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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 11:08

Fay-Claassen-Sing---cover.jpgOn la connaît encore mal en France bien qu’elle soit l’une des trois voix de l’album de David Linx “One Heart, Three Voices”, celle de Maria Pia De Vito complétant la formation. Avec cinq albums à son actif (“Sing !” est le sixième) et déjà une longue carrière derrière elle, Fay Claassen est considérée à juste titre comme la meilleure chanteuse de jazz des Pays-Bas. Elle a d’ailleurs récemment obtenu un Edison Award, la plus importante récompense de son pays, l’équivalent d’un Grammy Award américain. Après avoir chanté Chet Baker et Cole Porter, cette ancienne élève de Rachel Gould s’offre l’un des meilleurs orchestres de jazz européen, le WDR Big Band de Cologne, placé sous la direction de Michael Abene. Ce n’est pas la première fois que Fay joint sa voix à une masse orchestrale imposante. Elle a donné des concerts avec les jazzmen du Concertgebouw d’Amsterdam, le Danish Radio Big Band, le Metropole Orchestra et a déjà travaillé avec Michael Abene, lui confiant le soin d’arranger “Red, Hot & Blue”, son disque précédent. Abene possède un grand sens des volumes. Les sections de l’orchestre mêlent harmonieusement leurs timbres, constituent des bouquets sonores d’une grande variété de couleurs, chaque morceau possédant ainsi son propre caractère. Les flûtes occupent une place importante dans Umhome. Leurs riffs répondent à la voix dans Is You Is Or Is You Ain’t My Baby, un thème de Louis Jordan que reprit Dinah Washington. A Good Man is Hard to Find, un vieux blues de Bessie Smith qui donna son titre à une célèbre nouvelle de Flannery O’Connor, privilégie le trombone. Les cordes enveloppent Throw it Away, une guitare placée au premier plan renforçant l’aspect folk de cette ballade d’Abbey Lincoln. Car Fay Claassen est une interprète qui s’ouvre à un répertoire très varié. Outre des standards, elle chante Antonio Carlos Jobim (en portuguais !), Miriam Makeba, Joni Mitchell et Björk, son Cover me héritant d’une partition hantée par des cordes et des dissonances, une musique illustrative que l’on verrait bien accompagner des images. Dans Be Cool, la voix swingue, rythme de manière très naturelle les paroles de la chanson de Joni Mitchell. Fay les remplace par des onomatopées dans Umhome de Miriam Makeba. La parfaite mise en place de sa voix un peu voilée lui permet de constamment survoler l’orchestre, de dialoguer rythmiquement avec lui. Ses scats particulièrement inventifs dans Tight, Is You Is Or Is You Ain’t My Baby et l’inusable Tea for Two traduisent son formidable métier. Sa version émouvante d’Everything Must Change révèle sa sensibilité. Auprès d’elle, les musiciens de l’orchestre se répartissent les chorus. Leurs noms ne vous diront rien. Vous les trouverez sur la pochette de ce CD fort réjouissant.

 

Au sein d’un quartette comprenant Olaf Polziehn au piano, Christophe Walemme à la contrebasse et Stéphane Huchard à la batterie, Fay Claassen présentera son album le 30 mars à 19h30 dans le Grand Foyer du théâtre du Châtelet. Entrée gratuite dans la mesure des places disponibles. Un second concert est prévu le 31 mars à 21 heures au Sunside.

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21 mars 2011 1 21 /03 /mars /2011 09:33

Ph.-Pilon--cover.jpgDans les notes de livret qu’il a tenu à rédiger lui-même, Philippe Pilon avoue avoir pris tout son temps pour préparer ce disque, son premier. Il souhaitait y apporter ses propres compositions, en peaufiner les arrangements pour que son album ne soit pas un simple objet de consommation parmi tant d’autres albums oubliables. Philippe a eu bien raison, car il se distingue immédiatement des autres par un swing jubilatoire qui manque à de nombreuses productions actuelles. Non qu’il faille nécessairement associer au jazz le balancement de la syncope - certains disques de jazz moderne ne swinguent pas ce qui ne les empêche pas d’être excellents - , mais à une époque de confusion des genres, l’emploi de cette pulsation souple et (re)bondissante abusivement associée au seul jazz classique (il en marqua certes l’histoire), procure un plaisir indicible. Etrange parcours que celui de ce saxophoniste qui, après une adolescence consacrée au rock, au ska et au reggae, découvre à 18 ans le jazz de Lester Young, avec A Ghost of a Chance - « un choc profond » - qu’il ne pouvait manquer inclure dans son répertoire. Le saxophone, Philippe Pilon le pratique dès sa jeunesse. Il a huit ans lorsqu’il choisit de l’étudier, commence par l’alto puis adopte le ténor. Il enseigne aujourd’hui l’instrument dans différentes écoles et conservatoires et en milieu scolaire. Ce disque a d’ailleurs été enregistré dans le théâtre du centre culturel Athénée de Rueil-Malmaison. Philippe y donne des cours depuis 1997 et s’y sent parfaitement à l’aise. La musique de “Take It Easy” témoigne de cet état d’esprit. Le saxophoniste l’aborde avec douceur et décontraction. Ses phrases élégantes et souples s’attachent à l’esthétique. Hantées par le blues, ses improvisations mélodiques en profitent. Dans son texte, Philippe révèle que ses idées musicales lui viennent en marchant. Il chante et rythme de ses pas les mélodies qu’il invente, trouvant ainsi pour elles le meilleur tempo possible. Avec Pierre Christophe au piano, Raphaël Dever à la contrebasse et Guillaume Nouaux à la batterie, il dispose d’un excellent quartette que complètent dans certaines plages les trompettistes Julien Alour et Jérôme Etcheberry. De bons compagnons de jeu, l’aspect ludique de la musique recouvrant d’un voile pudique les difficultés techniques rencontrées. Le thème qui donne son nom à cet enregistrement est un riff inspiré par un solo de Lester. Egalement composé par Philippe, Sulkin’ se base sur les harmonies de Honeysuckle Rose. Le tempo est vif dans Never too Late et les chorus fiévreux se succèdent jusqu’à la coda. La belle trompette de Julien Alour expose le thème à l’unisson du ténor puis le laisse s’envoler. Celle plus classique de Jérôme Etcheberry s’invite dans trois autres morceaux. Marqué par le blues, Ghost Town et son thème aérien bénéficient d’une walking bass efficace et d’un piano inventif. L’Elfe, calypso au swing irrésistible, donne réellement envie de danser. Musicien caméléon, Pierre Christophe maîtrise blockchords et jeu en single notes, joue aussi bien un piano modal que du blues et du bop et fait merveille dans cette séance. Outre A Ghost of A Chance, superbe ballade qu’interpréta Lester et que chantèrent aussi Billie Holiday et Ella Fitzgerald, ce disque renferme I Found A New Baby et Blue Turning Grey Over You, standards que l’amateur de jazz affectionne. Il permet de découvrir les compositions et le chant d’un saxophoniste que l’on aurait tort d’ignorer.   

