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14 janvier 2019 1 14 /01 /janvier /2019 09:37
Les ermites aussi partent à la retraite !

Janvier. Celui de la Montagne Sainte-Geneviève vient de prendre la sienne, au grand dam des amateurs de jazz et de blues fort contrariés par cette nouvelle. Cela faisait presque trente-trois ans que Gilles Coquempot s’était installé là-haut, à l’ombre du clocher de l’église Saint-Étienne-du-Mont qui chaque samedi soir à dix-huit heures trente, fait carillonner ses cloches, étourdissant vacarme rendant l’écoute de toute autre musique impossible. Dans son antre, Crocojazz, un ermitage d’une propreté exemplaire malgré l’usure du temps, le Père Gilles était l’un des derniers vendeurs de jazz à connaître parfaitement son métier. Ses clients venaient parfois de lointains pays pour acquérir telle ou telle pièce manquante de leur discothèque, “Gone With the Woodwinds! de Lyle Murphy que l’oncle Galip, grand amateur de jazz West Coast, avait fait entendre à Istanbul à ce client turc, alors qu’il n’était encore qu’un gamin en culottes courtes, ou la musique d’“Odds Against Tomorrow” – un album United Artists, l’UAL 4061 précisait l’ermite dont le savoir jazzistique impressionnait ses visiteurs – qui avait tant marqué cet australien de passage, une partition de John Lewis qui apporte beaucoup au film de Robert Wise qu’il avait vu adolescent dans un cinéma de Brisbane.

 

Des disques de jazz et de blues, le Père Gilles leur en avait vendu beaucoup, surtout des vinyles, des éditions originales aujourd’hui recherchées. Les pèlerins criaient miracle lorsqu’ils dénichaient l’album depuis si longtemps désiré. L’ermite exauçant souvent leurs prières, leurs cris de joie s’entendaient jusque dans la rue escarpée qu’ils avaient eu tant de mal à gravir. Oubliés les souffrances de la montée, les cœurs trop palpitants, les jambes lourdes et flageolantes. Ils repartaient aussi joyeux que s’ils avaient découvert le Saint Graal ou l’Arche d’Alliance.

 

De tels ermitages, il n’en existe presque plus à Paris. Les vinyles aujourd’hui fabriqués qui remplissent les bacs des FNAC et des grandes surfaces sont le plus souvent des copies numériques. Des rééditions analogiques, il n’y en a pas beaucoup. Le Père Maxime qui vend toujours d’anciennes et précieuses reliques au pied des arènes de Lutèce prend lui aussi de l’âge. Également fréquentée par beaucoup d’étrangers, la petite boutique de la rue de Navarre déborde de trésors. Les prix sont raisonnables. Les pièces rares coûtent beaucoup plus cher, mais personne ne vous oblige à les acheter. Paris Jazz Corner reste l’un des derniers magasins de disques qui vend encore du jazz dans une capitale qui naguère en comptait beaucoup. Aujourd’hui le clic remplace la claque d’une heureuse découverte. Quel plaisir peut-on éprouver à acheter sur internet ? Il faut se rendre à l’évidence, le disquaire parisien, hélas!, appartient au passé.

 

QUELQUES CONCERTS ET QUELQUES DISQUES QUI INTERPELLENT

-Melanie De Biaso à la Seine Musicale (auditorium, 20h30) le 17 janvier. Ceux qui comme moi ont assisté au concert qu’elle donna au théâtre de l’Odéon en juin dernier ne l’ont pas oubliée. Sur scène la chanteuse se donne entièrement à son art, envoûte par sa voix expressive et grave, sa gestuelle, les fascinantes ambiances nocturnes d’une musique modale que traversent les troublantes improvisations qu’elle s’autorise à la flûte. Pour cette prestation très attendue, Matthieu Van (piano, vintage synthétiseurs), Axel Gilain (contrebasse, basse électrique, guitare) et Aarich Jespers (batterie, percussions) remplaceront les fidèles Pascal Mohy et Pascal Paulus aux claviers qui l’accompagnent depuis ses débuts discographiques. Publié en 2007 “A Stomach is Burning” relève encore du jazz. “No Deal” qui paraît six ans plus tard et contient 33 minutes de musique est une plongée dans un univers beaucoup plus personnel, une musique onirique au fort pouvoir de séduction. Un large public est au rendez-vous lorsque Melanie De Biaso fait paraître “Lilies” en 2017, un recueil de chansons qui étonnent et ouvrent davantage encore les portes du rêve.

Les ermites aussi partent à la retraite !

-Bobo Stenson au studio 104 de Radio France le 19 à 20h30 dans le cadre de l’émission Jazz Sur le Vif animé par Arnaud Merlin. Méconnu en France et jouant très rarement à Paris, le pianiste suédois est pourtant l’un des meilleurs de la planète jazz. Son toucher délicat, ses harmonies élégantes et sophistiquées, son goût du détail et de la mélodie n’ont pas échappé à l’Académie du Jazz qui, toujours vigilante lui décerna son Prix du Jazz Européen en 2001. À cette date, outre plusieurs albums sous son nom pour ECM, Bobo Stenson a déjà enregistré des albums importants avec Charles Lloyd et Tomasz Stanko. Il se déplace à Paris avec les musiciens de son trio habituel. Anders Jormin, son bassiste depuis les années 80 est également l’auteur d’une partie non négligeable d’un répertoire éclectique. Créant un tissu percussif souple et distendu qui donne beaucoup de liberté au pianiste, Jon Fält, son batteur depuis l’enregistrement de “Cantando” en décembre 2007, complète la formation. Le groupe BwaLaurent Coq (Fender Rhodes), Ralph Lavital (guitare), Swaéli Mbappé (basse électrique), Laurent-Emmanuel Tilo Bertholo (batterie) – assurera la première partie du concert.

-Martial Solal en solo Salle Gaveau le 23 (20h30), un événement que ne peut difficilement ignorer un amateur de piano. Né en 1927 (il a eu 91 ans le 23 août), Martial le sorcier espiègle fait chanter son instrument mieux que tout autre avec l’humour dont il sait si bien saupoudrer sa musique. L’esprit vif, les doigts toujours agiles, Martial, enchanteur beaucoup plus facétieux que Merlin, étonne toujours. Les notes qu’il bouscule et renverse joyeusement, les citations drôles et inattendues dont il aime truffer ses morceaux témoignent de l’art pianistique de la joie que sa musique fait entendre.

 

-“Histoires improvisées” (JMS / Pias) son dernier disque est sorti beaucoup trop tardivement pour que je puisse en parler. Je vous recommande ici cet album entièrement créé en studio par Martial qui, tirant d’un chapeau des petits papiers, découvrit les sujets de ses improvisations : Lizt, Alger, À bout de souffle, Claudia, What is this Lee… soit 19 pièces assez courtes à inventer. Le pianiste les commente oralement, puis les illustrant avec des notes aussi brillantes qu'inattendues, fait délicieusement tourner nos têtes.

-“Bird with Strings” à la Philharmonie le 27 (grande salle Pierre Boulez, 20h30). Charlie Parker qui rêvait de faire un album avec des cordes l’enregistra en novembre 1949. Rassemblés dans un coffret comprenant trois 78 tours, ces six morceaux connurent un grand succès. Un hautbois, quelques violons, un alto, un violoncelle, une harpe, un piano (Stan Freeman), et une section rythmique (Ray Brown et Buddy Rich) offraient de nouvelles combinaisons sonores au saxophoniste qui réclamait depuis longtemps des cordes à Norman Granz, le producteur de ses disques Mercury. Christophe Dal Sasso leur apportant aujourd’hui de nouveaux arrangements, ces standards du jazz (Just Friends, Summertime, Everything Happens to Me, April in Paris, I Didn’t Know What Time It Was, If I Should Lose You) se verront confiés aux saxophonistes Géraldine Laurent, Pierrick Pédron, Thomas de Pourquery, Olivier Bogé et Logan Richardson, le chef Bastien Stil assurant la direction de l’orchestre.

-Un concert en hommage au pianiste et compositeur Thierry Lalo, fondateur et directeur musical des Voice Messengers, disparu le 16 novembre dernier, aura lieu le dimanche 27 de 18h00 à minuit au Sunside. Pour son disque “Lumières d’Automne” (Black & Blue), la formation avait obtenu en 2007 le Prix du Jazz Vocal de l’Académie du Jazz. Augmentée de ses anciens membres, elle interprétera les compositions et arrangements de Thierry. Michele Hendricks, Manuel Rocheman, Jean-Loup Longnon, François Laudet, Chloé Cailleton, Raphaël Dever, Philippe Soirat, Glenn Ferris, Jérôme Barde et plusieurs autres musiciens ont également confirmé leur présence à cette soirée. Les recettes serviront à financer le prochain album du groupe, son troisième. Je rappelle que la collecte mise en place pour y contribuer se poursuit pendant plusieurs semaines. Le lien pour y accéder est le suivant : www.helloasso.com/associations/les-voice-messengers-association-loi-1901

-La Seine Musicale : www.laseinemusicale.com

-Radio France – Jazz sur le vif : www.maisondelaradio.fr/concerts-jazz

-Salle Gaveau : www.sallegaveau.com

-Cité de la Musique / Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

 

Crédits Photos : Gilles Coquempot © L’Anachorète du Grand Désert – Bobo Stenson Trio © Catarina Di Perri / ECM Records – Thierry Lalo © Jean-Louis Blérol.

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3 décembre 2018 1 03 /12 /décembre /2018 09:44
Ils font des trous partout !

Décembre. Sous le voile gris masquant le bleu du ciel, le piéton de Paris déambule difficilement dans l’immense chantier qu’est devenu la capitale, des travaux ordonnés par la Mairie pour bannir la voiture. Les résultats ne se sont pas fait attendre : l’autobus circule mal, se traîne cahin-caha au sein d’un flot de véhicules quasiment à l’arrêt ; pris en otage, le piéton évite difficilement vélos et patinettes qui empruntent indifféremment chaussées et trottoirs. Protégé par de chauds vêtements, il slalome entre les trous, les déviations, les désordres de rues. Pour faire ses achats de Noël – une bonne idée de cadeau : “À bâtons rompus” (Éditions MF), le livre d’entretiens de Daniel Humair avec Franck Médioni, visiter les rares disquaires en activité, rejoindre les clubs qui programment sa musique préférée, le piéton qui est aussi amateur de jazz affronte l’embouteillage quasi-permanent d’une ville sens dessus dessous atteinte comme beaucoup d’autres d'une violente épidémie de jaunisse qui gagne tout le pays.

 

Pour lutter contre l’adversité, la morosité ambiante qui gagne du terrain, rien de tel que la musique. La présence à Paris en décembre des pianistes Bill Carrothers (au Duc des Lombards le 6) et Tord Gustavsen (au Sunside le 8 et le 9) nous en offre l’occasion. Le premier ne quitte plus guère la petite ville du Michigan dans laquelle il réside et n’a pas fait de disque depuis cinq ans. Les visites du second se font rares. Enregistré cette année “The Other Side (ECM) est l’un de ses plus beaux albums.

 

Séduira-t-il dans quelques jours les membres de l’Académie du Jazz ? Vous l’apprendrez le 9 février prochain, date de sa cérémonie de remise des prix. À cette occasion, l’auditorium de la Seine Musicale ouvrira ses portes au public pour une soirée exceptionnelle au cours de laquelle sera donné un concert en hommage à Michel Petrucciani (Prix Django Reinhardt 1981) disparu il y a vingt ans en 1999. De nombreux musiciens ont déjà confirmé leur présence *(1). La première partie sera assurée par les lauréats des trophées 2018 de l’Académie dont vous découvrirez alors les noms. Pour vous faire patienter, mes incontournables Chocs de l’année vous seront révélés à la mi-décembre, un peu avant la mise en sommeil de ce blog jusqu’au 15 janvier prochain.

 

La disparition le 16 novembre du pianiste et compositeur Thierry Lalo, fondateur et directeur musical des Voice Messengers, endeuille cette année qui s’achève. Pour son disque “Lumières d’Automne” (Black & Blue), la formation avait obtenu en 2007 le Prix du Jazz Vocal de l’Académie du Jazz. Le plus cher désir de Thierry, auteur d’une remarquable étude sur John Lewis aux éditions Parenthèses, était d’enregistrer avec elle un troisième album. Pour le financer, une collecte a été mise en place par sa famille et ses proches *(2). Elle devrait également permettre de réorganiser la production et la direction musicale du meilleur groupe de jazz vocal de l'hexagone afin qu'il puisse continuer à chanter et à faire vivre sa musique.

 

*(1) Franck Avitabile, Flavio Boltro, Laurent Coulondre, Géraldine Laurent, Joe Lovano, Philippe Petrucciani, Géraud Portal, Lucienne Renaudin Vary, Aldo Romano, Jacky Terrasson et Lenny White.

 

*(2) www.helloasso.com/associations/les-voice-messengers-association-loi-1901

 

QUELQUES CONCERTS ET QUELQUES DISQUES QUI INTERPELLENT

Ils font des trous partout !

-Le Zoot Octet à la Petite Halle le 5 décembre. Je découvre la formation avec  “Zoot Suite Vol.2 (Zoot Records / Socadisc), son deuxième album, et elle m’impressionne. Organisés en collectif depuis septembre 2016, les jeunes musiciens qui le constituent en ont composé le répertoire, le graphisme et la couverture, enregistrant leur disque en analogique. Outre sa qualité sonore, il séduit par la fraîcheur de ses arrangements, ses emprunts au cœur même du jazz qui enrichissent sa musique. Un quatuor à cordes – Jeroen Suys et Clémence Mériaux (violon), Anna Sypniewski (alto), Floria Pons (violoncelle) apporte ses timbres à une masse orchestrale colorée au sein de laquelle se distingue Noé Codjia (trompette), Ossian Macary et Paco Andreo (trombone), Thomas Gomez (saxophone alto), Neil Saidi (saxophone baryton), Clément Trimouille (guitare), Pablo Campos (piano), Clément Daldosso (contrebasse) et David Paycha (batterie). Une belle surprise de fin d’année à glisser dans la hotte du Père Noël et à découvrir sur scène.

-Le 5 également, Madeleine Peyroux est attendue à la Cigale (20h00), avec probablement Peter Warren (claviers), David Baerwald (guitares électriques et acoustiques), Brian MacLeod (batterie, percussions) qui ont été étroitement associés à la création d’“Anthem” (Decca), un album magnifiquement produit par Larry Klein qui voit la chanteuse revenir à la composition, imaginer une multitude d’histoires différentes en prise direct avec l’actualité, la musique servant d’exutoire à sa colère. Bénéficiant d’arrangements brillants, ce disque aux textes engagés, l’un des meilleurs qu’elle a enregistré, mêle allègrement les genres musicaux de la grande Amérique.  

-La présence de Bill Carrothers au Duc des Lombards le 6 pour deux concerts (19h30 et 21h30) est assurément l’un des évènements de ce mois de décembre. Le pianiste habite une petite ville du Michigan que l’hiver recouvre de neige. Il n’a pas joué à Paris depuis longtemps et ses disques se font rares. Rien à ma connaissance depuis “Sunday Morning (Visions Fugitives) enregistré en 2013. Au Duc, il jouera en solo, un exercice qui lui est familier et dans lequel il excelle comme en témoignent ses deux albums consacrés à la guerre de Sécession, mais aussi “Family Life” (Pirouet), un portrait musical de sa famille, et “Excelsior” (Outhere), le plus beau de ses disques en solo, un opus également enregistré à la Buissonne dans lequel le pianiste se penche sur son passé, fait appel à sa mémoire, se souvient de la petite ville du Minnesota naguère célèbre pour son parc d’attraction dans laquelle il passa sa jeunesse.

Ils font des trous partout !

-Mes concerts du mois sont ceux que donneront Tord Gustavsen en trio au Sunside le 8 et le 9 décembre (19h00 et 21h30 le 8, 20h00 le 9). La dernière visite du pianiste remonte à janvier 2016, le Sunside l’accueillant alors avec la chanteuse Simin Tander et Jarle Vespestad, son batteur habituel à l’occasion de la sortie de “What Was Said” (ECM), un disque en partie consacré à des hymnes religieux norvégiens. “The Other Side” (ECM), son nouvel album enregistré en trio avec Vespestad à la batterie et un nouveau bassiste, Sigurd Hole, en contient quelques-uns, des pièces lentes et contemplatives d’une grande simplicité mélodique. Arrangés par Tord, des chorals de Jean-Sébastien Bach et quelques compositions complètent le répertoire, la musique d’église restant sa principale source d’inspiration. Modale et intimiste, elle s’étire, prend le temps de rêver et de nous faire rêver.

-Après des concerts au Sunside en septembre, c’est le 10 décembre au Pan Piper que le bassiste Jacques Vidal et les musiciens de sa formation – Daniel Zimmermann (trombone), Pierrick Pédron (saxophone alto), Richard Turegano (piano), et Philippe Soirat (batterie) – joueront le répertoire de son nouveau disque, “Hymn” (Soupir Editions), un recueil de compositions originales, une musique généreuse et sensuelle sur laquelle plane toujours l’ombre tutélaire du grand Charles Mingus. Les deux souffleurs de l’orchestre lui apportent leurs chorus flamboyants, les chaudes couleurs de leurs instruments. L’alto de Pierrick Pédron illumine Charles Mingus’ Sound of Love, Daniel Zimmermann au trombone se réservant Hymn, des pièces lentes et majestueuses, deux des nombreux sommets de cet album chaleureux et constamment inspiré.

-Le 17 (à partir de 20h00), la salle Pleyel accueille l’incontournable You & The Night & The Music qu’organise chaque année TSF Jazz. Douze formations sont au programme de cette 16ème édition, soit 3 heures de musique retransmises en direct sur l’antenne de la radio. Les deux orchestres de cérémonie sont l’Amazing Keystone Big Band et le NOLA French Connection Brass Band. Au programme également : Thomas Dutronc, Shai Maestro, Judi Jackson, le trio de l’excellent pianiste Christian Sands, la chanteuse Hailey Tuck (une des révélations de l‘année), le saxophoniste Samy Thiébault, le chanteur Hugh Coltman, le Florian Pellissier Quintet, la chanteuse Alina Engibaryan, , la violoniste Fiona Monbet, le Mingus Project du bassiste Géraud Portal, le Mario Canonge / Michel Zenino Quintet et des invités surprises. 

