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23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 09:52
Greg Reitan, coverJ'ai déjà dit tout le bien que je pensais de Greg Reitan lors de la sortie de “Some Other Time“, son précédent CD dont vous trouverez la chronique dans ce blog à la date du 24 juin 2009. Enregistré six mois après ce premier opus, en septembre et octobre 2008, “Antibes“ lui ressemble beaucoup. Le pianiste conserve le même trio. Jack Daro à la contrebasse et Dean Koba à la batterie jouent avec Greg depuis de longues années. La démo qu’ils enregistrèrent en 1995 leur permit cette année-là de se placer parmi les finalistes de la Great American Jazz Piano Competition. Compositeur travaillant pour le cinéma et la télévision, auteur d’un concerto pour clarinette, Greg Reitan est aussi un pianiste de jazz dont le toucher fin et délicat est au service d’harmonies raffinées. Il en brode de nombreuses sur les thèmes qu’il compose, des mélodies qu’il dévoile mesure après mesure, comme pour mieux nous surprendre. Le morceau Antibes repose sur une progression d’accords influencés par la musique de Bach. Reitan joue de longues phrases élégantes, qu’il fait subtilement respirer. Sa main gauche apporte d’heureuses couleurs à la partition. Le rythme est vif, mais pas trop rapide, contrebasse et batterie introduisant de légères variations de tempo. Le pianiste cite à plusieurs reprises My Foolish Heart dans Waltz for Meredith, écrite à l’intention de son épouse. Reposant sur des constructions d’accords, One Step Ahead et September sont moins évidents sur un plan mélodique, mais Reitan sait utiliser son piano pour raconter une histoire et la mener à bien, même à grande vitesse, ce qu’il fait dans la première de ces pièces. On peut leur préférer Late Summer Variations, morceau en solo largement improvisé et le très beau Salinas qui sert de pont au précédent. Comme dans son premier disque, le pianiste reprend des standards et en donne des versions personnelles et sensibles. Naguère chanté par Billie Holiday (l’album “Lady in Satin“ en renferme une version), et abordé sur un tempo très lent, For Heaven’s Sake flotte dans un grand bain d’harmonies brumeuses et conserve son mystère. Bill Evans est bien sûr à l’honneur dans une pudique relecture de Re: Person I Knew. Si Fall de Wayne Shorter est souvent enregistré, Time Remembers Once de Denny Zeitlin et Sympathy de Keith Jarrett n'ont pas souvent été repris, la composition de ce dernier s'inspirant très librement du 4e prélude de Frédéric Chopin. Enfin, Reitan joue avec simplicité et douceur la mélodie de In The Wee Small Hours of the Morning immortalisé en 1955 par Frank Sinatra, de jolies notes pour conclure un disque réussi.  
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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 09:48

Junko Onishi, coverSes admirateurs attendaient ce CD depuis très longtemps. Célèbre au Japon et reconnue aux Etats-Unis, Junko Onishi n’avait plus rien enregistré sous son nom depuis “Fragile“, un opus complaisant de 1998, très différent des autres albums de sa discographie. Sa prestation en mai dernier au Duc des Lombards au côté de Nicolas Folmer nous rassura. La pianiste tenait une forme éblouissante. Enregistré en 2009 à New York avec Yosuke Inoue à la contrebasse et Gene Jackson à la batterie, “Musical Moments“ confirme son retour. Outre trois compositions originales, il contient trois compositions d’Eric Dolphy et quelques standards. Le contrebassiste Reginald Veal et le batteur Herlin Riley entourent la pianiste dans un pot-pourri de plus de seize minutes enregistré live au Blue Note de Tokyo en septembre 2008. Dans Hat and Beard dédié à Thelonious Monk et premier titre d’“Out to Lunch“ disque enregistré par Dolphy en 1964, Onishi improvise librement sur une étrange ritournelle, ses doigts souples et mobiles jouant de longues phrases dissonantes. Gene Jackson frappe puissamment ses tambours, entretient un énergique flux rythmique par une polyrythmie agressive. Toujours de Dolphy et seconde plage d’“Out to Lunch“, Something Sweet, Something Tender convient bien au piano de Junko qui imprime au thème un léger balancement, la longueur de ses phrases aux harmonies travaillées permettant à ses complices d’intervenir tant sur un plan mélodique que rythmique. Extrait d’“Outward Bound“, un album Prestige du saxophoniste, et feu d‘artifice pyrotechnique aux notes étincelantes tiré sur tempo très rapide, G.W. contraste vivement avec les trois standards enregistrés en solo. Ils mettent en lumière une autre facette de Junko Onishi, celle d’une pianiste virtuose profondément attachée au blues et à la tradition. Junko apprécie autant le bop moderne, cohérent malgré ses audaces, de Dolphy que la musique de Duke Ellington dont elle reprend magnifiquement Mood Indigo et Do Nothin’ Till You Hear From Me avec une rythmique qu’elle connaît bien, celle de ses fameux enregistrements au Village Vanguard de 1994. Ses propres compositions ne manquent pas d’intérêt. Abordé sur un tempo très rapide, Back in the Days révèle la technique éblouissante de la pianiste. Mitraillant et fouettant caisses et cymbales, le batteur cogne malheureusement un peu fort. On peut préférer Bittersweet. Reposant sur les notes que joue la contrebasse, Onishi adopte un jeu en accords et fugue quelques mesures avant de changer de direction harmonique, remplacer sa pluie de notes par des accords en mineur qui ne manquent pas d’intriguer. Musical Moments étonne également par l’originalité de ses longues lignes mélodiques. Les mains virevoltantes de la pianiste y ajoutent de petites notes inattendues puisées dans une imagination fertile que l’on retrouve intacte après de longues années.