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9 mars 2011 3 09 /03 /mars /2011 09:05

Brad-Mehldau---Live-in-Marciac--cover.jpgPas très belle la pochette : une image floue de Brad Mehldau au piano extrait du DVD qui accompagne les deux disques audio. Le son est par contre d’une excellente qualité. On est même surpris d’entendre si peu de réverbération, l’immense chapiteau abritant les concerts de Marciac n’offrant pas une bonne condition d’écoute. Ce n’est évidemment pas par hasard que le pianiste a choisi de publier celui qu’il y donna le 2 août 2006. Troisième enregistrement de Brad en solo après “Elegiac Cycle”  (1999) et “Live in Tokyo” (2003), c’est le premier dont nous avons des images. Sur le plan sonore, le DVD a même davantage de dynamique. Malgré des zooms bien inutiles, on peut y suivre les mains du pianiste se promener sur le clavier, visualiser le choix de ses notes. Ceux qui le souhaitent peuvent visionner les portées musicales de Resignation en même temps qu’écouter la musique. Loin de choisir le confort de se répéter, Brad la réinvente sans cesse. Une bonne partie de son répertoire nous est familier, mais le pianiste en renouvelle les improvisations, les dote d’une rigoureuse architecture sonore qui leur donne un aspect achevé. Son sens de la forme lui permet d’organiser ses nombreuses idées mélodiques et rythmiques. Loin d’être un simple échauffement virtuose, Storm qui ouvre l’album sert d’introduction à It’s All Right with Me de Cole Porter. Le tempo est vif. Brad croise ses mains, fait sonner ses graves et tient deux discours parallèles d’une rare logique sans jamais hésiter. Son piano est une section rythmique présente dans chacune de ses phrases. Le poids qu’il donne à ses basses profite à Secret Love, l’une des ballades d’un concert privilégiant feux d’artifices de notes et improvisations méphistophéliques aux rythmes échevelés. Unrequited fait référence à Bach. Brad pratique l‘art de la fugue. Ses deux mains conversent, les graves répondent au discours mélodique d’une main droite exubérante. Trois morceaux proviennent de “Elegiac Cycle”. Resignation et Trailor Park Ghost mettent en avant la précision métronomique du jeu de Mehldau. Le tempo reste très soutenu dans la première partie du premier, une pièce à tiroirs dont le mouvement central et la coda sont particulièrement lyriques. La prise de risque est toutefois plus importante dans l’improvisation qu’il greffe sur le second, une composition dans laquelle le thème s’estompe et se dilue dans des myriades de notes. Provenant également d’“Elegiac Cycle”, Goodbye Storyteller possède une mélodie poignante. Il s’achève par un long martèlement dans les graves qui sert d’introduction à Exit Music (for a film), morceau de Radiohead, vaste ostinato de notes martelées qui apportent l’hypnose. Brad aime la musique de Nick Drake, l’auteur de River Man et de Things Behind the Sun souvent intégrés à son répertoire. Ce dernier thème hérite d’une longue introduction et d’un rythme plus rapide que dans “Live in Tokyo”. Lilac Wine, une autre ballade, bénéficie des structures du blues. Le pianiste s’attache à faire respirer ses notes qu’il choisit délicates et tendres. Pas moins de trois rappels pour Brad Mehldau à Marciac, le troisième, une reprise de Dat Dere (Bobby Timmons) n’existant qu’en version audio. Martha My Dear, l’une des nombreuses compositions de Lennon/McCartney que le pianiste affectionne, a été enregistré en solo dans “Day is Done”, un disque de 2005. Le tempo est sensiblement le même, mais l’improvisation complètement différente. Réharmonisé de manière subtile, My Favorite Thing témoigne de la tendresse particulière que Brad éprouve pour John Coltrane dont il a longuement analysé la musique. Il en propose une version calme et apaisée, son léger balancement de valse lui donnant beaucoup de charme.                       

