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25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 12:22
L'Académie fait sa Grand Messe

Mardi 14 janvier

Corps électoral, officiels du Ministère de la Culture, représentants des sociétés civiles, responsables de compagnies de disques, attachés de presse, journalistes et pique-assiettes, tous se pressent à la Grand Messe de l’Académie du Jazz qui se tient une fois l’an au foyer du Châtelet. Vénérable institution – elle fêtera en 2015 son soixantième anniversaire –, l’Académie que préside François Lacharme y remet ses prix. Malgré la longueur des sermons, les cantiques furent plus réjouissants que d’habitude. Les prix aussi, bien qu’étant difficile de satisfaire les anciens et les modernes, de réconcilier des chapelles dont les affiliés n’écoutent pas le même jazz, musique plurielle et américaine qui, transplantée en Europe, souffre aujourd’hui d’un problème aigu d’identité. Qu’est-ce que le jazz ? Avec la surmultiplication des genres musicaux, la réponse semble encore plus difficile à donner qu’elle ne l’était. Pourtant, à l’issue d’un vote et de discussions passionnées, une cinquantaine de journalistes  parviennent chaque année en toute indépendance à établir un palmarès qui reflète bien son dynamisme et sa diversité.

L'Académie fait sa Grand Messe
L'Académie fait sa Grand Messe

Remis par Jean-Luc Choplin, directeur du théâtre du Châtelet, à Adeline Regnault (Éditions 13ème Note), le Prix du Livre de Jazz, le premier à être décerné, couronna “Lâchez-moi !”, autobiographie du pianiste Hampton Hawes (1928-1977) écrite en collaboration avec Don Asher, musicien et auteur de six romans. La vie de Hawes en fut un également. Junkie, ses mésaventures souvent hilarantes le menèrent à toucher le fond et à tâter de la prison. Gracié par le président Kennedy en 1963, il se consacra sérieusement au jazz et devint le pianiste préféré des musiciens californiens. Publié en 1972, “Lâchez-moi !” (“Raise Up Off Me : A Portrait of Hampton Hawes”) n’avait jamais été traduit en français.

L'Académie fait sa Grand Messe

Récompensé pour l’ensemble de son œuvre, Tomasz Stanko obtint le Prix du Musicien Européen. Retenu à Varsovie, il fit parvenir à l’Académie un petit film dans lequel il remercie cette dernière en musique. Invisible en France depuis plusieurs années, scandaleusement oublié des festivals de l’hexagone qui préfèrent remplir leurs grandes surfaces au détriment de la qualité, le trompettiste polonais a pourtant signé avec “Wislawa” le plus beau disque de l’année 2013.

L'Académie fait sa Grand Messe

Donald Byrd, Herb Geller, Mulgrew Miller, Chico Hamilton, Cedar Walton, Yusef Lateef, ils furent nombreux à passer de l’autre côté en 2013. Avec eux, Jim Hall, le plus subtil des guitaristes de jazz disparu le 10 décembre. En guise d’hommage, Christian Escoudé et Alain Jean-Marie interprétèrent Careful, un blues de 16 mesures, son cheval de bataille.

L'Académie fait sa Grand Messe

Décédé en 1983, Earl Hines doit swinguer comme un fou au paradis des jazzmen. On oublie aujourd’hui l’importance de ce pianiste et chef d’orchestre qui rompit avec le stride, imposa son propre jeu de piano et l’adapta aux bouleversements du be-bop. Le Prix du Meilleur Inédit ou de la Meilleure Réédition revint à un florilège de ses œuvres, à un coffret Mosaïc de 7 CDs regroupant des enregistrements effectués entre 1928 et 1945, l’Académie primant aussi la qualité du travail éditorial d’un label dont Michael Cuscuna et Scott Wenzel sont les deux responsables.

L'Académie fait sa Grand Messe

Le Prix du Jazz Vocal revint à “Woman Child” disque de Cécile McLorin Salvant, également en lice pour un Prix Django Reinhardt qui lui échappa de peu. Convaincu par son timbre de voix admirable, Jean-François Bonnel fut l’un des premiers à reconnaître son talent. Répondant aux questions de François Lacharme, il nous confia son admiration pour cette artiste exceptionnelle, « la chanteuse de jazz du XXIème siècle » selon ses propres termes. Assurant un concert à New York, Cécile ne put venir chercher son prix, mais fit parvenir une vidéo à l’Académie, un petit film dans lequel, outre ses remerciements, elle nous régala de son chant.

L'Académie fait sa Grand Messe

Chet Baker nous quittait en 1988, il y a 25 ans. Il n’en avait pas soixante, jouait alors beaucoup, soufflant sans vibrato de longues phrases délicates, douloureuses, comme si sa vie dépendait de ces moments intimes qu’il nous invitait à partager à ses concerts. Pour le saluer, François Lacharme appela sur scène Riccardo Del Fra et Alain Jean-Marie. Pour nous gratifier d’une version sensible de I’m a Fool to Want You.

L'Académie fait sa Grand Messe

Le bassiste céda sa place à Rachel Gould, chanteuse qui, en 1979, enregistra avec Chet un “All Blues” inoubliable. En duo avec Alain, I Remember You et Everything Happens to You, nous fit regretter la trop grande discrétion d’une voix qui n’a rien perdu de son éclat.

L'Académie fait sa Grand Messe

François Lacharme confia à Philippe Faure-Brac, Meilleur Sommelier du Monde, le soin de remettre le très attendu Prix Django Reinhardt. Associant jazz et grands crus, l’auteur de “Comment goûter un vin” (Éditions du Chêne) fut pour le moins surpris lorsque Vincent Peirani, le lauréat, déclara ne pas boire d’alcool. Saint Vincent (de Saragosse), le saint patron des vignerons, n’inspire donc pas l’accordéoniste dont les 2,05 mètres impressionnent. Sa technique aussi. Youn Sun Nah, qui chante peu de jazz mais possède une voix qui interpelle, a été bien avisée de le prendre avec elle. Vincent ajoute de la mélancolie à sa musique. La sienne touche à tout. Au jazz aussi, et la belle mélodie d’Abbey Lincoln qu’il reprit ne dérangea personne.

L'Académie fait sa Grand Messe

Auteur de “Casque d’or”, de “Touchez pas au grisbi” et de “Rendez-vous de juillet”, film particulièrement apprécié par les amateurs de jazz, Jacques Becker fut un grand supporter de l’Académie. Egalement cinéaste (“L’été meurtrier”, “Les enfants du marais”), son fils Jean aime aussi le jazz. “Échappement libre” (musique de Martial Solal) et son invisible et mythique “Pas de caviar pour tante Olga” (du bon Jacques Loussier) en témoignent. Jean Becker évoqua ses souvenirs et remit le Prix du Jazz Classique au Tuxedo Big Band pour leur album “Lunceford Still Alive !”.

L'Académie fait sa Grand Messe

Très disputé et remis par la très charmante Ann d’Abboville de la fondation BNP Paribas, le Prix du Disque Français qui couronne le meilleur disque enregistré par des musiciens français échut à l’Amazing Keystone Big Band pour son adaptation de “Pierre et le Loup” (Le Chant du Monde), une commande du Festival Jazz à Vienne. Arrivé second et pourtant favori, Ping Machine ne parvint pas à se hisser sur la première marche du podium. Il faut dire que les thèmes de Prokofiev, le sérieux et la qualité des arrangements de la jeune formation lyonnaise firent la différence.

L'Académie fait sa Grand Messe

C’est une version réduite de l’orchestre – David Enhco (trompette), Bastien Ballaz (trombone), Jon Boutellier et Jean-Philippe Scali (saxophones), Fred Nardin (piano), Patrick Maradan (contrebasse) et Romain Sarron (batterie) – qui monta sur scène pour nous en livrer des extraits.

L'Académie fait sa Grand Messe

Charles Bradley reçut le Prix Soul pour son album “Victim of Love” et Eric Bibb le Prix Blues pour “Jericho Road” publié sur le label Dixiefrog. Bibb réside à Londres et est le neveu de John Lewis, le pianiste du Modern Jazz Quartet aujourd’hui disparu. Ayant fit le voyage, il reçut le prix des mains de Nicolas Teurnier (membre de l’Académie) et en compagnie de Glen Scott, son producteur (et pianiste), nous présenta sa musique qui relève aussi du folk et du gospel. Son hommage à Nelson Mandela fut très apprécié.

L'Académie fait sa Grand Messe

Pour remettre le Grand Prix de l’Académie du Jazz (le meilleur disque de l’année), François Lacharme appela Pierre Richard et lui fit la surprise d’un petit film dans lequel il assure une chorégraphie mimée pendant que les Double Six de Mimi Perrin y interprètent Au bout du fil (Meet Benny Bailey).

L'Académie fait sa Grand Messe

Le Prix revint à “Duke at the Roadhouse”, album réunissant Eddie Daniels et Roger Kellaway, pianiste récompensé par l’Académie pour “Heroes” en 2007. Eddie Daniels avait fait le voyage de Santa Fe pour recevoir son prix. La veille, avec Alain Jean-Marie et Gilles Naturel (contrebasse), il avait donné un concert exceptionnel dans un Sunside affichant complet. Peu de journalistes (hélas), mais Phil Costing et un public enthousiaste pour saluer le meilleur clarinettiste de la planète jazz, qui, au saxophone ténor, est également impressionnant. Retrouvant Alain au Châtelet et n’utilisant que sa clarinette, il joua avec aisance, fluidité et virtuosité deux morceaux de l’album primé dont Duke at the Roadhouse, son titre éponyme qu’il a lui-même écrit.

L'Académie fait sa Grand Messe

Un palmarès 2013 à la hauteur de l’institution incontournable qui chaque année le décerne et mérite d’être saluée. Toutefois, la durée de la cérémonie, presque trois heures, écourta le cocktail et sa dégustation de vins de Saint-Emilion. Au grand regret de tous ceux qui ne manquent jamais ce grand rendez-vous académique, moment d’échanges, de découvertes musicales, de surprises et d'émois.

L'Académie fait sa Grand Messe

LE PALMARÈS 2013

Prix Django Reinhardt :

Vincent Peirani

Grand Prix de l’Académie du Jazz :

Eddie Daniels & Roger Kellaway « Duke at the Roadhouse » (IPO)

Prix du Disque Français :

Amazing Keystone Big Band « Pierre et le loup » (Le Chant du Monde/Harm. Mundi)

Prix du Musicien Européen :

Tomasz Stanko

Prix de la Meilleure Réédition ou du Meilleur Inédit :

Earl Hines « Classic Earl Hines Sessions 1928-1945 » (Coffret 7CDs Mosaïc)

Prix du Jazz Classique :

Tuxedo Big Band « Lunceford Still Alive ! » (Jazz aux Remparts)

Prix du Jazz Vocal :

Cécile McLorin Salvant « Woman Child » (Mack Avenue/Universal)

Prix Soul :

Charles Bradley « Victim of Love » (Daptone/Differ Ant),

Prix Blues :

Eric Bibb « Jericho Road » (Dixiefrog/Harmonia Mundi)

Prix du livre de Jazz :

Hampton Hawes avec Don Asher « Lâchez-moi ! » (13E Note Editions)

L'Académie fait sa Grand Messe

CREDIT PHOTOS :

Eddie Daniels, Le Foyer du Châtelet, Jean-Luc Choplin & Adeline Regnault, Christian Escoudé, Riccardo Del Fra, Rachel Gould, Jacques Becker, Ann d’Aboville et François Lacharme, L’Amazing Keystone (Big) Band, Pierre-Richard & François Lacharme), Eddie Daniels & Alain Jean-Marie, Saint-Emilion sur table, Lauréats & Remettants © Philippe Marchin.

Earl Hines © Mosaïc Records

Cécile McLorin Salvant © John Abbott

Vincent Peirani, Eric Bibb © Pierre de Chocqueuse

Tomasz Stanko © Photo X/D.R.