Accompagnée par Yosuke Inoue à la contrebasse et Eric McPherson à la batterie, Junko Onishi donnera un concert le 25 février à la Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Branly 75015 Paris.

 

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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 12:45
Christian Scott, coverNeveu du saxophoniste Donald Harrison, Christian Scott s’affirme comme un trompettiste de jazz avec lequel il faut compter. Ce quatrième enregistrement pour Concord est son plus abouti. « C’est la première fois que je travaille aussi dur sur un album » confie-t-il dans le dossier de presse qui l’accompagne. Enregistré par Rudy Van Gelder dans son célèbre studio d’Englewood Cliffs, “Yesterday you Said Tomorrow“ s’ouvre sur un accord de guitare électrique, l’instrument participant à une véritable mise en rythme de la musique. Jamire Williams fouette ses cymbales et martèle ses tambours. Christian Scott esquisse une brève mélodie puis improvise “sous la mitraille“. On est d’emblée séduit par la sonorité chaude et moelleuse de sa trompette. Le souffle se fait souvent chuchotement, le son devient respiration et se rapproche de la voix humaine. « J’essaye d’imiter la voix de ma mère lorsqu’elle chantait » a-t-il déclaré dans un entretien avec un journaliste. La branche d’embouchure inversée du modèle de trompette qu’il utilise, une Getzen Katrina, lui permet d’obtenir une sonorité plus douce. Jenacide repose sur les accords obsédants du piano de Milton Fletcher dont le jeu bluesy et élégant éclaire Isadora, une des ballades de ce nouvel opus, et After Hall semble construit autour de la contrebasse de Kris Funn. On notera le jeu en blockchords du pianiste avant la coda. Le jazz de Christian Scott se nourrit de rock, de funk et de hip-hop. Le trompettiste parvient à fondre toutes ces influences au sein d’une musique qui possède une véritable dimension orchestrale. « J’ai voulu créer une toile de fond musicale faisant référence à la musique des années 60 que j’aimais, le second quintette de Miles Davis, le quartette de John Coltrane, le groupe de Charles Mingus et la musique créé par Bob Dylan et Jimi Hendrix. » Outre The Eraser, une ballade brumeuse de Thom Yorke de Radiohead, seule reprise du disque, certains morceaux ressemblent à des chansons sans paroles, la guitare de Matthew Stevens leur donnant une coloration rock moins prononcée que par le passé. Dans Roe Effect, elle égraine les accords d’un thème chanté par la trompette. Le disque bénéficie également d’un important travail sur le son. Dans The Eraser, des objets placés sur les cordes métalliques du piano modifient sa sonorité. Une guitare volontairement sale, brouillée comme les ondes d’un émetteur radio, introduit An Unending Repentance. Soigneusement arrangé, “Yesterday you Said Tomorrow“ s’ouvre à des métriques inattendues (plusieurs types de mesures cohabitent parfois au sein d’un même morceau) et innove sur le plan du rythme. Le jazz bouge et Christian Scott est de ceux qui le font évoluer.
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6 février 2010 6 06 /02 /février /2010 10:39
Fred Hersch Plays Jobim, coverAdmiré par ses confrères – Brad Mehldau reconnaît son influence sur son propre piano -, mais mal-aimé du grand public, Fred Hersch reste l’un des plus grands pianistes de jazz que possède l’Amérique. Sa venue au Duc des Lombards en juillet n’a pas attiré grand monde et pourtant ses apparitions sont d’autant plus précieuses qu’elles se font rares. Séropositif depuis 1986, il se ménage après une grave évolution de sa maladie en 1998. Le virus du sida attaquant son cerveau, il reste deux mois dans le coma, son état nécessitant une trachéotomie. Il s’en sort, mais ne peut plus bouger ses doigts, ni tenir un stylo. Hersch s’est pourtant vite remis au piano, se montrant plus fort que jamais sur le plan créatif malgré un handicap technique qu’il s’est empressé de gérer. Deux disques de lui sont sortis l’an dernier sur l’excellent label Sunnyside de François Zalacain. On peut sans trop de difficulté se procurer en import dans les (rares) bons magasins de la capitale le très inventif “Live at Jazz Standard“, un concert de mai 2008 de son Pocket Orchestra, formation réunissant trompette, piano et percussions autour de la voix et des vocalises de la chanteuse Jo Lawry. Distribué par Naïve, “Plays Jobim“, en solo, est régulièrement disponible depuis novembre. Probablement enregistré en 2001, il devait à l’origine faire partie de “Songs Without Words“, coffret Nonesuch de trois CD qui obtint cette année-là le Grand Prix de l’Académie du Jazz. Parvenant à donner de nouvelles couleurs harmoniques à des chansons souvent reprises, recourant au contrepoint pour développer plusieurs lignes mélodiques au sein d’un même morceau (O Grande Amor), Fred Hersch excelle surtout dans les pièces lentes de ce disque. Il faut se laisser imprégner par la magnifique version de Por Toda Minha Vida, son ouverture, et se laisser doucement bercer par les  harmonies chantantes de Luiza, Corcovado, Modinha, pièce couplée avec Olha Maria dans lesquelles il s’abandonne à des variations inattendues. Ses improvisations sont si intimes et profondes que plusieurs