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27 février 2011 7 27 /02 /février /2011 09:53

Laika-Fatien--cover.jpgLaïka Fatien prend tout son temps pour peaufiner ses albums. Elle a étudié la musique, apprit à chanter le jazz au CIM et à l’IACP, se lançant dans l’aventure au sein du grand orchestre de Claude Bolling. Parallèlement à sa carrière de musicienne et aux trois disques qu’elle a enregistrés sous son nom, Laïka est une comédienne qui a fait ses classes au Théâtre de Chaillot et à la Cartoucherie. Ses deux activités se rejoignent lorsqu’elle trouve à s’exprimer dans des comédies musicales (“A Drum is a Woman“ de Duke Ellington et Orson Welles en 1996) ou lorsqu’elle est Celestina del Sol dans “La tectonique des nuages”, l’opéra jazz de Laurent Cugny qu’elle chante en français et en espagnol, sa langue maternelle – elle est née d’un père ivoirien et d’une mère hispano-marocaine. Dans ses propres disques, elle utilise l’anglais, la langue du jazz et du swing. Elle admire beaucoup Carmen McRae et Billie Holiday dont elle revisite le répertoire dans son second opus, mais ne cherche à imiter personne. Menue et gracieuse comme une danseuse étoile, Laïka parvient à rester elle-même, la relecture des standards qu’elle reprend bénéficiant de sa voix chaude et douce, la chanteuse privilégiant la justesse et la sincérité au maniérisme et aux effets de style. Dans “Nebula”, elle pose ses propres paroles sur des instrumentaux, des musiques de Wayne Shorter (Lost) et Joe Henderson (Black Narcissus), mais aussi sur Isle of Java morceau du saxophoniste Tina Brooks que Jackie McLean interprète avec lui en sextette dans “Jackie’s Bag”. Cet album Blue Note contient Appointment in Ghana, composé par McLean. Laïka le reprend sous le titre de Watch Your Back (attention derrière toi). Rebaptisé Matrix, Think of One de Thelonious Monk hérite d’un arrangement étonnant. Un tempo funky décalé, des rythmes asymétriques accompagnent la voix, la mélodie étant confiée à la guitare de Chris Bruce. L’instrument tient une place essentielle et donne un aspect folk aux ballades, à Imagination notamment (musique de Jimmy Van Heusen, paroles de Johnny Burke. Ella Fitzgerald et Nat “King” Cole en popularisèrent le thème). Laïka chante aussi Stevie Wonder et nous livre une émouvante version de Visions. Meshell Ndegeocello y assure la basse. On lui doit surtout les arrangements très soignés de l’album, un parfait écrin sonore pour la chanteuse qui fait passer ses sentiments dans sa voix, habite ses morceaux, nous les murmure au creux de l’oreille. Ici, le jazz et la soul music se tendent la main, les barrières musicales tombent d’elles-mêmes. Björk et Villa-Lobos se rencontrent. Dans ce disque aux orchestrations très variées, les souffleurs occupent peu de place. Il n’y a pas de saxophone dans Black Narcissus. Claviers électriques et guitare compensent son absence. Oliver Lake (saxophone alto) et Joshua Roseman (trombone) abordent à l’unisson le thème riff d’Isle of Java (rebaptisé Essence) et se répartissent les chorus. Dans Appointment in Ghana, le trombone pose en premier les couleurs du morceau ; l’alto répond à la voix ; la guitare s’associe aux percussions. Le morceau a quelque chose d’évanescent, de nébuleux, comme si la musique surgissait au plus profond d’un rêve.

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18 février 2011 5 18 /02 /février /2011 11:40

Touchofevilquinlan.jpg                                                                                        Orson Welles (Quinlan) dans “Touch of Evil” (“La Soif du mal”)

 

S. Oliva - Film Noir, coverEmpruntant autant aux drames psychologiques qu’aux films de gangsters, le film noir parle à Stéphan Oliva. Son piano économe en traduit les nuances les plus sombres. Dans “Jazz’n (e)motion“ (1997), Stéphan reprend “Touch of Evil” (“La Soif du mal”) qu’il revisite aujourd’hui, mais aussi “Vertigo” (“Sueurs froides”) de Bernard Herrmann. Après avoir convoqué les fantômes de ce dernier dans deux albums, le pianiste consacre un disque entier au genre, transpose sur son clavier les ombres du noir et blanc, les couleurs parcimonieuses de son jeu crépusculaire ne les faisant que mieux ressortir. Terrain d’élection de cinéastes « émigrés » (Robert Siodmak, Fritz Lang, Otto Preminger et Billy Wilder sont autrichiens et allemands), confié à des chefs opérateurs au talent exceptionnel (le hongrois John Alton pour n’en citer qu’un), le film noir connut son âge d’or en Amérique dans les années 40 et 50. Dix des treize longs-métrages qu’évoque cet album datent de cette période. Oliva inclut aussi dans son programme deux films en couleurs plus tardifs, “The Long Goodbye” (“Le Privé”) et “Der Amerikanische Freund” (“L’Ami américain”). Un medley consacré à Akira Kurosawa complète ces bandes-son qu’Oliva arrange, transforme et s’approprie. Il a vu chaque film plusieurs fois pour en relever les partitions, coupe, effectue un véritable travail de remontage des thèmes ou des séquences musicales qu’il reprend. Une utilisation fréquente de la pédale forte lui permet de prolonger la résonance des notes, la vibration des cordes, d’augmenter la noirceur des accords qu’il plaque dans les graves du clavier. Le pianiste ne reprend pas nécessairement les génériques des films. Il développe des thèmes secondaires, des passages illustratifs. On suit ainsi la descente de la rivière effectuée par John et Pearl, les deux enfants que poursuit Robert Mitchum dans “Night of the Hunter” (“La Nuit du chasseur”). Le martèlement des basses qui débute le morceau est le cri de rage de ce dernier voyant que ses proies lui échappent. Stanley Kubrick n’a pas mis de musique sur le générique de “The Killer’s Kiss” (“ Le Baiser du Tueur” ). Elle survient un peu plus tard, avec l’apparition de Gloria (Irene Kane) dans son appartement, et accompagne de nombreuses scènes du film. Stéphan Oliva en a beaucoup ralenti le rythme. Il détache toutes les notes du thème et parvient à les faire magnifiquement sonner. On entre dans ce recueil avec la musique que John Lewis écrivit pour “Odds Against Tomorrow” (“Le Coup de l’escalier”). Stéphan conserve certaines notes bleues que joue Bill Evans dans la bande-son originale. Avec “Force of Evil” (“L’Enfer de la corruption”) et “The Asphalt Jungle” (“Quand la ville dort”) les climats s’assombrissent. Dans le premier, le piano, abstrait et dissonant restreint sa palette de couleurs. Normal, la société que dénonce Abraham Polonsky dans son film est entièrement corrompue. Une métaphore de l’Amérique et du monde des affaires. Cette angoisse que le pianiste exprime par la profondeur abyssale de ses basses est encore plus marquée dans “The Asphalt Jungle”, un ostinato de notes lourdes et obsédantes qui accompagnent Sterling Hayden au bout de sa cavale, dans un champ de son Kentucky natal, parmi des chevaux. Cette noirceur, on la retrouve dans les cadences graves et lentes de “Whirpool” (“Le Mystérieux docteur Korvo”). Mis à nu par Stéphane qui les a débarrassés d’orchestrations parfois douteuses, les thèmes vénéneux d’“Angel Face”, “Double Indemnity” (“Assurance sur la mort”) ou “The Long Goodbye” retrouvent leur splendeur mélodique primitive, se révèlent à nous comme si on les entendait pour la première fois.

