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11 janvier 2009 7 11 /01 /janvier /2009 17:10

Pitié!“ est un spectacle, un ballet pour dix danseurs proche d’un opéra, une transposition moderne de la "Passion selon Saint Matthieu" de Jean Sébastien Bach. L’audition de la partition originale dure quatre heures. Associé au chorégraphe Alain Platel, le saxophoniste Fabrizio Cassol l’a réduite, n’essaye pas de la faire sonner comme une musique occidentale, mais la mêle aux sons du jazz, la teinte de blues et de gospel, y introduit des influences maliennes et africaines. Sa relecture préserve ses principaux arias et chorals, mais change certaines mélodies. Une nouvelle instrumentation les colore autrement. Egalement modifié, le récit accorde un rôle important à Marie la mère du Christ, absente dans l’oeuvre de Bach, et s’attache à exprimer sa douleur, ce qui donne un poids émotif important à la nouvelle partition.
S’appuyant sur une tradition ésotérique selon laquelle le Christ est à la fois une âme masculine et féminine, Cassol choisit pour tenir le rôle la voix androgyne d’un jeune contre-ténor congolais, Serge Kakudji. Marie est confiée à une soprano et Marie-Madeleine, l’âme sœur, à une mezzo. Magic Malik, l’ange, joue de la flûte et son chant de tradition orale diffère des autres vocalistes. Plus lyriques que baroques, leurs voix ont du caractère, un timbre spécifique.
Outre le groupe Aka Moon (Michel Hatzigeorgiou à la basse électrique, Stéphane Galland à la batterie, lui-même au saxophone alto), Cassol utilise un orchestre de dimensions modestes. Trompette (celle «féminine» d’Airelle Besson représente l’intuition), violon, violoncelle, accordéon enveloppent les récitatifs traités comme des chansons. La mélodie initiale et la polyphonie à trois voix d’Erbarme Dich, vibrant appel à la miséricorde, sont préservées. Les parties instrumentales (le Prélude, les prologues de certaines arias), offrent quelques solos, des contrepoints mélodiques. Les deux violons brodent un joli dialogue dans Ich will dir mein Herze schenken ; Sanne van Hek s’offre un chorus de trompette dans Gerne wil ich mich ; l’accordéon de Philippe Thuriot tient un grand rôle dans Tränen et l’étonnant Sturm donne à plusieurs instrumentistes la possibilité d’improviser. Après Erbarme Dich, l’une des arias les plus célèbres de l’œuvre, sa pièce centrale, l’univers de Bach est laissé de côté au profit d’une approche plus africaine de la musique dont l’écoute se révèle fascinante. Ja ! freilich relève du gospel et la polyphonie du chœur final est transposée pour sept instruments mélodiques. Une version pas comme les autres d’un chef-d’œuvre de l’art lyrique.

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8 janvier 2009 4 08 /01 /janvier /2009 12:41

La réunion attendue de Bebo et Chucho Valdés, le père et le fils. Deux pianos. Chucho utilise celui que l’on entend dans le haut-parleur de droite. Il est aujourd’hui beaucoup plus célèbre que son père, un très vieux monsieur né en 1918, nonagénaire depuis octobre. Seul survivant des grands pianistes afro-cubains des années 40 et 50, arrangeur et pianiste du fameux Tropicana, club légendaire des années pré-castristes de la Havane, Bebo connaît tous les rythmes et les danses de Cuba, le mambo, le son, le bembé, la rumba et ses nombreuses variantes. En 1952 à Miami, il participe à l’enregistrement de “Cubano“, un disque de jazz afro-cubain produit par Norman Granz dont je reproduis la pochette. Bebo tient le piano de la formation, le André’s All Stars. Il crée la même année le rythme batanga, un dérivé du mambo qui offre de larges espaces aux solistes et fait le lien entre l’Afrique et Cuba. Le mambo, il le popularise en 1957  à la tête d’un nouvel orchestre Sabor de Cuba dont Chucho est alors le pianiste. Trois ans plus tard, il quitte Cuba, réside au Mexique, gagne l’Espagne et pour finir s’installe en Suède en 1963 où il se fait peu à peu oublier. Une poignée d’albums parmi lesquels “Lagrimas Negras“ réalisé avec le chanteur de flamenco Diego El Cigala et un film, “Calle 54“, réalisé par le cinéaste espagnol Fernando Trueba, mettent fin dans les années 90 à un long purgatoire musical. Une version de The Peanut Vendor pour un album de Paquito D’Rivera en 1995 et La comparsa à deux pianos pour “Calle 54“ en mars 2000 constituaient ses seuls enregistrements avec Chucho. “Juntos para Siempre“ répare cette lacune. Il s’ouvre sur une composition de Chucho dédiée à Bebo, une pièce romantique dans laquelle l’influence de Debussy s'accorde à un joyeux feu d’artifice de rythmes. Les deux hommes reprennent plusieurs boléros dont le célèbre Tres palabras d’Osvaldo Farrés (l’auteur du fameux Quizás, Quizás, Quizás qu’interprètent Nat King Cole et Doris Day). Perdido et Tea for Two ancrent cette rencontre dans le jazz. Chucho délaisse ici les cadences infernales, les tourbillons de trilles, adopte un jeu sobre et lyrique et instaure avec son père un dialogue serein. Bebo offre une pièce à son fils et ajoute au programme Rareza del siglo écrit dans les années 40 pour l’orchestre de Julio Cueva au sein duquel il officiait au piano. Une joyeuse conga conclut un disque d’une grande fraîcheur musicale. Père et fils cajolent leurs plus belles notes et nous offrent un grand bain de tendresse.

