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9 avril 2015 4 09 /04 /avril /2015 09:55

Nick Sanders ne joue décidemment pas du piano comme les autres. Il porte en lui une musique neuve qui ne cherche pas à plaire, mais s’impose d’elle-même aux oreilles averties. “You are a Creature”, son deuxième disque, apparaît encore plus fascinant et étrange que “Nameless Neighbors”, un des treize Chocs 2013 de ce BlogdeChoc. Il est bon de l’écouter attentivement, en assimiler le contenu constituant une singulière et passionnante aventure.

Nick SANDERS Trio : “You are a Creature” (Sunnyside / Naïve)

Nick Sanders a subi l’influence de Thelonious Monk et de Ran Blake dont il fut l’élève. Ses autres professeurs furent Jason Moran, Danilo Pérez et Fred Hersch qui a produit cet album, mais aussi le précédent. Comme lui, Sanders possède une culture harmonique très développée. S’il fait chanter des notes oniriques (celles de Room et de Carol’s Kid, un morceau en solo dont la modernité porte aussi le poids du passé), sa musique reste toutefois beaucoup plus abstraite et dissonante. Souvent des ritournelles (Round You Go), ses compositions évoquent celles d’Ornette Coleman dont il reprend ici The Blessing.

La quasi absence de mélodies « mélodieuses » (des thèmes que l’on peut aisément fredonner) n’empêche nullement des compositions structurées, soigneusement architecturées, les miniatures à tiroir du pianiste étant le fruit d’additions, de soustractions, de mises entre-parenthèses, de notes fantômes, la musique étant alors suggérée, contrebasse et batterie comblant les vides, remplissant les silences. Ce dernier instrument, Sanders l’a également pratiqué. Mais si son jeu de piano reste d’une grande précision rythmique, il prend de grandes libertés harmoniques, cultive les ruptures, les changements de tempos. Il ne débarque toutefois pas de Mars, planète que l’on souhaite aujourd’hui habiter. Originaire de la Nouvelle Orléans, il n’en dédaigne pas les traditions et possède une réelle culture du jazz. Il excelle d’ailleurs dans le stride et le démontre dans sa version de I Don’t Want to Set the World on Fire des Ink Spots que contient “Nameless Neighbors”.

En osmose avec son piano, Henry Fraser (contrebasse) et Connor Baker (batterie), ses condisciples au New England Conservatory of Music, ne se préoccupent pas des barres de mesure, mais adoptent une liberté métrique libérant son phrasé, sa main gauche souple et mobile (Keep on the Watch), la relation du soliste à sa rythmique, conversation intelligente entre trois musiciens, étant ici réellement fusionnelle. Utilisant beaucoup sa grosse caisse, le batteur phrase, module des sons souvent hors de tout battement régulier. Lorsqu’un rythme s’installe ce n’est jamais très longtemps. Celui de Let’s Start ralentit pour mieux repartir. Visité par l’ange du bizarre, You are the Creature bascule aussi dans le ternaire, le swing surgissant de façon inattendue au sein d’un discours musical aussi riche qu’imprévisible. Si comme moi, vous aimez être surpris par une musique qui sort des sentiers battus, échappe à une grille harmonique prévisible, à un encadrement rythmique régulier, un flux sonore qui se permet d’abandonner une tonalité définie pour innover avec cohérence et logique, ce disque est pour vous.

Nick SANDERS Trio : “You are a Creature” (Sunnyside / Naïve)
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25 mars 2015 3 25 /03 /mars /2015 09:08
Sébastien LOVATO : “Music Boox Vol.2” (ACEL / UMV)

Fils d’un professeur de philosophie et grand lecteur, le pianiste Sébastien Lovato signe avec “Music Boox Vol. 2” un nouvel album enchanteur. La lecture d’une description de Carthage dans “Salammbô” fut à l’origine d'un premier “Music Boox” en 2010. Le pianiste puise aussi son inspiration dans “Don Quichotte”, “Le Maître et Marguerite”, “L’Intrus”, “À Rebours”, “Dalva”, des chefs-d’œuvre dont le rythme des phrases, la musicalité des mots donnent naissance aux mélodies que Sébastien invente, arrange et met en forme. “Music Boox Vol.2” est également le fruit de ses lectures. Les auteurs aimés sont ici Franz Kafka, Marguerite Yourcenar, James Baldwin, Erri De Luca, Pierre Michon. Leurs livres inspirent un jazz fluide ancré dans la tradition du bop et du groove, une musique très structurée dont les belles couleurs se voient portées par une grande diversité de rythmes. Autour de Sébastien, au piano mais aussi au Fender Rhodes et à l’orgue Hammond, excellent à nouveau Marc Buronfosse à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie, déjà présents dans le premier “Music Boox”. Alexandra Grimal complétait le quartette aux saxophones. Elle cède sa place à Sébastien Texier qui, à l’alto ou à la clarinette, approche différemment la musique, lui donne du poids, de l’ampleur, tout en gardant intact son lyrisme. Le swing est au rendez-vous dès Montedidio, la première plage. Une rythmique très présente encadre une mélodie nostalgique. Sébastien Lovato réinvente Naples sous le soleil tiède de novembre. La clarinette de Sébastien Texier en traduit la douceur. Ragondins s’ancre davantage dans le bop. L’alto chante. Complice, le piano reprend le thème au vol, lui donne des ailes. Kafka oblige, Le Château est bien sûr un morceau plus grave. Marc Buronfosse l’introduit par un chorus de contrebasse avant de tenir un tempo immuable sur lequel se greffent d’autres improvisations. Au piano, Sébastien percute ses notes, introduit des accords sombres et dissonants, se révèle une fois encore un compositeur habile et inspiré. Écoutez Hadrian’s Dream, le dialogue piano clarinette qui l’introduit, le développement modal qui s’ensuit : la pureté d’un chant très simple ouvre la porte des rêves. “Music Boox” contenait une relecture inattendue de I Shot the Sheriff de Bob Marley. “Music Boox Vol. 2” renferme une version en trio de Little Wing (Jimi Hendrix) que Sébastien confie à son piano électrique, et un arrangement réjouissant d’Another Brick in the Wall, célèbre morceau de Roger Waters (Pink Floyd) qui, habilement jazzifié, conserve sa mélodie et garde intact son pouvoir attractif.

