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30 avril 2009 4 30 /04 /avril /2009 08:18

Ben Aronov a fait peu de disques et aucun n’est distribué en France où il vit depuis quelques années. Sauf celui-ci, son dernier, un album enregistré en octobre 2007 à Antibes et co-produit par le pianiste et les deux musiciens qui l’accompagnent : Vincent Strazzieri à la contrebasse et Cédrick Bec à la batterie. Oublié par les médias, le pianiste n’est malheureusement guère connu des amateurs de jazz. Il travailla pourtant avec de nombreux jazzmen américains, fut membre des Lighthouse All-Stars d’Howard Rumsey, du quartette et big band de Terry Gibbs, accompagna June Christy et Teddy Edwards à Los Angeles, Frank Sinatra, Lena Horne et Peggy Lee à New York dans les années 60, et joua avec Lee Konitz, Al Cohn, Zoot Sims, Jim Hall… J’arrête là sa biographie pour vous parler de cet enregistrement qui m’enchante, le disque d’un vrai trio qui prend le temps de peaufiner une musique lyrique et tendre inscrite dans la tradition d’un jazz intemporel. Malgré sa grande technique, Ben Aronov n’en fait jamais trop. Il choisit de belles notes et les fait danser, construit des phrases élégantes et les trempe dans un grand bain de swing. Composé par ses soins, ‘Bye, un thème espiègle, fait penser à Monk. Blues the Most d’Hampton Hawes, témoigne également de sa maîtrise du bop, de l’étendue de son vocabulaire harmonique sur tempo rapide. Les autres morceaux de l’album, des ballades, des standards à l’exception de Palisades signé par Ben, font entendre un pianiste au jeu constamment mélodique qui improvise sur les accords des thèmes. On suit ainsi avec bonheur les progressions harmoniques chantantes et fluides qui enrichissent sa musique ; on découvre sourire aux lèvres son goût exquis pour la note juste et le soin qu’il apporte à la faire sonner. Dissonant Transparency, une composition fascinante de Tom Pierson que Gil Evans admirait, baigne dans un climat impressionniste et reflète ce travail de mise en couleur. Saluons aussi le délicat travail d’une section rythmique constamment attentive au discours pianistique. Vincent Strazzieri improvise de judicieux commentaires mélodiques, notamment dans Falling Grace, Feeling of Jazz (de Duke Ellington) et Blues the Most. Cédrick Beck marque le tempo avec souplesse. Ses balais glissent sur la caisse claire, font délicatement bruisser les cymbales ; ses baguettes, légères, caressent les rythmes. Introduit par un martèlement de tambours, E.S.P. de Wayne Shorter révèle le talent d’arrangeur du batteur. La musique prend une couleur modale, les notes s’étalent sur plusieurs mesures. Beck muscle son jeu, comme pour attacher à la terre ces harmonies flottantes qui tentent de gagner le ciel.

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24 avril 2009 5 24 /04 /avril /2009 14:41

Guitariste de formation classique, Marc Sinan se produit en solo et au sein d’orchestres de chambre ou symphonique depuis plus de quinze ans. Bien qu’impliqué dans la musique contemporaine, il fait ses débuts chez ECM avec un projet personnel lié à sa double culture – son père est allemand et sa mère turco-arménienne - , un mélange de musiques orientales et occidentales, répertoire original rassemblant chansons et improvisations modales. L’album raconte l’histoire d’Aicha bint Abi Bakr (613-678), dernière femme du prophète Mahomet, la « Mère des Croyants » des Sunnites. Les textes s’inspirent de passages du Coran, des neuf livres des hadiths (les paroles du prophète) et de poèmes persans anciens. La pianiste Julia Hülsmann les met en musique, les habille de mélodies limpides et apaisantes, en phase avec l’aspect religieux des textes. Les membres de son trio habituel – Marc Muellbauer à la contrebasse et Heinrich Köbberling à la batterie – l’accompagnent. Outre Marc Sinan à la guitare, l’album, réunit la chanteuse serbe Yelena Kuljic et Lena Thies, une altiste classique séduite par les musiques improvisées. L’orchestration reste volontairement sobre et dépouillée ; les musiciens jouent peu de notes, mais font magnifiquement sonner leurs instruments. Quelques accords de piano ou de guitare suffisent à porter une voix expressive qui explicite le récit. Seul ou associé au piano et à la guitare pour colorer un thème, le chant de l’alto est celui des oiseaux des jardins sur l’Oronte. Dans You Open My Eyes, la dernière chanson, les musiciens improvisent autour d’un court motif mélodique que répète le piano. Dans Son Taksim, l’instrument offre de magnifiques accords à la guitare qui développe et égrène les pas d’une courte danse. Contrebasse et batterie commentent délicatement une musique modale qui s’enroule doucement sur elle-même, rythment des improvisations souvent proches du jazz. Les morceaux joués en trio relèvent davantage de la tradition orientale. Marc Sinan les a rapportés de Turquie. Kamil Hodja, un imam, a accepté d’improviser pour lui dans la tradition maqâm et ses transcriptions ont fourni la musique de Sure 6/51 et Sure 81, deux courtes pièces au flux harmonique lent et majestueux. Suite ottomane explorant des modes au sein de compositions préétablies, “Fasil“ envoûte, séduit par sa richesse tant musicale que spirituelle et rend audibles les murmures de l’âme.

