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27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 09:19

Brad-Mehldau-c-PDC.jpgDIMANCHE 18 novembre

Chick Corea à Pleyel avec Christian McBride et Brian Blade. Ce dernier fut le contrebassiste de son Five Peace Band, quintette avec lequel il effectua deux tournées en 2008 et 2009. Le batteur de la première était Vinnie Colaiuta. En McBride a1992, Chick avait enregistré avec lui au Blue Note de Tokyo un album introuvable pour le marché japonais. Colaiuta indisponible en 2009, le pianiste engagea Blade qui apportait un drive différent, une manière bien à lui de rythmer le répertoire du groupe. Il fit de même à Pleyel, abordant les morceaux sous un angle rythmique différent, leur donnant ainsi une autre jeunesse. Le concert s’ouvrit sur une longue introduction abstraite, un foisonnement sonore sinueux qui vit surgir un thème et un tempo fluide. S’appuyant sur une contrebasse souple et ronronnante, Chick put alors attaquer ses notes avec une vélocité étonnante. On craignait un peu la virtuosité de McBride. N’allait-il pas trop Bladeen faire, entraîner Corea dans une surenchère d’arpèges, d’ornements décoratifs ? Que nenni ! Constamment à l’écoute, il intervint aux bons moments, nous régala de son timbre rond et chantant, d’un balancement rythmique confortable. L’homme pratique avec bonheur une walking bass qui dispense la main gauche du pianiste de trop marquer les basses des morceaux. En solo, il frotte ses cordes, les tire, donne relief et puissance à ses notes, en fait sonner les harmoniques. Le trio reprend des standards, les réinvente et les remet à neuf. Monk est ainsi déstructuré, remonté, repensé. Miles Davis également. All Blues devient ainsi méconnaissable, se pare d’un McBrideautre rythme et de nouvelles couleurs. La main droite mobile et bondissante du pianiste surprend par ses attaques inattendues, ses traits vifs et précis. Héritant d’une structure rythmique inédite, Armando’s Rhumba danse sur des rythmes impairs. Brian Blade n’enferme jamais les thèmes dans des tempos rigides. Il les aère par un jeu de cymbales plein de finesse, un drive délicat et coloré. Il prospecte, donne une nouvelle jeunesse à un répertoire qui ne connaît point l’usure.

 

MERCREDI 21 novembre

Brad-Mehldau-Trio-c-PDC.jpgRetour à Pleyel pour Brad Mehldau. Le pianiste s’est souvent produit en solo ces dernières années. Il retrouve son trio pour une tournée de quelques capitales européennes. Avec Larry Grenadier (contrebasse) et Jeff Ballard (batterie), il a Brad-Mehldau-c-PDC-copie-1.jpgsigné deux des disques les plus réussis de 2012, “Ode”, recueil de compositions originales, et “Where Do You Start” consacré à des standards, des enregistrements de 2009 et 2011 qui ne reflètent pas exactement les concerts actuels du trio. Brad change souvent de répertoire, compose et explore de nouveaux morceaux. L’un de ceux qu’il joue en rappel n’a pas encore de nom. Il reprend aussi des standards, mais aime surtout puiser les mélodies qu’il réharmonise dans la variété américaine et la musique pop. Son récital parisien débuta avec Great Day, une chanson de Paul McCartney, un extrait de “Flaming Pie” enregistré en 2007. Les aficionados du pianiste sont familiers de cet Jeff-Ballard-c-PDC.jpgéclectisme. Ils le savent capable de plonger dans un bain de notes bleues la mélodie qui lui parle, soit-elle de Nick Drake ou d’Elvis Costello. Brad reprend même une chanson sirupeuse de Tony Velona, Lollipops and Roses popularisé par Jack Jones en 1962. En trio, il laisse beaucoup jouer son bassiste, se fait discret pour mieux reprendre la main dans Cheryl, un thème de Charlie Parker qu’il aborde « à la Monk », ses longues lignes de blues étant portées par une contrebasse frémissante. Le blues, il en a plein les doigts. Il lui fait allégeance en interprétant Since I Fell for You de Buddy Johnson. Son piano se fait alors plus orchestral, acquiert une telle dynamique que Larry-Grenadier-c-PDC.jpgses deux complices le laissent achever seul une improvisation babélienne. Car c’est en solo que Brad Mehldau prend le plus de risques, s’approprie la musique pour la faire entièrement sienne. Un de ses morceaux Ten Tune, une pièce étrange, dissonante – Grenadier pas très juste à l’archet – s’y prêta. Ballard peina à trouver le tempo. Le bon rythme installé, le pianiste libéré installa une seconde ligne mélodique, improvisa avec passion de miraculeux voicings. En apesanteur, il rêva une musique qu’il acheva en solo. Capable de jouer des cascades de notes perlées, d’empiler des accords marmoréens, Brad peut aussi effleurer légèrement son clavier, prendre un chorus entier avec sa seule main gauche. Il le fit dans And I Love Her, balade somptueuse de John Lennon & Paul McCartney ornementée de basses puissantes, et dans une version dépouillée de Beatrice, un thème de Sam Rivers qu’affectionne aussi le pianiste Kevin Hays, attendu avec lui l’an prochain à Pleyel.

Photos © Pierre de Chocqueuse 

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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 09:45

Jazz-en-Tete.jpgCertaines éditions de Jazz en Tête sont plus enthousiasmantes que d’autres. Impossible de prévoir si les musiciens conviés tiendront la forme, si les concerts seront des réussites. La programmation reste malgré tout d’une cohérence jazzistique peu commune. Pas étonnant que la réputation de ce festival soit si grande. Pour y faire acte de présence, l’amateur de jazz, le vrai, est prêt à tous les sacrifices. Pas question de le manquer pour les Michu qui s'y rendent chaque année depuis qu'ils en ont découvert l'existence. Compte-rendu de deux soirs de fête avec des hauts et des bas, des blanches colombes et des vilains messieurs.

 

JEUDI 25 octobre

Allais-je avoir mon train ? Voyager un jour de grève n’était pas sans risques. Jazz en Tête méritait d’en prendre. Le train partit à l’heure. Le temps passe vite entre bavards et en bonne compagnie. Celle de Franny me permit d’oublier le temps, d’arriver qualitativement plus vite en gare de Clermont. Point de limousine pour nous attendre, mais Papy Jazz rapplique gentiment avec sa voiture pour nous conduire à notre hôtel. Le temps d’y poser nos valises, nous en gagnons un autre, l’Océania, ex-Mercure, un des hauts lieux du festival, un endroit stratégique. Situé presque en face de la Maison de la Culture, les musiciens y logent, y donnent des jam-sessions surprenantes, des moments de grâce dont Monsieur et Madame Michu, sont fiers d’être témoins. Du bout des lèvres, ces derniers me présentent les Dugenoux, eux aussi parisiens. Le hasard leur a fait choisir le même hôtel. Lecteur assidu de l’Encyclopédie Universalis dont il se targue de connaître les 30 volumes publiés, Jean-Jacques Dugenoux énerve Monsieur Michu qu’il ne cesse de contredire et de suivre partout. Le faraud tente de se mêler à nos conversations. Peine perdue : Bajoues profondes adopte l’attitude du taiseux circonspect et Philippe Etheldrède, son Instamatic Kodak dans les mains, rêve aux petits verres qu’il va se faire offrir par le caviste spécialiste de la truffe qui, en ville, expose ses photos.

