28 juillet 2009
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VENDREDI 17 juillet
Nicolas Folmer invite Bob Mintzer à rejoindre les musiciens de
son quartette au Duc des Lombards. Au piano, Antonio Faraò ; à la contrebasse, Jérôme Regard ; à la batterie, Benjamin Henocq. Le saxophoniste
se produisit à deux reprises avec le Paris Jazz Big Band en 2007 et découvrit alors une formation exceptionnelle animée par Nicolas et le saxophoniste Pierre Bertrand. Trompettiste émérite, Nicolas est aussi un excellent
arrangeur qui soigne la forme de ses compositions, leur apporte des couleurs et les met en valeur. Au Duc, il enregistre live son prochain disque et nous fait découvrir de nouveaux
morceaux. Cinq d’entre eux apparaîtront sur “Out off the Beaten Tracks“, titre du futur album. Le second concert (je n’étais pas au premier) frôla la perfection. La musique, du bop moderne,
offrit de nombreux moments de grande virtuosité. Thèmes souvent exposés à l’unisson par les deux souffleurs, chorus acrobatiques portés par une section rythmique solide, Jérôme
Regard et Benjamin Henocq la trempant dans un swing de tous les instants. Le groupe nous gratifia de ballades superbes, Mintzer, ravi de jouer ce répertoire, nous
comblant de chorus lyriques peuplés de notes bleues.
MERCREDI 22
juillet
La fête au Duc avec une vraie légende du jazz, Harold Mabern, que l’on n’a pas vu sur une scène
parisienne depuis plus de quinze ans. Né en 1936, le pianiste en a soixante-neuf. Influencé par Phineas Newborn à qui il dédie Blues for Phineas, une de ses
compositions, Harold joue un bop puissant et mélodique et lui donne beaucoup de rythme. Sa main gauche percussive et puissante sert une droite qui arpège, plaque de nombreuses notes perlées.
Mabern ne dédaigne pas les improvisations en accords et tire une grande dynamique de l’instrument . « Ce Mabern est un meuble », entends-je dire mon voisin. Il ne croit pas si bien dire : le pianiste est un roc qui résiste à toutes les attaques de
ses partenaires, en particulier Eric Alexander qui croise le fer avec lui et le pousse à se surpasser. Harold Mabern reste bien le patron et conduit le bal. Il
contraint Alexander à jouer son meilleur saxophone, à tenir de longs chorus de ténor qu’il construit avec finesse et à-propos, sa sonorité un tantinet nasillarde évoquant un alto, Darryl
Hall à la contrebasse et Joe Farnsworth à la batterie, tous deux excellents, arbitrant cette rencontre au sommet.
JEUDI 23 juillet
C'est au tour de Nicolas Folmer de rejoindre au Duc le groupe de Bob Mintzer. Pour deux concerts enregistrés, Nicolas souhaitant
inclure deux morceaux dans son disque. A la tête de son groupe, le saxophoniste reprit donc plusieurs compositions de Nicolas – Fun Blues, Iona, Le Château de
Guillaumes – , ses musiciens leur apportant une couleur, une dynamique particulière, le bop restant à l’honneur dans ce répertoire de compositions originales. Phil Markowitz
ne le joue pas comme les autres. Il y a du Monk chez ce pianiste qui assure des contrepoints délicats, prend son temps pour remplir ses chorus d’harmonies aussi poétiques que singulières,
petites phrases entrecoupées de silences aussi heureux qu’inattendus. Dès le second morceau du second set, le groupe tournait comme un moteur de Ferrari sur un circuit de Formule 1, installait
une quasi-perfection au cœur de sa musique. Contrebasse (Jay Anderson) et batterie (John Riley) la rythmaient fiévreusement, le batteur faisant preuve d’une
grande finesse dans les ballades. Sur tempo rapide, Folmer et Mintzer nous offrirent des chorus époustouflants de technique et de musicalité. Le groupe joua un thème de Markowitz, l’acrobatique
M.D.A. bien trempé dans le bop, et reprit le célèbre I Got Rhythm de George Gershwin, le pianiste nous régalant d’improvisations débordantes de notes étranges
et colorées.