écoutes sont nécessaires pour en goûter toute la poésie. “Plays Jobim“ comporte quelques faiblesses. La présence d’un percussionniste dans Briga Nunca Mais ne s’impose pas, et dans Meditaçao le pianiste un peu raide adopte un jeu heurté et sec qui ne pas en valeur la mélodie. Ailleurs, Hersch se montre en complète affinité avec les musiques du compositeur brésilien. Se les réappropriant, il les joue comme s’il n’allait plus jamais toucher un piano, sa maladie le poussant à s’immerger complètement dans sa musique. Qu’il consacre un disque entier à Thelonious Monk, à Billy Strayhorn ou comme ici à Antonio Carlos Jobim, Hersch impose son propre univers pianistique, sa fabuleuse technique et sa grande connaissance de l’histoire du jazz lui permettant de créer une musique profondément sensible et personnelle.
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28 janvier 2010 4 28 /01 /janvier /2010 11:25
Marc Copland Alone, coverTroisième disque en solo pour Marc Copland après “Poetic Motion“ (2001) et “Time Within Time“ (2004). Le pianiste excelle dans ce genre d’exercice. Il ne dispose pas de musiciens avec lesquels dialoguer, mais joue le même piano avec davantage d’intensité et de profondeur, sa sensibilité se révélant dès les premières notes de Soul Eyes, l’ouverture de l’album. Approchant les 70 minutes, ce dernier renferme dix morceaux. Soul Eyes, Rainy Night House et Night Whispers ont précédemment été enregistrés en trio par le pianiste et Blackboard a fait l’objet d’un duo avec le saxophoniste Dave Liebman. En solo, Night Whispers déçoit un peu. Le pianiste finit par faire tourner à vide un ostinato et contrairement à la version en trio qui permet à Drew Gress et Bill Stewart de s’offrir des chorus de contrebasse et de batterie, celle-ci, beaucoup trop longue, dépasse les dix minutes. Infiniment plus réussies, les autres reprises bénéficient toutes d’un éclairage différent. Les harmonies de Soul Eyes et Rainy Night House prennent des teintes délicates, leurs contours brumeux se voilant de mystère. Plus encore que Bill Evans, Marc Copland est le pianiste de jazz dont la musique se rapproche le plus de celle de Claude Debussy. Une mélodie devient ainsi prétexte à d’inépuisables variations de couleurs harmoniques. Son jeu de pédales très élaboré nuance la résonance de ses notes, favorise leur scintillement, leur irisation colorée. Peintre de la musique, Marc Copland l’approche de manière infiniment sensible. Le touché est fin, la phrase se déploie legato, fluide et économe. De légères vibrations sonores la diffractent et lui donnent beaucoup de charme. Outre Rainy Night House, Marc reprend deux autres compositions de Joni Mitchell dont l’œuvre reste une de ses influences principales : I Don’t Know Where I Stand et Michael From Mountains (et non Mountain comme l’indique à tort la pochette). Marc les tire des premiers albums de la chanteuse, ceux dont les harmonies se prêtent le mieux à des adaptations jazzistiques. Il n’oublie pas pour autant les standards qui conviennent à sa musique raffinée, à la lenteur majestueuse de ses tempos dont les oscillations rythmiques hypnotisent. Ses versions sensuelles de I Should Care ou de Hi Li Hi Lo en témoignent : son langage personnel ne ressemble à aucun autre.  
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20 janvier 2010 3 20 /01 /janvier /2010 09:44
F. Raulin coverLittle Nemo s’éveille évoque des images. Les notes émergent doucement, comme si, sortant d’un long sommeil, elles s’étiraient pour se mettre à parler, raconter. Les harmonies du morceau relèvent de l’enchantement. En solo, François Raulin prend son temps, joue les mêmes courtes phrases d’une musique onirique tout en y introduisant des variations délicates. Sa virtuosité est manifeste dans Arrabiata, Mahalia, Le mécano de la générale ou Roulé-boulé, compositions aux motifs rythmiques obsédants qui convoquent les graves du clavier et utilisent leurs résonances, la sonorité du piano se voyant magnifiée par l’enregistrement. La main gauche répète irrégulièrement un motif rythmique. Puissante et mobile, la droite improvise de nouvelles figures, tant rythmiques que mélodiques, François Raulin trouvant toujours des solutions pour donner chair aux ostinato qu’il imagine et développe. Comme le signale Ludovic Florin dans le dernier numéro de Jazz Magazine/Jazzman, sa musique évoque parfois les “Musica Ricercata“ de György Ligeti dont la septième pièce, Cantabile, molto legato, fait effectivement penser à certains morceaux de ce disque, ceux dans lesquels les rythmes, souvent asymétriques, occupent une place centrale. Le sens mélodique du pianiste prend toutefois le dessus, non seulement dans sa magnifique reprise de Lotus Blossom, mais encore dans une bonne moitié des compositions de cet album. C’est à certaines “Etudes“ de ce même Ligeti que l’on pense alors, Arc-en-ciel ou En suspens, deux andantes, se retrouvant dans L’appel de la forêt ou Images de décembre, des pièces tendres qui partant de figures simples, s’enrichissent progressivement de notes, bercées par le va-et-vient d’ostinato accompagnant le rêve. 
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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 00:19