 

S.-Oliva---After-noir--cover.jpgOutre “Film Noir”, le label Sans Bruit met à disposition en téléchargement (MP3 320 ou FLAC qualité CD) “After noir”, un album de compositions et d’improvisations de Stéphan Oliva enregistré pendant la même séance. Acteurs et actrices inspirent son piano « after gone », notamment Robert Ryan dont une image en couleur de “Odds against Tomorrow” illustre la pochette. L’attaque des notes, les choix harmoniques, révèle un jazzman au toucher délicat qui réserve aux actrices des morceaux intensément lyriques. Le blues est présent dans la ligne mélodique de la pièce consacrée à Piper Laurie, la partenaire de Paul Newman dans “The Hustler” (“L’Arnaqueur”). Lizabeth Scott qui enregistra un disque de jazz en 1958 pour le label Vik hérite aussi d’une très belle mélodie. On trouve son nom dans de nombreux films noirs. Le plus célèbre reste sans doute “The Strange Love of Martha Ivers” (“L’Emprise du crime”) de Lewis Milestone, le rôle de Martha Ivers étant confié à Barbara Stanwyck. Pour ce film, le premier de Kirk Douglas, Miklos Rozsa a composé une partition que Stéphan a probablement entendue. Les deux autres femmes qu’il célèbre dans ce disque sont Gloria Grahame et Gene Tierney. Cette dernière, la Laura d’Otto Preminger, mais aussi l’inoubliable Madame Muir, bénéficie d’une mélodie très tendre sur laquelle le pianiste a l’habitude de terminer ses concerts. Comme celui de Lizabeth Scott, le portrait de Gloria Grahame est inclus dans l’After Dark Suite, improvisation de vingt-quatre minutes enregistrée d’une traite tard dans la nuit à La Buissonne. Elle contient une superbe version de The Blue Gardenia qu’interprète Nat King Cole dans le film de Fritz Lang qui porte le même nom. Son hommage à Humphrey Bogart par lequel elle débute s’inspire de “The Maltese Falcon” (“Le Faucon maltais”) dont Stéphan décline quelques mesures du thème. Les autres acteurs de cette suite sont Sterling Hayden – le piano restitue parfaitement l’ivresse de l’écrivain alcoolique Roger Wade dans “The Long Goodbye” - , Robert Mitchum et Robert Ryan. Ces deux-là entourent Gloria Grahame dans “Crossfire” (“Feux croisés”), un film d’Edward Dmytryk dans lequel Ryan tient le rôle du salaud. Intitulant son propre morceau Crossfired, le pianiste durcit le trait, attaque puissamment les basses de son clavier. Il fait de même dans “On Dangerous Ground” (“La Maison dans l’Ombre”), première des trois pièces consacrées à l’acteur. Policier aigri et violent dans ce film de Nicholas Ray, Ryan inspire à Oliva un piano tourmenté et abstrait d’une noirceur inoubliable.

Piper LaurieLizabeth ScottG-Grahame.jpg

Piper Laurie                                               Lizabeth Scott                                             Gloria Grahame

 

“Film Noir” : www.illusionsmusic.fr

“After Noir (Piano Gone)” : www.sansbruit.fr (Disponible à partir du 19 février)

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 09:19

Heterotopos.jpgEvrim Evci m’était parfaitement inconnu avant qu’il ne me fasse parvenir son disque, une autoproduction réunissant quelques musiciens que j’apprécie. Séduit par sa musique et non par le texte de pochette pour le moins rebutant qui l’accompagne, je me suis penché sur sa biographie et appris qu’Evrim, ingénieur de formation et autodidacte touche à tout, avait été rédacteur en chef du site Citizen Jazz. J’ai surtout découvert un talentueux saxophoniste dont les compositions traduisent un réel sens des couleurs et un intérêt pour la forme. On est d’emblée séduit par l’heureux mélange de sonorités qu’apportent le trombone de Sébastien Llado, le soprano d’Evrim et le ténor de Max Pinto, trois vents qui chantent de vraies mélodies, pratiquent l’improvisation collective, soufflent de beaux riffs et prennent de très inventifs chorus individuels. Derrière eux, Marc Buronfosse à la contrebasse et Antoine Banville fournissent des rythmes souples et solides. Ils ont l’habitude de jouer ensemble et assurent de parfaits tempos. Marc joue de bien belles notes dans Albissong, un thème confié au piano de Nico Morelli qui introduit joliment le morceau. Les improvisations de ce dernier sont parfois plus banales, mais au sein de la section rythmique, Nico place des accords judicieux pour en renforcer le groove. Dans la nuit du 11 au 13, un blues au feeling généreux, la guitare de Frédéric Favarel se substitue à son piano pour dialoguer avec les vents et électrifier la musique. J’apprécie moins Whimsical, une pièce dure et abstraite, mais m’enthousiasme pour la pièce suivante, Ne m’aime pas, dont le thème évoque Útviklingssang de Carla Bley (“Social Studies”). Sébastien Llado en est l’homme clef. Son chorus de trombone lui confère sa chaleur. Llado souffle aussi dans des conques pour poétiser Endeka, autre composition mélodieuse de l’album. Entre-elles, Evrim Evci place des morceaux plus funky. Son soprano commente avec éclat Dans la nuit du 11 au 13 et dialogue avec le ténor de Max Pinto dans Heckyll & Jyde. La dernière plage du disque, la plus longue, Zacatin, accueille le chanteur kurde Issa Hassan. Son bouzouki double les notes du thème, improvise et donne un aspect oriental à la musique. “Hétérotopos” : du grec topos (lieu) et hétéro (autre), un lieu autre, un disque à l’alchimie capiteuse dont il émane une belle lumière.