 

Il est temps de rejoindre les loges de la Maison de la Culture. La plus grande accueille musiciens, journalistes, bénévoles autour d’une vaste table. Il y a là de quoi se restaurer, déguster des vins fins. J’aperçois la fidèle Dodo, chaque année un peu plus jeune. Daniel Desthomas, l’ancien président de l’association Jazz en Tête, affiche une mine réjouie. Grand consommateur d’Aspegic 500, son successeur Nicolas Caillot est là aussi, de même que Circuit 24 toujours en course. Je retrouve Michel Vasset, le photographe officieux du festival (on lui doit les photos en noir & blanc des programmes, des affiches et un livre “L’ombre du Jazz”). Nathalie Raffet mitraille les musiciens qui s’apprêtent à monter sur scène : Baptiste Herbin, Keith Brown, son frère Kenneth nourri comme lui au steak de bison comme en témoigne leur volumineuse carrure. Un grand boulier à la main, Sybille Soulier l’attachée de presse compte et recompte ses journalistes.

 

Xavier-Felgeyrolles-c-Pdc.jpgMalgré les tracas, les problèmes de dernière minute à régler, les factures à payer, Xavier « Big Ears » Felgeyrolles garde le cap. Il est la cheville ouvrière de Jazz en Tête, l’un des seuls festivals de jazz qui accorde au jazz la place qui lui revient, la première. Le budget est modeste, mais Big Ears fait des miracles depuis 25 ans. Il refuse les superstars aux musiques galvaudées qui remplissent arènes, amphithéâtres, vélodromes, camping cars, tentes et boîtes à chaussures. Privilégiant la qualité, il programme des musiciens peu ou pas médiatisés, se méfie de ces « vedettes » qui savent faire parler d’eux, des musiciens bardés de diplômes scholastiques et à la technique époustouflante qui, trop souvent, ne savent rien de la musique qu’ils pensent jouer. Car le jazz possède des racines, une grammaire, un vocabulaire. Les négliger, faire table rase du passé, refuser la pratique des standards, revient à bâtir sur des sables mouvants.  

 

Baptiste-Herbin-a.jpgPour porter cette 25 ème édition de Jazz en Tête, il fallait le nom d’un musicien confirmé, un géant de l’histoire du jazz. Celui d’Herbie Hancock permit d’assurer la couverture médiatique du festival. Son concert fut loin d’être à la hauteur des espérances d’une partie de son public, mais pour l’heure Baptiste Herbin souffle dans son saxophone alto, propose un jazz enraciné dans le bop dont il connaît l’histoire. Cet habitué de la rue des Lombards n’a pas peur de jouer avec les pointures qu’il rencontre. Il aime improviser, sculpter de longues phrases mélodiques qui racontent des histoires, ponctuer le discours de ses partenaires par de brefs commentaires. Le son est ample, volumineux, fiévreux dans Kitana Ko, un des titres de son premier album qui bénéficie d’un confortable balancement rythmique. Ses grappes de notes s’enroulent autour des mélodies qu’elles déclinent. Son premier Keith Brown © PdCdisque renferme des compositions personnelles qui traduisent une étonnante maturité d’écriture. Le funky Brother Stoon met en joie les Michu. Rabat-joie aux esgourdes encrassées, les Dugenoux jugent cette musique passéiste. Ils ne jurent que par un certain Edouard Marcel dont les œuvres expérimentales prisées par l’intelligentsia du jazz parisien provoquent de nombreux suicides. Mais Baptiste n’est pas seul. Trempé dans le blues, le piano de Keith Brown l’accompagne et procure un plaisir immédiat. Ses mains puissantes assurent un jeu percussif. Il sait aérer ses notes, leur donner du rythme, de la couleur. Avec lui à la batterie son frère Kenneth qui souvent en avance sur le temps, pousse au Kenneth-Brown-c-PdC.jpgdéraisonnable, au vertige de la vitesse. Impériale, la basse de Darryl Hall sonne le rappel à l’ordre. Elle est l’élément modérateur, le garant du bon tempo. Une version limpide et inspirée de Sophisticated Lady fut un des grands moments de cette soirée. L’album que Baptiste a enregistré  s'intitule “Brother Stoon” et Harmonia Mundi le distribue. 

 

Ambrose-Akinmusire-c-PdC.jpgLe quintette d’Ambrose Akinmusire est déjà sur scène pour une musique énergique, colorée, pleine d’idées et de contrastes. La grosse contrebasse d’Harish Raghavan, son flux de notes épaisses, vrombissantes, la batterie très présente de Justin Brown qui caresse ses cymbales et en tire des couleurs, apportent un tapis sonore aux solistes, Ambrose à la trompette, Walter Smith III au saxophone, musicien dont la forte personnalité pèse sur la musique. Les deux hommes entremêlent souvent leurs phrases, instaurent un discours ouvert, rubato et largement improvisé. Non sans risque, car l’imagination leur manque ce soir pour le faire décoller, en lever la pâte et la dorer à point. Trop d’espace, pas assez de liant entre des morceaux statiques que les Dugenoux trouvent épatants. Pratiquant un jeu modal, le Walter-Smith-III-c-PdC.jpgpianiste reste sur les mêmes notes, tourne autour, hésite, rejoint la trompette pour un duo émouvant, l’instrument d’Ambrose émettant des sons graves, plaintifs. Je retiens une ballade, un choral introduit par la contrebasse jouée à l’archet, la trompette déclinant le thème à l’unisson du ténor. Le piano en pose délicatement les accords, nous fait enfin un peu rêver.

 

VENDREDI 26 octobre   

Les Volcans, ClermontUne visite à la librairie les Volcans dont les vitrines célèbrent dignement Jazz en Tête. Place de Jaude, nous saluons le Vercingétorix d’Auguste Bartholdi fièrement dressé sur son cheval. Nous remontons la rue des Gras jusqu’à la cathédrale, immense vaisseau de pierre de Volvic qui domine la ville de sa masse sombre. Peu habitué à faire de l’exercice, Bajoues profondes, peine à avancer dans cette rue pentue qui Vercingetorix.jpgaccélère son palpitant. Un peu plus loin, rue du port, Daniel Desthomas y apprécie un restaurant pakistanais qui se révèle effectivement une bonne surprise. Il pleut depuis midi sur Clermont et après une visite à Notre Dame du Port, une des plus belles églises romanes d’Auvergne, nous regagnons trempés le Q.G. du festival pour y apprendre les mesures restrictives ordonnées par le management qui vampirise Herbie Hancock.