-Le 20 au Sunside (21h00), Leïla Olivesi présentera la musique de sa “Suite Andamane”, son cinquième album, qu’elle enregistrera en studio en janvier. Après “Utopia” (Jazz&People), elle a choisi de réunir autour de son piano Adrien Sanchez (saxophone ténor), Manu Codjia (guitare), Yoni Zelnik (contrebasse), Donald Kontomanou (batterie) et de confier les parties vocales à la chanteuse Chloé Cailleton. L’autre partie du disque, orchestrale, rassemblera un nonette, Quentin Ghomari (trompette), Baptiste Herbin (saxophone alto) et Jean-Charles Richard (saxophone soprano et baryton) rejoignant la formation. Le sous-titre de l’album « Travel Songs », chansons que Leïla a partagées ces derniers mois avec Chloé Cailleton en résume la musique, fruits des nombreux voyages de la pianiste. Philippe Georges (trombone) et Stéphane Adsuar (qui remplace Donald à la batterie) seront également présents sur la scène du Sunside. Pour permettre de financer une partie de l’album, un crowdfunding est actuellement en cours sur le site d’HelloAsso - www.helloasso.com/associations/attention-fragile/collectes/suite-andamane

-Le 22 au Triton (20h30), le violoncelliste Vincent Courtois fêtera le septième anniversaire du trio qu’il anime avec Daniel Erdmann (saxophone ténor) et Robin Fincker (saxophone ténor et clarinette) et présentera à cette occasion un nouveau répertoire inspiré par des nouvelles et des romans de Jack London. « Je l’ai découvert assez tard, en automne 2016, d’abord, les “Chroniques des mers du Sud” puis l’initiatique et incontournable “Martin Eden”. L’œuvre dense et souvent autobiographique de cet écrivain américain, si riche et si puissante, n’a alors cessé de me suivre, d’accompagner mon quotidien, mes voyages et donc la musique que je joue. » (Vincent Courtois).

-Comme l’an dernier, aux mêmes dates, les 28, 29 et 30 décembre (deux concerts par soir, à 19h30 et à 21h30), mais avec Géraud Portal (contrebasse) et Lawrence Leathers (batterie), Jacky Terrasson retrouvera le public du Sunside. Je me souviens d'un autre concert en décembre 2016, quelques jours avant le nouvel an. Son disque avec Stéphane Belmondo était paru quelques mois plus tôt et nos deux complices en jouèrent les morceaux. On le voit moins souvent aujourd’hui dans les clubs. Le pianiste n’a pas enregistré de nouvel album en trio depuis “Take This” en 2014, un opus très décevant. On l’a entendu en petite forme cette année. Dommage, car nous sommes nombreux à souhaiter que Jacky Terrasson, l’un des grands de la planète jazz, retrouve son piano. Il peut tout aussi bien jouer d’exquises ballades mélancoliques et rêveuses que tenir des tempos déraisonnables et énergiques. Ancré dans le blues et le rythme, son jeu très physique étonne et enthousiasme.

-La Petite Halle : www.lapetitehalle.com

-La Cigale : www.lacigale.fr

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Pan Piper : www.pan-piper.com

-Salle Pleyel : www.sallepleyel.com

-Le Triton : www.letriton.com

 

Crédits Photos : Chantier à la Bastille © Pierre de Chocqueuse – Michel Petrucciani (affiche concert) © Jean Ber – Madeleine Peyroux © Yann Orhan – Madeleine Peyroux © Yann Orhan – Tord Gustavsen trio © Hans Fredrick Asbjornsen – Jacques Vidal © Alain Saillant – Leïla Olivesi © Rémi Denis – Vincent Courtois / Daniel Erdmann / Robin Fincker © Tina Merandon – Jacky Terrasson © Philippe Levy-Stab – Zoot Octet, Bill Carrothers © Photos X/D.R.  

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1 novembre 2018 4 01 /11 /novembre /2018 09:50
It's Monk's Time

Novembre. Le ronronnement de ma chaudière me fait comprendre que le froid frappe à ma porte. On s’emmitoufle dans des habits plus chauds. On apprécie les bons potages, les noix, les champignons lorsqu’on en trouve. Le brouillard est plus fréquent, les feuilles délaissent les arbres et il fait nuit beaucoup plus tôt. Il fait bon rester chez soi avec un livre. C’est la saison des prix littéraires, la commission livres de l’Académie du Jazz que je préside se réunit à la fin du mois et les ouvrages consacrés au jazz monopolisent mes lectures.

 

Celle d’un gros bouquin épatant, un roman graphique dessiné par Youssef Daoudi, “Monk !”, m’a récemment mis en joie. Les Éditions Martin de Halleux le mettent en vente le 8 novembre. L’amitié qui unissait Thelonious Monk à la baronne Pannonica de Koenigswarter est au centre de ce livre de 352 pages à la reliure cousue et cartonnée. Née Rothschild, Kathleen Annie Pannonica, conductrice d’ambulances pendant la guerre, fut la bénédiction des jazzmen. L’histoire ne retient que le dernier de ses prénoms, celui d’un papillon de nuit, que son père, féru d’entomologie, lui donna. Monk fit sa connaissance en 1953 et passa dans sa maison de Weehawken (New Jersey) les dernières années de sa vie. Elle lui servait de chauffeur, d’ange gardien. Ses avocats aidèrent des jazzmen qui, comme Monk, ne savaient se défendre.

 

Monk !” n’est pas une biographie classique et Youssef Daoudi n’a retenu que certains épisodes de la vie du pianiste. Il y a peu de textes dans ce roman graphique aux cadrages étonnants mais les indications que nous donne l’auteur suffisent à sa parfaite compréhension. Daoudi préfère laisser parler et rêver ses personnages. La musique est omniprésente dans ses dessins, dans ses onomatopées. En quelques traits, Monk vit, s’anime, danse, tourbillonne. Nica en papillon virevolte devant nos yeux. La mise en page aérée met en valeur leurs mouvements, nous fait entendre Sonny Rollins, Dizzy Gillespie, John Coltrane. Autre protégé de la baronne, Charlie Parker y fait chanter son instrument. Pour raconter en images et en sons cette histoire, Youssef Daoudi s’est inspiré de plusieurs ouvrages, le “Monk” de Laurent de Wilde, divers articles et revues. L’auteur cite ses sources. Il a mis trois ans à achever cet ouvrage en trois couleurs, une vraie réussite, un cadeau idéal pour les fêtes.

 

QUELQUES CONCERTS ET QUELQUES DISQUES QUI INTERPELLENT  

-Organisé par le FICEP (Forum des Instituts Culturels Etrangers de Paris), et parrainé par le pianiste Bojan Z, la 16ème édition du festival Jazzycolors se déroulera du 30 octobre au 30 novembre. Vingt et un concerts sont prévus dans onze centres et instituts culturels étrangers de la capitale. Les musiciens viennent de nombreux pays et je suis loin de tous les connaître. Parmi ceux qui me sont familiers, je vous recommande le concert du batteur danois Snorre Kirk à la Maison du Danemark le 15 novembre. Ne manquez pas non plus celui de la pianiste Ramona Horvath à l’Ambassade de Roumanie le 2. Autre pianiste que j’affectionne, Giovanni Guidi sera le 16 à l’Institut Culturel Italien pour un duo avec le saxophoniste Francesco Bearzatti. On consultera sur le net le programme complet de cette manifestation.     

-La pianiste roumaine Ramona Horvath en concert à l’ambassade de Roumanie (Hôtel de Béhague, 123 rue Saint-Dominique, 75007 Paris) le 2 novembre (20h00), dans le cadre du festival Jazzy Colors. Avec elle, les musiciens de son trio, les excellents Nicolas Rageau (contrebasse) et Philippe Soirat (batterie), mais aussi Ronald Baker (trompette et vocal) qui sert le jazz avec énergie et passion. Diplômée du Conservatoire de Bucarest et installée à Paris depuis 2009, Ramona Horvath joue avec brio un jazz moderne qui n’oublie pas ses racines. “XS Bird et “Lotus Blossom”, les deux albums qu’elle a enregistrés pour le label Black & Blue, témoignent de la maîtrise de son piano. Invité sur quelques plages du second, un opus largement consacré à des standards, André Villéger y prend des chorus de ténor éblouissants.

-Le 7 (21h00), le New Morning accueille Stefano Bollani et les musiciens brésiliens de “Que Bom” (Alobar), un album qu’il a enregistré à Rio de Janeiro en décembre dernier. Jorge Helder (contrebasse), Jurim Moreira (batterie), Armando Marçal et Thiago Da Serrinha (percussions) en joueront la musique, des mélodies solaires aux harmonies colorées, certaines spécialement composées pour son disque, le premier qu’il sort sur son propre label. On regrettera l’absence sur la scène du New Morning de Caetano Veloso, João Bosco, Hamilton de Holanda, Jacques Morelenbaum les prestigieux invités de l'album. En forme, le pianiste virtuose peut se montrer éblouissant. Sa musique heureuse et séduisante possède un charme auquel il est tout à fait permis de succomber.

It's Monk's Time

-Le San Francisco Jazz Collective à la Cité de la Musique le 8 et le 9 (20H30). Fondée en 2004, cette formation dont les albums ne sont disponibles que sur internet en quantité limitée rassemble chaque année pour des concerts huit musiciens de jazz autour du répertoire d’un musicien célèbre. Chaque membre du groupe arrange un thème de ce dernier et lui rend hommage en signant une composition en son honneur. Miguel Zenon (saxophone alto), Robin Eubanks (trombone) et Edward Simon étaient déjà présents au sein du groupe lorsque ce dernier se produisit au New Morning en mars 2010. David Sanchez (saxophone ténor), Etienne Charles (trompette), Warren Wolf (vibraphone), Matt Brewer (contrebasse) et Obed Calvaire complètent cet All Star. Au programme de ces deux concerts : Miles Davis (le 8) et Antônio Carlos Jobim (le 9).

-Dave Liebman (saxophone) et Marc Copland (piano) au Sunside le 11(18h30 et 20h30). Ils ne se produisent pas souvent ensemble à Paris. J’ai le souvenir d’un concert enthousiasmant dans ce même Sunside en décembre 2011. Le saxophoniste qui a beaucoup joué avec Richie Beirach n’a enregistré que deux albums avec Copland pour le label HatOLOGY, “Lunar” en quartette en 2001, et “Bookends” en 2002, un duo piano / saxophone d’anthologie. Soufflant de la lave en fusion, Dave Liebman met souvent le feu à la musique. Il peut aussi se montrer fin mélodiste. On peut compter sur Marc Copland pour tempérer son ardeur, entraîner le saxophoniste sur des chemins plus lyriques. Entre les doigts de Marc, une mélodie devient prétexte à d’inépuisables variations de couleurs harmoniques. “Gary”, le disque en solo qu’il vient de faire paraître sur le label Illusions en témoigne.

-Jeff « Tain » Watts au Duc des Lombards, le 12, 13 et 14 novembre (19H30 et 21h30) avec Antonio Faraò (piano) et Ira Coleman (contrebasse), Jeff Watts assurant bien sûr la batterie. Le saxophoniste cubain Irving Acao se joindra au trio le 14. À lui seul, le batteur mérite le déplacement. Il s’est fait connaître dans les formations de Wynton et de Branford Marsalis, interprète le batteur Rhythm Jones dans le film “Mo’Better Blues” de Spike Lee et a enregistré une dizaine d’albums sous son nom. Au Duc, il rendra hommage au pianiste Kenny Kirkland disparu il y a vingt ans, le 12 novembre 1998. Kirkland a également joué avec les frères Marsalis et bien sûr avec le batteur. Il laisse un unique album solo “Kenny Kirkland” (GRP) enregistré en 1991.

-Mon concert du mois est celui du batteur Snorre Kirk le 15 (20h00) à la maison du Danemark (142 avenue des Champs-Élysées, 75008 Paris). Les musiciens qui l’accompagnent – Tobias Wiklund (cornet), Klas Lindquist (saxophone alto, clarinette), Jan Harbeck (saxophone ténor), Magnus Hjorth (piano), Lasse Mørck (contrebasse) – ont récemment enregistré avec lui un album enthousiasmant. “Beat” (Stunt Records, sortie française le 16 novembre)) est dans la même veine musicale que “Drummer & Composer” publié l’an dernier, l’un des treize Chocs 2017 de ce blog. Le batteur a réduit sa formation à un sextette mais la  musique, un cocktail détonnant à base de swing, de blues et de rythmes afro-cubains est bien la même. Count Basie, Duke Ellington et Wynton Marsalis se font entendre dans les étonnantes compositions aux arrangements très soignés du batteur. Ses musiciens sont formidables, à commencer par Magnus Hjorth, pianiste subtil et économe qui, le blues dans les doigts, place toujours des notes inattendues. Méconnu des amateurs de jazz français, Snorre Kirk souhaite vous faire écouter sa musique. Ne manquez pas son premier concert parisien.

-Giovanni Guidi (piano) et Francesco Bearzatti à l’Institut Culturel Italien (50, rue de Varenne, 75007 Paris) le 16. Un  premier album en 2006 sur le label Venus, quatre autres sur Cam Jazz et enfin deux disques sur ECM parmi lesquels le remarquable “This Is The Day” en trio, l’un des 12 Chocs 2015 de ce blogdeChoc, ont suffi à placer Giovanni Guidi dans le peloton de tête des meilleurs pianistes italiens. Souvent associé au Mo’Avast Band du bassiste Mauro Gargano et poids lourd du saxophone ténor, Francesco Bearzatti, Prix du Musicien Européen de l’Académie du Jazz en 2011, s’est imposé avec “Monk’N’Roll une relecture décalée de quelques œuvres de Thelonious Monk, et “This Machine Kills Fascists, un disque de 2015 dans lequel il s’attaque au répertoire de Woody Guthrie. Entre un saxophoniste qui aime tordre le cou à ses notes et un pianiste jouant avec finesse et sensibilité, mais qui peut tout aussi bien surprendre par des phrases abstraites et dissonantes, des harmonies inattendues, cette rencontre ne peut qu’être passionnante.

-The Aziza Quartet de Dave Holland au Studio 104 de Radio France le 17 à 20h30 dans le cadre de l’émission Jazz sur le Vif animée par Arnaud Merlin. Une rare occasion de découvrir une formation quelque peu fantôme, ses quatre musiciens Chris Potter au saxophone ténor, Lionel Loueke à la guitare et Eric Harland à la batterie et bien sûr Dave Holland à la contrebasse participant avec de nombreuses formations ce qui ne favorise pas leur réunion. Cet All Stars n'a fait paraître qu'un seul album sur Dare Records en 2016. Mal distribué, il est en outre loin de refléter la musique que le groupe est capable de jouer sur scène. Le Gaël Horellou / Ari Hoenig QuartetGaël Horellou (saxophone alto), Étienne Déconfin (piano), Victor Nyberg (contrebasse) et Ari Hoenig (batterie) assurera la première partie de ce concert.

-Chick Corea en solo à la Cité de la Musique le 20 et le 21 novembre (20H30). Le pianiste est depuis longtemps rompu à l’exercice, le pianiste entreprend actuellement une tournée mondiale (22 concerts entre le 10 octobre et le 29 novembre). Livré à lui même devant un public, il revient sur d’anciennes compositions, reprend les standards qui ont jalonné sa carrière, des œuvres de musiciens dont il apprécie la musique, Thelonious Monk, Bud Powell et Bill Evans, auxquels il a consacré des albums. Il joue aussi des pièces classiques, du Scriabin et du Bartók et ses Children’s Songs dont la composition s’étala sur une dizaine d'années. Son riche vocabulaire pianistique emprunte autant à la musique classique européenne qu’au jazz. Musicien romantique, Chick Corea affectionne une harmonie ample et délicate mais possède aussi touché percussif et apprécie les rythmes latins. Son magnifique piano ne laisse jamais indifférent.

-Monty Alexander en solo à la Seine Musicale le 23 (Auditorium, 20h30). Né en 1944 et originaire de la Jamaïque, il joue toujours avec la même aisance et le même bonheur son piano espiègle. Trempé dans le reggae et le calypso, son jazz possède des rythmes et des couleurs qui lui sont propres. Vif, coloré et souvent percussif, son jeu virtuose a souvent été comparé à celui d’Oscar Peterson. Les albums qu’il a enregistrés pour le label Motéma avec son Harlem-Kingston Express déménagent et contiennent d’étonnantes versions de The Harder They Come de Jimmy Cliff et de No Woman No Cry de Bob Marley, mais c’est en concert qu’il donne le meilleur de lui-même, s’amuse et soulève l’enthousiasme par son swing contagieux.

-Dominique Lemerle en quartette au Sunside le 27 (21h00) avec les musiciens de son album – Manuel Rocheman (piano), Michel Perez (guitare) et Tony Rabeson (batterie). Le contrebassiste s’est fait connaître dans les clubs de la capitale, auprès de Chet Baker, Michel Graillier, Tal Farlow, René Urtreger, Johnny Griffin et Jimmy Gourley pour ne pas citer tous les musiciens avec lesquels il a joué. “This is New” (Black & Blue) est le premier disque qu’il enregistre sous son nom. De facture classique, il ne renferme que des standards, certains forts célèbres – My Funny Valentine, My Foolish Heart, Manoir de mes rêves –, d’autres associés aux jazzmen qui les ont écrits – Miles Davis, Jim Hall, Bill Evans –, Lemerle nous en offrant des versions inspirées. Une réussite que l’on doit aussi aux deux principaux solistes de l’album Manuel Rocheman et Michel Perez, inventifs sur ce matériel thématique bien choisi.

-La bientôt célèbre Marie Mifsud retrouve le Jazz Café Montparnasse le 29. Son principal atout : une voix qui lui permet tout aussi bien de rugir comme une lionne que de murmurer des chansons douces et envoûter son public. L’orchestre qui l’accompagne en est l’écrin idéal. Quentin Coppale improvise à la flûte, Tom Georgel fournit les harmonies adéquates au piano, Victor Aubert à la contrebasse et Adrien Leconte complétant la section rythmique. Avec Marie, ce dernier écrit des textes malicieux et les met en musique, des chansons au sein desquelles le swing, le tango, le rock se donnent la main, quelques standards de jazz réinventés complétant le répertoire. Il faut absolument écouter la formation en concert. Intrépide, Marie Mifsud prend des risques, fait danser ses notes, plonge le verbe dans le swing. Une étonnante chanteuse à découvrir.

