Enregistré en 2008, “Don’t Forget You Are an Animal”, son disque précédent, m’avait laissé de marbre. Sébastien Texier ne manque pourtant pas de personnalité. Chose devenue rare aujourd’hui, il possède même un son, une manière bien à lui de souffler d’articuler ses notes, et en l’intégrant à son Wared Quartet, le pianiste Edouard Bineau savait ce qu’il faisait. Le fils d’Henri Texier joue surtout du saxophone alto, un instrument qui ne se laisse pas si aisément dompter. Pas facile d’en tirer une sonorité originale, d’improviser sans lasser.
Élargissant la palette sonore de ses compositions, les rendant plus mélodiques, Sébastien y parvient. Pour ce faire, il lâche son trio pour un quintette avec piano. Confié à Bruno Angelini, l’instrument structure le discours musical, en renforce son assise rythmique et harmonique. Le pianiste étonne par la construction de ses voicings, ses improvisations nerveuses et brillantes qui laissent aux notes le temps de respirer. Il ne manque pas non plus d’audace dans Toxic parasites qui donne son nom à l’album et dans Le courage ne fait pas tout, une pièce étonnante. Un bref thème confié aux souffleurs ponctue son piano flirtant avec le free. Un soin particulier est ici porté aux arrangements, à la forme. Les improvisations très soignées viennent parfaire un travail d’écriture qui réserve de nombreux espaces de liberté aux solistes. Les musiciens parviennent tous à s’exprimer, à prendre des solos au sein de morceaux ouverts. On découvre ici un compositeur habile qui les habille avec des couleurs spécifiques, tire partie de diverses combinaisons de timbres, Sébastien Texier utilisant au mieux l’instrumentation dont il dispose. Sa clarinette ou son alto se mêlent ainsi au bugle ou à la trompette d’Alain Vankenhove pour exposer de nombreux thèmes à l’unisson, inventer ritournelle (Amie Nostalgie) et fanfare (Toxic Parasites), rendre hommage au blues des origines. Clarinette et trompette bouchée sont ainsi au programme d’un Mumble Blues hanté par Bubber Miley et le vétéran Clark Terry. Les morceaux, souvent des compositions à tiroirs, offrent de nombreux changements de tempo. Porté par une walking bass efficace, Are You Sure relève ainsi du bop jusqu’au chorus d’une trompette audacieuse qui marmonne et vient calmer le jeu. Dans Le jour d’après s’instaure une improvisation collective et dissonante. Le calme revient avec un long dialogue piano contrebasse, un thème mélancolique qui inspire les souffleurs. Car la réussite de ce disque tient aussi à ses mélodies, à celles magnifiques de Song for Paul Motian, sans doute la pièce la plus émouvante de l’album, et de L’insouciance, morceau élégant et lyrique fait pour les images d’un film rêveur.