Parution le 30 mars. Accompagné par Sébastien Texier, Marc Buronfosse et Karl Januska, Sébastien Lovato fêtera la sortie de son album au Studio de l’Ermitage le jeudi 2 avril à 21h00.

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 09:15
John SURMAN / BERGEN BIG BAND : “Another Sky” (Grappa)

Parfois seul maître d’œuvre de ses disques (six enregistrements en solo pour ECM entre 1979 et 2009), John Surman aime aussi élargir sa musique au grand orchestre. Le Bergen Big Band lui en donne une nouvelle fois l’occasion. Créé en 1991, cette formation norvégienne a souvent invité des jazzmen étrangers à la rejoindre. En 2005, le saxophoniste enregistra un album avec elle, la chanteuse Karin Krogg participant à la séance. Remarqué par la presse, nominé aux « Spellemannprisen », l’équivalent de nos Victoires de la Musique, “Seagull” compte parmi les grandes réussites du BBB.

John SURMAN / BERGEN BIG BAND : “Another Sky” (Grappa)

Joué pour la première fois à Parme en 2011, “Another Sky”, une autre œuvre de commande, fut donné lors de nombreux concerts et festivals. Outre Surman (saxophones baryton et soprano), il réunit les vingt musiciens expérimentés du Bergen Big Band autour de son leader, le saxophoniste / flûtiste Olav Dale, décédé le 10 octobre 2014, un an après l’enregistrement de ce disque. Surman et John Warren, un vieux complice, en ont signé les arrangements. Warren apporte celui de Ruby My Dear, une composition de Thelonious Monk que Surman interprète au baryton. On lui doit aussi certains passages de Spending My Time. Ivar Kolve assure le solo de vibraphone, la partition, toujours confiée au baryton, déployant de splendides couleurs orchestrales.

Vibraphone, guitare et contrebasse entremêlant leurs notes rêveuses, le grave des trombones annonçant l’entrée de l’orchestre au sein duquel se détache la trompette de Martin Winter, Another Sky sonne comme une partition de Gil Evans, de nombreux instruments et plus particulièrement la section d’anches étant mis à contribution. C’est dans un avion, en approche d'Oslo par le sud-ouest que Surman eut l’idée de South-Western Approaches, composition dévolue à plusieurs solistes. La guitare d’Ole Thomsen se distingue dans Carpet Ride, une pièce initialement écrite pour le quartette du trompettiste Henry Lowther. Surman s’empare de ses motifs hispaniques pour l’introduire, la développer au soprano.

De sa musique émerge de nombreuses réminiscences de thèmes folkloriques. Confié aux deux ténors du BBB, Scare’Em Up qui conclut l’album est une vieille chanson anglaise. Surman est originaire du Devon et la lecture des romans de Thomas Hardy, originaire du Dorset, situé comme le Devon au sud-ouest de l’Angleterre, lui a souvent inspiré des compositions. Green Wood est un peu le pendant de Hilltop Dancer, un des thèmes de “Brewster’s Rooster”, un des albums ECM du saxophoniste. Olav Dale à l’alto et Dag Arnesen au piano évoquent lointainement ces danses villageoises dont Hardy parle souvent dans ses livres, dans “Under the Greenwood Tree” (“Sous la verte feuillée”) écrit en 1872. Grâce au talent d’un big band norvégien, la verte campagne anglaise se couvre de notes bleues, se met à l’heure du jazz moderne. Qui pouvait imaginer chose pareille ?

-Sortie de l'album le 24 mars (Grappa Records, Outhere Distribution).