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14 avril 2009 2 14 /04 /avril /2009 15:49

Pendant cinq mois, de janvier à mai 2007, le Paris Jazz Big Band se produisit un jeudi par mois au Trabendo, parc de la Villette, dans un programme chaque fois différent. Tous les concerts furent enregistrés et ce coffret de trois CD dont la parution coïncide avec les dix ans d’existence de l’orchestre en propose de larges extraits. Les trois premiers programmes, “Paris 24 h“, “Mediterranéo“ et “A suivre“ ont fait l’objet d’enregistrements studio, mais jouée live, la musique apparaît beaucoup plus excitante, spontanée et fluide. Le quatrième programme, un hommage au pianiste Bernard Maury disparu en août 2005, tourne autour de Bill Evans que Bernard admirait particulièrement. Zool Fleischer, Eric Legnini et Pierre de Bethmann occupent tour à tour le piano. Les œuvres des deux premiers sont arrangées par Pierre Bertrand et Nicolas Folmer, patrons talentueux de ce magnifique orchestre et auteurs de la plupart des formidables compositions inscrites à son répertoire. Le cinquième programme rassemble les travaux de trois compositeurs et arrangeurs français et québécois : Ivan Jullien (un arrangement de Nostalgia in Time Square de Charles Mingus), Laurent Cugny (Moya, une pièce magnifique) et François Théberge. Le Paris Jazz Big Band a convié chaque mois des musiciens à le rejoindre - Louis Winsberg, André Ceccarelli, Christophe Wallemme et Minino Garay pour n’en citer que quelques-uns - , tous ajoutant une note personnelle, mélodique ou rythmique, à la musique. Les arrangements très variés font donc appel à une large palette d’instruments et de rythmes. Les sons cristallins du piano Fender se mêlent aux riffs des instruments à vent, la formation s’accommodant très bien de quelques instruments électriques pour séduire, envelopper d’une chaleur concertante l’auditeur subjugué. Intégrant aussi bien le langage du blues que le vocabulaire d’un bop modernisé à son répertoire, l’orchestre offre une musique aux textures sonores et aux couleurs changeantes, et surprend par la variété des paysages qu’il propose. Encadrés par des sections rythmiques souples et mobiles, par une masse orchestrale aussi légère qu’élégante, les solistes brillent par la qualité de leurs improvisations, chaque pièce leur laissant le temps de longuement s’exprimer. Denis Leloup fait ainsi merveille au trombone dans Iona, une composition de Nicolas Folmer trempée élégamment dans le funk. Ce dernier impressionne dès qu’il embouche sa trompette. Sur le même instrument, Fabien Mary enchante dans Sueño de niño et Pierre de Bethmann et Zool Fleischer éblouissent au piano, le premier dans Pra Baden et Fragile, le second dans Air Comme René, une de ses compositions. Merci à Sylvain Beuf, Stéphane Chausse (pour le magnifique chorus de clarinette de Biguine), Alfio Origlio, Pierre Bertrand (épatant au ténor dans Incertitude) et Stéphane Guillaume pour leur contribution à ce bien bel album.