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4 janvier 2009 7 04 /01 /janvier /2009 11:02

Un dimanche sur deux, retrouvez les coups de cœur du blogueur de Choc. Concerts, disques, films, livres, pièces de théâtre, rencontres, événements et scènes de la vie parisienne à vous faire partager... Suivez le blogueur de Choc…

VENDREDI 26 décembre
Récemment réédité par ECM en pochette cartonnée, “The Call“ de Charles Lloyd me touche. Comme Stan Getz, Lloyd joue des mélodies très simples et y met tant de lyrisme qu’il émeut. Souhaitant atteindre la conscience des gens, les “éveiller“, il choisit ses standards pour leur pouvoir émotionnel, mais compose aussi quantité de thèmes mélodieux et les enregistre souvent plusieurs fois. Nocturne l’ouverture de “The Call“ apparaît dans “Lift Every Voice“ et Figure In Blue est repris dans “The Water is Wide“. Publié en 2000, ce disque rencontra un beau succès. Brad Mehldau y tient magnifiquement le piano et Lloyd joue en état de grâce. Keith Jarrett et Michel Petrucciani firent un bout de chemin avec lui, preuve d’un goût très sûr quant au choix de ses pianistes. Comme dans “Voice in the Night“ enregistré sans piano mais avec John Abercrombie à la guitare, le saxophoniste retrouve son vieux complice Billy Higgins qui assure un cha-bada limpide et régulier sur la cymbale de rythme. Quatre mois avant le décès de ce dernier, ils enregistreront ensemble une musique profondément ancrée dans les traditions africaines et les musiques du monde. “The Water is Wide“ débute par une version inoubliable de Georgia et se poursuit par le titre éponyme de l’album, un traditionnel qui met les larmes aux yeux. Le saxophoniste exprime encore plus ses sentiments dans “Lift Every Voice“, recueil de mélodies mémorables, de gospels à couper le souffle. Amazing Grace, Deep River, Wayfaring Stranger, Go Down Moses, You are so Beautiful, on frissonne à l’écoute de cette musique intensément spirituelle. Hymn to the Mother s’étale comme les vagues de cet océan Pacifique qu’il contemple depuis sa résidence californienne de Big Sur. Construit sur des modes, le morceau se développe comme un raga et dure un bon quart d’heure. A la guitare, Abercrombie joue des micro-intervalles et adopte la sonorité d’un sitar. Lloyd fait appel à Billy Hart pour rythmer ce double album. Son jeu de cymbale est aussi précis que celui de Higgins, mais sa frappe plus lourde donne de l‘épaisseur aux compositions, les muscle davantage. Hart est également le batteur de “The Call“ et du magnifique et presque introuvable “Canto“ (l’indispensable Vladimir l’importe en quantité restreinte à la Fnac Montparnasse) qui mérite d’être redécouvert. Bobo Stenson au piano et Anders Jormin complètent le quartette du saxophoniste qui souffle des vagues de notes colorées et tendres ressemblant à des prières. Les longues plages de ces deux albums gravés en 1993 et 1996 reflètent un véritable travail de groupe, une approche réellement collective de la musique. Stenson éblouit par un jeu modal raffiné. L’influence de John Coltrane se discerne dans The Blessing, Song, Tales of Rumi et Canto, mais Lloyd est un Coltrane apaisé qui console par la douceur de sa musique. Brother On the Rooftop, la dernière plage de “The Call“, possède un aspect plus âpre. Lloyd tord davantage ses notes et tisse un climat passionnel exacerbé. Il me manque plusieurs de ses disques. Puisse 2009 m’en amener quelques-uns.


LUNDI 29 décembre
René Urtreger au Duc des Lombards, mon dernier concert de l’année. Je retrouve avec plaisir un grand monsieur du Jazz qui joue le bop qu’il affectionne et défend depuis toujours. Beaucoup d’Anglais dans la salle. Parlant mal leur langue, René ne sait trop quoi leur dire. Il a envie de les remercier, de leur serrer la main, mais se sent comme un crabe mutilé de ses pinces. René a déjà joué un set et cette « deuxième mi-temps » se déroule on ne peut mieux. Les chorus s’enchaînent, fluides malgré les difficultés techniques que posent les thèmes (Love for Sale de Cole Porter, Half Nelson et So What de Miles Davis, CTA de Jimmy Heath) des standards que les boppers affectionnent. Les musiciens les jouent autrement, en modernisent le vocabulaire. A la contrebasse, Yves Torchinsky commente, prend des initiatives harmoniques. Eric Dervieu préserve un précieux cha-bada et rythme subtilement la musique. La trompette de Nicolas Folmer époustoufle. Chet Baker ressuscite dans les ballades, mais l’on entend Dizzy Gillespie et Clifford Brown lorsque le tempo se fait rapide et que les notes sculptées par les lèvres gardent intact leur pouvoir mélodique. La flûte d’Hervé Meschinet semble séduite par Roland Kirk. L’air entre dans l’instrument et se change en notes aux couleurs apaisantes. A l’alto, il souffle des aigus suaves, des accords généreux, ceux de Body and Soul son morceau. En grande forme, René multiplie les hommages, à Charlie Parker, à Bud Powell (Un Poco Loco joué en trio dans le registre grave du clavier) et même à Count Basie, un moment fort et poétique. La contrebasse ronronne comme un gros chat heureux, la batterie mène la danse, le piano de René chante de petites notes joyeuses et tendres. Les doigts agiles effleurent les touches. Gorgées de swing et de lyrisme, ses voicings rivalisent d’élégance. Sa musique a du cœur. Lui aussi. Chapeau René !


MARDI 30 décembre
L’Esprit de la Ruche“ (“El espiritu de la colmena“), l’un des plus beaux films du cinéma espagnol existe enfin en DVD (Carlotta). Victor Erice le tourne avec un très petit budget en 1973, deux ans avant la mort de Franco. Erice pratique l’ellipse et minimise les dialogues. Les bruits et les sons suggèrent les images qu’il ne montre pas. Agacée, la censure envisage de l’interdire pour « obscurantisme illogique », mais persuadée de son insuccès en autorise finalement la sortie. Présenté au festival de Saint-Sébastien, il remporte la Coquille d’Or, sa plus haute récompense. L’histoire se passe en 1940, peu de temps après la guerre civile. Un cinéma ambulant projette le “Frankenstein“ de James Whale (1931) dans la salle des fêtes d’un petit village de Castille. Une petite fille Ana (Ana Torrent qui deviendra l’héroïne de “Cría Cuervos“ de Carlos Saura) visionne le film pour la première fois avec les gens du village. Caméra à la main, Luis Cuadrado le directeur de la photographie filme ses réactions, le regard qu’elle pose sur le monstre et la mort qu’elle découvre. On assiste à la naissance d’une conscience par les images traumatiques d’un film. Ana ne joue pas. Vivant intensément son rôle, elle imagine ce qu’on lui cache et croit à ce qu’elle voit, à la réalité du monstre. Interviewé dans les suppléments, Victor Erice raconte qu’apercevant l’acteur grimé qui doit jouer la créature, Ana se réfugie dans les bras d’un adulte et se met à pleurer. La mort, Ana la découvre également dans les propos que son père lui tient sur certains champignons vénéneux « Il n’y a aucun remède pour celui qui y goûte. Il meurt sans tarder. » Erice filme toujours frontalement. Il aime la symétrie des rails, des pièces en enfilade, les plans fixes qui offrent de l’espace et des lignes de fuite aux acteurs. L’intérieur du cadre fait l’objet d’un soin particulier. On rentre dans des tableaux de Vermeer et de Zurbarán. Dans “La vie des abeilles“, Maurice Maeterlinck écrit « esprit de la ruche » pour évoquer les abeilles obéissant à leur reine. Dans le film d’Erice, la ruche est aussi la vieille demeure dans laquelle se déroule la vie des personnages. Les vitres y sont en nid d’abeille. L’image a la couleur du miel.