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25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 09:00
Vijay IYER Trio : “Break Stuff” (ECM / Universal)

Après un album déconcertant avec des cordes entremêlées d’électronique, Vijay Iyer retrouve le trio qui l’accompagne depuis plus de onze ans. Stephen Crump (contrebasse) et Marcus Gilmore (batterie) lui ont déjà permis d’explorer de nombreux territoires sonores, de défricher d’autres métriques. Les réussites n’ont pas manqué, le novateur “Historicity” (2009) gardant ma préférence. Plus accessible, “Break Stuff” reste tout aussi surprenant. On est d’emblée déconcerté par la simplicité de Starlings qui ouvre le disque, mais aussi par Wrens qui renferme l’album. De même que Geese, ces pièces proviennent d’“Open City”, une collaboration entre Iyer et le romancier nigérien Teju Cole, une suite musicale consacrée aux oiseaux de New York. Réduction d’un travail conçu pour grand ensemble, ces morceaux très aérés laissent beaucoup d’espace au soliste. La section rythmique n’en reste pas moins active. On perçoit mieux son travail dans ces pièces lentes que teintent de belles couleurs harmoniques. Sur tempo rapide, le piano enregistré (ou mixé) trop en avant masque un peu la contrebasse et le jeu du batteur. Ce dernier parvient à rythmer les morceaux les plus complexes. Hommage au producteur et DJ Robert Hood figure culte de la scène techno de Detroit, Hood décoiffe par ses métriques impossibles et qui pourtant fonctionnent. J’ose dire que Marcus Gilmore est un as, sans doute le plus grand batteur de sa génération. Il semble ignorer les difficultés que pose Mystery Woman et son rythme de mridangam (tambour à deux faces de forme oblongue), une pièce s’inscrivant dans la tradition de la musique carnatique de l’Inde du Sud et qui fait partie d’une autre suite que le trio créa au Museum of Modern Art de New York. S’il introduit un rythme de reggae inattendu dans Taking Flight, la grande influence de Gilmore reste toutefois Brice Wassy, un batteur camerounais qui joua beaucoup avec Manu Dibango et fut le directeur musical de l’orchestre de Salif Keita. Des rythmes de l’Afrique de l’Ouest enrichissent une relecture fiévreuse de Countdown, un classique de John Coltrane. Le pianiste s’offre de longs voicings aux notes dissonantes, organise et transforme le morceau en lui donnant un autre groove. Il respecte bien davantage la musique de Thelonious Monk dans sa reprise étonnamment fidèle de Work, un des thèmes le plus étrange du pianiste. Dans ses disques, Vijay Iyer convoque ses modèles, et renouvèle son attachement à la tradition du jazz en réinventant Bud Powell, Cecil Taylor, Andrew Hill, Herbie Nichols et Duke Ellington. Outre des compositions de Monk et de Coltrane, “Break Stuff” contient Blood Count de Billy Strayhorn qu’il interprète en solo. Le musicien rigoureux se laisse aller à l’émotion, aère son jeu, semble écouter ses notes, comme s’il cherchait son inspiration au cœur même du piano.

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20 février 2015 5 20 /02 /février /2015 11:00

“Le Peuple des Silencieux” (DE WERF / dewerf.be)

Nathalie LORIERS / Tineke POSTMA / Philippe AERTS :

Dès qu’elle pose ses doigts sur le clavier, la magie opère. Question de toucher, de phrasé, d’imagination harmonique. De talent surtout, car faire naître une mélodie du silence n’est pas donné à tout le monde. Pianiste attitrée du Brussels Jazz Orchestra, l’un des meilleurs big band européen, Nathalie Loriers n’est pas seulement une pianiste expérimentée, la meilleure de Belgique, elle compose aussi des thèmes qui chantent, parlent au cœur et favorisent le swing. Son disque “Silent Spring” la fit découvrir au public français en 1999. Lauréate du Prix du Musicien Européen de l’Académie du Jazz l’année suivante, cette styliste élégante qui fait sonner puissamment des notes aux couleurs chatoyantes, ne donne que de rares concerts dans l’hexagone. Il ne faudrait pas pour autant ignorer cette artiste qui consacre beaucoup de temps à ses élèves et dont les albums peu nombreux nous sont infiniment précieux. Après “Les 3 petits singes” (2011), Nathalie cosigne avec ses musiciens son nouveau disque, l’enregistrement d’un concert de 2013 donné dans le cadre du Gaume Jazz Festival. Elle y rencontre la saxophoniste hollandaise Tineke Postma. Un rendez-vous heureux que Philippe Aerts, son fidèle bassiste, fait bien davantage qu’arbitrer. Il est la troisième voix mélodique d’un trio qui prend le temps d’improviser, exprime sa joie de jouer, d’inventer. Dédié à Charlie Haden, Le Peuple des silencieux contient un émouvant solo de contrebasse. Introduite par Tineke à l’alto, la pièce reste une des plus attachantes d’un disque au sein duquel les échanges, nombreux, débordent de naturel. Sa première plage, Canzoncina est ainsi bien différente de la version qu’en donne Nathalie dans son album précédent. Les mélodies portent des musiques nouvelles. Une imagination vive et fertile leur donne vie. Musicienne accomplie, Tineke fait chanter ses saxophones (alto et soprano), souffle de belles notes aériennes dialogue avec une pianiste qui écoute et fait respirer sa musique. Piano et saxophone entrecroisent leurs lignes mélodiques dans Lennie Knows, un hommage à Lennie Tristano. Nathalie l’a beaucoup écouté. En 1993, elle a enregistré avec Lee Konitz, son élève. L’album s’intitule “Discoveries”. Philippe y tient la contrebasse. Vingt ans plus tard, la sonorité ronde et boisée de son instrument accompagne deux musiciennes qui ont beaucoup à se dire et nous séduisent par leurs histoires.