 

H. Hancock1 © Ph. EtheldrèdeCe dernier a amené avec lui une protection rapprochée, des gros bras vitaminés au beurre de cacahouètes qui bloquent l’accès des loges. Pas question de déranger le pianiste dans la sienne. Assis en lotus dans la position dite du « Bouddha guilleret », il se concentre, fait le vide, réclame au ciel l’inspiration qui lui fera défaut. Les photos sont interdites. Philippe Etheldrède est habilité à en prendre pour Le Monde. Le quotidien a dépêché Francis Marmande à Clermont. Herbie lui accordera une interview après le concert. Il le débute au piano H.-Hancock3-c-Ph.-Etheldrede-copie-1.jpgacoustique, avec Footprints dont on peine à reconnaître le thème dans un amas de notes adamantines, d’accords plaqués dans les basses du clavier. Avec Sonrisa, la musique devint plus mélodique. On goûte alors au toucher du pianiste, aux harmonies iridescentes dont il garde le secret. Herbie interprète ce morceau dans “The Piano”, son seul album solo. Il se lève pour nous présenter ses jouets, cinq Ipad, deux ordinateurs, deux claviers dont un Korg, puis retourne à son grand piano Fazioli pour une version très lente de Maiden Voyage qui nous conduit au « Pays des Merveilles ». Nappes sonores enveloppantes, envahissantes, Herbie se prend pour le lapin blanc du pays des fées, pour le merveilleux fou volant aux drôles de machines. Chaussé de ses bottes de sept lieux, il appuie sur toutes sortes Auditeur dubitatifde pédales, sur des écrans tactiles, mais a du mal à régler sa cathédrale sonore, à synchroniser ses boîtes à rythmes préenregistrés. Après une version quelque peu bosselée de Chameleon,  Moby Hancock se saisit d’une harpe à bretelle, un AX synthé Roland dont il tire des sons affreux. Le mécontentement altère les traits de certains visages comme en témoigne la photo de cet auditeur qui semble totalement dépassé par ce qu'il entend. Les Michu cherchent à fuir. En vain. Plongé dans un profond sommeil, ronflant comme un moteur, Bajoues profondes leur bloque le passage. Jean-Jacques Dugenoux exulte. Il a naguère dansé sur Rock It et manifeste sa joie. Les avis sont Auditeur-heureux.jpgpartagés. Pour certains, Herbie retombe en enfance. La scène est son parc de jeu. La Nounou musclée qui le surveille lui a prédit une belle carrière. Il rêve déjà des disques qu’il compte enregistrer, en a déjà les titres et les musiques en tête. Lors du traditionnel souper que Jazz en Tête offre à ses invités après chaque concert, les discussions vont bon train, mais dans la bonne humeur. La qualité de la jam-session qui suivit, les prestations lumineuses des deux jumeaux Tixier, Tony au piano, Scott au violon, nous firent vite oublier les bizarreries d’Herbie.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse sauf celle de la vitrine de la librairie Les Volcans à Clermont dont j'ignore l'auteur. Les photos d'Herbie Hancock © Philippe Etheldrède que je remercie ici. Celle de Jean-Jacques Dugenoux est © X./ DR.       

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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 10:00

S.-Oliva---S.-Abbuehl.jpgLUNDI 1er octobre

Stephan Oliva et Susanne Abbuehl au Duc des Lombards, impossible de manquer la rencontre d’un piano magique et d’une voix irréelle. Les concerts de la chanteuse se font attendre. Ses disques aussi. Deux seulement : le premier “April” S. Oliva-copie-1en 2001 ; le second “Compass” en 2006. Susanne s’est enfin décidée à en enregistrer un troisième. Il doit paraître au printemps prochain. Elle reste fidèle à ses musiciens, mais Wolfert Brederode, son pianiste habituel, tourne avec son propre groupe et réunir sa formation lui est difficile. Par bonheur, elle aime aussi travailler avec Stephan Oliva dont le piano riche en harmonies inattendues se marie intimement à sa voix. Ils ont gravé plusieurs morceaux ensemble dont une version de Lonely Woman qui sera jouée en rappel, des faces produites par Philippe Ghielmetti un ami de Stephan. Peu de monde au Duc pour une musique intimiste, mais l’écoute attentive d’un public envoûté par une voix pure et sensible qui donne une douceur de velours aux poèmes qu’elle reprend, aux phrases qu’elle Susanne Abbuehl achante, qu’elle berce d'un souffle zéphirien pour en faire respirer les mots, ondes sonores de consonnes, de syllabes, psalmodies et murmures. Lié à cette voix, un piano vigilant et économe délivre peu de notes, privilégie celles qui comptent et laissent des traces profondes. Au cours du second set, Stephan colore davantage les lignes mélodiques, se lâche, ouvre plus grandes les portes du rêve. Great Bird de Keith Jarrett, Sea, Sea !, poème de James Joyce mis en musique par Susanne que l’on trouve dans son second album, You Won’t Forget Me que popularisa tardivement Shirley Horn, le répertoire du concert est éclectique. S’y ajoutent des mélodies de Jimmy Giuffre Listening, River Chant, Mosquito Dance, Princess (que Giuffre enregistra live à Rome en 1959 avec Jim Susanne AbbuehlHall) – sur lesquelles Susanne a ajouté des paroles. Une filiation naturelle pour qui connaît tant soit peu le répertoire de la chanteuse attirée par la clarinette, instrument présent dans ses disques. Comment l’écouter avec Stephan Oliva sans aussitôt penser au duo que Ran Blake (pianiste oh combien admiré par Stephan) constitua naguère avec Jeanne Lee, chanteuse avec laquelle Susanne étudia, une voix à part, sensuelle et irradiante. En apesanteur, celle de Susanne Abbuehl relève de la grâce. Sa simplicité nous touche profondément.

Photos © Pierre de Chocqueuse        

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 10:48

Jacky-Terrasson---Friends.jpgJEUDI 6 septembre

Jacky Terrasson & Friends à la Grande Halle de la Villette. Les amis du pianiste sont les musiciens de “Gouache”, son nouveau disque, l’un des réussites de cette Jacky Terrasson-copie-1rentrée. Au programme, les versions longues des titres enregistrés, ces derniers n’étant que des esquisses très abouties, des morceaux saisis à un moment précis et à la durée volontairement limitée. Sur scène, les chorus s’enchaînent sans restrictions. On prend son temps, on s’efforce de conduire ailleurs la musique, les thèmes devenant les supports mélodiques des improvisations. Jacky les aime colorées, tendres, parfois musclées. Que ce soit au piano acoustique ou au Fender Rhodes (équipé d’une pédale pour en transformer le son), son jeu S. Belmondofélin profite à sa musique. Avec lui, Justin Faulkner, batteur puissant assure un drive tout en douceur. Mal sonorisée, la contrebasse eut du mal à faire entendre les rondeurs boisées de ses graves. Dommage, car Burniss Earl Travis trempa son instrument dans le groove et offrit à ses partenaires une assise rythmique impeccable. Capable de faire danser une salle, de lui communiquer la transe fiévreuse de ses rythmes, Minino Garay nous transporta dans les îles où les tambours sont rois. Stéphane Belmondo fut bien sûr impérial. On se souviendra longtemps de Mother, ballade Jacky--Cecile---Burniss.jpgémouvante et inoubliable portée aux cimes par un majestueux chorus de bugle. Dans Oh My Love et Je te veux, Cécile McLorin Servant, révélation de l’album et récipiendaire en 2011 de la Thelonious Monk Competition, subjugua par les couleurs de sa voix, la justesse de son chant. Ils furent tous bons ce soir-là, même Michel P. à la clarinette b. Un standard fédérateur de Cole Porter, Love for Sale, réunit tous les musiciens pour un final approprié à une fête qui rassemblait une salle heureuse.

