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20 novembre 2008 4 20 /11 /novembre /2008 17:07

Brillant est le mot qui vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on découvre ce disque, un enregistrement inédit de 1992 que le pianiste choisit aujourd’hui de publier. Avec Gary Peacock en grande forme à la contrebasse et Bill Stewart , déjà un solide batteur qui sait faire danser ses cymbales, Bill Carrothers, 28 ans lorsqu’il enregistre ces faces, éblouit par la richesse de son vocabulaire harmonique, la subtilité de ses voicings. Le toucher est beau et précis. Les mains agiles se jouent des difficultés techniques que posent ses compositions et une poignée de standards bien choisis : When Will the Blues Leave, une ritournelle d’Ornette Coleman ; Off Minor, petit thème génialement simple que seul Thelonious Monk pouvait écrire, et My Heart Belongs to Daddy de Cole Porter. Il est amusant de comparer ce piano avec celui qui aujourd’hui épaule le violoncelle de Matt Turner dans un CD consacré au répertoire de Stephen Foster. Depuis quelques années, Bill questionne les musiques de l’Amérique, celles de sa guerre civile, mais aussi de la Grande Guerre au lendemain de laquelle le jazz prend son essor. Elles occupent une place importante dans son univers, et l'on en perçoit déjà la trace dans le long exposé en solo de Jésus’ Last Ballad. Les standards qu’il reprend traduisent également l’intérêt qu’il porte à de vieux morceaux oubliés. S’il ne visite plus les mêmes musiques, Bill Carrothers ne joue pas non plus le même piano. L’ange du bizarre l’aiguillonne davantage et lui inspire des dissonances, des harmonies abstraites, un jeu plus staccato, Bill cherchant à greffer des accords nouveaux sur d’anciennes pièces dont il préserve la mémoire.

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18 novembre 2008 2 18 /11 /novembre /2008 09:19

Enrico Pieranunzi est quasiment inconnu en France, lorsque le public de jazz le découvre en 1989 dans deux des titres de “A Sip of your Touch“, premier album de son compatriote Riccardo Del Fra pour IDA Records . Dans la foulée, Philippe Vincent, le fondateur du label, lui propose d’enregistrer plusieurs disques en 1990, « une année qui fut pour moi un tournant, tant dans ma vie privée que dans ma musique ». En juin, Marc Johnson l’invite à se produire en trio avec lui et Peter Erskine dans un festival de musique classique en Virginie. Marc et Enrico se piquent alors au jeu du dialogue. Pour le pianiste romain qui maîtrise tous les aspects du piano, un approfondissement harmonique et une autre manière de jouer le tempo s’offrent à lui. Quant à l’ancien contrebassiste de Bill Evans, il se complaît dans ce jeu intuitif dans lequel chacun peut à tout moment orienter le discours de l’autre, proposer autre chose, une mélodie nouvelle entrevue fugacement ou l’idée d’un thème travaillé plus tard à l’ombre des studios. Les 17 et 18 décembre, les deux hommes enregistrent pour IDA “The Dream Before Us“ après une série de concerts dont un donné à Lausanne le 13 décembre pour la Radio Suisse Romande aujourd’hui publié. « Je me souviens parfaitement que nous n’avions rien planifié. Nous avons juste commencé à jouer en complète interaction, à l’écoute de nos imaginations, de nos sensibilités respectives » écrit-il dans les notes du livret. Sans aucune préméditation, les deux hommes rencontrent en chemin une poignée de standards qu’ils développent. A l’époque de cet enregistrement, l’univers d’Enrico Pieranunzi reste encore marqué par l’héritage du bebop historique. Des années de piano classique ont développé son sens de la forme et de la rigueur. Sa main gauche, solide et puissante égrène des lignes dures, des accords énergiques. Avec Marc Johnson, il prend des risques, installe des dissonances obsédantes dans Singing All Times et Minding, deux des pièces d’une Blue Suite conséquemment abstraite. Influencé par le jeu modal de Bill Evans, il joue aussi un piano lyrique et romantique qui est toujours sa signature. Mélange de standards et de parties improvisées, la magnifique Yellow Suite en témoigne.