Photos © Pierre de
Chocqueuse
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24 juillet 2009
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LUNDI 20 juillet
“Live at Belleville“, l’album ECM le plus récent d’Arild Andersen, reste la grande surprise de l’an dernier. La
presse fut unanime à saluer le premier disque d’un trio exceptionnel et le contrebassiste se vit remettre en janvier par l’Académie du Jazz, à Paris, dans le Grand Foyer du Théâtre du Châtelet, le
Prix du Musicien Européen 2008. Le trio n’est pourtant guère programmé dans les festivals de l’été. On lui préfère des grandes stars dont on paye à prix d’or les médiocres prestations. Directeurs du festival Les Arènes du Jazz, Emmanuel Dechartre et
Jean-François Foucault sont les seuls en France à avoir offert une date au trio. Dans un lieu un peu magique, les arènes de la butte Montmartre, un jardin suspendu au pied du Sacré-Coeur. Le
temps s’y est arrêté quatre-vingt-dix minutes lundi dernier, à l’écoute d’une musique intense accordant une large place à la beauté. Le trio commença par la pièce maîtresse de son disque,
Independency, une longue suite en quatre parties écrite en 2005 pour fêter le centième anniversaire de l’indépendance de la Norvège. Une composition introduite par une contrebasse
saupoudrée d’effets électroniques, Arild Andersen ne dédaignant pas mettre une séquence mélodique ou rythmique en boucle afin de renforcer l’aspect onirique de sa musique. Tommy Smith
s’empare alors du thème et souffle des notes brûlantes pour embraser le ciel. Son saxophone ténor grogne, éructe avec puissance. Apaisé, il devient
tendre et lyrique, rejoint par une contrebasse mélodique maniée par des doigts agiles. Chaque corde sonne comme le grondement de la montagne et sert des mélodies issues du folklore scandinave. Car
si le vocabulaire harmonique est celui du jazz, Arild Andersen le mêle à sa propre culture. Il reprend Prelude to a Kiss de Duke Ellington, Outhouse est construit sur les structures du bop, mais
les paysages qu’il évoque sont ceux des aurores boréales, des jours qui ne veulent pas mourir. Le saxophone de Tommy Smith est la corne de brume des grands pays vikings. Né en Italie, mais
vivant en Norvège depuis trente ans, Paolo Vinaccia ressemble à l’un d’eux. Il joue de la batterie comme un percussionniste et peut tout aussi bien caresser les peaux de ses tambours que les
marteler vigoureusement. Sa complicité avec le contrebassiste est manifeste sur tempo rapide. Tommy Smith peut ainsi nous plonger à loisir dans un jeu fiévreux et énergique. Jouée en rappel,
Dreamhorse, une ritournelle chantante et pleine de charme, la dernière pièce de l’album, donna lieu à une suite d’échanges splendides entre le ténor et la contrebasse, les deux instruments
rivalisant de lyrisme sous l’arbitrage d’un batteur attentif au chant de ses rythmes. Photos © Pierre de Chocqueuse
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21 juillet 2009
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LUNDI 13 juillet
Kenny Werner se fait rare à Paris. Il y a deux ans, le 6 avril 2007, le pianiste était au New Morning avec un autre trio.
Il venait de publier “Lawn Chair Society“, album aux couleurs et aux musiques surprenantes dans lequel les arrangements tiennent une place importante. Il contient une nouvelle version de
Uncovered Heart précédemment sur l’album du même nom et une belle adaptation de Kothbiro, thème du film “The Constant Gardener“. Kenny Werner offrit l’autre soir au public
du Sunside un programme essentiellement constitué de standards. Il fonctionna si bien que l’on pouvait croire Mauro Gargano et Rémi Vignolo avec lui depuis de longues années.
Ils n’avaient pourtant répété que l’après-midi même. Le jazz permet à des musiciens qui n’ont jamais travaillé ensemble de générer des improvisations neuves et excitantes, de donner des concerts
inoubliables. Celui du Sunside fut l’un d’eux. La contrebasse chantante et joliment mélodique de Mauro, le jeu de balais raffiné de Rémi inspirèrent au pianiste des pages délicates, un jeu souvent
lyrique, des improvisations inattendues. Kenny aime les notes perlées et en place beaucoup à la fin de With A Song in my Heart, un thème qu’il affectionne. S’il égraine parfois des chapelets de notes, il choisit les plus tendres, se plaît à
assembler de riches harmonies, à faire sonner son piano avec élégance, sa grande technique lui permettant de varier son jeu pour mieux nous éblouir. L’étendu de son vocabulaire harmonique trahit sa
culture classique. Il mêle des harmonies européennes à des lignes de blues, le pianiste romantique tendant la main au bopper fiévreux. If I Should Loose You fut une pluie de notes bleues.
All The Things Are You, une pièce « à la Monk » et clin d’œil au célèbre All The Things You Are, lui permit d’accorder de longs chorus à ses musiciens. Une magnifique version de
Soul Eyes dédiée à John Betch présent dans la salle fut longuement applaudie. Célébrant John Coltrane, Kenny reprit avec brio 26-2, une des compositions Atlantic du
saxophoniste et dans Ballad for Trane, un de ses morceaux, adopta un jeu sensuel en totale osmose avec ses musiciens. C’est d’ailleurs en trio (contrebasse et batterie) qu’il a enregistré ses plus beaux albums : “Introducing the Trio“ et
“Press Enter“ avec Ratzo Harris et Tom Rainey pour Sunnyside ; “A Delicate Balance“ avec Dave Holland et Jack DeJohnette pour BMG ; “Beat Degeneration“ avec Johannes
Weidenmueller et Ari Hoenig pour Night Bird Music, un disque enregistré en novembre 2000 dans ce même Sunside. Producteur des deux derniers disques que je viens de citer, Jean-Jacques
Pussiau était là lui aussi avec Claude Carrière, admirateur et ami de longue date de Kenny qui leur dédia un Blue in Green d’une délicatesse exquise. Il fallut attendre la fin
de sa longue introduction en solo pour reconnaître le thème, la musique étant alors plus proche de la musique impressionniste que du jazz.
