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15 mars 2009 7 15 /03 /mars /2009 12:53
Un dimanche sur deux, retrouvez les coups de cœur du blogueur de Choc. Concerts, disques, films, livres, pièces de théâtre, rencontres, événements et scènes de la vie parisienne à vous faire partager... Suivez le blogueur de Choc…

DIMANCHE 1e mars
Radio France, Studio Charles Trenet : concert inaugural du nouvel ONJ placé sous la direction artistique de Daniel Yvinec. Au programme “Broadway in Satin“ consacré au répertoire de Billie Holiday, morceaux dont la chanteuse donna des versions insurpassables. Choisissant d’innover, Daniel Yvinec a chargé Alban Darche de les moderniser. Conservant les mélodies, ce dernier a changé tout le reste, dotant chaque morceau d’une orchestration nouvelle, d’une instrumentation différente. Skylark mêle ainsi les sonorités de deux saxophones alto, une clarinette basse, une trompette et un cor et Body and Soul voit son solo harmonisé par un petit ensemble comprenant saxophone alto, ténor, flûte, clarinette basse et trompette. Le traitement sonore réservé aux morceaux est beaucoup moins conventionnel. Eve Risser joue du piano préparé, tisse des sons inédits de sa table d’harmonie. Un saupoudrage électronique apporte de nouvelles couleurs et plonge les thèmes dans la modernité. Des rythmes binaires et martelés, des arrangements souvent lourds les structurent, la masse orchestrale laissant peu de place aux solistes. Ces derniers se font entendre dans les nombreux intermèdes qui relient les morceaux entre eux, moments surprenants animés par le batteur, dialogues entre une clarinette basse et ses propres notes que les haut-parleurs lui renvoient, chorus d’alto sur la voix enregistrée de Billie Holiday, poussée de soprano sur un léger voile d’effets sonores. Les improvisations collectives sont également nombreuses. Une fanfare déjantée introduit Strange Fruit rythmé par un banjo. Dans My Man, l’instrument égraine les accords du blues. A mi-chemin entre Carla Bley et Nino Rota, ce morceau carnavalesque plein de trouvailles et de dissonances résume bien la musique de l’orchestre, véritable auberge espagnole anticipant un troisième programme consacré à "Carmen". Les voix enfin pour conter et chanter Billie. Celle, enregistrée, d’Archie Shepp nous lit des extraits de son autobiographie. Ian Siegal et Karen Lanaud reprennent ses mélodies. Le premier, un chanteur de blues, possède une voix rauque et puissante. Plus classique, le timbre de la seconde peine à se faire entendre, couverte par les instruments d’un orchestre qui, à défaut de toujours bien sonner, joue beaucoup trop fort. Leurs voix se mêlent dans You’ve Change dont la guitare égraine les accords. Comment ne pas songer au duo Tom WaitsCrystal Gayle qui illumine le film “One from the Heart“ (“Coup de cœur“) de Francis Ford Coppola ? De bonnes idées, une mise en place parfois approximative, des longueurs, des moments superbes, difficile de juger l’ONJ à sa juste valeur sur ce premier concert. Le second, celui de Banlieues Bleues fut, paraît-il, désastreux. Laissons lui donc le temps de grandir.

JEUDI 5 mars
Revu “Model Shop“, film mal-aimé, la suite américaine de “Lola“, depuis longtemps invisible. Jacques Demy le tourne en 1968 à Los Angeles. Les grands studios américains ont apprécié ses comédies musicales, “Les Parapluies de Cherbourg“, “Les Demoiselles de Rochefort“ et Columbia accepte de financer ce nouveau long-métrage. Contre toute attente, Demy choisit de faire simple avec un budget modeste : vingt-quatre heures de la vie de George Matthews (joué par Gary Lockwood, l’un des deux cosmonautes de “2001 l’odyssée de l’espace“), jeune architecte sans travail sur le point d’être envoyé au Vietnam. Fasciné par une femme rencontrée dans un parking, il la suit jusqu’à son lieu de travail, une boutique dans laquelle, elle se loue comme modèle à des photographes. La jeune femme, c’est Anouk Aimée, la Lola de Demy dont on retrouve la trace six ans plus tard. A George, elle confie son histoire. Michel, l’homme qui est allé la chercher à Nantes pour l’amener vivre en Amérique, l’a finalement quittée. Elle s’est remise à travailler après avoir renvoyé son fils en France et économise pour le rejoindre. George lui donnera l’argent destiné à payer la traite de sa voiture. A la veille d’un aller simple pour une guerre qu’il refuse, il permet à Lola de rentrer chez elle. On sent Jacques Demy désenchanté par l’Amérique dont il a longtemps rêvé. Frankie le marin au grand cœur de “Lola“ est mort au Vietnam au début de la guerre, une guerre qui fait dire à George désabusé : « Qu’y a-t-il de plus beau que la vie ? » “Model Shop“ n’existe qu’au sein d’un gros coffret Arte Video (Ciné-Tamaris) réunissant tous les films de Demy. Sur le même DVD se trouve “Lola“, son premier opus, restauré en 2000, l’un des plus beaux films du cinéma français. Quel plaisir de revoir Anouk Aimée chanter et danser, déambuler dans les rues de Nantes. Passage Pommeraye, elle rencontre Roland (Marc Michel) perdu de vue depuis quinze ans. Comme Jacques Demy, il rêve de l’Amérique. Comme Frankie le marin de Chicago, il tombe amoureux de Lola qui chante, danse, se donne, mais n’aime qu’une fois. Son cœur appartient à Michel. Elle l’attend. Comme George, l’architecte de “Model Shop“, Roland reste seul à la fin du film qui fascine par sa grâce et sa poésie. Une mise en scène élégante, des dialogues subtils et très justes lui donnent beaucoup de charme. La photo – du scope noir et blanc - est de Raoul Coutard ; la musique de Michel Legrand. Confiée au groupe Spirit que Demy découvrit sur la scène du Kaleidoscope à son arrivée à Los Angeles, celle de “Model Shop“ plonge dans les sonorités de l’acid-rock de la fin des années 60. Mêlant habilement jazz et rock psychédélique, le groupe fait entendre de très beaux instrumentaux. La guitare magique de Randy California, disciple inspiré de Jimi Hendrix, illumine Clear, le thème principal du film orchestré par Marty Paich. Constatant son échec commercial, la maison de disque de Spirit abandonna l’idée d’en sortir la musique. Dispersée au sein de plusieurs albums du groupe, elle ne fut éditée qu’en 2005.

LUNDI 9 mars
Beau concert donné par Yaron Herman au théâtre des Champs-Elysées. En compagnie de son trio, le pianiste fête la sortie de “Muse“ son nouvel album, et lui réserve une place de choix. En solo, il commence par brouiller les pistes, entremêle avec ferveur Eli Eli et Hallelujah, un morceau de Leonard Cohen que Yaron affectionne. Muse et sa partie de cordes empruntée à Keith Jarrett vient ensuite. Les membres du Quatuor Manfred peinent un peu sur la musique. La mise en place n’est pas parfaite, mais ils offrent de belles couleurs à Isobel joué plus tard en rappel, et à Rina Ballé, la dernière plage du nouveau disque. Magnifiquement introduit à la contrebasse, son thème permet à Yaron de se lancer dans un chorus époustouflant. Sa mélodie frappe l’oreille et soulève l’enthousiasme du public. La guitare de Dominic Miller s’est jointe au trio, mais c’est dans Shape of my Heart, en duo avec le piano de Yaron, qu’elle livre ses plus belles notes. Avec Matt Brewer à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie, Yaron va donner le meilleur de lui-même. Un batteur complice rythme ses longues phrases pleines de notes inattendues. La contrebasse recherche le dialogue et mêle ses propres lignes mélodiques à celles du piano. Toxic de Britney Spears réinventé à chaque concert, Twins, Perpetua, Vertigo et leurs acrobaties rythmiques donnent le vertige, mais les doigts de Yaron savent aussi se faire légers et tendres dans les ballades. Ils égrainent de petites notes fragiles et s’appliquent à les faire délicatement sonner. Après une version de Con Alma beaucoup plus développée que celle du disque, Yaron enrichie d’harmonies exquises What Are You Doing the Rest of Your Life ?, un thème de Michel Legrand. Un émouvant Ose Shalom en trio conclut magnifiquement une soirée très intense.

MARDI 10 mars
Baptiste Trotignon au New Morning, une belle occasion d’écouter de larges extraits de son nouvel album. Sa section rythmique américaine indisponible, Thomas Bramerie assure brillamment à la contrebasse et Franck Agulhon remplace Eric Harland à la batterie. Difficilement. Sa frappe lourde et puissante couvre les instruments de l’orchestre, l’oblige à jouer plus fort. On s’habitue à ce martèlement, captivée par la richesse harmonique d’habiles compositions à tiroirs qui réservent bien des surprises. Récemment blessé à la main, Mark Turner rejoint le groupe au ténor et joue comme si rien ne lui était arrivé. Ses courtes phrases mélodiques se mêlent à celles, délicates, du bugle de Tom Harrell. Beaucoup plus présents que sur le disque, les deux souffleurs se révèlent constamment inspirés. Tom fait merveille dans Blue, un thème exquis aux notes tendres et lumineuses. Baptiste assure le tempo puis improvise une série de variations qui enchantent. Trempé dans le bop, Dexter conclut un premier set qui donne envie d‘écouter le second, une longue suite encore inédite sur disque. On a du mal à croire que le groupe la joue pour la seconde fois tant la mise en place est parfaite. Tom détache clairement de petites notes délicieuses, leur laisse le temps de s’envoler. Ses chorus aériens reflètent sa très grande sensibilité. Une des pièces s’articule autour d’un rythme de samba. Un long chorus de Baptiste fait monter la température de quelques degrés. Après un interlude en solo, le piano égraine les notes rêveuses d’une ballade. Bugle et ténor en colorent le thème. I Feel in Love Too Easily en rappel. Tom Harrell souffle des notes magnifiques et nous émeut profondément.