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7 novembre 2008 5 07 /11 /novembre /2008 17:34
Après avoir exploré le jazz moderne et enregistré en quartette des compositions personnelles (avec Ben Monder à la guitare, Joe Martin à la contrebasse et Ted Poor à la batterie, personnel du premier disque de Jérôme sur Bee Jazz en 2007), Jérôme Sabbagh revient aux fondamentaux, à la relecture de grands standards, célèbres ou oubliés de l’histoire du jazz. En trio. Elève de Miroslav Vitous, Ben Street a enregistré avec le guitariste Kurt Rosenwinkel et le saxophoniste Sam Rivers. « Ben a toujours été l’un de mes contrebassistes préférés…Il possède une très forte personnalité musicale et est l’un des musiciens les plus exigeants que je connaisse ». Rodney Green travailla deux ans avec Diana Krall et tient la batterie dans plusieurs albums du saxophoniste Greg Osby. « Je l’ai rencontré par hasard et il est devenu mon batteur de trio préféré. J’adore son toucher, la manière dont il développe des idées, la profondeur de son écoute ». Les deux hommes assurent un solide appui rythmique au saxophone qui, partant des mélodies, prend seul les décisions harmoniques, exercice périlleux et difficile sans un piano pour asseoir la tonalité, garder les accords d’un thème dont on va changer les notes pour le mener ailleurs, lui apporter une expression personnelle. Le saxophone doit jouer davantage, souffler une plus grande quantité de notes. La contrebasse l’épaule par ses propres chorus, mais Jérôme prend des risques, introduit en solo Body and Soul et en explore l’harmonie sur plus de sept minutes. Le saxophone convoque Thelonious Monk, Bill Evans, Bud Powell, Billy Strayhorn, s’empare avec respect de quelques-unes de leurs œuvres et les habille avec des phrases fluides et chantantes qui n’appartiennent qu’à lui-même.
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5 novembre 2008 3 05 /11 /novembre /2008 19:03

D’emblée, la contrebasse d’Arild Andersen chante des notes admirables avec un son énorme. Volumineux comme une montagne, le saxophone de Tommy Smith gronde avec une autorité que l’on n’a plus l’habitude d’entendre dans le jazz. Excellemment enregistrée, la batterie aux peaux très tendues de Paolo Vinaccia né en Italie, il réside en Norvège depuis 1979 - sonne comme si elle était accordée pour un concert de rock. Le nouveau trio d’Arild Anderson, l’un des meilleurs bassistes du nord de l’Europe, fait entendre une musique aussi explosive que lyrique. Dans les ballades, des morceaux d’une douceur hypnotique, le ténor charme par des phrases d’une suavité rare. L’absence de piano n’est pas un problème, Anderson élargissant la palette sonore de sa formation par les effets électroniques qu’il ajoute à sa contrebasse (emploi d’un octaveur, mise en boucle de certaines notes, de courtes phrases dont la répétition donne un certain mystère à la musique). Composée en 2005  pour fêter de centenaire de la libération de la Norvège de l’asservissement suédois, Independency, longue suite divisée en quatre parties approchant les 45 minutes, abrite des moments d’une grande  puissance. Un saxophone virtuose souffle des notes incandescentes (Independency Part 2), métal en fusion sur lequel coule du miel, de petites notes onctueuses qui plongent dans le rêve. Le groupe nous en entrouvre les portes, dessine les images sonores de paysages de neige dans le troisième mouvement d’Independency. Originaire d’Edimbourg, élève de la Berklee College of Music de Boston et auteur d’une bonne vingtaine d’albums sous son nom, Tommy Smith n’a jamais tant impressionné que dans cet enregistrement live réalisé en septembre 2007 au Belleville Club et au Drammen Théâtre d’Oslo. Prelude to a Kiss d’Ellington, la seule reprise de l’album, subit ainsi une profonde relecture, sa structure harmonique en sortant amplement transformée. Ce disque essentiel se clôt avec Dreamhorse, magnifique dialogue contrebasse/saxophone arbitré par la batterie sur une mélodie gardée longtemps par la mémoire.

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29 octobre 2008 3 29 /10 /octobre /2008 18:21