-Festival Jazzycolors : www.ficep.info/jazzycolors

-New Morning : www.newmorning.com

-Cité de la Musique / Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Radio France - Jazz sur le Vif : www.maisondelaradio.fr/concerts-jazz

-La Seine Musicale : www.laseinemusicale.com

-Jazz Café Montparnasse : www.jazzcafe-montparnasse.com

 

Crédits Photos : Dessin de Thelonious Monk © Youssef Daoudi – Ramona Horvath, © Thierry Loisel – Stefano Bolani Que Bom Band © Vinicius Giffoni – San Francisco Jazz Collective © Jay Blakesberg – Giovanni Guidi & Francesco Bearzatti © Paolo Soriani – Aziza Quartet © Govert Driessen – Chick Corea © Toshi Sakurai – Marie Mifsud © Philippe Marchin – Marc Copland & Dave Liebman, Jeff « Tain » Watts, Snorre Kirk © Photos X/D.R.

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3 octobre 2018 3 03 /10 /octobre /2018 10:13

Octobre. La sécheresse que subit l’Europe du Nord depuis plusieurs mois retarde l’arrivée des champignons mais n’empêche pas les disques de pleuvoir. Ils me tombent dessus comme les feuilles des arbres un jour de grand vent. Que tous ne relèvent pas du jazz ne serait pas grave si la qualité musicale était au rendez-vous. Hélas, une bonne partie de la musique que je reçois est tellement métissée qu’il est difficile de déterminer ce que l’on écoute. Censé aider l’auditeur à en pénétrer les arcanes, l’argumentaire qui accompagne l’ovni sonore est souvent tout aussi obscur que ce dernier. J’extrais de l’un d’entre eux ces quelques phrases hermétiques : « La première partie du morceau repose sur les harmonies issues de la théorie de l’harmonie négative révélée par le pianiste et musicologue suisse, Ernst Levy* qui dit que la cadence en chute de quintes VI-II-V-I est équivalente à celle en chute de quartes bIII-bVII-IV-I. L’une s’apparente au terme de cadence « Authentique » alors que l’autre s’apparente à celui de cadence « Plagale ». Si bien qu’en C, A-D-G-C devient dans son équivalent plagal Eb-Bb-F-C, soit A=Eb, D=Bb, et G=F ».

 

Il pleut des disques en octobre. Ceux qui sont vraiment bons ne sont pas légions, mais les nouveaux albums solo de Keith Jarrett (enregistré à La Fenice de Venise en 2006) et de Marc Copland (consacré aux compositions de Gary Peacock) que j’ai eu la chance d‘écouter mettent du baume au cœur. Sans atteindre un tel niveau musical, d’autres disques sortent du lot. Je profite des concerts que leurs auteurs donnent dans les clubs de la capitale pour vous en présenter quelques-uns, des disques de jazz qui ressemblent à du jazz. Ce n’est pas si courant.

 

*Compositeur, pianiste, musicologue et chef d’orchestre suisse (1895-1981).

 

QUELQUES CONCERTS ET QUELQUES DISQUES QUI INTERPELLENT

Pluies sonores

-Enrico Rava retrouve le Sunside du 4 au 6 octobre (le 4 et le 5 à 21h00, le 6 à 19h00 et 21h30). Le trompettiste y joue souvent lorsqu’il visite Paris. Il y était en janvier dernier et retrouve ses accompagnateurs habituels, Baptiste Trotignon au piano, Darryl Hall à la contrebasse et Aldo Romano, son vieux complice à la batterie. Rava a enregistré de grands disques pour ECM. “Wild Dance, son plus récent date de 2015. Adepte du free jazz dans les années 70, il privilégie depuis plusieurs années la mélodie. Sa trompette solaire chante les notes tendres et délicates de pièces modales, véritables paysages sonores que son instrument dessine et colore.  

-Luigi Grasso à la Petite Halle, 211 avenue Jean Jaurès 75019 Paris (20h30), le 5 dans le cadre de « Sunset hors les murs ». Le saxophoniste (alto et baryton) vient fêter la sortie d’ “Invitation au Voyage” (Camille Productions / Socadisc), un album à l’instrumentation inhabituelle. Pour ce concert, Émilien Veret remplacera Thomas Savy à la clarinette basse, Géraud Portal en sera le bassiste et Laurent Courthaliac renforcera la formation au piano. Il n’y en a pas dans cet enregistrement aux couleurs très soignées au sein duquel l’un des deux trompettistes est Fabien Mary. Ce dernier indisponible, Joan Mar Sauque Vila tiendra seul l'instrument. Balthazar Naturel (saxophone ténor et cor anglais), Armand Dubois (cor), Thomas Gomez (sax alto) et Lucio Tomasi (batterie) compléteront l'orchestre, rejoints par quelques invités : Pasquale Grasso (guitare), et Keith Balla (batterie) présents sur l’album, de même que China Moses et Paola Mazzoli qui interprètent chacune un morceau. Cette dernière, une chanteuse de lyrique, fait sensation dans Invitation au Voyage. Arrangeur talentueux, Luigi Grasso réussit un album intemporel ancré dans la tradition du jazz tout en étant parfaitement contemporain. Comme son nom l’indique, son disque nous invite à l’accompagner dans ses voyages. Les nombreux pays qu’il a visités lui ont inspiré des compositions qu’il a ciselées avec un soin particulier. Variant l’instrumentation et les couleurs de ses morceaux, ses arrangements rappelant le nonette de Miles Davis mais aussi Gil Evans et Tadd Dameron (“Magic Touch” enregistré en 1962), cet « Italien du monde » passe allègrement du bop au swing, de la West Coast au jazz cool et signe un opus très attachant.

-Do Montebello en concert à l’Alhambra le 10 octobre (20h30). Dans “Birdy Heart” (AxolOtljazz / La Lichère /Frémeaux & Associés), elle chante la splendeur de l’âme qui, échappant au regard, se révèle dans le rayonnement de chaque être. Cet album est le dernier que produit AxolOtljazz, label fondé par Jean-Louis Wiart et qui après vingt ans d’existence, cesse son activité. Do l’a enregistré au Brésil avec Sergio Farias et Roberto Taufic (guitares) et Airton Guimarães (contrebasse). Entièrement acoustique, il contient des thèmes de Luiz Eça (le superbe Imagem qui introduit l’album), Antônio Carlos Jobim, Edu Lobo et quelques standards de jazz, Never Let Me Go que Nat « King » Cole interprète dans le film de Michael Curtiz “The Scarlet Hour” (“Énigme policière”) et Peace d’Horace Silver. Des chansons parfois co-signées avec Sergio Farias que Do interprète en portugais, français et anglais. Marc Berthoumieux (accordéon), Jacques Morelenbaum (violoncelle) et Toninho Horta (guitare) jouent sur certaines d’entre-elles. De ce dernier, elle reprend Waiting for You, un thème qu’il écrivit avec Joyce et que renferme l’album “Music Inside”.

-À l’initiative de l’association Paris Jazz Club, 180 concerts rassemblant plus de 400 musiciens sont proposés sur quinze jours entre le 12 et le 27 octobre dans le cadre de la 7ème édition du festival Jazz sur Seine, devenu un rendez-vous incontournable de notre automne culturel. Pour 40 euros, un « pass » à utiliser dans trois lieux différents donne accès à trois concerts. Une « offre découverte » (10 euros) est également proposée aux étudiants, demandeurs d’emploi et élèves de conservatoires. Les concerts d’Ornella Vanoni (le 13), de Ben Wendel (le 15), de Dmitry Baevsky & Jebb Patton (le 19), du Yes! Trio (le 21 et le 22), d’Ethan Iverson & Mark Turner (le 23 et le 24), de Carla Bley et de Laurent Fickelson (le 24), de Pablo Campos (le 25) auxquels je consacre des notices allongées rentrent dans le cadre de cette manifestation. Ne manquez pas la soirée « showcases » en entrée libre le mardi 16 octobre dans six clubs du quartier des Halles. Dix-huit groupes de la nouvelle scène jazz française présenteront leur musique. Jazz sur Seine organise aussi des master-classes et des ateliers de sensibilisation des scolaires au sein de leurs établissements. Un atelier de musicothérapie par le jazz est également proposé aux patients d’une maison d’accueil spécialisée du nord est parisien.

-À l’occasion de la réédition sur le label Tŭk Music Reloaded de son album “Argilla”, la célèbre chanteuse italienne Ornella Vanoni donnera un concert au New Morning le 13 octobre (20h30). Ses musiciens ne sont pas tous inconnus à l’amateur de jazz puisque Bebo Ferra (guitare) et Roberto Cipelli (piano) accompagnent le trompettiste Paolo Fresu dans ses disques. Également présent, ce dernier dialoguera avec la chanteuse, improvisera des obbligatos, Piero Salvatori (violoncelle), Loris Leo Lari (contrebasse) et Tommaso Bradascio (batterie) complétant la formation. Ornella Vanoni enregistra son premier disque en 1961. Elle se lia d’amitié avec Vinicius de Moraes et Toquinho et enregistra avec eux en 1976 l’album “La voglia, la pazzia, l'incoscienza e l'allegria”. Aux Etats-Unis dix ans plus tard, elle réunira autour d’elle en studio Gil Evans, Wayne Shorter, Herbie Hancock, Lee Konitz, George Benson, Randy & Michael Brecker, Ron Carter et Steve Gadd. Le disque s’intitule “Ornella &…”.

-Sans posséder un tel casting, “Argilla” (1997), rassemble d’excellents musiciens. On y retrouve bien sûr Paolo Fresu et les membres de son célèbre quintet italien dont Roberto Cipelli était déjà le pianiste, mais aussi Antonio Salis (accordéon) et Furio Di Castri (contrebasse) dans le superbe Nu’ Quarto ‘E Luna. Nguyên Lê fait rugir sa guitare dans Viaggerai, quelques-uns des meilleurs musiciens transalpins de l’époque participant à cette séance. Jazz, musique brésilienne, reprise du célèbre Sorry, Seems to be the Hardest Word d’Elton John, ce disque très soigné s’écoute avec beaucoup de plaisir. (Sortie le 23 novembre).

-Ben Wendel au Duc des Lombards les 14 et 15 octobre. Son Seasons Band réunit une brochette de jazzmen incontournables : Sullivan Fortner (piano), Gilad Hekselman (guitare), Joe Martin (contrebasse) et Kendrick Scott (batterie). En 1876, Piotr Ilitch Tchaïkovski écrivit douze pièces pour piano pour les douze mois d’une année. Reprenant cette idée, le saxophoniste de Kneebody composa douze morceaux et, pendant un an les interpréta en duo avec des musiciens qu’il admirait, s’inspirant parfois des compositions de Tchaïkovsky pour écrire les siennes. Il les joue désormais en quintette, assurant lui-même le saxophone ténor et le basson.

-Soirée « showcases » le 16 octobre dans six clubs du quartier des Halles (entrée libre). Le Duc des Lombards, le Sunset, le Sunside, le Baiser Salé, la Guinness Tavern et le Klub ouvrent leurs portes au jazz et proposent chacun trois formations à découvrir. On suivra tout particulièrement les formations suivantes :

 

-Au Duc des Lombards le Aïrès Trio (Airelle Besson (tp) Édouard Ferlet (p), Stéphane Kerecki (b) et le Greenwich Session Band de Luigi Grasso invitant le pianiste Alain Jean-Marie.

-Au Baiser Salé la formation électrique du guitariste Romain Pilon.

-Au Sunset le Géraud Portal Sextet et French Touch de Stéphane Kerecki, formation réunissant Émile Parisien (ss), Jozef Dumoulin (claviers) et Fabrice Moreau (dm).

-Au Sunside le Florian Pellissier Quintet.

-Le 19, Dmitry Baevsky (saxophone alto) et Jeb Patton (piano) fêtent au Sunside la sortie de “We Two” (Jazz&People). Ils se sont rencontrés il y a longtemps à New York, fréquentant les mêmes clubs de jazz, prenant part aux mêmes jam sessions. Aimant jouer des standards, ils ont décidé d’en enregistrer une dizaine. Au programme de leur album, des compositions d’Horace Silver, McCoy Tyner (Inception), Cole Porter, Charlie Parker, Jimmy Heath, Duke Ellington (magnifique version de son Sucrier Velours) et Joe Greene (Don’t Let the Sun Catch You Cryin’, une des plus belles pages de leur duo). Leur face à face privilégie dialogue et écoute et témoigne de leur complicité à faire revivre cette musique.

-Le Yes ! Trio Aaron Goldberg, (piano) Omer Avital (contrebasse) et Ali Jackson (batterie) – au Sunside le 21 (18h00 et 20h30) et le 22 (19h30 et 21h30). “Yes !” (Sunnyside), leur premier et unique album, l’un de mes treize chocs de l’année, date de 2012. Enregistrés en une seule journée, les neuf morceaux qu’il contient privilégient swing et feeling. Batteur subtil, Ali Jackson place en douceur le rythme au cœur de la musique. Il lui suffit de claquer dans ses doigts pour installer le bon tempo, le rendre irrésistible. Profondément ancrée dans le blues qui s’affirme dans le piano d’Aaron Goldberg, la musique semble façonnée par les leçons d’un passé que nos trois musiciens n’ont pas oubliées. Lorsque vous lirez ces lignes, le groupe aura terminé l’enregistrement d’un nouvel album au studio de Meudon. En attendant qu’il soit disponible, vous êtes invités à en découvrir le répertoire sur scène.

-Octobre, le mois de Jazz en Tête à Clermont-Ferrand, un festival pas comme les autres, le seul qui programme des musiciens afro-américains que les autres festivals ne programment pas. Jazz en Tête prend des risques, nous fait découvrir des musiciens inconnus qui ne le restent pas longtemps. Normal, le directeur artistique de Jazz en Tête, Xavier « Big Ears » Felgeyroles a vraiment de grandes oreilles et ne les garde pas dans ses poches. En raison de la rénovation de la Maison de la Culture dans laquelle il se tient habituellement, son festival, 31 ans d’existence!, se déplace, se met sur son 31 à l’Opéra-Théâtre (22 boulevard Desaix). Lever de rideau le 23 octobre avec le saxophoniste ténor Walter Smith III qui interprétera en trio le répertoire de “TWIO” (Whirlwind Records), son dernier album, des pièces de Thelonious Monk, Jimmy Rowles, Gigi Gryce, Wayne Shorter, rien que du bon. Au même concert, le Yes ! Trio que les parisiens auront pu écouter au Sunside. Je ne vais pas vous détailler tout le programme. Il se trouve sur le site de Jazz en Tête, le festival se poursuivant jusqu’au 27 octobre. Mais ne manquez pas le 24 le quartette du pianiste Billy Childs (avec Steve Wilson aux saxophones alto et soprano), la chanteuse Robin McKelle le 25 (publié avant l’été, “Melodic Canvas” qu’elle interprétera est son meilleur disque), le bassiste Joe Sanders en quartette le 26 et le pianiste cubain Harold López Nussa le 27.

-Mark Turner et Ethan Iverson au Duc des Lombards le 23 et le 24. Les deux hommes viennent de faire paraître “Temporary Kings” sur le label ECM, de la musique de chambre pour saxophone et piano. Six des neuf plages de l’album sont des compositions d’Iverson et deux sont de Turner. Dixie’s Dilemma, la neuvième, est un morceau de Warne Marsh, le principal modèle du saxophoniste qui joue souvent dans l’aigu de son ténor de longues phrases mélodiques. Unclaimed Freight d’Iverson est un blues. Ce dernier joue un autre piano qu’au sein de The Bad Plus dont il est le pianiste. Des harmonies flottantes, oniriques naissent sous ses doigts. Turner et lui ont enregistré deux albums avec le batteur Billy Hart et Ben Street à la contrebasse. La musique ouverte et souvent abstraite de leur duo intimiste n’en est pas si éloignée.

-Carla Bley à la Seine Musicale le 24 (20h30 dans l’auditorium) avec Andy Sheppard (saxophones ténor et soprano) et Steve Swallow (basse électrique). Ils ont fait plusieurs disques ensemble, le piano minimaliste de Carla soutenant délicatement le chant lyrique d’un saxophoniste qui murmure et chante des notes tendres et élégantes. La basse du troisième, si reconnaissable, accompagne Carla Bley sur tous ses albums depuis “Musique Mécanique, un opus de 1978. L’auteure d’“Escalator Over the Hill”, opéra jazz qu’elle enregistra entre 1968 et 1971, posséda de nombreux orchestres, des formations de toutes tailles auxquels elle donna à jouer sa musique. Paul Bley qu’elle épousa en 1957 reprendra souvent ses compositions au piano, des pièces étranges, des miniatures très simples et très belles au fort pouvoir de séduction. Depuis des années, elle en joue certaines en trio (Utviklingssang, Vashkar) et en propose de nouvelles, ingénieuses et au charme puissant.

-Le 24, avec Éric Prost au saxophone ténor, Thomas Bramerie à la contrebasse et Philippe Soirat à la batterie, Laurent Fickelson jouera au Sunside “In the Street” (Jazz Family), nouvel album qu’il a enregistré avec eux, une des bonnes surprises de cette rentrée. Longtemps dans l’entourage des frères Belmondo – il tient le piano sur “Influence (B Flat) remarquable double CD enregistré en 2005 avec Yusef Lateef –, Laurent Fickelson réussit un de ces disques dont chaque écoute révèle de nouvelles subtilités. Accompagné par une section rythmique qui porte sans la charger la musique, le pianiste, lui-même influencé par McCoy Tyner, notamment dans Edda, y dialogue avec un saxophoniste coltranien à la sonorité ample et généreuse. Membre de l’Amazing Keystone Big Band, Éric Prost révèle pleinement son talent dans cet album constitué de compositions originales et de standards, Billy Strayhorn (Lush Life), Thelonious Monk (‘Round Midnight), Wayne Shorter (Edda) et bien sûr John Coltrane étant conviés à cette séance enthousiasmante.

-Pianiste, mais aussi chanteur, Pablo Campos jouera le répertoire de “People Will Say” (JazzTime records / UVM) au Duc des Lombards le 25 (19h30 et 21h30). Fasciné depuis son plus jeune âge par Nat « King » Cole, il a étudié le chant auprès du regretté Marc Thomas. Pablo Campos possède un timbre de voix claire et agréable et joue très bien du piano. Ce premier disque, il l’a enregistré à Brooklyn avec Peter Washington (contrebasse) et Kenny Washington (batterie) rencontrés à New York en 2016. Avoir à ses côtés la section rythmique de Bill Charlap profite bien sûr à la musique d’un album dans lequel s’invite sur quelques morceaux Dave Blenkhorn, guitariste australien au savoir-faire indéniable. Au programme, le Great American Songbook et ses mélodies inoubliables, des thèmes de Jerome Kern (Nobody Else But Me), Cole Porter (At Long Last Love), Arthur Schwartz (By Myself), Richard Rogers (Thou Swell) et bien sûr Nat « King » Cole (Beautiful Moons Ago). S’y ajoutent deux compositions du leader qui sont loin d’être négligeables.