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 09:13
Michu’s Blues

Novembre : il pleut des taxes, des impôts et on annonce du mauvais temps. La météo n’est guère réjouissante. Certains parlent de pluies fines, d’autres de pluies épaisses comme ces soupes automnales à base de champignons dont raffole Monsieur Michu. À son retour de Clermont, ce dernier a eu la mauvaise surprise de se voir réclamer une taxe d’habitation éléphantesque. Comme tant d’autres français, il n’arrête pas de payer. Sa maigre retraite ne suffit pas, alors il râle, menace, vitupère. Il pleut des larmes dans ce pays. Avec ce que l’État lui laisse, notre homme s’est acheté un bonnet rouge et compte rejoindre les mécontents bretons qui, serrés les uns contre les autres, offrent moins de prise au vent. Son épouse l’en a fort heureusement dissuadé. À son âge et avec un cœur en mauvais état, mieux vaut pour lui écouter de la musique. En novembre, les clubs font le plein de bons concerts. Musiciens européens et américains nous visitent et Monsieur Michu n’a que l’embarras du choix. Il apprécie de moins en moins ces jazzmen diplômés qui ne savent rien du jazz et de son histoire. Sans l’intervention de Jean-Paul, l’un d’eux l’aurait probablement frappé à la sortie du Sunside. Le doyen d’âge de ce blog avait osé protester contre les sons inhumains que le faraud tirait de son saxophone. Contrairement à Jean-Jacques Dugenoux qui ne jure que par Tigran Collignon et Ibrahim Panossian, sans parler d’Étienne Marcel, farceur arc-bouté sur ses propres inventions, Monsieur Michu préfère les musiciens qui se réclament de la tradition et dont le blues irrigue la musique, ceux qui jouent encore des standards, greffent leurs lignes mélodiques sur de vraies mélodies. Ce n’est pas une question de couleur de peau, de nationalité, bien que le jazz nous vienne d’Amérique. Des jazzmen européens savent aussi faire cela. Prenez Olivier Hutman, le blues coule dans ses veines, donne une âme à son piano. Organisé par les centres culturels étrangers de Paris, le festival Jazzycolors permet depuis onze ans de faire découvrir au public français les groupes de jazz des pays participants, soit vingt-cinq concerts actés cette année entre le 27 octobre et le 30 novembre dans treize centres culturels de la capitale. Seul problème, ces groupes sont loin de tous proposer de la musique intéressante. Certains confondent même jazz et musique improvisée ce qui n’est pas la même chose. Je recommande toutefois le Maxime Bender Quartet (le 19 au Centre Culturel Irlandais) et Mélanie De Biaso, chanteuse talentueuse dont l’univers onirique aux confins du jazz et de la pop reste très séduisant (le 27 novembre à l’Institut Culturel Italien). Lionel Eskenazi aime et moi aussi. Vous trouverez sa photo dans le numéro de novembre de Jazz Magazine / Jazzman qui consacre sa couverture à Herbie Hancock. Sony publie un coffret des années Columbia du pianiste (1972-1988), soit trente et un albums que renferment trente-quatre CD. Huit d’entre eux sont indispensables. Les autres, plus ou moins bons, voire d’un goût douteux, ne s’imposent pas dans une discothèque. Un bel objet pour les collectionneurs qui ont encore des sous.

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Michu’s Blues

-Vous n’avez pas eu besoin de moi pour vous rendre le 4 novembre à Bobino. Anne Ducros y chantait “Either Way” son nouveau disque. Des standards jadis interprétés par Marilyn Monroe et Ella Fitzgerald. Anne a déjà abordé le répertoire de cette dernière avec un grand orchestre de cuivres dans “Ella…My Dear” en 2010. Ce nouvel album met davantage en valeur son quartette. Benoît de Mesmay y tient le piano, Maxime Blesin les guitares, Gilles Nicolas la contrebasse et Bruno Castellucci la batterie. Quelques invités ajoutent des couleurs. Des cordes rendent soyeux quatre des quinze morceaux qu’il renferme. On ne se lasse pas d’écouter Either Way, la seule composition originale d’un opus réussi.

-Remplaçant Scott LaFaro au sein du trio de Bill Evans, le bassiste Chuck Israels joua trois ans avec lui avant de voler de ses propres ailes. On écoutera son jeu élégant et mélodique au Sunside le 5, dans un hommage à Evans. Chuck Israels se verra accompagner par Manuel Rocheman au piano – un bon choix, Manuel ayant justement consacré à Evans un de ses récents disques – et Dré Pallemaerts à la batterie.

Michu’s Blues

-Ahmad Jamal à l’Odéon pour trois concerts (7, 8 et 9 novembre à 20h). Le pianiste interprétera de larges extraits de “Saturnay Morning”, un album aussi inspiré que “Blue Moon”, son disque précédent. Avec lui pour jouer sa musique aux rouages huilés comme peut l’être un moteur de compétition, une exceptionnelle section rythmique, une des meilleure de sa très longue carrière. Reginald Veal (contrebasse), Herlin Riley (batterie) et Manolo Badrena encadrent son piano espiègle, ses notes virevoltantes et colorées qu’il retient pour les faire jaillir en cascades. Ne manquez pas ces précieux rendez-vous parisiens.

-Accompagné par l’excellent pianiste vénézuélien Luis Perdomo – sa main droite, virtuose et mobile apporte beaucoup à la musique –, Miguel Zenon revient au Sunside le 9 et le 10. Hans Glawischnig (contrebasse) et Henry Cole (batterie) complètent le quartette du saxophoniste portoricain, qui, à l’alto, s’impose comme l’un des meilleurs de sa génération.

Michu’s Blues

-Entre le 12 et le 17 novembre, le label Motéma fêtera ses dix ans d’existence au Duc des Lombards. On n’y entendra pas Geri Allen, son artiste la plus célèbre, mais la semaine sera assurément chaude avec le Focus Trio du pianiste Marc Cary dont j’ai récemment chroniqué un album, les effluves cubaines du Pedrito Martinez Group, la musique inclassable du batteur Jaimeo Brown. Consultez le programme. Le concert à ne pas manquer reste toutefois celui que donnera René Marie le 12 (20h et 22h), magnifique chanteuse que récompensa il y a une dizaine d’années l’Académie du Jazz. Son nouvel album, un hommage à la grande Eartha Kitt s’écoute sans modération. Je vous en promets prochainement la chronique.

Michu’s Blues

-Après s’être plongé dans les films noirs, le pianiste Stephan Oliva entreprend dans son nouveau disque une relecture personnelle des musiques des films de Jean-Luc Godard. Ce dernier les confia à Michel Legrand (“Vivre sa vie”, “Une Femme est une femme”), Antoine Duhamel (“Pierrot le fou”), Georges Delerue (“Le Mépris”), mais aussi à Martial Solal qui avec “A bout de souffle” (1960) composait une de ses premières pages pour l’écran. Au Sunside, le 13, Stephan réinventera ce répertoire en solo, non sans le transformer et le poétiser, y greffer des enchaînements mélodiques et rythmiques inattendus, en épurer le trop plein de notes, son piano, un univers à lui seul, ne chantant jamais deux fois la même chose.

Michu’s Blues

-Kristin Asbjørnsen en quartette au Sunset le 14. La chanteuse norvégienne s’est fait connaître au public français par sa participation à “Restored, Returned“ un disque ECM du pianiste Tord Gustavsen. Proche du folk et de la world music, sa musique se nourrit aussi du blues et du gospel. Sa passion pour le genre l’a conduit à enregistrer en 2006 un disque entier de negro-spirituals. Elle possède une voix rauque et chaude, qui monte aussi bien dans l’aigu qu’elle descend dans le grave. “I’ll Meet You in the Morning” son nouvel album mêle et réunit ces influences.

Michu’s Blues

-The John Scofield Überjam Band au New Morning le 18. Le guitariste mit sur pied cette formation en 2002, enregistrant pour Verve “Up All Night”, album mêlant jazz, funk et acid jazz. Scofield a récemment fait paraître “Überjam deux”, un disque fortement électrifié. Il sera à Paris avec l’étonnant Arvi Bortnick à la guitare rythmique, Andy Hess (basse électrique et contrebasse), et Louis Cato à la batterie.

Michu’s Blues

-Ne manquez pas Alan Broadbent en trio au Duc des Lombards le 20 et le 21. Élève de Lennie Tristano, il composa Blues in the Night Suite pour l’orchestre de Woody Herman avant de se faire connaître comme le pianiste du Quartet West de Charlie Haden. Il fut aussi celui de Nelson Riddle pendant dix ans avant de travailler comme arrangeur auprès de Diane Schuur, Shirly Horn et Diana Krall. Pianiste élégant au toucher délicat, il se produit au Duc avec Phil Steen à la contrebasse et Kai Bussenius à la batterie.

Michu’s Blues

- Christian Scott de retour au New Morning le 22 avec une musique forte, puissante, plus tonique que celle qu’il enregistre en studio. Sur scène, les compositions gagnent en dynamique, en intensité, le concert favorisant les échanges entre les musiciens, une prise de risque plus grande. La trompette de Scott y occupe une place importante. Insolente, tendre, fiévreuse, elle séduit par un chant aussi puissant que lyrique. Influencé par le rock, le funk et le hip-hop, elle place le groove au cœur de la musique. Pour la jouer avec lui, un sextette comprenant Braxton Cook aux saxophones, Lawrence Fields au piano, Matthew Stevens à la guitare, Kris Funn à la contrebasse et Corey Fonville à la batterie.

Michu’s Blues

-Irving Acao a grandi à Cuba. Nanti très jeune d’une solide formation classique, il est attiré par le jazz, le métissant de rythmes afro-cubains. Ayant choisi de s’exprimer au saxophone ténor, il vient de sortir un premier disque dans lequel prime lyrisme et générosité dans un jeu tout en puissance. “Azabache” contient des compositions originales auxquelles s’ajoute une reprise de Oh que sera que sera de Chico Buarque. On l'attend au Sunside le 22 et le 23 avec ses musiciens, le brésilien Leonardo Montana au piano, ses compatriotes Felipe Cabrera à la contrebasse et Lukmil Pérez à la batterie.

Michu’s Blues

-La basse de Christian McBride n’a aucun mal à se faire reconnaître. Elle ronronne comme un gros chat heureux. McBride la flatte, caresse ses cordes avec volupté. Qu’il choisisse de jouer une walking bass confortable ou d’adopter un jeu virtuose, il n’en reste pas moins un des grands de l’instrument. Chick Corea ne s’y est pas trompé, l’engageant dans son Five Peace Band et effectuant avec lui et le batteur Brian Blade une longue tournée mondiale l’an dernier. A la tête de son propre trio au sein duquel officie l’excellent pianiste Christian Sands et le batteur Ulysse Owens Jr., le bassiste est attendu au Duc des Lombards pour trois soirs et six concerts les 22, 23 et 24 novembre. L’occasion pour lui de jouer les morceaux d’“Out Here” son nouveau disque pour le label Mack Avenue, des standards qu’il réinvente magnifiquement.

Michu’s Blues

-Marjolaine Reymond au Sunset le 26 pour la sortie de son nouvel album “To Be an Aphrodite or Not To Be”, ou les pensées d’Emily Dickinson (1830-1886), poétesse américaine excentrique qui passa une partie de sa vie recluse dans sa propriété d’Amherst. Tout de blanc vêtue, elle jardinait, remplissait de fleurs son herbier et écrivait ses poèmes, véritable mise en abîme de sa solitude, des vers très courts aux rîmes volontairement imparfaites et à la ponctuation non conventionnelle pour l’époque. Pour jouer la musique de son disque, oratorio en trois parties qui relève autant de la musique contemporaine que du jazz, Julien Pontvianne (saxophone ténor) David Patrois (vibraphone et marimba), Xuan Lindenmeyer (contrebasse) et Stefano Lucchini (batterie) assistent la chanteuse dans une œuvre ne ressemblant à aucune autre.

-Le pianiste Jacky Terrasson fête son anniversaire au New Morning le 27 et à cette occasion invite ses amis musiciens. Stéphane Belmondo (trompette et bugle) et Minino Garay (percussions) seront présents avec d’autres dont les noms n’ont pas été communiqués. Leon Parker, batteur avec lequel il a naguère beaucoup joué, et Darryl Hall dont la contrebasse tient toujours le tempo adéquat, assureront la rythmique. Une belle soirée en perspective.

