20 juin 2009
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MERCREDI 10 juin
Enrico Pieranunzi en trio au Duc des Lombards. Le seuil franchi, je tombe sur le pianiste qui discute avec André Ceccarelli en italien. « Mon grand-père, premier de la
famille à avoir émigré en France, mettait un point d’honneur à ne parler que français. J’aime l’Italie. J’y ai vécu quelques années » me confie-t-il. Avec moi, Enrico s’exprime en français. J’ai
droit à ses remerciements pour ma belle chronique de “Dream Dance“ dans jazzman, « un choc de blogueur de choc » précise-t-il non sans humour. J’en profite pour lui demander la raison pour laquelle
cet enregistrement de 2004 n’a été publié que cette année. « Nous avions fait deux séances la même semaine. Celle réalisée en quartette avec Kenny Wheeler donna lieu à l’album “As Never
Before“. Les responsables de Cam Jazz l’ont préférée à la session en trio d’où le retard de parution de “Dream Dance“. » Nous discutons. Enrico me confie ses projets. Il sera à nouveau à Paris au
Sunside les 3 et 4 août pour des concerts en trio et a enregistré un disque en solo qui doit sortir en septembre. Un album en quintette doit suivre, un projet latin. « J’aime le blues et la musique
afro-cubaine. Krzysztof Kieslowski a tourné “La double vie de Véronique“ et,
comme cette Véronique, Enrico Pieranunzi a une double vie (rires). Je joue donc du Scarlatti, mais aussi du blues, du bop, du jazz modal. » Contrairement à ce que l’on
peut penser, ce n’est pas Bill Evans – sur lequel Enrico a publié une étude – qui lui a donné le goût de la modalité, mais McCoy Tyner. « Préparant des articles sur lui et sa musique,
je l’ai rencontré plusieurs fois. Il m’a dit un jour que Keith Jarrett n’était pas un pianiste de jazz. » Enrico partage-t-il cette opinion ? Il n’a pas le temps de me répondre. André
Ceccarelli et Darryl Hall l’attendent sur scène. Dès le premier morceau, une vraie complicité s’instaure entre lui et ses musiciens. Contrebasse et batterie rythment et commentent
mélodiquement des phrases que pimente l’imprévu. All the Things You Are est l’occasion pour le 
pianiste de montrer sa
passion pour les rythmes afro-cubains. Enrico rajeunit ce vieux standard, lui donne un aspect chaloupé et excitant, les trempe dans un bain de soleil. Ses mains font danser des myriades de notes,
caressent les plus tendres dans des ballades où il excelle en romantique. I Hear a Rhapsody : Enrico rapsodise, devient concertiste classique avant de confier le thème au trio. Le tempo
plutôt rapide ne gêne nullement la contrebasse chantante et vive qui réagit à l’humeur du piano. Photos © Pierre de Chocqueuse
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Vu et Entendu
17 juin 2009
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Les jazzmen
sont aujourd’hui nombreux à puiser leur inspiration dans le rock et la pop music des années 60 et 70. Un certain nombre d’enregistrements publiés depuis quelques mois sentent bons les prés et les
fleurs des champs.
Celles de la campagne
anglaise parfument “Around Robert
Wyatt“ (Bee Jazz/Abeille Musique),
premier opus de l’Orchestre National de Jazz sous la direction artistique de Daniel Yvinec. Amateur du légendaire Soft Machine, Daniel a organisé un des trois programmes de
l’orchestre autour des compositions de son ex-batteur. Vincent Artaud a habillé ses mélodies inoubliables d’arrangements somptueux. Les voix de Yael Naïm, Arno, Camille,
Rokia Traoré, Irène Jacob, Daniel Darc et de Robert lui-même les portent au septième ciel.
Si la place accordée à l’improvisation est assez restreinte
(reproche que ne manquent pas de faire les détracteurs de l’orchestre), que dire
du nouveau disque de Brian Blade, “Mama Rosa“ (Verve/Universal), étonnant recueil de chansons que l’on croirait surgir de la Californie des années 70. Le batteur de Wayne Shorter
utilise des musiciens de son Fellowship Band (Jon Cowherd, Kurt Rosenwinkel, Chris Thomas), chante, joue du piano, de la guitare, de la basse et bien sûr de la batterie.
La guitare électrique de Daniel Lanois sonne comme celle de Neil Young et l’on n’écoute pas ce disque inattendu et superbe sans penser au célèbre “If I Could Only Remember My Name…“ de
David Crosby et à “No Other“ opus inoubliable de Gene Clark, deux fleurons de la pop californienne.