Amy Gamlen Cover« Chaque thème doit mener à l’improvisation et chaque improvisation doit permettre de revenir à l’écriture. De cette façon l’énergie n’est jamais perdue. Elle se conserve et se transforme. » Ces propos de Stéphane Kerecki sur sa propre musique conviennent parfaitement à celle qu’Amy Gamlen nous offre dans ce disque. Partant de l’écriture, un dialogue permanent s’instaure entre les membres de l’orchestre. Ces derniers peaufinent les thèmes, y reviennent, leurs chorus contribuant à structurer les compositions sur le plan de la forme. Thomas Savy a, paraît-il, naguère été conquis par la saxophoniste pour l’avoir entendue en trio avec Stéphane Kerecki à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie. Il joue depuis plus de deux ans de la clarinette basse avec ces derniers, le guitariste Michael Felberbaum complétant le quintette de cette jeune anglaise installée à Paris depuis 2001. “Cold Light“ s’ouvre sur un duo entre Amy et Thomas. Le timbre chaleureux de la clarinette basse contraste avec la sonorité tranchante de l’alto. Le morceau s’intitule Exit et les deux instruments esquissent les notes d’une ritournelle dont s’empare la section rythmique. Egalement construites autour d’un leitmotiv humoristique, There Was et Fanfare génèrent de passionnantes improvisations, Fanfare entrecroisant habilement plusieurs discours, chacun possédant sa propre logique. A la fois souple et énergique, la section rythmique épouse les sinuosités mélodiques de compositions pleines de surprises et de fantaisies dans lesquelles se fait entendre un vrai son de groupe. La contrebasse de Stéphane Kerecki porte les notes de Undertow. Autour d’elle s’organisent les échanges, se dessinent les délicates nuances d’un morceau qui, abstrait de prime abord, devient une véritable danse. Ailleurs, dans Invisible Woman, une walking bass pneumatique et un batteur au drive subtil offrent un superbe écrin à la clarinette de Thomas qui converse fréquemment avec le saxophone. La guitare de Michael Felberbaum assure de passionnants contrepoints aux souffleurs et égraine les accords un peu magiques de Sleeping Potion, composition baignant dans un climat onirique dans laquelle la clarinette basse peint les couleurs du rêve. Quant à Amy Gamlen elle sait raconter des histoires. Ses saxophones (alto ou soprano selon les plages) chantent de bien belle façon dans Acceptance et Lil, courte pièce de transition avant l’envoûtant In the cold Light of Day, une pièce ouverte, aérée, dans laquelle les instruments se font tendres pour mieux nous séduire.