Michu’s Blues

-Denise King et Olivier Hutman de retour au Sunside le 29 et le 30. Avec eux Darryl Hall, toujours à la contrebasse, et le batteur Steve Williams. Leur dernier disque s’intitule “Give Me the High Sign”, une chanson co-écrite par Olivier Hutman et Denise King, et sa musique interpelle. On la croirait sortie des vénérables juke boxes de nos années vinyles, de cette décade prodigieuse (1966 - 1976) qui vit fleurir les chefs-d’œuvre, les genres se mélanger, les passions se créer. King et Hutman forment une association de rêve. Une voix royale chante les chansons sur mesure que lui cisèle un pianiste compositeur possédant un rare talent d’arrangeur. Denise sait chauffer une salle. Avec elle, l’air devient brûlant, la température déraisonnable. On replonge au cœur de l'été.

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com  

-Odéon, Théâtre de l’Europe : www.theatre-odeon.eu

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-New Morning : www.newmorning.com

 

Crédits photos : Ahmad Jamal © Frank Stewart – René Marie © Joseph Boggess / Motéma – Stephan Oliva , Irving Acao, Olivier Hutman © Pierre de Chocqueuse – Kristin Asbjørnsen © Universal Music – John Scofield Überjam Band © Nick Suttle – Alan Broaddbent © Artistry Music – Christian McBride Trio © Chi Modu – Marjolaine Reymond © Bernard Minier – Christian Scott © photo X/D.R.   

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22 octobre 2013 2 22 /10 /octobre /2013 10:10
Clermont : jazz à tue-tête

MERCREDI 16 octobre

« Touche pas à Agathe, salopard ! » C’est par ces paroles peu courtoises que Jean-Jacques Dugenoux apostrophe et réveille Bajoues Profondes qui vient de piquer du nez et de la tête dans le décolleté de son épouse. La poitrine menue de cette dernière semble d’ailleurs peu confortable, mais Bajoues s’effondre où il peut.

Clermont : jazz à tue-tête

Nous sommes à Clermont-Ferrand dans la salle Jean-Cocteau de la Maison de la Culture. Nous, ce sont les personnages qui occupent les deux premiers rangs face à la scène, des visages familiers qui chaque année se dérident à l’écoute des concerts que programme Xavier « Big Chief » Felgeyrolles (photo) dans le cadre de Jazz en Tête, qualitativement le meilleur festival de jazz de l’hexagone. A droite de Bajoues, Monsieur Michu ronge son frein. Jean-Jacques Dugenoux l'énerve. Expert en cochonnailles, ce dernier se dit aussi amateur de bons vins. Jazz en Tête est pour lui un prétexte. Clermont accueille ces jours-ci au Polydome le 6ème salon des vins du Languedoc et, quitte à enfermer son épouse dans sa chambre d’hôtel, il compte bien y goûter. Pour Philippe Etheldrède qui exhibe fièrement son Kodak Instamatic, ce casse-pieds ne fait aucune différence entre un blanc et un rouge. Un minable, tout simplement.

Clermont : jazz à tue-tête

Jean-Jacques Dugenoux n’apprécie d’ailleurs pas Gonzalo Rubalcaba qui offre aux clermontois un concert en solo de toute beauté. Avec lui la phrase respire, chante des notes bleues avec gourmandise. Sa main gauche puissante les rythme ; la droite les colore, les trempe dans un bain d’harmonies. On perd parfois les thèmes dans ce ruissellement de couleurs en demi-teintes.

Le pianiste qui a beaucoup écouté Gabriel Fauré, Claude Debussy, se montre imprévisible, cultive un impressionnisme de bon ton et sophistique les standards qu’il reprend. Rubalcaba est aussi un virtuose de l’instrument et nous le rappelle dans les pièces afro-cubaines qui parsèment son répertoire. Son piano devient alors percussif, le rythme se fait chair.

Clermont : jazz à tue-tête

C’est au tour de Catherine Russell de monter sur scène. Pendant quelques minutes votre Blogueur de Choc endosse son habit de Secrétaire Général de l’Académie du Jazz afin de lui remettre le Prix du Jazz Vocal 2012 pour son album “Strictly Romancin’”, trophée pieusement conservé par Hervé Cocotier, son tourneur, ici en photo.

Clermont : jazz à tue-tête

Le père de Catherine, Luis Russell, fut l’un des pianistes et directeur musical de Louis Armstrong. Choriste très demandée, elle apprit le métier auprès de Paul Simon, de David Bowie, du groupe Steely Dan et de bien d’autres vedettes. Désormais à la tête de sa propre formation, elle met sa voix chaude, sensuelle que voile une légère raucité au service de vieilles chansons qu’elle affectionne, fait revivre avec talent et respect des mélodies qu’interprétèrent Fats Waller, Duke Ellington, Billy Strayhorn, Maxine Sullivan, Hoagy Carmichael. Avec elle, de bons musiciens, un pianiste qui pratique le stride et affectionne le boogie (Mark Shane), un guitariste aux chorus délicats (Matt Munisteri), un jeune adepte de la walking bass pour cadrer le tempo (Tal Ronen), la musique se passe très bien de batteur et se fait intimiste.

Clermont : jazz à tue-tête

La soirée se poursuit à l’hôtel Oceania où logent les musiciens. Responsable du bar, la belle Olivia remplit les verres des soiffards. Des jam sessions s’y déroulent tard dans la nuit. Essiett Essiett tient parfois la contrebasse et Jeff Tain Watts fait merveille à la batterie. On y croise Circuit 24 qui fait rouler sur la moquette les petites voitures qu’il collectionne, Papy Jazz qui commente avec pertinence ce qu’il a vu et entendu, Daniel Desthomas (photo) qui, sur le festival, a de nombreuses histoires et anecdotes à raconter. Entre deux vins, Jean-Jacques Dugenoux a oublié un livre : “Mémoires du saumon dans le Brivadois”. Je ne le savais pas amateur de poissons.

JEUDI 17 octobre

Clermont : jazz à tue-tête

Pour se réveiller, ce spectateur lambda a plongé sa tête dans l’aquarium de l’hôtel. Quant à Bajoues, il n’aime décidément pas grand-chose, n’apprécie pas l’excellente nourriture du Visconti, un nouveau restaurant italien de Clermont, et ne goûte pas davantage Prism, quartette de Dave Holland fortement électrique qui divise les amateurs de jazz. Philippe Etheldrède ne supporte pas plus que lui l’avalanche de décibels que produit la guitare de Kevin Eubanks. Ce dernier joue des chorus hendrixiens, mais peut aussi émettre de longues nappes de notes lorsque l’aspect modal de la musique le nécessite. Impérial à la contrebasse (une demi-caisse amplifiée), Holland arbitre les passes rythmiques qu’Eubanks et Eric Harland affectionnent.

Clermont : jazz à tue-tête

Très en forme, assurant un drive puissant et binaire, le batteur fait tourner des rythmes funky qui enveloppent et hypnotisent. Seul Craig Taborn est un peu en retrait. Dans l’après-midi, le rideau de fer de la salle s’est abattu sur son Fender Rhodes et il a fallu lui en trouver un autre. « Un coup des communistes » marmonne Bajoues. Que la ville possède toujours une avenue de l’Union Soviétique ne semble pas déranger Craig, mais, mal à l’aise sur un instrument qui n’est pas le sien, il n’en tire pas les sons qu’il souhaite, cultive des solos abstraits et souvent dissonants. Au piano acoustique, il tempère le jeu bouillonnant du guitariste par un jeu d’une grande finesse harmonique. Avec ce groupe, Dave Holland rajeunit sa musique, revit ses années fusions, musique qu’il pratiquait au côté de Miles Davis au début des années 70. Et tournent les chevaux de bois…

Clermont : jazz à tue-tête
Clermont : jazz à tue-tête

Comme tous les soirs, c’est fête à l’Oceania. Ses salons du premier étage restaurent musiciens et journalistes affamés. Verrouillée par Phil Ethylhic, une grande table ronde attend les martyrs de la bouteille pour des dégustations de vins fins. Le nez proéminent, Philippe renifle les nectars, détecte les meilleurs crus. Taquin le Terrible enquiquine Dodo (photo) qui fournit tee-shirts et Saint-Nectaire et rajeunit chaque année.

Les verres tintinnabulent, les têtes s’échauffent. Rassurée après une dure journée, Sybille Soulier, l’attachée de presse du festival, virevolte entre les tables occupées. Il y a là Bernard Vasset grâce à qui les musiciens ne végètent pas à l’aéroport, et Michel, son neveu photographe dont on retrouve chaque année les photos dans les programmes du festival. Il est tard. Au rez-de-chaussée, la jam session attire du monde. Je retrouve Craig Taborn au bar, échange avec lui quelques drinks et m’accorde un repos mérité.

VENDREDI 18 octobre

Clermont : jazz à tue-tête

Ma dernière nuit clermontoise. Le festival a commencé sans moi avec The Saxophone Summit et se termine demain soir avec le quartette de l’excellent saxophoniste Irving Acao et le trio d’Essiet Okon Essiet Manuel Valera (piano) et Jeff Tain Watts (batterie). Mais ce soir, le festival accueille Kenny Garrett en quintette et j’assiste à un miracle : Bajoues Profondes apprécie le concert.

Plus que moi qui regrette la trop grande puissance sonore de l’orchestre. Ce n’est qu’après un séisme d'une heure, et le temps d’une ballade, que la musique devint parfaitement audible, que l’on put entendre le piano que couvrait jusque là un batteur trop puissant (McClenty Hunter), une contrebasse sur-amplifiée (Corcoran Holt). Le chant du saxophone s’élève alors, limpide et majestueux, moment de grâce dont profite la musique.

Clermont : jazz à tue-tête
Clermont : jazz à tue-tête

Kenny Garrett traîne avec lui une bande de fameux lascars. Au piano, Vernell Brown joue beaucoup comme McCoy Tyner et manque un peu de personnalité mais la section rythmique, de la lave en fusion, fait rouler une avalanche de notes dont on ne sort pas indemne. À l’alto et au soprano, le saxophoniste cherche la transe, souffle des chorus vertigineux. Comme John Coltrane et Pharoah Sanders dans les années 60, il envoûte par les mélopées africaines qu’il introduit dans sa musique. On lui pardonne l’insipide ritournelle qu’il fait tourner en fin de programme et que le public est nombreux à apprécier.

Clermont : jazz à tue-tête

Il est temps de rejoindre l’Oceania. Tony Tixier assure élégamment au piano. Avec lui, Elvire Jouve, une jeune batteuse moissonneuse, et Jean Toussaint, un habitué des lieux. Plus tard, c’est avec la section rythmique de Garrett qu’il montrera son savoir faire. Le rideau tombe sur un festival pas comme les autres qui tient toutes ses promesses.

Photos : © Pierre de Chocqueuse , sauf celle de Catherine Russell avec Hervé Cocotier et le Blogueur de Choc © Philippe Etheldrède.

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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 11:46
Fratrie pianistique

SAMEDI 22 juin

Bruno Angelini et Philippe Le Baraillec enseignent le piano à la Bill Evans Academy. Ils ont eu le même professeur, Samy Abenhaïm et revendiquent une approche mélodique et harmonique du piano. Ils donnaient un double concert sur la péniche l’Improviste amarrée pour deux mois à la hauteur du 34 quai de la Loire, le long du bassin de la Villette.