 

VENDREDI 7 septembre

Ph.-Ghielmetti---M.-Copland.jpgDepuis la parution déjà ancienne de “No Choice” réunissant les pianistes Bill Carrothers et Marc Copland (disque produit par Philippe Ghielmetti en photo avec ce dernier), on attendait depuis longtemps un concert des deux hommes. Le mauvais temps empêchant Bill de rejoindre Paris et sa Cité de la Musique, c’est en solo et dans un auditorium parfaitement adapté à l’instrument que Copland nous régala de son art par trop confidentiel. Venu nombreux écouter le duo Baptiste Trotignon / Bojan Z, le public découvrit un autre piano, une musique d’une richesse insoupçonnée se suffisant parfaitement à elle-même. Car s’il est très capable de swing, Marc préfère séduire par les couleurs de ses accords, ses harmonies flottantes dont des miroirs invisibles nous en renvoient l’écho. La finesse de son touché, son stupéfiant jeu de pédale, Marc-Copland-a.jpgapportent de subtiles nuances à un discours largement influencé par Bill Evans, le poids harmonique de sa musique en constituant la principale richesse. Avant de s’asseoir au piano, Marc nous parla d’un certain concert d’Evans auquel il avait assisté dans sa jeunesse. Le club de Washington D.C. dans lequel le pianiste jouait avec son trio était presque vide, mais ses voicings étaient si pleins de couleurs qu’il en fut profondément touché. Ceux, limpides, de Marc transportent également. Liquides, transparents comme l’eau jaillissante d’une source, ses harmonies embellissent un matériel thématique que chérit l’amateur de jazz. I’ve Got You under my Skin, Dolphin Dance, Blue In Green, All Blues, se parèrent donc de notes féeriques, le pianiste ajoutant à ce répertoire trois de ses compositions et Rainy Night House de la grande Joni Mitchell. Son concert est visible sur le site de la Cité de la Musique, et ce pendant un an. À écouter sans modération. www.citedelamusiquelive.tv

 

JEUDI 13 septembre

Francois-Couturier.jpgAnja LechnerPlaisir d’écouter le Tarkovski Quartet au Collège des Bernardins, un cadre somptueux pour une musique somptueuse que l’on a pas souvent l’occasion de voir et d’entendre sur une scène parisienne. C’est donc une salle pleine qui ovationna le groupe. Un second concert avec création audiovisuelle d’Andrei A. Tarkovski, le fils du cinéaste, était prévu à Royaumont quelques jours plus tard. Je ne pus m’y rendre, mais la qualité exceptionnelle du programme que le quartette nous offrit sans images aux Bernardins atténua mes regrets. Souvent sectaire, gêné par d’invisibles œillères, l’amateur de jazz pur et dur refuse cette musique peu tournée vers le swing. Dommage pour lui, car la grâce porte ici très haut le discours musical, une musique à l’harmonie raffinée, ouverte et intimiste, que l’on croirait écrite, mais qui contient une grande part d’improvisation. Piano (François Couturier), violoncelle (Anja Lechner), saxophone soprano (Jean-Marc Larché), accordéon (Jean-Louis Matinier), l’orchestration offre des couleurs inhabituelles et ménage des pièces en solo, duo et trio. Méditation libre autour de l’univers d’Andreï Tarkovski qui mettait très peu de musique dans ses films, Bach, Pergolèse, Purcell, ses compositeurs préférés inspirant Couturier, cette musique tour à tour tendre et violente, reflète idéalement l’âme slave spirituelle et entière du cinéaste. On la retrouve avec bonheur dans les disques de ce quartette décidément pas comme les autres.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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22 juillet 2012 7 22 /07 /juillet /2012 10:00

W.-Marsalis---The-Lincoln-Center-Orchestra-copie-1.jpgEn ce mois de juillet, les parisiens qui ne sont pas allés à New York peuvent goûter au meilleur du jazz américain en se rendant dans les clubs de la capitale. Outre une programmation alléchante, le Duc des Lombards vient de convier Wynton Marsalis et "Wynton-Marsalis.jpgle Lincoln Center Orchestra à remplir l’Olympia. On n’avait pas vu le trompettiste en big band depuis longtemps et ce concert du jeudi 19 auquel participa le chanteur Gregory Porter, Prix du jazz vocal 2011 de l’Académie du Jazz, constitua bel et bien un événement. Formidable musicien, Marsalis n’a pas toujours bonne presse. Certains lui reproche son académisme, son goût pour un jazz de répertoire. S’il n’a pas publié de disque important depuis “From the Plantation to the Penitentiary” en 2007, beaucoup lui envient son métier, son corpus d’enregistrements, ses nombreuses suites orchestrales aux couleurs chatoyantes et à l’écriture maîtrisée. Compositeur, arrangeur, c’est aussi un instrumentiste virtuose qui n’oublie jamais ses racines, le blues et les traditions musicales de sa ville natale, la Nouvelle-Orléans berceau du jazz. Avec le Lincoln Center Orchestra dont il Gregory-Porter-a.jpgest depuis plusieurs années le directeur artistique, il en perpétue l’histoire, mais si Duke Ellington, Thelonious Monk et Charles Mingus sont bien présents dans sa musique, cette dernière s’ouvre aussi à des dissonances, à ce « chaos organisé » que Mingus affectionnait. Sagement assis au pupitre des trompettes, Marsalis fit interpréter par ses musiciens un extrait de “Blood on the Fields” et les laissa jouer leurs compositions. Carlos Henriquez, son contrebassiste, nous offrit ainsi un torride et swinguant cocktail de mambo et de cha-cha-cha. Sherman Irby, le saxophone alto, nous fit entendre le second mouvement d’un ballet de son cru. Gregory Porter chanta Your Red Wagon et Going to Chicago, blues immortalisé par Jimmy Rushing. Dans la salle, les W. Marsalis QuartetMichu ravis purent applaudir un surprenant Light Blue (Thelonious Monk) largement confié aux flûtes, Inner Urge de Joe Henderson arrangé par Ted Nash, et un extrait de la “New Orleans Suite”, enregistrée par Ellington au tout début des années 70. Très en forme dans ce programme aussi excitant qu’éclectique, le trompettiste s’effaça, préférant mettre en valeur les musiciens de son big band. S’octroyant un long chorus au début du concert, il se réserva le rappel, en quartette avec Dan Nimmer (sosie de Mister Bean) au piano, Carlos Henriquez et Ali Jackson à la batterie, démontrant pour ceux qui en doutaient, qu’il est encore le boss, le patron, et cela pour longtemps.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 11:05