Le pianiste Alexandre Saada n’hésite pas à donner dans la pop anglaise de la fin des années 60. Dessinée par son frère Emmanuel, la pochette de “Panic Circus“ (Promise
Land/Codaex), son nouvel album, évoque les années colorées du Flower Power. La musique aussi. Les musiciens n’oublient pas le jazz, mais privilégient les mélodies qu’ils habillent de sonorités
cristallines et trempent dans un grand bain d’eau fraîche. Alexandre improvise au Fender Rhodes ; outre du ténor, Sophie Alour joue de la clarinette et de la flûte, instrument qui donne un
aspect champêtre à la musique et fait penser aux premiers albums de Traffic avec le regretté Chris Wood. Jean-Daniel Botta, le bassiste, prête sa voix à deux chansons. Sorties il y a
quarante ans, elles auraient probablement fait un tabac sur Radio Caroline.
“A Thin Sea of Flesh“ (Le Chant du Monde/Harmonia Mundi), le nouveau disque d’Elise Caron est également très british.
Issu du conservatoire de Marseille, l’auteur des musiques, Lucas Gillet, leur a donné un aspect très anglais, enveloppant la voix pure et sensuelle d’Elise dans des volutes sonores
raffinées. Magnifique comédienne, cette dernière chante des poèmes de Dylan Thomas, leur confère une dimension saisissante. Ecoutez Paper and Sticks, And Death Shall Have No
Dominion, I Have Longed to Move Away, pièces possédant chacune une instrumentation propre, morceaux lyriques d’une fraîcheur évidente. Avec Aldo Romano, Henri Texier,
Alex Tassel, Franck Avitabile et Géraldine Laurent (le 21), Elise sera au Sunside samedi et dimanche prochains (20 et 21 juin)
dans un programme consacré à Boris Vian.
Pierrick Pedron phrase bop sur des accords de rock dans “Omry“ (« ma vie »), un album qui se veut un hommage au Pink Floyd et à la chanteuse égyptienne Oum Kalsoum. Pierrick
détourne des mélodies, en invente d’autres et subjugue au saxophone alto. Malgré une guitare et des claviers électriques, l’album reste toutefois davantage ancré dans le jazz que dans le rock. Je
n’en aime pas trop la musique, mais on ne peut l’ignorer.
“Plainville“ (Fresh Sound New Talent/Socadisc), le second disque du saxophoniste Jeremy Udden, est une énorme surprise. De facture classique, son opus
précédent ne nous a pas préparé à ce jazz blues teinté de folk et de country music. L’instrumentation du groupe fait penser au Band, groupe légendaire qui naguère accompagna Bob
Dylan. L’album ouvre sur une mélodie divine introduite par un orgue à pompe et un banjo. On est d’emblée en Amérique, à Plainville, bourgade rurale de la Nouvelle Angleterre entre Boston et
Providence. Jeremy Udden y passa sa jeunesse. Son album accorde une large place aux guitares électriques et acoustiques. Curbs et Big Lick sonnent très rock. Brandon
Seabrook joue aussi du banjo et de la pedal steel guitar. On pense à certains disques de Bill Frisell. Comme lui, Jeremy Udden réinvente et transpose de manière onirique les
musiques qui bercèrent son adolescence et nous livre un superbe
livre d’images sonores sur la grande Amérique.
Le jazz de l’été se pare donc des couleurs de la pop. Samedi prochain à 16 heures 30, la pianiste italienne Rita Marcotulli donnera un concert
hommage au Pink Floyd au Parc Floral de Vincennes. Le 2 juillet, Donald Fagen et Walter Becker seront à l’Olympia avec Steely Dan. Leur tournée européenne s’intitule
Left Bank Holiday. Outre Fagen (chant et claviers) et Becker (guitare), elle réunit Marvin Stamm (trompette), Jim Pugh (trombone), Walt Weiskopf et Roger Rosenberg
(saxophones), Jon Herington (guitare), Jim Beard (claviers), Freddie Washington (basse), Keith Carlock (batterie) et les choristes Tawatha Agee, Janice
Pendarvis et Catherine Russell. Un concert événement à ne pas manquer.
Photo Elise Caron © Gala Colette
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Dossier
13 juin 2009
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MARDI 26 mai : Onishi qui mal y pense…
Nicolas Folmer invite Junko Onishi à partager sa musique au Duc des Lombards. La pianiste japonaise s’est fait
connaître en jouant à New York avec Joe Henderson, Betty Carter, Kenny Garrett et au sein du Mingus Dinasty. “Wow“ son premier disque date de 1993. Elle a enregistré
huit autres albums sous son nom dont deux au Village Vanguard de New York en 1994 avec la section rythmique de Wynton Marsalis (Reginald Veal et
Herlin Riley). Elle est également la pianiste de Jackie McLean dans “Hat Trick“, un disque de 1996 et de Joe Lovano dans “Tenor Time“ un enregistrement de septembre 1996 (un
grand merci à Gilles Coquempot et à Francis Capeau pour ces précisions). Junko Onishi s’est produite en France et en Europe en 1995 (avec Jean-Jacques Avenel et Tony
Rabeson). Depuis “Fragile“ (1999) un opus très commercial, une déception pour son public, la pianiste fait peu parler d’elle. La retrouver sur la scène du Duc avec Nicolas Folmer à la
trompette, Denis Leloup au trombone et à la trompette basse, instrument que l’on entend rarement, Mauro Gargano, impressionnant de musicalité à la contrebasse, et Remi Vignolo
à la batterie est donc un évènement. Possédant un vocabulaire harmonique très
étendu, Junko multiplie les prouesses techniques, ses mains agiles et virevoltantes faisant danser de nombreuses notes. Très à l’aise dans le bop, elle accompagne en plaquant des
accords inattendus. Dans les ballades, elle ornemente, joue de beaux arpèges, des notes perlées et délicates (In a Sentimental Mood) sa grande technique servant une imagination quasi
intarissable. Lorsque Nicolas Folmer et Denis Leloup la convient à improviser sur des thèmes de Charlie Parker (Moose the Mooche, Anthropology) aux tempos
très rapides, Junko Onishi s’amuse, répond sans peine aux chorus expressifs du trombone, aux phrases fiévreuses et bien sculptées de la trompette, ses doigts très souples tricotant
d’étonnants voicings parfaitement équilibrés et rythmés.