Le piano improvise avec lyrisme dès les premières mesures de Totò Sexy, première plage de l’album. Antonio Faraò ne possède pas seulement une technique impressionnante, il joue avec beaucoup de sensibilité et possède un beau toucher, autant d’atouts rendant attractif le programme de ce disque, quatre compositions personnelles et huit morceaux d’Armando Trovajoli auquel il rend hommage. Auteur de plus de 300 musiques de film, de comédies musicales, et de quelques œuvres de musique classique, ce dernier enregistra également des disques de jazz pour RCA, parmi lesquels “Trovajoli Jazz Piano“ réédité au Japon. Grâce à sa mère qui l’appréciait, Faraò se familiarisa très tôt avec sa musique, découvrant des affinités mélodiques avec la sienne. Trovajoli signa les partitions de “Riz amer“ (Giuseppe De Santis), “Mariage à l’italienne“ (Vittorio De Sica), “Les Monstres“ (Dino Risi), “Une journée particulière“ et “Nous nous sommes tant aimés“ (Ettore Scola), célèbres joyaux du cinéma italien. Antonio Faraò les délaisse pour des films plus confidentiels, des réalisateurs moins renommés (Luigi Magni, Mario Vicario, Mario Amendola) dont les œuvres n’ont pas toutes été distribuées en France. Son choix s’est volontairement porté sur des musiques qui n’ont pas grand-chose à voir avec le jazz, des airs peu connus qu’il peut à loisir remodeler, habiller d’harmonies et de rythmes nouveaux tout en préservant les mélodies initiales. Le seul film très connu de cette sélection est “Parfum de Femme“ (“Profumu di donna“) réalisé en 1974 par Dino Risi, un rôle en or pour Vittorio Gassman. Le titre anglais “Woman’s Perfume“, donne son nom à cet album que Faraò a enregistré à Paris en septembre 2006. Avec Dominique Di Piazza et André Ceccarelli, il possède un nouveau trio modifiant les couleurs de sa musique. La basse électrique de Di Piazza possède une sonorité ronde et chaude. Elle se marie bien au drive raffiné du batteur et assure un riche contrepoint de notes à un pianiste qui ornemente et invente brillamment. La pièce en solo, Il Prete Sposato (“Un Prêtre à marier“ de Mario Vicario (1971) avec Magali Noël), donne envie de l’écouter davantage sans accompagnateurs. Les thèmes qu’il compose convainquent un peu moins. On écoute davantage les grappes de notes qu’il brode autour, leurs harmonies chantantes et inspirées. On plonge dans ce beau piano comme dans un bain d’eau fraîche un soir d’été caniculaire. Il procure un bien être immédiat.
Meilleurs morceaux : Profumo Di Donna, Il Prete Sposato, Il Vedovo, Paolo Il Caldo.
      

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24 octobre 2008 5 24 /10 /octobre /2008 16:40

Alon Yavnai a travaillé avec Joe Lovano, Yo-Yo Ma, Freddie Hubbard, Nancy Wilson, mais surtout avec Paquito D’Rivera dont il fut longtemps le pianiste. Il sort enfin un album en trio sous son nom, son premier, un disque longuement mûri, pleins de couleurs chatoyantes et de rythmes subtils. Alon est un mélodiste. Il écrit de beaux thèmes, les interprète sobrement, avec des notes qui séduisent et émeuvent, voyagent comme les ballons que portent les grands vents de la terre. Le toucher est fin, les doigts vifs et habiles à faire chanter un piano et lui donner du rythme. Cela va d’un léger balancement à une métrique plus complexe, un large éventail de cadences. Travel Note, pièce qui donne son titre à l’album et dans laquelle le contrebassiste Omer Avital joue de l’oud, rappelle certaines structures rythmiques de la musique marocaine, mais aussi le festijo, une des danses populaires du folklore afro-péruvien. Alon Yavnai explore et rassemble ainsi sa double culture ; sud-américaine par sa mère argentine, juive par son père. Né en Israël, il y a grandi et étudié, se nourrissant des riches traditions musicales de l’Afrique du Nord qui, via l’Espagne, se sont répandues en Amérique Latine. Jamey Haddad n’utilise pas une batterie conventionnelle, mais se sert de percussions qui soulignent, ponctuent discrètement, et ne pèsent jamais sur le discours mélodique. Car le langage poétique du piano enchante, petites musiques rêveuses et tranquilles qui surgissent d’un lointain intérieur. Alon met son âme dans ses doigts lorsqu’il joue en solo - Numi Numi, une berceuse traditionnelle, Shir Ahava Tari (Chanson d’amour fraîche) - , des moments de grâce témoignant d’une maîtrise pianistique aboutie.
Meilleurs morceaux : Bayit, Yoman, Shir Ahava Tari, Zricha. 

