![Greg Reitan, cover](http://idata.over-blog.com/2/13/87/79/Images---6/Greg-Reitan--cover.jpg)
Ses admirateurs attendaient ce CD depuis très longtemps. Célèbre au Japon et reconnue aux Etats-Unis, Junko
Onishi n’avait plus rien enregistré sous son nom depuis “Fragile“, un opus complaisant de 1998, très différent des autres albums de sa discographie. Sa prestation en mai dernier au Duc
des Lombards au côté de Nicolas Folmer nous rassura. La pianiste tenait une forme éblouissante. Enregistré en 2009 à New York avec Yosuke Inoue à la contrebasse
et Gene Jackson à la batterie, “Musical Moments“ confirme son retour. Outre trois compositions originales, il contient trois compositions d’Eric Dolphy et
quelques standards. Le contrebassiste Reginald Veal et le batteur Herlin Riley entourent la pianiste dans un pot-pourri de plus de seize minutes enregistré live au Blue Note de Tokyo en septembre 2008. Dans Hat and
Beard dédié à Thelonious Monk et premier titre d’“Out to Lunch“ disque enregistré par Dolphy en 1964, Onishi improvise librement sur une étrange ritournelle, ses doigts
souples et mobiles jouant de longues phrases dissonantes. Gene Jackson frappe puissamment ses tambours, entretient un énergique flux rythmique par une polyrythmie agressive.
Toujours de Dolphy et seconde plage d’“Out to Lunch“, Something Sweet, Something Tender convient bien au piano de Junko qui imprime au thème un léger balancement, la longueur de ses
phrases aux harmonies travaillées permettant à ses complices d’intervenir tant sur un plan mélodique que rythmique. Extrait d’“Outward Bound“, un album Prestige du saxophoniste, et feu d‘artifice
pyrotechnique aux notes étincelantes tiré sur tempo très rapide, G.W. contraste vivement avec les trois standards enregistrés en solo. Ils mettent en lumière une autre facette de
Junko Onishi, celle d’une pianiste virtuose profondément attachée au blues et à la tradition. Junko apprécie autant le bop moderne, cohérent malgré ses audaces, de Dolphy que la
musique de Duke Ellington dont elle reprend magnifiquement Mood Indigo et Do Nothin’ Till You Hear From Me avec une rythmique qu’elle connaît bien, celle de ses
fameux enregistrements au Village Vanguard de 1994. Ses propres compositions ne manquent pas d’intérêt. Abordé sur un tempo très rapide, Back in the Days révèle la technique éblouissante
de la pianiste. Mitraillant et fouettant caisses et cymbales, le batteur cogne malheureusement un peu fort. On peut préférer Bittersweet. Reposant sur les notes que joue la contrebasse,
Onishi adopte un jeu en accords et fugue quelques mesures avant de changer de direction harmonique, remplacer sa pluie de notes par des accords en mineur qui ne manquent pas d’intriguer.
Musical Moments étonne également par l’originalité de ses longues lignes mélodiques. Les mains virevoltantes de la pianiste y ajoutent de petites notes inattendues puisées dans une
imagination fertile que l’on retrouve intacte après de longues années.
Accompagnée par Yosuke Inoue à la contrebasse et Eric McPherson à la batterie, Junko Onishi donnera
un concert le 25 février à la Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Branly 75015 Paris.