SAMEDI 30 mai
Avec le temps, la voix de John Greaves se fait plus rauque sans rien perdre de sa justesse. Seul au piano, il chante quelques-unes de ses compositions, des poèmes de
Verlaine qu’il a récemment mis en musique. Le temps d’un morceau, le trompettiste David Lewis laisse sa place à Sylvain Kassap dont la clarinette apporte des couleurs
différentes. Jef Morin monte sur scène avec sa guitare électrique. Karen Mantler, la fille de Michael Mantler et de Carla Bley est aussi de la fête. John la connaît
depuis les séances de "Kew. Rhone" (1976), album mythique dans lequel Carla joue du saxophone ténor. Même
coiffure et couleur de cheveux que cette dernière, une voix un peu fragile
(le trac), mais beaucoup de charisme. Colloque sentimental : Matthieu Rabaté a pris place derrière la batterie, John joue de la basse électrique, Karen de l’harmonica, de l’orgue et
du piano électrique. Elle chante des mélodies délicieuses, des chansons pour ses chats (My Cat Arnold) et ses poissons dorés (Goldfish). Ses morceaux possèdent l’énergie du rock
et les couleurs du jazz, trompette et guitare assurant des chorus fiévreux sur des tempos binaires pouvant être musclés.
DIMANCHE 31 mai
Vu “Gamperaliya“ (Changement au village), magnifique film sri lankais de Lester James Peries, cinéaste né en 1919 dont l’œuvre conséquente nous est presque entièrement
inconnue. Auteur du premier long-métrage en langue cinghalaise tourné à Ceylan “Rekava“ (la ligne du destin), son premier film présenté à Cannes en 1957), Peries réalise un émouvant portrait de
femme partagé entre deux amours. Courtisée par un garçon instruit mais pauvre qui n’est pas de son milieu, Nanda doit accepter le choix de ses parents qui lui préfèrent un jeune et riche oisif de
bonne famille. Ruiné par le jeu et les mauvaises affaires, ce dernier l’abandonne, disparaît pendant de longues années. Son décès ayant été annoncé, la jeune femme épouse son premier amour qui a
fait fortune à Colombo. Mais son mari est-il bien mort ? Tourné en noir et blanc en 1963, joliment filmé par le chef opérateur William Blake, “Gamperaliya“ capte avec finesse l’évolution des
sentiments des personnages, le passage du temps dans une société rurale en pleine transformation. La caméra cadre avec justesse la nature, la magnifique propriété d’une famille aisée, son déclin
après le décès du père. Restauré en 2008 (sauf le générique début, sans doute pour nous montrer la différence), “Gamperaliya“ troisième film de Lester James Peries, l’un des préférés de
Satyajit Ray, n’avait jamais été distribué en France. Projeté depuis le 6 mai au Reflet Medicis (3/7 rue Champollion, 75005 Paris), il est actuellement visible le dimanche et le mardi à
11h25 jusqu’au 16
juin. Ensuite, consultez le
programme.
