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20 mars 2012 2 20 /03 /mars /2012 09:06

Milanta--Rochelle--Rousselet.jpgLundi 12 mars

Le tout Paris du jazz s’était donné rendez-vous au Palace pour écouter le Duke Orchestra de Laurent Mignard qui fêtait la sortie de son second album,“Ellington French Touch”, un recueil de compositions ou d'arrangements de Duke Ellington et Billy Strayhorn associés à Laurent-Mignard.jpgl’hexagone, la présence de nombreuses pièces rares ou inédites évitant de faire tomber l’orchestre dans de la musique de répertoire. Invités par Claudette de San Isidoro, attachée de presse de la Maison du Duke, ou par Agnès Tomas qui assure la promotion du nouveau disque, de nombreux journalistes s’étaient déplacés. J’ai fréquenté le lieu à la fin des années 70, m’occupant de Millie Jackson qui y donnait un show, assistant au premier des trois concerts qu’Arthur Poivre parvint à donner à Paris. Longtemps fermée, l’ancienne boîte de nuit de Fabrice Emaer a aujourd’hui fait peau neuve, retrouvant les fauteuils et strapontins d’une vraie salle de concert.

 

The Duke OrchestraLes Michu occupaient de bonnes places face à la scène. Un de leurs petits-enfants les accompagnait. Adolescent boutonneux exhibant la panoplie noire du parfait gothique, Jacquot dit Black Jacques s’impatientait. Les Michu avaient eu du mal à le convaincre de venir. Fan d’ACDC, il ne croyait pas que le Duke Orchestra puisse tenir le rythme, bastonner comme ses idoles. Duke Ellington, il en avait entendu parler, ne connaissait rien de sa musique, et s’imaginait déjà la conspuant tout en mâchonnant les poils de sa barbe naissante. Nicolas-Montier---Didier-Desbois.jpgAussi nerveuses que leur propriétaire, ses pesantes chaussures cloutées martelaient le sol, ce qui ne manquait pas d’inquiéter Jean-Paul assis un peu plus loin. Dès le lever de rideau, une reprise maousse costaud de Take The A"Train", la salle se sentit soulevée par la puissance sonore de l’orchestre, son intense trépidation rythmique. Black Jacques n’osait pas encore se l’avouer, mais  Such Sweet Thunder, Rockin’ Rythm  ou Battle Royal swinguaient quand même bien davantage que le hard rock lourdingue auquel il avait été habitué – « la faute de ses parents indignes » m'ont confié les Michu qui en veulent toujours à leur fils d’avoir fait mai 68.

 

Couderc--Rousselet--Montier--Tropez-.jpgMonsieur Michu ne s’attarda pas à récriminer son petit-fils. Comme ceux des autres représentants de la gente masculine remplissant ce soir-là le Palace, ses yeux brillèrent de plaisir lorsque apparut sur scène la belle Nicolle Rochelle qui chante, danse, frétille comme une sirène dans la piscine d’eau chaude d’un milliardaire hollywoodien. Quelques paires d'yeux délaissèrent même leurs orbites pour admirer de plus près la plastique superbe de l’arrivante, les formes sculpturales qui s'offraient aux regards. Plus espiègle que jamais, mon voisin de gauche, Michel Contat, semblait avoir brusquement rajeuni. Très à l’aise, la chanteuse papillonnante survola brillamment Bli-Blip sous les applaudissements. Celle qui tenait Nicolle-Rochelle.jpgle rôle de Joséphine Baker dans “À la recherche de Joséphine”, un spectacle de Jérôme Savary, fit merveille dans Paris Blues et No Regrets. Grande et souple sauterelle, la danseuse tournoya avec un tap dancer (Philippe Roux) sous les tutti des trompettes, le souffle chaud des blacks trombones, le timbre mordoré des saxophones. Avec elle, le Duke commentait sa musique, répondait aux questions de Laurent Mignard qui, tout feu tout flammes face à un écran géant servant de machine à remonter le temps, dirigeait son orchestre. Par la magie des trucages, du fondu enchaîné numérique, le passé rencontrait le présent, Paul Newman et Sydney Poitier rejoignaient Fred Couderc et François Biensan dans une même Battle Royal.