« Chaque thème doit
mener à l’improvisation et chaque improvisation doit permettre de revenir à l’écriture. De cette façon l’énergie n’est jamais perdue. Elle se conserve et se transforme. » Ces propos de
Stéphane Kerecki sur sa propre musique conviennent parfaitement à celle qu’Amy Gamlen nous offre dans ce disque. Partant de l’écriture, un dialogue permanent s’instaure entre les membres de l’orchestre. Ces derniers peaufinent les thèmes, y reviennent, leurs
chorus contribuant à structurer les compositions sur le plan de la forme. Thomas Savy a, paraît-il, naguère été conquis par la
saxophoniste pour l’avoir entendue en trio avec Stéphane Kerecki à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie. Il joue depuis plus de deux ans de la clarinette basse avec ces derniers, le guitariste Michael Felberbaum complétant le quintette de cette jeune anglaise installée à Paris depuis 2001. “Cold Light“ s’ouvre sur un duo entre Amy et Thomas. Le timbre chaleureux de la clarinette
basse contraste avec la sonorité tranchante de l’alto. Le morceau s’intitule Exit et les deux instruments esquissent les notes d’une ritournelle dont s’empare la section
rythmique. Egalement construites autour d’un leitmotiv humoristique, There Was et Fanfare génèrent de
passionnantes improvisations, Fanfare entrecroisant habilement plusieurs discours, chacun possédant sa propre logique. A la fois souple et
énergique, la section rythmique épouse les sinuosités mélodiques de compositions pleines de surprises et de fantaisies dans lesquelles se fait entendre un vrai son de groupe. La contrebasse de
Stéphane Kerecki porte les notes de Undertow. Autour d’elle s’organisent les échanges, se dessinent les délicates nuances d’un
morceau qui, abstrait de prime abord, devient une véritable danse. Ailleurs, dans Invisible Woman, une walking bass pneumatique et un batteur
au drive subtil offrent un superbe écrin à la clarinette de Thomas qui converse fréquemment avec le saxophone. La guitare de Michael
Felberbaum assure de passionnants contrepoints aux souffleurs et égraine les accords un peu magiques de Sleeping Potion, composition
baignant dans un climat onirique dans laquelle la clarinette basse peint les couleurs du rêve. Quant à Amy Gamlen elle sait raconter des histoires. Ses saxophones (alto ou
soprano selon les plages) chantent de bien belle façon dans Acceptance et Lil, courte pièce de
transition avant l’envoûtant In the cold Light of Day, une pièce
ouverte, aérée, dans laquelle les instruments se font tendres pour mieux nous séduire.
Amy Gamlen et ses musiciens seront le 15 janvier sur la scène du Sunset. On viendra nombreux les applaudir.
Enfant, Carla Bley adorait Noël. « Mon père tenait l’orgue à
l’église et la chorale interprétait ce jour-là tous mes chants de Noël préférés. » Rebelle aux fêtes traditionnelles (« sauf à Halloween » précise-t-elle), elle ne cessa pourtant
en grandissant de conserver un lien avec Noël à travers la musique. Carla aime beaucoup écrire et rédige toujours de savoureux dossiers de presse à l’attention des journalistes. Dans celui
qu’elle consacre à ce nouvel opus, elle nous révèle les circonstances et les travaux qui lui ont permis de maintenir des liens avec cette fête qu’elle célèbre avec panache aujourd’hui. Dès les
années 60, elle arrangeait des chants de Noël pour les enfants des écoles publiques. Elle fit de même dans les années 80 pour les élèves du Creative Music Studio
de Woodstock. Quelques années plus tard à l’occasion d’une fête de Noël dans les locaux du Jazz Composer Orchestra, « les meilleurs musiciens de jazz moderne de New York se retrouvèrent en train de jouer de vieilles harmonies pentatoniques démodées ». Elle enregistra
également en piano solo des chants de Noël pour la radio américaine, se constituant au fil des ans un important recueil de Christmas Carols arrangé par ses soins. Un concert donné
à Essen en décembre 2006 lui offrit l’occasion de les ressortir. Pour les jouer, elle engagea un quintette de cuivres, le tubiste berlinois Ed Partyka se chargeant d’en réunir les musiciens.