SAMEDI 6 juin
Un super groupe : Dave Liebman et Jean-Charles Richard au saxophone soprano, Daniel Humair à la
batterie et Stéphane Kerecki à la contrebasse. On attendait Jean-Paul Celea. Stéphane le remplaça au pied levé, apportant un jeu mélodique, des lignes très simples pour ponctuer le
discours créatif et sauvage des solistes. Car Liebman et Richard soufflent des notes de feu lors de conversations brûlantes qu’attise un Humair volcanique. Bien
que libre et improvisé, ce jazz moderne repose sur des thèmes. Hand
Jive (Tony Williams), Lonely Woman (Ornette Coleman), India (John Coltrane) font ainsi l’objet de relectures aventureuses, d’un traitement harmonique
pour le moins novateur. Liebman affectionne un style véhément, mais peut tout aussi bien calmer le jeu, revenir à la mélodie et la jouer avec lyrisme. Richard fait de même. Il sait éteindre ses
notes incendiaires, les tremper dans un baume apaisant. Il en résulte une musique imprévisible, pleine de tensions et de brusques détentes, de changement de tempos inattendus, vagues sonores de
tailles diverses dont les ondes se propagent encore dans nos têtes. Photos © Pierre de Chocqueuse
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Vu et Entendu
9 juin 2009
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Cinquième opus que Paul Motian consacre aux mélodies de Tin Pan Alley, “On Broadway Vol. 5“ est un
disque presque aussi bon que “On Broadway Vol. 3“ enregistré en 1991 avec Lee Konitz et Joe Lovano, la guitare de Bill Frisell palliant
l’absence de piano. Grand mélodiste, auteur de thèmes souvent repris, le batteur attache beaucoup d’importance aux souffleurs qui l’entourent. Après Chris Potter qui remonte le
niveau de “On Broadway Vol. 4“ gâché par une chanteuse peu convaincante, il choisit deux saxophonistes complémentaires, Michaël Attias et Loren Stillman. De ce
dernier, musicien dont l'alto chante comme un ténor, je recommande les albums, “How Sweet it is“ et “It could Be Anything“, tous deux remarquables. Proches du free mais tonales et structurées,
ses phrases flottantes (influence probable de Wayne Shorter) conservent un fort aspect mélodique. Exposé par les deux saxophones, le piano de Masabumi Kikuchi assurant un délicat
contrepoint mélodique, Morrock, un thème de Motian d’une simplicité lumineuse, ouvre l’album. Le pianiste assure un premier chorus abstrait, place des silences entre ses notes et fait
d’emblée respirer la musique. Le batteur en ralentit le flux, l’aère et lui donne de l’espace. Les morceaux choisis sont d’ailleurs presque tous des ballades. Même Just A Gigolo rendu
méconnaissable par un tempo très lent. Inspiré par Paul Bley, possédant un toucher très délicat, Kikuchi mêle un langage mélodique d’une rare élégance à d’imprévisibles
dissonances. Le chorus qu’il prend dans A Lovely Way to Spend An Evening, une chanson populaire de 1943 dans laquelle Michaël Attias joue du baryton, témoigne d’une
réelle vision poétique. De même la longue introduction très personnelle qu’il apporte à Midnight Sun, composé par Lionel Hampton et Sonny Burke en 1947.
Michaël Attias qui joue aussi du soprano est également au baryton dans Something I Dreamed Last Night (chanson naguère interprétée par Marlène Dietrich
et reprise par Miles Davis) et dans I See Your Face Before Me (un succès de Frank Sinatra). Comme dans une conversation, Loren Stillman
lui répond à l’alto, les deux instruments finissant par mêler leurs voix mélodiques. La contrebasse de Thomas Morgan se voit souvent confier un rôle de bourdon ou de pédale. Dans
cette musique modale,le tempo est souvent suggéré. Motian l’a bien compris. Il évite de trop marquer les temps. Sa pulsation irrégulière colore et suggère. Devenue instrument mélodique, sa
batterie installe un tissu percussif extrêmement souple qui profite à la musique, la rend légère et fait battre son cœur.
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Chroniques de disques
4 juin 2009
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Avec le coup d’envoi du Paris Jazz Festival le 6 juin, le jazz quitte St
Germain pour les pelouses du Parc Floral de Vincennes et reste toujours dans les prés. Cette nouvelle édition du PJF accorde cette année une large place aux musiciens européens. Seize journées (les
samedis et dimanches), trente-trois concerts et autant de voyages organisés selon une thématique précise constituent un programme alléchant. La France, la Belgique, l’Italie, l’Autriche, mais aussi
l’Afrique, le jazz manouche et le blues feront ainsi entendre leurs spécificités culturelles jusqu’au dimanche 26 juillet. Les concerts du Parc Floral débutent à 13h30. On profite donc du soleil,
de la belle lumière des après-midi de juin. Mais le jazz ne s’écoute pas que le week-end. Promenez-vous rue des Lombards. Prenez un verre à la terrasse du Sunside que fréquentent des musiciens
célèbres. Toute la semaine, la capitale résonne de notes bleues. Prenez le temps de les découvrir.
-Samedi 6 juin : la Belgique est à l’honneur au Parc Floral avec le trio du pianiste Diederick Wissels, le quartette du saxophoniste Robin Verheyen (avec Bill
Carrothers au piano) et le Brussels Jazz Orchestra dirigé par Maria Schneider à 16 heures 30. Un endroit approprié pour une musicienne qui faillit devenir ornithologue. - Toujours
le 6, mais en soirée, Dave Liebman, Jean-Paul Celea, Daniel Humair et Jean-Charles Richard investissent le Sunside. On a entendu les trois premiers il y a quelques mois
dans ce même club avec Bobo Stenson. La formation perd un pianiste, mais y gagne un second saxophoniste et avec lui d’autres timbres et une plus grande liberté harmonique.