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19 décembre 2014 5 19 /12 /décembre /2014 11:57
Disques : 13 Chocs pour les fêtes

2014 a-t-elle été une bonne année pour le jazz ? L’avenir le dira. Au sein d’une pléthore de nouveautés, de rééditions, quelques enregistrements sortent du lot. Mes goûts ne sont pas toujours ceux de mes collègues journalistes. Normal. Chacun réagit selon sa sensibilité, son expérience, sa culture. Depuis qu’existe ce blog, j’ai toujours privilégié les chroniques positives, évité de m’étendre sur des enregistrements que je ne n’apprécie pas. Si je préfère applaudir qu’éreinter, il m’est toutefois difficile de parler de tous les bons disques que je reçois. Il me vient quelques regrets au moment de décerner ces Chocs. Le manque de temps ne m’a pas encore permis de vous livrer certaines chroniques. Je pense à l’album “Autour de Nina” (Nina Simone), une réussite qui réunit dix chanteurs et chanteuses, à “Tiddy Boom” du saxophoniste Michael Blake. Il m’a fallu choisir et comme les années précédentes, quelques musiciens célèbres côtoient des inconnus qui sont tout aussi bons. Peu médiatisés, vous ne les verrez pas dans les grands festivals. Le blog de Choc se doit de les faire connaître à un public trop peu formé à la musique. Puissiez-vous avoir la curiosité de les écouter. Bonnes fêtes à tous et à toutes.

 

Onze nouveautés…

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Ambrose AKINMUSIRE : “The Imagined Savior Is Far Easier to Paint” (Blue Note / Universal).

Chronique dans le blog de Choc le 28 avril.

Plus abouti que les deux disques précédents du trompettiste, “The Imagined Savior Is Far Easier to Paint” (78 minutes de musique) témoigne du renouveau du jazz afro-américain. Dans The Beauty of Dissolving Portraits qui fait appel à un quatuor à cordes, Ambrose Akinmusire souffle de longues notes tenues. Ces mêmes cordes habillent Our Basement, morceau que chante magnifiquement Becca Stevens sur un accompagnement de pizzicatos discrets. Dans Ceaseless Inexhaustible Child, la trompette offre un écrin velouté à la voix de Cold Speaks. Arrangé et chanté par Theo Bleckmann, Asiam (Joan) est aussi une réussite. Sans posséder le même pouvoir de séduction, les autres pièces, instrumentales, fascinent par leur complexité rythmique. Musicien exigeant, Akinmusire confirme ici de multiples talents.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Franck AMSALLEM : “Sings Vol.II” (Fram Music Productions).

Chronique dans le blog de Choc le 19 septembre.

Enregistré en trio avec Sylvain Romano à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie, “Sings Vol. II” est plus réussi que “Amsallem Sings”, disque dans lequel Franck Amsallem chante et s’accompagne au piano. Franck connaît bien ces mélodies, les admire, en conserve la mémoire. Il les porte en lui depuis longtemps et en donne des versions sincères dans lesquelles il met beaucoup de lui-même. Phrasant comme un instrumentiste, le chanteur - pianiste interprète avec naturel et émotion des standards célèbres et des mélodies un peu oubliées ajoutant Paris Remains in my Heart, une de ses compositions, à cet opus. Il s’ouvre sur une magnifique version de Never Will I Marry, une chanson de Frank Loesser, se referme sur Two For the Road, un thème d’Henry Mancini, et nous offre cinquante-sept minutes de bonheur.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Ran BLAKE : “Cocktails at Dusk” (Impulse ! / Universal).

Chronique dans le blog de Choc le 18 novembre.

Sous titré “A Noir Tribute to Chris Connor” et produit par Jean-Philippe Allard (Universal), “Cocktails at Dusk” rassemble quelques thèmes du répertoire de la chanteuse. Des morceaux de Cole Porter (I Get a Kick of You), Rodgers & Hart (Why Can’t I), Lerner & Loewe (Almost Like Being in Love) que Ran Blake harmonise avec des notes aussi parcimonieuses qu’inattendues, des dissonances, de sombres accords, le pianiste affectionnant les graves du clavier. Publié sur le prestigieux label Impulse! aujourd’hui réactivé, ce disque n’est qu’en partie enregistré en solo. Ricky Ford qui fut son élève dialogue avec lui à deux reprises au saxophone ténor. Présente dans quatre morceaux, Laika Fatien rend leurs mélodies surnaturelles. Elle n’a peut-être jamais été si convaincante. Blake qui excelle à accompagner des chanteuses la met en confiance, son noir piano accentuant la sensualité de sa voix.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Stefano BOLLANI : “Joy In Spite of Everything” (ECM / Universal).