En décembre 2008, pour une tournée et ce disque enregistré principalement au studio La
Buissonne, Carla Bley et Steve Swallow reconstituaient une formation sensiblement
identique. Deux trompettes ou bugles, un cor, un trombone, un trombone basse ou tuba mêlent avec bonheur leurs timbres dans un programme aux arrangements pour le moins surprenant. La version
sobre et classique de O Tannenbaum qui ouvre l'album ne laisse en rien présager la suite. Bien qu’une des deux trompettes s’autorise une très
courte improvisation, l’écriture reste classique, loin de l’arrangement décoiffant de Jingle Bells également confié aux seuls cuivres. Rythmé par
des riffs de soca (mélange de calypso et de soul joué à Trinidad), ce célèbre morceau composé en 1857 par James Pierpont s’offre une nouvelle jeunesse. Les souffleurs
peuvent s’exprimer avec retenue, reprendre à l’unisson des mélodies sagement harmonisées, ou tout aussi bien se transformer en jazzmen. Composé par Carla, Hell’s Bells porte les accords du bop. Introduit a cappella, Ring Christmas Bells trempe largement dans le jazz, ses riffs de cuivres
restant ceux d’une fanfare. Carla Bley s‘amuse ainsi à brouiller les pistes. Les trompettes munies de sourdine de It Came Upon a Midnight Clear évoquent des voix entonnant un gospel. Composé en 1944, The Christmas Song de Mel Tormé côtoie le
célébrissime O Holy Night que le français Adolphe Adam écrivit en 1847. On retrouve parfois les sombres couleurs de l’album
“Social Studies“ dans Away in a Manger, chant de Noël lutherien de 1885. L’ouverture de God Rest ye Merry Gentlemen n’est pas non plus très gaie. Ce très vieux
chant de Noël (1823) le devient avec une trompette un peu ivre et des riffs de cuivres étrangement chaloupés. Accompagné par la basse, le piano improvise et ancre davantage le thème dans le jazz
dans sa seconde partie. Carla Bley reprend Jesus Maria, une de ses plus belles compositions. Steve
Swallow la jouait déjà en trio avec Paul Bley et Jimmy Giuffre dans
“Fusion“ un disque de ce dernier publié en 1961. Sa contrebasse y brode un chorus onirique. Elle chante et séduit aussi dans O Holy Night enregistré live à Berlin, de même que Joy to the World,
dernière pièce d’un recueil aussi beau qu’inattendu.
Comme je vous l’ai précédemment annoncé, le blogdeChoc sommeillera jusqu’en janvier. Bonnes fêtes à tous et à toutes.
Difficile de choisir quelques albums parmi les quelques centaines qui ont été édités cette année. Une bonne trentaine de nouveautés sortent du lot,
toutes aussi intéressantes les unes que les autres et il n’a pas été simple d’en conserver un petit nombre. Les rééditions posent moins de problèmes. Nombre d’entre eux, des enregistrements
pirates, ne méritent aucune publicité. J’ai toutefois préféré écarter de cette sélection les disques qui ne nécessitent pas un coup de pouce pour trouver acquéreur. Aussi bon soit-il, le dernier
opus de Keith Jarrett (un triple CD) n’a nul besoin d’un second coup de projecteur. Même chose pour “Around Robert Wyatt“ le dernier
ONJ, meilleur album de l’année aux récentes Victoires du Jazz. J’ai finalement arrêté mon choix sur douze
nouveautés et une réédition. Pour dix d’entre eux, vous avez pu lire mes chroniques dans ce blog, Jazzman ou Jazz Magazine/Jazzman, les deux titres ayant fusionné en septembre. J’ai
failli passer à côté de “Bright Mississippi“ album d’Allen Toussaint récupéré début novembre et que j’écoute sans me lasser. Souhaitant privilégier les nouveautés, il ne m’a pas non plus été possible de rédiger un texte sur “People Time“ dernier
enregistrement de Stan Getz publié en novembre, un coffret de sept CD à la musique largement inédite. Il sera
plus propice de vous en parler en janvier, un mois calme pour les sorties de disques. En outre, en raison des fêtes et après une dernière chronique musicale de circonstance, ce blog sera mis en
sommeil entre Noël et le nouvel An. Vous avez sûrement des cadeaux à faire, des disques à offrir. Puisse cette petite liste vous aider à bien les choisir.
-Stefano BOLLANI : “Stone in the Water“ (ECM/Universal) Dans ce disque, son premier en trio pour ECM, le pianiste impétueux refrène son énergie et laisse constamment respirer la phrase musicale dans une approche résolument mélodique. Ses deux complices, deux jeunes musiciens danois, parlent le même langage que lui. Une vraie réussite. Chroniqué dans le blogdechoc le 17 septembre.