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30 janvier 2011 7 30 /01 /janvier /2011 10:24

Ch.-Koechlin--Heures-Persanes--cover-b.jpgJe ne connaissais pas “Les Heures persanes”  de Charles Koechlin avant de trouver ces jours-ci sa version pour piano dans les bacs de soldes de la FNAC Montparnasse. Né à Paris le 27 novembre 1867, décédé au Canadel (Var), le 31 décembre 1950, Charles Koechlin (un parent de Philippe Koechlin qui fut rédacteur en chef de Jazz Hot et l’un des fondateurs de Rock & Folk) reste un musicien largement méconnu malgré une œuvre aussi diversifiée qu‘abondante (226 opus répertoriés). Une infime partie d’entre-elle existait sur disque avant que le label Hänssler Classic n’entreprenne de l’éditer – neuf CD sont actuellement au catalogue de la firme allemande. Achevées en 1919, “Les Heures persanes” furent orchestrées deux ans plus tard par le compositeur. Cette version pour piano n’est pas pour autant inachevée ou incomplète, comme c’est parfois le cas de certaines réductions. Bénéficiant de magnifiques couleurs orchestrales, elle conserve même une modernité tout à fait surprenante. Jean-Paul, Philippe “Machin Chose” Etheldrède et quelques grincheux vont sans doute râler, voire protester lorsqu’il découvriront cette chronique. Accordé, ce n’est pas du jazz, et pourtant on y entend Bill Evans et Thelonious Monk, on y découvre un langage harmonique riche et fascinant qui est celui du jazz moderne et que Koechlin utilise des années avant eux. Grand voyageur, ce dernier ne mit jamais les pieds en Perse. L’écriture des “Heures persanes” lui fut inspirée par ses lectures des Mille et une Nuits, des Nouvelles Asiatiques de Gobineau et le journal de voyage de Pierre Loti. Ne pensez pas entendre une musique orientale. “Les Heures persanes” de Koechlin n’ont rien de persan. En raison d’une différence de systèmes tonals, ce dernier a évité toute transcription, n’a rien emprunté à la musique arabe traditionnelle. Il a de même écarté les équivalences modales préférant imaginer une écriture très libre, conduire l’auditeur dans des paysages harmoniques inexplorés le plaçant à l’avant-garde des compositeurs de son temps. L’œuvre fut pourtant tardivement imprimée. Son premier enregistrement par Herbert Henck date de 1987. On en dit grand bien. Ne l’ayant point écouté, je ne saurais le comparer à cette présente version confiée au pianiste Michael Korstick et enregistrée en 2008. Un enchantement ! D’une durée de 66 minutes, ce cycle de seize pièces (un peu plus de 8 minutes pour la plus longue ; moins de 2 minutes pour la plus courte) séduit par la richesse de ses harmonies enivrantes. Pour en agrandir le spectre, Koechlin combine souvent plusieurs tonalités éloignées, élargit jusqu’à l’atonalité une harmonie fréquemment polytonale. Il introduit des accords de neuvièmes parallèles, des notes pédales et des accords de pédales notamment dans La Caravane (rêve pendant la sieste), long morceau particulièrement envoûtant au sein duquel, portée par un ostinato de basse, une ligne mélodique construite autour de mystérieuses et impalpables arabesques sonores voit le jour. L’ostinato est également employé dans La paix du soir, au cimetière et la répétition obsédante du mi confère une grande majesté au morceau. Koechlin aime les passages infiniment lents dans lesquels les nuances et les couleurs importent davantage que les barres de mesure. Cette musique ouverte dont les dissonances et les notes en suspens contribuent à l’étrangeté, on la retrouve dans le piano de Paul Bley, Keith Jarrett, Brad Mehldau et dans celui de nombreux jazzmen contemporains – les noms de Marc Copland et Richie Beirach me viennent également à l’esprit, mais il y en a beaucoup d’autres. Des années plus tôt, Charles Koechlin, créait un univers sonore complètement neuf qu’il importe de découvrir.

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 08:57

Corea, Clarke & White, coverDifficile d’ignorer le nouveau disque de ces trois-là. Chick Corea, Stanley Clarke et Lenny White connurent gloire et fortune dans les années soixante-dix avec Return to Forever. Avant de devenir l’un des groupes phares du jazz fusion, il est bon de rappeler qu’à l’origine RTF distillait un jazz métissé de musique brésilienne et de rythmes latins. Leurs deux premiers disques sont dans cette veine. Corea joue seulement du Fender Rhodes et White n’a pas encore rejoint la formation qui, outre Corea et Clarke, comprend la chanteuse Flora Purim, le saxophoniste flûtiste Joe Farrell et le batteur percussionniste Airto Moreira. Lorsque ces derniers quittent le groupe en 1973, Corea, Clarke et White tentent l’aventure en trio. Pendant quelques mois, ils jouent du jazz acoustique dont on ne possède malheureusement aucun enregistrement. Un soir, à San Francisco, deux guitaristes les rejoignent sur la scène du Keystone Korner. Le succès qu’ils rencontrent les conduisent à électrifier de manière beaucoup plus radicale leur musique, Corea se remet au Fender et adopte le synthétiseur. Ils engagent aussi un guitariste, Bill Connors, brièvement remplacé par Earl Klugh, puis par Al Di Meola en 1974. Avec ce dernier, RTF fait le plein de concerts et de tournées mondiales. Dissout en 1977, il s’est reconstitué en 1983 et plus récemment en 2008.

