Label danois basé à Copenhague, Stunt Records se consacre au jazz scandinave depuis 25 ans tout en enregistrant des musiciens de passage (Stefano Bollani, Enrico Pieranunzi) et des jazzmen américains qui résident au nord de l’Europe. Du 17 au 19 mai, Stunt organise
son premier festival parisien au Sunset et au Sunside, “The Scandinavian Touch”. Trois soirées au cours desquelles la musique brillera par son éclectisme. Integral qui assure depuis bientôt deux
ans la distribution du label, privilégie la sortie des nouveautés sans toutefois oublier un back catalogue riche de 400 références dont certaines nous sont déjà parvenues.
Le 17, les amateurs de jazz classique pourront applaudir le saxophoniste Scott Hamilton avec Jesper Thilo également au ténor et Jesper Lundgaard à la contrebasse. On découvrira la nouvelle formation de Marilyn Mazur le 19. Son dernier opus, double CD
« fait de rythmes complexes, de nappes sonores, de belles mélodies » aurait pu être réduit en un seul. Mais Marilyn est une vraie percussionniste musicienne qui sait rendre vivants et
mélodiques les très nombreux instruments qu’elle utilise. Sa
Tangled Temptations, nouvelle version du célèbre Beggar’s Opera écrite pour une pièce de théâtre sans paroles, contient des séquences
musicales étonnantes. Programmée le même soir, Hanne Boel possède une voix grave et attachante, mais est-elle une chanteuse de jazz ? On en doute à l’écoute de “The
Shining of Things” son quinzième et dernier enregistrement dans lequel elle reprend avec bonheur Randy Newman, Joni
Mitchell, Antonio Carlos Jobim, Janis Ian et donne une version moins convaincante de Lonely Woman d’Ornette Coleman.
La soirée du 18 se présente comme la plus alléchante. Le pianiste italien Stefano Bollani se produit en trio avec la section
rythmique de son dernier opus ECM, Jesper Bodilsen à la contrebasse et Morten Lund à la batterie. Ils ont enregistré deux magnifiques disques pour Stunt Records : “Mi Ritorni in Mente” en 2003 et “Gleda” en 2004, ce dernier chroniqué l’an dernier par
mes soins dans Jazz Magazine / Jazzman (Choc). Largement consacré à des standards du jazz, “Mi Ritorni in Mente”, tout aussi formidable, est enfin disponible. Les trois hommes accompagneront
aussi Katrine Madsen, chanteuse confirmée dont l’univers n’est pas très éloigné de celui de Joni Mitchell. Enregistré avec des cordes, “Simple Life“ son dernier disque n’est pas dénué de charme. Percussionniste expert en rythmes latins, Eliel Lazo
complète le programme. Partiellement enregistré à Cuba et bénéficiant sur certaines plages du magnifique piano de Chucho
Valdés, “El Conguero” est une bonne surprise. Une formation restreinte l’accompagnera à Paris au sein de laquelle on pourra découvrir
Mikkel Nordsø, virtuose danois de la guitare. Membre du trio d’Harold Lopez Nussa, Felipe Cabrera tiendra la contrebasse.
-Le pianiste Alexandre Saada en solo et le trompettiste Ambrose Akinmusire en quintette – avec Sam Harris au piano, Walter Smith III au saxophone, Harish Ravaghan à la contrebasse et Justin Brown à la batterie – le 17 à la Maison des Cultures du Monde, 101 bd Raspail dans le
cadre du Festival de Jazz à Saint-Germain-des-Prés. C’est à un voyage au pays de l’harmonie que nous convie Alexandre Saada.
Musicien sensible, il séduit les couleurs de son piano, l’élégance de ses longues phrases tranquilles qui traduisent le paisible univers intérieur dans lequel il nous invite à entrer. Doté d’une
technique éblouissante, Ambrose Akinmusire a baigné dans le gospel dès son plus jeune âge. Sa grande sensibilité lui permet de faire
passer les difficultés techniques et métriques que présente sa musique. Il faut écouter son feeling énorme lorsqu’il joue des ballades. Avec son groupe, Ambrose ne doute de rien et prend des
risques. Nous serons ce soir-là son public.