Amy Gamlen et ses musiciens seront le 15 janvier sur la scène du Sunset. On viendra nombreux les applaudir.

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23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 14:36

Carla Bley Christmas coverEnfant, Carla Bley adorait Noël. « Mon père tenait l’orgue à l’église et la chorale interprétait ce jour-là tous mes chants de Noël préférés. » Rebelle aux fêtes traditionnelles (« sauf à Halloween » précise-t-elle), elle ne cessa pourtant en grandissant de conserver un lien avec Noël à travers la musique. Carla aime beaucoup écrire et rédige toujours de savoureux dossiers de presse à l’attention des journalistes. Dans celui qu’elle consacre à ce nouvel opus, elle nous révèle les circonstances et les travaux qui lui ont permis de maintenir des liens avec cette fête qu’elle célèbre avec panache aujourd’hui. Dès les années 60, elle arrangeait des chants de Noël pour les enfants des écoles publiques. Elle fit de même dans les années 80 pour les élèves du Creative Music Studio de Woodstock. Quelques années plus tard à l’occasion d’une fête de Noël dans les locaux du Jazz Composer Orchestra, « les meilleurs musiciens de jazz moderne de New York se retrouvèrent en train de jouer de vieilles harmonies pentatoniques démodées ». Elle enregistra également en piano solo des chants de Noël pour la radio américaine, se constituant au fil des ans un important recueil de Christmas Carols arrangé par ses soins. Un concert donné à Essen en décembre 2006 lui offrit l’occasion de les ressortir. Pour les jouer, elle engagea un quintette de cuivres, le tubiste berlinois Ed Partyka se chargeant d’en réunir les musiciens.

 