-Steve Kuhn au Sunside le 30 (21h00) et le 31 (19h30 et 21h30) avec Buster Williams (contrebasse) et Billy Drummond (batterie). Ancrant son piano dans la tradition du bop, Bud Powell se faisant entendre dans son piano, Steve Kuhn est aussi un musicien lyrique, un disciple de Bill Evans qui aime diversifier son jeu. Il a accompagné Kenny Dorham, Stan Getz, Art Farmer et brièvement John Coltrane, connaît les grilles harmoniques du blues mais se plait aussi à jouer un jazz modal raffiné comme dans “Ecstasy”, un disque ECM de 1974. Buster Williams a lui aussi travaillé avec des géants du jazz. Sa maîtrise sonore, l’assise rythmique exceptionnelle qu’il apporte à la musique en font un bassiste très demandé. Billy Drummond s’est déjà produit avec Steve Kuhn au Sunside et au Duc des Lombards. C’est avec Joey Baron un des batteurs préférés du pianiste. Plusieurs enregistrements en témoignent.

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-La Petite Halle : www.lapetitehalle.com

-Alhambra : www.alhambra-paris.com

-Jazz sur Seine : www.parisjazzclub.net

-New Morning : www.newmorning.com  

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Festival Jazz en Tête : www.jazzentete.com

-La Seine Musicale : www.laseinemusicale.com

 

Crédits Photos : Baptiste Trotignon / Enrico Rava / Darryl Hall / Aldo Romano, Yes ! Trio (Aaron Goldberg, Ali Jackson, Omer Avital) © Philippe Marchin – Ben Wendel © Josh Goleman – Géraud Portal © Philippe Lévy-Stab – Mark Turner & Ethan Iverson © Robert Lewis –Steve Kuhn © Roberto Serra – Parapluies sonores, Ornella Vanoni & Paolo Fresu © photos X/D.R.

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14 septembre 2018 5 14 /09 /septembre /2018 09:12
Un anniversaire à partager
Un anniversaire à partager

Septembre. Il y a plusieurs vies en nous. L’une des miennes s’étale sur 10 ans. Elle a débuté en 2008 avec ce blog consacré au jazz, proche reflet de mes goûts en la matière, le manque de temps et une actualité trop riche m’ayant cependant contraint à faire des choix, à aller, non sans regrets, à l’essentiel. Consacrer plus de temps à ce blog aurait certes été possible, mais vivre le jazz n’est pas ma seule passion. J’ai d’autres vies, d’autres plaisirs, d’autres ivresses. Livres, films, musées, voyages nourrissent aussi mon imaginaire, la vie des autres restant une source d’intérêt inépuisable pour quelqu’un de curieux.

 

Les jazzmen, leurs œuvres, leurs concerts m’ont donc permis de faire vivre ce blog pendant dix ans, la musique me fournissant les mots, les phrases de mes chroniques, de mes papiers d’humeur, de cet éditorial de septembre que vous lisez présentement. J’avoue avoir failli plusieurs fois abandonner, découragé par l’ingratitude de certains musiciens ne supportant pas que l’on émette la moindre réserve sur leur travail. Conséquence du politiquement correct qui bâillonne aujourd’hui toute critique, sujet traité l’an dernier dans l’un de mes éditos, j’ai donc rapidement décidé de ne parler que des disques qui me tiennent à cœur et d’ignorer les autres.

 

En effet, pourquoi perdre son temps à rédiger des chroniques sur des enregistrements dont le contenu musical est de peu d'intérêt à mes oreilles? Je préfère défendre ceux que je crois meilleurs que les autres, aussi bien des albums de musiciens inconnus que d’artistes confirmés. L’espace de liberté qu’offre un blog permet de traiter plus à fond un sujet, de décrire plus précisément la musique d’un disque pour vous donner envie de la découvrir.

 

Je n’aime guère rédiger des rubriques nécrologiques, mais il ne m’a pas été possible d’ignorer les disparus, de ne pas rendre hommage à des musiciens qui m’ont beaucoup apporté, à des amis chers qui sont partis trop tôt. Je pense surtout à Philippe Adler, à Christian Bonnet et à Heidi, l’amie américaine qui m’accompagna à tant de concerts. J'aurais aimé qu'ils assistent à cet anniversaire.

 

Inauguré le 8 septembre 2008 par la chronique de “A Stomach is Burning”, le premier disque de Mélanie De Biasio, ce blog a donc dix ans. Je n’envisage pas le fermer mais réduire sa voilure ne semble pas exclu. La fatigue, la lassitude, l’envie de passer à autre chose, de vivre autre chose… Rassurez-vous amis lecteurs, je ne vous laisserai pas tomber. Tant qu’il reste des jazzmen qui font de la bonne musique, ce blog a encore de beaux jours devant lui. Merci de lui être resté fidèle.

QUELQUES CONCERTS ET QUELQUES DISQUES QUI INTERPELLENT

 

-Excellent bassiste, Gilles Naturel séduit par l’intelligence de ses compositions et la finesse de ses arrangements. Le 15 septembre au Duc des Lombards (19h30 et 21h30), en compagnie de la chanteuse et pianiste new-yorkaise Champian Fulton, il revisite “Porgy and Bess” de George Gershwin au sein d’un nonet à l’instrumentation originale : trompettes (Martin Declercq et Ronald Baker, ce dernier assurant également certaines parties vocales), trombone (Michael Joussein), cor (Armand Dubois), saxophone ténor (Balthazar Naturel), violon (Philippe Chardon), violoncelle (Jérémy Garbag), et batterie (Stéphane Chandelier). L’opéra de Gershwin reste un réservoir inépuisable de mélodies pour les jazzmen : My Man’s Gone Now, It Ain’t Necessarily So, I Loves You Porgy et le célébrissime Summertime ne peuvent qu’interpeller.

-Relire autrement la musique de Thelonious Monk, jazzman le plus joué aujourd’hui, n’est pas donné à tout le monde. Avec son New Monk Trio, Laurent de Wilde y parvient. Les étranges mélodies de Thelonious, le pianiste les met à plat pour les reconstruire à sa manière, les respecte tout en les jouant différemment. L’album “New Monk Trio” (Gazebo) qu’il a enregistré l’an dernier, Prix du Disque Français de l’Académie du Jazz, en témoigne. Laurent sera au Sunside les 20 et 21 septembre (à 19h30 et 21h30) avec ses musiciens, Jérôme Regard à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie, et Arnaud Dolmen remplaçera ce dernier le 22 (concerts à 19h00 et 21h30).

-Thomas Bramerie en trio au Duc des Lombards les 20, 21 et 22 septembre avec le pianiste Carl-Henri Morisset au piano et Elie Martin-Charrière à la batterie. Tous les deux l’accompagnent dans “Side Stories” (Jazz Eleven), le premier album que Thomas a enregistré sous son nom. Bassiste très demandé, ce dernier rythme la musique mais en est aussi l’une des voix mélodiques. Avec lui, un pianiste dont la maîtrise des rythmes afro-cubain est parfaitement naturelle (Morisset est d’origine haïtienne) ose des harmonies insolites. Quelques invités sont attendus à ces soirées : les pianistes Eric Legnini (le 20) et Jacky Terrasson (le 21) et le trompettiste Stéphane Belmondo (le 22).

-Fondé par le batteur Daniel Humair et comprenant Stéphane Kerecki à  la contrebasse et Vincent Lê Quang aux saxophones, le trio Modern Art, attendu le 22 à 20h30 au Bal Blomet, invite le pianiste Emil Spanyi à le rejoindre pour improviser une musique aventureuse faisant écho aux formes, aux couleurs d’œuvres de peintres du XXème siècle qui ont été en relation avec le jazz. Reproduites dans le luxueux livret grand format accompagnant “Modern Art” (Incises), le premier opus du trio, des œuvres de Jackson Pollock, Bram Van Velde, Pierre Alechinsky, Cy Twombly et quelques autres (Sam Szafran que j’apprécie beaucoup) invitent à un passionnant voyage musical.

-Avec tambours (ceux du batteur Cédrick Bec) mais sans trompette et toujours au piano, Alexis Tcholakian fêtera le 25 au Sunside la sortie de son nouvel album, “Inner Voice Vol.1”, un opus en trio autoproduit (Lilian Bencini en est le bassiste) enregistré en décembre 2017. Admirateur de Bill Evans et ancien élève du regretté Bernard Maury, Alexis Tcholakian joue toujours un piano élégant aux harmonies rêveuses, compose de jolies mélodies dont il fait chanter les notes. Il les cajole, les poétise et nous les rend précieuses. Un second volume est prévu en mars 2019. Alexis en jouera quelques thèmes, pour notre joie à tous.

-Membre des Jazz Messengers d’Art Blakey dans les années 80 et familier du festival Jazz en Tête de Clermont-Ferrand depuis de longues années, Jean Toussaint (saxophones ténor et soprano) est attendu au Duc des Lombards les 25 et 26 septembre. Avec lui un quartette comprenant Daniel Casimir à la contrebasse, Ben Brown à la batterie et le pianiste espagnol Alberto Palau. Plusieurs disques de cet excellent saxophoniste sont disponibles sur Space Time Records, le label de Xavier Felgeyrolles que les amateurs de bon jazz connaissent bien. Son onzième album, “Brother Raymond”, est paru en juin dernier aux Etats-Unis sur le label Lyte Records. 

-Antonio Faraò en trio au Duc des Lombards les 27, 28 et 29 septembre. Habitué du lieu, il s’y est souvent produit en trio avec des musiciens qu’il affectionne, les bassistes Thomas Bramerie et Stéphane Kerecki, les batteurs Daniel Humair et André Ceccarelli. Avec ce dernier, il a enregistré un excellent disque pour Cristal Records, “Domi”, en 2011, Darryl Hall complétant la formation à la contrebasse. Pour ces concerts, cette dernière se verra confier à Thomas Bramerie, le pianiste italien retrouvant André Ceccarelli à la batterie. Au service de la ligne mélodique des compositions qu’il harmonise avec finesse et sensibilité, Antonio Faraò peut tout aussi bien se montrer énergique que peindre des paysages aux couleurs élégantes. Son jazz raffiné et fluide possède un grand pouvoir de séduction.

-Ne manquez pas le quintette de Jacques Vidal au Sunside les 28 et 29 septembre. Le bassiste y fête la sortie d’un nouveau disque enthousiasmant, “Hymn” (Soupir Editions). Prolixes de chorus flamboyants, Daniel Zimmermann (trombone) et Pierrick Pédron (saxophone alto) travaillent depuis longtemps avec lui et apportent à sa musique les chaudes couleurs de leurs instruments. Car après plusieurs albums consacrés à Charles Mingus, son mentor, Jacques Vidal nous offre un disque de ses propres compositions, une musique généreuse et sensuelle sur laquelle plane toujours l’ombre tutélaire de Mingus (Charles Mingus’s Sound of Love). Ronde, boisée et asseyant parfaitement l’orchestre, la contrebasse du leader fait merveille, notamment dans Alice, sa poignante mélodie inspirant à Jacques Vidal un long solo à l’archet (Variation sur le thème d’Alice). Richard Turegano au piano (une découverte), et Philippe Soirat à la batterie complètent une formation à découvrir au grand complet sur la scène du Sunside.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Bal Blomet : www.balblomet.fr

 

Crédits Photos : Champian Fulton & Gilles Naturel, New Monk Trio, Antonio Faraò © Philippe Marchin – Thomas Bramerie avec Carl-Henri Morisset & Stéphane Belmondo, Jean Toussaint © Pierre de Chocqueuse – Jacques Vidal © Jean-Baptiste Millot – Bougies anniversaire, Modern Art (Daniel Humair, Stéphane Kerecki & Vincent Lê Quang) © photo X/D.R.

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1 juillet 2018 7 01 /07 /juillet /2018 09:00
Éloge de la lenteur

Juillet. « En marche » écrivais-je en septembre dernier. Le moment s’y prêtait. La République s’était décidée à marcher. Sa gauche insoumise appelait ses marcheurs à arpenter les rues, à battre les pavés des villes, les chemins des campagnes. Quelques mois plus tard, alors que la vitesse vient d'être réduite sur certaines routes, nos marcheurs ne pensent plus qu’à courir. Le Trésor Public court après les milliards dont il a grand besoin, les footballeurs après un ballon qui roule plus vite que leurs jambes, les musiciens après nos chroniques, et les français après les festivals qui courent après les subventions. Carla Bruni à Jazz à Juan, la rencontre d'Ibrahim Maalouf et de Wynton Marsalis à Marciac, mariage de la carpe et du lapin, donnent aussi envie de courir, de prendre ses jambes à son cou.

 

L’homme est aujourd’hui tellement pressé que marcher ne lui suffit plus. Il court, il court, comme la banlieue, le furet du bois joli. Il court si vite qu’il passe et repasse au même endroit sans même s’en rendre compte, tourne en rond comme un cheval de bois de manège.

 

La période estivale est pourtant propice aux promenades. Ombrés d’arbres centenaires, jardins et parcs floraux inspirent les flâneurs. S’installer dans un hamac avec un bon roman, réécouter de vieux vinyles, visiter à petits pas des musées oubliés, musarder, nager dans le grand bleu, faire la sieste, prendre du bon temps au lieu de vouloir en gagner en courant, sont pourtant des pratiques accessibles. Pourquoi s’obstiner à courir ?

 

Attiré par la lenteur, par le bien qu’elle apporte, ce blog restera en sommeil plus longtemps que les autres années. Cet éditorial est mon dernier avant septembre qui voit le soleil entrer dans la Balance. On y cueille le téton de Vénus et la coucourelle angélique qu’Alexandre Vialatte appréciait. N’espérez pas me rencontrer dans les festivals. Mon farniente sera discret, loin du bruit et des foules que je fuis sans empressement, d’un bon pas malgré tout. La musique, j’en écoute toute l’année dans les clubs de la capitale. Grâce aux disques, l’été permet une autre forme d’intimité avec elle. On l’écoute plus sereinement, moins stressé par le temps, ce grand dévoreur qui ne cesse de courir.

QUELQUES CONCERTS ET FESTIVALS QUI INTERPELLENT

 

L’American Jazz Festiv’Halles et le Festival Pianissimo au Sunset-Sunside, le Festival All Stars 2018 au New Morning, le Paris Jazz Festival au Parc Floral de Vincennes, les Parisiens gâtés n’ont pas besoin de partir loin pour écouter du bon jazz. Cette sélection de concerts à ne pas manquer cet été en témoigne.

-Charles Lloyd au New Morning le 5 juillet avec The Marvels (les Prodiges), groupe réunissant Bill Frisell (guitare), Greg Leisz (pedal steel guitare), Reuben Rogers (contrebasse) et Eric Harland (batterie). Après un premier opus pour Blue Note en 2016, la formation sort un nouvel album sur le même label. Enregistré avec la chanteuse Lucinda Williams, “Vanished Gardens” célèbre le mariage du jazz, du blues, et de la country music américaine. Lloyd et Frisell se sont rencontrés en 2013. Leisz est un vieux complice du guitariste. Reuben et Harland constituent la rythmique habituelle du saxophoniste. Porté par les nappes sonores des guitares, Charles Lloyd fait merveille dans un répertoire éclectique.

-Le 5 toujours, Baptiste Herbin (saxophones alto et soprano) se produira en quartette au Sunside avec Pierre de Bethmann (piano), Geraud Portal (contrebasse) et Benjamin Henocq (batterie). Pierre est le pianiste de “Brother Stoon (Naïve), le brillant premier opus de Baptiste qui en a enregistré trois sous son nom. Se promenant rue des Lombards avec ses instruments, il aime rencontrer d’autres musiciens, improviser avec eux sur un matériel thématique éclectique. Sa musique privilégie l’héritage afro-américain, le rythme, le swing, le blues. Elle traduit aussi sa passion pour les musiques malgaches et brésiliennes. Un excellent pianiste brésilien, Eduardo Farias, l’entoure dans “Dreams and Connections (Space Time Records), son disque le plus récent.  

-Le 6, le New Morning accueille le Golden Striker Trio qui réunit le pianiste Donald Vega, le guitariste Russell Malone et le célèbre bassiste Ron Carter. Piano, guitare et contrebasse, cette instrumentation que Nat King Cole fit sienne dès 1937, fut également adoptée par Art Tatum, Ahmad Jamal et Oscar Peterson. Le premier pianiste de la formation (une composition de John Lewis, Golden Striker, lui donne son nom) était Mulgrew Miller. Décédé en 2013, il a été remplacé par Vega. Quant à Malone, il est le guitariste du trio depuis sa création. Enregistré live en 2016 au Theatherstübchen de Kassel (Allemagne), “Golden Striker” son dernier disque contient Laverne Walk qu’Oscar Pettiford écrivit pour Stan Getz, Samba de Orfeu de Luiz Bonfá et une délicate version de My Funny Valentine.

-Dayna Stephens au Duc des Lombards le 11 juillet. Natif de Brooklyn, il a étudié le saxophone à la Berklee School of Music et au Thelonious Monk Institute of Jazz. Paru en 2017 aux Etats-Unis, “Gratitude” (Contagious Music), son huitième album, réunit autour de lui Brad Mehldau, Julian Lage, Larry Grenadier et Eric Harland. La même équipe l’entoure dans “Peace”, publié sur le label Sunnyside en 2014. Dayna Stephens a également enregistré avec les pianistes Aaron Parks et Taylor Eigsti et les saxophonistes Jaleel Shaw et Walter Smith III. Il joue du saxophone baryton dans le dernier disque du pianiste Gerald Clayton et du ténor dans “Concentric Circles”, un disque Verve de Kenny Barron récemment publié. Il est attendu au Duc avec Taylor Eigsti (piano), Michal Baranski (contrebasse) et Greg Hutchinson (batterie).