-Du 18 au 20 mai, le pianiste Gerald Clayton
s’installe au Duc des Lombards avec Joseph Sanders son contrebassiste habituel,
Clarence Penn remplaçant à la batterie Justin Brown indisponible. Doté d’une frappe
singulière, ce dernier apporte au trio un tout autre drumming que celui de Penn. Attendons-nous à une musique un peu différente que celle trempée dans le hip hop et le groove que
Clayton propose dans son nouvel album. Une démarche esthétique sensiblement plus jazz. Possédant une technique impressionnante, le pianiste possède également de solides racines. Loin de négliger
les standards, il les reprend pour les plier à son piano moderne, les ouvrir à un nouvel espace harmonique. If I Were a Bell, Nobody Else but
Me, All the Things You Are ne déparent pas “Bond” son nouvel et remarquable opus enregistré à Paris
qui sort le 9 mai.
-Un duo de piano prometteur le 19 mai à 21h00 dans l’église de Saint-Germain-des-Prés. Rompus aux acrobaties musicales de
haute voltige, Antoine Hervé et Jean-François Zygel ne sacrifient pas pour
autant la musique. Leur grande technique reste toujours au service de la ligne mélodique. Oncle Antoine apporte le swing, les notes bleues. Maître de l’harmonie, Jean-François diversifie les
couleurs de ses notes, introduit tensions et progressions d’accords qui étonnent. Les deux hommes s’amusent, développent leurs idées musicales foisonnantes dans de tendres ou tumultueuses
improvisations. Entièrement improvisé, “Double Messieurs”, album sorti le 7 avril chez Naïve Classique, contient des plages enregistrées en public lors de concerts donnés à Vichy, Saint-Malo,
Paris, Toulouse, Nanterre et Sceaux en 2009 et 2010.
-Walter Blanding au Duc des Lombards les 23 et 24. Son quartette rassemble
les musiciens de Wynton Marsalis : Dan Nimmer au piano,
Carlos Henriquez à la contrebasse et Ali Jackson à la batterie. Normal, Blanding est
le saxophoniste du trompettiste. “From the Plantation to the Penitentiary”, un disque Blue Note de Wynton enregistré en 2006 donne une bonne idée de son style, de sa capacité à faire chanter ses
instruments, ténor ou soprano. Dans cette formation portée par une exceptionnelle section rythmique, le piano occupe une place centrale, Dan Nimmer, musicien économe et subtil, éclairant avec sensibilité et finesse le discours musical, un jazz aux improvisations colorées qui concilie tradition et modernité et n’oublie
donc pas de swinguer.
-Jazz à Roland Garros le 27 (et non le 25 commme je l'ai d'abord annoncé) avec le trio de
René Urtreger - Philippe Urtreger à la contrebasse et Eric
Dervieu à la batterie - complété par André Villeger, jeune et talentueux saxophoniste à
l’aube d’une carrière prometteuse (je plaisante, bien sûr!). On ne présente plus le roi René, serviteur fidèle d’un jazz qui enchante et traverse le temps. Le bop, le swing, André pratique et
connaît. Difficile de lui faire la leçon. Il souffle des notes tendres, lyriques, construit ses phrases à l’ancienne, autour des mélodies ce qui leur donne un fil d’Ariane et permet de mieux les
goûter. La technique chez René reste au service de la musique. Son piano chante, possède la mémoire du blues et du bop. Bud Powell son
idole, revit toujours dans ses doigts.
-Le 25, Gretchen Parlato est attendue au New Morning à l’occasion de la sortie de “The Lost and Found” son nouvel album. Avec elle, un excellent pianiste Taylor
Eigsti, souvent au Fender Rhodes. Alan Hampton à la contrebasse (à l’occasion, il joue de la
guitare et chante) et Kendrick Scott à la batterie complètent la section rythmique. Gretchen possède une voix suave, un peu traînante et
des vocalises bien à elle. Les mots s’étalent, parfaitement articulés, modulés par le chant. Une section rythmique très souple se plie aux inflexions vocales d’une chanteuse singulière. Elle a
écrit les paroles et les musiques de plusieurs morceaux de son nouveau disque dans lequel elle reprend Henya d’Ambrose Akinmusire, Juju de Wayne Shorter, et le mythique Holding Back the Years de Simply
Red.