-Un trio singulier le 8 au New Morning : Louis Sclavis aux saxophones et clarinettes, Zool Fleischer au piano et André Ceccarelli à la batterie. Belle occasion d’écouter
Zool, merveilleux pianiste qui se fait trop discret.
-Le 9 à l’Alhambra, Pierrick
Pedron jouera son nouvel album “Omry“. Le saxophoniste nous promet un véritable spectacle et en a confié la mise en scène au vidéaste Jacques Ollivier.
-Enrico Pieranunzi, Darryl Hall et André Ceccarelli au Duc des Lombards le 10. Le trio devient un quartette le 11, David El Malek rejoignant l’éminent pianiste transalpin dont j’ai dit tout le bien que je pensais de
son dernier album dans Jazzman. - Le 11 encore, le Laurent Mignard Duke Orchestra célèbre le répertoire incontournable d’Edward Kennedy à l’Entrepôt (7/9 rue Francis de Pressensé, 75014 Paris).
-Le 12, Alexandre Saada reprend au Duc le programme coloré de son “Panic Circus“. - Le même soir, Oxyd, groupe vainqueur de la 7e édition des Trophées du Sunside en
septembre dernier retrouve le lieu de ses exploits à l’occasion de la sortie de “Onze heures onze“, son premier album. Outre des riffs incandescents de trompette et de saxophone, Oxyd
possède un formidable pianiste,
Alexandre Herer, qui éblouit au
Fender Rhodes.
-Ricky Ford et Kirk Lightsey au Duc des Lombards le 13. Leur duo saxophone piano peut se révéler passionnant.
-L’explosive Marjolaine Reymond est attendue impatiemment au Sunside le 14. Comme à son habitude, la chanteuse y fait déjà le siège. Avec elle David
Patrois au vibraphone, Antoine Simoni à la contrebasse et Yann Joussein à la batterie. Une voix et une musique différente à écouter sans modération.
-Les 15 et 16 juin, le Sunside accueille le quintette de
Jeremy Pelt. Le trompettiste était au Duc le 12 mars dernier avec Violet Hour, le sextette du batteur Gerald Cleaver et fit forte impression. A voir ou à revoir.
-Une autre sorte de bleu, c’est ce que proposent Médéric Collignon et son Jus de Bocse qui invitent au Duc des Lombards Pierrick Pedron le
16 et Géraldine Laurent le 17 à une relecture de “Kind of Blue“, album de Miles Davis dont on fête cette année le cinquantième anniversaire de l’enregistrement.
-Ne manquez pas le trio de Thomas Savy au Sunset le 18 (concert à 22 heures). Stéphane Kerecki à la contrebasse et Fabrice Moreau à la batterie accompagnent ce poids
lourd de la clarinette basse. - Le même soir, Jean-Michel Proust qui assure la programmation du Duc, sort ses saxophones de leurs étuis pour nous jouer – une fois n’est pas
coutume – quelques titres de “Until it’s Time for You to Go “ (Cristal), son nouvel album enregistré avec d’excellents musiciens. - Toujours le 18, mais aussi le19, André Manoukian
occupe le Sunside avec Christophe Wallemme à la contrebasse et Laurent Robin à la batterie. Il fait partie du jury de la Nouvelle Star, mais est aussi un pianiste sincère qui mérite
attention.
-L’Italie à la fête au Parc
Floral le 20 avec le groupe du tromboniste Gianluca Petrella (Indigo 4), Musica Nuda, Antonello Salis et Fabrizio Bosso. On ne manquera pas à 16 heures 30 la
pianiste Rita Marcotulli (avec Andy Sheppard, Giovanni Tommaso et Michele Rabbia) dans un hommage à Pink Floyd. - Le même jour, Benoît Delbecq donne
un de ses trop rares concerts à la Dynamo de Banlieues Bleues (9, rue Gabrielle Josserand, Pantin à 20 heures 30. L’accès est facile en métro). Avec Jean-Jacques Avenel à la contrebasse et
Emile Biayenda à la batterie. - Toujours le 20 mais au Sunside (avec prolongation le 21), Aldo Romano invite son vieux complice Henri Texier et la chanteuse et
comédienne Elise Caron à fêter Boris Vian.
-La voix chaude et puissante
d’Anne Ducros charmera trois soirs (22, 23 et 24 juin) le public du Sunside. Avec elle Alfio Origlio au piano, Bruno Cox à la batterie et un géant de la contrebasse, Essiet
Essiet.
-Le 25 à 19 heures 30, à l’auditorium St Germain, Antoine Hervé donne une leçon de jazz consacrée à Herbie Hancock en compagnie des frères Moutin .
-Le 26 à l’Archipel (17 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris), le pianiste Alexis Tcholakian présente sa musique en solo, duo et trio en compagnie de Claude Mouton à la
contrebasse et de Thierry Tardieu à la batterie. - “Eight fragments of Summer“, album de Laurent Coq encensé par de nombreux critiques sera au programme des concerts que le
pianiste donne les 26 et 27 au Sunside. Olivier Zanot au saxophone alto, Yoni Zelnik à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie auront mission de servir sa musique
exigeante.