Chronique dans le blog de Choc le 13 octobre.

Le titre qui donne son titre à l’album et Alobar e Kudra, pièce dans laquelle Stefano Bollani, plein de ressources, révèle une technique et une sensibilité impressionnante, sont enregistrés en trio avec Jesper Bodilsen (contrebasse) et Morten Lund (batterie), la meilleure rythmique danoise. L’instrumentation diffère dans les autres morceaux. Teddy est un duo piano / guitare. Confié à Bill Frisell, l’instrument est également présent dans Ismene, une plage en quartette. Las Hortensias, une ballade mélancolique, profite au saxophone de Mark Turner. Frisell et lui tiennent une place importante dans les trois longues plages en quintette de cette séance new-yorkaise : Easy Healing, un calypso d’une grande finesse mélodique ; Vale qui séduit par ses notes inquiétantes, sa lente progression harmonique, et No Pope No Party, un thème relevant du bop dans lequel, au ténor, Turner se montre très inspiré.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Kris BOWERS : “Heroes + Misfits” (Concord / Universal).

Chronique dans le blog de Choc le 17 mars.

Arrangé avec soin, cet album, le premier que Kris Bowers enregistre sous son nom, fourmille de bonnes idées, de mélodies attachantes. Avec une équipe réduite, le re-recording permettant de doubler les voix de Chris Turner, José James et Julia Easterlin, les saxophones de Casey Benjamin et Kenneth Whalum, le pianiste trempe sa musique dans la soul et le hip hop et parvient à créer une bande-son aux climats variés et inattendus. Portées par une section rythmique qu’assurent Burniss Earl Travis II à la basse électrique et Jamire Williams à la batterie, ses compositions à tiroirs superposent les mélodies, changent fréquemment de rythmes et d’orchestrations et provoquent la surprise. Piano acoustique, Fender Rhodes, synthétiseurs, la guitare électrique d’Adam Agati branchée sur des pédales d’effets offrent une large palette de couleurs à un disque que Bowers recommande d’écouter fort. Le choc en est d’autant plus grand.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-André CECCARELLI / Jean-Michel PILC / Thomas BRAMERIE : “Twenty” (Bonsaï Music / Harmonia Mundi).

Chronique dans Jazz Magazine / Jazzman n°659 - mars (Choc)

“Twenty” scelle les 20 ans d’amitié de trois musiciens complices qui prennent un malin plaisir à désosser des standards pour les remettre à neuf. Jouant un piano ouvert au sein duquel clusters et dissonances tendent la main à des notes, à des accords qui font rêver, Jean-Michel Pilc assure le leadership d’un trio interactif. André Ceccarelli et Thomas Bramerie bousculent et façonnent avec lui un flux sonore mobile et changeant, apportent une tension bienvenue à la musique qui repose sur de vraies mélodies. Bénéficiant de leur exubérance rythmique, Pilc s’amuse, plaque des accords, porte la musique à ébullition. Il peut aussi se montrer lyrique et tendre. En témoignent sa version très lente de Ne me quitte pas, sa belle reprise de L’Auvergnat et ses propres compositions, des ballades sensibles jouées avec émotion.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Sinne EEG : “Face the Music” (Stunt / UnaVoltaMusic).

Chronique dans le blog de Choc le 19 septembre.

Célèbre au Danemark, Sinne Eeg maîtrise le scat, possède une voix très juste et compose d’excellentes chansons. Enregistré sur trois jours à Copenhague, “Face the Music”, son septième album, est aussi réussi que “Don’t Be So Blue” chroniqué dans ce blog. Accompagnée par Jacob Christoffersen (piano), Morten Ramsbøl (contrebasse) et Moorten Lund (batterie), musiciens que rejoignent quelques invités, elle chante des standards et ses propres morceaux. Son rythme est parfait dans I Draw a Circle qui réserve un chorus de bugle. Crowded Heart, une ballade, bénéficie de son scat, de même que What a Little Moonlight Can Do qui ouvre l’album, la batterie seule rythmant sa voix. La contrebasse de Thomas Fonnesback est parfois seule à accompagner la chanteuse qui affectionne les morceaux de bravoure et ne craint pas prendre des risques.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Rodney KENDRICK : “The Colors of Rhythm” (Impulse ! / Universal).

Chronique dans le blog de Choc le 13 décembre.

Après un long silence discographique – quatre albums pour Verve entre 1994 et 1997 et quelques rares opus sous son nom –, Rodney Kendrick se rappelle à nous avec ce nouvel enregistrement en trio pour Impulse! Constitué pour moitié de standards, il fait entendre un piano orchestral aux couleurs riches et séduisantes, aux lignes de basse puissantes, Randy Weston et Thelonious Monk étant les principales influences d’un pianiste affectionnant ruptures et dissonances. La pièce maitresse du recueil est une version de Round Midnight qui ne ressemble à aucune autre. Celles d’Honeysuckle Rose, Body & Soul et Caravan sont tout aussi neuves et enthousiasmantes. Marquées par le blues, portées par une section rythmique superlative – Curtis Lundy à la contrebasse et Cindy Blackman à la batterie –, les compositions aux mélodies évidentes du pianiste sont tout aussi passionnantes. Un grand disque inattendu !