-Harold López-Nussa en trio au Sunside le 12 et le 13 avec Gaston Joya (contrebasse) et Ruy Adrián López-Nussa (batterie). Après “El Viaje” (en 2016), disque au sein duquel la musique y est plus africaine (la présence du bassiste sénégalais Alune Wade), le trio sort fin juin sur le label Mack Avenue “Un Día Cualquiera”, un disque enregistré à Boston contenant surtout des compositions originales du pianiste. Reflet de la richesse et de la diversité de la musique cubaine, celle d’Harold López-Nussa mêle le jazz et ses harmonies travaillées à des éléments classiques, folkloriques et populaires de son île natale. Rythmée et élégante, elle comprend des morceaux vifs aux rythmes chaloupés mais aussi des pièces lyriques et tendres, telle cette version de Contigo en la Distancia, un boléro écrit en 1946 par le chanteur-compositeur cubain Cesar Portillo de la Luz.

-Les deux mêmes soirs (ceux des 12 et 13 juillet), le pianiste Christian Sands vient jouer en trio au Duc des Lombards avec Yasushi Nakamura (contrebasse) et Jerome Barber (batterie). On l’écoutera dans les albums qu’il a réalisés avec le bassiste Christian McBride, notamment dans “Live at the Village Vanguard” (Mack Avenue). C’est également sur ce label qu’il a enregistré “Reach”, un disque publié l’an dernier dans lequel il mêle blues, hip-hop et rythmes afro-cubains. Yasushi Nakamura en est le bassiste. Gilad Hekselman (guitare), Marcus Strickland (saxophone ténor et clarinette basse) et Cristian Rivera (percussion) en sont les invités.

-Bassiste français installé à New York, Clovis Nicolas revient jouer le 13 au Sunset la musique de “Freedom Suite Ensuite”, un disque qu’il a enregistré en 2016 et que Sunnyside a publié aux Etats-Unis l’année suivante. Steve Fishwick (trompette), Dmitry Baevsky (saxophone alto) et Lawrence Leathers (batterie) en joueront avec lui le répertoire. Ce dernier comprend la Freedom Suite que Sonny Rollins enregistra en trio en février 1958 avec Oscar Pettiford à la contrebasse et Max Roach à la batterie, mais aussi Fine and Dandy et Little Girl Blue de Richard Rogers. Les autres morceaux sont des compositions originales de Clovis Nicolas qui, sans pianiste, ni guitariste, pose lui-même avec sa contrebasse les fondations harmoniques de sa musique.

-Le Gil Evans Paris Workshop au Parc Floral de Vincennes le 14 juillet (à 16h00, concert gratuit). Dirigée par Laurent Cugny ce grand orchestre de jazz, l’un des meilleurs de l’hexagone, fait revivre les arrangements de Gil Evans et ajoute constamment de nouveaux morceaux à son répertoire. Sister Satie d’Horace Silver, Guinnevere de David Crosby, Crepuscule with Nellie et Blue Monk de Thelonious Monk, Drizzling Rain du regretté Masabumi Kikuchi ont été joués lors des concerts que la formation a donnés cette année au Sunside. Les jeunes musiciens qui la constituent – certains font beaucoup parler d’eux – expérimentent, jouent une musique qui, jamais figée, se transforme constamment. Un thème du bluesman Willie Dixon, Spoonful, donne son nom au premier disque que le Gil Evans Paris Workshop a publié l’an dernier sur le label Jazz & People.

-Roy Hargrove au New Morning deux soirs de suite, les 16 et 17 juillet, dans le cadre de son Festival All Stars. Le trompettiste en est une. Il joue souvent dans ce club désormais chargé d’histoire de la rue des Petites Ecuries. Il y était en avril avec la même excellente formation : le fidèle Justin Robinson au saxophone alto, le pianiste Tadataka Unno pour colorer et nourrir sa musique d’harmonies sophistiquées, le bassiste Ameen Saleem qui parvient très bien à la porter. Un nouveau batteur, Evan Sherman, remplace Quincy Phillip. On attend qu’il donne un swing irrésistible à la musique généreuse du trompettiste. Avec eux, Roy Hargrove peut jouer sans problème le hard bop qu’il affectionne et que nous sommes nombreux à applaudir.

-Le Billy Hart Quartet au New Morning le 24. Joshua Redman remplace Mark Turner au saxophone ténor, Ben Street à contrebasse et Ethan Iverson, le pianiste de The Bad Plus restant membres de la formation du batteur. Cette dernière qui existe depuis 2003 a enregistré deux albums pour ECM : “All Our Reasons” en 2012 et “One Is The Other” en 2014. Sa musique, du jazz contemporain au continuum régulier, est judicieusement tempérée par les harmonies flottantes et inattendues d’Iverson. Car les musiciens aiment prendre des risques, les compositions ouvertes de Billy Hart, batteur à la frappe sèche, aux ponctuations énergiques et principal pourvoyeur des thèmes, offrant un vaste champ d’investigation à leurs recherches harmoniques et rythmiques.

-Connaissez-vous la chanteuse Marie Mifsud ? Vous répondez négativement, alors il est temps d’écouter sa musique. La péniche Marcounet la programme le 25. Avec elle, Quentin Coppale à la flûte, Tom Georgel au piano, Victor Aubert à la contrebasse et Adrien Leconte à la batterie, quatre musiciens qui ne gardent pas les mains dans leurs poches lorsqu’ils jouent. Le batteur écrit les originaux du répertoire, des morceaux malicieux taillés sur mesure pour la voix de la chanteuse, une voix de contralto qui contracte ou étire les syllabes pour leur donner du swing. Sur scène, Marie Mifsud et ses musiciens nous offrent un show inoubliable. Ils savent se servir de la scène pour faire passer leur musique et définitivement nous éblouir.

-Guilhem Flouzat au Duc des Lombard le 26 juillet. “A Thing Called Joe” (Sunnyside), disque que le batteur a enregistré l’an dernier sur le label Sunnyside, en a été la bonne surprise. Sullivan Fortner qui sort un nouvel album sur Impulse y joue un merveilleux piano. Au Duc, Sam Harris se verra confier l’instrument, Desmond White, bassiste habituel du batteur, complétant le trio. Pianiste du trompettiste Ambrose Akinmusire – il joue dans “A Rift in Decorum, Live at the Village Vanguard” et “The Imagined Savior Is Far Easier to Paint” –, Sam Harris a publié un seul album sous son nom en 2014, “Interludes” sur le label Fresh Sound New Talent. Il cultive les dissonances mais peut tout aussi jouer des harmonies d ‘une grande beauté mélodique.

-Le Festival Pianissimo qu’organise chaque année le Sunside débutera le 24 juillet avec un concert en quartette de Thomas Enhco et s’étalera sur tout le mois d’août. On consultera le programme complet de cette 13ème édition sur le site du club. Les pianistes qui interpellent sont beaucoup trop nombreux pour se voir consacrer des notices. Je vous en donne les noms et les dates de leurs concerts.

Antonio Faraò en trio les 27 et 28, Vincent Bourgeyx (avec Darryl Hall et Laurence Leathers) le 4 août, Fred Nardin (avec Or Bareket et Leon Parker) le 7, le trio de Pierre de Bethmann le 8, Enrico Pieranunzi en solo le 9, en duo avec Rosario Giuliani pour un hommage à Duke Ellington le 10 et en quartette le 11, René Urtreger (avec Yves Torchinsky et Eric Dervieu) le 17, Géraldine Laurent transformant le trio en quartette le 18, Paul Lay et Eric Le Lann (pour interpréter le répertoire de “Thanks a Million”, un disque hommage à Louis Armstrong qui doit paraître en octobre) le 23, Ramona Horvath (en trio et quartette avec André Villeger) le 28, Yonathan Avishai en trio le 30 et en quintette (“The Parade”) le 31 août.

-New Morning : www.newmorning.com 

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Péniche Marcounet : www.peniche-marcounet.fr

 

Crédits Photos : Charles Lloyd © Dorothy Darr – Baptiste Herbin, Clovis Nicolas, Guilhem Flouzat © Philippe Marchin – Dayna Stephens © Christopher Drukker – Christian Sands © Anna Webber – Roy Hargrove © Pierre de Chocqueuse – Montre et escargot (Eloge de la lenteur), The Golden Striker Trio, Harold Lopez-Nussa Trio, Billy Hart, Enrico Pieranunzi © Photo X/D.R.

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6 juin 2018 3 06 /06 /juin /2018 09:42
Folles années de ma jeunesse

Il m’a toujours été difficile de connaître les goûts musicaux de Serge Loupien. Responsable des pages jazz de Libération de 1976 à 2007, il prit un malin plaisir à éreinter disques et musiciens, allant même jusqu’à renier certaines musiques qu’il défendait. Il se fit bien des ennemis avec ses chroniques au vitriol. On les attendait avec crainte, et j’avoue avoir été surpris lorsqu’il en écrivit une, positive, sur “No Rush” un album d’Hal Singer enregistré en 1992 pour la FNAC Musique et dont j’étais le producteur exécutif. Il n’était pas de mes amis et je n’ai jamais compris le pourquoi de ses billets assassins. Un jeu probablement.

Serge Loupien consacre aujourd’hui un ouvrage de 400 pages à la France Underground des années 1965/1979*(1) sans jamais porter de jugement sur les musiques qui s’y bousculent, pour le meilleur et pour le pire. Il y est beaucoup question de jazz, de free jazz surtout. C’est une curieuse époque qui voit de bons musiciens – François Tusques, Michel Portal, Barney Wilen – abandonner l’harmonie et le rythme, tout balancer pour produire du chaos, les amateurs de jazz fuyant le navire en train de sombrer. Agressés par les couinements du saxophone d’Albert Ayler, ou le tintamarre que provoque le Celestrial Communication Orchestra d’Alan Silva, même les girafes se jettent à la mer, ce qui ne manque bien évidemment pas de sel. Côté rock et pop music, bien que le système tonal reste souvent préservé, ce n’est guère mieux. Qui écoute encore les disques d’Étron Fou Leloublan, Red Noise, Komintern, Barricade, Crium Delirium, formations au sein desquelles la politique et le chillum cosmique sont aussi importants que la musique ?

 

Médiatisés par une presse souvent confidentielle dont parle ce livre, ces groupes n’intéressaient presque personne. Serge Loupien leur consacre pourtant de nombreuses pages, souvent désopilantes. Car dans ces années libertaires, la contestation s’est installée partout au grand dam des peine-à-jouir. Situationnistes, maoïstes, trotskistes, anarchistes se bouffent déjà le nez. En attendant, la gratuité du rock est le mot d’ordre de tous ces opuscules souvent violents. A Sète, les portes du théâtre dont le Gong *(2) et Magma partagent l’affiche sont défoncées « avec des béliers comme au Moyen Âge » se souvient Didier Malherbe, alors saxophoniste du groupe de Daevid Allen. Le 31 janvier 1971, lors d‘un concert réunissant les musiciens de ce dernier, le Whole World de Kevin Ayers, Yes et le Soft Machine, le Palais des Sports de Paris est envahi par une horde d’enragés chevelus et aux yeux rouges, le contenu du bar entièrement bu dans la soirée, et la salle dévastée.

 

Serge Loupien raconte tout cela et davantage encore, même si l’on se perd un peu dans tous les noms qu’il cite, ses abondantes digressions ne facilitant pas la lecture de son livre auquel manque cruellement un index et qui n’évite pas quelques erreurs – ce n’est pas “Facing You” de Keith Jarrett, régulièrement fusillé par Loupien dans ses articles, qui assura une rente au jeune label ECM, mais son “Köln Concert”. Le monde musical tisse aussi des liens avec le théâtre et de nombreuses pages sont consacrées à la bande de Marc’O (Marc-Gilbert Guillaumin), auteur et metteur en scène très actif en ces folles années (“Les idoles” en 1966). Dans ses spectacles défilent une nouvelle génération de comédiens, Pierre Clémenti, Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon, Valérie Lagrange, Élisabeth Wiener, mais aussi Jacques Higelin dont nous suivons les aventures. Comme celle de la création des disques Savarah par Pierre Barouh et l’émergence de Brigitte Fontaine.

 

Ce livre passionnant et abondamment documenté qui me rappelle bien des souvenirs – j’ai connu personnellement nombre des protagonistes de cette saga – laisse souvent la parole à ses acteurs (témoignages souvent recueillis dans Libération et Jazz Magazine). Les années 70 sont encore étrangères à la chape de plomb du politiquement correct qui sévira plus tard. Une époque pleine de bruit et de fureur, apanage d’un underground bien français, une grande partie des formations de jazz ou de rock dont nous parle Serge Loupien, faisant beaucoup de bruit et peu de musique.

 

Ce ne sont d’ailleurs pas les artistes signés par Byg, label créé par Jean Georgakarakos, escroc au demeurant sympathique, des free jazzmen pour la plupart, qui déplacèrent les foules au festival d’Amougies en octobre 1969 mais des groupes britanniques – Pink Floyd, Soft Machine, Colosseum, Caravan, Ten Years After – et la présence de Frank Zappa qui mit sa guitare au service des meilleurs. Car, entre les mains d’apôtres de la déconstruction bien décidés à lui tordre le cou, et ce malgré l’émergence d’un jazz fusion et d’une pop music en plein essor, le jazz traverse alors une des périodes les moins riches de son étonnant parcours. Si les firmes indépendantes dénichent quelques talents, la bonne musique se crée surtout au sein des multinationales phonographiques qui n’ont pas encore remplacé leurs directeurs artistiques par des experts en marketing et commencé à vendre du disque comme du savon. Mais cela est une autre histoire, infiniment moins drôle et qui reste à écrire.

 

*(1) “La France Underground 1965/1979, Free Jazz et Rock Pop, le temps des utopies” (Éditions RivagesRouge)

 

*(2) Constitué en communauté et mêlant allègrement toutes sortes de musiques, le Gong de Daevid Allen (en couverture du livre), qui vit alors dans une ferme des environs de Sens, plante, récolte et fume les produits de son jardin. Leurs vaches normandes broutent la même herbe et fournissent la matière première d’un savoureux « camembert électrique » auquel le groupe doit son succès.

 

QUELQUES CONCERTS ET QUELQUES DISQUES QUI INTERPELLENT

-Le 9 juin au Studio 104 de Radio France (20h00), dans le cadre de l’émission Jazz sur le Vif présentée par Arnaud Merlin, le batteur Daniel Humair fêtera son 80ème anniversaire au sein d’un quartette comprenant Fabrice Martinez à la trompette, Marc Ducret à la guitare et Bruno Chevillon à la contrebasse. Daniel qui est né un 23 mai garde intact ses passions, sa peinture, le plaisir qu’il éprouve à défricher de nouveaux territoires sonores avec de jeunes musiciens. Il aime prendre des risques, renouveler un répertoire riche en improvisations audacieuses. En duo avec Vincent Peirani à l’accordéon, le saxophoniste Emile Parisien assurera au soprano la première partie de ce concert exceptionnel.  

-Hailey Tuck au Café de la Danse le l2. La chanteuse  y fête la sortie de “Junk” (Silvertone / Sony Music), un disque enregistré au Sunset Sound Studio de Los Angeles et produit par Larry Klein (Melody Gardot, Madeleine Peyroux, Lizz Wright) après trois EP autoproduits. Il comprend des chansons de Leonard Cohen, Ray Davis, Joni Mitchell, Paul McCartney, Last in Line, sa seule contribution personnelle, s’intégrant parfaitement au programme de l’album. Née à Austin et installée à Paris, Hailey Tuck possède une voix dont le grain particulier interpelle. Sa reprise de Some Other Time n’est pas sans évoquer celle qu’en donne Blossom Dearie dans l’album Verve qu’elle consacre à Betty Comden et Adolph Green. On pense aussi à Madeleine Peyroux, son timbre de voix étant assez proche du sien. Superbement arrangée, sa musique se situant entre le jazz et le folk, ce disque devrait faire parler d’elle.

-Pierre Christophe dans un programme Erroll Garner au Duc des Lombards le 20 (deux concerts, 19h30 et 21h45), on peut s’y rendre les yeux fermés mais avec les oreilles grandes ouvertes. Pianiste caméléon capable de jouer une grande diversité de musique, prix Django Reinhardt 2007 de l’Académie du Jazz, Pierre nous fait revivre la musique de l’elfe dans une instrumentation que ce dernier appréciait. Il lui a consacré un album l’an dernier, “Tribute to Erroll Garner” (Camille Productions), reprenant 7-11 Jump, Dreamy, Dancing Tambourine et Misty, le morceau le plus célèbre de cet enchanteur du piano. Avec lui au Duc, Raphaël Dever à la contrebasse, Laurent Bataille à la batterie et Julie Saury aux congas. Une belle soirée en perspective.  

-Ne manquez pas le 20 juin au New Morning le quintette du pianiste Florian PellissierYoann Loustalot (trompette), Christophe Panzani (saxophone ténor), Yoni Zelnik (contrebasse) David Georgelet (batterie) – augmenté de quelques musiciens amis. La formation se révèle toujours épatante dans “Bijou Voyou Caillou” (Heavenly Sweetness) son nouvel opus qui conserve le graphisme et le bleu de ses autres pochettes. Bénéficiant de quelques invités (les chanteurs Arthur H et Anthony Joseph), sa musique mélodique, toujours ancrée dans le jazz des années 50 et 60, s’ouvre toutefois davantage à la danse. Les percussions de Roger Raspail et d’Erwan Loeffel ne sont pas pour rien dans cette joyeuse exubérance musicale, dans le groove intense que dégage Fuck with the Police qui introduit avec bonheur ce nouvel album, dans South Beach et le Jazz Carnival d’Azimuth au rythme irrésistible. Coup de foudre à Thessalonique est un habile démarquage du Take Five de Dave Brubeck, mais j’avoue avoir un faible pour Espion, un autre thème de Florian Pellissier qui confirme un réel talent de compositeur.

-Elle n’a peur de rien Marjolaine Reymond (la pochette de son nouvel album en témoigne) et c’est pour cela qu’elle nous est sympathique. Jouée par des musiciens de jazz et saupoudrée d’effets électroniques, sa musique un peu folle entremêle de nombreux genres musicaux, le rock, la musique répétitive et la musique savante européenne. Convoquant sérialisme et vérisme, elle invite Claude Debussy, Béla Bartók, Olivier Messiaen et Frank Zappa à se tendre la main. La voix (les voix, d’où une musique souvent polyphonique) y occupe bien sûr une place centrale. Le livret de “Demeter No Access” (Kapitaine Phoenix / Cristal Records) tire ses textes d’un manuscrit du Moyen-Âge, d’Ovide, Homère et de l’Ancien Testament). Denis Guivarc’h (saxophone alto), Bruno Angelini (piano, Fender Rhodes), Olivier Lété (basse électrique) et Christophe Lavergne (batterie) en sont les musiciens, un quatuor à cordes – Régis Huby et Clément Janinet (violons), Guillaume Roy (alto), Marion Martineau (violoncelle) – complétant la formation de la chanteuse qui a signé et arrangé la plupart des morceaux. Ils seront tous sur la scène du Studio de l’Ermitage le 22 juin (20h30) pour fêter la sortie d’un disque vraiment pas comme les autres.