-Le guitariste Larry Carlton est attendu en trio au New Morning le 30. - Le même soir, mais aussi le 1er juillet, le pianiste Marc Copland retrouve le Sunside pour une
série de duos avec le saxophoniste Greg Osby. - Enfin les amateurs de jazz moderne se rendront Salle Pleyel pour suivre la rencontre du MegaOctet d’Andy Emler avec les
Percussions de Strasbourg. Joachim Kühn, Miroslav Vitous et Daniel Humair en trio complètent le programme.
Paris Jazz Festival : http://www.parisjazzfestival2009.net
Sunset – Sunside : http://www.sunset-sunside.com/
New Morning : http://www.newmorning.com/
Théâtre de l’Alhambra : http://www.alhambra-paris.com/
Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com/
L’Entrepôt : http://www.lentrepot.fr/
La Dynamo de Banlieues Bleues: http://www.banlieuesbleues.org/
Auditorim St Germain (Maison des Pratiques Artistiques Amateurs) : http://www.mpaa.fr/Calendrier
L’Archipel : http://www.larchipel.net/
Salle Pleyel : http://www.sallepleyel.fr/
Quelques bons disques attendus en juin
-EMI fait paraître début juin un inédit de Freddie Hubbard, “Without a Song : Live in Europe 1969“, enregistré lors de tournées en Angleterre et en
Allemagne. Le pianiste Roland Hanna, le contrebassiste Ron Carter et le batteur Louis Hayes accompagnent le trompettiste alors au meilleur de sa forme.
-Naïve distribue un enregistrement live de Denny Zeitlin publié sur le label Sunnyside. Enregistré en trio entre 2001 et 2006 (Buster Williams tient la contrebasse et Matt
Wilson la batterie), “In Concert“ compte parmi les meilleurs disques du pianiste.
-Universal annonce la sortie le 8 du nouveau disque Caetano Veloso “Zii e Zie“, du rock brésilien dans la veine de “Cê“, mais beaucoup plus soigné au niveau du son.
-Le 15, parution sur Concord d’un album live de Gary Burton enregistré au Yoshi’s Jazz Club d’Oakland. Pat Metheny, Steve Swallow et Antonio Sanchez secondent le
vibraphoniste.
-Il vous faudra patienter jusqu’au 29 pour découvrir les
nouveaux albums de John Surman et de Steve Kuhn. Dans “Brewster’s Rooster“, Surman retrouve le batteur Jack DeJohnette et s’associe au guitariste John Abercrombie
et au contrebassiste Drew Gress. Egalement enregistré en quartette, “Mostly Coltrane“ de Steve Kuhn est un des grands disques de l’année. Avec Joe Lovano au saxophone ténor,
David Finck à la contrebasse et Joey Baron à la batterie, le pianiste rend un magnifique hommage à John Coltrane. Lovano s’y montre intensément lyrique et Kuhn nous offre une
fabuleuse nouvelle version en solo de Trance, une de ses anciennes compositions. Vous en lirez une chronique détaillée dans le numéro de juillet/août de Jazzman.
Photos © Pierre de Chocqueuse
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Edito tout beau
2 juin 2009
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Né à Bordeaux, diplômé du fameux Berklee College of Music de Boston, Vincent Bourgeyx fit ses armes au sein des quartettes du tromboniste Al
Grey et de la saxophoniste Jane Ira Bloom tout en travaillant avec de nombreux jazzmen. Revenu en France en 2001, il obtint un prix de soliste au Concours de Jazz de la
Défense en 2003, et depuis se produit souvent avec des musiciens hexagonaux. Enregistré à Barcelone, “Again“, son troisième album après “Introduction“ (Utica) et “Un ange qui ricane“ (Cristal
Records), témoigne du savoir faire d’un pianiste amoureux de la mélodie. Avec le batteur Bobby Durham décédé en 2008, Vincent Bourgeyx a naguère joué un jazz
inspiré par Oscar Peterson et sa musique ancrée dans le blues (Come Sunday, The Good Life) en conserve la trace. Les leçons de piano classique prises avec
Françoise Hougues, une élève d’Yves Nat, lorsqu’il était jeune, lui permettent aujourd’hui d’adapter très habilement Gabriel Fauré (Après un
rêve) et Frédéric Chopin. Joué en 7/4, l’Etude en mi-majeur de ce dernier reste une de ses mélodies préférées. S’il cède ainsi à une certaine tentation romantique, il ne
rend pas sa musique paresseuse pour autant. La remarquable section rythmique qui l’accompagne n’oublie même jamais de la muscler. La contrebasse de Matt Penman, musicien avec
lequel il a enregistré son premier disque en 2002, instaure des conversations incessantes avec son piano. Vincent a souvent joué à New York avec le batteur Ari Hoenig qui lui
fournit un accompagnement aussi varié qu’efficace. Si les nombreux standards qu’il reprend attestent son éclectisme - Once Upon a Summertime (La valse des lilas) côtoit
Giant Steps de John Coltrane – ses compositions personnelles, et particulièrement Alice, sont loin d’êtres négligeables. Précédemment enregistrée, cette
suite en quatre parties nous offre un condensé des qualités de ce troisième opus : interaction parfaite des protagonistes, riche background harmonique d’un pianiste dont les
improvisations mélodiques et chantantes s‘accompagnent d’une abondance de notes, d’un jeu orchestral offrant beaucoup de dynamique à l’instrument. Cette réussite mérite sa place dans toute bonne
discothèque.