P.-S./ Je n’ai cité que des disques en trio. Il faut ajouter à cette discographie deux albums dans lequel le talent d’arrangeur du pianiste se manifeste, le superbe “Uncovered Heart“ publié par
Sunnyside en 1990, et l’inoubliable “Beauty Secrets“ (BMG) produit neuf ans plus tard par l’irremplaçable Jean-Jacques Pussiau.
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17 juillet 2009
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VENDREDI 10 juillet
Premier concert parisien pour Kneebody au Sunside. Installé à la terrasse du club, je vois arriver les membres du
groupe et discute avec Kaveh Rastegar, le bassiste, un grand gaillard portant casquette. Excellent dessinateur, il a réalisé plusieurs affiches et illustré le livret du premier disque de
Kneebody édité en 2005 sur Greenleaf Music, le label de Dave Douglas. Difficile de le trouver chez les disquaires parisiens. “Low Electrical Worker“ , le second opus officiel, date de
2007 et se déniche plus facilement. Kneebody est encore peu connu en France. La formation tourne davantage en Italie où ses concerts de janvier 2008 ont fait l’objet d’un enregistrement qui
reflète l’énergie de ses prestations scéniques. On peut se procurer leurs disques sur leur site http://kneebody.com/. Les musiciens les vendent également entre les sets de leurs concerts.
Tous ont été enregistrés et mixés par Nate Wood, le batteur. Le son des albums réalisés en studio est de meilleure qualité. Pas forcément la musique. Car sur scène, Kneebody allonge
ses morceaux malgré des arrangements très écrits. Peu de monde pour assister à leur premier set, mais le groupe possède un son énorme, souvent saturé qui attire. Le Sunside sera presque plein en
fin de soirée. Les journalistes manquent à l’appel. Dommage, car la musique d’une étonnante fraîcheur ne peut que séduire un public jeune et nombreux. Basse électrique et batterie tissent une toile
rythmique très serrée. Shane Endsley à la trompette et Ben Wendel au saxophone ténor assurent les chorus. Adam Benjamin distord les notes cristallines de son Fender Rhodes,
mais peut tout aussi bien colorier, dessiner des nappes sonores planantes et aérer la musique. Kneebody semble affirmer la primauté du rythme, mais aussi l’improvisation collective, le
groupe développant une polyphonie dans laquelle l’expression individuelle est toujours au service d’un travail collectif d’une redoutable précision. Il constitue ainsi un groupe sans leader. Chaque
musicien a une fonction précise, indispensable à la trame complexe de la musique. Mélange de rock, de jazz, cette dernière est toujours sous contrôle, même dans ses débordements les plus
free. Kneebody joua quelques fameux titres de son répertoire : Blue, Yellow, White - The
Politician - Victory Lap. Le troisième set, plus court, fut largement consacré à une reprise de Second Guest, long morceau de Shane Endsley que l’on trouve sur
l’autoproduit “Kneebody Live Volume One“. La veille, le groupe jouait à Vienne avec Daedelus, inventeur d’une musique électro baroque et sophistiquée. Sa tournée européenne se poursuit en
Italie et en Hollande. Kneebody mixe actuellement un nouvel album attendu en automne sur le label Winter & Winter. Son ascension ne fait que commencer. Photos © Pierre de Chocqueuse
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13 juillet 2009
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VENDREDI 3 juillet
Fidèle au Duc des Lombards, René Urtreger retrouve le club parisien (après un concert remarqué en avril, et un autre, mémorable, en décembre 2008) pour fêter son
anniversaire – il est né le 6 juillet 1934 – et enregistrer un nouvel album sous la direction artistique de la pétillante Jeanne de Mirbeck, sa sœur, qui produisit la plupart de ses disques.
On ne change pas une équipe qui gagne et c’est avec la plupart des membres de son quintette habituel que le pianiste va jouer son meilleur piano. Convive inattendu, Mauro Gargano fait bien
davantage qu’assurer à la contrebasse. Il en joue avec une vélocité phénoménale, sa virtuosité se faisant entendre dès le premier thème abordé, une version jubilatoire de Didi’s Bounce dans lequel il prend un chorus acrobatique. Avec une section rythmique qui
fonctionne (Mauro s’entend fort bien avec l’irremplaçable Eric Dervieu, batteur au tempo aussi solide que subtil), les solistes peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes. Abordé en trio, If
I Were a Bell généra ainsi un chorus de piano éblouissant car, en forme – ce qui est souvent le cas – René joue aujourd’hui mieux que jamais. Nicolas Folmer se surpassa dans Un Poco Loco et prit
un très joli chorus dans Thème pour un ami, morceau écrit pour Raymond Le Sénéchal la nuit même de sa mort, chef d’orchestre, arrangeur, compositeur et grand ami de René. Au saxophone et à
la flûte dont il est l’un de nos meilleurs spécialistes, le fidèle Hervé Meschinet apporte des couleurs superbes à ce jazz moderne bien trempé dans le bop. Flûte et trompette exposent à
l’unisson Valsajane, une ballade pleine de tendresse portée haut par René et Nicolas, un thème pour Jeanne, instigatrice d’une soirée choc que je remercie ici.