-Le sextet du bassiste Nicolas MoreauxChristophe Panzani (saxophone ténor), Olivier Bogé (saxophone alto), Pierre Perchaud (guitare), Karl Jannuska et Antoine Paganotti (batterie) – fêtera les 22 et 23 juin au Sunside la sortie de “Far Horizons” (Jazz&People), son troisième album après “Fall Somewhere”, double CD atmosphérique et lyrique qui reçut le grand prix du disque de l’Académie Charles Cros en 2013, “Belleville Project”, co-signé avec le saxophoniste américain Jeremy Udden et publié en 2015, étant un peu à part dans la discographie du bassiste. Tony Paeleman (un autre bon musicien) a assuré le mixage et le mastering de ce nouvel album enregistré en septembre 2015. Il contient neuf compositions originales, des morceaux aux rythmes et aux couleurs variés favorisant le jeu collectif des musiciens.

-Lucky Dog en concert sur la Péniche Marcounet le 25 juin (20h30). Après un premier opus en studio pour le label Fresh Sound New Talent en 2014, la formation vient de faire paraître “Live at the Pelzer Jazz Club”, un disque enregistré à Liège dans le club de jazz installé dans la maison du regretté saxophoniste. Séduits par l’acoustique du lieu, Frédéric Borey (saxophones), Yoann Loustalot (bugle), Yoni Zelnik (contrebasse) et Frédéric Pasqua (batterie) lui ont confié leurs nouvelles compositions saisies sur un deux pistes afin d’obtenir un son le plus naturel possible. Quartette sans piano, Lucky Dog n’est pas sans évoquer Old and New Dreams qui réunissait Don Cherry, Dewey Redman, Charlie Haden et Ed Blackwell. Sa musique 100% interactive y est largement improvisée. Quelques thèmes-riffs tels qu’en inventait avec bonheur Ornette Coleman, et les musiciens se jettent à l’eau avec gourmandise, mêlent leurs timbres au sein de riches et passionnants dialogues. Comme l’explique Frédéric Borey dans le communiqué de presse, cette prise de risque collective associe « calme et impatience, quiétude et emportement, délicatesse et dureté. » Une bonne définition de la musique oh combien vivante de cet excellent groupe !

-Dave Holland (contrebasse), Zakir Hussain (tablas) et Chris Potter (saxophone ténor) au New Morning également le 25 juin. Jazz, musique indienne, les trois hommes sont très capables d’en faire une habile synthèse. Tous les trois sont de grands techniciens de leurs instruments. Zakir Hussain est depuis de nombreuses années le grand joueur de tablas indien. Sa participation à Shakti (l’un des groupes du guitariste John McLaughling) l’a fait connaître en Occident. Depuis la disparition de Charlie Haden en 2014, Dave Holland est avec Gary Peacock l’un des derniers géants de la contrebasse. Il a joué avec Chick Corea, Miles Davis, Stan Getz et sa discographie, en partie abritée sur ECM, comprend de nombreux albums incontournables, à commencer par son “Conference of the Birds” enregistré en 1972. Natif de Chicago, Chris Potter a su imposer son ténor charnu dans de nombreuses formations dont celles de Dave Holland et de Paul Motian. Il a également beaucoup enregistré sous son nom. “The Dreamer Is the Dream”, son dernier opus, date de 2013. 

-Le pianiste Yonathan Avishai en duo avec le saxophoniste Sylvain Rifflet le 26 au Sunside dans le cadre de la saison « France / Israel 2018 », un concert organisé par l’association Paris Jazz Club. Auteur de deux excellents opus sur le label Jazz &People, Yonathan Avishai est aussi le pianiste du trompettiste Avishai Cohen, un artiste ECM. Yonathan Avishai vient lui-aussi d’enregistrer un disque sous son nom pour la firme munichoise. Hommage explicite au “Focus” de Stan Getz, “Re-Focus” (Verve) que Syvain Rifflet a fait paraître l’an dernier est l’un de mes 13 Chocs de 2018. On attend beaucoup de cette rencontre inédite.

-Radio France - Jazz sur le Vif : www.maisondelaradio.fr/concerts-jazz

-Café de la Danse : www.cafedeladanse.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Studio de l’Ermitage : www.studio-ermitage.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Péniche Marcounet : www.peniche-marcounet.fr

 

Crédits Photos : Le Gong en 1971 © Phil Franks – Daniel Humair © Pierre de Chocqueuse – Pierre Christophe © Philippe Marchin – Nicolas Moreaux Sextet © Carolina Katun – Chris Potter, Zakir Hussain & Dave Holland © Paul Joseph – Yonathan Avishai © Eric Garault.

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2 mai 2018 3 02 /05 /mai /2018 09:28
Festivals d'été : la ronde immuable des vedettes

Mai. Enrico Pieranunzi et Hervé Sellin sur la photo. C’était au Sunside le 25 avril. Enrico y donnait le concert de sortie de “Monsieur Claude” un disque hommage à Claude Debussy dont je dis grand bien dans ce blog. Je pensais écouter le maestro en trio avec Diego Imbert et André Ceccarelli qui l’accompagnent dans l’album. Ils étaient là mais avec David El Malek et Simona Severini également présents dans cet enregistrement. Entendre cette dernière chanter Nuit d’étoiles, Rêverie ou L’adieu, un poème de Guillaume Apollinaire magnifiquement mis en musique par Enrico fut un enchantement. Sa voix au grain si particulier apporte des teintes mélancoliques à ces morceaux qu’elle poétise. Hervé Sellin qui vient lui aussi de consacrer un disque à Claude Debussy, un opus en solo très réussi, écoutait attentivement la musique. Entre deux sets, les deux pianistes se sont salués et ont échangé leurs disques, le blogueur de Choc immortalisant leur rencontre.

 

Connaissez-vous Marie Mifsud ? Quelques jours plus tôt, la chanteuse et son groupe que je découvris l’an dernier aux Trophées du Sunside donnaient un concert au Jazz Café Montparnasse, un vendredi 13 pour faire mentir ceux qui le croient maléfique. Pour cette élève de la grande Sarah Lazarus, la scène est un théâtre, des planches sur lesquelles elle s’expose, donne de la voix. Une voix puissante escaladant les octaves avec une énergie qui étonne. Avec elle, quatre musiciens pour porter une musique mêlant chansons jazzifiées, standards de jazz dont certains adaptés en français avec un zeste de rock. Adrien Leconte, son batteur, en écrit les textes souvent humoristiques. Marie en fait swinguer les mots, les syllabes. Elle peut rugir comme Nina Hagen, ou chuchoter de délicieuses onomatopées.

 

Jazz à Juan, Jazz à Vienne, Marciac, le Nice Jazz Festival, Enrico Pieranunzi, Hervé Sellin et Marie Mifsud n’y sont pas annoncés. Les subventions que reçoivent ces festivals, les plus importants de l’hexagone, leur permettent de se payer des vedettes, souvent les mêmes à défaut de faire l’effort d’en trouver de nouvelles. Melodie Gardot sera présente dans les trois premiers, tout comme Marcus Miller et l’incontournable Ibrahim Maalouf que son public, qui croit entendre du jazz, plébiscite. Gregory Porter est invité dans les trois derniers. Bien que la rencontre Ibrahim Maalouf / Wynton Marsalis ne manque pas de questionner, Marciac fait très fort cet été avec le trio de Brad Mehldau, le quintette de Kenny Barron, l’Akoustic Band de Chick Corea reformé, et l'immense pianiste qu'est aujourd'hui Fred Hersch.

 

De grands musiciens vont s'y produire mais pas le Gil Evans Paris Workshop que dirige Laurent Cugny* ou le Tarkovsky Quartet de François Couturier. En octobre dernier, au Studio 104 de Radio France, Hervé Sellin fit magnifiquement revivre en tentet la musique de Thelonious Monk. Quel festival a pensé programmer cet orchestre ? Pourquoi ne pas faire jouer “Re-Focus” un disque que Sylvain Rifflet a enregistré l’an dernier avec les cordes de l’Ensemble Appassionato ? Est-il normal que le Contrapuntic Jazz Band que dirige Gilles Naturel ne trouve aucun engagement ? Qui pense demander à Patrice Caratini de jouer la belle musique qu’André Hodeir nous a laissée ? Car les musiciens qui ont le plus de succès ne sont pas forcément les meilleurs. Faire venir des vedettes ne doit pas faire oublier les autres, les grandes et moyennes formations qui nous enchantent et celles plus modestes lorsqu’elles sont talentueuses. Bien sûr cela coûte cher et demande un budget mais aussi des spectateurs. Ils existent. C’est aux grands festivals de les convaincre, de les fidéliser par une programmation de qualité. Puissions-nous les en persuader.

 

*La “Tectonique des Nuages” fut présenté pour la première fois à Vienne en 2006, l’opéra de Laurent Cugny trouvant un soutien indéfectible en la personne de Jean-Paul Boutellier qui présidait le festival. La récente formation de Laurent, le Gil Evans Paris Workshop, a joué à Vienne en 2015 et également à Marciac. C'est trop peu au regard de la valeur de cet orchestre.

 

CONCERTS ET DISQUES QUI INTERPELLENT

-Lorsque Stéphane Belmondo n’était encore qu’un jeune trompettiste prometteur, Chet Baker l’invita à venir jouer à ses côtés sur la scène du New Morning. Stéphane a rendu hommage à ce père spirituel en 2015 en publiant chez Naïve “Love for Chet”, un album principalement consacré à la période SteepleChase de Chet, lorsque le guitariste Doug Raney et le contrebassiste Niels-Henning Ørsted Pedersen étaient alors ses partenaires. C’est ce répertoire fort bien choisi que Stéphane Belmondo interprétera au Sunside les 4 et 5 mai en compagnie de Jesse Van Ruller à la guitare et de Sylvain Romano à la contrebasse.

-Outre le saxophoniste Joe Lovano et le trompettiste Dave Douglas qui en assurent le leadership, Sound Prints réunit Lawrence Fields au piano, Linda May Han Oh à la contrebasse et Joey Baron à la batterie. La formation est attendue au New Morning le 7 à 21h00. “Scandal, son nouvel album publié sur le label Greenleaf Music, contient deux compositions de Wayne Shorter. Le nom du groupe est un démarquage de Footprints, un thème que Shorter écrivit à la demande de Miles Davis. “Miles Smiles” (1966) en contient la première version. Figures emblématiques de la scène jazz, Lovano et Douglas ont tous deux été membres du SF Jazz Collective. En 2008 la formation jouait sur scène un répertoire entièrement consacré aux œuvres du saxophoniste. Arrangé par sa pianiste, Renee Rosnes, le morceau Footprints était au programme de tous ses concerts.

-Dan Tepfer et Leon Parker au Sunside le 9 (21h30). Pianiste très demandé, le premier jouera sans difficultés les métriques parfois complexes que lui proposera le second. Les deux hommes s’amuseront certainement à se tendre des pièges, à rendre fluide et séduisante une musique aventureuse qui se nourrit également de belles lignes mélodiques. Dan Tepfer aime le risque et excelle dans l'art de l'improvisation comme en témoigne “Eleven Cages” un disque en trio publié l’an dernier sur le label Sunnyside. Quant à Leon Parker, il est davantage percussionniste que batteur. Une seule cymbale, une caisse claire, une grosse caisse, un seul tom lorsqu’il le juge nécessaire, son instrument réduit à l’essentiel n’en assure pas moins une large palette de rythmes dont profitera cette rencontre inédite.

-Emmanuel Borghi au Triton le 11 (21h00) pour le concert de sortie de “Secret Beauty” (Assai Records) un disque de jazz acoustique particulièrement réussi enregistré avec Jean-Philippe Viret à la contrebasse et Philippe Soirat à la batterie qui seront bien sûr présents. Loin de la fusion ou de électro-jazz, l’ex-pianiste de Magma nous invite dans les terres harmoniques de son jardin secret. Nourri par les dialogues que le piano entretient avec la contrebasse, un jazz élégant s’y fait entendre, Jean-Philippe Viret, un fin mélodiste lui aussi, signant deux compositions. Changed, la dernière plage de l’album, soulève l’enthousiasme et fait battre le cœur.

-Géraud Portal au Duc des Lombards les 14 et 15 mai (concerts à 19h30 et 21h30) pour fêter la sortie de “Let My Children Hear Mingus”, double album édité sur le label Jazz Family et enregistré au Duc en décembre dernier, le contrebassiste ayant longtemps assuré la direction artistique des jam-sessions du club le vendredi. Son disque reprend partiellement le nom d’un enregistrement Columbia de Charles Mingus – “Let My Children Hear Music” publié en 1972 –, les compositions du grand contrebassiste parmi lesquelles Orange Was the Color of Her Dress, Fables of Faubus et Haitian Fight Song étant bien sûr à son programme. Jouer avec Géraud Portal, c’est d’être assuré d‘avoir à ses côtés une basse solide, puissante et régulière. Mingus est bien sûr le modèle incontournable de cet amoureux du jazz, du blues et de l’improvisation. Les musiciens qui improvisent avec lui dans ce double CD hautement recommandable sont Quentin Ghomari à la trompette, César Poirier au saxophone alto, Luigi Grasso au saxophone baryton, Vahagn Hayrapetyan au piano et Kush Abadey à la batterie. Ils seront sur la scène du Duc et ne manqueront pas d’y briller.

-Toujours dans le cadre de l’hommage « Chet Baker Forever », Riccardo Del Fra se produira au Sunside les 19 et 20 mai (concerts à 21h30). Au programme : le répertoire de “My Chet My Song” (Cristal Records), le disque qu’il consacra au trompettiste en 2014, un recueil de ses compositions originales et de standards que Chet appréciait et interprétait. Pour mémoire, Riccardo fut l’un de ses bassistes. Pour ce concert, Airelle Besson cèdera sa place à Matthieu Michel (trompette et bugle), le jeune et talentueux Carl-Henri Morisset remplacera Bruno Ruder au piano et Ariel Tessier en sera le batteur et non pas Billy Hart. Déjà présent au saxophone alto lors de l’enregistrement de l’album, Pierrick Pédron complètera cette nouvelle formation.

-L’association à but humanitaire « Partage dans le monde » nous convie le 22 à 20h30 Salle Gaveau à un concert dont l’objectif est de financer ses missions et actions au Népal dont les populations démunies ont été lourdement pénalisées par des tremblements de terre en avril et mai 2015. Le quartette du pianiste Nicola SergioJean-Charles Richard (saxophones), Stéphane Kerecki (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie) assurera la première partie de cette soirée avec des compositions extraites des quatre albums enregistrés par Nicola. Le pianiste Jean-François Zygel en animera la seconde, invitant Jean-Charles Richard pour des duos et Nicola Sergio pour improviser avec lui un quatre mains au piano.    

-Coup d’envoi de la dix-huitième édition du Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés le 24 avec un concert du pianiste cubain Roberto Fonseca dans le grand amphithéâtre de l’Université Panthéon-Assas. Le quintette du saxophoniste Émile Parisien, le trio du pianiste Thomas Enhco et l’Ensemble Appassionato, les chanteuses Indra Rios-Moore, Julie Erikssen, Camille Bertault et Melanie De Biasio, le New Monk Trio du pianiste Laurent de Wilde en duo le même soir avec le pianiste Ray Lema, et le Lars Danielsson Group sont les autres têtes d’affiche de ce festival que soutient la Fondation BNP Paribas et qui se poursuivra jusqu’au 4 juin. Rendez-vous dans ce blogdeChoc autour du 10 mai pour en apprendre davantage.      

-Du 24 au 26 mai, le pianiste Randy Weston sera l'invité du Duc des Lombards pour six concerts (deux par soir, 19h30 et 21h30). Né le 6 avril 1926 et âgé de 92 ans, cette légende du jazz vient se produire en duo avec Alex Blake, le bassiste de son quintette. Ce dernier a souvent enregistré avec lui et est déjà présent dans “The Spirits of the Ancestors”, magnifique double album du pianiste arrangé par Melba Liston que Verve publia en 1992. Musicien singulier, Randy Weston plaque des basses et des accords puissants sur un piano qu'il n'oublie pas de rendre percussif, ses harmonies chatoyantes étant celles de l'Afrique qu'il a souvent visité, s'installant à Tanger, y ouvrant un centre culturel et y organisant un festival. Le continent africain lui inspire ses rythmes et sa musique généreuse, son jeu dynamique mêlant blues, gospel et be-bop. Ses compositions Little Niles et Hi-Fly sont devenues des standards du jazz. 

-Frank Woeste (piano) et Ryan Keberle (trombone) au Nubia, le nouveau club de jazz de l'île Seguin le 25 (19h30 et 22h30). Avec Vincent Courtois (violoncelle) et Jeff Ballard (batterie), ils ont enregistré l'an dernier “Reverso Suite Ravel” (PhonoArt), un album dont la musique s'inspire du “Tombeau de Couperin” que Maurice Ravel composa entre 1914 et 1917. Ce dernier l’écrivit en respectant les principes d’écriture d’une suite baroque en six mouvements : Prélude, Fugue, Forlane, Rigaudon, Menuet et Toccata. La formation dont l’instrumentation est pour le moins originale (trombone, piano, violoncelle et batterie) en propose une sorte de « miroir jazz » improvisé, l’œuvre de Ravel devenant la source d’inspiration d’un vrai disque de jazz.

-The Art of the Quartet les 30 et 31 mai au Duc des Lombards (19h30 et 21h30). La formation réunit Benjamin Koppel aux saxophones, Kenny Werner au piano, Johannes Weidenmueller à la contrebasse et Peter Erskine à la batterie. Enregistré avec Weidenmueller et le batteur Ari Hoenig, “Animal Crackers”, le disque le plus récent du pianiste, n’est pas son meilleur. Mais Werner est un grand musicien qui renouvelle brillamment les standards qu’il reprend. Avec Erskine pour rythmer la musique, on ne peut qu’aller applaudir cette dernière.   