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Gilles NATUREL : “Contrapuntic Jazz Band “Act 2” (Space Time / Socadisc).

Chronique dans Jazz Magazine / Jazzman n°666 - octobre (Choc)

Second disque du Contrapuntic Jazz Band qu’anime Gilles Naturel, cet “Act 2” apparaît beaucoup plus fluide, varié et réussi que le premier, davantage inspiré par le jazz West Coast des années 50. Les morceaux qu’il contient offrent une plus large place aux solistes et aux improvisations collectives, le nouveau batteur, Donald Kontomanou, apportant une plus grande liberté rythmique à la musique. Hormis ce remplacement, la formation reste la même avec toutefois la présence du saxophoniste Lenny Popkins dans I Surender Dear. Excellent bassiste, Naturel séduit par l’intelligence de ses compositions et la finesse de ses arrangements. Entre le jazz et la musique contemporaine, Carême à Belleville enthousiasme par sa modernité. Quant aux standards, ils subissent un sérieux lifting, tant The Duke que The Very Thought of You, sans oublier une reprise de Jitterbug Waltz qui n’oublie pas de swinguer.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Greg REITAN : “Post no Bills” (Sunnyside / Naïve).

Chronique dans le blog de Choc le 21 novembre.

Quatrième album de Greg Reitan pour Sunnyside, “Post no Bills” est probablement son meilleur. Ne nous ayant encore jamais rendu visite, Reitan reste toutefois largement méconnu en France. Travaillant à Los Angeles pour le cinéma et la télévision, influencé par Bill Evans et Keith Jarrett (sa reprise de The Mourning of a Star), il est aussi un pianiste de jazz au toucher fin et délicat, un virtuose qui peut jouer beaucoup de notes, mais préfère les laisser respirer. Le même trio l’accompagne dans tous ses disques. Jack Daro à la contrebasse et Dean Koba à la batterie assurent la section rythmique qui convient à sa musique, du jazz moderne aux belles couleurs harmoniques qui témoigne d’une réelle esthétique. Quelques morceaux sont ici de sa plume mais il préfère reprendre des standards, en proposer des versions nouvelles et raffinées. Mélodiste, il aime faire chanter des notes exquises à son piano. Bien construites, ses improvisations sont des histoires que l’on suit avec beaucoup d’intérêt.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Marcin WASILEWSKI Trio w/Joakim MILDER : “Spark of Life” (ECM / Universal). Chronique dans Jazz Magazine / Jazzman n°668 – décembre / janvier (Choc)

Quatrième album ECM de Marcin Wasilewski qui invite Joakim Milder à rejoindre Slawomir Kurkiewicz à la contrebasse et Michal Miskiewicz à la batterie, musiciens qui l’entourent depuis 1993. Le nouveau venu, le pianiste l’a découvert sur “Litania”, un disque de Tomasz Stanko consacré à la musique de Krzysztof Komeda. Saxophoniste au son plein et large attaché à la ligne mélodique qu’il nuance, passant de la puissance à une sonorité douce et feutrée, il fait entendre son ténor dans cinq des onze plages de cet album, l’une d’entre-elles étant une nouvelle version de Sleep Safe and Warm, le thème du film “Rosemary’s Baby” composé par Komeda. Outre des originaux de Wasilewski, des mélodies très simples au service d’un jazz souvent modal et impressionniste, ce disque contient des reprises enivrantes de Message in the Bottle, le grand tube du groupe Police, et d’Actual Proof, composition d’Herbie Hancock que jouent les Head Hunters dans leur deuxième album.

… et deux inédits :

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Paul BLEY : “Play Blue” (ECM / Universal).

Chronique dans le blog de Choc le 22 avril.

Paul Bley, 82 ans cette année, se rappelle à nous dans un piano solo enregistré en 2008 à Oslo. Jouer en solo stimule son imagination. Ses doigts parfois le trahissent mais les imperfections de sa musique en font ressortir la poésie. Il aime inventer, improviser, frappe ses notes comme des tambours, les bouscule et les rythme. Le morceau s’intitule Far North et de cette répétition martelée surgit une délicieuse mélodie. Il abandonne le thème, y revient, pose des notes rêveuses et tendres, d’autres plus noires et agressives. L’orage ne dure jamais longtemps. Way Down South Suite en témoigne. Après cinq minutes et vingt secondes de dissonances et d’accords tumultueux le piano chante le blues avec force lyrisme. Pent-Up House de Sonny Rollins conclut le concert : Paul Bley le déconstruit, le réinvente. On se laisse emporter dans un tourbillon de notes qui font perdre la tête.

Disques : 13 Chocs pour les fêtes

-Denny ZEITLIN : “Stairway to the Stars” (Sunnyside / Naïve).

Chronique dans le blog de Choc le 20 octobre.