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2 avril 2009 4 02 /04 /avril /2009 16:40

J'ai découvert Maria Pia De Vito en 2005 avec “So Right“ un hommage à Joni Mitchell, un album séduisant, une voix chaude, solaire, expressive, retrouvée l’an passé dans “Archangelica“ de Michel Godard, mais qui n’apporte pas grand chose à ce bien bel album. Italienne, très active sur la scène du jazz, Maria Pia a enregistré de nombreux disques, la plupart introuvables dans l’hexagone. Elle a étudié l’opéra, le chant contemporain et s’est faite remarquée dans “One Heart, Three Voices“, un opus de Diederik Wissels et David Linx. En examinant sa discographie, on se rend compte qu’elle aime les pianistes qui recherchent la subtilité harmonique, et ce n’est pas un hasard si trois de ses albums ont été enregistré avec John Taylor, l’un des plus fins pianistes britanniques. Anglais lui aussi, Huw Warren est beaucoup moins connu. Il a travaillé avec le violoniste Mark Feldman, s’intéresse au folk, aux musiques baroque et contemporaine comme en témoigne la diversité de ses travaux et la richesse harmonique de son jeu sensible. “Diálektos“ (langue, dialecte) est une heureuse rencontre. Huw et Maria Pia ont composé ensemble la plus grande partie du répertoire de l’album, de très belles mélodies ancrées dans la tradition populaire napolitaine, des compositions de Warren sur lesquelles Maria Pia a ajouté des paroles. Les morceaux sont plutôt joyeux, malgré la clarinette mélancolique de Gabriele Mirabassi qui chante à trois reprises avec le duo. Maria Pia utilise plusieurs techniques vocales, parfois dans un même morceau. Si l’étonnant Miguilim de Rita Marcotulli ou Ginga Carioca, une composition d’Hermeto Pascoal résument ce dont elle est capable en matière de scat, elle utilise également sa langue pour rythmer la musique, vocalise, se sert du re-recording pour créer plusieurs voix dans Diálektos, morceau à fort potentiel rythmique tout comme Whistling Rufus, autre condensé de son art. Maria Pia chante aussi avec une conviction contagieuse de splendides ballades, Beatriz de Chico Buarque et Edu Lobo, Allirallena, morceau au charme considérable et Mmiezo’o ggrano, chanson napolitaine envoûtante dans laquelle Huw Warren joue du piano préparé.

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19 mars 2009 4 19 /03 /mars /2009 14:54

Musicien inspiré, Ernst Reijseger tire des sons étonnants de son violoncelle. Il donne à entendre une voix, un double de lui-même qui rit, pleure, murmure, crie, proteste et chante des mélodies qui font bien sûr rêver. Né aux Pays-Bas en 1954 et récipiendaire du très convoité Boy Edgar Prize en 1985, il aime diversifier ses activités et joue des choses très différentes. Jazz moderne, musique improvisée ou contemporaine, difficile de mettre une étiquette sur les travaux d’un musicien inclassable, un maître qui multiplie rencontres et aventures. “Tell me Everything“ en est une. Recueil d’œuvres pour violoncelle solo, il contient des pièces aussi changeantes que la couleur du ciel. Toutes dégagent une impression de force et de plénitude. Ernst les a enregistrées en Toscane, en avril 2008. Installé dans le domaine vinicole de Castello di Volpaia dans le Chianti, il découvre que l’ancienne église du lieu, La Commenda di San Eufrosino de Volpaia est particulièrement propice à la création musicale. De vieux microphones à tubes ont ainsi recueilli des moments de grâce, de solitude, de tension et de paix. Pièces aux cadences envoûtantes, cordes caressées, frappées par l’archet ou jouées pizzicato, compositions limpides évoquant les heures douces d’un matin printanier, chacune conte une histoire. Le chant des oiseaux de Volpaia introduit l’album et les premières notes de Bidderosa - morceau écrit sur la côte sarde, un thème éclairé par la lumière de l’aube, les cordes du violoncelle pincées par les doigts sonnant un peu comme celles d’une guitare - , font fête au jour naissant. Chaque morceau est ici une surprise, Reijseger variant sans cesse de technique, ouvrant la porte au merveilleux. L’instrument émet le chant d’une baleine (Moby’s Night Out), sonne comme un shakuhachi (Falsetto), ou rythme les accords du blues (Dancing for D). Une musique d’un grand lyrisme laisse soudain place à de longues notes tenues, ondes sonores convulsives parcourues de fiévreux frissons rythmiques, glissandos porteurs de formes et de couleurs. Dans Tell me Everything, la dernière plage, la plus longue, Ernst Reijseger nous offre le meilleur de son art. Ses variations mélodiques jouées à l’archet, ses longues phrases répétitives nous plongent dans un monde onirique.