 

Malgré son titre ambigu, “Forever”, double CD au minutage copieux, n’est pas réellement un disque de RTF. Il renferme le premier enregistrement acoustique que les trois hommes publient sous leurs trois noms. Point de fusion donc, mais du jazz, les meilleurs moments d’une tournée « unplugged » effectuée en 2009 qui ne manquent pas de panache. Corea apporte No Mystery qui donne son nom à un album célèbre de RTF, Señor Mouse qu’il joua souvent en duo avec Gary Burton, mais aussi Windows qui se trouve dans “Now He Sings, Now He Sobs”, son premier disque. En complète osmose, le trio reprend aussi avec enthousiasme une poignée de standards, On Green Dolphin Street, Waltz for Debby et Hackensack. Utilisant une large palette harmonique, Chick Corea joue avec un brio phénoménal un piano dynamique, lyrique et volubile. Lenny White surprend par sa compréhension d’un jazz ternaire qu’il rythme et maîtrise à la perfection. D’une justesse parfaite, les notes que Stanley Clarke fait naître forment un tissu mélodique qui enveloppe le piano. Il fait sonner magnifiquement ses cordes et utilise l’archet avec sûreté dans La Canción de Sofia, sa propre contribution au répertoire de ces concerts. Nos trois lascars exhibent parfois un peu trop leur technique, mais cette dernière reste toujours au service d’une musique conséquente qui pèse son poids de belles notes.

 

White--Corea--Clarke.JPGPlus électrique, le deuxième disque est principalement la répétition en studio d’un concert que les trois hommes donnèrent à l’Hollywood Bowl de Los Angeles pour lancer leur tournée de 2009. La chanteuse Chaka Khan, le violoniste Jean-Luc Ponty et Bill Connors, le premier guitariste de RTF, ont été conviés à les rejoindre. Ce dernier joue dans After the Cosmic Rain et Space Circus deux des morceaux de “Hymn of the Seventh Galaxy” le seul disque de RTF dans lequel on entend sa guitare. Ponty intervient dans ces deux titres, ainsi que dans I Love You Porgy que chante Chaka Khan, Armando’s Rhumba et Renaissance, une de ses compositions. Son violon s’intègre idéalement à la musique, lui apporte une plus grande diversité de couleurs. Il éclairait déjà la version originale d’Armando’s Rhumba incluse dans “My Spanish Heart” (1976), le disque de Corea le plus proche de ses racines hispaniques. Captain Marvel est joué en trio avec ce dernier au Fender Rhodes, et Señor Mouse en quartette avec Connors. On comparera les versions de ce double CD, toutes deux excellentes. Accompagné par Lenny White, Chick Corea improvise sur Crescent de John Coltrane. Comme dans Armando’s Rhumba, il utilise un piano acoustique. Il en joue aussi dans une reprise époustouflante de 500 Miles High enregistrée en trio avec Clarke et White le 30 septembre 2009 au Monterey Jazz Festival, douze minutes d’un jazz virtuose que les amateurs apprécieront.

Photo © Tailor Cruthers, courtesy of Universal Records

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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 10:56

Danilo Perez-Providencia, coverCréateur et organisateur du Panama Jazz Festival, co-fondateur de Junglewood, communauté artistique impliquée dans l’écologie et la sauvegarde de la forêt panaméenne, à la tête d’une fondation qui apporte une éducation culturelle et musicale aux jeunes défavorisés de Panama City, Danilo Pérez s’implique dans de nombreux projets éducatifs afin d’inciter la jeunesse à rendre le monde plus propre et plus beau. Dans “Providencia”, album publié en août 2010 aux Etats-Unis et disponible en France depuis décembre, le pianiste de Wayne Shorter, père de deux petites filles, s’interroge sur l’avenir de la planète. Il a conçu les onze morceaux de son disque comme de courtes bandes-son pour de petits films imaginaires. Pérez s’intéresse à la forme, et cette musique descriptive lui permet de révéler ses capacités d’arrangeur. Les cinq mouvements de Daniela’s Chronicles décrivent chacun une année de la vie de Daniela, sa fille aînée. Le premier commence comme une fugue. Joué par Adam Cruz, un steel pan double les lignes mélodiques du piano et colore le second. Galactic Panama esquisse un portrait du pays. Contrebasse et batterie y adoptent un rythme de tamborito, la danse la plus populaire de Panama, l’équivalent du tango pour les Argentins. Outre Ben Street et Adam Cruz qui travaillent avec lui depuis huit ans, le pianiste utilise les services du saxophoniste américano-indien Rudresh Mahanthappa. Son alto agressif dynamise Galactic Panama, The Oracle et Cobilla, un appel à l’action pour bonifier le monde. Entre Cobilla se placent deux courts duos piano saxophone. Proche du cri et probablement improvisé, le premier agresse et dérange ; tendre et réfléchi, le second conclut paisiblement l’album. Les autres intervenants sont le percussionniste libano américain Jamey Haddad, le joueur de congas colombien Ernesto Diaz et la chanteuse portugaise Sara Serpa. Pérez fait aussi appel à un quintette à vents dans Bridge of Life, Part I et II, morceaux au sein desquels le jazz, le classique et la musique folklorique latino-américaine se fondent harmonieusement. Ce Bridge of Life (pont de vie) est bien sûr l’isthme de Panama qui sépare les Océans Atlantique et Pacifique et relie l’Amérique du Nord à celle du Sud. Revendiquant ses racines latines, le pianiste reprend Historia de Un Amor de Carlos Eleta Almaran, morceau naguère enregistré par Oscar Peterson, et Irremediablemente Solo de l’organiste et pianiste Avelino Muñoz, l’un des plus importants compositeurs panaméens. Il rend aussi hommage à son dernier maître, le pianiste Charlie Banacos récemment décédé. Composé pour sa femme Patricia, Providencia, une rumba guaguancó, donne son nom à l’album dont la latinité reste prépondérante. Pérez s’efface un peu derrière ses arrangements, mais fait chanter son beau piano dans la dernière partie de Daniela’s Chronicle, Historia de un Amor et Irremediablemente Solo, morceaux portés par une section rythmique en tous points exemplaire. 