Fratrie pianistique

Souvent associé à de nombreux projets et formations, Bruno Angelini joue dans “Toxic Parasites”, le dernier album de Sébastien Texier. Au sein d’une discographie imposante, se distinguent ses albums en trio, mais aussi “Never Alone”, un excellent enregistrement en solo pour Minium. Loin de lui faire peur, l’exercice semble stimuler son imagination. Il en faut pour s’attaquer aux musiques d’Ennio Morricone, des mélodies qui inspirent les plus doués des jazzmen. Enrico Pieranunzi leur a consacré deux albums tout en évitant de reprendre les plus célèbres, celles que Morricone a composées pour Sergio Leone, son ancien camarade de classe. À “Il était une fois en Amérique”, son chef d’œuvre, Bruno préfère “Le Bon, la brute et le truand” et “Il était une fois la révolution”, deux films dont il habille les mélodies d’harmonies nouvelles, de couleurs inédites. Occupant l’espace sonore, il s’emploie à faire chanter ses notes, leur donne du poids tout en prenant soin de les faire respirer. Il en met certaines en boucle, improvise sur des thèmes que le blues et les notes bleues transforment et rendent méconnaissables. Des accords cristallins de piano électrique répondent parfois au piano. La main gauche assure des basses puissantes. La droite dessine des paysages et fait voir des images. Vaste tambour mélodique, l’instrument résonne, acquiert une ampleur orchestrale. Un ostinato envoûtant accompagne une autre mélodie. Des grappes de notes perlées se greffent sur un rythme lent et majestueux. Le pianiste se fait chaman, agite des hochets de pluie, tire mille couleurs des cordes métalliques de son instrument. La magie opère. La richesse et la variété de ses timbres vont nous bercer tout au long de la nuit.

Fratrie pianistique

Après une courte pause, Philippe Le Baraillec est au piano. On peine à le croire tant ses concerts sont rares. Il faut être un de ses élèves – et ils sont nombreux à bord – pour l’entendre au piano. Il n’aime pas se mettre en avant, enregistre peu, ce qui rend sa musique infiniment précieuse. Une grande tendresse habite ses notes frissonnantes d’émotion. Le quartier-maître Le Baraillec habite corps et âme le grand navire du jazz qu’il conduit vers des terres propices à des harmonies heureuses. Grâce à lui des standards ont encore des richesses à dévoiler, des notes rêveuses à chanter. Exposé par un toucher d’une finesse peu commune, Nardis baigne dans une lumière féérique, se pare d’un limbe de notes lumineuses. Mais voici que sur des arpèges de guitare mises en boucle, Philippe improvise, non sans rechercher des séquences plus abstraites, quelques dissonances pimentant un piano qui n’oublie pas d’être lyrique. Le phrasé serré et précis évoque parfois Lennie Tristano, mais de ces cascades de notes jouées avec une rigueur contrapuntique jaillit une musique infiniment tendre que calme un doux et pudique balancement. Le piano navigue parfois avec une guitare fantôme, mais un seul accord peut suffire à installer un climat féérique, la musique profitant d’harmonies poétiques dont Philippe a le secret. Joué en solo, Not for Lilian (to Lilian) que renferme “Involved” son dernier disque, est ainsi une invitation au rêve. Comme ses autres compositions parcimonieusement dispersées dans de trop rares albums, le morceau possède un fort pouvoir de séduction. On quitte l'Improviste hanté par ces notes raffinées et sincères qui semblent jaillir du cœur.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 19:27
I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

VENDREDI 14 juin

Troisième opus lyrique de John Adams, “I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky” (“Je regardais le plafond et alors j’ai vu le ciel”) est davantage un « songplay », une « pièce en chansons » qu’un opéra. Seul le long et complexe Duet in the Middle of Terrible Duress peut s’y apparenter. En l’absence de dialogues parlés pour aider à comprendre l’argument, on découvre l’intrigue à travers les chansons elles-mêmes. Le tremblement de terre qui dévasta une partie de la zone nord de Los Angeles en 1994 inspira l’œuvre qui fut composée et créé l’année suivante dans une mise en scène de Peter Sellars.

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

Dix-huit ans après la première parisienne de 1995 à la MC93 de Bobigny, le théâtre du Châtelet la reprend dans une nouvelle mise en scène confiée à Giorgio Barberio Corsetti. Avec le scénographe Massimo Troncanetti, ce dernier installe quatre chanteurs et trois chanteuses sur une scène qu’occupent quatre tours roulantes de différentes tailles. Fréquemment déplacées et différemment assemblées, elles constituent un hôpital, une église, un tribunal, une prison ou des immeubles de quartier. Sur les murs, ses autres collaborateurs Igor Renzetti et Lorenzo Bruno projettent des couleurs et animent des images, font naître des personnages virtuels qui accompagnent l’action.

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

Dû à la poétesse d’origine jamaïcaine June Jordan, le livret met en scène sept personnages aux origines ethniques et sociales diversifiés censés représenter la diversité de la Californie et le futur schéma démographique des Etats-Unis. Dewain (Carlton Ford), un délinquant noir, David (Joel O’Cangha), pasteur d’une église baptiste de quartier, Consuelo (Hlengiwe Mkhwanazi), réfugiée politique salvadorienne sans papiers, Rick (Jonathan Tan), avocat d’origine vietnamienne dont les parents sont d’anciens « boat people », Mike (John Brancy), policier blanc qui refoule son homosexualité, Tiffany (Wallis Giunta), présentatrice d’émission de télévision et Leila (Janinah Burnett), employée d’un centre de planning familial dont la tâche principale est de recommander la contraception dans les rapports sexuels.

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

Fracture rédemptrice non exempte de drames, le tremblement de terre qui intervient au second acte les révèlera à eux-mêmes. Bénéficiant des lumières de Marco Giusti, sa théâtralisation est impressionnante. “I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky” se conclue sur des images de ciel et de nuages d’une beauté indicible. Pendant deux heures, la musique étonne, transporte, bouleverse. Comment ne pas être touché par Consuelo rêvant de vivre en paix et en sécurité avec ses enfants dans Consuelo’s Dream ? Comment ne pas être séduit par la beauté mélodique de Dewain’s Song, une ballade aux paroles émouvantes ?

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

John Adams est un musicien dont il apparaît difficile de classifier le travail. Beaucoup plus variée que celle de Steve Reich et de Philip Glass, dont les noms restent comme le sien associés à la musique minimaliste, son œuvre dont l’harmonie et le rythme furent longtemps les forces motrices se déploie aujourd’hui dans de multiples directions. Ses partitions dévoilent des lignes mélodiques lyriques et sensibles, de larges espaces acoustiques. Dans l’ouvrage qu’il consacre au compositeur chez Actes Sud, et à propos de “The Death of Klinghoffer”, le second opéra d’Adams, Renaud Machart relève « les qualités d’une écriture très fouillée où les mouvements des voix sont régis par un savant travail contrapuntique ».

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

Construite sur la répétition de brefs motifs répétitifs évoluant au sein d’un langage harmonique tonal associé à une pulsation rythmique régulière, la musique minimaliste n’est pas absente de “I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky”. Son prologue instrumental est même un hommage appuyé au genre dont le flux rythmique incessant traverse la partition.

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

Lorsqu’il entreprit de l’écrire, Adams ne cache pas avoir eu en tête “West Side Story” de Leonard Bernstein et “Porgy and Bess” de George Gershwin, des œuvres relevant de cette forme de théâtre musical américain auquel appartient le « musical ».

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

À ces modèles incontournables mais quelque peu lointains, s’ajoutent de nombreuses musiques populaires que le compositeur, né en 1947, écouta dans sa jeunesse, sa musique raffinée et savante s’ouvrant à divers métissages. Soul music (A Sermon on Romance), musique latine (Esté País) rock (Mike’s Song), jazz (Tiffany’s Solo), mais aussi blues et gospel nourrissent ses chansons, les personnages imaginés par June Jordan favorisant cette profusion de styles. Comme interprètes, John Adams a choisi des chanteurs et chanteuses d’opéra, ce qui renforce l’étrangeté de ces musiques généralement confiées à d’autres voix. Ouvertes à une large diversité de rythmes, ses chansons relèvent parfois de plusieurs genres, comme si le compositeur refusait de leur voir apposer des étiquettes trop précises.

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

Leur instrumentation pour le moins singulière renforce leur l’aspect déroutant. Totalement privés de cordes, les vingt-trois numéros de la partition réunissent selon leurs besoins clarinette basse ou clarinette (Franck Scalisi), saxophone alto ou ténor (Clément Himbert), deux claviers synthétiseurs (Claude Collet et Martin Surot remplacé par Christelle Séry les 14 et 17 juin), un piano (Paul Lay), une guitare acoustique ou électrique (Jean-Marc Zvellen-Reuther), une contrebasse ou une basse électrique (Valérie Picard), et une batterie acoustique ou MIDI (Philippe Maniez). Donc rien de classique dans cet ouvrage scénique aux mélodies séduisantes. Bien qu’écrite – Alexander Briger dirige l’orchestre –, la musique laisse des espaces de liberté aux huit musiciens qui pour la plupart jouent aussi bien du jazz que le répertoire classique. Ils peuvent même improviser sur certaines mesures précises de certains morceaux. Tiffany’s Solo en est un bon exemple. De même que Dewain’s Song of Liberation and Surprise. Sa mélodie accrocheuse se voit développer par un solo de saxophone comme dans un orchestre de jazz.

I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky

John Adams rêvait de voir jouer sa « comédie musicale » à Broadway. Elle fut donnée une cinquantaine de fois à Berkeley, Montréal, New York, Édimbourg, Helsinki, Paris, Hambourg, mais la complexité rythmique et harmonique de l’œuvre et une intrigue se situant dans les milieux défavorisés de Los Angeles la rendent impossible à monter sur une scène de Broadway. Le théâtre du Châtelet la reprend aujourd’hui. Dernière représentation le mercredi 19 juin (20h00). Ne la manquez surtout pas.

Il existe deux versions de “I Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky”. On recherchera celle que dirige le compositeur, un disque Nonesuch de 1996. “The John Adams Earbox (coffret de 10 CD(s) en contient de larges extraits. Confié à Klaus Simon qu’entoure The Band of Holst-Sinfonietta, celle qu’a publié Naxos en 2006 reste plus facilement disponible.

PHOTOS : © Marie-Noëlle Robert / Théâtre du Châtelet, sauf John Adams © Margaretta Mitchell

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20 mai 2013 1 20 /05 /mai /2013 09:05
Nuit tropicale

Il peut faire très chaud à Paris lorsque, cuivrée par le soleil, la musique rythme des mélodies, lui donne des effluves tropicales. Fêtant la parution de son nouveau disque par un concert au Châtelet, Chucho Valdés et sa formation knock-outèrent le mauvais temps pour quelques heures, leur maelström de vibrations colorées et joyeuses plongeant le baromètre dans l’affolement d’une ivresse éthylique.

 

LUNDI 6 mai

Dans un théâtre du Châtelet archi plein et à la tête de ses Afro-cuban Messengers, formation dont le nom évoque bien sûr les défunts Jazz Messengers d’Art Blakey – que, curieusement, personne n’a encore songé à remettre sur pied à des fins mercantiles – Chucho Valdés présentait le répertoire de “Border Free”, son nouvel opus. Sur sa pochette sépia, il apparaît en chef indien, coiffé d’une parure de plumes du plus bel effet. Chucho créa naguère Irakere, le plus international des orchestres cubains. Loin de rester cantonné dans un style, il aime ouvrir sa musique à d’autres influences.

Nuit tropicale

Afro-Comanche, un des morceaux du nouvel album, est ainsi dédié aux descendants des Comanches qui, déportés à Cuba au cours du XIXe, y fondèrent des familles. Introduit par un piano nerveux et orchestral, le tempo rapide met en valeur la section rythmique, un batteur solide (Rodney Barreto Illarza) et deux percussionnistes, Yaroldy Abreu Robles aux congas et Dreiser Durruthy Bombalé aux tambour batá, mais aussi à la clave. Bâtonnets cylindriques en bois très dur que l’on frappe l’un contre l’autre, ils produisent une phrase rythmique également baptisée clave, 5 notes divisée en deux mesures et jouée en 3/2 ou en 2/3 qui marquent le temps de la musique cubaine.

Nuit tropicale

Cette clave, Chucho n’hésite pas à en assouplir le rythme. Il recherche une plus grande liberté rythmique, mélange mesures paires et impaires dans des compositions aux couleurs féériques. Pour Afro-Comanche, il souhaitait des flûtistes, de vrais indiens comanches. Ne pouvant en disposer, il préféra l’enregistrer avec sa seule section rythmique. Après l’impressionnant solo d’une contrebasse chantante, celle de Gastón Joya titulaire de l’instrument, Chucho se lance dans une fugue de Bach inattendue. Il n’ignore pas l’influence de la musique classique européenne sur la musique cubaine, cite souvent Debussy et Ravel.