JEUDI 12 mars
Violet Hour, le sextet de Gerald Cleaver au Duc des Lombards, un hommage aux grands batteurs de Détroit, sa ville natale - Roy Brooks, Lawrence Williams, George Goldsmith et Richard “Pistol“ Allen. Le groupe joue du hard bop, mais sa manière de le rythmer et les couleurs qu’il donne à cette musique suffisent à la moderniser. Le set débute par une improvisation de Ben Waltzer, le pianiste. Exposée tardivement par les trois souffleurs, Jeremy Pelt à la trompette, J.D. Allen au saxophone ténor et Andrew Bishop à la clarinette basse, la mélodie surgit d’un amoncellement de notes graves. Ce dernier instrument renforce l’aspect sombre et inquiétant de la musique. Mais Andrew Bishop joue aussi du ténor et du soprano et les accords de Ben Walzer ne sont pas toujours si étranges. Le piano intègre une section rythmique très souple – Chris Lightcap tient la contrebasse - qui permet aux solistes de s’exprimer avec une grande liberté. La vedette de l’orchestre Jeremy Pelt impressionne par sa maîtrise technique et sa vélocité. Les notes jaillissent, chaudes, sensuelles, impeccablement sculptées, portées par un souffle puissant. Il possède une capacité pulmonaire exceptionnelle, une carrure impressionnante. Il tire de sa trompette de somptueuses lignes mélodiques, joue du bugle dans les ballades pour rendre veloutées et sensuelles. Batteur au jeu très fin, Gerald Cleaver rythme subtilement la musique, le plus souvent sur ses cymbales. On découvre un compositeur habile dont le jazz moderne s’enracine profondément dans la tradition. La formation a enregistré un premier album “Gerald Cleaver’s Detroit“ sur Fresh Sound New Talent. On peut y prêter attention.
Photos ©Pierre de Chocqueuse. Affiche de Model Shop © Columbia Films. Affiche de Lola © Les films de ma vie.  Jaquette DVD Model Shop/Lola  © Arte Video/Ciné-Tamaris. Photo affiche Yaron Herman © Gala

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12 mars 2009 4 12 /03 /mars /2009 10:03

Ce nouvel album de John Taylor en solo ne dévoile pas aisément ses secrets. Son approche en est même difficile. Le pianiste anglais construit un univers sonore raffiné dans lequel les thèmes complexes et durs à mémoriser naissent de savantes constructions harmoniques. A peine entrevus, ils nous échappent, génèrent d’autres mélodies tout aussi fugitives. John Taylor joue une musique souvent abstraite. Son langage introspectif et poétique évoque des images, fait travailler l’imagination. Sa vision du jazz est européenne. Son vocabulaire, ses choix mélodiques traduisent des influences classiques, surtout le court Prelude n°3, dans lesquelles il donne poids et volume à ses notes inquiétantes. Les “Phases“ qu’il décrit, ce sont celles des saisons. Dans Spring, la musique semble sortir d’un long sommeil, hésite puis se transforme, devient vive et lumineuse. Summer déploie de riches couleurs harmoniques. Le piano esquisse des pas de danse, chante de délicates ritournelles. Autumn, une pièce sombre, lente, mélancolique, s’articule autour d’une mélodie circulaire. Le début de Winter est presque un ostinato. Le piano chante les mêmes petites notes puis improvise des variations qui étrangement relèvent du blues. Ces quatre saisons, John Taylor ne les joue pas les unes derrière les autres, mais intercale entre-elles des compositions fascinantes. Les ambiguïtés harmoniques de Ritual, une pièce très noire, le mystérieux et envoûtant Frolics qui révèle davantage sa beauté à chaque écoute sont quelques-unes des miniatures constituant le programme de ce disque. Quatre d’entre-elles dépassent les cinq minutes. Eulogy fut enregistré par Taylor avec le groupe Azimuth en 1978 et une première version d’Autumn apparaît dans “Départ“, le troisième disque de cette formation. John Taylor joue aussi du célesta dans Foil et Duetto, deux morceaux plus accessibles. Dans le premier, le piano brode un contrepoint mélodique autour des notes répétitives du célesta. Dans le second, le piano assure le travail rythmique et le célesta improvise. Avec Fedora, une composition de Kenny Wheeler jouée staccato, Duetto est une des rares plages de l’album à posséder une véritable cadence. For Carol et son beau thème nostalgique est également d’un accès plus facile. Soyez patients avec ce disque. Il faut plusieurs écoutes pour en saisir les richesses.

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9 mars 2009 1 09 /03 /mars /2009 12:07

Sur scène, Yaron Herman prend son temps et développe les idées harmoniques qui lui passent par la tête. Il cherche, repense ses morceaux et ceux des autres, en donne des versions toujours différentes et se dépense sans compter dans de longues improvisations souvent oniriques. En studio, le pianiste canalise son énergie, réduit ses voicings et va à l’essentiel. Les morceaux de son disque précédent restent des esquisses enregistrées par un groupe qui n’a pas encore appris à se connaître. Ils seront retravaillés en concert. Perpétuellement insatisfait, Yaron cherchera sans doute à faire de même avec les compositions de ce nouvel album. Beaucoup plus abouti, il traduit pourtant une maturité nouvelle. Le pianiste fougueux place désormais sa technique au service d’une musique dont il a très soigneusement peaufiné les arrangements. La cohésion exceptionnelle du trio qui l’accompagne rend possible ce travail sur la forme. Matt Brewer à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie apportent une grande fluidité rythmique aux morceaux. Le batteur fascine par la légèreté de son jeu de cymbales. Une contrebasse complice à la sonorité magnifique commente, installe un groove dont profite habilement le pianiste. Les rythmes interviennent beaucoup dans la composition de Vertigo et de Twins, morceaux exigeant une grande précision d’exécution. Matt Brewer apporte deux mélodies et Yaron en a puisé d’autres chez des compositeurs hébreux, Alexander Argov et Naomi Shemer, grande dame de la chanson israélienne. De cette dernière, Yaron reprend Lu Yehi, en solo, moment tendre et magnifique. Ecrit par Bjork, Isobel hérite des magnifiques couleurs qu’installe le Quatuor Ebène. Ce sont encore les cordes qui dans Muse répondent au piano. Cette pièce, la première de l’album, rappelle beaucoup Vision, l’ouverture d’“Expectations“, double album que Keith Jarrett enregistra pour Columbia en 1972. Bien que l’influence de ce dernier soit encore prépondérante, Yaron tend à s’en dégager. Intelligemment construites, ses longues phrases accueillent le silence. Joliment ciselées et restituées par une magnifique prise de son, les notes respirent, réservent de nombreux moments magiques, forment la trame d’un vaste tissu poétique. Joya et Rina Ballé éblouissent par leurs voicings. Cette dernière pièce, la plus longue du disque, abrite une splendide partie d’alto. Le Quatuor Ebène répète sans cesse le thème, le piano chante, les doigts égrainent un tapis de petites notes ensorcelantes qui réconfortent et ne lassent pas. Particulièrement inspiré, Yaron nous offre ici son plus beau disque.
Pour fêter sa sortie, Yaron Herman donne ce soir à 20 heures un concert unique au théâtre des Champs-Elysées: http://www.theatrechampselysees.fr/ 
 

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5 mars 2009 4 05 /03 /mars /2009 18:44
Mars : On s’attarde davantage aux terrasses des cafés. Les jours rallongent, Le froid va et vient mais peu à peu s’éloigne pour le bonheur des noctambules qui arpentent plus nombreux les rues sous les feux des lumières de la ville. Les clubs de la rue des Lombards, le Sunset, le Sunside, le Baisé Salé, le Duc des Lombards, mais aussi le New Morning rue des Petites Ecuries, déversent leurs lumières et offrent un espace de liberté aux jazzmen qui peuvent ainsi faire entendre les musiques fugitives qu’ils improvisent. A peine jouées, elles disparaissent, s’échappent. La mémoire ne les conserve que partiellement. On les retrouve sur disque, mais différentes. Pour les capter, les saisir vivantes au moment même où elles naissent, il faut sortir, aller à leur rencontre. Les concerts que j’annonce me tentent, éveillent ma curiosité. s’accordent à mes goûts. Ce blog n’a pas la vocation d’être exhaustif. Le cinéma, le théâtre, les livres interpellent aussi. Des choix s’imposent. Allez-vous partager les miens ?