-Le Studio de l’Ermitage accueille le 31 mai (21h00) La Diagonale du cube, formation rassemblant des musiciens des formations du pianiste Jean-Christophe Cholet et du saxophoniste Alban Darche. Associés au compositeur Mathias Ruëgg dont on connaît le travail avec le Vienna Art Orchestra, ils ont créé et enregistré une œuvre originale qui puise son inspiration et fait écho au “Concerto pour deux pianos et orchestre” de Francis Poulenc. Un « tombeau » est une composition rendant hommage à un musicien, ou à un homme célèbre et “Le Tombeau de Poulenc” (Yolk Music / L’autre distribution) s’ajoute aux quelques « tombeaux » composés au début du XXème siècle que sont “Le tombeau de Couperin” par Maurice Ravel et le “Tombeau de Claude Debussy” par Manuel de Falla. Construit sur le modèle d’un concerto grosso, ce “Tombeau de Poulenc” est joué par un orchestre de jazz privilégiant les anches et les cuivres, l'esprit de Poulenc se retrouvant dans une musique de forme libre imprégnée et respectueuse de son œuvre.

 

La Diagonale du Cube réunit pour ce concert autour de Jean-Christophe Cholet (piano) et Alban Darche (saxophones) : Nathalie Darche (piano), Olivier Laisney (trompette), Jean-Louis Pommier (trombone), Matthieu Donarier (saxophones, clarinettes), Pascal Vandenbulcke (flûtes), Marie-Violaine Cadoret (violon, alto), Mathias Quilbault (tuba), Stéphane Kerecki (contrebasse) et Christophe Lavergne (batterie).

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Le Triton : www.letriton.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Salle Gaveau : www.sallegaveau.com

-Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés : www.festivaljazzsaintgermainparis.com

-Le Nubia : www.clubnubia.com

-Studio de l’Ermitage : www.studio-ermitage.com

 

Crédits Photos : Enrico Pieranunzi & Hervé Sellin © Pierre de Chocqueuse – Stéphane Belmondo, Dan Tepfer, Nicola Sergio © Philippe Marchin – Sound Prints © Merrick Winter – Emmanuel Borghi © David Mathias – Riccardo Del Fra © Christian Ducasse – Randy Weston © Ariane Smoldoren – Ryan Keberle / Frank Woeste Quartet © Pauline Pénicaud – “Le Tombeau de Poulenc” (musiciens) © Gildas Boclé – The Art of the Quartet © Photo X/DR.

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3 avril 2018 2 03 /04 /avril /2018 09:27
Une si tentante nostalgie

Le jazz était-il plus créatif, plus excitant avant ? C’est ce que prétendent nombre d’aficionados ayant dépassé comme moi la soixantaine. Certains ne sont pas allés plus loin que le jazz fusion des années 70. Accrochés aux wagons du hard bop, d’autres rejettent toujours le free jazz d’Ornette Coleman et de Cecil Taylor. Les partisans de ce jazz libertaire semblent bien davantage apprécier la polyphonie du jazz afro-américain des origines que le jazz européen qui sophistique l’harmonie au détriment du rythme, la pureté primitive de cette musique s'en voyant altérée. Dans leur bulle, les rares adeptes du gourou Hugues Panassié rejettent tout le jazz moderne depuis Charlie Parker, même si, en privé, certains d’entre eux avouent admirer Thelonious Monk et écouter du bop. Ils doivent se taire et le cacher, pleinement adhérer aux dogmes pour ne pas être excommuniés. Quant au jazz qui s’invente aujourd’hui, il décontenance nombre de mes amis par ses nombreux emprunts, ses nouvelles métriques, comme s’il devait rester immuable pour les siècles des siècles.

 

Le petit monde du jazz renferme comme on le voit un grand nombre de chapelles. Chacune d’elle possède ses héros. Derrière Louis Armstrong, le père fondateur, les apôtres propagèrent la parole jazzistique, Duke Ellington, Lester Young, Charlie Parker, Bud Powell, Thelonious Monk, Charles Mingus, Miles Davis, Bill Evans, John Coltrane, Ornette Coleman et Keith Jarrett se singularisant particulièrement. On peut ne pas tous les apprécier, mais tous eurent une influence déterminante sur cette musique à un moment de son histoire. Avec eux, on en tourne les pages jusqu’aux années 80, au-delà pour Jarrett longtemps le modèle de tous les jeunes pianistes. Ses grands créateurs n’étant plus là pour nous le faire aimer, le jazz est-il moins créatif ? Plongés dans le passé, dans le jazz de leur jeunesse, ceux qui le prétendent ne voient pas la richesse de ce jazz pluriel qui se joue aujourd’hui des deux côtés de l’atlantique.

 

Keith Jarrett n’est pas le dernier de la liste. Décédé en 2007, Michael Brecker influença une génération entière de saxophonistes. Brad Mehldau fait de même aujourd’hui avec les pianistes mais Fred Hersch, Enrico Pieranunzi, Martial Solal, Tord Gustavsen, Marc Copland, Richie Beirach, Stephan Oliva, Bill Carrothers, Bobo Stenson – j’arrête là cette énumération fastidieuse – sont tout aussi capables de nous conduire au-delà des nuages dans le grand bleu du ciel. Certains disques des trompettistes Enrico Rava ou de Tomasz Stanko ne sont-ils pas aussi beaux que des albums de Chet Baker ? Les musiciens que je cite sont américains mais aussi italiens, français, norvégien, suédois, polonais, le jazz n’ayant pas de frontières. Ils jouent souvent dans de petits clubs, inconnus d’un public qui n’a pas été préparé à recevoir leur musique. Au sein d’une armée de techniciens formatés par des conservatoires, ils peinent à faire entendre leurs différences. Ils possèdent leur propre langage mais au regard de la fascination qu’exercent toujours leurs illustres aînés, de cette nostalgie du passé qui conditionne le jugement – le sempiternel « c’était mieux avant » –, il leur est bien difficile de le faire reconnaître.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT     

-Baptiste Herbin au New Morning le 4. Le saxophoniste (alto et soprano) y fêtera la sortie de “Dreams and Connections” (Space Time Records) enregistré en octobre dernier dans la foulée du récital qu’il donna à Jazz en Tête. Révélation de ce festival et pianiste de l’album, Eduardo Farias, revient spécialement du Brésil pour ce concert. Sensible dans les ballades (For J, The Sphere), il est tout feu tout flammes dans ce répertoire largement consacré aux compositions sous influences (le hard bop principalement) de ce déjà grand du saxophone. Deux morceaux brésiliens complètent ce disque en quartette. Darryl Hall à la contrebasse et Ali Jackson à la batterie, qui seront également présents au New Morning, en constituent la très efficace section rythmique.

-Le 7, Lizz Wright, chanteuse à la voix chaude et charismatique, retrouve elle aussi le New Morning. Dans “Grace” (Concord / Universal) publié l’an dernier, son disque le plus récent, elle s’approprie les univers musicaux de Ray Charles (What Would I Do), Allen Toussaint (Southern Nights), Nina Simone (Seems I'm Never Tired Lovin' You), Sister Rosetta Tharpe (Singing in My Soul), K.D. Lang (Wash Me Clean) Bob Dylan (Every Grain Of Sand), des chansons trempées dans la soul, le blues et le gospel et qui constituent l'âme du Sud profond de la grande Amérique. Bobby Sparks (claviers), Chris Bruce (guitare), Ben Zwerin (basse), Ivan Edwards (batterie) accompagnent cette artiste réellement talentueuse. 

-Le lundi 9 avril à 14h00, salle 13 de l’Hôtel Drouot, la maison de ventes Ferri dispersera les nombreux vinyles de Robert Ouzana (1934-2017), une collection commencée à Alger dans les années 50. Il présentait le journal radiophonique kabyle et animait une émission sur le jazz, Les échos de Harlem lorsque les évènements d’Algérie le contraignirent à rejoindre la France au début des années 60, son épouse Jacqueline parvenant à rapatrier par avion quelques 800 vinyles. Cette collection, Robert Ouzana la compléta à Paris, sa carrière de journaliste à la RTF puis à l’ORTF, France Inter et France Info ne lui faisant jamais oublier le jazz, sa passion. 216 lots seront mis aux enchères. Des vinyles de jazz principalement parmi lesquels des Blue Note, Prestige et Riverside originaux, mais aussi des livres, des revues (Jazz Hot, Jazz Magazine) et une collection de disques de musique indienne. L’expert de la vente est Arnaud Boubet que certains d’entre vous connaissent bien. Ces disques seront exposés à l’Hôtel Drouot le samedi 7 de 11h00 à 18h00 et le matin même de la vente de 11h00 à 12h00.     

-Le quintette de Roy Hargrove est également attendu au New Morning le 8 et le 9. Star incontestée du jazz afro-américain, le trompettiste brille aujourd’hui à la tête d’une formation digne des meilleures heures des années hard bop. Toujours accompagné par le fidèle Justin Robinson au saxophone alto, il dispose du pianiste Tadataka Unno pour colorer et nourrir sa musique d’harmonies sophistiquées. Ameen Saleem la porte à la contrebasse, mais c’est surtout Quincy Phillip, son batteur, une formidable machine à rythmes, qui impressionne. Avec lui, le swing est contagieux et le groove assuré.

-Après plusieurs albums avec le pianiste François Couturier et l’accordéoniste François Martinier qui officient tous deux au sein du Tarkovsky Quartet, et d’autres enregistrés avec Klaus Gesing à la clarinette basse, “Souvenance” (2014) bénéficiant des cordes de l’orchestre de la Suisse italienne, c’est en compagnie de Django Bates au piano, Dave Holland à la contrebasse et Jack DeJohnette à la batterie, musiciens avec lesquels il a publié l’an dernier “Blue Maqams” (ECM), qu’Anouar Brahem donnera le 8 avril un concert à la Philharmonie (Grande Salle Pierre Boulez à 16h30). Le joueur de oud tunisien a toujours rapproché musique arabe traditionnelle et musique improvisée européenne, mais il fait entrer la contrebasse et la batterie dans un univers musical beaucoup plus jazz et explore avec talent de nouveaux territoires.

-Le Duc des Lombards accueillera le 12 le quartette du contrebassiste Joe Sanders. Originaire de Milwaukee (Wisconsin), accompagnateur habituel de Gerald Clayton avec lequel il a enregistré plusieurs albums, il est aussi l’auteur de deux disques sous son nom. Publié en septembre 2017, “Humanity”, le plus récent, réunit John Ellis aux saxophones, Aaron Parks au piano et Eric Harland à la batterie, et propose un jazz moderne qui n’est jamais loin de ses racines. Cette musique ouverte, rythmiquement forte et trempée de lyrisme, Sanders la jouera au Duc avec un autre saxophoniste, Seamus Blake et un autre pianiste, Fred Nardin, la batterie restant confiée à Eric Harland, l’un des très grands de l’instrument.

-Situé sur l’île Seguin, le Nubia, nouveau club de jazz que dirige le bassiste Richard Bona, accueille le 12 Jacky Terrasson et Stéphane Belmondo. “Mother”, l’album qu’ils ont enregistré ensemble, un de mes Chocs de 2016, témoigne de l’excellence de leur musique. Le pianiste joue également en trio au Nubia le 13 et le 14 avec Thomas Bramerie (contrebasse) et Lukmil Perez (batterie).

-Je vous conseille vivement d’aller écouter la chanteuse Marie Mifsud au Jazz Café Montparnasse le 13. Venue du lyrique, cette ancienne élève de Sara Lazarus a non seulement une voix avec laquelle elle peut à peu près tout se permettre, mais aussi un groupe avec lequel elle propose un show époustouflant. Je l’ai découverte en septembre dernier aux Trophées du Sunside. Elle n’obtint que le deuxième prix d’orchestre, mais sa prestation méritait largement le premier. Sa voix de soprano fait danser les mots prolonge et plonge dans le swing les grands standards du jazz mais aussi les textes plein de malice que lui écrit Adrien Leconte son batteur. Quentin Coppale qui double les parties vocales à la flûte, Tom Georgel au piano et Victor Aubert à la contrebasse sont les autres membres d’un quintette dont le professionnalisme impressionne.

-En 2014, Jean-Michel Pilc, Thomas Bramerie et André Ceccarelli publiaient “Twenty(Bonsaï Music), un disque qui scellait leurs vingt ans d’amitié, un des treize Chocs 2014 de ce blogdeChoc. Thomas Bramerie indisponible, c’est Clément Daldosso qui officiera à la contrebasse le 21 au Sunside pour dépoussiérer avec eux des standards et jouer des originaux du pianiste. S’il bouscule allègrement les thèmes qu’il interprète, et les porte souvent à ébullition, Pilc est aussi un fin mélodiste. Son piano ouvert abrite clusters et dissonances mais aussi des notes, et des accords qui font rêver. L’interaction règne dans ce trio dont le lyrisme n’exclut jamais une certaine tension dont profite la musique.

-Enrico Pieranunzi (piano), Diego Imbert (contrebasse) et André Ceccarelli (batterie) au Sunside le 24 et le 25 fêtent. En 2015, ils enregistraient “Ménage à Trois”. Pour le même label, Bonsaï Music, ils sortent aujourd’hui “Monsieur Claude (A Travel with Claude Debussy)” un disque dans lequel le trio plonge dans le jazz de célèbres partitions de Claude Debussy dont on fête cette année le centième anniversaire de la mort. La chanteuse Simona Severini et le saxophoniste David El Malek participent également à cet album qui contient aussi quelques compositions originales du pianiste. Prétexte à d’étonnantes vocalises, son arrangement de Rêverie est un must. La musique qu’il a créée pour L’adieu, un poème de Guillaume Apollinaire, également. Débordant de malice et de chorus ébouriffants, ce voyage avec Monsieur Claude est une grande réussite.

-René Urtreger devait jouer au Sunside en février dernier. Une mauvaise grippe l’en ayant empêché, il retrouvera le club et son public le 28 (à 21h30) pour un premier concert printanier avec Yves Torchinsky (contrebasse) et Eric Dervieu (batterie), ses fidèles accompagnateurs. « Malgré ses 83 ans (il en aura 84 le 6 juillet prochain), René joue toujours son magnifique piano trempé dans le bop. Il swingue, mais enchante aussi par ses accords, la tendresse enveloppante de ses compositions. Fidèle à la tradition du jazz, mais jeune dans sa tête comme en témoigne la modernité inaltérable de sa musique, René Urtreger, roi sans royaume, est l’un des rois du piano jazz. ». J’ai écrit ces lignes en février pour annoncer les concerts qu’il n’a pas pu donner. Elles sont toujours d’actualité.

Une si tentante nostalgie

-Interprète, compositeur et arrangeur, Christian McBride n’est pas seulement à la tête d’un trio avec lequel il se produit de temps en temps dans les clubs parisiens. S’il a enregistré quelques albums avec le pianiste Christian Sands et le batteur Ulysse Owens, le bassiste virtuose tourne aussi avec un grand orchestre qu’il amène pour la première fois en France. La Philharmonie (salle des concerts, Cité de la Musique)  l’accueillera le 29 à 18h00. Les musiciens sont à peu près les mêmes que ceux qui officient dans “Bringin’It” (Mack Avenue) son dernier album, Grand Prix 2017 de l’Académie du Jazz. Vous trouverez leurs noms sur le site de la Philharmonie. Brandon Lee (trompette), Steve Davis et Douglas Purviance  (trombone), Steve Wilson et Ron Blake (saxophone) ainsi que la chanteuse Melissa Walker en sont les principaux.

-Toujours à la Philharmonie le 29, mais à 20h30, Eric Harland, André Ceccarelli (photo) et Nasheet Waits, trois grands batteurs, croiseront le fer de leur instrument respectif. Une « Drum Battle » arbitré par Pierre de Bethmann, qui, au piano, en assurera la direction musicale. Mark Turner (sanza, saxophone ténor), Baptiste Herbin, saxophones alto et soprano) et Stephane Belmondo (trompette) en souffleront les notes brûlantes, la contrebasse de Thomas Bramerie donnant à tous le bon tempo. Au programme : quelques grands standards de l’histoire du jazz trempés dans des rythmes que seuls peuvent tenir des virtuoses des baguettes.

-Après s’être produit au Sunside en janvier et en mars, le Gil Evans Paris Workshop, orchestre de 16 musiciens que dirige avec passion Laurent Cugny, s’y réinstalle le 1er mai avec de nouveaux arrangements et de nouvelles compositions. Sister Sadie d’Horace Silver que Gil Evans arrangea pour son album “Out of the Cool”, Guinnevere de David Crosby pièce lente et modale arrangée par Miles Davis, sont quelques-uns des nouveaux morceaux qui élargissent son répertoire. S’y ajoutent plusieurs thèmes de Thelonious Monk (Crepuscule with Nellie, Blue Monket Drizzling Rain, une composition du regretté Masabumi Kikuchi qui fut un temps le pianiste de l’orchestre de Gil Evans, ce dernier étant bien sûr l’auteur de l’arrangement. Ne manquez pas cette formation, l’une des plus enthousiasmantes du moment.

-Mike Stern, Jackie Terrasson, Stéphane Belmondo, Irving Acao, Gérard Couderc, Olivier Ker Ourio, Linley Marthe, Dominique Di Piazza sont quelques-uns des musiciens qui entourent Philippe Gaillot dans “Be Cool” (Ilona / L’autre distribution), un disque enregistré par ses soins dans son studio de Pompignan dans le Gard. Les musiciens le connaissent comme ingénieur du son, mais il est aussi musicien et ce disque, le troisième qu’il sort sous son nom, vient récemment nous le rappeler. Sa musique, du jazz fusion tel qu’on en faisait dans les années 70, mais bénéficiant d'une technologie sonore de pointe, Philippe la jouera le 2 mai à Paris, au Jazz Café Montparnasse. Avec lui, des invités surprises et les musiciens de son groupe, Epicurean Colony, un sextet réunissant Philippe Anicaux (trompette et bugle), Gérard Couderc (saxophones ténor et soprano, flûte), Rémi Ploton (piano, Fender Rhodes, synthés), Philippe Panel (basse électrique) et Julien Grégoire (batterie, percussions), Philippe Gaillot qui officie à la guitare et aux claviers, se chargeant aussi des parties vocales. 