 

N.-Rochelle-et-J.-Saury.jpgSi l’éclairage laissait à désirer, la qualité du programme musical enthousiasma les plus sceptiques – ne vit-on pas Black Jacques le sourire jusqu'aux oreilles ôter ses mitaines pour claquer dans ses mains ? Galvanisé par son chef dont on connaît les mignardises, le Duke Orchestra joua de larges extraits de son dernier disque, nous fit revivre l’enregistrement de Turcaret, exhuma Gigi un laissé pour compte de la Goutelas Suite, et Daily Double, musique qui devait servir de bande sonore à Fred Coudercun film sur les peintures d’Edgar Degas. Le saxophone alto de Didier Desbois remit sur rails The Old Circus Train. Le piano de Philippe Milanta fit reverdir la Fountainebleau Forest (Le Duke devait avoir très soif lorsqu’il composa ce morceau) et la clarinette d’Aurélie Tropez se glissa sous les plumes d’un rossignol pour chanter Bluebird of Dehli. Il m’apparaît fastidieux de citer les quinze musiciens de l’orchestre. Vous trouverez leurs noms en vous procurant le disque. Redevenu Jacquot, Black Jacques compte l’acheter ainsi qu’une veste blanche afin de ressembler au Duke. Il devra ôter la quincaillerie fort peu ellingtonienne qu’il arbore et qui le troue de part en part. Il lui faudrait une greffe. On voit d’ici l’étrange cépage.

 

Logo-Maison-du-DUKE.jpgDuke Ellington et son grand orchestre traversèrent le XXe siècle avec un répertoire original mêlant l’esprit du blues à une invention orchestrale raffinée. Fondée en septembre 2009, la Maison du Duke et son équipe (Claude Carrière, Philippe Baudoin, Isabelle Marquis, Christian Bonnet, Laurent Mignard) en font aujourd’hui rayonner l’héritage. Après un partenariat avec l’Entrepôt, c’est le magnifique Collège des Bernardins récemment restauré qui accueille les manifestations qu’organise l’association : cycle mensuel de conférences, concerts bimestriels, expositions itinérantes, gestion d’archives sonores ellingtoniennes inédites et traduction en cours de “Music is my Mistress”, l’autobiographie ducale. Les 28 et 29 septembre prochains, Provins (77) accueillera la première édition d’un Duke Festival.

Pour rejoindre la Maison du Duke, bénéficier des avantages qu’elle propose ou pour vous tenir informés de ses activités : www.maison-du-duke.com

 

Mignard-et-sa-mignardette.jpgPhotos © Pierre de Chocqueuse

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15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 10:18