Le Duc des Lombards fête son 25e anniversaire avec une programmation pour le moins éclectique. Je relève un “Harlem Stride Piano“ le 6 avec quelques spécialistes de ce style fort ancien parmi lesquels Louis Mazetier son meilleur interprète. Le jazz déclinera sa modernité le 7 avec Afinidad, un groupe qui réunit David Binney au saxophone, Edward Simon au piano, Scott Colley à la contrebasse et Antonio Sanchez à la batterie. Le 9, le chanteur canadien Denzal Sinclaire posera sa voix chaude sur les mélodies qu’il décline au piano. Il s’est fait connaître en France en 2006 avec  “My One and Only Love“, un album qui pèse son poids de charme. Les 11 et 12, Gerald Cleaver, l’excellent batteur de Yaron Herman, nous présente Violet Hour, une formation au sein de laquelle brille Jeremy Pelt étoile montante de la trompette. Ne manquez pas le saxophoniste américain Don Menza le 17 mars, ses visites se font rares.Il a naguère brillé au sein des orchestres de Buddy Rich et de Woody Herman et fut membre du groupe Supersax. Cerise sur le gâteau de cet anniversaire, Martial Solal donnera huit concerts en solo entre le 25 et le 28 mars (deux concerts par soir, à 20h et 22h). Il renouvelle sans cesse son répertoire et parvient toujours à surprendre. http://www.ducdeslombards.com/

Depuis lundi et jusqu’au 5, le pianiste Giovanni Mirabassi occupe le Sunside avec Gianluca Renzi à la contrebasse et Leon Parker à la batterie. Ses disques sont un peu bancals, mais sur scène, il étonne et donne le meilleur de lui-même. Lew Soloff à la trompette, Jean-Michel Pilc au piano, François Moutin à la contrebasse et Billy Hart à la batterie occupent le club le 17. Avec de telles pointures, cette formation inédite devrait pour le moins assurer. Pianiste titulaire du Vanguard Jazz Orchestra, ancien compagnon de route de Stan Getz, le pianiste Jim McNeely se produira les 20 et 21 avec Riccardo Del Fra à la contrebasse et Julien Loutelier à la batterie. Le 27, le trio TLB - Claude Terranova au piano, Christian Lété à la batterie, Tony Bonfils à la contrebasse - fête la sortie de “Triple Cross“ son nouvel album. Le groupe existe depuis huit ans et affiche une remarquable cohésion. Dommage que la pochette de son disque soit si laide. Quelques marches plus bas, le Sunset accueille les 22 et 23 le Paolo Fresu Devil Quartet, groupe jouant un mélange de jazz, de rock, de pop et de world. Pas de piano mais Bebo Fera à la guitare pour assurer le groove et les effets sonores d’une musique lyrique en partie constituée de ballades, pain béni pour la trompette magique et chantante de Fresu. http://www.sunset-sunside.com/

Au New Morning le 10, Baptiste Trotignon présente “Share“, une réussite. Thomas Bramerie à la contrebasse et Franck Agulhon à la batterie remplacent la section rythmique new-yorkaise de l’album. On ne sait si Mark Turner, récemment victime d’un accident à la main, pourra jouer du saxophone, mais le trompettiste Tom Harrell sera de l’aventure. Elle peut se révéler passionnante. Place au hard bop le 17 avec The Cookers, un septet de vétérans qui savent chauffer une salle. On peut compter sur David Weiss à la trompette, Bennie Maupin à la clarinette, Craig Handy à l’alto, Billy Harper au ténor, Cecil McBee à la contrebasse et Billy Hart à la batterie pour passer une soirée explosive. Roberta Gambarini possède une grande technique vocale. Elle aime les vieux standards et vient les chanter le 23 avec un quartette dont Cyrus Chestnut est le pianiste. Roy Hargrove apprécie le funk et le hip hop, mais joue aussi un jazz musclé. Le 31, autour d’une équipe constituée par Justin Robinson au sax alto et à la flûte, Joël Holmes au piano, Dwayne Burno à la contrebasse et Montez Coleman à la batterie, sa trompette en soufflera les notes brûlantes. http://www.newmorning.com/

Yaron Herman sort un nouvel album en trio le 10 mars et à cette occasion donne un concert le 9 au théâtre des Champs Elysées. Outre les membres réguliers de son fantastique trio – Matt Brewer à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie –  le pianiste invite sur scène le Quatuor Manfred et le guitariste Dominic Miller, histoire de diversifier les couleurs d’un jazz inventif, une musique dans laquelle Yaron s’investit passionnément. http://www.theatrechampselysees.fr/


Les 30 et 31 mars, le théâtre du Châtelet fête le 70e anniversaire du label Blue Note. Soirée de gala le premier soir avec un hommage rendu à Miles Davis par le Ron Carter Quartet, le contrebassiste et Payton Crossley son batteur rejoignant en seconde partie de programme le Blue Note Records All Stars, formation complétée par Flavio Boltro à la trompette et au bugle, Joe Lovano et Stefano Di Battista aux saxophones et Jacky Terrasson au piano. Le lendemain 31, concert de Stacey Kent, une des chanteuses les plus douées de la jazzosphère. http://www.chatelet-theatre.com/

26e édition de Banlieues Bleues, rencontres et concerts dans dix-sept villes de la Seine-Saint-Denis entre le 6 mars et le 10 avril. Une affiche copieuse, une thématique qui se veut un hommage aux musiques de la Nouvelle-Orléans avec le Donald Harrison Quintet (le 30 à Montreuil-sous-bois), les Soul Rebels, Terence Blanchard, The Wild Magnolias et une Mardi Gras Parade prévue à Pantin le 28. Le 6 mars à Saint-Ouen, le pianiste Jason Moran rend hommage à Thelonious Monk à travers une recréation de son concert de 1959 à Town Hall. Le lendemain, toujours à Saint-Ouen, le nouvel ONJ de Daniel Yvinec se penche sur le répertoire de Billie Holiday. Revus par Alban Darche, ses plus célèbres morceaux se parent de nouvelles couleurs, de nouveaux rythmes. Le programme s’intitule “Broadway in Satin“. Attendez-vous à des surprises. Le 18, Le Blanc-Mesnil accueille le 18 le trio du saxophoniste Joshua Redman – avec Ruben Rogers à la contrebasse et Gregory Hutchinson à la batterie. “Compass“, leur dernier album est particulièrement inventif. Le groupe mérite le déplacement. Il tient une forme éblouissante. http://www.banlieuesbleues.org/

Entre le 17 mars et le 28 juin, le musée du quai Branly expose “Le Siècle du Jazz“, rétrospective sur l’influence que cet art majeur exerça très tôt sur la peinture, le cinéma, le graphisme, la photographie, la publicité. Un parcours chronologique en dix sections de 1917 à nos jours dans lequel sont présentées de très nombreuses œuvres plastiques : dessins, livres, gravures, affiches, peintures, pochettes de disques, photos, mais aussi des documents sonores. Un cycle de concerts – Jack DeJohnette et Dimi Mint Abba ; Randy Weston et les Gnawas - est prévu entre le 20 et le 28 mars. Des films sur le jazz seront également projetés les 21, 22 et 29 mars. http://www.quaibranly.fr/
 
Photos Regard nocturne, Inside the Duke, Paolo Fresu, Yaron Herman ©Pierre de Chocqueuse - Ron Carter © DR.
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1 mars 2009 7 01 /03 /mars /2009 11:13
Un dimanche sur deux, retrouvez les coups de cœur du blogueur de Choc. Concerts, disques, films, livres, pièces de théâtre, rencontres, événements et scènes de la vie parisienne à vous faire partager... Suivez le blogueur de Choc…

DIMANCHE 15 février
Radio France, studio 103 : Laurent Cugny enregistre “La Tectonique des nuages“ un opéra de chambre à trois personnages tiré d’une pièce de l’écrivain portoricain José Rivera. Laurent et François Rancillac, un homme de théâtre également musicien, l’ont adapté. Yann-Gaël Poncet a signé les textes des chansons et Laurent a composé la musique de cette œuvre d’une durée de deux heures en un seul acte avec un prologue et un épilogue. Autour de ce dernier au piano, neuf musiciens multiplient les combinaisons instrumentales, la musique bénéficiant ainsi d’une grande variété de couleurs. Une des chansons nécessite que la guitare ; d’autres seulement l’accordéon. La partition prévoit un trio, un quintette de vents sans rythmique et des morceaux en sextette et septette. Cinq jours de studio sont réservés pour la musique. Les voix (celles de David Linx, Laïka Fatien et Yann-Gaël Poncet) seront enregistrées plus tard, en mai. Le disque, un double CD, doit sortir en janvier 2010 sur Signature, un label de Radio France.

Le studio 103 paraît immense avec ses nombreuses chaises vides, ses instruments et ses micros disposés un peu partout. Invisible, la cabine technique avec sa console et ses magnétophones se trouve loin derrière. Laurent très calme dirige, donne ses instructions, écoute patiemment les uns et les autres. Nicolas Folmer (trompette, bugle), Denis Leloup (trombone), Pierre Olivier Govin (saxophones), Thomas Savy (clarinettes, saxophones), Eric Karcher (cor), Lionel Suarez (accordéon), Frédéric Favarel (guitares), Jérôme Regard (contrebasse) et Frédéric Chapperon (batterie) se concentrent devant leurs partitions. Le tentet au complet refait une prise de J’ai fouillé Los Angeles, un des derniers morceaux de l’opéra. Le piano joue des accords délicieux, de petites notes perlées. Cor, clarinette basse, saxophone baryton, trombone habillent le thème, colorent une musique lente et majestueuse. Pierre Olivier Govin n’est pas content et va refaire sa partie de saxophone. On passe à une autre scène : Je ne veux pas que vous dormiez dehors. Un problème se pose à la mesure 17. On recommence, mais la contrebasse a besoin d'être accordée. On reprend à la mesure 49. Ce n’est pas encore ça. Le batteur demande une nouvelle prise du morceau en entier… Sans faire de bruit, je fais quelques photos, impatient de découvrir cet opéra dans sa totalité. Il sera donné dans sa version de concert les 1er et 2 avril à la Comédie de Saint Etienne : http://www.comedie-de-saint-etienne.fr/ , et le 30 avril à Nantes au Grand T : http://www.legrandt.fr/  
             