-Vijay IYER : “Historicity“ (ACT/Harmonia Mundi) Une contrebasse et une batterie tissent une toile rythmique souple et constamment mobile pour envelopper un piano différent et toujours inventif. Clusters, dissonances, intervalles inhabituels, un foisonnement de notes s’échappent de l’instrument. Entre Andrew Hill et Cecil Taylor, les notes abstraites et poétiques d ‘un art très personnel. Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°607 (Choc).
-Stéphane KERECKI : “Houria“ (Zig Zag/Harmonia Mundi) Le contrebassiste ajoute un second saxophone à son trio et pas n’importe lequel. Tony Malaby est un des grands de l’instrument. Avec lui, la musique se fait plus sauvage, les quatre hommes improvisant une musique instinctive, expression d’un langage incantatoire intensément spirituel. Chroniqué dans le bdc le 19 mai.
-Steve KUHN : “Mostly Coltrane“ (ECM/Universal) En 1960, Steve Kuhn fut pendant trois mois le pianiste de John Coltrane. Lui rendant hommage, il reprend ses compositions, mais aussi les siennes (en solo) ainsi que quelques standards qu’il jouait avec lui. Joe Lovano y fait merveille au saxophone ténor. Il semble avoir retrouvé sa sonorité d’antan, un son plein et profond qui donne chaleur et émotion à la musique Chroniqué dans Jazzman n°159, juillet/août 2009 (Choc).
-Philippe LE BARAILLEC : “Invisible Wound“ (AJMI/Intégral) Son piano sensible et poétique raconte des histoires inattendues et surprend par ses couleurs et ses choix harmoniques. En trio, le retour d’un musicien habité qui s’était trop longtemps retiré de la scène musicale. On applaudit des deux mains. Chroniqué dans Jazzman n°153, janvier 2009 (Choc).
-Paul MOTIAN : “On Broadway Vol.5“ (Winter & Winter/Abeille Musique) Ce cinquième opus du batteur consacré aux mélodies de Tin Pan Alley est un des plus réussis. Motian dispose ici de deux saxophonistes complémentaires (Lauren Stillman et Michaël Attias) qui mêlent avec un rare bonheur leurs voix mélodiques, soufflent de longues phrases tranquilles et lumineuses. Au piano, Masabumi Kikuchi ajoute d’élégantes et imprévisibles dissonances. Une belle musique, lente, flottante et onirique. Chroniqué dans le bdc le 9 juin.
-Enrico PIERANUNZI : “Wandering“ (Cam Jazz/Harmonia Mundi) J’aurais pu choisir “Dream Dance“ (CAM JAZZ/Harmonia Mundi) superbe opus en trio de 2004 auquel j’ai attribué un Choc dans le n°156 de Jazzman. Mais, outre le fait qu’Enrico Pieranunzi enregistre moins souvent en solo, “Wandering“ fait entendre un admirable piano particulièrement inspiré sur un matériel thématique largement improvisé. Chroniqué dans le bdc le 15 décembre.
-Enrico RAVA : “New York Days“ (ECM/Universal) Enregistré à New York, ce disque réunit cinq musiciens exceptionnels. Outre Stefano Bollani au piano, la trompette chantante d’Enrico Rava rencontre le saxophone de Mark Turner, la contrebasse de Larry Grenadier et les tambours et cymbales de Paul Motian. Nulle urgence dans ce jazz souvent modal, mais des mélodies simples et envoûtantes d’une grande richesse sonore. Chroniqué dans le bdc le 6 février.
-Allen TOUSSAINT : “The Bright Mississippi“ (Nonesuch/Warner) Allen Toussaint nous promène dans les rues de la Nouvelle-Orléans sa ville natale et sur les rives du Mississippi. Le pianiste se fait chanteur dans Long, Long Journey, joue des blues, reprend des thèmes de Monk, Ellington, Jelly Roll Morton, propose des duos trompette piano trompette (avec Nicholas Payton), invite Brad Mehldau et Joshua Redman et dépoussière un répertoire qu’il rend intemporel.