La longue carrière de Denny Zeitlin est jalonnée de disques que tout amateur de jazz se doit de posséder. Enregistré en 2001 au Jazz Bakery, un club de Culver City, “Stairway to the Stars” s’ajoute à cette liste. Cette année-là, le pianiste, 63 ans, effectua une tournée sur la Côte Ouest des Etats-Unis avec Buster Williams à la contrebasse et Matt Wilson à la batterie. C’est donc en trio, que ce concert a été enregistré. Si Out of a Stroll, un blues en mineur, sa seule contribution au répertoire, balance diablement bien, Zeitlin préfère reprendre des standards, harmoniser à sa façon des vieux thèmes des années 30 (I’ll Take Romance, Spring Is Here) et 40 (You Don’t Know What Love Is, There Will Never Be Another You), se promener avec ses musiciens dans des thèmes qui les inspirent pour nous en livrer des versions élégantes et neuves qu’il sait rendre intemporelles.

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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 10:20
Rodney KENDRICK : “The Colors of Rhythm” (Impulse !/Universal)

Longtemps directeur musical et pianiste de la regrettée Abbey Lincoln, Rodney Kendrick enregistra quatre albums sous son nom entre 1994 et 1997, les saxophonistes Houston Person, Arthur Blythe et Dewey Redman lui donnant la réplique. Mais c’est surtout avec “We Don’t Die We Multiply”, enregistré en trio, que l’élève de Barry Harris dévoila pleinement la singularité de son piano influencé par Randy Weston et Thelonious Monk. Jean-Philippe Allard qui produisit le disque en 1997 pour Universal, fait aujourd’hui paraître “The Colors of Rhythm” sur le label Impulse! Également en trio, constitué pour moitié de standards, il fait entendre un piano orchestral aux couleurs riches et séduisantes, aux lignes de basse puissantes. La pièce maitresse de ce recueil est une version onirique et élégante de Round Midnight. Héritant d’un tempo lent, Caravan apparaît tout aussi neuf. Cultivant les dissonances, les décalages, Rodney Kendrick en masque longuement le thème. Ses reprises d’un Honeysuckle Rose joué à la Monk, d’un Body & Soul très blues et très bleu, fourmillent aussi de dissonances. Les lignes mélodiques et rythmiques que joue Curtis Lundy à la contrebasse conviennent idéalement au piano. A la batterie, Cindy Blackman rythme les morceaux avec souplesse et dynamique, grosse caisse, toms et cymbales leur donnant une réelle épaisseur, surtout dans Aminata écrit par Kendrick. Ancrées dans le blues – Remembering en est profondément marqué –, ses compositions enthousiasment par leurs mélodies évidentes, leurs métriques ternaires et régulières apportant une cohérence aux nombreuses ruptures qu’affectionne le pianiste.

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27 novembre 2014 4 27 /11 /novembre /2014 09:19
Jerry LÉONIDE : “The Key” (ACT / Harmonia Mundi)

Je ne savais rien de Jerry Léonide avant qu’un attaché de presse avisé (merci Sébastien) me fasse parvenir cet album, le premier qu’il enregistre en dehors de Maurice, son île natale. Il y est né en 1984 et vit en France depuis 11ans. Enregistré au Studio de Meudon grâce au soutien financier de la Montreux Jazz Artists Foundation, “The Key”, l’une des belles découvertes de cette année qui s’achève, révèle un pianiste virtuose en pleine possession de ses moyens. Loin d’exhiber sa technique, Léonide assure la primauté du discours musical, impose des rythmes et mélodies qu’il porte en lui depuis sa jeunesse. Longue fut la gestation de cet album, voyage au sein de l’africanité de Maurice et qui réunit avec bonheur jazz et séga, la danse traditionnelle de l’île, mais aussi une musique jouée à toutes les fêtes. Musique des esclaves africains conduits à Maurice pour travailler dans les plantations, le séga subit au XIXe l’influence des quadrilles que dansaient les Français et leurs familles. Léonide nous la propose sous une forme moderne et jazzifiée. Confié au mauricien Jhonny Joseph qui apporte une grande variété de rythmes, la batterie remplace ainsi la ravane, tambour taillé dans du bois de goyave et recouvert de peau de chèvre. Un autre mauricien, Gino Chantoiseau, assure brillamment la contrebasse et Linley Marthe, lui aussi originaire de l’île, musicien qui fut l’un des premiers que le pianiste rencontra lorsqu’il arriva à Paris, tient la basse électrique dans Rue de Paris, le disque réunissant de nombreux invités. La formation de base, un quintette, comprend Sylvain Gontard au bugle et Vincent Lê Quang au saxophone soprano. Souvent joués à l’unisson, leurs instruments exposent les thèmes et s’offrent des improvisations qui s’inscrivent dans la tradition du jazz. Près d’eux, le piano ornemente, dialogue, improvise et parvient à placer d’élégants voicings, de chaudes couleurs harmoniques sur des vraies mélodies qui vous trottent dans la tête. Jerry Léonide les fait également chanter par des voix. Fannie Klein assure les chœurs dans Dodo Baba et Black River Road, morceau également confié à la voix chaude et colorée de Woz Kaly, chanteur sénégalais né à Dakar qui renforce l’africanité de la pièce. Ne manquez pas ce disque : un magnifique pianiste porte et révèle un florilège de compositions solaires et inspirées.