VENDREDI 20 février
Premier concert au Sunside du Laurent de WildeGéraldine Laurent “New Quartet“. Yoni Zelnik à la contrebasse et Luc Insemann à la batterie complètent une formation qui a vu le jour lorsque nos deux Laurent se sont découvert des affinités musicales. Après quelques répétitions, les compositions de Wayne Shorter s’imposèrent au point de constituer le programme d’une brillante prestation. Comme Monk auquel Laurent de Wilde a consacré un livre, l’un des meilleurs jamais écrit sur un musicien de jazz, Shorter possède un univers propre. Des harmonies étranges habitent ses thèmes mélancoliques aux tonalités flottantes, aux nombreuses ambiguïtés rythmiques. Cette musique, Laurent et Géraldine la jouent à leur manière, l’enrichissent d’harmonies nouvelles, d’improvisations personnelles. Les doigts de Laurent courent sur le clavier et tissent un tapis de notes. A l’alto, Géraldine les souffle fiévreuses, mais avec panache et lyrisme. Barracudas, un thème de Gil Evans que Shorter reprend dans l’album “Etcetera“ est ainsi développé par une succession de courtes phrases, de petits cris étranglés. Dans The Soothsayer, le saxophone rugit de courts motifs mélodiques auxquels répond un piano virtuose qui développe un jeu orchestral. Yoni Zelnik fait puissamment sonner sa contrebasse et Luc Insemann fouette avec vigueur ses cymbales, enserre la musique dans un tissu percussif suffisamment souple pour lui permettre de toujours respirer. Nous eûmes ainsi droit à quelques-uns des morceaux que Shorter composa et enregistra au sein du second quintette de Miles Davis, la plus étonnante formation du trompettiste. Pris sur un tempo plus lent que l’original, Fall envoûte par sa mélodie singulière, un leitmotiv de quelques notes autour desquelles sax et piano brodent de nombreuses variations. Le très beau Pinocchio inspire également les solistes. Leur relecture parvient à conserver l’aspect fascinant du thème. Le groupe s’impose comme une évidence. Monk ne m’aurait pas contredit.

LUNDI 23 février
Terminé la lecture des mémoires de Klaus Mann “Le Tournant, histoire d’une vie“, gros pavé passionnant de près de 700 pages publié chez Babel. Fils aîné de Thomas Mann et neveu d’Heinrich Mann, l’auteur du “Pr. Unrat“ dont Josef von Sternberg tira “L’Ange bleu“, Klaus Mann laisse une œuvre littéraire plus confidentielle que celle de son père et de son oncle. On ne lit plus guère ses romans, mais son autobiographie reste un témoignage fascinant sur l’Allemagne des années 20 et 30. D’une plume alerte et sensible, Klaus né en 1906 décrit avec tendresse son enfance munichoise. En 1923, il découvre le Berlin de Lulu emporté par le fox-trot, le délire du jazz et une inflation vertigineuse. Il parle peu de lui-même, évoque discrètement son homosexualité, écrit des pièces de théâtre, voyage en France, aux Etats-Unis avec sa sœur Erika pour laquelle il éprouve une tendresse passionnée. Attentif aux autres, et aux mouvements artistiques, il rencontre une bonne partie de l’intelligentsia de l’époque, André Gide et Jean Cocteau qu’il admire, mais aussi Julien Green et René Crevel dont le suicide le bouleverse. Violemment opposé au nazisme et à sa horde brune, il quitte l’Allemagne le 13 mars 1933. Il voyage en Europe, participe à Moscou au Congrès des Ecrivains Soviétiques en juillet 1934 et mobilise dans sa revue littéraire Die Sammlung les plus importants écrivains exilés « soucieux de combattre le national-socialisme et de défendre la véritable littérature allemande ». Déchu de sa nationalité, il s’installe aux Etats-Unis en 1936 et fonde une revue, Decision, dans laquelle il dénonce le danger de l’Allemagne hitlérienne. Naturalisé américain, il s’engage, prend part à la campagne d’Italie et retourne en Allemagne en 1945, comme correspondant spécial du Stars and Stripes, journal publié par l’armée. A cette occasion, il rencontre Richard Strauss, 81 ans, « un grand homme complètement dénué de grandeur ! », indifférent au sort des victimes d’une guerre meurtrière. La dernière partie du livre se présente sous forme de lettres. Celle très longue qu’il écrit à son père le 16 mai 1945 pour ses soixante-dix ans décrit une Allemagne en ruine. On le sent désabusé, déçu par l’attitude d’un peuple « qui ne nie plus que sa propre culpabilité ». Le cœur tourmenté et facile à blesser, il achève “Le Tournant“ à Cannes en avril 1949. Il se suicide un mois plus tard, le 21 mai 1949.

MARDI 24 février
Projection de “Glenn Ferris, Moments of Music“, documentaire de Jean-Yves Legrand sur un  musicien attachant, l’un des plus grands trombonistes de la planète jazz, parisien depuis 1980. Ce trombone transporte par une sonorité chaude, une voix mélodique trempée dans le blues dont les notes forment des phrases élégantes. Examinant de vieilles photos, Glenn nous raconte qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Avant de modeler de belles phrases aux harmonies sophistiquées « avec de l’air autour du son » et de faire chanter son instrument, il s’est précocement lancé dans l’aventure du free jazz. Il n’a que 14 ans lorsque Don Ellis l’accueille dans son orchestre. Harry James, Frank Zappa, les Beach Boys, Billy Cobham vont faire appel à lui. La quête musicale de cet “Américain à Paris“ se poursuit en France avec le Trio BFG (Bex-Ferris-Goubert), le groupe Palatino et bien d’autres formations. Jean-Yves Legrand a suivi Glenn pendant deux ans. Son film mêle des extraits de concerts et des séances de répétition avec le Pentessence Quintet, formation avec laquelle il travaille depuis 2004. On le voit répéter en trio avec son Glenn Ferris Trio, Vincent Segal au violoncelle et Bruno Rousselet à la contrebasse, enregistrer pour Olivier Ker Ourio. Mais surtout Glenn nous parle avec beaucoup d’humour de son instrument, un tube avec une coulisse « qui handicape le mouvement ». Longuement interviewé sur sa carrière, sa vie de musicien, sa musique, Glenn ne se prend jamais au sérieux et nous fait rire. Il y a du Chaplin dans ce personnage drôle et sympathique, ce grand musicien que ce joli film nous fait mieux connaître.

JEUDI 26 février
Drew Gress et son quintette au Sunside. Ce jazz énergique réserve des moments de grand lyrisme. Il n’est pas pour toutes les oreilles avec ses brisures, ses tempos heurtés et mouvants, sa diabolique complexité harmonique, ses rythmes qui rendent cette musique différente. Ceux qui encadrent les compositions du contrebassiste sont aussi novateurs qu’intrigants. Drew et son batteur Tom Rainey tissent les notes d’une toile percussive extrêmement serrée. Des pulsations irrégulières, des métriques changeantes bousculent le discours de solistes constamment en éveil. Drew commente et improvise. Craig Taborn pratique un jeu de piano minimaliste, crée avec peu de notes de courtes séquences mélodiques et magiques. Il préfère asseoir l’harmonie, calmer l’ardeur fiévreuse des souffleurs. Au saxophone alto, Tim Berne libère un flot sonore d’une énergie intense, sculpte des sons souvent proche du cri. Ralph Alessi n’est pas seulement un grand virtuose, ses chorus fourmillent d’idées nouvelles, de phrases toujours différentes. Sa trompette croise l’alto pour de brefs passages à l’unisson, des contre-chants, des dialogues à deux voix dont les thèmes relèvent de l’écriture du bop. Très structurée sur le plan de la forme, complexe sur le plan de l’écriture, cette musique offre aussi de nombreuses séquences mélodiques, des ballades aux arrangements plus classiques jouées avec beaucoup de chaleur. On goûte avec bonheur ces moments plus paisibles, ces beaux instants de séduction.
Photos ©Pierre de Chocqueuse, sauf les photos de Glenn Ferris ©Pirouette Films et de Klaus & Erika Mann, DR.

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26 février 2009 4 26 /02 /février /2009 10:04
Songs from the Last Century“, troisième volet des aventures de Guillaume de Chassy – Daniel Yvinec sort aujourd’hui sur Bee Jazz. Quatorze chansons du siècle passé enregistrées à New York avec deux légendes du jazz, Paul Motian et Mark Murphy. A l’occasion de cette parution, j’ai demandé à Guillaume de Chassy de se pencher sur son parcours singulier. Voici la seconde partie de cette longue interview. La première a été publiée dans ce blog le 19 février.

- Nous avons vu qu’après avoir découvert le jazz tardivement tu as décidé d’abandonner ta carrière d’ingénieur chimiste pour te consacrer entièrement à la musique. Monté à Paris dans les années 90, tu diversifies tes activités, enregistres deux nouveaux disques sous ton nom et rencontres Daniel Yvinec avec lequel tu vas avoir une relation privilégiée. Dans quelles circonstances avez-vous approché les responsables d’Abeille Musique ?