Nuit tropicale

Dans Tabú, un thème écrit par Margarita Lecuona, sœur d’Ernesto Lecuona (1895-1963), pianiste et compositeur de La Comparsa souvent reprise par Valdés, une petite section de cuivres comprenant Reinaldo Melián Alvarez à la trompette et deux invités, Irving Acao (saxophone ténor) et Roy Hargrove (bugle et trompette), occupent la scène. Irving impressionne au ténor. Utilisant une sourdine, Roy subjugue le public par l’élégance de son style, la pureté de ses notes. La pièce se termine sur une improvisation collective très applaudie. La sono laisse pourtant à désirer. Alors que le théâtre du Châtelet est réputé pour sa bonne acoustique, un son trop sourd sort des haut-parleurs.

Nuit tropicale

Autre grand moment, Bebo, pièce au thème limpide et tendre écrit pour son père récemment disparu. Par un long et éblouissant chorus, Chucho en hisse la musique au sommet. Composé à l’occasion du carnaval de Las Palmas, Santa Cruz accueille la chanteuse de flamenco Buika, dont la voix particulière, proche du cri et de la transe, a du mal à passer. Je préfère celles des musiciens de l’orchestre qui se répondent, alternance d’un soliste et d’un chœur au rythme de tambours hypnotiques. Son incursion vers la musique arabo-andalouse avec la présence sur scène d’un chanteur surprise ne fut pas non plus très convaincante.

Nuit tropicale

LE DISQUE :

“Border-Free” (Jazz Village / Harmonia Mundi)

Nuit tropicale

Enregistré à La Havane et à Malaga avec les musiciens présents au Châtelet et un seul invité, Branford Marsalis, il mêle toutes sortes de musiques, l’afro-cubaine se voyant ainsi autrement métissée. Certains genres musicaux sont mieux intégrés que d’autres, mais Chucho invente, expérimente. Il repense les rythmes de la clave, joue un merveilleux piano orchestral aux notes chaudes et ruisselantes. Trompette et saxophone ajoutent de la couleur, se livrent avec les tambours de l’orchestre à de passionnantes improvisations collectives, la rythmique tournant à plein régime, comme un guéridon visité par des esprits. Branford Marsalis étonne au saxophone ténor dans Tabú et Bebo, mais déconcerte dans Abdel, une pièce moins heureuse qu’il arabise au soprano. “Border-Free” est aussi un hommage à ses parents et à ses maîtres qui forgèrent sa musique. Il s’ouvre avec Congadanza, un hommage à María Cervantes, la fille d’Ignacio Cervantes (1847-1905), créateur de nombreuses danzas pour piano. Certaines d’entre-elles doivent beaucoup à Chopin. Caridad Amaro, prénom de la grand-mère de Chucho contient un passage célèbre du concerto de piano de Rachmaninov qu’elle aimait écouter. Pilar porte le nom de sa mère. Elle appréciait Bach, mais aussi Blue In Green. Le morceau y fait référence. Bebo, son père, son premier professeur, lui inspire un thème magnifique. Il mérite à lui seul d'acquérir cet l'album.

Photos concert © Pierre de Chocqueuse

 

DERNIÈRE MINUTE :

Nuit tropicale

Ne manquez pas les concerts que donneront les 31 mai et 3 juin prochains dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, 47 rue des Écoles, 75005 Paris (20h00), le sextette de Stéphane Guillaume dans une relecture de “Cityscape”, concerto pour saxophone ténor et orchestre symphonique écrit par Claus Ogerman pour Michael Brecker qui l’enregistra en 1982. “L'Attente” (“Waiting for an Answer”), une commande pour chœur et piano passée à Carine Bonnefoy avec Hervé Sellin au piano, mais aussi les Chichester Psalms et les Danses Symphoniques de West Side Story de Leonard Bernstein complèteront le programme. Les mêmes jours à 18h, Laurent Cugny, désormais responsable du Chœur et Orchestre Sorbonne Universités, donnera une conférence sur l’improvisation et l’écriture, sujets passionnants pour tous les mélomanes.

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24 avril 2013 3 24 /04 /avril /2013 09:22
Bandes-son aux noirs très contrastés

VENDREDI 12 avril

Invité à se produire en solo sur la péniche l’Improviste à l’occasion de la première édition du Festival International du Jazz au Cinéma, Stephan Oliva féru de 7ème Art, ne pouvait manquer l’occasion de faire entendre les nombreuses musiques de film que son piano, comme lui imbibé d’images, aime reprendre. Il y ajoute ses propres visions, laisse autant parler sa mémoire que son imagination. De courts passages illustratifs l’inspirent parfois autant que les thèmes principaux des films qu’il a vus plusieurs fois pour en relever les musiques. Les partitions posées sur le piano ne sont que des pense-bêtes, des repères, son travail relevant beaucoup de l’improvisation. Stephan coupe, modifie, effectue un remontage des séquences musicales qu’il reprend. De nouvelles images surgissent, complètent celles qui nous sont familières. Portée par les seules notes du piano, la scène de la douche dans “Psychose” s’allonge, repasse différente sur l’écran de nos yeux qui écoutent. L’oreille imagine et voit ce que Hitch s’est refusé à montrer. Un agencement de notes graves puissamment martelées nous restitue l’horreur de la scène.

Bandes-son aux noirs très contrastés

Confiées à son instrument qu’il fait sonner comme un orchestre, débarrassées des orchestrations qui permettent de trop les dater, les musiques inventées par Miklos Rozsa, David Raksin ou Bernard Herrmann se révèlent comme des créations nouvelles. Stephan a enregistré un disque entier des œuvres de ce dernier. Les plus obsédantes illustrent des films noirs, genre que Stephan affectionne et dont il a consacré un album.

Psychose”, Vertigo”, mais aussi “Taxi Driver” dont il nous offrit une version crépusculaire furent au programme de ce concert. Un accord d’une rare noirceur dont la pédale forte prolonge la résonnance introduit “Citizen Kane” et les dissonances de “La soif du mal” nous plongent au cœur même de la nuit.

Bandes-son aux noirs très contrastés

Le noir reste la couleur dominante de son piano, mais les sombres accords qu’il plaque portent une large nuance de tons, de gris, de pigments divers dont il mélange les notes pour nous faire entendre des ombres plus claires. Le noir tend vers le blanc, vers la lumière que son jeu crépusculaire fait d’autant mieux ressortir. Les tendres mélodies qu’il fait surgir sont les phares qui trouent l’obscurité et écartent la peur que provoque la profondeur abyssale de ses basses.

Vertigo” contient de délicieux passages romantiques. “Le Privé” aussi. Rythmées par un léger zéphyr, leurs notes respirent et frémissent. On fait de même, heureux de profiter de ces bouffées d’air tiède. Le noir et blanc se fait couleur dans “Les liens du Sang”, un polar de Jacques Maillot dont Stephan a composé la musique. Il la discipline autrement, l’éclaire avec les notes d’un thème admirable fixées sur la toile qu’il tend devant nos yeux.

Les bandes-son des films de Jean-Luc Godard occupèrent tout le second set. Stephan en a récemment visionné les œuvres pour les besoins de son prochain album. Produit par Philippe Ghielmetti, enregistré en mars dernier à La Buissonne, “Vaguement Godard” sortira en septembre. Parfois associées à de simples fragments de thèmes - ceux composés par Michel Legrand pour les douze tableaux qui séquencent “Vivre sa vie” - , les images du cinéaste se bousculent sous les doigts du pianiste. “Pierrot le fou” reste étroitement lié à la répétition de Ferdinand, véritable leitmotiv de cette partition d’Antoine Duhamel.

Bandes-son aux noirs très contrastés

Composé par Paul Misraki, “Alphaville” donne à Stephan l’occasion de « peindre au bitume » le froid béton des années 60. Au sein de dissonances et de clusters surgit une petite mélodie qui charme et pétille, fil conducteur orientant le très désorienté Eddie Constantine alias Lemmy Caution dans sa mission de sauvetage et de destruction.

Trois mesures d’As Tears Go By, un thème des Rolling Stones que chante a capella Marianne Faithfull dans “Made in USA”, inspirent Stephan qui improvisa aussi sur deux phrases très monkiennes d’“A Bout de Souffle” imaginées par Martial Solal.

« La guerre, c'est simple : c'est faire entrer un morceau de fer dans un morceau de chair », entend-on dans “For Ever Mozart” réalisé par Godard en 1996. “Les Carabiniers” et “Ombres et Lumières” traitent aussi de la guerre. Stephan mêle leurs musiques, fait jaillir la lumière du noir même de la nuit.

Bandes-son aux noirs très contrastés

Le Mépris” enfin, le plus beau score de Georges Delerue qui comprend l’inoubliable thème de Camille. Stephan le reprend dans “Jazz’n (e)motion”, un disque de 1997 qu’a produit Jean-Jacques Pussiau. Ses premières versions de “Touch of Evil” (“La Soif du mal”) et de “Vertigo” (“Sueurs froides”) y figurent.

La musique du “Mépris” est solaire, comme l’île de Capri où furent tournées de nombreuses scènes du film. Même abordées dans les graves, les mélodies virevoltent et décollent. Leurs notes possèdent des ailes. Avec les magnifiques images de Raoul Coutard, elles comblent les temps morts du film, compensent la minceur du scénario et lui donnent sa dimension onirique. Stephan Oliva joue Godard et la musique de son disque nous fait déjà rêver.

Bandes-son aux noirs très contrastés

Photos de Stephan Oliva © Pierre de Chocqueuse - Photos du tournage d'Alphaville © X/DR.

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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 08:45

Youn-Sun-Nah-c-PdC.jpegMars, le mois de la femme, celui des chanteuses qui émeuvent et mettent du baume au cœur. Grâce à elles, l'hiver vit ses derniers jours. Leurs voix printanières de sirènes et de miel charment le blogueur de Choc qui leur consacre prose et photos. Quelques jazzmen aussi interpellent, Jeff Hamilton, le maestro Pieranunzi. Mais aussi cette vente à Drouot, un succès dont je transmets quelques enchères.

 

DIMANCHE 10 mars

S.-Bartilla---S.-Gourley.jpegComme Marlène Dietrich qu’elle admire, Susanna Bartilla est née à Berlin. Devenue américaine en 1937, la muse de Joseph von Sternberg entreprit une carrière de chanteuse qui la propulsa dans les années 60 sur les scènes du monde entier. Celle plus modeste de Susanna la conduit au Sunside pour le bonheur de nos oreilles. Je retrouve Marlène dans sa voix grave un peu rauque et au fort vibrato, dans sa façon d’introduire I Can’t Give You Anything But Love. Car Susanna ne chante pas Ich bin von Kopf bis Fuß auf Liebe eingestellt (Je suis faite pour l'amour de la tête aux pieds), l’immortelle chanson de “L’Ange Bleu, mais le répertoire de Peggy Lee et des compositions dont Johnny Mercer écrivit les paroles et parfois les musiques. Elle ne bénéficie pas comme Marlène des arrangements de Burt Bacharach, mais possède un groupe d’excellents musiciens qui prennent plaisir à l’accompagner, à habiller son chant d’un écrin de notes colorées et soyeuses. Il est dix heures du soir dans un Sunside en fête. Alain Jean-Marie imperturbable et égal à lui-même ornemente au piano. Sean Gourley à la guitare égraine les notes de Why Don’t You Do Right et du grandiose Johnny Guitar. Avec elle, il chante aussi I Don’t Know Enough About You. Claude Mouton à la contrebasse et Kenny Martin, un batteur berlinois, assurent la rythmique. Vous l’avez sans doute compris, le tour de chant de Susanna Bartilla comprend la plupart des morceaux de “I Love Lee, son dernier disque. Je l’écoute en boucle au moment d’écrire ces lignes. Sans m’en lasser car il m’enchante.      