C. Bley RecEn décembre 2008, pour une tournée et ce disque enregistré principalement au studio La Buissonne, Carla Bley et Steve Swallow reconstituaient une formation sensiblement identique. Deux trompettes ou bugles, un cor, un trombone, un trombone basse ou tuba mêlent avec bonheur leurs timbres dans un programme aux arrangements pour le moins surprenant. La version sobre et classique de O Tannenbaum qui ouvre l'album ne laisse en rien présager la suite. Bien qu’une des deux trompettes s’autorise une très courte improvisation, l’écriture reste classique, loin de l’arrangement décoiffant de Jingle Bells également confié aux seuls cuivres. Rythmé par des riffs de soca (mélange de calypso et de soul joué à Trinidad), ce célèbre morceau composé en 1857 par James Pierpont s’offre une nouvelle jeunesse. Les souffleurs peuvent s’exprimer avec retenue, reprendre à l’unisson des mélodies sagement harmonisées, ou tout aussi bien se transformer en jazzmen. Composé par Carla, Hell’s Bells porte les accords du bop. Introduit a cappella, Ring Christmas Bells trempe largement dans le jazz, ses riffs de cuivres restant ceux d’une fanfare. Carla Bley s‘amuse ainsi à brouiller les pistes. Les trompettes munies de sourdine de It Came Upon a Midnight Clear évoquent des voix entonnant un gospel. Composé en 1944, The Christmas Song de Mel Tormé côtoie le célébrissime O Holy Night que le français Adolphe Adam écrivit en 1847. On retrouve parfois les sombres couleurs de l’album “Social Studies“ dans  Away in a Manger, chant de Noël lutherien de 1885. L’ouverture de God Rest ye Merry Gentlemen n’est pas non plus très gaie. Ce très vieux chant de Noël (1823) le devient avec une trompette un peu ivre et des riffs de cuivres étrangement chaloupés. Accompagné par la basse, le piano improvise et ancre davantage le thème dans le jazz dans sa seconde partie. Carla Bley reprend Jesus Maria, une de ses plus belles compositions. Steve Swallow la jouait déjà en trio avec Paul Bley et Jimmy Giuffre dans “Fusion“ un disque de ce dernier publié en 1961. Sa contrebasse y brode un chorus onirique. Elle chante et séduit aussi dans O Holy Night enregistré live à Berlin, de même que Joy to the World, dernière pièce d’un recueil aussi beau qu’inattendu.

Comme je vous l’ai précédemment annoncé, le blogdeChoc sommeillera jusqu’en janvier. Bonnes fêtes à tous et à toutes. 

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19 décembre 2009 6 19 /12 /décembre /2009 11:06

CD CoversDifficile de choisir quelques albums parmi les quelques centaines qui ont été édités cette année. Une bonne trentaine de nouveautés sortent du lot, toutes aussi intéressantes les unes que les autres et il n’a pas été simple d’en conserver un petit nombre. Les rééditions posent moins de problèmes. Nombre d’entre eux, des enregistrements pirates, ne méritent aucune publicité. J’ai toutefois préféré écarter de cette sélection les disques qui ne nécessitent pas un coup de pouce pour trouver acquéreur. Aussi bon soit-il, le dernier opus de Keith Jarrett (un triple CD) n’a nul besoin d’un second coup de projecteur. Même chose pour “Around Robert Wyatt“ le dernier ONJ, meilleur album de l’année aux récentes Victoires du Jazz. J’ai finalement arrêté mon choix sur douze nouveautés et une réédition. Pour dix d’entre eux, vous avez pu lire mes chroniques dans ce blog, Jazzman ou Jazz Magazine/Jazzman, les deux titres ayant fusionné en septembre. J’ai failli passer à côté de “Bright Mississippi“ album d’Allen Toussaint récupéré début novembre et que j’écoute sans me lasser. Souhaitant privilégier les nouveautés, il ne m’a pas non plus été possible de rédiger un texte sur “People Time“ dernier enregistrement de Stan Getz publié en novembre, un coffret de sept CD à la musique largement inédite. Il sera plus propice de vous en parler en janvier, un mois calme pour les sorties de disques. En outre, en raison des fêtes et après une dernière chronique musicale de circonstance, ce blog sera mis en sommeil entre Noël et le nouvel An. Vous avez sûrement des cadeaux à faire, des disques à offrir. Puisse cette petite liste vous aider à bien les choisir.

Visuel-Bollani-ECM.jpg

-Stefano BOLLANI : “Stone in the Water“ (ECM/Universal) Dans ce disque, son premier en trio pour ECM, le pianiste impétueux refrène son énergie et laisse constamment respirer la phrase musicale dans une approche résolument mélodique. Ses deux complices, deux jeunes musiciens danois, parlent le même langage que lui. Une vraie réussite. Chroniqué dans le blogdechoc le 17 septembre.  

Vijay Iyer, cover

-Vijay IYER : “Historicity“ (ACT/Harmonia Mundi) Une contrebasse et une batterie tissent une toile rythmique souple et constamment mobile pour envelopper un piano différent et toujours inventif. Clusters, dissonances, intervalles inhabituels, un foisonnement de notes s’échappent de l’instrument. Entre Andrew Hill et Cecil Taylor, les notes abstraites et poétiques d ‘un art très personnel. Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°607 (Choc).