- Un soir de déprime et de neige, en décembre 2002, nous avons décidé Daniel et moi de monter un projet autour d’un programme de chansons françaises. Tant qu’à faire, Daniel pensa à un triptyque, trois disques. Le second serait un album concept autour de quelques mélodies de Broadway. Nous n’avons rien défini pour le troisième et l’avons laissé en suspens. Nous avons proposé notre idée à des maisons de disques et curieusement plusieurs nous ont vite répondu. Le label Juste une Trace était très intéressé par nos chansons françaises, mais nous n’étions pas prêts. Pourtant, ils nous ont offert deux jours de studio en mars 2003 et nous avons enregistré une sorte de numéro zéro, “Ghost of a Song“, un album très conceptuel dans lequel nous improvisons sur des standards sans en jouer les thèmes. Il est resté confidentiel, mais nous a permis de poser les bases esthétiques de notre duo : le sens de l’épure et l’importance conjointe du swing et de l’espace. Je travaillais beaucoup avec un producteur et tourneur d’Annecy, Renaud Kressmann, un homme formidable. Il connaissait Yves Riesel, le patron d’Abeille Musique et m’a organisé un rendez-vous avec Alexandre Leforestier qui à l’époque s’occupait de Bee Jazz, le label jazz d’Abeille. C’est ainsi que Renaud Kressmann a produit le disque suivant “Chansons sous les bombes“. Bee Jazz l’a sorti en 2004. C’est un hommage à la chanson française des années 30-50 pour lequel nous avons invité André Minvielle. De nombreux concerts avec André ont suivi. Peu après, Jean-Louis Wiart nous a approché pour le second volet du triptyque, “Wonderful World“. Nous avons enregistré les voix dans les rues de New York en septembre 2004 et improvisé la musique en studio quelques semaines plus tard. Jean-Louis l’a co-produit avec Bee Jazz. Un réalisateur, Antoine Carlier, a créé des images très poétiques sur la musique et ce projet a beaucoup tourné sur scène, souvent avec David Linx en invité. L’album a tellement bien marché, que nous nous sommes demandé, Daniel et moi, ce que nous pourrions bien faire après. Nous voulions un disque différent, mais de même qualité. Ne sachant trop quoi, nous nous sommes accordé une pause.

- Une pause qui t’a permis de réaliser tes propres projets…

- Oui. Une chose surtout me tenait à cœur : enregistrer un disque en piano solo. Des amis dont Jean-Louis Wiart  m’ont encouragé à le faire. C’est finalement Renaud Kressmann qui l’a produit pour Bee Jazz. Enregistré en septembre 2006, il est sorti en 2007 et a été très bien accueilli par la presse. Ce disque a été une étape essentielle dans mon parcours, une sorte de manifeste identitaire. On m’a invité à le jouer dans des festivals classiques et des concerts avec la pianiste Brigitte Engerer en ont découlé. Je joue bien sûr comme un musicien de jazz, j’improvise autant sur des standards que sur des thèmes de Prokofiev ou Dutilleux.

- Comment as-tu rencontré Stéphane Kerecki et d’où t’est venue l’idée de former avec lui un nouveau trio ?
- Je connaissais Stéphane depuis longtemps. On s’était croisés sur différents projets et je passais souvent jouer chez lui. C’est un contrebassiste d’une élégance et d’une intégrité rares. Un soir, Yvinec m’appelle pour que je participe à un concert avec un batteur qui m’était inconnu. C’était Fabrice Moreau, une révélation. Il joue de la batterie comme un peintre manie les couleurs. Avec lui, j’ai fait plusieurs jam-sessions ici même avec des bassistes différents. Le jour où Stéphane s’est joint à nous, ça s’est tellement bien passé que nous avons décidé de développer quelque chose ensemble. Nous avons préparé un répertoire et lorsque Mohamed Gastli, le nouveau label manager de Bee Jazz, m’a demandé si j’avais quelque chose à lui proposer, je lui ai suggéré un disque avec ce trio. Il a refusé et Jean-Louis Wiart a accepté de le produire avec moi. Et puis Mohamed a changé d’avis après nous avoir vu en concert. Jean-Louis s’est donc retiré du projet et nous avons enregistré “Faraway so Close“ à La Buissonne en novembre 2007. Une osmose naturelle existe entre nous et nos concerts l’ont renforcée. Je suis très fier de ce disque. Je souhaitais lui apporter la plus grande sobriété possible et je pense y être parvenu, malgré un bagage technique qui ne constitue pas toujours un atout lorsque l’on recherche l’épure. Je ne voulais pas qu’un instrument soit mis en avant plus qu’un autre. J’aurais été blessé si on m’avait dit « Super le pianiste, quelle technique faramineuse ! » et que l’on ne parle pas des autres membres du groupe. J’ai donc été heureux de découvrir que les critiques percevaient ce travail collectif qui est vraiment le nôtre. Bien qu’impliqués dans d’autres projets, nous trouverons le temps de poursuivre une collaboration que j’estime rare et sincère.

- Le troisième volet de ton triptyque restait sous le boisseau…
- Je l’avais toujours en tête. Daniel Yvinec vint me voir à la maison lorsque Mohamed refusait mon disque en trio. Il avait bien réfléchi et pensait que le seul musicien qu’il voyait intégrer notre univers était Paul Motian. J’étais complètement d’accord, mais je le croyais inaccessible. Daniel m’a dit qu’il fallait lui poser la question, que la seule chose que nous risquions était un refus. Tant qu’à faire, nous avons décidé de demander la même chose à Mark Murphy, une de nos idoles. Daniel a donc envoyé un long mail à Motian, lui expliquant en détail notre démarche. Le lendemain, il recevait la réponse, juste quelques mots : « Bonjour, d’accord. Mon tarif est de tant…Paul Motian » Jean-Louis Wiart a proposé de co-produire l’album avec Bee Jazz, et l’on a réservé un studio merveilleux à New York, le Sear Sound. Avec le mythique James Farber aux commandes, nous savions que la prise de son serait superlative. Nous avons enregistré tous ensemble dans la même pièce sans casques audio et sans répétitions préalables. Motian ne répète pas. Un enregistrement à l’ancienne : deux prises au maximum par morceau et pas de re-recording. Mais auparavant, Daniel et moi sommes allés travailler dans les Landes, dans une maison que mes parents possèdent au bord de l’océan Atlantique. Enfermés comme des ermites, nous avons écouté plus de 150 chansons s’étalant sur un siècle parmi lesquelles un extrait d’une opérette de Francis Poulenc chantée par Yvonne Printemps, des chansons de Joséphine Baker, Prince, Neil Young, Jacques Brel, Léo Ferré, Georges Brassens, Paul McCartney, Paul Simon et quelques standards de Broadway. Nous en avons sélectionné une quarantaine et après les avoir retranscrites, nous les avons essayées en duo. Nous en avons gardé vingt-cinq pour la séance. Pour finir, quatorze figurent sur l’album.

- Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
- Les choses se sont passées très simplement. Paul Motian et Mark Murphy se sont facilement coulés dans un monde qui n’était pas le leur tout en gardant leur identité propre, leur forte personnalité. Nous avions choisi des chansons évidentes, de grandes chansons. Certaines ont moins bien fonctionné. Celles de Brassens et le thème de Poulenc chanté par Yvonne Printemps nous ont semblé un peu moins réussis et nous les avons écartées. Tous les titres en trio avec Motian ont été enregistrés la première journée. Le lendemain matin, Paul est revenu pour deux titres avec Murphy dont la fameuse ballade Then I’ll Be Tired of You que Mark a chanté d’une manière inoubliable. Nos deux invités nous ont parfois déconcertés. Paul Motian est à ses heures une sorte de flibustier roublard et goguenard à l’humour caustique. Mais surtout, il est bien autre chose qu’un batteur. C’est un immense artiste, un styliste, un prince qui a aussi un côté “mauvais garçon“. La vie d’un musicien new-yorkais est très dure et comme tant d’autres la sienne n’a pas toujours été facile. Lorsque je suis entré dans le studio le premier jour, Paul arrivé plus tôt installait ses cymbales. Il m’en désigna une et m’expliqua qu’il l’utilisait lorsqu’il jouait au Village Vanguard avec Bill Evans. Mark Murphy est un grand ours barbu avec des bagues énormes à tous les doigts. Il ne se nourrit que de chocolats fourrés et boit du coca cola. Il a monté les six étages à pied car l’ascenseur était en panne. On a cru qu’il allait nous faire une crise cardiaque car il est arrivé tout essoufflé. Il semblait avoir oublié les paroles des chansons et était complètement perdu. Et puis, l’enregistrement a commencé et là un chant extrêmement touchant s’élève, quelque chose de merveilleux. Nous avons intitulé ce recueil de chansons intemporelles du siècle passé “Songs from the Last Century“. Avec lui s’achève un cycle de trois albums dédiés à la mélodie, une aventure humaine et artistique exceptionnelle.
http://www.guillaumedechassy.fr
http://www.myspace.com/gdechassy
Photos ©Pierre de Chocqueuse, sauf S. Kerecki - G. de Chassy - F. Moreau © Aymeric Giraudel. 
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23 février 2009 1 23 /02 /février /2009 10:50

De bonnes chroniques de ce disque dans Jazzman et Jazz Magazine, Vladimir enthousiaste à la Fnac Montparnasse, m’ont donné envie de découvrir la musique de Christophe Leloil que je ne connaissais pas. « Bonne écoute » a écrit Jean-Paul Ricard le directeur artistique de l’Ajmi sur la carte postale qui accompagnait son envoi. Mes oreilles ont été enthousiastes. Outre la révélation d’un jeune trompettiste qui n’hésite pas à utiliser toutes sortes de sourdines pour rechercher divers effets de growl et vocaliser le discours instrumental, la compétence de l’arrangeur et l’agencement des épisodes orchestraux de cette suite instrumentale subtilement orchestrée impressionnent. "E.C.H.O.E.S." (Extended Composition Heard On Evolutive Swing) réunit une série de compositions à tiroirs s’enchaînant sans aucune pause. De fréquents changements de tempo au sein même de chaque morceau favorisent la déclinaison de nombreux interludes mélodiques qui introduisent habilement les chorus. Christophe se réserve ceux de la première pièce : Play the Blues and See What Happens, avant d’inviter ses musiciens à improviser. Trempée dans le blues, sa musique sonne résolument moderne. Nourrie du bop de Clifford Brown, elle s’enracine dans le swing de Roy Eldridge et dans le jazz des années 20. Le blues habite cette trompette agile et chaleureuse qui concilie tradition et modernité et passe aussi aisément d’un style à un autre que la nuit succède au jour. Car c’est un véritable voyage dans l’histoire du jazz qu’effectue ce sextet qui parvient à sonner comme un petit big band. Comment ne pas penser aux suites que Wynton Marsalis a composées pour son septet au début des années 90, à “Citi Movement“ notamment. Il faut saluer les protagonistes de cette belle aventure musicale qui, sans jamais tomber dans le syncrétisme, réunit le jazz d’hier et d’aujourd’hui. Omniprésente au piano, Carine Bonnefoy brode des harmonies délicates et assoit l’harmonie derrière les solistes. Il faut l’entendre improviser dans Roulette Russe et La Petite Ternade, composition qui étonne par sa modernité. Raphaël Imbert et Thomas Savy se partagent clarinettes et saxophones et donnent de chaudes couleurs à ces pages pleines de vie. Simon Tailleu et Cédrick Bec installent le swing et portent à ébullition une grande variété de rythmes. Avec eux, la musique jamais ennuyeuse acquiert une dynamique et une mobilité stupéfiantes. 