Ahmad-Jamal-Band---Yusef-Lateef.jpg

MERCREDI 27 juin

Feu d’artifice final de l’édition 2012 du festival Jazz à Saint-Germain-Des-Prés, le concert d’Ahmad Jamal et de Yusef Lateef à l’Olympia n’est pas prêt d’être oublié. Réunir deux légendes du jazz sur une même scène est certes un événement, mais au-delà de cette brève rencontre – une demi-heure de musique partagée – , l’exceptionnelle qualité du trio que possède actuellement le pianiste force le Ahmad-Jamal.jpgrespect. Auprès de lui pendant vingt-sept ans, James Cammack faisait parfaitement l’affaire à la contrebasse, mais entre Reginald Veal son remplaçant, et le batteur Herlin Riley, lui aussi récemment engagé, règne une entente quasi miraculeuse. Il faut remonter à la fin des années cinquante, époque où Jamal travaillait avec Israel Crosby et Vernell Fournier pour retrouver une section rythmique aussi excitante et l’on comprend mieux pourquoi le trompettiste Wynton Marsalis garda si longtemps Veal et Riley dans son orchestre, les deux hommes contribuant à “Blue Interlude”, “Citi Movement” et “Blood on the Fields”, albums phares de sa discographie. N’oublions pas le quatrième membre du quartette, Manolo Badrena, indispensable à Jamal, son partenaire privilégié au théâtre du Châtelet en février lorsqu’il peaufinait encore les morceaux de son récent album, testait les capacités de rebond de sa nouvelle rythmique. Celle-ci a désormais fait ses preuves, et si les nombreux instruments de son percussionniste répondent toujours à son A. Jamal Group © Pierre de Chocqueusepiano élégant et mobile, Jamal peut en toute quiétude jouer sa musique, se livrer au jeu de questions et de réponses qu‘elle comporte, et improviser sur les mélodies de son choix. À propos du trio que Jamal partagea entre 1958 et 1961 avec Crosby et Fournier, John Hammond écrivait en 1962 : « Ce trio me procura plus de plaisir qu’aucun autre au cours de la dernière décennie. » Lui permettant de mettre en scène sa musique de manière plus orchestrale, celui que possède aujourd'hui le pianiste se révèle tout aussi remarquable. Naguère avare de ses notes au point que le silence fut longtemps l’une des clés de son art, il exploite toute l’étendue de son clavier, donne du volume à ses notes, les fait gonfler comme un torrent furieux. Ses accords claquent comme le fouet d’un dompteur, servent les silences qu’il entretient et qu'il rompt par des cascades d’arpèges, des notes perlées inattendues.

 

H. Riley & Y. LateefLa première partie du concert fut entièrement consacrée à “Blue Moon”, le nouvel album, important jalon de la discographie jamalienne qui, outre des reprises de standards, contient des compositions originales du pianiste, Autumn Rain, un de ses anciens morceaux, prenant son aspect définitif entre les mains expertes des musiciens de son groupe. Les versions qu’il en donna furent plus fluides que celles du Châtelet. Pièces difficiles à mettre en place, Gypsy et I Remember Italy, respirent mieux grâce à des rythmes allégés, une batterie plus discrète. Après un entracte d’une vingtaine de minutes, Yusef Lateef, 92 ans, rejoignit le trio d’Ahmad Jamal pour jouer sa musique, pièces modales aux senteurs de l’Orient qu’il enchaîna les unes aux autres, terminant sa Yusef-Lateef-c-Pierre-de-Chocqueuse.jpgcourte prestation par un blues, une version de Trouble in Mind dans laquelle il associa la voix à ses autres instruments, le ténor et les nombreuses flûtes dont il dispose pour créer des paysages sonores relevant de la world music dont il est un précurseur. S’il lui confia ses musiciens, Ahmad joua peu avec lui. Un long ostinato de piano scanda une musique quasi immobile évoluant en spirales, la contrebasse se voyant réduite à tenir un rôle de bourdon, batterie et percussions donnant rythme et couleurs à des mélopées envoûtantes dignes des mille et une nuits dont le Docteur Lateef nous conte les histoires. Ahmad et son trio conclurent sans lui cette seconde partie de programme, le concert s’achevant par l’inévitable Poinciana, thème fétiche du pianiste qui toujours enthousiasme.

A.-Jamal-Quartet-c-Pierre-de-Chocqueuse.jpgPhotos © Pierre de Chocqueuse

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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 08:24

Mas-Band.jpgLUNDI 4 juin

Jean-Pierre Mas fêtait avec retard la sortie de son dernier album au Duc des Lombards. Vous en trouverez la chronique dans ce blog à la date du 17 février. J.P. MasChargé d’effluves tropicales et de rythmes chaloupés, “Juste après” met en joie celui qui l’écoute. Ses musiciens, ceux d’un quartette rassemblant Eric Seva aux saxophones ténor et soprano, Sylvin Marc à la guitare basse, Xavier Desandre à la batterie et bien sûr Jean-Pierre au piano, firent de même en ce lundi pluvieux, installant même cette belle lumière que le ciel porte après la pluie, titre d’une poignante mélodie de Jean-Pierre qui excelle dans l’art d’écrire des thèmes enchanteurs et de poser dessus de belles couleurs. Cela depuis “Rue de Lourmel”  en 1976. Exposée avec finesse et feeling par le ténor, la composition qui lui donne Eric Sevason nom, une ballade, n’a pas pris la moindre ride, conserve intacte sa fraîcheur. Mais c’est aussi dans le rythme et la bonne humeur – Desandre faisant danser ses tambours le sourire jusqu’aux oreilles, Seva soufflant un grand plein de bonheur  – que se déclina cette soirée festive. Un bus pour Tabarka, pièce modale dans laquelle Seva adopte le soprano, l’irrésistible Bâton dansant qui donne envie de gagner au plus vite les Caraïbes, Recado Bossa Nova porté par un Xavier Desandre aussi performant qu’un orchestre de percussions afro-cubain, Au Sec, pièce latine et fiévreuse pour oublier le mauvais temps furent de puissants remèdes à la morosité d’un bien morne printemps. 

 

MERCREDI 13 juin

Pierre Christophe TrioPierre Christophe au Sunside avec son trio – Raphaël Dever à la contrebasse et Mourad Benhammou à la batterie – pour fêter la sortie de “Byard by Us Live !” enregistré en public le 25 juillet 2007 au Festival de Radio France de Montpellier. Aussi bons soient-ils, les trois précédents disques que Pierre consacra au pianiste Jaki Byard qui fut son professeur à New York, n’atteignent pas l’excellence de celui-ci. Choc de Jazz Magagine / Jazzman en juin, il renferme des versions particulièrement brillantes des thèmes de Byard et des compositions originales de Pierre, un matériel thématique que ce dernier interpréta avec brio au Sunside devant un public parsemé qui se bouscule pour écouter de médiocres stars médiatiques et passe à côté d’un jazz aussi excitant qu’authentique. Le trio de Pierre Christophe compte parmi les meilleurs de l’hexagone et sa prestation fut à la hauteur de nos espérances. Le blues dans les Pierre Christophedoigts, le pianiste nous offrit d’excellentes versions de Proverbs, Out Front, Spanish Tinge # 1(dédié à Jelly Roll Morton) des thèmes enlevés de Byard, Pierre n’hésitant pas à introduire des dissonances dans des cascades de notes perlées, à nous plonger dans un maelström d’arpèges enivrants. Avec beaucoup d’humour, son piano s’encanaille, se déhanche. Sorte de ritournelle sortie d’une boîte à musique monkienne, Hollis Jam swingue et fait tourner la tête. Byard composa Garnerin’A Bit en hommage à Erroll Garner, né comme lui un 15 juin, mais après une introduction arpégée, c’est Fats Waller que Pierre nous fit revivre, ses complices trempant généreusement avec lui ce morceau dans le blues. Les ballades ne furent pas oubliées, Pierre adoptant un jeu en accord pour jouer To Them - To Us, morceau composé par Byard dans les années 80. All the Distance, composition nouvelle évoquant le Take Five du tandem Dave Brubeck / Paul Desmond, mit en valeur la batterie de Mourad. Son instrument rythme, caresse, accompagne la contrebasse mélodique de Raphaël, le chant élégant d’un piano inspiré offrant une belle leçon de jazz. 