VENDREDI 2 janvier
Picasso et les maîtres au Grand Palais : on s’y bouscule dans la journée. Les nocturnes restent accessibles pour ceux qui n’ont pas réservé. Une demi-heure d’attente dans le froid pour se procurer un billet et contempler les quelques 210 œuvres exposées reste supportable. Si les  toiles réunies sont exceptionnelles, l’accrochage choque l’œil. Volontairement. Placer côte à côte Les demoiselles des bords de la Seine peint par Courbet en 1857 et le même tableau revu par Picasso en 1950 trouble le regard. Ils ne vont pas ensemble. Paradoxalement, l’intérêt de cette exposition réside dans ces contrastes parfois violents entre des peintures de styles et d’époques différentes. Dès son plus jeune âge, Picasso peint comme un adulte. Ses premiers portraits impressionnent. Réalisé à l’âge de 18 ans, son Portrait de face de Carles Casagemas éblouit et sa Buveuse d’absinthe de 1901 est déjà un chef-d’oeuvre. Après ses peintures noires influencées par Goya, Greco et Vélasquez, débute la période bleue. On contemple avec ravissement son Portrait de Benet Soler de 1903. Mais très vite sa peinture se transforme. Il peint une Fernande à la mantille noire de toute beauté et aborde le cubisme – Portrait d’Ambroise Vollard, Homme à la guitare - , pour revenir à une peinture plus conventionnelle au début des années 20 – Grande baigneuse (1921), Olga (1923), un des plus beaux Picasso de cette exposition. Son Nu au Fauteuil Rouge (1929) est un nouveau combat contre les formes. « La peinture est plus forte que moi, elle me fait faire ce qu’elle veut. » Picasso détourne, transpose, dénature, pastiche avec humour les peintres qu’il admire et qui guident son travail : « Je peins contre les tableaux qui comptent pour moi, mais aussi avec ce qui leur manque. » Les maîtres de Picasso se suffisent à eux-mêmes. Face à lui d’extraordinaires peintures du Greco (Saint Martin et le Mendiant, Saint Jérôme en cardinal), de Goya (La comtesse del Carpio, La Maja Desnuda) et de Vélasquez (Portrait du nain Sebastian de Morra). Les maîtres, ce sont aussi Manet (Matador saluant, Olympia), Gauguin (Portrait à la palette), Renoir, Cézanne (La baigneuse aux bras écartés), mais aussi Delacroix, Ingres (Odalisque en grisaille), Chardin (Le Gobelet d’argent), Cranach (Portrait de femme) et d’admirables tableaux de Francisco De Zurbarán parmi lesquels son célèbre Agnus Dei, prêté par le musée du Prado. Toutes ces toiles sont visibles jusqu’au 2 février. On se précipitera. (http://rmn.fr/)

Photos©Pierre de Chocqueuse. La photo d'Ana Torrent est une image du film.

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1 janvier 2009 4 01 /01 /janvier /2009 16:01

JANVIER : Un mois difficile. Les jours rallongent. La nuit tombe vite et le soleil d’hiver n’a pas sa vigueur et son rayonnement habituel. Une vague de froid est annoncée. Couvrez-vous mais sortez. Les clubs ne manquent pas de lumière. La bonne musique réchauffe. Ce blogdechoc n’a pas vocation d’annoncer les concerts de tout le monde. Vous les trouverez dans Jazzman et Jazz Magazine.

Ecouter Stéphane Belmondo jouer du bugle est toujours un plaisir. Il se produit le 1er janvier au Sunside avec son Wonderland Quartet. Les buveurs d’eau minérale trouveront le chemin du club. Pour les autres, ce sera probablement plus difficile.
Au Sunside le 2, David Linx retrouve son complice Diederick Wiesel et invite Christophe Walemme et Stéphane Huchard à les rejoindre.
Le 8, Pierre Christophe, lauréat du Prix Django Reinhardt 1987, investit les lieux avec son quartette. Ancré dans la tradition, son piano n’en est pas moins moderne et délectable.
Le 9, au Swan Bar (165 bd du Montparnasse, 75006 Paris), Alexis Tcholakian donne un concert en trio. Musicien discret et timide, il n’en reste pas moins un des meilleurs disciples de Bill Evans. Les amateurs de subtilités harmoniques se précipiteront.
Le lundi 12, c’est encore la rue des Lombards que l’amateur de jazz arpentera. Pianiste délicat et économe, Edouard Ferlet joue “L’écharpe d’Iris“ au Duc. Publié en 2007, le disque a séduit la critique. Piano, violoncelle, saxophones ou flûte, batterie discrète, ce jazz de chambre au fort parfum de terroir charme et séduit l’oreille. Un peu plus loin au Sunside, Emmanuel Bex et Alain Jean-Marie célèbrent Michel Petrucciani disparu il y a 10 ans le 6 janvier 1999. Un hommage qui se poursuivra jusqu’au 17 janvier, le Sunside accueillant Yacine Malek (le 13), Aldo Romano (du 15 au 17) avec des invités différents chaque soir. Consulter le programme. Le film “Lettre à Michel Petrucciani“ de Frank Cassenti (45 minutes) sera diffusé avant chaque concert.