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19 février 2009 4 19 /02 /février /2009 10:30
Dans quelques jours sort sur Bee Jazz “Songs from the Last Century“, troisième volet des aventures de Guillaume de ChassyDaniel Yvinec. Après un hommage à la chanson française et un album concept autour de quelques mélodies immortelles de Broadway, nos complices, en compagnie de deux légendes du jazz, Paul Motian et Mark Murphy, font revivre quatorze chansons du siècle passé. A l’occasion de cette parution, j’ai demandé à Guillaume de Chassy de se pencher sur son parcours singulier et c’est dans sa maison de Bourg-la-Reine qu’il m’a expliqué comment un ingénieur chimiste pouvait devenir musicien de jazz. L’interview étant très longue, je préfère la fractionner en deux parties, et vous donner à lire la seconde la semaine prochaine.
  
- Tu as fait des études d’ingénieur chimiste…
- Pas seulement des études. Après avoir obtenu mon diplôme et effectué un tour du monde sac au dos, j’ai travaillé trois ans à Strasbourg comme ingénieur chimiste pour le Ministère de l’Environnement. Je menais alors une double vie car le soir j’étais musicien. Je faisais le bœuf et travaillais mon piano.

- Le piano tu as appris à en jouer en autodidacte ?
- Non, au Conservatoire. J’ai fait des études de piano classique. J’écoutais beaucoup de musique classique, le grand répertoire. Mon professeur me voyait concertiste. Elle avait commencé à m’y préparer, mais ça ne m’intéressait pas. A 14 ans, je me suis fâché avec elle, après 7 ans de piano. Ma prof était une bonne pédagogue, mais je ne faisais pas de musique avec elle. Elle ne m’en faisait jamais écouter, ne me parlait que de piano et de technique et je voulais entendre autre chose, faire autre chose. Je suis parti en courant sans achever mon cursus. J’ai failli être perdu pour la musique. J’y suis revenu deux ans plus tard, à 16 ans, grâce à un professeur exceptionnel. Il m’a fait découvrir Rachmaninov, Scriabine, Prokofiev, Debussy, Ravel, me donnait des cours particuliers qui duraient deux heures. Je travaillais avec lui le piano pendant une heure, puis il me jouait des œuvres ou me faisait écouter des disques, la meilleure leçon de musique que l’on puisse rêver. Je suis resté en contact avec lui jusqu’à sa mort prématurée et lorsque j’ai commencé à jouer de jazz, il m’a encouragé. C’était un type intelligent, un vrai musicien.


- Tu as donc découvert le jazz tardivement ?
- Oui. J’avais 20 ans, l’âge où beaucoup de musiciens débutent leur carrière de jazzman. Un ami m’a fait entendre un disque live de Monty Alexander, une révélation. Peu de temps après, j’ai acheté mon premier disque de jazz qui est toujours un de mes disques de chevet : “New Jazz Conceptions“ de Bill Evans. Une seconde révélation. Je me suis donc mis à écouter du jazz.


- Et tu t’es mis à en jouer ?
- J’essayais de copier ce que j’entendais dans les disques, mais je n’y comprenais rien. Les rythmes, les harmonies de Bill Evans, de Monty Alexander étaient très trop élaborés.


- Ta connaissance de l’harmonie classique, tes études de piano ne t’ont donc pas aidé ?
- J’étais handicapé par le rythme, le phrasé, le tempo. C’était comme des langues étrangères. Pour caricaturer je dirai que le musicien de jazz s’arrête de jouer quant on lui met une partition devant les yeux et le musicien classique lorsque la partition se referme. Ce n’est plus vrai aujourd’hui avec toutes ces écoles de jazz. Mais à l’époque j’étais mal à l’aise avec le rythme et le phrasé, mais très à l’aise avec l’harmonie, le son, la dynamique, les nuances, les couleurs du piano. J’avais grandi avec Ravel, Debussy, Dutilleux et le langage harmonique des musiciens de jazz m’était familier. J’ai commencé à jouer du jazz avec des musiciens plus forts que moi et ils m’ont appris beaucoup de choses. Je donnais de petits concerts sans prétention tout en poursuivant mes études d’ingénieur. Lorsque je me suis retrouvé en poste à Strasbourg, les engagements ont été plus nombreux. J’avais gardé de nombreux contacts avec des musiciens de Toulouse, ville où j’avais fait mes études supérieures. Un chanteur indien, Ravi Prasad, m’a proposé de faire un disque. Je n’étais pas encore un bon improvisateur et ça m’a obligé à progresser.
 

-A quel moment as-tu décidé de lâcher ton métier d’ingénieur pour devenir un musicien de jazz à temps plein ?
-En 1994, une boîte privée m’a proposé de quitter le Ministère de l’Environnement pour pantoufler chez eux, mais j’étais tellement impliqué dans la musique que je me suis dit que je devais choisir entre le métier d’ingénieur et une carrière de musicien. J’ai choisi la seconde option, consacrant tout mon temps au jazz, travaillant comme un fou pour me mettre au niveau. J’acceptais tout ce que l’on me proposait. Je jouais tous les soirs. C’est une bonne façon d’apprendre. Pendant un an, je me suis concentré sur ce travail, ne m’occupant que de musique. J’ai englouti un énorme répertoire, me plongeant dans Coleman Hawkins, Sonny Rollins, Bud Powell, Wynton Kelly, Red Garland, Ahmad Jamal. C’était pour moi une nécessité vitale. Je ne pouvais pas m’en empêcher. Ce travail d’écoute, de compréhension est devenu mon pain quotidien. J’habitais à nouveau Toulouse. Mon premier disque “Pour Monk“ date de cette époque. Je l’ai produit moi-même sans trop savoir comment le vendre. Je n’avais pas encore d’existence médiatique. Je ne la recherchais pas. J’étais comme un peintre qui ne se préoccupe pas de savoir si ses toiles seront exposées et vendues. Stéphane Belmondo joue dans ce disque ainsi qu’une fantastique chanteuse, Magali Pietri.


- Arrivais-tu à vivre en faisant du jazz ?
- J’en vivais, mais très mal. J’étais devenu un bon pianiste local, mais surtout pleinement moi-même. Après ce premier disque, Jean-Michel Pilc m’a conseillé de quitter Toulouse et de monter à Pari
s. Il partait s’installer à New York et me proposait son appartement. A Paris, j’ai diversifié mes activités. J’ai travaillé avec une danseuse de flamenco, Ana Yerno, avec laquelle j’ai beaucoup appris sur le geste et le rythme – elle est danseuse percussionniste. Beaucoup de choses m’intéressaient en dehors du jazz. J’ai écrit un conte musical dans lequel j’étais pianiste et narrateur, “La fabuleuse histoire de la femme obus“. Philippe Renault, un tromboniste, et Pierre Dayraud, un percussionniste, m’accompagnaient. J’ai écrit une cantate, une pièce classique créée en 2000 et enregistrée avec le chœur Les Eléments dirigé par Joël Suhubiette.

-Personne ne te connaissait à Paris. Jouais-tu facilement dans des clubs ? Comment trouvais-tu des engagements ?
-J’ai peu joué dans les clubs parisiens la première année. J’ai néanmoins fait quelques bœufs et pas mal de jam-sessions. Un ami originaire de Toulouse, le guitariste Frédéric Favarel, m’a présenté des musiciens. Un lointain cousin, le contrebassiste Benoît Dunoyer de Segonzac m’en a également fait rencontrer. Les choses se sont faites petit à petit. J’ai fini par jouer dans des groupes avant d'enregistrer en 1998 mon deuxième disque, “Rimes“, avec Olivier Ker Ourio à l’harmonica, Pierre Drevet à la trompette et au bugle, Eric Surménian à la contrebasse et Frédéric Jeanne à la batterie. J’avais proposé à Jean-Louis Wiart de le produire sur son label AxolOtl et il avait courtoisement refusé. Une amie commune nous avait présenté et Jean-Louis suivait avec beaucoup d ‘attention mon travail. Trois ans plus tard, je lui ai proposé un autre projet avec Ker Ourio, Surménian, deux percussionnistes, Pierre Dayraud et Laurent Paris, et une voix, celle de ma femme qui chante sur un titre. Et là, Jean-Louis m’a dit d’accord et a produit le disque. “Vue du phare“ est l’un de mes préférés, rien que des compositions originales hormis Gentil coquelicot. Il est sorti sur un vrai label et c’est avec lui que j’ai commencé à affirmer mon identité musicale, même si les ventes restèrent confidentielles. Un disque est un work in progress. Il permet à l’artiste de poser des jalons, de grandir, d’expérimenter. Il peut également se planter. Il met toute sa force et sa sincérité dans un projet et, le temps passant, il s’aperçoit que ce projet est plus ou moins adroit, plus ou moins bien réalisé et maîtrisé.