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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 12:35

Palmares-2010--covers-b.jpgTreize Chocs sur plusieurs centaines de nouveaux enregistrements édités cette année, les choisir n’a pas été simple, même si les œuvres fortes ne sont pas si nombreuses. Ceux d’entre-vous qui me lisent régulièrement se sont probablement rendu compte que je chronique souvent des disques de piano solo. J’aime tout particulièrement l’instrument et il m’a été difficile d’écarter de cette sélection “Precipice” de Denny Zeitlin, “Alone” de Marc Copland, “Memories of Paris” d’Eric Watson et les “Solo” de Vijay Iyer et de Mulgrew Miller, ce dernier un enregistrement d’octobre 2000, à mettre entre toutes les mains. Estimant déraisonnable d’attribuer une majorité de ces Chocs 2010 à des pianistes jouant en solo, j’ai souhaité diversifier ce palmarès, y faire entrer d’excellents albums de musiciens moins médiatisés dont je suis de près la carrière. Si Edouard Bineau semble enfin sortir de l’ombre avec son “Wared Quartet”, Choc de l’année Jazz Magazine / Jazzman, il m’a paru bon de mettre en avant les magnifiques enregistrements de Lucian Ban et John Hébert sur Enesco, de Patrick Favre en trio et du Marc Buronfosse Sounds Quartet, une autoproduction méritant une large distribution. J’ai hésité à inclure le “Solo Piano at Schloss Elmau” de Vladyslav Sendecki, musicien presque inconnu en France qui officie à Hambourg au sein du NDR Big Band. Ce palmarès ne contient donc qu’un seul disque en solo, celui de Geri Allen. Les pianistes y restent fort nombreux, mais entre Charles Lloyd, musicien célèbre et Tord Gustavsen, pianiste encore trop peu présent sur les scènes françaises, (deux artistes ECM auteurs cette année d’excellents opus), le second mérite un coup de pouce, une aide supplémentaire que le premier n’a nul besoin. Je vous laisse le soin de découvrir ces Chocs et de les commenter s’il l’envie vous en prend. Je vous rappelle également que cette chronique est la dernière de l’année. Le blogdechoc sommeillera jusqu’aux premiers jours de janvier. Bonnes fêtes à tous et à toutes.  

 

Douze albums dont un double…

Geri Allen flying cover-Geri ALLEN : “Flying Toward the Sound” (Motema) S’inscrivant sous le triple patronage de Cecil Taylor, McCoy Tyner et Herbie Hancock, cette suite en solo particulièrement ambitieuse en huit mouvements apparaît comme une des grandes réussites de la pianiste. Cette dernière donne corps et âme à une musique solidement construite et structurée par un discours lyrique, virtuose et impétueux. Percussif, abstrait, polyphonique et orchestral, son jeu pianistique intense et inspiré n’a jamais autant impressionné. Chroniqué dans le blogdechoc le 26 novembre

 

Lucian Ban, cover-Lucian BAN & John HEBERT : “Enesco Re-imagined” (Sunnyside / Naïve) Avec l’aide de six musiciens exceptionnels, le pianiste Lucian Ban et le contrebassiste John Hébert relisent sous l’angle du jazz quelques œuvres du compositeur roumain Georges Enesco (1881-1955). Parmi elles, deux des mouvements de sa sonate pour violon et piano “dans le caractère populaire roumain” élargis à tous les membres de l’orchestre. Bénéficiant d’une instrumentation neuve, les délicates mélodies d’Enesco bénéficient de somptueux écrins orchestraux et revivent de manière inattendue. Chronique en janvier 2011 dans Jazz Magazine / Jazzman (Choc)

 

Wared Quartet, cover-Edouard BINEAU : “Wared Quartet”  (Derry Dol / Socadisc) L’arrivée de Daniel Edermann aux saxophones transformant son trio en quartette, Edouard Bineau se retrouve enfin sous les feux des projecteurs jazzistiques. Le pianiste compose toujours des mélodies accrocheuses, reprend deux thèmes de “L’obsessioniste” et revient au blues qu’il jouait dans sa jeunesse. Musicien invité, Sébastien Texier joue du saxophone alto dans trois morceaux et  Erdmann dynamise une musique plus agressive et musclée qui conserve tout son lyrisme.  Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°619 – novembre (Choc)

 

Marc Buronfosse, cover-Marc BURONFOSSE Sounds Quartet : “Face the Music” (MBSQ) Cette autoproduction disponible dans certaines Fnac parisiennes est une des meilleure surprise de l’année. On savait Marc Buronfosse excellent contrebassiste; on ignorait son talent à composer des thèmes, à peindre des paysages oniriques avec de si belles couleurs. Encadrés par une section rythmique mobile et réactive (Marc Buronfosse et Antoine Banville), le piano acoustique et les synthétiseurs de Benjamin Moussay et les et saxophones de Jean-Charles Richard mêlent leurs sonorités, dialoguent et inventent. Chroniqué dans le blogdechoc le 21 mai

TECTONIQUE Nuages, cover

 

-Laurent CUGNY : “La tectonique des nuages” (Signature / Harmonia Mundi) Plusieurs années de travail, un enregistrement étalé sur deux ans, le grand œuvre de Laurent Cugny se voit enfin pérennisé par le disque plus de quatre ans après sa création. J’en ai récemment encensé la musique, saluant les performances exceptionnelles des chanteurs (David Linx éblouissant) et de Laïka Fatien, mais aussi les superbes interventions des solistes et les magnifiques couleurs que Laurent a posées sur ses thèmes, les rendants inoubliables. Chroniqué dans le blogdechoc le 9 décembre