Les 13 et 14, le piano enchanteur d’Antonio Faraò va transformer le Duc des Lombards en plateau de cinéma. En quartette avec Olivier Temime au saxophone ténor, Dominique Di Piazza à la basse électrique et le grand Dédé Ceccarelli à la batterie, le pianiste italien vient jouer son nouvel album consacré à Armando Trovajoli, compositeur de musiques de films et jazzman.
Chanteuse napolitaine, Maria Pia De Vito a consacré un très bel album à Joni Mitchell en 2005. Elle se produit au Duc des Lombards avec Huw Warren, un pianiste gallois, le 16 janvier. Attendez-vous à une surprise.
Le 17, Radio France met à la disposition du rutilant big band de Laurent Mignard sa salle Charles Trenet. Au programme Duke Ellington une valeur sûre.
Tel un phoenix, le Quatuor de Saxophones ressuscite au Duc le lundi 19. François Jeanneau, Jean-Louis Chautemps, Thomas de Pourquery et Jean-Charles Richard sur une même scène, on ne perdra pas une seule de leurs notes.
J'aime beaucoup le piano d’Edouard Bineau. Découvert par Jean-Jacques Pussiau, il a enregistré deux superbes albums en trio pour ce dernier puis, en duo avec Sébastien Texier, un hommage au Facteur Cheval. Son piano en apesanteur ouvre grandes les portes de l’imaginaire. Il donne deux concerts au Duc le jeudi 22 janvier avec Gildas Boclé et Arnaud Lechantre. Soyez au rendez-vous.
Le 23, la Dynamo de Banlieues Bleues (9, rue Gabrielle-Josserand à Pantin) propose une répétition publique de l’Orchestre National de Jazz (direction artistique Daniel Yvinec) autour du projet “Robert Wyatt“.

Ronnie Lynn Patterson en trio occupe le Sunside le 24. Il joue avec son cœur et met du baume au nôtre.
On se bousculera au Sunside pour Jacky Terrasson les 26, 27 et 28 janvier. Pianiste au jeu très physique, Jacky entretient une tension permanente pendant ses concerts et nous surprend toujours.
Le 29, Kurt Elling comblera de sa belle voix de ténor le public du New Morning. Il pose depuis longtemps des mots sur des chorus de jazz et peut chanter pendant des heures sans jamais nous lasser.
Avec Lionel Loueke, c’est une guitare à la sonorité neuve qui pimentera le Baiser Salé les 30 et 31 janvier. Utilisant toutes sortes de pédales, il nous offre des sons venus d’ailleurs et improvise au plus près de ses racines africaines.


-Sunset/Sunside http://www.sunset-sunside.com/
-Duc des Lombards http://www.ducdeslombards.com/
-Baiser Salé http://www.lebaisersale.com/
-Swan Bar http://swanbar.fr/
-La Dynamo de Banlieues Bleues http://www.banlieuesbleues.org/

Peu de disques en janvier. Le 8, Winter & Winter publie le premier album du Refuge Trio, qui réunit Theo Bleckmann (chant), Gary Versace (piano, claviers, accordéon) et John Hollenbeck (batterie, percussions, vibraphone). - “Compass“, très bel album de Joshua Redman dans lequel le saxophoniste s’essaye à la formule inhabituelle du double trio (deux batteries et deux contrebasses) sera dans les bacs des disquaires le 12 janvier. - Le même jour, ECM édite “Concertos“ un disque du trompettiste Mike Mantler dans lequel un certain nombre de solistes se voient tour à tour confrontés à un orchestre de chambre. - Il faudra patienter jusqu’au 26, pour découvrir “New York Days“, nouvel enregistrement ECM du trompettiste Enrico Rava en quintette avec Mark Turner au saxophone ténor, Stefano Bollani au piano, Larry Grenadier à la contrebasse et Paul Motian à la batterie. Sachez seulement qu’il est formidable. - Le 29 janvier, Abeille Musique met en vente un excellent nouvel album de Tony Malaby (“Warblepeck“ sur Songlines, un label canadien) avec John Hollenbeck au marimba et Fred Lonberg-Holm au violoncelle, ainsi que le troisième volet des “New York Trio Recordings“ de Marc Copland avec Drew Gress à la contrebasse et Bill Stewart à la batterie (Pirouet). Les nouveautés se faisant rares, on en profite pour sortir les vieux albums de sa discothèque. Jazzman consacre une bonne partie de son numéro de janvier à Billie Holiday qui s’éteignit à New York en juillet 1959 et Jazz Magazine accorde 22 pages à Charles Mingus disparu il y a trente ans. Ecoutez leurs disques. A propos de Mingus, Franck Bergerot et Thierry Quénum semblent avoir oublié “Charles Mingus and Friends in Concert“ (Columbia) et “Pre-Bird“ (Mercury) dans leur « Meilleur de Mingus ». Mais je pinaille, car ce dossier est formidable. Bonne année à tous et à toutes.
"Tempête de neige", Stéphane Belmondo, Alexis Tcholakian, Jacky Terrasson, Photos©Pierre de Chocqueuse

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29 décembre 2008 1 29 /12 /décembre /2008 14:43

Pianiste new-yorkais d’origine indienne, Vijay Iyer a longtemps poursuivi des études de mathématique et de physique. Découvert en Europe avec Steve Coleman, il a depuis enregistré une bonne dizaine d’albums mal distribués que peu de gens connaissent. Dans “Tragicomic“, Vijay destine sa musique difficile à un public plus large. Associées au nombre d’or, ses recherches portent sur l’harmonie (la gamme tempérée dodécaphonique directement liée au nombre d’or) et les rythmes, son propre héritage culturel déterminant leur choix. Ses compositions baignent ainsi dans ceux de la musique Carnatique de l’Inde du Sud, une musique beaucoup plus intellectuelle que sensuelle. Si Andrew Hill et Cecil Taylor inspirent son piano moderne, le jeu modal de McCoy Tyner est perceptible dans Macaca Please et The Weight of Things, la pièce qui ouvre l’album. Egalement d’origine indienne, Rudresh Mahanthappa, le saxophoniste de cette séance, a écouté John Coltrane. Ses phrases brûlantes maintiennent une urgence permanente. Les aigus de son alto vrillent les tympans profanes, questionnent l’harmonie jusqu’au-boutiste. Le pianiste profite de cette tension pour cultiver un lyrisme inhabituel. Le chant de l’Inde du Sud transparaît dans des thèmes aux notes suspendues et aux forts parfums mélodiques (Age of Everything, Threnody). Dans les plages en trio avec Stephan Crump à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie, un jeu ludique s’installe entre des musiciens qui prennent plaisir à se surprendre. Construite avec peu de notes, Becoming, une ballade toute simple, parvient à faire rêver.