MARDI 7 juillet
Mike
Stern au Duc : l’air se charge d’invisibles particules électriques, se gonfle d’énergie. Une guitare basse vrombissante et une batterie explosive accompagnent une guitare brûlante qui sait
entretenir une tension permanente. Blues, rock, bop, le jeu de Stern mêle plusieurs genres musicaux dans des chorus de feu dont il garde toujours le contrôle. Pour suivre et se faire entendre,
Bob Franceschini s’époumone au saxophone, tord le cou à ses notes, son jeu agressif pouvant être sensuel lors de rares accalmies. Le groupe reprend quelques vieux morceaux. Porté par des
chorus fiévreux, Avenue B (un extrait de “These Times“), une ballade teintée de reggae, évolue crescendo. Guitare et saxophone font monter la pression, la musique acquérant une puissance exceptionnelle. Confiée à Tom Kennedy, la basse électrique souvent
virtuose s’offre d’importantes séquences mélodiques. Quant au batteur Dave Weckl, sa frappe puissante et lourde ne l’empêche nullement d’être mobile et d’une efficacité redoutable. Ce ne
sont pas les thèmes pour la plupart construits sur des riffs qui séduisent ici, mais leur traitement sonore et les improvisations expansibles qu’ils génèrent. Mike Stern ne se perd jamais
dans ses longs chorus hantés par le blues. Il joue sans cesse avec le timbre de sa guitare, lui donne des couleurs variées et son langage harmonique nous tient constamment en haleine.
MERCREDI 8 juillet
Le
Duc des Lombards accueille ce mois-ci des musiciens importants dans le cadre de son Jazz Legends Festival. Fred Hersch est l’un d’entre eux. Occupé par son activité d’enseignant et ses
nombreux projets discographiques – il compose abondamment et enregistre plusieurs albums par an - , le pianiste ne vient pas souvent à Paris. Séropositif depuis 1986, il se bat contre une terrible
maladie et met les bouchées doubles pour mener à bien ses activités musicales, sa grande sensibilité s’exprimant dans un piano à l’approche harmonique subtile et raffinée. Ses doigts légers cisèlent des improvisations intimistes construites avec un grand souci de la forme.
Très mobile, la main droite joue de petites notes perlées qu’elle caresse avec douceur, esquisse des improvisations impressionnistes dans lesquelles Claude Debussy, Maurice Ravel, Gabriel Fauré sont parfois convoqués. Avec lui, deux musiciens
exceptionnels que l’on souhaiterait écouter plus souvent. A la contrebasse, John Hébert, un familier du pianiste Russ Lossing, improvise constamment de savantes lignes mélodiques et
instaure une conversation permanente avec le soliste. Avec Nasheet Waits, la batterie colore et tisse une toile rythmique souple et légère qui profite à la musique. Fred Hersch
peaufine à l’extrême les standards qu’il reprend. The Wind de Russ Freeman, Moon and Sand d’Alec Wilder, When Your Lover Has Gone de Einar Aaron Swan, Boo Boo’s Birthday de
Thelonious Monk, héritent d’une nouvelle approche harmonique, de variations inattendues. Mais Fred Hersch est aussi un compositeur très prolixe qui aime dédier ses thèmes à ses amis
musiciens. Dans Sad Poet, écrit pour Antonio Carlos Jobim, il emploie les notes les plus aigues du clavier et, avec la contrebasse, installe un ostinato qui profite à la batterie.
Nasheet Waits est également très présent dans The Phantom of the Bopera, une ancienne composition de Hersch écrite pour Joe Henderson dont il fut le pianiste. Whirl,
une pièce exquise et lumineuse dédiée à Suzanne Farrell, la muse de George Balanchine et le rappel, un court morceau en solo, véritable moment de grâce, demandent une totale
disponibilité d’écoute pour en goûter toute la poésie. Photos © Pierre de Chocqueuse
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8 juillet 2009
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LUNDI 22 juin : une voix en or
Austin
O’Brien m’invite au Caveau de la Huchette pour un concert de présentation de “Dualité“, son second disque. Je ne connais pas le premier album de ce chanteur irlandais installé en France dans
les Hautes-Pyrénées depuis quatorze ans. Je n’ai jamais entendu chanter ce grand gaillard au visage sympathique, mais me laisse tenter par une invitation annonçant ses musiciens : Philippe
Duchemin, Pierre Boussaguet et André Ceccarelli. « J’ai rencontré Austin alors que je jouais en duo dans un club parisien… J’ai vu arriver un personnage haut en couleur avec son
chapeau et son look du nord… Il me demanda si j’acceptais de jouer un morceau avec lui et nous avons enchaîné quelques standards. J’ai tout de suite apprécié son placement naturel, ce phrasé qui
fait que l’on est ou non chanteur » écrit Philippe Duchemin dans les notes de pochette de ce nouvel opus d’Austin, un disque en duo dont il est le pianiste et l’arrangeur. Austin O’Brien a une voix chaude et
puissante. On pense à Mel Tormé et à Tony Bennett sur le plan du timbre, de la couleur. Trempés dans le swing les mots qu’ils façonnent bénéficient d’une articulation parfaite, son
français restant toutefois teinté par un léger accent. “Dualité“ contient quelques standards, des mélodies écrites par Philippe sur lesquelles Austin a écrit des paroles, et des originaux de ce
dernier. Le pianiste accompagne avec finesse le chanteur, rythme sa voix, la prolonge par des chorus bien sentis. Sur scène, avec Boussaguet à la contrebasse et Ceccarelli à la batterie, Duchemin
peut approcher harmoniquement la musique, lui donner d’autres couleurs. Elles manquent à cet album de facture classique un peu trop monochrome, mais d’une sincérité
attachante.