   

MARDI 19 mars

L.-Tavano---A.-Asantcheeff-c-PdC.jpegLou Tavano au Sunside. Son premier disque autoproduit m’a réellement intrigué. On y entend une chanteuse qui s’accommode fort bien des sauts d’octaves, des difficultés techniques. On y découvre un pianiste qui déroule à ses pieds un tapis d’harmonies finement brodées. Alexey Asantcheeff est aussi l’arrangeur de cet album en quartette. Six plages enregistrées en studio, une septième en club, une version bouleversante de I Loves You Porgy. Cette voix, ce piano se parent de nouvelles couleurs, celles de la trompette d'Arno de Casanove, du saxophone ténor, de la flûte et de la clarinette basse de Maxime Berton. Les arrangements d’Alexey surprennent par leur modernité respectueuse. Monk’s Dream, Little Niles héritent de sonorités nouvelles. La voix virevolte, survole, s’impose. Le pianiste possède un beau toucher, joue le silence entre des notes qu’il peut aussi soulever par vagues. En duo avec Lou, The Peacocks devient échange intime, complicité amoureuse. Superbement chanté What’s Going On fait naître  de grands sourires sur des visages heureux. On fond à l’écoute de Petite Pomme, une pièce romantique et douce écrite par Alexey pour sa grand-mère. Quelle foule ! Le Sunside est une vraie fourmilière. On se fraye difficilement un passage pour gagner la sortie, la musique plein le cœur.

 

VENDREDI 22 mars

Collection Pierre MondyBeaucoup de monde pour assister Hôtel Drouot à la vente des disques de Pierre Mondy (Ferri & Associés). Les amateurs de jazz s’y étaient donnés rendez-vous avec pour conséquences des estimations souvent doublées, voire triplées et un montant total des enchères approchant 90.000€. Des afficionados se disputèrent jusqu’à 1.000€ un lot de 17 disques de blues et de rhythm’n’blues. Il fallait monter à 1.100€ pour acquérir l’édition originale de “Bass on Top” de Paul Chambers, disque du label Blue Note en édition originale estimé entre 200 et 400€. Reproduit en couverture du catalogue, le Sonny Clark, un autre Blue Note, atteignait 1.300€ et un lot comprenant 24 albums de ce même label partait à 2.400€. La guitare inspira également les acheteurs qui déboursèrent 1.150€ pour un lot de 37 disques consacrés à l’instrument. Wes Montgomery fit un tabac avec une enchère de 1.200€ pour une réunion de trente-six de ses albums. Côté piano, notons les 700€ obtenus par un lot de 19 disques de Bill Evans. Les coffrets Mosaïc furent également disputés. Il fallait proposer 1.000€ pour partir avec l’intégrale du label Commodore, soit avec trois coffrets renfermant 66 vinyles, et 880€ pour “The Complete Capitol Recordings of the Nat King Cole Trio”, un coffret de 18 CD. Les Compact Discs triplèrent parfois leurs estimations grâce aux nombreux disques du catalogue Chronological Classics que les lots renfermaient. Estimé entre 250 et 450€, un lot de 250 CD fut dispersé à 1.100,00€. En sus du montant de son enchère, tout acquéreur se devait acquitter 25,12% de frais (taxes comprises). De jolies sommes pour des disques qui font toujours rêver.

 

Jeff-Hamilton-Trio-c-Philippe-Marchin.JPGEn soirée, le Jeff Hamilton Trio au Duc des Lombards. Solide batteur d’orchestre – le big band qu’il co-dirige avec John Clayton a souvent accompagné Diana KrallJeff Hamilton possède un trio qu’il peut conduire plus facilement dans les clubs de la planète jazz. Son pianiste Tamir Hendelman est aussi l’arrangeur de son grand orchestre. Inventif et subtil, il démontra son savoir faire dans des arrangements inventifs de Lullaby of the Leaves et de Yesterdays, un thème de Jerome Kern abordé sur un tempo rapide. Jeff y brilla aux balais. Avec lui, la batterie devient un instrument qui porte le swing, le fait tourner avec la précision d’une montre suisse. Il dose parfaitement son drumming, ne couvre jamais ses partenaires. Autre garant du rythme, Christoph Ludy fait ronronner sa contrebasse et utilise son archet pour introduire son propre arrangement de Blues in the Night, un thème d’Harold Arlen. Une version lente et finement colorée de Polka, Dots and Moonbeams, un thème de Jimmy Van Heusen que Bill Evans affectionnait, acheva de convaincre un public enthousiaste.

 

SAMEDI 23 mars

Enrico-Pieranunzi-c-PdC-copie-1.jpegEnrico Pieranunzi de retour à Roland Garros à la tête d’un trio comprenant André Ceccarelli et Hein van de Geyn. Il aime jouer avec eux, prendre des risques, inventer et séduire. Avec André Ceccarelli derrière une batterie, il est sûr d’une présence rythmique réceptive. Dédé suit sans peine ce piano rubato qui change de route et de tempo, cultive avec humour l’inattendu. Hein est lui aussi un vieux compagnon du pianiste. Sa contrebasse a souvent chanté au diapason de son piano. Longtemps professeur au Conservatoire Royal de La Haye, il vit en Afrique du Sud depuis 2010, a d’autres activités que musicales et pratique moins son instrument. Le trio venait de donner un concert à Genève, mais Hein eut parfois du mal à nourrir une musique très libre mais d’une grande exigence. Fairplay, Enrico lui aménagea de longues plages pour lui permettre de s’exprimer en solo. Il y eut certes des échanges magiques, mais aussi quelques longueurs, des moments de moindre tension. I Hear a Rhapsody et Footprints furent les moments forts d’un premier set incluant aussi un long morceau totalement improvisé. Plus fluide, le second dévoila un nouvel arrangement de Nefertiti, un thème de Wayne Shorter qu’Enrico a plusieurs fois enregistré. Une adaptation funky d’une composition de Johnny Mandel, Theme from M.A.S.H et un Someday My Prince Will Come brillantissime en rappel optimisèrent cette belle soirée.

 

LUNDI 25 mars

Youn Sun Nah a © PdCYoun Sun Nah dans un théâtre du Châtelet archi-plein pour le concert de sortie de “Lento”, son nouvel album. Très varié, excellemment enregistré et produit, il s’adresse à un public beaucoup plus large que celui du jazz et séduit de nombreux mélomanes. Difficile de résister à cette voix de soprano très pure qui met tant de passion et de sincérité dans ses chansons. Aussi bon soit-il, son dernier disque ne reflète pas l’immense talent de la chanteuse coréenne. Il faut la voir, l’écouter sur une scène. Menue, elle semble fragile, comme une poupée de porcelaine. Sa timidité est un atout. Elle semble presque gênée de déplacer un si grand nombre de gens à ses concerts. Elle murmure un simple bonsoir du bout des lèvres lorsque s’achève My Favorite Things, premier morceau de son tour de chant qu’elle débute seule avec un piano à pouces comme instrument. Ses musiciens vont alors la rejoindre, à commencer par Ulf Wakenius son guitariste. C’est avec lui qu’elle prend le plus de risques. Difficiles à chanter, d’une grande complexité rythmique, ses staccatos demandent une maîtrise vocale exceptionnelle. Breakfast in Bagdad et Momento Magico exigent de sa part des onomatopées d’une grande précision Y.-Sun-Nah---U.-Wakenius-c-PdC.jpegrythmique et mélodique. Très concentrée, Youn Sun Nah utilise aussi son corps pour s’unir à la musique. Elle la sent jaillir en elle comme si l’inconscient parlait au conscient, l’artiste exprimant son vrai moi, l’authenticité de sa propre nature. Avec Ulf, elle explore le registre grave d’une voix naturellement douce qui s’étonne d’être applaudie. Sa tessiture impressionnante (au moins deux octaves et demie) lui permet de pousser dans les aigus les rugissements du tigre. Son répertoire, essentiellement celui de “Lento”, inclut plusieurs titres de “Same Girl”, son disque précédent. Outre Ulf Wakenius, ses musiciens – Vincent Peirani (accordéon), Lars Danielsson (contrebasse et violoncelle) et Xavier Desandre-Navarre (percussions) – improvisent discrètement, assurent à sa voix un accompagnement minimaliste, la portent sans jamais la couvrir. En duo avec Ulf, son premier rappel, une reprise d’Avec le temps de Léo Ferré, reste pour moi inoubliable. Youn le chanta avec un phrasé parfait, une émotion palpable. J’ai vu ce soir-là virevolter des anges dans un Châtelet silencieux qui retenait ses larmes.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse, sauf celle du Jeff Hamilton Trio © Philippe Marchin que je remercie ici.  

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26 février 2013 2 26 /02 /février /2013 13:24

S.-Shehan-Hands-c-PdC.jpegMalgré le froid et la neige, le blogueur de Choc emmitouflé dans un épais manteau de laine arpente les clubs et les salles de concert de la capitale pour vous rendre compte de la pluralité des jazz que l'on peut y entendre. Musiciens  ou groupes y travaillent sans filet. Les fausses notes y sont tolérées. Le critique se fait tolérant. Surtout l’hiver. Il y fait chaud. On s’y attarde, bien à l’abri du temps de chien qui règne dehors, les oreilles remplies de musiques que l’on connaît par les disques, des thèmes sur lesquels se greffent des improvisations aussi excitantes que nouvelles, un même morceau pouvant servir de support à des milliers d'autres dans un club de jazz, lieu oh combien propice à d'inoubliables et éphémères créations.  

 

SAMEDI 2 février

The Hadouk Trio © PdCRetrouver le Hadouk Trio dans une salle parisienne, fusse t’elle la Salle Gaveau dont le décor convient mal à sa musique métissée et planante, c’est passer un bon moment avec des musiciens qui ont l’habitude de jouer et de partager leurs créations ensemble. Le groupe existe depuis une dizaine d’années et s’est constitué un vaste répertoire dont il reprend sur scène les pièces les plus attractives : Baldamore, Train Bleu des Savanes, Dragon de Lune, Barca Solaris, mais aussi Lomsha, Babbalanja et Soft Landing, trois morceaux de “Air Hadouk” un disque de 2009, le plus récent du trio dont un nouvel album est attendu pour la fin de l’année. Une grande variété de timbres résulte du mariage des instruments de nombreux continents que pratiquent nos trois musiciens. Loy Ehrlich assure Steve-Shehan-c-PdC.jpegau hajouj, basse à trois cordes des gnawas, tout en prenant soin des claviers. Le kit de batterie de Steve Shehan est un étrange bric-à-brac de percussions d’origines diverses. Steve utilise une étrange pédale charleston dont on aimerait connaître le mécanisme. Il joue souvent avec les mains, ses doigts agiles se faisant miel au contact du hang, sphère métallique dont les sonorités évoquent le steel drum de Trinidad et le métallophone balinais. Didier Malherbe, le troisième homme, excelle au doudouk, sorte d’hautbois arménien fabriqué dans un bois d’abricotier, et apporte à la musique une saveur sonore aussi fruitée que délectable.   

 

MARDI 12 février

Ronin-Live-c-PdC.jpegPar manque de couverture médiatique, l’existence de Ronin reste aussi confidentielle que les contenus des coffres de son pays d’origine. Sa musique constitue pourtant un trésor inestimable qui ne demande qu’à se faire connaître de tous. Bien que complets les deux soirs, les deux concerts que Ronin donna au Centre Culturel Suisse de Paris ne permirent qu’à un petit nombre de parisiens avertis de découvrir un groupe possédant de précieux atouts pour séduire un public Nik-Bartsch-c-PdC.jpegautrement plus large que celui du jazz. L’élément le plus important dont dispose le quintette zurichois – réduit à un quartette pour ces concerts parisiens – est probablement le groove, une pulsation irrésistible qui porte et soulève la musique. Constamment sous-tension, cette dernière repose sur de savantes métriques répétitives, des rythmes pairs et impairs souvent entremêlés au sein de modules non dénués de perspectives mélodiques. Peu éclairée par des spots dont jaillissent parfois des lumières blanches aveuglantes, la formation joue une musique architecturée qui nécessite une mise en place chirurgicale. Au claviers (acoustiques et électriques), Nik Bärtsch contrôle le flux rythmique qui, malgré l’absence des percussions d’Andi Pupato, bénéficie de l’efficacité redoutable de Kaspar Rast son batteur. Sha joue surtout de la clarinette basse (il pratique aussi le saxophone alto). Enfin,  Thomy Jordi, le nouveau bassiste, tient un rôle essentiel dans cette musique hypnotique jouée en temps réel sans overdubs et boucles préenregistrées.