S. Kerecki a

-Stéphane KERECKI : “Houria“ (Zig Zag/Harmonia Mundi) Le contrebassiste ajoute un second saxophone à son trio et pas n’importe lequel. Tony Malaby est un des grands de l’instrument. Avec lui, la musique se fait plus sauvage, les quatre hommes improvisant une musique instinctive, expression d’un langage incantatoire intensément spirituel. Chroniqué dans le bdc le 19 mai.

ECM Steve Kuhn Trio

-Steve KUHN : “Mostly Coltrane“ (ECM/Universal) En 1960, Steve Kuhn fut pendant trois mois le pianiste de John Coltrane. Lui rendant hommage, il reprend ses compositions, mais aussi les siennes (en solo) ainsi que quelques standards qu’il jouait avec lui. Joe Lovano y fait merveille au saxophone ténor. Il semble avoir retrouvé sa sonorité d’antan, un son plein et profond qui donne chaleur et émotion à la musique  Chroniqué dans Jazzman n°159, juillet/août 2009 (Choc). 

Ph. Le Baraillec, cover

-Philippe LE BARAILLEC : “Invisible Wound“ (AJMI/Intégral) Son piano sensible et poétique raconte des histoires inattendues et surprend par ses couleurs et ses choix harmoniques. En trio, le retour d’un musicien habité qui s’était trop longtemps retiré de la scène musicale. On applaudit des deux mains. Chroniqué dans Jazzman n°153, janvier 2009 (Choc). 

Paul Motian, cover

-Paul MOTIAN : “On Broadway Vol.5“ (Winter & Winter/Abeille Musique) Ce cinquième opus du batteur consacré aux mélodies de Tin Pan Alley est un des plus réussis. Motian dispose ici de deux saxophonistes complémentaires (Lauren Stillman et Michaël Attias) qui mêlent avec un rare bonheur leurs voix mélodiques, soufflent de longues phrases tranquilles et lumineuses. Au piano, Masabumi Kikuchi ajoute d’élégantes et imprévisibles dissonances. Une belle musique, lente, flottante et onirique. Chroniqué dans le bdc le 9 juin.

E. Pieranunzi cover

-Enrico PIERANUNZI : “Wandering“ (Cam Jazz/Harmonia Mundi) J’aurais pu choisir “Dream Dance“ (CAM JAZZ/Harmonia Mundi) superbe opus en trio de 2004 auquel j’ai attribué un Choc dans le n°156 de Jazzman. Mais, outre le fait qu’Enrico Pieranunzi enregistre moins souvent en solo, “Wandering“ fait entendre un admirable piano particulièrement inspiré sur un matériel thématique largement improvisé. Chroniqué dans le bdc le 15 décembre.

Rava, N.Y. Days, cover

-Enrico RAVA : “New York Days“ (ECM/Universal) Enregistré à New York, ce disque réunit cinq musiciens exceptionnels. Outre Stefano Bollani au piano, la trompette chantante d’Enrico Rava rencontre le saxophone de Mark Turner, la contrebasse de Larry Grenadier et les tambours et cymbales de Paul Motian. Nulle urgence dans ce jazz souvent modal, mais des mélodies simples et envoûtantes d’une grande richesse sonore. Chroniqué dans le bdc le 6 février. 

Allen Toussaint, cover

-Allen TOUSSAINT : “The Bright Mississippi“ (Nonesuch/Warner) Allen Toussaint nous promène dans les rues de la Nouvelle-Orléans sa ville natale et sur les rives du Mississippi. Le pianiste se fait chanteur dans Long, Long Journey, joue des blues, reprend des thèmes de Monk, Ellington,  Jelly Roll Morton, propose des duos trompette piano trompette (avec Nicholas Payton), invite Brad Mehldau et Joshua Redman et dépoussière un répertoire qu’il rend intemporel.

