres. Dix thèmes, dont certains joués plusieurs fois, sont également inédits. Parmi eux, Yours and Mine, The End of a Love Affair, Autumn Leaves,
Con Alma, You Stepped Out of a Dream. Soir après soir, Getz et Barron les embellissent, dialoguent, échangent des idées toujours nouvelles. Avec eux, la ligne mélodique est
toujours célébrée et magnifiée et les ballades, nombreuses, mises à l’honneur. Elles n’empêchent nullement le saxophoniste de s’affirmer fiévreux dans Night and Day, You Stepped Out
of a Dream et Bouncing With Bud abordés sur des tempos plus rapides. Stan Getz joue ici contre la maladie qui va bientôt le terrasser. Il l’affronte par la plus
belle musique possible et nous donne une leçon de courage. Comme l’a si bien écrit Kenny Barron en 1991, « la musique de cet enregistrement est pure, merveilleuse en dépit
de la douleur de Stan ou peut-être à cause d’elle. »