 

SAMEDI 16 juin

Brad---Josh.jpgJoshua Redman et Brad Mehldau à Pleyel dans le cadre de « Domaine Privé », série de quatre concerts donnés à Paris par le saxophoniste. Faut-il rappeler que les deux hommes se connaissent depuis plus de vingt ans et que Brad fut le pianiste du quartette de Joshua avant de se faire remplacer par Aaron Goldberg ? Toujours est-il que si Joshua Redman reste un saxophoniste talentueux et plein d’imagination, le piano que joue Brad Mehldau le place parmi les très grands de l’instrument. Depuis l’apparition de Keith Jarrett sur la scène du jazz, aucun autre pianiste n’a autant impressionné et Joshua-Redman.jpginfluencé. Brad est unique, tant en trio qu’en solo, et les concerts qu’il donne en duo avec son ami Joshua leur ouvrent de précieux espaces de liberté. C’est toutefois le pianiste qui, Salle Pleyel, fut le plus convaincant, Redman (au soprano et au ténor) peinant à trouver ses marques, à obtenir le son qu’il souhaitait. Les deux premiers morceaux furent ainsi un peu laborieux. Mais dès le morceau d’ouverture, The Falcon Will Fly Again, un extrait de “Highway Rider”, Brad nous fit entendre une musique si éblouissante que les échanges entre les deux hommes se situèrent rapidement à un niveau supérieur. Nul autre que Brad Mehldau aurait pu relancer pareillement le discours musical, réinventer chaque morceau, en proposer des relectures neuves et fascinantes, leur apporter un Brad-Mehldau.jpgaspect romantique ou leur donner toutes les couleurs du blues. Dès que le pianiste se retrouvait à jouer en solo, la musique prenait une nouvelle direction. Grâce à un jeu polyphonique d’une impressionnante cohésion, la plus simple ritournelle prenait un goût de paradis, comme si vingt doigts posés sur le clavier en animaient les notes, les graves sonnant comme un bourdon de cathédrale. Dream Brother de Jeff Buckley, In Walked Bud de Monk furent frémissements intenses, respiration féerique de la phrase musicale et grands moments d’éternité.

Photos © Pierre de Chocqueuse   

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15 mai 2012 2 15 /05 /mai /2012 09:30

Herbie-Hancock.jpgAfin de sensibiliser la communauté internationale et plus particulièrement les jeunes aux valeurs universelles que véhicule le jazz, la Conférence Générale de l’UNESCO décidait en novembre dernier de proclamer le 30 avril « Journée Internationale du Jazz ». Musique de liberté, mais aussi outil éducatif, force de paix, d’unité, de dialogue et de coopération entre les peuples, le jazz résiste à toutes les tentatives de définition. Deux siècles et demi de brassage culturel permirent sa naissance à la fin du XIXe siècle au sud des États-Unis. Né de la rencontre entre traditions musicales africaines et européennes, il s’est réinventé au contact d’autres cultures, d’autres genres musicaux. Loin de ses frontières, il accueille les traditions folkloriques des pays dans lesquels il s’implante, mais perd souvent de vue ses racines, la longue chaîne des créateurs qui l’ont porté jusqu’à nous. Le blues n’y a plus sa place et le swing pas davantage. Car le jazz possède des règles, un vocabulaire, un patrimoine mélodique et rythmique que trop de musiciens aujourd’hui méconnaissent. La part réduite, voire inexistante qu’ils consacrent aux standards dans leurs albums, le montre cruellement. Aller de l’avant oui, mais en intégrant la tradition à ses propres apports culturels pour que le jazz se renouvelle en tant que jazz et non sous les habits d’une autre musique aussi bonne soit-elle. Rapprocher les peuples et les cultures du monde autour du jazz est une formidable idée. Encore faut-il que le jazz soit encore du jazz pour fédérer un public qui ignore tout de cette musique, habitué qu’il est à écouter de la variété frelatée ou du rock insipide.

 

F. Lacharme & B. TavernierLe 27 avril, trois jours avant que la Journée Internationale du Jazz ne soit célébrée à la Nouvelle-Orléans et à New York, à Paris, l’UNESCO accueillait son Ambassadeur de Bonne Volonté Herbie Hancock et ses amis pour une journée de débats, master classes, conférences, projections de films (“Autour de Minuit”, Nina Simone à Montreux en 1976) expositions et concerts. Mon emploi du temps ne me permit que d'assister le matin à un débat sur le jazz et le cinéma organisé par l’Académie du Jazz et animé par François Lacharme, son président. Il réunissait Julien Delli Fiori (FIP), Vladimir Cosma, Thierry Jousse, cinéaste, ancien rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma et Bertrand Tavernier, orateur brillant et loquace qui nous conta maintes anecdotes sur le tournage de “Round Midnight”, musique supervisée par Herbie Hancock qui, de la salle, intervint dans le débat.

 

China Moses

 

Réservé aux privilégiés qui purent obtenir des invitations malgré une organisation précipitée et un service de presse défaillant, le concert du soir connut des hauts et des bas. La plupart des musiciens n’avaient jamais joué ensemble. Une seule répétition l’après-midi ne leur permit pas de voir la musique en détail, de constituer des groupes homogènes. L’acoustique exécrable de la salle n’arrangea pas les choses. Meilleure danseuse que chanteuse, China Moses massacra allégrement Lover Come Back to Me. Avec elle officiaient Ben Williams (contrebasse) et Hugh-Masekala.jpgTerri Lyne Carrington (batterie), section rythmique qui accompagna la plupart des musiciens qu’annonçait le programme. Barbara Hendricks est une grande chanteuse d’opéra, mais le jazz n’est pas son domaine. Sa version de Strange Fruit ne convainquit personne. Heureusement il y a le blues, le gospel, des musiques qui lui sont naturelles et dans lesquelles son chant plus mesuré fait passer l’émotion. En trio et en robe de chambre, Tania Maria nous offrit un morceau plein de rythme et de joie. La prestation d’Hugh Masekela fut également une bonne surprise. Originaire d’Afrique du Sud, pays qui, il y a 18 ans ce 27 avril, tournait la page de l’apartheid, le trompettiste mêle élégamment jazz et Mbaqanga Lionel-Loueke---Terri-Lyne-Carrington.jpgdans une musique que Lionel Loueke, John Beasley, Marcus Miller et Manu Katché prirent plaisir à construire avec lui. Sans Masekela, mais avec Antonio Hart au saxophone, le même groupe se livra à un intermède funky au cours duquel Marcus Miller fit ronfler bien inutilement sa basse électrique et démontra sa virtuosité. Manu Katché frappait avec démesure ses tambours et Lionel Loueke qui fêtait son anniversaire en prit plein les oreilles. Nous aussi. Sans être original, le jazz manouche du jeune guitariste Swan Berger (né en 1998) que secondaient Mathieu Chatelain (guitare rythmique) et Ben Williams, fut au moins reposant. J’avoue me méfier de ces prodiges qui confondent vitesse d’exécution et musique. Herbie & Dee DeeMais le public aime l’exploit technique. Laissons-le s’ébaudir. Bon pianiste Dominique Fillon eut la chance d’accompagner Nicole Slack Jones, chanteuse originaire de la Nouvelle-Orléans à la voix chaude et suave comme le miel. Fille spirituelle d’Aretha Franklin, elle fait carrière dans la soul et le gospel et nous offrit une belle et émouvante version de God Bless the Child. Après un intermède anecdotique qui mit en présence le guitariste Nguyên Lê, la joueuse de koto Mieko Miyazaki et Prabhu Edward, virtuose franco-indien des tablas, aux percussions, Herbie Hancock s’installa Michel-El-Malem.jpgenfin au piano, intégrant un quartette pour accompagner Dee Dee Bridgewater, impressionnante dans une superbe version de Speak Low, un thème de Kurt Weill, souvent repris par les jazz(wo)men. Loueke pouvait enfin faire parler sa guitare, en tirer des sonorités inédites, faire danser des rondes fiévreuses à ses notes. Nous goûtâmes pleinement les riches harmonies du pianiste, les couleurs de ses accords. Dee Dee céda sa place au saxophoniste Michel El Malem, tout sourire et visiblement heureux de jouer avec Herbie, de partager avec lui quelques mesures de Milestone. Gerald Clayton remplaça Herbie pour officier derrière George Benson, le crooner tentant vainement de nous séduire par une version sirupeuse Ben-Williams---George-Benson.jpgde My One and Only Love. Il intervint à la guitare dans un Walkin’ de bonne facture, retrouvant Herbie pour de fructueux échanges partagés avec Antonio Hart, et le trompettiste Michael Rodriguez. Le final réunit tous les musiciens sur scène dans le tube de Benson, On Broadway (Les Drifters en firent également un hit en 1963, ce qu’on oublie trop souvent), un moment d’anarchie musicale (favorisé par une acoustique épouvantable) et de joie manifeste.