http://www.austin-obrien.com
VENDREDI 26 juin : Carmen revient au pays
Longue nouvelle de Prosper Mérimée écrite en 1845 et publiée deux ans plus tard, “Carmen“ fut créée à l’Opéra Comique de Paris en 1875. L’auteur de la musique, Georges
Bizet, n’a plus que trois mois à vivre. Il décède la même année d’un abcès à la gorge à l’âge de trente-sept ans, persuadé de l’échec de son opéra. Mal accueillie par les critiques parisiens,
l’œuvre va pourtant triompher à Vienne avant de conquérir Madrid en 1876, New York en 1878 (en version italienne), et d’être redonnée victorieuse à Paris en 1883. Le cinéma s’en empare très vite.
Acteur de théâtre, Cecil B. DeMille réalise ses premiers films en 1914 et adapte “Carmen“ un an plus tard. La plus grande soprano de l’époque, Géraldine Farrar, en est la vedette.
Projetée la première fois au Symphony Hall de Boston le 1er octobre 1915, la “Carmen“ de DeMille accompagnée d’un montage sonore de la musique de Bizet, est la première d’une longue série. Raoul
Walsh en tourne une la même année (éclipsée par celle de DeMille, il la refait en 1927 sous le nom de “The Loves of Carmen“). Ernst Lubitsch, Jacques Feyder,
Christian-Jaque, Otto Preminger (“Carmen Jones“ en 1954), Carlos Saura et Francesco Rossi s’y attèlent avec plus ou moins de réussite.
La
“Carmen“ de Cecil B. DeMille, fait aujourd’hui l’objet d’une nouvelle création musicale. Directeur artistique du nouvel Orchestre National de Jazz, Daniel Yvinec l’a confiée
aux dix jeunes musiciens qui en sont membres, chacun d’eux se chargeant d’une séquence du film découpé en dix tableaux. C’est à l’Opéra Comique, salle Favart, à l’endroit même où fut créée la
“Carmen“ de Bizet, que l’orchestre présentait pour la première fois cette nouvelle partition. De rares interventions du guitariste chanteur flamenco Bernardo Sandoval la rattache peu à la
culture hispanique. Bizet n’est pas non plus convoqué dans cette musique moderne et neuve qui parvient toujours à coller aux images qu’elle illustre. Présent tout au long de la projection (le film
dure 59 minutes), colorant l’œuvre d’une grande variété de timbres,
Benoît Delbecq contribue beaucoup à cette féerie musicale. Avec lui, Carmen la bohémienne séduit ses amants sur une trame sonore de musique concrète et improvisée, danse sur des sons
surprenants. Le pianiste enrichit la partition de modulations inattendues, lui donne un aspect ouvert et mouvementé. Sauvage (la bagarre entre les deux femmes à la fabrique de cigarettes),
abstraite, funky (l’intermède du camp des gitans), la musique trouve une unité grâce aux images qu’elle suit tout en lui offrant une bande-son volontairement décalée. On retient la belle trompette qui s’élève du
repaire des gitans, le chorus de clarinette basse qui accompagne la partie de cartes. Magnifiquement arrangé, On the Road to Seville nous conduit aux arènes de la ville et à ses scènes de
corrida révélant le génie de DeMille, son goût pour le gigantisme. Teintée de rock’n’roll, la musique monte en puissance jusqu’au crescendo final, la scène du meurtre de Carmen par Don José confiée
aux couleurs des vents. Une belle création malgré un niveau sonore souvent déraisonnable. Dommage aussi que les cerbères de l’Opéra Comique, si prévenants à l’entrée, nous mirent dehors si vite le
concert terminé. Phil Costing qui aurait bien voulu rester en fut tout ébaubi.