- A quel moment se situe ta rencontre avec Daniel Yvinec ?
- Daniel m’a appelé peu de temps après. Nous avions fait un concert ensemble plusieurs années auparavant, sur une péniche dans des conditions misérables. Je jouais sur un clavinova et Daniel sur une basse électrique. Ce concert catastrophique nous avait pourtant rapproché. Donc, Daniel m’appelle et me dit avoir carte blanche pour un concert et me propose de le rejoindre. C’était le 5 mai 2002, le jour de la réélection de Jacques Chirac. Depuis lors, nous ne nous sommes plus quittés. Je l’ai invité à participer à mes concerts, nous avons fait de nombreuses jam-sessions ici même à Bourg-la-Reine, dans cette maison et je me suis retrouvé dans un tourbillon dont j’étais à l’origine. J’étais bien, je me sentais prêt, comme un vin qui a longtemps reposé dans une cave. J’avais fait les choses à l’envers. Les fleurs et les fruits étaient sur les branches de l’arbre avant son enracinement. L’arbre a pris racine sur le tard, mais profondément. Mon piano a aujourd’hui une identité, une couleur parce que j’en ai solidement ancré le vocabulaire dans la tradition. Je compose peu en ce moment, mais je passe des heures à travailler les standards et Bach et plus je les approfondis, plus les choses deviennent évidentes sur scène lorsque j’improvise. Porté par l’inspiration du moment, je joue avec mes forces et mes faiblesses. Je ne cherche nullement à reproduire le travail de fond que je fais chez moi.


- Mais cette manière de travailler n’amène-t-elle pas des automatismes que tu reproduis sur scène ?
- Ça en crée, mais ils se fondent dans mon propre vocabulaire. C’est probablement l’avantage de la maturité. Un filtre se met en place automatiquement pour éviter les clichés et laisser toute la place au chant intérieur.
A suivre la semaine prochaine dans "Les années Bee Jazz".

http://www.guillaumedechassy.fr
http://www.myspace.com/gdechassy
Photos ©Pierre de Chocqueuse, sauf la photo en noir et blanc (Guillaume au piano) © Pierre Lebouc
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15 février 2009 7 15 /02 /février /2009 12:17

Un dimanche sur deux, retrouvez les coups de cœur du blogueur de Choc. Concerts, disques, films, livres, pièces de théâtre, rencontres, événements et scènes de la vie parisienne à vous faire partager... Suivez le blogueur de Choc…

SAMEDI 31 janvier
La ville“, une pièce de Martin Crimp au Théâtre des Abbesses. Assise sur un banc, Claire (Marianne Denicourt), traductrice de textes fastidieux, raconte à son mari Christopher (André Marcon) sa rencontre avec un écrivain. Ce dernier lui a offert l’agenda qu’il destinait à sa fille, partie avec sa belle-sœur infirmière. Le temps passe. Claire en robe légère travaille dans son jardin. Jenny (Hélène Alexandridis), une voisine, une infirmière, vient se plaindre du bruit que font leurs enfants lorsqu’ils jouent dans le jardin avec Christopher qui a perdu son travail. Le mari de Jenny, un militaire, est parti à la guerre « Pas pour tuer, il est médecin » précise-t-elle. Les jours s’écoulent. Christopher a retrouvé un emploi et Claire lui annonce que l’écrivain qu’elle a rencontré quelques mois plus tôt l’invite à assister à une conférence à Lisbonne… L’intrigue serait banale si elle n’était pas portée par un texte d’une grande virtuosité littéraire. Martin Crimp pratique l’épure. Son écriture précise, presque minimaliste fourmille de détails nullement anodins, chacun d’eux étant la pièce d’un puzzle que l’auteur nous charge d’assembler. Il  nous livre très peu de choses sur ses personnages. A nous de les connaître, de les découvrir par l’écoute attentive des histoires qu’ils racontent, récits dont nous saisissons l’étrangeté sans vraiment les comprendre. Sont-ils réels ? Ne sortent-ils pas plutôt de l’imagination de Claire ? Sa fille– elle n’a aucun prénom – ne porte-t-elle pas curieusement un uniforme d’infirmière ? Et puis quel âge a-t-elle ? Le choix de confier le rôle à une toute petite jeune femme augmente la confusion du spectateur. Ne sommes-nous pas plutôt dans une histoire inventée par Claire au sein même d’une fiction théâtrale ? Jouée par de très bons acteurs et sobrement mis en scène par Marc Paquien, “La ville“ se voit sans ennui malgré les zones d’ombre désirées par l’auteur. On se laisse porter par des dialogues brillants teintés d’un humour très britannique, par une langue fluide et rythmée remplie de petites choses apparemment sans importance. Reliées les unes aux autres, elles forment la trame d’un récit complexe, une intrigue qui jusqu’au bout conserve son mystère.
Amiens, Colombes, Bordeaux, Lille, La Rochelle, Istres et Nantes (au Grand T du 2 au 4 avril) accueilleront la pièce.

DIMANCHE 1er Février
Vu “Le bal des actrices“ de Maïwenn. Le film se présente comme un documentaire sur quelques actrices que la réalisatrice suit dans leurs déplacements et leur vie quotidienne. Caméra au poing, elle met en scène de fausses petites histoires comme celles dont raffolent les lecteurs de “Voici“, nous montre sur un ton gentiment moqueur ses comédiennes fragiles, humaines et plutôt sympathiques. Chacune d’entre-elles apparaît dans une séquence musicale au kitch hollywoodien. Mais, la réalisatrice a beau pratiquer l’autodérision, brosser des portraits pas toujours flatteurs de ses actrices, Mélanie Doutey, Karin Viard, Julie Depardieu, Jeanne Balibar, Marina Foïs, Muriel Robin, Charlotte Rampling, Romane Bohringer n’en font pas moins complaisamment parler d’elles en interprétant leurs propres personnages. La publicité n’a jamais nuit à personne et Maïwenn en profite pour faire la sienne et s’invente une relation avec un Joey Starr, étonnant de naturel. Filmé sans trop de soin - les images bougent exprès pour faire reportage –  , son ballet d’actrices ne manque pas de charme. Certaines séquences émeuvent (Estelle Lefébure touchante car mal à l’aise), d’autres font rire ou sourire. Parodie de comédie musicale américaine, le générique amuse et les séquences musicales sont très travaillées. L’affiche surtout accroche le regard. Ce n’est pas une scène du film, mais une image racoleuse qui fonctionne et attire le spectateur dans les salles. C’est probablement d’elle dont on se souviendra le plus.


LUNDI 2 février
Accueilli par Dominique Lioté, directeur général des brasseries Flo, on se bouscule ce lundi au “Bœuf sur le Toit“ pour boire du champagne et écouter le trio de Pierre Christophe animer une jam-session. Au cours de la soirée, la pétillante Anne Ducros, l’excellent tromboniste Sébastien Llado, l’incontournable Manu Dibango investirent la scène et firent tanguer ce lieu mythique, grand navire à nouveau secoué par le jazz et ses rythmes. Avant de devenir une brasserie célèbre, le Bœuf fut d’abord un ballet. Darius Milhaud le composa en 1919. La Comédie des Champs-Elysées l’inscrivit à son programme l’année suivante. Jean Cocteau trouva le nom et Louis Moysès appela ainsi le bar dancing qu’il ouvrit en 1921 au 28 de la rue Boissy d’Anglas. Épicentre du Paris des Années Folles, ce premier bœuf est celui dont parle Maurice Sachs dans son livre “Au temps du bœuf sur le toit“. Pianiste virtuose, Clément Doucet faisait le bœuf (l’expression y est née) avec Jean Wiener. On y croisait Igor Stravinsky et Blaise Cendrars, Pablo Picasso et Coco Chanel, Francis Poulenc et Jean Cocteau. Ce dernier suivit le Bœuf lorsque son propriétaire l’installa en 1941 au 34 rue du Colisée. Boiseries de chêne, peintures, photographies, décors géométriques à chevrons, verres gravés, grands panneaux en laque de Coromandel, l’endroit tout en enfilade évoque un grand paquebot art déco. Juliette Greco et Serge Reggiani, Django Reinhardt et Charlie Parker le fréquentèrent après la guerre. Propriété du Groupe Flo depuis 1985, le Bœuf sur le Toit accueillera des jazzmen les premiers lundi de  chaque mois. La programmation a été confiée à Frédéric Charbaut. Espérons-la d’un effet bœuf.