-Jean TOUSSAINT : “Live in Paris & London“ (Space Time/Socadisc) Epaulé par d’excellents musiciens anglais, le trop méconnu Jean Toussaint se donne à fond dans cet enregistrement live. Il possède une belle sonorité au ténor et fait chanter ses saxophones (ténor et soprano) tout en racontant de passionnantes histoires mélodiques. Ses longs chorus énergiques et lyriques forcent l’admiration. Chroniqué dans le bdc le 25 novembre.
-Baptiste TROTIGNON : “Share“ (Naïve) Le meilleur disque du pianiste à ce jour. Les thèmes, souvent des morceaux à tiroirs, réservent de nombreuses surprises. Baptiste en fait moins que d’habitude. Il laisse jouer ses deux souffleurs (Tom Harrell et Mark Turner) et bénéficie d’une section rythmique également américaine (le disque a été enregistré à New York) avec Matt Penman à la contrebasse, Eric Harland ou Otis Brown à la batterie. Chroniqué dans le bdc le 13 février.
-Sam YAHEL : “Hometown“ (Positone/www.posi-tone.com) On connait surtout l’organiste, le compagnon occasionnel de Joshua Redman qui apparaît dans plusieurs de ses disques. En trio avec Matt Penman à la contrebasse et Jochen Rucker à la batterie, on découvre un pianiste enthousiasmant qui évoque Thelonious Monk, Eddie Costa, Brad Mehldau et Lennie Tristano. Chroniqué dans Jazz Magazine/Jazzman n°608.
-Stan GETZ – Kenny BARRON “ People Time, the Complete
Recordings“ (Verve/Universal) En mars 1991, un mois après son soixante-quatrième anniversaire, Stan Getz, malade (il lui reste trois mois à vivre), se produit quatre
soirs de suite au Café Montmartre de Copenhague. Accompagné par le piano de Kenny Barron, le saxophoniste trouve la force de faire chanter de manière exquise son instrument et livre son ultime testament musical. Un coffret de 7CD (un
par Set) indispensable à l’amateur de jazz.
Enregistrement solo de 2007, “Wandering“ réunit de courtes pièces, improvisées pour la plupart. Contrairement à son album consacré à
Domenico Scarlatti réalisé la même année, Enrico Pieranunzi ne part pas d’un matériel thématique existant. Seuls trois morceaux ont été préalablement composés.
Fermati a guardare il giorno, Rosa del mare et For My True Love révèlent la sensibilité du pianiste, son aptitude à faire chanter et respirer une simple phrase
musicale, à l’enrichir de notes tendres et émouvantes. Si Rosa del mare reste une rêverie poétique sophistiquée sur un plan harmonique, For My True Love, séduit par sa
simplicité. Avec très peu de notes qu’il fait admirablement sonner, Enrico crée une pièce musicale intensément lyrique. Ailleurs, il imagine, se jette à l’eau avec un bagage technique qui lui
permet toutes les audaces. Il ne cherche jamais à en mettre plein la vue, mais exprime ses émotions. Posant ses mains sur le clavier de l’instrument, il invente mesure après mesure une musique
qui n’a encore jamais été jouée. Articulation parfaite, lisibilité, sens de la forme, équilibre de la phrase, la formation classique et la profonde connaissance du jazz du pianiste se révèlent
dans des miniatures improvisées et variées. Cinq d’entre elles ne dépassent pas les deux minutes, ce qui oblige l’improvisateur à aller à l’essentiel. Certaines sont construites sur de courtes
séquences mélodiques; d’autres reposent sur des ostinato de notes. Enrico en fait briller les couleurs. Sa main gauche mobile et inventive installe des atmosphères obsédantes, joue les sombres
accords d’une musique introspective qui, par contraste, rendent particulièrement lumineuses et sereines ses trois compositions écrites. Le registre grave du clavier est ainsi particulièrement
sollicité dans Improstinato 2 et Dark, des pièces dont la noirceur se voit tempérer par le blues. Le pianiste fait de même dans Teensblues, morceau dont les accords
plaqués et dissonants rappellent un thème de Monk. Les autres paysages qu’il nous livre sont moins inquiétants. Enrico prend même le temps de poser des couleurs sur les lignes mélodiques de
Wandering 1 et Foor-Fee, des pièces espiègles et tendres, si bien construites qu’on a du
mal à les croire improvisées. Chapeau maestro !