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Chroniques de disques
29 mai 2009
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MARDI 19 mai
Je délaisse le Festival de Jazz de Saint-Germain pour le New Morning. Stéphane Kerecki et son trio s’y produisent avec Tony Malaby, nous régalent
d’improvisations aussi lyriques que musclées. Le groupe joue de nombreuses ballades, peaufine de délicates miniatures, mais aussi des morceaux fiévreux et intenses. J’ai récemment écrit tout le
bien que je pensais de leur album chroniqué dans ce blogdechoc le 19 mai, le matin même de ce concert éblouissant. La formation interpréta une bonne partie d’“Houria“ édité par Zig-Zag Territoires,
petit label qui soigne ses productions et s’occupe de ses artistes. S’appuyant sur les thèmes limpides de ce nouvel opus, elle construit et développe un langage d’une grande poésie sonore. La photo
du bas présente le groupe au complet. Tony Malaby, à gauche, vocalise au soprano. Thomas Grimmonprez est saisi
en pleine action. Ses solos mélodiques et rythmiques témoignent de
l’originalité de la toile percussive qu’il parvient habilement à tisser. Tout en assurant un tempo solide, Stéphane Kerecki module des phrases lyriques à la contrebasse. Quant à Matthieu
Donarier, il semble souffler quelques notes gargantuesques dont il a le secret. Les deux autres photos se passent de commentaire. La puissance, l’engagement physique s’y expriment. Le jazz
s’écoute, mais se regarde aussi. N’est-il pas beau à voir ?
Photos © Pierre de Chocqueuse
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Vu et Entendu
26 mai 2009
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VENDREDI 15 mai
Un bonheur ces « nuits du piano jazz » qu’organise l’Esprit Jazz dans l’église de Saint-Germain-des-Prés. L’écho gigantesque de l’édifice pose problème, mais les pianistes qui s’y
sont succédé en solo les années précédentes - Jacky Terrasson en 2005, Brad Mehldau en 2006, Martial Solal en 2007 et Yaron Herman l’an dernier - sont tous parvenu à le
résoudre, adaptant leur jeu à l’acoustique du lieu, nous laissant en mémoire des concerts fantastiques. On attendait beaucoup de la prestation de Kenny Barron, « musicien pour musicien » et
légende vivante du piano jazz, styliste du bop attaché au swing et à la tradition. Hélas, le pianiste mit beaucoup de temps à atténuer une résonance qui modifiait la sonorité de ses notes, les
rendait partiellement inaudibles, certains auditeurs mieux placés percevant plus clairement que d’autres sa musique. Barron s’est-il
rendu compte de ce problème sonore ? Imperturbable, il joua sans trop de foi
ni de feeling, presque mécaniquement, un piano aux harmonies brouillées par un son déficient. Essayant de développer un jeu en block chords pour améliorer la clarté de son instrument, il finit par
utiliser au minimum les pédales, à donner puissance et dynamique à son jeu. La vraie dimension du pianiste apparut alors. Nous l’avions entendu bâillonné. Nous découvrîmes un musicien raffiné, un
harmoniste capable d’un profond lyrisme. Trempant son instrument dans le soleil des îles, il fit danser les notes d’un joyeux calypso, se mit à faire danser ses notes, le blues offert en rappel
achevant de
rassurer les fans de son piano.
LUNDI 18 mai
Enrico Rava à Sciences Po. Après un magnifique album new-yorkais publié en début d’année (“New York Days“, un disque ECM
chroniqué dans ce blog en février), le trompettiste retrouve Paris avec un nouveau quartette italien au sein duquel brille le jeune tromboniste Gianluca Petrella. Amoureux de la mélodie,
Rava laisse ses musiciens installer une tension qu’il apaise. La musique s’organise autour de la solide contrebasse de Piero Leveratto qui relie entre-eux les instruments
de l’orchestre et constitue avec le batteur Fabrizio Sferra
une section rythmique souple et flottante à laquelle se joint parfois le pianiste Giovanni Guidi. Electron libre de la formation, ce dernier accompagne avec parcimonie, joue peu de notes
mais fascine par ses silences, son sens du placement, ses longs voicings élégamment rythmés.