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27 juin 2009
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MARDI 16 juin : cultivons Collignon
Médéric Collignon et son « Jus De Bocse » fêtent au Duc des Lombards le cinquantième anniversaire de “Kind of Blue“, le
disque le plus célèbre de Miles Davis, l’un des enregistrements phares de l’histoire du jazz. Médéric s’est attaqué en 2006 à un autre monument davisien, “Porgy and Bess“, et semble bien
connaître le répertoire du trompettiste. Rejouer ces œuvres autrement, leur apporter de nouvelles couleurs, de nouveaux arrangements tout en préservant les thèmes et certaines intonations
mélodiques de Miles, c’est sur quoi travaille Collignon, musicien surdoué, joyeux et talentueux. Le phénomène, car c’en est un, rit, grimace, apostrophe et séduit son public par un humour spontané
et naturel. Au début du concert, la toute petite pièce de bois qui permet de maintenir tendues les cordes de la contrebasse cassa. Frédéric Chiffoleau forcé d’attendre une « grand-mère » de
remplacement, Médéric assura les basses avec son nez tout en jouant de
jolies parties de cornet. Sans contrebasse, le concert connut quelques flottements vites compensés par l’incroyable facilité de Médéric à faire rire son public. Pour cette relecture de “Kind of
Blue“, le cornettiste a confié les parties de saxophone à Pierrick Pedron, l’un de nos meilleurs altistes. Loin de jouer comme Cannonball Adderley, ce dernier marque les morceaux du
sceau de sa personnalité. Ce “Kind of Blue“ ne ressemble décidemment pas à l’original. Electrisé par les nappes sonores du Fender Rhodes de Frank Woeste et trempé dans le funk, l’album
mythique de la saga davisienne, sonne comme la musique que le trompettiste inventera dix ans plus tard. All Blues subit ainsi une presque complète métamorphose. Reste son balancement
initial, un déhanchement rythmique hypnotique qui le fait continuellement avancer. Frédéric Chiffoleau a finalement obtenu une contrebasse et Médéric put ainsi se consacrer pleinement à son
scat, à son cornet qu’il joue parfois sans embouchure pour en tirer des sons plus graves. En rappel, le groupe nous offrit un surprenant Konda, page électrique que Miles grava en
1970, quatre mois après Lonely Fire et Guinnevere, deux fleurons de sa discographie.
DIMANCHE 21 juin : Boris, Elise en est Vian
Une Fête de la Musique en compagnie de
Boris Vian au Sunside avec Elise Caron pour le chanter, Alex Tassel (bugle), Géraldine Laurent (saxophone alto), Franck Avitabile (piano), Henri Texier
(contrebasse) et Aldo Romano (batterie) pour en accompagner les musiques. Vian écrivit plus d’une centaine de chansons. Aidé par les pianistes Jimmy Walter et Alain Goraguer,
il en enregistra quelques-unes en 1955. Pour les concerts du Sunside, Franck Avitabile leur a concocté de nouveaux arrangements. On n’est pas là pour se faire engueuler, Je
bois, Je suis snob, prennent ainsi les couleurs du jazz. Géraldine improvise des « obligattos » derrière la chanteuse. Le déserteur hérite ainsi d’un chorus de bugle et d’un
beau et inventif solo mélodique de contrebasse. Elise adopte une voix gouailleuse pour interpréter La java des bombes atomiques et trouve les intonations adéquates pour rendre crédible
Fais-moi mal Johnny, rock sado-maso immortalisé en 1956 par Magali Noël. The Man I Love et Love For Sale restent toutefois plus difficiles à chanter pour Elise.
Découvrir une certaine fragilité dans une voix si pure nous
rend la chanteuse infiniment sympathique. Jolie, Elise Caron envoûte par son puissant charisme. La comédienne illumine “Un soir au club“ film de Jean Achache tiré du roman éponyme de
Christian Gailly qui doit sortir à la rentrée. Elle est Debbie, la propriétaire du Dauphin vert et porte le film sur ses épaules. Au Sunside, Elise chante les chansons possibles et
impossibles de Boris. Avec la complicité d’Aldo et des musiciens talentueux qui l’accompagnent, elle réussit un tour de chant que le docteur Gédéon Molle (ancien interné des hôpitaux
psychiatriques, médecin des assurances, peintre du jeudi et médaillé militaire) aurait sûrement apprécié.