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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 17:33

Comme le montre cette photo, c’est devant des caméras de télévision que nos Pères Noël rouges de colère en sont venus aux mains. Les cris et les coups plurent jusqu’à l’intervention de la police impuissante à rattraper les traîneaux des fuyards tirés par des rennes en apesanteur capables de parcourir le ciel à des vitesses considérables.  

Parmi les nombreux cadeaux commandés à Santa Claus par les parents des enfants sages, figure toujours en bonne place le recueil de chansons de Noël que Diana Krall enregistra en 2005. “Christmas Songs“ bénéficie des couleurs somptueuses d’un grand orchestre, le Clayton/Hamilton Jazz Orchestra. Même le nunuche Jingle Bells déménage. En tenue de soirée sur la pochette de son disque, la chanteuse scate et tient une forme éblouissante. Sa voix rauque, parfois juvénile (Santa Claus is Coming to Town, d’une actualité pour le moins frappante) magnifie ces mélodies qui ont probablement bercé son enfance. On se délecte à l’écoute de The Christmas Song, le seul morceau en quartette de l’album. La guitare d’Anthony Wilson donne de l’élégance à Winter Wonderland. Celle de Russell Malone joue un rôle essentiel dans Christmas Time is Here. Autres perles, Let it Snow et Santa Claus is Coming to Town permettent d’apprécier l'assurance de Diana au piano, chaque morceau mettant en valeur un ou plusieurs instruments au cours d’improvisations concises, contrepoints brillants à des arrangements qui le sont tout autant. Confiés à John Clayton et à Johnny Mandel, ces derniers anesthésient vos soucis, chassent la bile et mettent de bonne humeur. La musique idéale de votre réveillon.

Un film à voir ou à revoir en cette période de fêtes. John Huston le réalisa en 1987, peu de temps avant sa mort. Je le considère comme l’un des plus important de sa carrière, probablement son plus profond bien que le ton y soit léger et l’ambiance à la fête. Dans une vieille maison de Dublin, le 24 décembre 1904, les vieilles demoiselles Morkan reçoivent. Une soirée joyeuse au cours de laquelle se révèlent les blessures, la fragilité des convives. Adapté de “The Dead“ la plus longue et la dernière nouvelle des “Dubliners“ de James Joyce, “Gens de Dublin“ est un grand film sensible sur le temps qui passe, la vie qui défile et la mort qui attend. Pour donner poids et véracité au récit de Joyce, Huston offre des acteurs irlandais à sa fille Anjelica et s’efface derrière une caméra qui scrute, observe et saisit les émotions, les gestes et les regards furtifs de ses personnages vieillissants. Admirable et bouleversant.




JOYEUX NOEL 
à tous et à toutes.







Installé à Trafalgar Square, près de la colonne Nelson, ce sapin est celui qu’offre chaque année la Norvège à la ville de Londres.
Photos ©Pierre de Chocqueuse


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21 décembre 2008 7 21 /12 /décembre /2008 18:17

Ce dimanche, suivez les pérégrinations du blogueur de Choc dans les rues, les musées et les disquaires de Londres. En raison des fêtes, la semaine du Blogueur de Choc ne reprendra qu’en janvier. Suivez le blogueur de Choc…

LUNDI 15 décembre
Une journée à Londres. J’y traînais souvent dans les années 70, envoyé en mission par Best, le concurrent de Rock & Folk afin d’y couvrir des concerts de rock. Au début des années 80, travaillant pour le Billboard, je traversais la Manche plusieurs fois par an pour rendre compte de mes activités à la direction européenne du journal qui y avait ses bureaux. J’y fis la connaissance de Mike Hennessey. Très cultivé, fin connaisseur du jazz, il est l’auteur d’un excellent livre sur Kenny Clarke (“Klook, the Story of Kenny Clarke“) qui n’a jamais été traduit. Nous avions sympathisé, et mes séjours londoniens s’accompagnaient en général d’une soirée au Ronnie Scott. Mike y avait sa table. Un concert d’Elvin Jones m’est resté en mémoire. Ma dernière visite remontait à 1981. La ville possédait un aspect bariolé. D’honorables gentlemen en habit côtoyaient des hippies à longs cheveux, des skinheads au visage criblé d’épingles à nourrice et aux cheveux coupés à l’iroquoise. Un monde excentrique dans lequel le Britannique conservait un flegme imperturbable, un humour très particulier, pince-sans-rire et plein de traits d’esprit.


Depuis septembre 2007, la gare de Saint Pancras accueille L’Eurostar. Construite au XIXe siècle, elle a été récemment restaurée de même que sa façade en brique, celle de l’ancien Midland Grand Hotel, impressionnant bâtiment néogothique victorien. Offert chaque année par la Norvège pour remercier Londres de son soutien lors de la première guerre mondiale, un sapin de 20 mètres trône près de la colonne Nelson à Trafalgar Square. Pas de pluie, mais un vent froid et humide remonte la Tamise. Des Français et des caméras de surveillance absolument partout. Peu de voitures, mais de très nombreux taxis toujours fabriqués sur le même modèle, l’Austin FX4 ou « taxi noir » qui fait toujours partie du paysage urbain. Les autobus rouges à impériale circulent presque les uns derrière les autres. N’étant pas accessible aux personnes handicapées, le plus célèbre d’entre eux, le Routemaster, a été malheureusement retiré de la circulation en 2003.


Les Horse Guards de Whitehall font toujours le bonheur des touristes. Passé Westminster Bridge, les berges ont été aménagées, transformées en promenade. Installés pour les fêtes, de petits chalets de bois proposent leurs horreurs, made in China pour la plupart. Le Tate Modern expose de grandes toiles de Mark Rothko. Le Shakespeare’s Globe Theater exhibe son architecture de style élisabéthain. Non loin de là, Borough Market, le plus vieux marché couvert de Londres étale ses produits. Bouchers, poissonniers, fromagers y sont installés depuis que les Romains construisirent un premier pont sur la Tamise. Le lundi, la plupart de ses échoppes sont malheureusement fermées. Dans le même quartier s’élève l’Eglise Collégiale de Saint Saviour et Sainte Mary Overie, un édifice du treizième siècle devenu cathédrale en 1905. Pas de visite possible sans déranger les employés de la Barclay’s Bank qui assistent à un office de Noël spécialement célébré pour eux avec chorale, cuivres et enfants de chœur à profusion. On imagine mal Vuitton ou Cardin offrir des messes à leur personnel dans nos églises parisiennes. Les Anglais portant chapeau melon et parapluie ont disparu de la City. Les John Steed et les
traditions se perdent au Royaume-Uni gagné par la mondialisation.