Photo: Ernst Reijseger devant La Commenda di San Eufrosino de Volpaia (Toscane) © Winter & Winter 

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12 mars 2009 4 12 /03 /mars /2009 10:03

Ce nouvel album de John Taylor en solo ne dévoile pas aisément ses secrets. Son approche en est même difficile. Le pianiste anglais construit un univers sonore raffiné dans lequel les thèmes complexes et durs à mémoriser naissent de savantes constructions harmoniques. A peine entrevus, ils nous échappent, génèrent d’autres mélodies tout aussi fugitives. John Taylor joue une musique souvent abstraite. Son langage introspectif et poétique évoque des images, fait travailler l’imagination. Sa vision du jazz est européenne. Son vocabulaire, ses choix mélodiques traduisent des influences classiques, surtout le court Prelude n°3, dans lesquelles il donne poids et volume à ses notes inquiétantes. Les “Phases“ qu’il décrit, ce sont celles des saisons. Dans Spring, la musique semble sortir d’un long sommeil, hésite puis se transforme, devient vive et lumineuse. Summer déploie de riches couleurs harmoniques. Le piano esquisse des pas de danse, chante de délicates ritournelles. Autumn, une pièce sombre, lente, mélancolique, s’articule autour d’une mélodie circulaire. Le début de Winter est presque un ostinato. Le piano chante les mêmes petites notes puis improvise des variations qui étrangement relèvent du blues. Ces quatre saisons, John Taylor ne les joue pas les unes derrière les autres, mais intercale entre-elles des compositions fascinantes. Les ambiguïtés harmoniques de Ritual, une pièce très noire, le mystérieux et envoûtant Frolics qui révèle davantage sa beauté à chaque écoute sont quelques-unes des miniatures constituant le programme de ce disque. Quatre d’entre-elles dépassent les cinq minutes. Eulogy fut enregistré par Taylor avec le groupe Azimuth en 1978 et une première version d’Autumn apparaît dans “Départ“, le troisième disque de cette formation. John Taylor joue aussi du célesta dans Foil et Duetto, deux morceaux plus accessibles. Dans le premier, le piano brode un contrepoint mélodique autour des notes répétitives du célesta. Dans le second, le piano assure le travail rythmique et le célesta improvise. Avec Fedora, une composition de Kenny Wheeler jouée staccato, Duetto est une des rares plages de l’album à posséder une véritable cadence. For Carol et son beau thème nostalgique est également d’un accès plus facile. Soyez patients avec ce disque. Il faut plusieurs écoutes pour en saisir les richesses.

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9 mars 2009 1 09 /03 /mars /2009 12:07