MERCREDI 4 février
Le Surnatural Orchestra au Cabaret Sauvage. L’endroit idéal pour un concert de ce big band décoiffant dont vous allez beaucoup entendre parler. Ce collectif de plus de vingt musiciens est d’abord une fanfare. Flûtes, trompettes, trombones, saxophones (alto, soprano, ténor et baryton), tuba et deux gros soubassophones aux pavillons rutilants pour jouer les basses créent une pâte sonore colorée, la douce petite musique des flûtes accompagnant le tonnerre des cuivres, les lignes mélodiques suaves et élégantes des anches. Pour marquer les rythmes, deux batteurs percussionnistes complètent cette vraie fanfare malgré la présence d’un préposé aux claviers et occasionnellement d’une basse électrique. Capable de se produire en pleine rue, en bas de chez vous, le Surnatural Orchestra transporte avec lui ses lumières, ses lampes, ses luminaires. Avec leurs longues tiges flexibles, ces derniers ressemblent à de longues fleurs géantes. Ils éclairent des tenues de scène bariolées, un spectacle coloré et visuel. Un fil tendu aux deux extrémités de la piste circulaire du Cabaret Sauvage attend des funambules ; une corde suspendue au sommet du chapiteau, invite à des numéros d’acrobates. Ces voltigeurs amis font partie d’un cirque, la Compagnie des Colporteurs. Leurs numéros accompagnent de nouvelles compositions aux titres surprenants (Six apparitions de Berlusconi sur un écran), mais aussi des improvisations collectives ou soundpainting, une musique mobile, in progress, que dirige à tour de rôle les membres de l’orchestre ou l’homme sans tête qui donne son titre au nouvel album. On est pris dans un tourbillon de notes, une féérie de couleurs et de lumières, gigantesque patchwork sonore dans lequel des valses à trois temps tendent la main au swing, rencontrent Nino Rota et Carla Bley, le Willem Breuker Kollectif et Battista Lena. “Sans tête“, leur nouvel opus vient de paraître, deux disques dans un coffret cartonné. S’y ajoutent “Soif" épopée marine de Nicolas Flesh, et une plaquette contenant des photos et dessins de Camille Sauvage. Prochain concert parisien au Studio de l’Ermitage les 10 et 11 mars prochains.


DIMANCHE 8 février
Dave Liebman, Bobo Stenson, Jean-Paul Celea et Daniel Humair au Sunside. Le club refuse du monde. Ce nouveau groupe n’a pas échappé à la vigilance de l’amateur de jazz. Il se souvient de Quest, groupe à l’énergie dévastatrice, l’un des meilleurs des années 80. Dave Liebman l’animait et son saxophone soprano lançait des flammes. Le groupe jouait un jazz moderne tendu à l’extrême, comme un fil prêt à se rompre. La musique de ce nouveau quartette  présente des différences notables. Daniel Humair
la souhaite moins agressive et son drumming est davantage caresse de cymbales que martèlement de tambours de guerre. Il colore le flux  harmonique, mais peut installer un vrai chabada pour ponctuer un morceau plus classique hérité du bebop. Dave Liebman possède une très forte personnalité. Dès qu’il souffle dans un saxophone – ténor, mais surtout soprano – une sonorité puissante et originale s’impose et fascine. Au piano, Bobo Stenson calme les notes de feu du saxophoniste, développe un jeu mélodique sensible et lyrique, introduit des dissonances, des ruptures, joue des phrases abstraites qui étonnent. Une basse solide fait le lien, tisse les fils d’un travail de groupe. Loin de faire gronder son instrument, Jean-Paul Celea préfère commenter dans les aigus, saupoudrer d’harmonies les compositions de ses partenaires. La formation donne ses premiers concerts. Elle est déjà très prometteuse.

MERCREDI 11 février
"Les Enfants Terribles" de Jean Cocteau mis en scène par Paul Desveaux au Théâtre de l’Athénée. Ce n’est pas une pièce mais un opéra de chambre composé pour trois pianos par Philip Glass, le troisième volet d’un tryptique consacré à Cocteau, après “Orphée“ (1993) et "La belle et la bête" (1995). Avec l’aide de la chorégraphe Susan Marshall, Glass l’a conçu comme un dance-opera dans lequel les chanteurs sont aussi des danseurs. Frappé en pleine poitrine par une boule de neige lancée par Dargelo, un camarade qu’il vénère, Paul (le baryton Jean-Baptiste Dumora) doit garder la chambre. Sa sœur Elisabeth (la soprano Myriam Zekaria) le veille jalousement. Elle écarte Agathe, un double féminin de Dargelos (Muriel Ferraro, une soprano, tient les deux rôles) dont Paul est amoureux et manigance le mariage cette dernière avec Gérard (le ténor Damien Bigourdan), le narrateur de l’histoire. Découvrant ces manœuvres, Paul s’empoisonne. Elisabeth rejoint son frère dans la mort. Ces quatre personnages occupent la scène. Ils chantent, dansent, au rythme d’une musique ensorcelante. Une nouvelle chorégraphie confiée à Yano Latridès donne à voir des scènes presque irréelles : celle de la boule-de-neige ; le frère et la sœur jouant à se disputer et à « partir » ; Paul somnambule tournant sur lui-même tel un derviche. Les moments féeriques ne manquent pas dans ce spectacle qui nous mène dans des chambres mystérieuses où se promènent des enfants joueurs qui préfèrent les rêves à la réalité. Un tapis, quelques coussins, deux chaises, un lit qui va et vient, il n’en faut pas davantage pour décorer l’espace scénique et inventer une chambre, lieu clos « espace imaginaire où le territoire de l’intime se révèle à cœur ouvert. » Trois pianistes (Véronique Briel, Cécile Restier, Vincent Leterme et Stéphane Petitjean en alternance) occupent le fond de la scène derrière un fin rideau qui sert d’écran aux ombres et aux jeux de lumières. Ils répètent des figures, de courtes phrases sans cesse enrichies de micro-intervalles, quarts ou huitièmes de ton, progression additive de figures répétitives. La musique rythmée et en mouvement épouse les tensions dramatiques du récit. L’ouverture est splendide, de même que l’interlude instrumental accompagnant la danse de Paul en somnambule. Dommage que Muriel Ferraro articule mal. Elle compense ce défaut par sa grâce, sa mobilité. Jolie fille, elle tourbillonne et virevolte comme un papillon. On sort de ce spectacle de belles images plein les yeux et hypnotisé par une musique qui vous trotte très longtemps dans la tête.


VENDREDI 13 février
Le Sunside accueille Vijay Iyer. New-yorkais d’origine indienne, ce dernier n’a pas peur de jouer un piano différent, une musique résolument moderne qui n’est pourtant pas exempte de lyrisme. Son trio l’aide beaucoup à la construire. Stephen Crump à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie tissent une véritable toile rythmique aux ponctuations irrégulières, aux métriques inhabituelles, un tissu percussif d’une grande mobilité qui superpose de nombreuses figures asymétriques. La main gauche du pianiste plaque des accords sombres et dissonants ; la droite peut longuement répéter un thème riff, s’emparer de quelques notes et développer de longs voicings inattendus. Vijay Iyer pratique un jeu orchestral. Il prend le temps de faire sonner ses notes, de les jouer crescendo. La caisse claire porte le flux sonore à ébullition ; la contrebasse réactive s’empare d’une ligne jouée par le piano pour la commenter. Une mélodie peut jaillir d’un amoncellement d’accords et de clusters. Vijay invente, varie sans cesse son langage pianistique et prend des risques. Sa musique in progress bruisse de cadences sauvages et vibre de puissance. “Trajicomic“, son dernier album a été récompensé par Jazzman. Un Choc de l’année 2008 tout à fait mérité. Vijay en joue quelques morceaux. Je reconnais Comin’up et sa renversante petite musique, sa structure rythmique particulière. Le second set moins abstrait, plus mélodique, me laisse une profonde impression. Le jazz bat d’autres rythmes, explore de nouveaux champs harmoniques. On ne doute pas de sa bonne santé après un tel concert.
Photos © Pierre de Chocqueuse, sauf Marianne Denicourt © Frédéric Joyeux - "La Ville“©Photo X - "Les Enfants Terribles © Elizabeth Carecchio.

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13 février 2009 5 13 /02 /février /2009 14:00

Je n’ai jamais été un grand fan de Baptiste Trotignon. Dans ses précédents albums en trio ou avec David El-Malek, le pianiste étale un peu trop sa technique. Bon musicien, mais acrobate du bop, il jongle avec ses notes et donne peu d’émotion. Plus intéressants, ses deux disques en solo réservent de bons moments. Le piano se fait tendre, le discours devient sensible et poétique et la musique y gagne. On entend cela dans cet album new-yorkais. Le langage y est constamment musical, le pianiste met sa technique au service de la musique et n'en fait jamais trop. Baptiste nous offre des thèmes simples, élégants et souvent mélodiques, à l'écriture travaillée. Ses morceaux à tiroirs réservent des surprises, des thèmes secondaires, des cadences qui étonnent et stimulent la section rythmique. La contrebasse très souple de Matt Penman réagit comme un élastique à ces tensions inattendues. Eric Harland jongle avec une grande variété de rythmes. Sa batterie ne marque pas seulement le tempo, mais colore et nourrit le flux musical. Otis Brown officie dans les morceaux plus ternaires, dans Dexter, une pièce bop que chauffent à blanc le saxophone ténor de Mark Turner et le bugle de Tom Harrell. Ce dernier s’offre un très beau duo avec Baptiste dans Blue, une pièce douce et magique. Contrairement à de nombreux saxophonistes, Mark a beaucoup à dire. Il raconte des histoires, possède une sonorité et un langage harmonique bien à lui. Dans Flow, son saxophone chante la mélodie avec le piano, en décline les harmonies par petites touches, joue de courtes phrases personnelles. On retrouve les deux souffleurs dans Samsara, un thème élégant qu’ils habillent de couleurs éclatantes. Nerveux et virtuose, le piano chante de délicates petites musiques. Peace dans lequel on entend quelques notes du 4ème prélude de Chopin est très attachant. On ne s’ennuie pas une seconde à l’écoute de ces onze plages, le meilleur disque de Baptiste Trotignon. 

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