Déjeuner dans un très beau pub de Fleet Street, l’ancienne Old Bank of England ouverte jusqu’au rachat du bâtiment par des brasseurs de bière qui le transforma en pub. C’est dans ses très vieilles caves que le barbier Sweeney Todd (récemment porté à l’écran sous les traits de Johnny Deep) hachait menu ses victimes transformées en tartes par Madame Lovett sa complice. Cette macabre découverte n’empêche pas de se restaurer. Un jeune Français courageux devenu londonien m’avoue travailler entre dix et douze heures par jour. Les Anglais déjeunent rarement au restaurant. Ils achètent des sandwichs qu’ils avalent tout en continuant à manipuler les ordinateurs de leurs bureaux. Ils sont bien payés, mais les loyers chers, et les très nombreuses pintes de bières qu’ils engloutissent pénalisent une bonne partie de leur budget.

Annie Leibovitz
expose ses photos (les années 1990-2005) à la National Portrait Gallery jusqu’au 1er février 2009. Outre les nombreux clichés de rock stars qu’elle fit pour Rolling Stone, elle photographia des danseurs (Mikhail Baryshnikov), des acteurs et des actrices (Brad Pitt, Nicole Kidman, Demi Moore enceinte) et la Reine d’Angleterre. Un reportage sur Sarajevo au début des années 90, un autre sur l’élection d’Hillary Clinton au Sénat, des autoportraits et des photos de ses trois filles et de sa famille complètent l’exposition. Les collections permanentes recèlent quelques trésors. Au deuxième étage, la galerie Tudor contient d’admirables portraits de la Reine Elisabeth I, d’Henri VIII, de Cromwell et une étonnante peinture anamorphique du Roi Edouard VI. Les tableaux sont loin d’être de qualité égale, mais c’est avec émotion que je découvre des portraits de Roger Fry et celui de l’écrivain Lytton Strachey peint par Dora Carrington (1993-1932). Scénariste et auteur de théâtre, Christopher Hampton nous a magnifiquement raconté leur platonique relation passionnée dans “Carrington“ un film de 1995, une grande réussite. Emma Thompson et Jonathan Pryce en sont les principaux interprètes. Fry et Stachey, mais aussi Virginia Woolf, sa sœur Vanessa Bell et E.M. Foster, faisaient partie du Groupe de Bloomsbury, réunion d’artistes et d’intellectuels qui vivaient dans ce quartier du centre de Londres.


La nuit est tombée sur Piccadilly Circus et ses immeubles couverts de néons appellent à la consommation. Les magasins de disques interpellent. Je cherche sans succès des CD de Mike Westbrook, John Dankworth, Michael Gibb (“In the Public interest“ un enregistrement Polydor de 1973 en big band avec Gary Burton, Steve Swallow et les frères Brecker). Les albums Deram de Mike Westbrook (le formidable “Celebration“) John Surman et Michael Gibbs réédités par Universal il y a quelques années sont devenus introuvables. Si les disques Fontana de Tubby Hayes encombrent les bacs, ceux de John Dankworth manquent cruellement. On déplore l’absence de “What the Dickens !“, “The Zodiac Variations“ (avec de prestigieux invités américains parmi lesquels Clark Terry, Bob Brookmeyer, Lucky Thompson, Phil Woods et Zoot Sims) et “The $1.000.000 Collection“, trois albums des années 60 qui comptent parmi ses grandes réussites. On peut en trouver quelques morceaux mêlés à des extraits de ses enregistrements antérieurs pour Esquire et Parlophone dans un coffret de 4 CD que Dankworth partage avec son épouse, la chanteuse Cleo Laine (“I Hear Music, A Celebration of the Life and Work of Cleo Laine & John Dankworth“). Seuls les disques hatOLOGY de Mike Westbrook sont disponibles. Mes copies étant usées, je recherche “Pier Rides“ et “A Little Westbrook Music“ qui ne semblent pas exister en CD. Je n’ai guère plus de succès avec Gordon Beck. Le “Beck-Matthewson-Humair Trio" de 1972 (Dire Records) est curieusement disponible, mais les premiers opus du pianiste pour le label Major Minor font défaut. De même que le premier album de Kenny Wheeler avec le John Dankworth Orchestra, “Windmill Tilter“, un enregistrement Fontana de 1968 absent de ma discothèque.


Les Anglais délaisseraient-ils leur patrimoine jazzistique que les Français connaissent mal ? Le trompettiste Ian Carr publia une passionnante histoire du jazz britannique en 1973, “Music Outside“ (Latimer). J’en reproduis la jaquette. Neil Ardley, Graham Collier, Bob Downes, Michael Garrick, Joe Harriott, Don Rendell, Stan Tracey n’évoquent plus grand chose. On connaît Ronnie Scott grâce à son club de jazz, mais beaucoup moins ses disques. Si Ian Shaw s’est fait un nom en Grande-Bretagne, les musiciens britanniques les plus célèbres semblent avoir du mal à enregistrer chez eux. John Surman et Norma Winstone ont depuis longtemps trouvé refuge chez ECM ; John Taylor et Kenny Wheeler voient leurs albums édités par Cam Jazz, label italien qui accueille aussi Martial Solal.


Alléché par son prix (moins de 5 livres), j’achète “Soundtrack“ de Charles Lloyd, un vieux disque Atlantic. Le morceau le plus long, Forest Flower’69, m’évoque un autre Londres, celui des Beatles et des Rolling Stones. Le mythique Carnaby Street n’est pas loin de Regent Street illuminé pour les fêtes. De luxueux magasins aux enseignes prestigieuses vendent exactement les mêmes articles qu’à Paris. Les soldes ont commencé, mais même à 50 pour cent de son prix, un pull de marque à 300 livres n’est guère abordable. Carnaby Street est bien éclairé. D’énormes baudruches suspendues dans les airs invitent les touristes à parcourir sa voie piétonne, à entrer dans ses boutiques. L’Eurostar m’attend à Saint Pancras. Le métro londonien, le « tube », long cigare étroit, qui circule dans un tunnel à peine plus large, y mène à vive allure. Je m'endors épuisé dans le train du retour.