Sur scène, Yaron Herman prend son temps et développe les idées harmoniques qui lui passent par la tête. Il cherche, repense ses morceaux et ceux des autres, en donne des versions toujours différentes et se dépense sans compter dans de longues improvisations souvent oniriques. En studio, le pianiste canalise son énergie, réduit ses voicings et va à l’essentiel. Les morceaux de son disque précédent restent des esquisses enregistrées par un groupe qui n’a pas encore appris à se connaître. Ils seront retravaillés en concert. Perpétuellement insatisfait, Yaron cherchera sans doute à faire de même avec les compositions de ce nouvel album. Beaucoup plus abouti, il traduit pourtant une maturité nouvelle. Le pianiste fougueux place désormais sa technique au service d’une musique dont il a très soigneusement peaufiné les arrangements. La cohésion exceptionnelle du trio qui l’accompagne rend possible ce travail sur la forme. Matt Brewer à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie apportent une grande fluidité rythmique aux morceaux. Le batteur fascine par la légèreté de son jeu de cymbales. Une contrebasse complice à la sonorité magnifique commente, installe un groove dont profite habilement le pianiste. Les rythmes interviennent beaucoup dans la composition de Vertigo et de Twins, morceaux exigeant une grande précision d’exécution. Matt Brewer apporte deux mélodies et Yaron en a puisé d’autres chez des compositeurs hébreux, Alexander Argov et Naomi Shemer, grande dame de la chanson israélienne. De cette dernière, Yaron reprend Lu Yehi, en solo, moment tendre et magnifique. Ecrit par Bjork, Isobel hérite des magnifiques couleurs qu’installe le Quatuor Ebène. Ce sont encore les cordes qui dans Muse répondent au piano. Cette pièce, la première de l’album, rappelle beaucoup Vision, l’ouverture d’“Expectations“, double album que Keith Jarrett enregistra pour Columbia en 1972. Bien que l’influence de ce dernier soit encore prépondérante, Yaron tend à s’en dégager. Intelligemment construites, ses longues phrases accueillent le silence. Joliment ciselées et restituées par une magnifique prise de son, les notes respirent, réservent de nombreux moments magiques, forment la trame d’un vaste tissu poétique. Joya et Rina Ballé éblouissent par leurs voicings. Cette dernière pièce, la plus longue du disque, abrite une splendide partie d’alto. Le Quatuor Ebène répète sans cesse le thème, le piano chante, les doigts égrainent un tapis de petites notes ensorcelantes qui réconfortent et ne lassent pas. Particulièrement inspiré, Yaron nous offre ici son plus beau disque.
Pour fêter sa sortie, Yaron Herman donne ce soir à 20 heures un concert unique au théâtre des Champs-Elysées: http://www.theatrechampselysees.fr/ 
 

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23 février 2009 1 23 /02 /février /2009 10:50

De bonnes chroniques de ce disque dans Jazzman et Jazz Magazine, Vladimir enthousiaste à la Fnac Montparnasse, m’ont donné envie de découvrir la musique de Christophe Leloil que je ne connaissais pas. « Bonne écoute » a écrit Jean-Paul Ricard le directeur artistique de l’Ajmi sur la carte postale qui accompagnait son envoi. Mes oreilles ont été enthousiastes. Outre la révélation d’un jeune trompettiste qui n’hésite pas à utiliser toutes sortes de sourdines pour rechercher divers effets de growl et vocaliser le discours instrumental, la compétence de l’arrangeur et l’agencement des épisodes orchestraux de cette suite instrumentale subtilement orchestrée impressionnent. "E.C.H.O.E.S." (Extended Composition Heard On Evolutive Swing) réunit une série de compositions à tiroirs s’enchaînant sans aucune pause. De fréquents changements de tempo au sein même de chaque morceau favorisent la déclinaison de nombreux interludes mélodiques qui introduisent habilement les chorus. Christophe se réserve ceux de la première pièce : Play the Blues and See What Happens, avant d’inviter ses musiciens à improviser. Trempée dans le blues, sa musique sonne résolument moderne. Nourrie du bop de Clifford Brown, elle s’enracine dans le swing de Roy Eldridge et dans le jazz des années 20. Le blues habite cette trompette agile et chaleureuse qui concilie tradition et modernité et passe aussi aisément d’un style à un autre que la nuit succède au jour. Car c’est un véritable voyage dans l’histoire du jazz qu’effectue ce sextet qui parvient à sonner comme un petit big band. Comment ne pas penser aux suites que Wynton Marsalis a composées pour son septet au début des années 90, à “Citi Movement“ notamment. Il faut saluer les protagonistes de cette belle aventure musicale qui, sans jamais tomber dans le syncrétisme, réunit le jazz d’hier et d’aujourd’hui. Omniprésente au piano, Carine Bonnefoy brode des harmonies délicates et assoit l’harmonie derrière les solistes. Il faut l’entendre improviser dans Roulette Russe et La Petite Ternade, composition qui étonne par sa modernité. Raphaël Imbert et Thomas Savy se partagent clarinettes et saxophones et donnent de chaudes couleurs à ces pages pleines de vie. Simon Tailleu et Cédrick Bec installent le swing et portent à ébullition une grande variété de rythmes. Avec eux, la musique jamais ennuyeuse acquiert une dynamique et une mobilité stupéfiantes. 