 

Jam-Session-2.jpg 

 

PHOTOS: Herbie Hancock, François Lacharme & Bertrand Tavernier, China Moses, Hugh Masekela, Lionel Loueke & Terri Lyne Carrington, Herbie Hancock & Dee Dee Bridgewater, Michel El Malem, Ben Williams & George Benson, Dee Dee, Marcus Miller & China Moses © Pierre de Chocqueuse        

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 09:50

Revue Littéraire, coverAmphibiens urodèles qui peuplent les lacs du Mexique depuis cinq cent millions d’années, les axolotls me fascinent depuis longtemps. J’ai fait leur connaissance dans “Les armes secrètes”, un recueil de nouvelles de Julio Cortázar. L’une d’entre-elles s’intitule Axolotl. C’est la plus courte du livre, sept pages qu’il m’a été impossible d’oublier. Une amie connaissait ces batraciens translucides d’une quinzaine de centimètres aux yeux grands comme des têtes d’épingle et les appréciait énormément. L’aquarium du Trocadéro en renfermait des spécimens. Elle m’amena les voir. Nous collions nos visages contre la vitre, tout en nous gardant bien de nous transformer en axolotl comme le narrateur de la nouvelle. Le petit animal ressurgit dans ma vie en 2006. Pour Jazzman, Alex Dutilh m’avait confié la chronique d’“Intense”, un disque de Patrick Favre labellisé AxolOtljazz. Jean-Louis Wiart, le producteur de l'album, les avait lui aussi rencontrés dans la nouvelle homonyme de Cortázar. Nous étions fait pour nous entendre. Grand lecteur, cinéphile impénitent, amateur de jazz et de musique classique, cet homme cultivé et érudit est aussi une grande plume. Ses articles dans Les Allumés du Jazz m’enchantent. Il vient de publier De l’axolotl dans La Revue Littéraire (n°52, février-mars 2012), une vingtaine de pages pour tâcher de faire connaître l’Ambystoma mexicanum que Cortázar découvrit au Jardin des Plantes.   

 

Axolotl.jpgComme Jean-Louis Wiart le précise, le mot axolotl est lui-même musical. On comprend mieux l’attrait qu’exerce sa sonorité sur certains mélomanes. Sa prononciation impose un placement singulier de la langue, et à la faire claquer derrière les dents. Comme peyotl, le mot provient du nahuatl, la langue des Aztèques, et signifie « chien d’eau ». Le second chapitre de cette monographie romancée – son auteur la décrit ainsi – nous l’apprend. Le troisième aborde la symbolique de l’animal, pauvre si on la compare à celle d’un autre reptile amphibien, la Salamandra maculata dont l’espèce est commune en Europe. Bien que l’ancienne symbolique chrétienne en fait l’antithèse du griffon, la salamandre n’est pas bien vue au Moyen-Âge. Dans son “Bestiaire Divin”, Guillaume de Normandie accuse l’animal d’empoisonner l’eau des puits et des fontaines dans lesquels il plonge, de corrompre les arbres sur lesquels il grimpe. Ses propriétés merveilleuses ont été beaucoup exagérées depuis l’Antiquité. Dans le livre X de son “Histoire Naturelle”, Pline prétend que la salamandre « est tellement froide qu’elle éteint le feu par son contact, comme ferait la glace. »

 

Breton---Trotsky-a-Cacoyan-c-Fritz-Bach.jpgL’Axolotl n’a pas ces vertus. On lui en prête d’autres, notamment la faculté de se transformer. Selon la légende, le dieu Xolotl serait devenu axolotl par métamorphoses successives. Plus réservés, voire sceptiques, les scientifiques n’ont pu empêcher les écrivains d’en faire des animaux magiques. André Breton les dit porteurs de souliers bleus. Il les a examinés de près, les pêchant au Mexique avec Trotsky. Le cinéaste suisse amphibien Alain Tanner a intitulé un de ses films “La Salamandre”. L’action se passe à Genève, en Suisse « pays de lacs » rappelle l’auteur. De Tanner également, mais tourné à Lisbonne « ville de Fernando Pessoa, de fait axolotl lui-même puisque grand spécialiste des identités multiples » indique Wiart, “Dans la ville blanche” contient des allusions directes à l’animal qui nous préoccupe. Trouve-t-on des axolotls chez les jazzmen ? Si l’on tient compte des nombreuses transformations de sa musique, Miles Davis faisait partie de la famille bien que les photos faites par Irving Penn pour la pochette de “Tutu” montrent davantage un vieux crocodile que notre cher batracien. Les utilisateurs d’instruments à vent seront heureux d’apprendre qu’il existe un sirop d’axolotl réputé soigner les affections pulmonaires. Jean-Louis Wiart serait aussi apothicaire. Je vous conseille vivement de lire ses pages, de suivre ses conseils. On n'est jamais assez prudent !

La Revue Littéraire n°52, février-mars 2012, Éditions Léo Scheer. 