Photos ©Pierre de Chocqueuse

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18 décembre 2008 4 18 /12 /décembre /2008 09:46

Enfant de la banlieue, Issam Krimi a eu ses années rock. Lycéen, la guitare électrique remplaça un temps ses cours de piano classique. Il revint à l’instrument et poursuivit son étude au CNR de La Courneuve. Si des leçons de musicologie à l’université de Paris 8 lui firent découvrir John Cage, Henri Dutilleux, Gyorgy Ligeti et Luciano Berio, le jazz de Miles Davis, Herbie Hancock, Weather Report, Brad Mehldau fait également partie de la culture de ce jeune pianiste de 28 ans, de même que la pop, l’électro ou le rock de Nirvana et de Radiohead. Antoine Hervé, qui fut l’un de ses professeurs de piano, produisit en 2005 son premier album “Eglogues 3“. Aujourd’hui sort “Post Jazz“ un disque d’une fausse simplicité malgré le souhait d’Issam de créer une véritable musique populaire. Il s’ouvre par un morceau très rentre-dedans dont la batterie gonflée à l’hormone de croissance sonore évoque The Bad Plus, E.S.T. ou la musique du trio de Neil Cowley. Cette impression de redite s’estompe vite derrière les visions musicales du compositeur. Produit comme un disque de rock, soigneusement travaillé en studio avec la complicité d’un ingénieur du son compétent (Pierre Luzy), “Post Jazz“ frappe par son éclectisme et l’habileté de sa construction. Toutes sortes de musiques s’y rencontrent et forment un patchwork sonore inclassable. Le saxophone ténor d’Alban Darche souffle de vrais chorus de jazz. Le piano bruine des notes inattendues (Caudalie) ou égraine une jolie mélodie romantique (L’oubli des lèvres). Le violoncelle d’Olivier Koundouno confère un lyrisme sombre à des thèmes qui pourraient illustrer bien des films. Excellent pianiste, Issam Krimi ne se met pas en avant dans ce travail d’écriture ouvert et audacieux. La musique circule, valorisée par un habillage habile, des sonorités travaillées. La dernière plage, Aspasie perdue, rassemble quantité d’idées aussi bien écrites qu’improvisées. Le moment fort d’un album qui en contient beaucoup.

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14 décembre 2008 7 14 /12 /décembre /2008 14:48

Le dimanche, mes coups de cœur jazzistiques (élargis à des films, des livres, des pièces de théâtre…). Rencontres, visions surprenantes, scènes de la vie parisienne à vous faire partager... Suivez le blogueur de Choc…

LUNDI 8 décembre
Une fois par mois, Antoine Hervé occupe la scène de l’auditorium de Saint-Germain-des-Prés pour nous conter une belle histoire. Consacrée à Thelonious Monk (en résistant sur la pochette d’“Underground“, son dernier enregistrement Columbia), sa « leçon de Jazz » de décembre fut riche en anecdotes. Musicien génial et fantasque, le pianiste ne faisait rien comme les autres. Il laisse environ quatre-vingts compositions et de nombreux enregistrements. Oncle Antoine raconte Monk, insiste sur le danseur qui tourne autour de son piano ou sur lui-même, et explique sa musique, des thèmes très simples, mais construits avec des notes savamment décalées, des dissonances calculées, des intervalles chromatiques (Monk’s Dream), des notes ou des accords « klaxons » assemblés pour leur sonorité. Monk passait des heures devant son piano à les chercher et à les faire sonner. Certains thèmes sont de simples accompagnements (Evidence). D’autres possèdent des mélodies inoubliables (‘Round Midnight, Ruby, My Dear). Antoine nous explique la complexité rythmique des compositions monkiennes (Straight no Chaser et sa double structure rythmique). Il donne de nombreux exemples et joue le répertoire de Monk, les morceaux déjà cités, mais aussi le très virtuose Trinkle Tinkle et le dissonant Little Rootie Tootie, sans oublier Think of One dans lequel Antoine introduit malicieusement le fameux thème de La Panthère Rose composé par Henri Mancini.


MARDI 9 décembre
Soirée Paris Jazz Club (1 entrée = 4 clubs) rue des Lombards autour des artistes du label Cristal. Lenny Popkin et Gilles Naturel occupent en premier la scène du Sunside. Les notes tendres et légères du saxophone envahissent l’espace comme des spirales de fumée bleue. Lenny Popkin joue dans l’aigu du ténor. Son instrument sonne comme un alto, instrument qu’il a longtemps pratiqué, fasciné par le bop de Charlie Parker. Sa version de Cherokee
témoigne de la parfaite connaissance de son vocabulaire, mais Popkin remplace l’urgence par le lyrisme, joue cool, son approche harmonique des standards n’en restant pas moins audacieuse. La belle et solide contrebasse de Gilles Naturel assure un tempo immuable et respectueux. Psaume 22, une de ses compositions, mériterait d’être jouée plus souvent. Dommage que les deux hommes communiquent si peu avec le public.

Mélanie De Biasio termine brillamment la soirée en nous faisant replonger dans les ballades planantes et évanescentes de son premier album. Les tempos sont toutefois plus variés, les  rythmes plus enlevés. Pascal Mohy
mêle discrètement les notes de son piano à celles du clavinet de Pascal Paulus qui apporte d’extraordinaires sonorités électriques à la musique. My Man’s Gone Now de Gershwin devient ainsi une féerie presque orientale, impression renforcée par la flûte de Mélanie branchée sur une chambre d’écho. Associée à la contrebasse d’Axel Gilain, la batterie de Dré Pallemaerts donne du tonus à la musique. Dré sent les rythmes avant de les jouer. Il offre de l’assise aux morceaux, fait décoller les improvisations. La voix chaude et sensuelle de Mélanie greffe des mélodies sur cette musique très travaillée. Son charme perdure et fascine.