-Jacky Terrasson reste fidèle au festival de
Saint-germain-des-Prés et y participe chaque année depuis sa création. L’auditorium de l’Institut Pasteur l’accueille le 28 pour un concert en quartette avec une formation en partie inédite. S’il
joue souvent avec Leon Parker, Jacky n’a encore jamais bénéficié de la contrebasse de Stéphane
Kerecki. Pour pimenter le tissu rythmique, Xavier Desandre Navarre complétera le groupe aux
percussions. Les concerts de Jacky ne sont jamais anodins. En public, le pianiste donne toujours le meilleur de lui-même, se dépense dans un jeu très physique. Trempées dans un grand bain de
blues, ses notes s’assemblent pour une grande fête du swing.
-Le pianiste Craig Taborn au Sunside le 29, en
solo. On trouve son nom dans des albums de Roscoe Mitchell, Michael Formanek, Evan Parker, Scott Colley, Drew
Gress, des musiciens souvent impliqués dans un jazz moderne expérimental. Le 6 juin prochain sort sur ECM son premier disque en solo, des
improvisations approchées de manière « compositionnelle », la musique naissant de l’instrument. Craig a ainsi utilisé comme « pure source sonore » le Stenway D mis à sa
disposition pendant l’enregistrement. Il attache beaucoup d’attention aux timbres, aux harmoniques, à la sonorité même du piano et décline une musique rêveuse, hypnotique, souvent répétitive qui
ne manque pas de grandeur.
-Ne manquez surtout pas le concert que donne Stéphan Oliva au Sunside le 31 dans le cadre de la soirée consacrée aux artistes du label Sans Bruit. Le pianiste s’est déjà produit en solo l’an dernier dans ce même club avec un
programme entièrement consacré au compositeur Bernard Herrmann. Toujours en solo, il récidive dans un récital improvisé autour des films
noirs, des thèmes de John Williams, Miklos Rosza, Henri
Mancini, David Raskin et quelques autres dont il fait sonner les notes graves, leur donnant
une profondeur abyssale pour suggérer l’angoisse. Dans “After Noir” que propose Sans Bruit en téléchargement, Stéphan improvise des portraits d’acteurs (Robert
Ryan, Sterling Hayden, Robert Mitchum) et d’actrices (Gene Tierney, Lizabeth Scott,
Gloria Grahame) réservant à ces dernières ses mélodies les plus lyriques.
D’autres artistes dont les enregistrements sont téléchargeables sur www.sansbruit.fr animeront la soirée. Yes is a Pleasant Countryréunit la chanteuse Jeanne
Added, Bruno Ruder au piano et Vincent Lê Quang aux saxophones. L’album porte le même nom que le groupe. Sur Sans Bruit également, Bruno Angelini (piano),
Mauro Gargano (contrebasse) et Fabrice Moreau (batterie) proposent “So Now”, album
aux harmonies attachantes et aux couleurs délicates réunissant des compositions personnelles et des thèmes de Bill Evans,
Wayne Shorter et Carla Bley (Ida Lupino).
-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com
-Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés : www.festivaljazzsaintgermainparis.com
-Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com
-New Morning : www.newmorning.com
PHOTOS : Scott Hamilton © Stunt Records - Marilyn
Mazur © Nicola Fasano / Stunt - Stefano Bollani Trio © Robert Lewis / ECM - Katrine Madsen © Robin Skjoldborg / Stunt - Ambrose
Akinmusire © Clay Patrick McBride / Blue Note - Gerald Clayton © Ben Wolf – Antoine Hervé & Jean François Zygel © Franck Juery /
Naïve - Walter Blanding © Philippe Etheldrède - Gretchen Parlato © Jeaneen Lund - Craig Taborn © Rue Sakayama / ECM -
Alexandre Saada, René Urtreger, Jacky Terrasson, Stéphan Oliva, Bruno Angelini & Mauro Gargano ©
Pierre de Chocqueuse.