-Ferri (vente du 8 avril, catalogue & résultats) : www.ferri-drouot.com

 

-New Morning : www.newmorning.com

-Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Le Nubia : www.clubnubia.com

-Jazz Café Montparnasse : www.jazzcafe-montparnasse.com

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

 

Crédits Photos : Lizz Wright © Jesse Kitt – Roy Hargrove © Pierre de Chocqueuse – Anouar Brahem Quartet © Bart Babinsky / ECM Records – Joe Sanders © Hamza Djenat – Stéphane Belmondo & Jacky Terrasson © Philippe Levy-Stab – Marie Mifsud Quintet © YDL – Jean-Michel Pilc © Jim Rice – Enrico Pieranunzi, René Urtreger © Philippe Marchin – Christian McBride Big Band © Anna Webber – André Ceccarelli © Jean-Baptiste Millot – Philippe Gaillot © Vincent Bartoli – "Nostalgie", Laurent Cugny © Photo X/D.R.

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5 mars 2018 1 05 /03 /mars /2018 09:40

Mars. Nous n’étions pas très nombreux à remplir le Sunside le 22 février : une cinquantaine de personnes et seulement deux journalistes, curieux de découvrir sur une scène parisienne la musique de Michel Bisceglia qui fit bien davantage que tenir ses promesses. Il y avait certes d’autres concerts à Paris ce soir-là, Lucky Dog au Sunset, le quartette de Pierrick Pédron au Bal Blomet, les clubs parisiens peinant souvent à attirer du monde. Les musiciens qui déplacent les foules, le jazz n’en possède plus beaucoup. Le temps a avalé la plupart de ceux qui étaient parvenus à se faire connaître, faisant passer de l’autre côté ceux dont les noms figurent dans les livres.

 

Dans son récent “Dictionnaire amoureux du Jazz” publié chez Plon, Patrice Blanc-Francard nous relate avec talent et compétence l’histoire souvent tragique de certains d’entre eux. Quarante-neuf musiciens de la saga du jazz, presque tous décédés, ont droit à des entrées. Les rares survivants sont plutôt âgés. Quincy Jones est né en 1933, Sonny Rollins en 1930, Herbie Hancock en 1940 et Monty Alexander en 1944. À la lettre S, entre Savoy Ballroom et Bessie Smith, le saxophoniste guadeloupéen Jacques Schwarz-Bart, né en 1962, fait vraiment figure de jeunot.

 

Ce “Dictionnaire amoureux du Jazz” n’est bien sûr pas exhaustif. Impossible d’en faire tenir tous les acteurs dans un peu plus de 600 pages. Patrice Blanc-Francard a choisi de nous parler des musiciens qu’il apprécie le plus. Il le fait bien, nous détaille maintes anecdotes sur leur vie, nous confie dans quelles circonstances il les a découverts et s’est passionné pour leurs œuvres. Le jazz, Patrice a longtemps baigné dedans. Avant de devenir l’homme de radio et de télévision que l’on connaît, il s’est occupé chez Pathé-Marconi des labels Blue Note et Impulse abritant quelques-uns des plus beaux disques de son histoire.

 

Son livre nous la raconte, une aventure qui nous conduit de la musique néo-orléanaise au free jazz qu’il défendit avec Michel Le Bris dans Jazz Hot à la fin des années 60, en passant par le jazz électrique apparu à la même époque (“Bitches Brew” de Miles Davis enregistré en 1969). Le swing, le bop et le hard-bop ne sont pas oubliés mais on s’étonne du peu de lignes que l’auteur consacre à des musiciens aussi importants que Jim Hall, Bud Powell, Paul Bley, Ahmad Jamal et Keith Jarrett.  Quant aux jazzmen européens, ils brillent par leur absence. Django Reinhardt et Joe Zawinul sauvent l’honneur mais l’omission de Martial Solal, d’André Hodeir, de René Urtreger et de Michel Petrucciani, pour ne citer que des français, est un peu embarrassante.

 

Ce dernier n’enregistra ses premiers disques qu’au début des années 80, une décennie qui imposa le saxophone de Michael Brecker. La suivante révéla le piano de Brad Mehldau dont l’influence est aujourd’hui prépondérante, et celui de Fred Hersch, l’un de ses professeurs. Ces musiciens apparus ces trente dernières années en Amérique mais aussi en Europe où le jazz est désormais solidement implanté, Patrice Blanc-Francard n’en dit rien.* Comme si le jazz était resté confiné outre Atlantique et qu’il n’avait pas navigué jusqu’à nous, ou que l’amour qu’il lui porte, l’auteur le réservait presque exclusivement au jazz afro-américain de sa jeunesse. S’il a eu la bonne idée de rédiger des entrées sur les labels Atlantic et Blue Note, il n’a pas pensé en écrire une sur ECM, aujourd’hui le premier label de la planète jazz. Cela lui aurait permis d’évoquer l’universalité d’une musique qui n’a plus de frontières, ECM enregistrant des artistes du monde entier.

 

Un “Dictionnaire amoureux du Jazz d’aujourd’hui” reste à écrire. Celui de Patrice Blanc-Francard se lit avec plaisir, voire avec gourmandise, mais s’arrête bien trop tôt. Les livres, la plupart des grands musiciens de jazz en activité ne sont pas encore dedans. Si l’économie restreinte du jazz les maintient confinés dans les clubs des grandes villes, c’est grâce à eux que cette musique continue de vivre. Ils en écrivent tous les jours l’histoire et elle ne fait que commencer.

 

* Intitulée Into Something…, un court chapitre passe toutefois en revue quelques jazzmen d’aujourd’hui.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

-Le 6, avec Or Bareket (contrebasse) et Leon Parker (batterie), Fred Nardin retrouve le Duc des Lombards pour jouer sa musique. Publié sur le label Jazz Family, “Opening”, son dernier album, existe également en double vinyle, un tirage limité d’une étonnante qualité sonore. Vous pouvez le trouvez chez Crocojazz, rue de la Montagne Sainte-Geneviève. Gilles Coquempot en a encore quelques exemplaires. Ceux d’entre vous qui n’ont jamais entendu Fred Nardin découvriront un jeune et talentueux pianiste dont le jazz moderne s’enracine dans la tradition. Il a obtenu en 2016 le Prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz, un prix doté par la Fondation BNP Paribas ce qui explique les logos de ces deux institutions sur la pochette de son disque, son premier en trio. En venant l’écouter, il vous le dédicacera.

-Le 10, Henri Texier présentera au Café de la Danse la musique de “Sand Woman” (Label Bleu), un disque enregistré avec Sébastien Texier (saxophone alto et clarinettes) et Manu Codjia (guitare) depuis longtemps membres de sa formation. Les nouveaux venus sont Vincent Lê Quang (saxophones ténor et soprano) et Gautier Garrigue (batterie). Avec eux, Henri reprend des anciens morceaux de son répertoire, Amir, Les Là-bas, Quand tout s’arrête naguère enregistrés en solo. Il nous offre aussi une nouvelle version d’Indians et deux compositions récentes. Ronronnant comme un gros chat satisfait, sa basse pneumatique assure les tempos impeccables sur lesquelles viennent se greffer les improvisations des solistes. Les deux saxes mêlent harmonieusement leurs timbres et se complètent. La guitare chante des chorus électriques et les vieilles mélodies de ce musicien incontournable du jazz français retrouvent leur jeunesse.

-Réunissant de jeunes et talentueux musiciens, le Gil Evans Paris Workshop que dirige Laurent Cugny s’installe au Sunside le 13. Sa musique, vous pouvez la découvrir en vous procurant “Spoonful” (Jazz&People), un des grands disques de 2017. Un achat qui ne vous dispense pas de venir écouter ses concerts. Reprenant des arrangements de Gil Evans, mais aussi des compositions de Laurent, nouvelles et anciennes, la formation s’en empare avec bonheur pour les enrichir de chorus inattendus, les moderniser brillamment. Elle s’est produite en janvier au Sunside et y est également attendu en mai. J’écris si souvent sur elle que je ne sais plus trop quoi vous en dire. Mon objectif reste bien sûr de vous convaincre d’aller l’écouter. Pour exister, un orchestre de cette taille (16 musiciens) a besoin de jouer, de trouver des concerts ce qui nécessite un public, donc votre présence. Vous serez nombreux j’espère à venir l’applaudir.

-Les occasions d’entendre à Paris les Clayton Brothers se font rares. Ils seront le 15 et le 16 mars au Duc des Lombards pour quatre concerts (19h30 et 21h30). Le club les a déjà accueilli en 2011 dans une configuration quelque peu différente. En effet, l’excellent pianiste Sullivan Fortner remplace Gerald Clayton, fils de John Clayton, contrebassiste et co-leader d’une formation qui existe depuis 1977. Son frère Jeff Clayton joue du saxophone alto et de la flûte, mais John en est l’élément central. Avec le batteur Jeff Hamilton, il a codirigé l’orchestre qui accompagna naguère Diana Krall et compose et arrange une grande partie du répertoire, une musique proche du blues et des racines du jazz. Le quintette comprend également Terell Stafford à la trompette et Obed Calvaire à la batterie. Vous possédez peut-être “Short Trip, le dernier disque du pianiste Vincent Bourgeyx. Il en est le batteur.

-Hervé Sellin au Sunside le 16 avec la même formation que rassemble “Always Too Soon (Cristal), son dernier album en quartette, à savoir Pierrick Pédron au saxophone alto, Thomas Bramerie à la contrebasse et Philippe Soirat à la batterie. J’ai précisé son dernier album en quartette car, après un long silence discographique, le pianiste a sorti deux disques avec deux formations différentes et en fait paraître un troisième en solo ces jours-ci. Dédié à Phil Woods qui fut l’un de ses amis, “Always Too Soon (Cristal) contient un pot-pourri de quelques œuvres de Thelonious Monk et rassemble des musiques que Woods appréciait. Pour les jouer, Pierrick Pédron, saxophoniste parkérien à la sonorité généreuse, souffle des notes brûlantes mâtinées de tendresse.

-C’est également le 16 mars que s’ouvre la 35ème édition du festival Banlieues Bleues. Du jazz, il y en a peu et celui qui y est programmé n’est pas vraiment pour moi. Pour ne rien vous cacher, j’ignore tout de ces groupes qui proposent des musiques aussi étranges que leurs noms. On peut toutefois se laisser tenter le 16 par le concert que donnera à l’espace 1789 de Saint-Ouen (20h30) le pianiste Abdullah Ibrahim et son groupe EkayaAndrae Murchison (trombone et trompette), Cleave Guyton Jr. (saxophone alto, flûte et clarinette), Lance Bryant (saxophone ténor), Marshall McDonald (saxophone baryton), Noah Jackson (contrebasse et violoncelle), et Will Terrill (batterie). Je trouve l’homme peu sympathique, mais sa musique sud-africaine, colorée et chantante, met du baume au cœur.

-Les 16 et 17 mars, le saxophoniste Gaël Horellou fêtera à La Gare Jazz, un nouveau club du 19ème arrondissement, la sortie de “Coup de vent”, son nouvel album pour le label Fresh Sound. Le saxophoniste l’a enregistré avec le trompettiste Jeremy Pelt rencontré en 2013 au Duc des Lombards, club dans lequel, toujours avec Etienne Déconfin (piano), Viktor Nyberg (contrebasse) et Antoine Paganotti (batterie), il enregistra “Legacy”, invitant le saxophoniste Abraham Burton à le rejoindre. Deux disques dans lesquels, loin de l’électro jazz qu’il affectionne, Gaël Horellou, altiste dont la sonorité quelque peu nasillarde évoque parfois celle de Jackie McLean, joue avec lyrisme de belles phrases bien trempées dans le bop. Constitué de compositions originales d’Horellou, le répertoire offre des thèmes attachants – GK, Blame it on my Youth –, sans oublier Melody, un morceau du pianiste Etienne Déconfin très à l’aise dans ce contexte musical. On pourra également écouter Jeremy Pelt au Duc des Lombards les 30 et 31 mars. A la tête de sa propre formation, il présentera “Noir en Rouge” (HighNote), son nouvel album.

-Le 19, Clovis Nicolas présentera au Sunside la musique de “Freedom Suite Ensuite”, un disque Sunnyside enregistré en quintette, mais sans pianiste ni guitariste. Excellent musicien, le bassiste assume ainsi plus librement la direction d’une musique dont il pose lui-même les fondations harmoniques. Il y reprend la Freedom Suite de Sonny Rollins. Ce dernier l’enregistra en trio avec Oscar Pettiford à la contrebasse et Max Roach à la batterie en février 1958. Le batteur Kenny Washington offre un poids de swing conséquent à cette nouvelle version. Grant Stewart lui concède la sonorité chaleureuse de son saxophone. S’y ajoute la trompette introvertie de Brandon Lee qui étoffe la palette sonore de la musique et lui apporte des couleurs appréciables. Bruce Harris, un autre trompettiste, le remplace dans le thème qui ouvre l’album et dans une version acrobatique de Fine and Dandy. Quant à Clovis Nicolas, il réserve à son instrument Little Girl Blue, dernier thème d’un album très réussi.

-Le 23, au théâtre 71 de Malakoff, Bruno Angelini interprétera la musique de son nouvel album. “Open Land” est aussi le nom de son groupe, un quartette comprenant Régis Huby au violon, Claude Tchamitchian à la contrebasse et Edward Perraud à la batterie. Avec eux, le pianiste enregistra en 2014 “Instant Sharings, un disque dont le répertoire comprenait des morceaux et des arrangements existants. Ayant eu envie d’aller plus loin avec ce groupe, il s’est mis à écrire pour lui de nouvelles compositions dont certaines furent jouées au Sunside en mai 2017. Enregistrées à La Buissonne le mois suivant, elles paraissent aujourd’hui sur le label du studio. Fruit d’un travail collectif, de moments intenses et partagés, ces sept plages (la dernière est en trois parties) traduisent parfaitement l’univers poétique du pianiste, un créateur de climats oniriques, de pièces lentes et modales qui semblent ralentir l’inexorable marche du temps.

 

-Le 23 et le 24, Bruno Ruder (piano) et Rémi Dumoulin (saxophones soprano et ténor) investissent le Sunside avec les musiciens de “Gravitational Waves” (Absilone) – Aymeric Avice (trompette et bugle), Guido Zorn (contrebasse) et Billy Hart (batterie) – un disque dont les compositions très ouvertes semblent avoir été conçues pour ce dernier. J’ai récemment rédigé une chronique de l’album, un concert de janvier 2016 largement improvisé. Nul doute qu’au Sunside, les morceaux entendus ne seront pas les mêmes. Au sein du groupe, l’imagination est au pouvoir ce qui ouvre les portes de l’inattendu à une musique puissante et lyrique, généreuse et vivante. Une musique dont les notes, loin de rester sagement couchées sur partitions, se laissent aller à des vagabondages et nous invitent à les suivre.

-Au Sunset, les deux mêmes soirs – 23 et 24 mars –, le trompettiste Fabien Mary fête la sortie de “Left Arm Blues (and Other New York Stories)”, un disque du label Jazz&People largement financé par le crowdfunding (financement participatif). Un opus en octet réunissant Jerry Edwards (trombone), Pierrick Pédron (saxophone alto), David Sauzay (saxophone ténor et flûte), Thomas Savy (saxophone baryton et clarinette basse), Hugo Lippi (guitare), Fabien Marcoz (contrebasse) et Mourad Benhammou (batterie). En 2012, le trompettiste avait pareillement arrangé un de ses disques (“Four and Four”) et enregistré plus récemment à Brooklyn un album pour trois instruments à vents, une contrebasse et une batterie. Lors d’un séjour à New York, ville dans laquelle il s’est très souvent rendu – Fabien Mary fait une mauvaise chute. La clavicule droite cassée et immobilisé, il prend son mal en patience, se sert de sa main gauche pour écrire, imaginer et arranger huit nouvelles compositions inspirées par ses pérégrinations new-yorkaises. Quercus Robur sent bon la bossa nova, Song For Milie est une ballade largement confiée au trombone. Étonnant ce jazz made in France que l’on croirait fabriqué dans la grande Amérique, un jazz joué avec le cœur qui nous rend proche son glorieux passé. Un standard, All the Things You Are, complète ce disque très soigné aux couleurs du bop et du blues.

-Après le New Morning en octobre dernier, c’est le Sunside qui accueille Wallace Roney pour deux concerts (le 27 et le 28). Le trompettiste conserve la formation qui l’accompagna à Paris et à Clermont-Ferrand (également en octobre) lors du dernier festival Jazz en Tête. Le plus jeune de ses musiciens, le saxophoniste Emilio Modeste (18 ans) s’applique sous son regard attentif et bienveillant. Ses très longs doigts activent les clefs de son saxophone ténor dont il est un des espoirs. Curtis Lundy (le frère de la chanteuse Carmen Lundy) fait beaucoup plus vieux que son âge (il est né en 1955), mais a enregistré avec la chanteuse Betty Carter, le pianiste John Hicks et le saxophoniste Johnny Griffin. Confiez lui un tempo et il le tient et le fait vivre. La frappe puissante du batteur Eric Allen s’accorde bien à la finesse mélodique de son jeu de contrebasse. Le pianiste Oscar L. Williams Jr. complète la formation du trompettiste toujours très inspiré par Miles Davis dans ses ballades.

-Aldo Romano au Sunside le 31 mars et le 1er avril (21h00) avec Michel Benita à la contrebasse et Dino Rubino au piano. Les trois hommes ont donné plusieurs concerts au Triton y enregistrant “Mélodies en Noir & Blanc”, un album publié en septembre dernier. Le batteur y interprète d’anciens thèmes de son répertoire, Song for Elis qu’il écrivit à la mémoire d’Elis Regina, Inner Smile qui donne son nom à un de ses albums, Dreams and Water qu’il enregistra pour Owl Records. Il partage avec Michel Benita une longue amitié et Dino Rubino est pour lui le pianiste idéal, un pianiste dont « le lyrisme sans emphase le bouleverse ». Comme nous touche profondément le dernier morceau de son disque, une reprise émouvante d’une chanson de Gérard Manset Il voyage en solitaire.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Café de la Danse : www.cafedeladanse.com

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Espace 1789 Saint-Ouen : www.espace-1789.com

-Théâtre 71 Malakoff : www.theatre71.com

-Festival Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org

 

Illustration  © Anthony Armstrong – Crédits photos : Fred Nardin, Laurent Cugny, Aldo Romano © Philippe Marchin – Henri Texier Sand Quartet © Sylvain Gripoix – Hervé Sellin Quartet © Jean-Baptiste Millot – Open Land Quartet © Clément Puig – Bruno Ruder / Rémi Dumoulin Quintet feat. Billy Hart © Rémi Angeli – Wallace Roney © Pierre de Chocqueuse – John & Jeff Clayton © Photo X/D.R.

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