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13 février 2009 5 13 /02 /février /2009 14:00

Je n’ai jamais été un grand fan de Baptiste Trotignon. Dans ses précédents albums en trio ou avec David El-Malek, le pianiste étale un peu trop sa technique. Bon musicien, mais acrobate du bop, il jongle avec ses notes et donne peu d’émotion. Plus intéressants, ses deux disques en solo réservent de bons moments. Le piano se fait tendre, le discours devient sensible et poétique et la musique y gagne. On entend cela dans cet album new-yorkais. Le langage y est constamment musical, le pianiste met sa technique au service de la musique et n'en fait jamais trop. Baptiste nous offre des thèmes simples, élégants et souvent mélodiques, à l'écriture travaillée. Ses morceaux à tiroirs réservent des surprises, des thèmes secondaires, des cadences qui étonnent et stimulent la section rythmique. La contrebasse très souple de Matt Penman réagit comme un élastique à ces tensions inattendues. Eric Harland jongle avec une grande variété de rythmes. Sa batterie ne marque pas seulement le tempo, mais colore et nourrit le flux musical. Otis Brown officie dans les morceaux plus ternaires, dans Dexter, une pièce bop que chauffent à blanc le saxophone ténor de Mark Turner et le bugle de Tom Harrell. Ce dernier s’offre un très beau duo avec Baptiste dans Blue, une pièce douce et magique. Contrairement à de nombreux saxophonistes, Mark a beaucoup à dire. Il raconte des histoires, possède une sonorité et un langage harmonique bien à lui. Dans Flow, son saxophone chante la mélodie avec le piano, en décline les harmonies par petites touches, joue de courtes phrases personnelles. On retrouve les deux souffleurs dans Samsara, un thème élégant qu’ils habillent de couleurs éclatantes. Nerveux et virtuose, le piano chante de délicates petites musiques. Peace dans lequel on entend quelques notes du 4ème prélude de Chopin est très attachant. On ne s’ennuie pas une seconde à l’écoute de ces onze plages, le meilleur disque de Baptiste Trotignon. 

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10 février 2009 2 10 /02 /février /2009 08:38

Troisième volet des “New York Trio Recordings“ de Marc Copland. Après Gary Peacock et Bill Stewart dans le premier, Gary Peacock et Paul Motian dans le second, le pianiste change à nouveau de section rythmique, reprend Stewart et remplace Peacock par Drew Gress, sa musique se voyant ainsi portée d’une autre manière. Stewart semble mieux convenir que Motian pour la rythmer, la pousser en avant. Il prend des initiatives, anticipe le flux harmonique, rentre davantage dans la musique. On peut préférer le premier volume au second, mais Gress joue plus juste que Peacock et donne beaucoup d’épaisseur à ses notes rondes et puissantes. Dans Like it Never Was, une des compositions de “7 Black Butterflies“, un de ses albums, il se place volontairement en retrait pour laisser Stewart ponctuer la musique de ses cymbales. Night Whispers débouche vite sur une improvisation collective et dans Space Acres et The Bell Tolls, Copland revient obstinément sur les mêmes accords pour permettre à ses partenaires d’embellir harmoniquement et rythmiquement les morceaux. Le pianiste fait beaucoup jouer ses musiciens. Il les provoque, les relance par quelques notes, par un motif rythmique inlassablement répété qui les oblige à façonner une musique de groupe. Copland ne joue pas non plus comme les autres pianistes. Trois courtes versions d’Emily en solo, différentes les unes des autres, témoignent de la singularité de son langage harmonique. Son utilisation judicieuse des pédales lui permet de nuancer constamment son phrasé legato, de modifier la couleur de ses notes raffinées, d’allonger ou de diminuer leur résonance. Ce nouvel album de Marc Copland confirme sa place auprès des grands. On l’écoute avec un plaisir intense.

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