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21 novembre 2014 5 21 /11 /novembre /2014 09:00
Greg REITAN : “Post No Bills” (Sunnyside / Naïve)

Quatrième album sous son nom pour Greg Reitan, un compositeur travaillant à Los Angeles pour le cinéma et la télévision, mais aussi un pianiste de jazz au toucher fin et délicat, un virtuose qui peut jouer beaucoup de notes, mais préfère bien les choisir, leur donner saveur et beauté. “Post No Bills” est son quatrième album pour Sunnyside et depuis l’enregistrement de “Some Other Time“ en 2008, son premier, le même trio l’accompagne. Jack Daro à la contrebasse et Dean Koba à la batterie assurent la parfaite section rythmique qui convient à sa musique, du jazz moderne de facture classique qui sans réellement innover, affiche de belles couleurs harmoniques et témoigne d’une réelle esthétique. Elève du compositeur David Raskin, Greg pourrait très bien remplir ses disques de ses propres compositions. Il préfère jouer des standards, en proposer des versions nouvelles et raffinées. Outre l’incontournable Bill Evans dont il interprète Re : Person I Knew et Blue in Green dans ses disques précédents, une de ses autres influences est bien sûr Keith Jarrett dont il reprend avec bonheur The Mourning of a Star en ouverture de ce nouvel album, Greg affectionnant des mélodies qui lui permettent de raconter des histoires, et les rendre sensibles. Sa relecture de One Day I’ll Fly Away, un thème que Joe Sample et Will Jennings écrivirent pour la chanteuse Randy Crawford témoigne d’une grande invention mélodique. En osmose avec sa rythmique, Greg fait chanter des notes exquises à son piano. Il fait de même dans Lonely Woman (celui d’Horace Silver), After the War, une ballade que Denny Zeitlin enregistra en trio pour Columbia en 1965, et I Loves You, Porgy de Gershwin dont il nous offre une version lumineuse. Le mélodiste dont la main droite brode de jolies notes perlées maîtrise parfaitement le bop et son vocabulaire et s’offre quelques plages plus virtuoses. On y relève alors sa capacité à construire son discours, à le mener à terme avec invention et logique. Même à grande vitesse, notamment dans Windows (Chick Corea), Stella By Starlight et Post No Bills une de ses trois compositions, le pianiste laisse ses notes respirer. Puisse-t-il visiter Paris. Nous l’attendons impatiemment.

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18 novembre 2014 2 18 /11 /novembre /2014 10:26
Ran BLAKE : “Cocktails at Dusk” (Impulse ! / Universal)

« J’ai toujours eu du mal à trouver les mots pour plaider la cause de Chris Connor qui n’est pas populaire. Il est difficile de défendre un artiste peu connu » déclarait il y a quelques mois Ran Blake à Thierry Quenum de Jazz Magazine / Jazzman. Le pianiste a pourtant trouvé le moyen de rendre hommage à la chanteuse par sa musique et les notes de livret de la pochette de son disque. Sous titré “A Noir Tribute to Chris Connor”, il vient de paraître sur le label Impulse ! réactivé grâce à Jean-Philippe Allard d’Universal qui a produit l’album et organisé la séance, invitant Ricky Ford à rejoindre son vieux professeur. Le saxophoniste fut son élève au New England Conservatory de Boston. Il dialogue avec lui à deux reprises, son ténor parvenant sans peine à s’immiscer dans l’univers si particulier de Blake. Ce dernier affectionne les graves du clavier, les dissonances, les films noirs, plaque de sombres accords et laisse le silence habiter sa musique. Il a consacré plusieurs opus à des relectures de musiques de films. Enregistré avec Jeanne Lee en 1961, “The Newest Sound Around” fait toujours sensation. Eleni Odoni, puis plus récemment Sara Serpa et Christine Correa ont travaillé avec le pianiste qui excelle à accompagner des chanteuses. Loin d’enfermer leurs voix, Blake avec peu de notes les met en confiance. Avec lui, elles se donnent, se révèlent. La noirceur du piano accentue leur aspect sensuel, donne du relief, du mystère à leur timbre. Chris Connor et Ran Blake enregistrèrent un titre en 1978, mais Blake joua après elle sa partie de piano, son accompagnement très libre dérangeant la chanteuse. Présente dans quatre morceaux de ce “Cocktails at Dusk”, Laika Fatien s’en est parfaitement accommodée et n’a peut-être jamais été si convaincante et émouvante qu’avec ce piano si singulier. Épousant les mélodies, elle les rend même surnaturelles. Vertigineux Mr. Vertigo, Blake y ajoute de judicieux accords adamantins, des notes aussi parcimonieuses qu’inattendues. Harmonisé à neuf et repensé en profondeur par un pianiste qui ne ressemble à aucun autre, le répertoire de Chris Connor – des standards signés Cole Porter (I Get a Kick of You), Rodgers & Hart (Why Can’t I), Lerner & Loewe (Almost Like Being in Love) –, en sort complètement rénové.

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