 

sixthjump-Benoit DELBECQ : “The Sixth Jump” (Songlines / Abeille Musique) Difficile de choisir entre deux albums publiés simultanément, “Circles and Calligrams”  en solo et ce disque en trio, le premier que sort Benoît Delbecq. Enregistré avec Jean-Jacques Avenel et Emile Biayenda, The Sixth Jump” présente un aspect très africain. Spécialiste du piano préparé, Benoît fait sonner son instrument comme un balaphon, improvise sur les métriques inhabituelles que tissent la contrebasse et la batterie, longs fils d’une musique envoûtante primée par l'Académie Charles Cros. Chroniqué dans le blogdechoc le 15 octobre

 

Patrick Favre, cover-Patrick FAVRE : “Humanidade” (AxolOtl Jazz/Frémeaux & Associés) Trois albums en trio salués par la presse n’ont toujours pas suffi à faire connaître le discret pianiste avignonnais d’un large public. Après “Danse Nomade” (2003) et “Intense” (2006), Patrick poursuit son inlassable et exigeante quête mélodique avec “Humanidade” enregistré avec Gildas Boclé à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie. Le son, l’harmonie, l’émotion sont au cœur d’une musique sensible et profonde que les parisiens pourront découvrir au Sunside le 20 janvier prochain. Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°611 - février (Choc)

 

Tord Gustavsen, cover ECM-Tord GUSTAVSEN Ensemble : “Restored, Returned” (ECM / Universal) Après trois albums magnifiques en trio pour ECM, le pianiste norvégien élargit sa formation et y intègre le saxophoniste Tore Brunborg et la chanteuse Kristin Asbjørnsen dont la voix chaude et éraillée fait merveille. Le gospel, le blues, les vieux cantiques protestants nourrissent cette musique intimiste. Tord privilégie la mélodie, accorde beaucoup d’importance au silence et à la respiration de chacune de ses notes. Celles que contient cet opus en quintette sont les grains d’or des blés d’un bel été. Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°611 - février (Choc)

 

Fred Hersch Whirl, cover-Fred HERSCH Trio : “Whirl” (Palmetto / Codaex) Le disque d’un miraculé, le premier enregistré par le pianiste après la sortie de son coma. En trio avec John Hébert et Eric McPherson, Hersch s’abandonne et joue des phrases étonnamment fluides et poétiques, fascine par ses choix harmoniques et les couleurs de son piano. Il n’a plus rien à prouver, a donné le plus beau concert de l’année et affirme magnifiquement son retour dans ce recueil de standards et de compositions personnelles dédiées à des amis, des artistes qu’il admire et célèbre. Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°617 - septembre (Choc)

 

José James, cover-José JAMES & Jef NEVE : “For All We Know” (Impulse ! / Universal) Dans le domaine du jazz vocal, l’année qui s’achève fut un bon cru. Le disque enregistré par José James et Jef Neve m’a toutefois particulièrement séduit. Le nom du premier n’évoque pas grand-chose à l’amateur de jazz. Ses propres albums sont plus proches de la soul et du hip-hop. Malgré une tessiture un peu limitée, sa voix de baryton douce et suave s’accorde parfaitement au piano qui l’accompagne. Adoptant un jeu sobre, jouant des harmonies aux couleurs délicates, Jef Neve se révèle beaucoup plus convaincant que dans ses propres disques.Chroniqué dans le blogdechoc le 25 juin

 

Paul Motian Lost in a Dream, cover-Paul MOTIAN Trio : “Lost in a Dream” (ECM / Universal) Batteur inventif, Paul Motian affranchit l’instrument de sa fonction rythmique pour lui faire chanter et moduler des sons. Grand compositeur de thèmes, il en confie les notes poétiques aux musiciens des orchestres avec lesquels il expérimente inlassablement de nouvelles combinaisons sonores. Dans ce disque enregistré au Village Vanguard en février 2009, le saxophoniste Chris Potter et le pianiste Jason Moran donnent espace et relief à ses mélodies, les servent avec une imagination et un lyrisme qui en décuplent la beauté. Chroniqué dans le blogdechoc le 20 avril

 

J. Onishi Baroque (gde)-Junko ONISHI : “Baroque” (Verve / Universal) Pianiste virtuose et audacieuse, la japonaise Junko Onishi confirme son retour avec ce disque enregistré en sextette à New York avec trois solides souffleurs (Nicholas Payton, Waycliffe Gordon et James Carter) et la section rythmique de ses enregistrements au Vanguard, Reginald Veal et Herlin Riley. Baignant dans le blues et le gospel, “Baroque” est un hommage sincère à Charles Mingus, mais aussi à Jaki Byard, Eubie Blake, Sir Charles Thompson et Thelonious Monk. Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°619 - novembre

 

Et un coffret de trois disques…

Spark of Being, BoxCover-Dave DOUGLAS & KEYSTONE : “Spark of Being” (Greenleaf / Orkhêstra) Ce coffret contient la bande-son d’un film expérimental réalisé par le cinéaste Bill Morrison sur le mythe de Frankenstein et les recherches sonores du trompettiste Dave Douglas autour de ce projet. Le trompettiste a beaucoup travaillé les effets sonores des trois disques, entrelaçant les sonorités électriques et les instruments acoustiques d’une musique modale qui doit beaucoup au Miles Davis électrique de “Bitches Brew”. L’énorme travail de post-production réalisé au mixage -  ajout de séquences de musique concrète et électronique conçues sur ordinateur - parachève l’aspect novateur de cette somptueuse tapisserie de sons. Chroniqué dans le blogdechoc le 5 novembre

Photo © Pierre de Chocqueuse

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