Jean-Toussaint-cover.jpg

 

-Jean TOUSSAINT : “Live in Paris & London“ (Space Time/Socadisc) Epaulé par d’excellents musiciens anglais, le trop méconnu Jean Toussaint se donne à fond dans cet enregistrement live. Il possède une belle sonorité au ténor et fait chanter ses saxophones (ténor et soprano) tout en racontant de passionnantes histoires mélodiques. Ses longs chorus énergiques et lyriques forcent l’admiration. Chroniqué dans le bdc le 25 novembre.  

B. Trotignon, cover


-Baptiste TROTIGNON : “Share“ (Naïve) Le meilleur disque du pianiste à ce jour. Les thèmes, souvent des morceaux à tiroirs, réservent de nombreuses surprises. Baptiste en fait moins que d’habitude. Il laisse jouer ses deux souffleurs (Tom Harrell et Mark Turner) et bénéficie d’une section rythmique également américaine (le disque a été enregistré à New York) avec Matt Penman à la contrebasse, Eric Harland ou Otis Brown à la batterie. Chroniqué dans le bdc le 13 février.     

Cover-Sam-Yahel.jpg


-Sam YAHEL : “Hometown“ (Positone/www.posi-tone.com) On connait surtout l’organiste, le compagnon occasionnel de Joshua Redman qui apparaît dans plusieurs de ses disques. En trio avec Matt Penman à la contrebasse et Jochen Rucker à la batterie, on découvre un pianiste enthousiasmant qui évoque Thelonious Monk, Eddie Costa, Brad Mehldau et Lennie Tristano. Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°608.

Getz People Time, cover

-Stan GETZ – Kenny BARRON “ People Time, the Complete Recordings“ (Verve/Universal) En mars 1991, un mois après son soixante-quatrième anniversaire, Stan Getz, malade (il lui reste trois mois à vivre), se produit quatre soirs de suite au Café Montmartre de Copenhague. Accompagné par le piano de Kenny Barron, le saxophoniste trouve la force de faire chanter de manière exquise son instrument et livre son ultime testament musical. Un coffret de 7CD (un par Set) indispensable à l’amateur de jazz.

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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 09:23

E.-Pieranunzi-cover.jpgEnregistrement solo de 2007, “Wandering“ réunit de courtes pièces, improvisées pour la plupart. Contrairement à son album consacré à Domenico Scarlatti réalisé la même année, Enrico Pieranunzi ne part pas d’un matériel thématique existant. Seuls trois morceaux ont été préalablement composés. Fermati a guardare il giorno, Rosa del mare et For My True Love révèlent la sensibilité du pianiste, son aptitude à faire chanter et respirer une simple phrase musicale, à l’enrichir de notes tendres et émouvantes. Si Rosa del mare reste une rêverie poétique sophistiquée sur un plan harmonique, For My True Love, séduit par sa simplicité. Avec très peu de notes qu’il fait admirablement sonner, Enrico crée une pièce musicale intensément lyrique. Ailleurs, il imagine, se jette à l’eau avec un bagage technique qui lui permet toutes les audaces. Il ne cherche jamais à en mettre plein la vue, mais exprime ses émotions. Posant ses mains sur le clavier de l’instrument, il invente mesure après mesure une musique qui n’a encore jamais été jouée. Articulation parfaite, lisibilité, sens de la forme, équilibre de la phrase, la formation classique et la profonde connaissance du jazz du pianiste se révèlent dans des miniatures improvisées et variées. Cinq d’entre elles ne dépassent pas les deux minutes, ce qui oblige l’improvisateur à aller à l’essentiel. Certaines sont construites sur de courtes séquences mélodiques; d’autres reposent sur des ostinato de notes. Enrico en fait briller les couleurs. Sa main gauche mobile et inventive installe des atmosphères obsédantes, joue les sombres accords d’une musique introspective qui, par contraste, rendent particulièrement lumineuses et sereines ses trois compositions écrites. Le registre grave du clavier est ainsi particulièrement sollicité dans Improstinato 2 et Dark, des pièces dont la noirceur se voit tempérer par le blues. Le pianiste fait de même dans Teensblues, morceau dont les accords plaqués et dissonants rappellent un thème de Monk. Les autres paysages qu’il nous livre sont moins inquiétants. Enrico prend même le temps de poser des couleurs sur les lignes mélodiques de Wandering 1 et Foor-Fee, des pièces espiègles et tendres, si bien construites qu’on a du mal à les croire improvisées. Chapeau maestro !  

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