Photos © Pierre de Chocqueuse
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20 juin 2009
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MERCREDI 10 juin
Enrico Pieranunzi en trio au Duc des Lombards. Le seuil franchi, je tombe sur le pianiste qui discute avec André Ceccarelli en italien. « Mon grand-père, premier de la
famille à avoir émigré en France, mettait un point d’honneur à ne parler que français. J’aime l’Italie. J’y ai vécu quelques années » me confie-t-il. Avec moi, Enrico s’exprime en français. J’ai
droit à ses remerciements pour ma belle chronique de “Dream Dance“ dans jazzman, « un choc de blogueur de choc » précise-t-il non sans humour. J’en profite pour lui demander la raison pour laquelle
cet enregistrement de 2004 n’a été publié que cette année. « Nous avions fait deux séances la même semaine. Celle réalisée en quartette avec Kenny Wheeler donna lieu à l’album “As Never
Before“. Les responsables de Cam Jazz l’ont préférée à la session en trio d’où le retard de parution de “Dream Dance“. » Nous discutons. Enrico me confie ses projets. Il sera à nouveau à Paris au
Sunside les 3 et 4 août pour des concerts en trio et a enregistré un disque en solo qui doit sortir en septembre. Un album en quintette doit suivre, un projet latin. « J’aime le blues et la musique
afro-cubaine. Krzysztof Kieslowski a tourné “La double vie de Véronique“ et, comme cette Véronique, Enrico Pieranunzi a une double vie (rires). Je joue donc du Scarlatti, mais aussi du blues, du bop, du jazz modal. » Contrairement à ce que l’on
peut penser, ce n’est pas Bill Evans – sur lequel Enrico a publié une étude – qui lui a donné le goût de la modalité, mais McCoy Tyner. « Préparant des articles sur lui et sa musique,
je l’ai rencontré plusieurs fois. Il m’a dit un jour que Keith Jarrett n’était pas un pianiste de jazz. » Enrico partage-t-il cette opinion ? Il n’a pas le temps de me répondre. André
Ceccarelli et Darryl Hall l’attendent sur scène. Dès le premier morceau, une vraie complicité s’instaure entre lui et ses musiciens. Contrebasse et batterie rythment et commentent
mélodiquement des phrases que pimente l’imprévu. All the Things You Are est l’occasion pour le pianiste de montrer sa
passion pour les rythmes afro-cubains. Enrico rajeunit ce vieux standard, lui donne un aspect chaloupé et excitant, les trempe dans un bain de soleil. Ses mains font danser des myriades de notes,
caressent les plus tendres dans des ballades où il excelle en romantique. I Hear a Rhapsody : Enrico rapsodise, devient concertiste classique avant de confier le thème au trio. Le tempo
plutôt rapide ne gêne nullement la contrebasse chantante et vive qui réagit à l’humeur du piano. Photos © Pierre de Chocqueuse
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Vu et Entendu
13 juin 2009
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MARDI 26 mai : Onishi qui mal y pense…
Nicolas Folmer invite Junko Onishi à partager sa musique au Duc des Lombards. La pianiste japonaise s’est fait
connaître en jouant à New York avec Joe Henderson, Betty Carter, Kenny Garrett et au sein du Mingus Dinasty. “Wow“ son premier disque date de 1993. Elle a enregistré
huit autres albums sous son nom dont deux au Village Vanguard de New York en 1994 avec la section rythmique de Wynton Marsalis (Reginald Veal et
Herlin Riley). Elle est également la pianiste de Jackie McLean dans “Hat Trick“, un disque de 1996 et de Joe Lovano dans “Tenor Time“ un enregistrement de septembre 1996 (un
grand merci à Gilles Coquempot et à Francis Capeau pour ces précisions). Junko Onishi s’est produite en France et en Europe en 1995 (avec Jean-Jacques Avenel et Tony
Rabeson). Depuis “Fragile“ (1999) un opus très commercial, une déception pour son public, la pianiste fait peu parler d’elle. La retrouver sur la scène du Duc avec Nicolas Folmer à la
trompette, Denis Leloup au trombone et à la trompette basse, instrument que l’on entend rarement, Mauro Gargano, impressionnant de musicalité à la contrebasse, et Remi Vignolo
à la batterie est donc un évènement. Possédant un vocabulaire harmonique très étendu, Junko multiplie les prouesses techniques, ses mains agiles et virevoltantes faisant danser de nombreuses notes. Très à l’aise dans le bop, elle accompagne en plaquant des
accords inattendus. Dans les ballades, elle ornemente, joue de beaux arpèges, des notes perlées et délicates (In a Sentimental Mood) sa grande technique servant une imagination quasi
intarissable. Lorsque Nicolas Folmer et Denis Leloup la convient à improviser sur des thèmes de Charlie Parker (Moose the Mooche, Anthropology) aux tempos
très rapides, Junko Onishi s’amuse, répond sans peine aux chorus expressifs du trombone, aux phrases fiévreuses et bien sculptées de la trompette, ses doigts très souples tricotant
d’étonnants voicings parfaitement équilibrés et rythmés.
SAMEDI 30 mai
Avec le temps, la voix de John Greaves se fait plus rauque sans rien perdre de sa justesse. Seul au piano, il chante quelques-unes de ses compositions, des poèmes de
Verlaine qu’il a récemment mis en musique. Le temps d’un morceau, le trompettiste David Lewis laisse sa place à Sylvain Kassap dont la clarinette apporte des couleurs
différentes. Jef Morin monte sur scène avec sa guitare électrique. Karen Mantler, la fille de Michael Mantler et de Carla Bley est aussi de la fête. John la connaît
depuis les séances de "Kew. Rhone" (1976), album mythique dans lequel Carla joue du saxophone ténor. Même coiffure et couleur de cheveux que cette dernière, une voix un peu fragile
(le trac), mais beaucoup de charisme. Colloque sentimental : Matthieu Rabaté a pris place derrière la batterie, John joue de la basse électrique, Karen de l’harmonica, de l’orgue et
du piano électrique. Elle chante des mélodies délicieuses, des chansons pour ses chats (My Cat Arnold) et ses poissons dorés (Goldfish). Ses morceaux possèdent l’énergie du rock
et les couleurs du jazz, trompette et guitare assurant des chorus fiévreux sur des tempos binaires pouvant être musclés.