 

MERCREDI 13 février

Eliane-Elias-c-PdC.jpegLe New Morning accueillait Eliane Elias et Marc Johnson en trio avec Joe La Barbera. Une affiche alléchante car Marc et Joe furent tous deux membres du dernier trio de Bill Evans, à la fin des années 70. Ce sont eux qui accompagnent le pianiste à l’Espace Cardin le 26 novembre 1979, concerts publiés sous le nom de “The Paris Concert, Edition One & Two” et qui comptent parmi les plus beaux disques de cette époque. Eliane et Marc ont rendu hommage à Evans en 2008 dans “Something for You”, un disque en trio avec Joey Baron à la batterie dans lequel Joe La Barbera © PdCla pianiste se fait également chanteuse. Elle possède une voix agréable et ses reprises en portugais (sa langue maternelle) lui ont valu une renommée auprès d’un public plus large que celui du jazz. Les albums qu’elle publie depuis quelques années pour Blue Note accordent une place prépondérante à son chant. C’est pourtant la pianiste qui impressionne l’amateur de jazz. Publié l’an dernier sous les noms de Marc Johnson & Eliane Elias, “Swept Away” (ECM) met en valeur les couleurs de son piano, ses phrases qui n’ignorent rien du blues. De longues études de piano classique lui ont apporté un bagage harmonique appréciable et elle sait habiller un thème, lui donner poids et relief. Marc-Johnson-c-PdC.jpegSon concert parisien fut toutefois une déception. Tendue, trop nerveuse, la belle Eliane ne parvint pas ce soir là à faire respirer sa musique, à huiler par l’émotion un jeu trop mécanique malgré la paire rythmique Johnson / La Barbera à ses côtés, ce dernier assurant un soft drumming d’une rare délicatesse aux balais. Les meilleurs moments furent la fin du second set et les quelques morceaux d’Antonio Carlos Jobim et de Gilberto Gil qu’elle chanta. Puisse-t-elle nous revenir en meilleure forme pour nous faire entendre son vrai piano.

 

VENDREDI 15 février

Baptiste-Herbin-a-c-PdC.jpegLe New Blood Quartet, nouvelle formation d’Aldo Romano mit le feu au Sunside à travers la musique de “The Connection, une pièce de théâtre de Jack Gelber créée en 1959, mais aussi un disque du pianiste Freddie Redd enregistré pour Blue Note en février 1960 avec Jackie McLean au saxophone alto. La pièce bénéficia d’une version française l’année suivante. Aldo interprétait un batteur portoricain déjanté. Il jouait aussi au sein du quartette de McLean au Chat qui Pêche. Pour rejouer cette musique qui l’obsédait depuis des années, il lui fallait un altiste capable de souffler l’énergie du hard bop, d’en connaître parfaitement le vocabulaire. Sa découverte de Baptiste Herbin fut l’étincelle qui donna jour au projet, le sang neuf qui lui permet de le mener à bien. Baptiste se révèle étonnant dans ce répertoire aux tempos acrobatiques. Aldo Romano © PdCPendant quelques heures, le public du Sunside se vit plonger dans l’âge d’or que connut le jazz entre 1955 et 1965, décade prodigieuse dont les chefs-d’œuvre se ramassaient à la pelle. Complétant idéalement la formation, le jeune pianiste Alessandro Lanzoni montra également un savoir-faire impressionnant au piano et Michel Benita tout sourire faisait chanter à sa contrebasse les notes d’un plaisir non dissimulé de jouer pareille musique.

 

Fabien Mary © PdCAu Sous-sol, le Sunset accueillait le même soir l’excellent trompettiste Fabien Mary qui confirma son attachement aux traditions du jazz dans un récital en quartette faisant une large place aux standards, un répertoire souvent associé à des trompettistes, à Kenny Dorham, Dizzy Gillespie qu’il se plaît à reprendre. Fabien n’oublie jamais de swinguer. Ses improvisations mélodiques sont toujours portées par des rythmes aussi légers qu’efficaces, la section rythmique comprenant Fabien Marcoz (contrebasse) et Pete Van Nostrand (batterie). Bien que jouant sur un piano droit, Steve Ash nous régala par les accords d’un jeu mobile et souple et improvisa brillamment nous offrant une large palette de couleurs inattendues.

 

LUNDI 18 février

Ignasi-Terraza-c-PdC.jpegSous-médiatisé, ne bénéficiant pas de tourneur, ses disques ne possédant pas de distribution régulière, le pianiste Ignasi Terraza reste quasiment inconnu des amateurs de jazz français. Il entreprit de sérieuses études classiques avant de se mettre au jazz deux ans plus tard et de donner des concerts dès 18 ans. Depuis, il parcourt le monde. Si les deux Amériques, l’Asie et bien sûr de nombreux pays européens font fête à son piano, la France l’ignore, préfère les stars préfabriqués aux vrais talents. Ignasi Terraza rassure. Il reste attaché à la grammaire, au vocabulaire du jazz et joue un piano en voie de disparition, enseveli par de purs harmonistes qui oublient trop souvent le swing, et l’importance du blues. S’il doit beaucoup aux musiciens Pierre-Boussaguet-c-PdC.jpegqu’il a écoutés et qui l’ont précédé, il s’est forgé un discours personnel, possède une main gauche souple et mobile qui lui permet des improvisations osées aux lignes mélodiques attractives. Il reprend de nombreux standards, les réinvente avec goût, une modernité de bon aloi. Son répertoire comprend également des compositions personnelles, des pièces finement écrites avec de vrais thèmes pour nourrir ses solos. Pierre Boussaguet (contrebasse) et Esteve Pi (batterie) ont enregistré avec lui un album à Bangkok en octobre 2010. C’est ce même trio qui accompagnait Terraza au Duc des Lombards pour en jouer de larges extraits. Oscar’s Will écrit en hommage à Oscar Peterson, Under the Sun un calypso, une Emotional Dance abordée sur un rythme de samba, Les dotze van tocant, un traditionnel catalan et Cançó num.6, une pièce de Federico Mompou, compositeur lui-aussi catalan qu’affectionne les jazzmen, furent les moments forts d’un concert inoubliable.

 

SAMEDI 23 février

B.Mehldau---K.Hays-c-PdC.jpeg

Brad Mehldau et Kevin Hays Salle Pleyel dans un concert de “Modern Music”, pour reprendre titre de l’album que les deux pianistes ont enregistré en octobre 2010. Un disque largement consacré à des œuvres du compositeur Patrick Zimmerli, des pièces écrites nécessitant des partitions, certaines d’entre-elles, proches de la musique répétitive, fonctionnant mieux que d’autres. Je pense à Crazy Quilt, à son thème aérien et mélodique qui ménage de belles séquences aux deux pianistes. Ces derniers jouèrent toutefois bien d’autres morceaux, se livrant à des échanges pianistiques fructueux. Le concert commença par une brillante Brad-Mehldau---Kevin-Hays-c-PdC.jpegimprovisation, Mehldau installant un ostinato rythmique dans les graves, Hays jouant le thème avant d’assurer à son tour la cadence, longues gerbes de notes colorées et fleuries, le discours se faisant capiteux et suave. Nos deux pianistes jouèrent aussi leurs propres compositions, Unrequited (de Brad) et Elegia (de Kevin), toutes deux incluses dans l’album. Exposée par lui-même en solo, celle de Kevin traduit sa connaissance du répertoire classique, son piano baignant dans des harmonies qu’auraient appréciées Gabriel Fauré et Claude Debussy. Si Mehldau introduisit Unrequited, Hays s’en empara et le porta vers la lumière avant que Brad ne lui confère un tempo plus lent et mélancolique. A des échanges intenses succéda la plénitude d’une musique apaisée. Egalement au programme, une poignée de standards dont une relecture de Caravan, tricotage savant de notes serrées générant le swing, un balancement qui sied au jazz, et une reprise émouvante de When I Fall in Love, Brad faisant intensément respirer ses accords, Kevin se glissant sans peine dans le tissu poétique pour achever d’en broder les notes. Les deux hommes ce soir-là se complétaient à merveille.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse

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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 17:10

Fiona-Monbet-c-PdC.jpeg

LA CÉRÉMONIE - Foyer du Châtelet, mardi 15 janvier : l’Académie du Jazz remet ses prix pour l’année 2012. La salle est trop petite pour contenir les invités de cette soirée privée, officiels du ministère de la Culture, responsables de compagnies de disques, attachés de presse, journalistes et amis. Ils sont donc une centaine à suivre la cérémonie sur écran dans l’antichambre du foyer, à papoter aussi. Les gens du métier se retrouvent, discutent, échangent idées et informations. En bon Monsieur Loyal, le président François Lacharme après avoir réglé tous les détails de la cérémonie, assure son bon déroulement, appelle les remettants, convoque sur scène les musiciens primés et leurs orchestres. À la tête de la commission blues et soul, Jacques Perin révèle les noms des élus : Bettye Lavette et Lurrie Bell. Auteur d’un disque de blues acoustique, ce dernier nous a fait parvenir un petit film dans lequel il manifeste sa joie et ses remerciements.

J.-Mettay---F.-Lacharme-c-Ph.-Marchin.jpeg

Comme l’an dernier, le Prix du livre du Jazz revient à un ouvrage des éditions Alter ego : le “Petit Dictionnaire Incomplet des Incompris” d’Alain Gerber. Monté de Céret, petite ville des Pyrénées Orientales et siège de la maison d’édition qu’il dirige, Joël Mettay récupéra le trophée. Exilé à Toulon où il se console par une pratique assidue de la batterie, Alain nous avait fait parvenir un texte très bien lu par Smaïn, un hommage à Jean-Louis Ginibre récemment disparu. « Il est encore plus gratifiant de donner un peu que de beaucoup recevoir. C’est pourquoi, ayant reçu de cette académie plus que je n’aurais osé en espérer, je vais décupler mon plaisir en décernant un prix à mon tour. À titre tout à fait personnel, mais aussi, par malheur, à titre posthume pour ce qui regarde l’heureux lauréat. »

Fiona Monbet © J.M. Legros 

Jeune talent présenté par le Fonds d’Action SACEM associé à cette remise des prix, la violoniste Fiona Monbet interpréta deux morceaux en quartette. Sa bourrée auvergnate (ou irlandaise) fut un peu hors contexte, mais Fiona possède un joli minois et un bon coup d’archet. La sortie de son premier disque est prévue en février. On l’espère réussi, rempli d’un jazz capable de séduire nos oreilles difficiles.  

 

Jordi Pujol (c) © Ph. MarchinJordi Pujol en personne reçut des mains de Jean-Michel Proust le Prix de la meilleure réédition pour l’ensemble des rééditions de son label Fresh Sound, une institution qui s’est enrichie de plusieurs milliers de références depuis sa création à Barcelone en 1983. Jordi évoqua les premiers pas français de son label, sa rencontre avec Vladimir de la FNAC Montparnasse qui l’introduisit auprès de Média 7, son premier distributeur, sa découverte de Crocojazz, magasin qu’occupe depuis des années l’ermite (et aujourd’hui académicien) de la montagne Sainte-Geneviève, Gilles Coquempot, un ami indéfectible.

 

 

Foyer-du-Chatelet-c-Ph.-Marchin.jpeg 

Aaron Diehl, cover (b)Pas de remettant pour le Prix du jazz classique, attribué à “Live at the Players”, un disque d’Aaron Diehl, jeune pianiste talentueux que j’aurais aimé saluer. Aaron a depuis publié un excellent disque en quartette sur le label Mack Avenue : “The Bespoke Man’s Narrative”. Son jazz est moderne, intemporel. Il a travaillé avec Wynton Marsalis, s’est produit avec Benny Golson, et est aussi capable de jouer du bop que de reprendre Scott Joplin et Jelly Roll Morton.

 

Rene-Urtreger-c-Philippe-Marchin.jpegChargé de rendre hommage à Dave Brubeck, autre cher disparu, René Urtreger, Prix Django Reinhardt en 1961, trouva des mots très juste pour nous parler de celui qui fut un compositeur important et un pianiste fertile en idées mélodiques. René joua aussi sa musique, reprit en solo The Duke , une de ses plus belles compositions.