André Breton et Trotsky à la pêche aux axolotls (1938) © Fritz Bach

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29 mars 2012 4 29 /03 /mars /2012 09:00

S.-Koechlin-Le-vent--cover-copie-1.jpg« Mon père est le fondateur de Rock & Folk, un mensuel légendaire qui eut son heure de gloire pendant les années 70. » Philippe n’est toutefois pas le seul Koechlin qui fera vivre sa famille de la musique. Compositeur « à la barbe fluviale », Charles Koechlin (1867-1950) occupa bien avant lui les colonnes de journaux, publiant ses articles dans la Revue Musicale et dans l’Humanité. Il laissa une œuvre aussi diverse qu’admirable, riche de 226 numéros d’opus. Son traité d’orchestration reste aujourd’hui encore un ouvrage de référence. Le narrateur ne sait rien des goûts musicaux de Maurice Koechlin, le chef du bureau d’études de Gustave Eiffel. Dans l’ombre de l’architecte, il eut l’idée de la tour et en fit les calculs. Vous l’avez compris, “Le vent pleure Marie” (le titre est emprunté à une célèbre chanson de Jimi Hendrix) est une saga familiale qui se déroule sur plus de cent ans, l’histoire de la propre famille de Stéphane Koechlin, journaliste et auteur de plusieurs biographies de musiciens. Son arrière grand-mère Geneviève était une excellente pianiste. Son grand-père Rodolphe Koechlin épousa Jeanne, une élève de Marguerite Long. Il ne sera ni musicien, ni journaliste. Une balle de mitrailleuse allemande dans la tête l’empêchera à jamais d’entendre correctement. Il vendra des automobiles et aura trois garçons.

 

L’aîné Philippe Koechlin naquit en 1938. Il en est beaucoup question dans ce livre, un faux roman, Stéphane Koechlin ayant modifié certains noms ou prénoms dont celui de sa mère pour se sentir plus libre avec ses personnages. On suit la vie de ses parents, leur rencontre au collège Jean-Jacques Rousseau. Avec quelques amis dont Jean-Louis Dumas futur PDG de la prestigieuse maison Hermès, Philippe avait monté un orchestre de jazz et jouait du trombone. Sa passion pour le jazz le conduisit 14 rue Chaptal, siège de la revue Jazz Hot financée par Charles Delaunay son fondateur qui en présidait la destinée. Philippe commença par classer des photos. Le service militaire interrompit son travail de secrétaire de rédaction. Affecté aux transmissions, il fut envoyé à Berlin. Lors d’une permission, il découvrit Twen, une revue allemande qui décidera de l’esthétisme du futur Rock & Folk dont la genèse est racontée en détail par Stéphane. Devenu Philippe Koechlin © Jean-Pierre Leloirrédacteur en chef de Jazz Hot, Philippe Koechlin s’intéressa à d’autres musiques. Le rock, le folk, la soul le passionnaient bien davantage que le free jazz. Malgré l’insuccès d’un numéro consacré à James Brown, Philippe tenta un numéro spécial en 1966 avec Bob Dylan en couverture. Rock & Folk était né. Il accompagnera plusieurs générations de jeunes mélomanes. Les dix premières années furent fertiles. La musique pop connaissait son âge d’or et Rock & Folk en tint la chronique. Philippe en peaufinait la mise en page et une équipe de jeunes journalistes avait rejoint Philippe Adler et Kurt Mohr, pionniers aux grandes oreilles qui firent bénéficier à la jeune revue leurs goûts éclectiques. Leurs noms nous sont familiers de même que ceux de la nouvelle génération de journalistes qui poussèrent la porte de la rue Chaptal : Philippe Garnier, Yves Adrien, François Ducray, Philippe Manœuvre. Mais pourquoi Burning Daylight et Dorian ne portent-ils pas leurs noms véritables ? Pourquoi Robert Baudelet et Jean-Pierre Leloir apparaissent-ils sous leurs vrais noms alors que le fidèle Jean, qui jusqu’à sa mort inattendue ne manqua jamais les réunions de l’Académie du Jazz, se trouve t-il affublé du pseudonyme Senso ?

 

Préférant maquetter son magazine, Philippe Koechlin les laissera occuper l’espace médiatique. « Il tirait de ses tiroirs sa trousse à outils : scotch, règle en fer calibrée, feutres aux mines fines, des tire-lignes aux manches jaunes, toutes sortes d’objets menus et précieux que ma sœur et moi n’avions pas le droit de toucher. » Le matin, il travaillait chez lui, en pyjama, sous le regard de Stéphane avec lequel il peinait à communiquer. Philippe transmit à son fils l’amour de la musique et une passion pour Rock & Folk, un « grand frère » qu’il lisait assidûment. Les années 1977 et 1978 sonnèrent la fin de l’aventure. Avec l’apparition du mouvement punk, le déclin de la revue devint inévitable. Philippe Koechlin n’aimait guère cette musique immature aux notes rachitiques. Trop en marge de ce nouveau courant, Rock & Folk perdait pied et lecteurs. Les années 80 furent la longue traversée d’un désert musical. Stéphane préférait écouter du blues, de la soul. Philippe revint au jazz, aux big band des années 30 qui célébraient le swing. Après la vente de Rock & Folk au début des années 90, il réalisa des films pour Canal Plus, des Charles Koechlinbiographies de Louis Armstrong, Billie Holiday, Sidney Bechet, et écrivit des "mémoires" dans lesquelles il est beaucoup question de jazz. Après sa disparition en décembre 1996, Stéphane accompagna sa mère à la Nouvelle-Orléans. Elle s’y était rendue avec Philippe peu de temps avant sa mort. Son beau-père Rodolphe en avait rapporté un disque d’Armstrong. Avant lui au début du siècle, Charles, le compositeur (photo) avait fait le voyage et conquis par sa lumière en avait ramené un récit de voyage. Marie est la figure centrale de la dernière partie de ce livre. Cette femme forte et digne qui dans l’ombre de son mari partagea ses passions hérite des pages les plus émouvantes. L’écriture en est fluide. Le récit passionnant fait remonter bien des souvenirs. 

 

Comme Stéphane Koechlin, Rock & Folk accompagna ma jeunesse. Je découvris le magazine en 1968. Cette année-là, peu avant les fêtes de Noël, je me rendis rue Chaptal acheter d’anciens numéros, découvrant le pavillon de Jazz Hot qui abritait la revue, sans savoir que j’occuperais plus tard un des bureaux du premier étage. Ma première rencontre avec Philippe Koechlin eut lieu en 1975. Attaché de presse de la firme Polydor, je pris l’habitude de lui porter des disques, des Verve, des Pablo. J’avais des Stan Getz, des Lionel Hampton, des Art Tatum, des Oscar Peterson plein les bras. Nous devînmes amis. Philippe me témoigna beaucoup d’affection. Il fut heureux d’apprendre que j’avais rejoint la nouvelle équipe de Jazz Hot. Nous déjeunions à l’Annexe. Rock & Folk s’était installé au numéro 9 et je passais souvent le voir en fin de journée. Grâce à Philippe Adler, un proche des Koechlin, nous nous rapprochâmes davantage. Je fis connaissance de la famille, de la Marie solaire de ce beau livre. Stéphane en raconte l’histoire, fait revivre avec une plume trempée de tendresse son enfance heureuse rue de Siam « emplie de lumière et de musique ».

 

 Stéphane Koechlin “Le vent pleure Marie, Fayard, 554 pages.

 

Crédits Photos: Philippe Koechlin © Jean-Pierre Leloir - Charles Koechlin © X/D.R. 

 

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