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21 octobre 2008 2 21 /10 /octobre /2008 18:05

Ted Nash : "The Mancini Project" (Palmetto/Codaex)

Ted Nash souhaitait depuis longtemps enregistrer des thèmes d’Henri Mancini (1924-1994), célèbre compositeur de musiques de films, une bonne partie d’entre-elles trempées dans le jazz. Ted grandit à Los Angeles dans les années 60 et 70. Son père, le tromboniste Dick Nash et son oncle également prénommé Ted, un spécialiste des anches, furent tous deux des musiciens de studio réputés. Mancini faisait souvent jouer à ce dernier de la flûte alto ou basse pour donner à ses œuvres un côté mystérieux. Ted lui rend hommage en jouant de la flûte dans deux des pièces de ce disque. Il se souvient très bien du jour où son père lui téléphona du studio pour qu’il lui apporte dare-dare son saxophone baryton oublié. Sur une estrade, Henri Mancini faisait répéter ses musiciens. Ce fut leur première rencontre. Ted Nash a six ans lorsque pour la première fois une musique l’emballe, celle de “The Great Race“, “La plus grande course autour du monde“, un film que Blake Edwards réalise en 1965. Mancini va beaucoup travailler pour ce dernier dans les années soixante. Il écrit la partition de “Breakfast at Tiffany’s“, Oscar en 1961 de la meilleure musique de film. Il comprend le célébrissime, Moon River, Grammy Award de la meilleure chanson. Toujours pour Edwards, Mancini compose l’année suivante les bandes-son de “Experiment in Terror“ (“Allo, Brigade Spéciale“), et de “Days of Wine and Roses“, dont la chanson éponyme se voit récompensée. Ted Nash ne l’a pas incluse au répertoire de son disque. Il écarte également Moon River, préférant reprendre le thème du film ainsi que la musique de “The Party“ beaucoup moins célèbre que ses scènes hilarantes. Ted joue également au ténor le fameux Lujon, une des plages de l’album “Mr Lucky goes Latin“. Les frères Coen l’utilisent dans leur film “The Big Lebowski“. Ted Nash ne reprend pas les arrangements d’Henri Mancini, mais se sert de ses mélodies pour improviser avec un quartette parfois réduit à un simple trio (Breakfast at Tiffany’s) ou à un duo (Cheryl’s Theme). Frank Kimbrough au piano, Rufus Reid à la contrebasse et Matt Wilson à la batterie, accompagnent ses saxophones (ténor et alto) ou sa flûte dans le très beau Soldier in the Rain (“La dernière bagarre“), composé pour un film de Ralph Nelson produit et écrit par Blake Edwards. Si les musiques qu’Henri Mancini écrivit pour les films de Blake Edwards ont la préférence du saxophoniste, ce dernier reprend aussi celle de “The Night Visitor“ de Laszlo Benedek, la célèbre Baby Elephant Walk d’“Hatari !“, film d’Howard Hawks, et celle de “Two for the Road“ (“Voyage à deux“), réalisé par Stanley Donen en 1966. Son disque reste toutefois inégal. Pas assez développées, les plages les plus courtes sont moins intéressantes. Ted Nash aurait pu enregistrer un double album. Il connaît parfaitement ces musiques qui ont bercé son adolescence. Il n’a pas choisi les plus connues, préférant réaliser un vrai disque de jazz, donner d’autres couleurs à ces thèmes. A cet égard, son “Mancini Project“  reste une tentative de relecture originale parfaitement cohérente.

Meilleurs morceaux : Theme from Night Visitor, Lujon, Breakfast at Tiffany’s, Soldier in the Rain, Two for the Road. 

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20 octobre 2008 1 20 /10 /octobre /2008 14:33

Le premier thème, Peine perdue (une très bonne musique de film si un metteur en scène avisé l’utilise) reflète bien les climats sereins que propose cet album. Piano, contrebasse et batterie servent des mélodies chantantes, brodent des harmonies tendres et un peu irréelles, comme perçues à travers le voile du rêve. Ici l’art de la fugue voisine avec le blues, le vocabulaire du trio relevant autant de la musique classique européenne que du jazz. Jean-Philippe Viret et ses deux complices nous offrent des pièces ouvertes, nourries d’accords chromatiques, de tensions dissonantes (7 à dire), leur aspect mélodique les rendant parfaitement accessibles. En un rien, Dans la Peau d’un autre, Si peu de choses, des morceaux plus abstraits,  reposent sur l’habileté des musiciens à penser de longues improvisations oniriques dans laquelle le silence aère la musique, contribue à sa respiration. Fabrice Moreau, le batteur, pratique alors l’ellipse, la fragmentation rythmique. La belle contrebasse de Jean-Philippe Viret improvise, mais sert aussi le piano sensible d’Edouard Ferlet dont on goûte la douceur paisible, la voix un peu fragile. Les deux hommes, excellent à parler le même langage, à décrire des paysages mélancoliques qui envoûtent longtemps après leur écoute. On les applaudit des deux mains.
Meilleurs Morceaux : Si peu de choses, Peine perdue, Les arbres sans fin.