MERCREDI 10 décembre
Entre la fin des années 60 et le début des années 80, Roger Corman produisit et distribua plus de trois cents films parmi lesquels “Cris et Chuchotements“ d’Ingmar Bergman et “Amarcord“ de Federico Fellini qu’il fit connaître à l’Amérique. Il réalisa également une cinquantaine de série B, des longs-métrages de science-fiction, de gangsters (“Machine Gun Kelly“), se faisant connaître en Europe par ses films fantastiques (“La petite boutique des horreurs“) et ses adaptations d’Edgar Poe. On trouve actuellement sur les quais ou chez les Disc King, chaîne de magasins proposant des CD et des DVD neufs à prix cassés, un film jamais distribué en France dont Corman était particulièrement fier, son préféré avec “The Trip“ et “Le masque de la mort rouge“. Réalisé en 1962, “The Intruder“ (BACH films) s‘attaque à un sujet brûlant, les lois d’intégrations qui autorisent les noirs à étudier dans les écoles blanches. Corman n’a qu’un petit budget. Il le réalise en noir et blanc et engage des acteurs inconnus dont la carrière se limitera à des séries télévisées. William Shatner crève l’écran. Il incarne Adam Cramer, membre d’une organisation raciste blanche. De passage dans une petite ville du Sud, il monte ses habitants contre les noirs « ces nègres qui bientôt obtiendront le droit de vote, pourront briguer la mairie, devenir policiers, et gouverneront l’Etat ». Manifeste contre le racisme et le Klu Klux Klan, il suscita haine et indignation lorsqu’il sortit sur les écrans d’une Amérique encore profondément raciste. On mesure le chemin parcouru avec l’élection d’Obama. Une perle noire à ne pas manquer.


JEUDI 11 décembre
Dîner dans une brasserie parisienne avec Mimi Perrin, sa fille Isabelle et quelques membres de la commission vocale de l’Académie du Jazz que Mimi préside depuis plusieurs années. Une tradition. Les débats et les votes se passent chez cette dernière, un appartement qu’elle occupe avec ses chats. Pour ceux qui l’ignorent, Mimi Perrin (sur la pochette, la seconde à partir de la gauche)
fonda les fameux Double Six en 1959. Parrainé par Quincy Jones, ce groupe vocal, le meilleur de l’histoire du jazz, acquit une réputation internationale, séduisit Dizzy Gillespie et se hissa à la première place des référendums de la revue Down Beat entre 1962 et 1966. Ayant mis fin à sa carrière de chanteuse pour des raisons de santé, Mimi se fit un nom dans l’édition. Sa connaissance de la langue anglaise lui permit de traduire en français de nombreux ouvrages. Citons l’autobiographie de Dizzy et le livre de souvenirs de Ross Russell sur Charlie Parker. Mimi et sa fille Isabelle ont également traduit l’autobiographie de Quincy Jones et tous les romans de John Le Carré depuis “La Maison Russie“. Leur préféré : “La Constance du jardinier“. Le film de Fernando Meirelles avec Ralph Fiennes est également très réussi. Kothbiro son magnifique générique fin a été repris par Kenny Werner dans “Lawn Chair Society“ (Blue Note).


SAMEDI 13 décembre
Ahmad Jamal Salle Pleyel. On ne change pas une équipe gagnante et le pianiste de Pittsburgh aurait du mal à trouver d’autres musiciens aussi rôdés à sa musique que James Cammack à la contrebasse, James Johnson à la batterie et Manolo Badrena aux percussions. Jamal exige beaucoup et sa section rythmique doit être capable d’anticiper ses moindres désirs. Pas question de faire bouger un tempo, de rater l’enchaînement d’une cadence. Tous savent exactement quelle est leur place dans cette alchimie sonore qui ne laisse pas grand-chose au hasard. Au programme : quelques standards dont le fameux Poinciana et des compositions personnelles disséminées dans “It’s Magic“ et “After Fajr“, ses derniers disques. Ahmad improvise, mais dans le cadre d’une musique aussi préparée qu’un moteur de formule 1 la veille d’un grand prix. Il développe depuis quelques années un jeu orchestral, attaque ses notes avec vigueur, leur donne du poids, de l’épaisseur, son quartette sonnant comme un petit big band. Il aime les feux d’artifice de trilles, d’arpèges, les notes perlées qu’il caresse dans les aigus du clavier, mais peut très bien s’arrêter de jouer au milieu d’une phrase. Ses musiciens rythment ses silences et maintiennent une tension permanente.


Il est 21 heures 30 lorsque le concert d’Ahmal se termine. Donald Brown joue au Sunside. Le pianiste aime les jam-sessions, les rencontres improvisées. S’il peaufine ses compositions en studio, se produire en club est pour lui récréation, terrain de jeu ludique. Contrairement à Ahmad Jamal, on ne sait jamais ce qu’il va inventer, quelles notes il va jouer. Donald se fait plaisir. Ses musiciens aussi. Stéphane Belmondo au bugle et Jérôme Bardes à la guitare se partagent avec lui les chorus. Darryl Hall à la contrebasse et Leon Parker à la batterie leur fournissent les rythmes solides sur lesquels s’appuyer. Les standards qu’ils reprennent sont trempés dans les notes bleues et les accords du blues. Le swing cimente leur discours fiévreux. Ils ne jouent pas souvent ensemble, ont trouvé leurs marques, et sont capables d’occuper la scène jusqu’au petit matin.
 

I Concentrate On You, Baltimore Oriole, Falling in Love with Love, How Deep is the Ocean, Dat Dere, au Duc des Lombards les standards se succèdent, magnifiés par la voix d’une grande chanteuse de jazz. Sheila Jordan fête son quatre-vingtième anniversaire. Comme Helen Merrill, Blossom Dearie et Norma Winstone, elle a apporté au jazz un timbre particulier, une technique de chant qui lui est propre. Sa voix un peu voilée, feutrée, expressive, s’accorde bien avec les cordes d’une contrebasse. Celle de Thomas Bramerie la sert avec respect. Au piano Franck Avitabile ; à la batterie Aldo Romano. La flûte de Nicolas Stilo les rejoint et dessine d’élégantes arabesques sonores. La nuit ne fait que commencer.

Photos ©Pierre de Chocqueuse 

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13 décembre 2008 6 13 /12 /décembre /2008 09:41


V
ieux les membres de l’Académie du Jazz ?


Cette photo prise dans la cour d’honneur du Théâtre du Châtelet à l’issue de la récente Assemblée Générale de l’Académie prouve le contraire.

Nous pouvons même affirmer que la moyenne d’âge des académiciens qui entourent ici le Président François Lacharme et sa compagne (cette dernière a trouvé plus convenable de garder l’anonymat) ne dépasse pas les vingt-cinq ans.

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