On attendait Catherine Russell, lauréate du Prix du Jazz Vocal. Elle ne put faire le déplacement, nous chanter un extrait de “Strictly Romancin’” qui obtint les suffrages des académiciens et remercia dans le petit film qu’elle nous adressa. Son agent, Hervé Cocotier, reçut pour elle la récompense.  

 

J.J. Goron, P. Pedron © Ph. MarchinRemis par Jean-Jacques Goron (de la fondation BNP Paribas), le Prix du disque français revint à Pierrick Pedron (Prix Django Reinhardt 2006), pour son “Kubic’s Monk” édité par ACT records. Avec Viktor Nyberg à la contrebasse et Franck Agulhon à la batterie, Pierrick joua donc Thelonious Monk avec lyrisme et parvint (presque) à nous faire oublier l’absence d’un piano. J’apprécie peu sa propre musique, mais j‘entends souvent Charlie Parker dans son jeu de saxophone alto et ses relectures en trio ne manquent ni d’audace, ni de conviction.

 

Jorge-Pardo---Victoria-Abril-c-Ph.-Marchin.jpegAppelée sur scène par François Lacharme, Victoria Abril contamina l’assistance par sa bonne humeur. Les Michu qui somnolaient furent ravis d’applaudir l’une des actrices fétiches de Pedro Almodóvar (“Attache -moi ! ”, “Talons aiguilles”) et que l’on peut aussi voir dans “Gazon maudit” de Josiane Balasko, film oh combien apprécié par Monsieur Michu ! Chanteuse, Victoria a fait paraître un disque de bossa-nova et un recueil de chansons françaises revisitées par le flamenco. Elle était donc la personne adéquate pour remettre le Prix du Jazz Européen à son compatriote Jorge Pardo, un flûtiste / saxophoniste qui depuis de longues années pratique le métissage du jazz et des rythmes d’Andalousie. Bien qu’ayant  travaillé avec Paco de Lucia, Chick Corea et Pat Metheny, il reste méconnu du public français. Pas de l’Académie du Jazz qui ce soir lui fait fête. Son improvisation en solo sur des thèmes de Maurice Ravel (Le Boléro) et de Manuel de Falla fut aussi osée que remarquée.

B. Mehldau Where Do You Start, cover

 

Récompensant le meilleur disque de jazz de l’année, le Grand Prix de l’Académie du Jazz fut attribué à Brad Mehldau pour “Where Do You Start ?”, un des meilleurs opus en trio de sa longue carrière. Brad avait déjà reçu ce prix en 1997 pour “The Art of the Trio, Vol.1”. Un beau doublé pour le pianiste qui, bien qu'ayant fait parvenir une lettre de remerciements, nous fit regretter son absence.

 

F.-Lacharme---Yves-Boisset-c-Ph.-Marchin.jpegAutre remettant surprise, le cinéaste Yves Boisset (“Le juge Fayard dit le Shérif”, “La femme flic”) remit le très convoité Prix Django Reinhardt au saxophoniste Émile Parisien. Non sans nous avoir parlé de son métier et regretté que pour le jeune public d’aujourd’hui le cinéma commence souvent avec Quentin Tarantino (lui-même cinéphile) et qu’un Louis Jouvet est aujourd’hui largement oublié. François Lacharme le fit parler de son plus grand succès commercial, “Un Taxi Mauve”, film adapté du roman de Michel Déon, avec Charlotte Rampling, Philippe Noiret, mais aussi Fred Astaire dont ce fut la dernière apparition à l’écran - « Un type adorable. Il avait alors 84 ans et dansait encore divinement… ».

Emile Parisien (b) © Ph. Marchin

Invité avec son quartette à jouer un morceau, Émile Parisien choisit l’un des siens, une longue pièce abstraite, bruyante, agressive et au thème introuvable qui fut très mal perçu par les amateurs de jazz attachés à la tradition et à ses standards. Gentil garçon dont je ne comprends rien à la musique, Émile fit pour le moins sensation. Non sans provoquer quelques remous. Dérangé par les cris suraigus du saxophone soprano, saisi de palpitations, Monsieur Michu dut quitter précipitamment la salle. Il était temps de passer au glouglou, de rejoindre le bar où une sélection de vins de Saint-Emilion et un excellent sauvignon blanc attendaient les assoiffés.

 

  LA PARTY

 

Glenn Ferris © PdCLaurent Mignard © PdCMiles Yzquierdo © PdC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(de gauche à droite) : Glenn Ferris, le plus français des américains, assiège le bar. Il a tant soufflé dans son trombone qu'il ne craint plus l'alcootest. Tout sourire, Laurent Mignard profite des joies du buffet : éclairs au chocolat, pâtisseries miniatures, des mignardises bien méritées pour le leader du Duke Orchestra. Vous avez tous reconnu la très charmante Miles Yzquierdo. On avalerait miles et kilomètres pour lui faire la bise.

Philippe Coutant © PdCPhilippe Baudoin © PdC

   Philippe Coutant : une longue carrière dans le théâtre l'a rapproché du jazz. On lui doit des concerts des pianistes Joachim Kühn et Tord Gustavsen et une représentation inoubliable de "La Tectonique des Nuages" à Nantes, au Grand T dont il fut le directeur. Pianiste anachronique de l'Anachronic Jazz Band, formation qui reprend du service après 38 ans d’absence, Philippe Baudoin a-t-il été dans sa jeunesse membre de l’association secrète des chiche capon de Saint-Agil ? Cette photo le laisse supposer.

Emmanuel Bex © PdCJean-Louis ChautempsSylvie Durand © PdCEmmanuel Bex met un point d'orgue à avoir un verre toujours plein. Le nez fin de Jean-Louis Chautemps est plongé dans le sien... sous le regard amusé de Sylvie Durand, attachée de presse émérite.

Francis-Capeau--b--c-Ph.-Marchin.jpegAgnès Thomas © PdC

Le docteur  Francis Capeau, notre premier barman, a le bras très long mais il a beau le tendre, les verres ne désemplissent pas. Songeuse, la pétillante Agnès Thomas, attachée de presse de l'Académie, doit penser que tous ces amateurs de vin poussent le bouchon un peu loin.

P.-Caratini--E.-Caumont---H.-Bonnet-c-PdC.jpegLe Blogueur de Choc & Franck Agulhon © Ph. Marchin Près d'Elisabeth Caumont, Christian Bonnet, trésorier de l'académie, se sent tout chose et en oublie de boire. Comme le vin, la belle Elisabeth fait tourner les têtes. Patrice Caratini exprime ainsi sa joie immense d'être sur la photo. A droite, votre serviteur, le Blogueur de Choc, avec Franck Aghulon, batteur émérite du trio de Pierrick Pedron et compagnon de voyage occasionnel du Blogueur.

Philippe Marchin © PdCMédéric Collignon © PdCMarc Sénéchal © PdCUne bonne partie des photos de ce reportage sont de Philippe Marchin qui, sur le cliché de gauche, admire la nouvelle tête de Médéric Collignon. Boute-en-train infatigable, ce dernier amuse aussi Marc Sénéchal, attaché de presse aujourd'hui indépendant dont on ne voit qu'un quart de tête.

Francoise-c-PdC.jpegJacques-des-Lombards---Laurence-Ossart-c-PdC.jpegLa cuisine adjacente à la Salle Nijinski dans laquelle se déroule notre cocktail académique sert de studio de photos. A gauche la très charmante Franny pose dans un manteau d'hiver moscovite. A droite la délicieuse Laurence a fait fondre le coeur de Circuit 24 qui a insisté pour poser avec elle. Son châssis aux lignes élégantes n'a effectivement rien à envier à celui d'une voiture de course.

Jean-Philippe-Viret-c-PdC.jpegMichel-Contat-c-PdC.jpegBajoues profondes © PdCJean-Philippe Viret sans sa contrebasse et prêt à "rhabiller le gamin" pour le supplément d'âme qu'apporte aussi le bon vin. Le chapeau toujours vissé sur la tête, Michel Contat, monsieur jazz Télérama, ne me contredira pas. On taquine beaucoup Bajoues profondes dans ce blog avec des histoires à dormir debout. C'est pourtant ce qu'il parvient à faire, malgré la foule bruyante qui l'entoure et fait la fête.

Pierre-Carlu---Christian-Bonnet-c-PdC.jpegJ.P.-Doret---Chloe-Perrier-c-PdC.jpeg

Très mobile, Christian Bonnet a lâché la belle Elisabeth pour poser avec Pierre Carlu fin connaisseur de l'histoire du jazz. Sur la photo de droite, Jean-Philippe Doret, monsieur Opus Jazzis sur Vallée FM, une émission hebdomadaire et dominicale (16h00 – 18h00) téléchargeable en podcast wwwvalleefm.fr/podcast.php Avec lui Chloé Perrier, une jeune chanteuse qui se plaît à jazzifier nos belles chansons françaises. 

Celine-Breugnon-c-PdC.jpegMonsieur-Michu.jpgLe-President.jpeg

Le jazz est un village pour la très appréciée Céline Breugnon. Avec Miles Yzquierdo elle se partage la presse d’un world label qui édite Ahmad Jamal, Omar Sosa et Chucho Valdés. Au centre, remis de ses émotions, Monsieur Michu s’apprête à boxer les jazzmen faiseurs de bruit qui font dangereusement palpiter son palpitant. Enfin, on aura reconnu le Président Lacharme qui règne sur les hautes et basses-cours Académiques.

Laureats-2012-c-Ph.-Marchin.jpegAutour de François Lacharme au centre et de gauche à droite : Jordi Pujol, Victoria Abril, Jorge Pardo, René Urtreger, Pierrick Pedron et Émile Parisien.

 

Logo-Academie-fond-Noir.jpegLe PALMARÈS 2012

Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année) : Émile Parisien

Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) : Brad Mehldau : « Where do you Start ? » (Nonesuch/Warner)

Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) : Pierrick Pedron « Kubic’s Monk » (ACT/Harmonia Mundi)

Prix du Musicien Européen (récompensé pour son œuvre ou son actualité récente) :Jorge Pardo

Prix de la Meilleure Réédition ou du Meilleur Inédit : Fresh Sound Records pour ses rééditions

Prix du Jazz Classique : Aaron Diehl « Live At The Players » (CD Baby/www.cdbaby.com)

Prix du Jazz Vocal : Catherine Russell « Strictly Romancin’ » (World Village/Harmonia Mundi)

Prix Soul : Bettye Lavette « Thankful n’ Thoughtful » (Anti-/PIAS),

Prix Blues : Lurrie Bell « The Devil Ain’t Got No Music » (Aria B.G./Socadisc)

Prix du livre de Jazz : Alain Gerber « Petit Dictionnaire incomplet des incompris » (Alter ego)

 

CREDITS PHOTOS :

Fiona Monbet en lever de rideau, Glenn Ferris, Laurent Mignard, Miles Yzquierdo, Philippe Coutant, Philippe Baudoin, Emmanuel Bex, Jean-Louis Chautemps, Sylvie Durand, Agnès Thomas, Élisabeth Caumont avec Patrice Caratini et Hervé Bonnet, Philippe Marchin, Médéric Collignon, Marc Sénéchal, Franny, Laurence O. & Jacques des Lombards, Jean-Philippe Viret, Michel Contat, Yves Chamberland, Pierre Carlu & Hervé Bonnet, Jean-Philippe Doret & Chloé Perrier, Céline Breugnon, le Président F.L. © Pierre de Chocqueuse

 

François Lacharme & Joël Mettay, Jordi Pujol au micros, Grand angle sur le Foyer, René Urtreger au micro, Jean-Jacques Goron & Pierrick Pedron avec François Lacharme, Jorge Pardo & Victoria Abril, François Lacharme & Yves Boisset, Émile Parisien, Francis Capeau, Pierre de Chocqueuse & Franck Aghulon, Groupe comprenant Jordi Pujol, Victoria Abril, Jorge Pardo, René Urtreger, Pierrick Pedron et Émile Parisien © Philippe Marchin 

 

Fiona Monbet au violon © Jean-Marie Legros.

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