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15 octobre 2008 3 15 /10 /octobre /2008 11:51

C’était il y a déjà longtemps, en 2002. Daniel Humair avait réuni autour de lui de jeunes musiciens qu’il avait fait travailler au conservatoire : Matthieu Donarier et Christophe Monniot aux saxophones, Manu Codjia à la guitare, Sébastien Boisseau à la contrebasse. La formation s’appelait Baby Boom. Elle sortit un album, donna des concerts, mûrit, se bonifia. Six ans plus tard, ils sont tous là pour de nouvelles aventures, mieux construites et réfléchies. Ils ont beaucoup progressé, mais conservent cette même fraîcheur juvénile, cette impatience qui les fait oser. Devenu Bonus Boom, le groupe sort un nouveau disque, un « tissu de propositions intenses » qui n’a rien d’un produit fabriqué destiné à se vendre. Dissuasive, la première plage va faire grincer des dents les néophytes aux chastes oreilles Composé par Christophe Monniot, Direction Technopole n’est pas d’un accès facile. Autour d’un thème-riff s’articulent des séquences sonores abstraites mais concises et logiques. La batterie rythme un foisonnement de sons dans lequel saxophones et guitares mêlent leurs timbres, dessinent une sonorité neuve. Le traditionnel schéma thème, improvisation(s), retour au thème qui prévaut toujours dans le jazz est abandonné pour un terrain de jeux dans lequel sont proposées des compositions ouvertes, « in progress », destinées à évoluer, à se transformer. Les musiciens rentrent d’emblée dans des improvisations qui font naître de nouveaux accords. Mélodies ou bribes de mélodies se dévoilent tardivement. Celle de Mood Indigo d’Ellington que les musiciens s’amusent à jouer sur scène est vite repérable. Daniel Humair, 70 ans cette année, anime, organise, fournit indications et ponctuations rythmiques. Le risque, la nouveauté l’interpellent. Il en conserve la jeunesse !

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13 octobre 2008 1 13 /10 /octobre /2008 10:15

On connaît encore mal Frank Kimbrough, pianiste généreux dont le vocabulaire harmonique complexe n’exclut pas la profondeur. Il fut le dernier pianiste du regretté Dewey Redman et joue dans certains disques de Ron Horton, Ted Nash, Michael Blake et Ben Allison… Membre du Maria Schneider Orchestra et du Herbie Nichols Project, il a gravé sous son nom, ou en duo avec le vibraphoniste Joe Locke, des albums pour les labels Mapleshade, Omnitone et Palmetto. Publié en 2006 et enregistré en trio, “Play“ demeure remarquable de finesse et de maturité tant pour ses compositions -  l’inoubliable Waiting in Santander - que pour le jeu interactif des musiciens : Masa Kamaguchi à la contrebasse et Paul Motian à la batterie. On retrouve une composition de ce dernier dans “Air“ paru en janvier 2008 aux Etats-Unis et inexplicablement absent des bacs des disquaires français, mais téléchargeable en toute légalité sur plusieurs sites. Ayant choisi d’enregistrer en solo, le pianiste met ici en avant l’aspect mélodique de son jeu. It Should’ve Happened a Long Time Ago de Motian, Air dont les notes cristallines du thème semblent flotter entre ciel et terre et Three Chords, peut-être le morceau le plus poétique de ce formidable recueil, débordent de lyrisme et émeuvent profondément. La virtuosité du pianiste éclate davantage dans des pièces plus vives, dans Quickening précédemment enregistré en trio avec Ben Allison et Jeff Ballard, dans Ca’lina et ses accords acrobatiques de ragtime, dans The Spins riche en dissonances. Thelonious Monk qui aurait pu en écrire le thème, marque l’album de sa présence. Frank Kimbrough reprend deux de ses compositions : Jackie-ing que Monk grava pour la première fois en 1959, un thème-riff très simple, mais d’une construction très originale, et Coming on the Hudson. Monk ne l’enregistra qu’une seule fois, le 6 novembre 1962. Initialement prévu pour apparaître sur “Monk’s Dream“, il constitue aujourd’hui un des bonus de “Criss-Cross“, second opus Columbia du pianiste. Insistant sur l’aspect mélodique du morceau, Frank Kimbrough en donne une version moins heurtée, presque méconnaissable. Il calme  également le tempo de Wig Wise, un thème que Duke Ellington joue en trio dans “Money Jungle“. Ce disque, un vrai choc, est pour moi le meilleur disque de piano solo de l’année. On peut en écouter des extraits sur le site de Palmetto Records, http://www.palmetto-records.net/
Meilleurs morceaux : It Should’ve Happened a Long Time Ago, Quickening, Coming on the Hudson, Air, Three Chords.

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