DIMANCHE 31 mai
Vu “Gamperaliya“ (Changement au village), magnifique film sri lankais de Lester James Peries, cinéaste né en 1919 dont l’œuvre conséquente nous est presque entièrement
inconnue. Auteur du premier long-métrage en langue cinghalaise tourné à Ceylan “Rekava“ (la ligne du destin), son premier film présenté à Cannes en 1957), Peries réalise un émouvant portrait de
femme partagé entre deux amours. Courtisée par un garçon instruit mais pauvre qui n’est pas de son milieu, Nanda doit accepter le choix de ses parents qui lui préfèrent un jeune et riche oisif de
bonne famille. Ruiné par le jeu et les mauvaises affaires, ce dernier l’abandonne, disparaît pendant de longues années. Son décès ayant été annoncé, la jeune femme épouse son premier amour qui a
fait fortune à Colombo. Mais son mari est-il bien mort ? Tourné en noir et blanc en 1963, joliment filmé par le chef opérateur William Blake, “Gamperaliya“ capte avec finesse l’évolution des
sentiments des personnages, le passage du temps dans une société rurale en pleine transformation. La caméra cadre avec justesse la nature, la magnifique propriété d’une famille aisée, son déclin
après le décès du père. Restauré en 2008 (sauf le générique début, sans doute pour nous montrer la différence), “Gamperaliya“ troisième film de Lester James Peries, l’un des préférés de
Satyajit Ray, n’avait jamais été distribué en France. Projeté depuis le 6 mai au Reflet Medicis (3/7 rue Champollion, 75005 Paris), il est actuellement visible le dimanche et le mardi à
11h25 jusqu’au 16 juin. Ensuite, consultez le
programme.
SAMEDI 6 juin
Un super groupe : Dave Liebman et Jean-Charles Richard au saxophone soprano, Daniel Humair à la
batterie et Stéphane Kerecki à la contrebasse. On attendait Jean-Paul Celea. Stéphane le remplaça au pied levé, apportant un jeu mélodique, des lignes très simples pour ponctuer le
discours créatif et sauvage des solistes. Car Liebman et Richard soufflent des notes de feu lors de conversations brûlantes qu’attise un Humair volcanique. Bien que libre et improvisé, ce jazz moderne repose sur des thèmes. Hand
Jive (Tony Williams), Lonely Woman (Ornette Coleman), India (John Coltrane) font ainsi l’objet de relectures aventureuses, d’un traitement harmonique
pour le moins novateur. Liebman affectionne un style véhément, mais peut tout aussi bien calmer le jeu, revenir à la mélodie et la jouer avec lyrisme. Richard fait de même. Il sait éteindre ses
notes incendiaires, les tremper dans un baume apaisant. Il en résulte une musique imprévisible, pleine de tensions et de brusques détentes, de changement de tempos inattendus, vagues sonores de
tailles diverses dont les ondes se propagent encore dans nos têtes. Photos © Pierre de Chocqueuse
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Vu et Entendu
29 mai 2009
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11:43
MARDI 19 mai
Je délaisse le Festival de Jazz de Saint-Germain pour le New Morning. Stéphane Kerecki et son trio s’y produisent avec Tony Malaby, nous régalent
d’improvisations aussi lyriques que musclées. Le groupe joue de nombreuses ballades, peaufine de délicates miniatures, mais aussi des morceaux fiévreux et intenses. J’ai récemment écrit tout le
bien que je pensais de leur album chroniqué dans ce blogdechoc le 19 mai, le matin même de ce concert éblouissant. La formation interpréta une bonne partie d’“Houria“ édité par Zig-Zag Territoires,
petit label qui soigne ses productions et s’occupe de ses artistes. S’appuyant sur les thèmes limpides de ce nouvel opus, elle construit et développe un langage d’une grande poésie sonore. La photo
du bas présente le groupe au complet. Tony Malaby, à gauche, vocalise au soprano. Thomas Grimmonprez est saisi en pleine action. Ses solos mélodiques et rythmiques témoignent de
l’originalité de la toile percussive qu’il parvient habilement à tisser. Tout en assurant un tempo solide, Stéphane Kerecki module des phrases lyriques à la contrebasse. Quant à Matthieu
Donarier, il semble souffler quelques notes gargantuesques dont il a le secret. Les deux autres photos se passent de commentaire. La puissance, l’engagement physique s’y expriment. Le jazz
s’écoute, mais se regarde aussi. N’est-il pas beau à voir ?
Photos © Pierre de Chocqueuse
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