Il peut tout aussi bien installer un fiévreux ostinato rythmique pour soutenir une improvisation collective des vents que jouer de longues lignes dissonantes et
abstraites, inventer des harmonies inattendues. A cet univers pour le moins onirique et sensible, s’oppose celui de Petrella, tromboniste exubérant et expressif qui recherche l’échange, multiplie
les effets de growl et utilise sa sourdine pour souffler généreusement une grande diversité de sons. Associé à la trompette de Rava, le trombone de Petrella éblouit autrement, assure de
vigoureux contre-chants à une trompette davisienne qui exprime avec chaleur une musique intensément lyrique. Tous deux chantent de délicieuses petites musiques felliniennes, esquissent des pas de
danses villageoises, soufflent généreusement les couleurs éclatantes de mélodies diaprées qui conservent la chaleur du soleil transalpin.
Photos © Pierre de Chocqueuse
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Vu et Entendu
21 mai 2009
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19:45
Ils sont trois.
Larry Grenadier et Jeff Ballard constituent l’actuelle section rythmique de Brad Mehldau et Mark Turner est un des rares
saxophonistes à avoir choisi Warne Marsh comme modèle. Tous ont beaucoup d’expérience comme accompagnateurs d’où une conception collective de leur trio. Chaque instrument est ici
une voix attentive qui entend, répond et réagit aux idées des deux autres. “Sky & Country“ comprend quatre morceaux de Turner, trois de Ballard et deux de Grenadier. Malgré leur complexité
harmonique et rythmique, ils génèrent des improvisations d’une rare fluidité. Mark Turner chante de longues phrases mélodiques au ténor, mais prend soin de laisser de la place
aux musiciens qui l’accompagnent. Ils écrivent ensemble une histoire et leurs instruments occupent l’espace sonore à parité égale. La contrebasse peut ainsi intervenir à tout moment pour
compléter le discours mélodique du saxophone ou, associée à la batterie, lui apporter un ample contrepoint rythmique. Mark Turner a véritablement un son. Il joue souvent dans
l’aigu du ténor de longues lignes chromatiquement complexes qu’il parvient parfaitement à faire respirer. Malgré son aspect quelque peu janséniste (Turner joue aussi du soprano, mais
l’instrumentation réduite de l’album en limite les couleurs), cette musique intimiste n’est pas difficile à appréhender. L’écouter attentivement révèle sa logique, sa fraîcheur d’inspiration, sa
modernité apaisante. Sous une froideur apparente se dissimule un grand lyrisme.
Fly occupera le Sunset du vendredi 22 au dimanche 24 mai (20h00 et 22h00 les deux premiers soirs. Concert unique à 21h00 le
dimanche).
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Chroniques de disques
19 mai 2009
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Ce disque, le troisième qu’il
publie sous son nom, Stéphane Kerecki l’a souhaité largement improvisé, « d’une grande diversité de climats avec des grooves simples et solides ». Les thèmes reposent sur peu de
notes, ne sont pas figés par des arrangements. La musique y gagne en spontanéité, se bâtit sur le fil d’une improvisation collective qui relègue au second plan l’écriture. Stéphane en est
l’architecte principal, mais si ses lignes de contrebasse guident la musique, les trois autres instruments lui donnent un poids rythmique et des couleurs harmoniques non négligeables. Aux
saxophones (ténor et soprano), Tony Malaby (canal gauche) et Matthieu Donarier (canal droit) se complètent, entrelacent avec bonheur leurs lignes mélodiques,
certaines suaves et douces, d’autres d’une force quasi tellurique. Malaby peut grogner et rugir - Palabre, Satellisé - , mais aussi chanter avec recueillement et lyrisme - A
l’air libre, Secret d’oreille ou Fable, seul morceau réellement arrangé de l’album qui enchaîne ainsi des paysages sonores très variés. Pièce abstraite au thème à peine
esquissé et ponctuée par un ostinato rythmique de contrebasse, Suite for Tony génère une conversation entre le ténor (Malaby) et le soprano (Donarier). Dans Macadam, une
contrebasse ronde et puissante égraine les notes d’une petite mélodie. Très présents, les tambours de Thomas Grimmonprez rythment sa danse joyeuse. Houria (un prénom
arabe qui signifie liberté) nous transporte de l’autre côté de la Méditerranée, sur cette terre d’Afrique où le sacré y est encore présent. Dans le recueillement du studio et à l’écoute de leurs
voix intérieures, les quatre hommes semblent avoir retrouvé les secrets d’une musique instinctive et primitive dans laquelle la technique passe derrière l’expression d’un langage incantatoire
intensément spirituel. Composé par Olivier Messiaen, l’envoûtant ô Sacrum Convivium, s’en fait étonnamment l’écho.
Pour fêter la sortie de leur album,
Stéphane Kerecki, Tony Malaby, Matthieu Donarier et Thomas Grimmonprez donnent un concert au New Morning ce soir,
mardi 19 mai, à 21h00.
Published by Pierre de Chocqueuse
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Chroniques de disques