Enrico-Pieranunzi.jpgVENDREDI 2 mars

Le nouveau trio d’Enrico Pieranunzi ne serait-il pas le meilleur de sa longue carrière ? C’est la question que l’on se pose après son premier concert parisien à Roland Garros. Le maestro a toujours su choisir ses musiciens. Avec Marc Scott--Colley.jpgJohnson et Joey Baron, il a longtemps bénéficié de l’une des meilleures paires rythmiques de la planète jazz. En privilégiant le jeu collectif, Scott Colley et Antonio Sanchez parviennent cependant à renouveler sa musique et à la rendre plus excitante que jamais. Contrebasse et batterie interviennent directement dans le processus créatif, structurent les thèmes qu’apporte Enrico, et lui donnent une tension appréciable. Colley est un rythmicien capable de répondre aux sollicitations mélodiques d’un pianiste virtuose qui aime surprendre et questionner. Sanchez n’est pas en reste. Batteur, mais aussi percussionniste, il colore la ligne mélodique et possède une frappe lourde qui remplit l’espace sonore. Il en résulte une musique très dense. Le piano taquine une basse vrombissante qui joue beaucoup de notes ; le batteur mitraille, percute tambours et cymbales. Le groupe s’impose dans l’action. Les tempos rapides favorisent les échanges. Un ostinato, la mise en E.-Pieranunzi---S.-Colley.jpgboucle d’une phrase mélodique en guise de thème suffisent aux musiciens pour installer l’espace de jeu, improviser. Stangest Consequences et Permutation qui donne son nom au disque du trio sont ainsi des pièces ouvertes à tous les possibles. Enrico adopte un jeu inhabituellement agressif dans la première, abstrait dans la seconde. Véloce, le pianiste y place des cascades de notes inattendues, les attaque avec gourmandise. Des ballades viennent adoucir une prestation intense. La mélodie de Distance from Departure inspire le poète qui fait chanter ses notes, les détache, les sert par la finesse de son toucher. Colley et Sanchez s’y montrent discrets, comme si Enrico souhaitait réserver ces Antonio-Sanchez.jpgpages lyriques à son instrument. Pas une seule note de Whithin the House of Night, une pièce lente et majestueuse également incluse dans “Permutation”, n'est improvisée. La contrebasse réexpose le thème, cymbales et toms délicatement martelés ajoutent de discrètes couleurs à un morceau composé pour le piano. Mais c’est aussi en conviant les musiciens de son nouveau trio à partager Horizontes Finales, qu’Enrico éblouit et ouvre les portes du rêve. Colley en double la ligne mélodique tout en offrant un subtil balancement à un morceau qui respire une joie de vivre, une félicité toute printanière. Puisse-t-il nous porter bonheur.

 

SAMEDI 3 mars

Susi-Hyldgaard.jpgSusi Hyldgaard au Sunside. La chanteuse danoise ne s’était pas produite dans un club parisien depuis des concerts donnés au Duc des Lombards en octobre 2010. Elle vient de fait paraître un nouvel album qui bénéficie d’une chronique enthousiaste du blogueur de Choc, et en interprète de nombreux extraits. Avec elle, une équipe réduite la suit depuis longtemps. Jannick Jensen fournit un énorme travail à la basse électrique. Il ressemble en plus jeune au commissaire Maigret, un ami de François Lacharme que les membres de l’Académie du Jazz connaissent bien. A la batterie, Jannick Jensenla fidèle et souriante Benita Haastrup qui double la voix de Susi, assure les contre-chants. Elle utilise surtout des balais, des sticks, rythme avec grâce, sans lourdeur aucune, et siffle aussi très bien. Ils ne sont donc que trois, mais parviennent pourtant à remplir l’espace sonore, à le rendre féerique. Susi dispose bien sûr du piano du Sunside, en tire des belles couleurs, des harmonies délicates. Elle n’a pas apporté son accordéon, mais un piano électrique et un ordinateur dans lequel sont stockés des samples de voix, des séquences sonores qu’elle superpose à la musique qu’elle et ses musiciens jouent sur scène. Elle possède surtout un tel feeling que son univers musical, souvent réduit à peu de choses, enveloppe et Benita Haastrupentête. “Dansk”, son nouveau disque, est une réflexion sur l’identité, la communication. Le Danemark est un petit pays entouré de grands. Susi se rapproche de leurs habitants en chantant en français, en allemand, en anglais et bien sûr en danois, mélangeant ces langues comme elle entremêle toutes sortes de musiques. Moins célèbre que Björk et Joni Mitchell, elle leur ressemble par la profondeur de ses textes, l’originalité du monde sonore qu’elle parvient à créer. Inclassable, Il n’y a pas si longtemps sonnant un peu plus jazz que les autres morceaux qu’il contient,“Dansk” reste plus proche de “Blush” que de son disque B. Haastrup & S. Hyldgaardprécédent,“It’s Love We Need”, un disque de jazz joyeusement funky arrangé par Roy Nathanson et Bill Ware et enregistré avec le NDR Big Band. Le second set fut consacré à des compositions de ses autres disques. Elle reprit Blush, chanta un Welcome to India aux sonorités orientales et un standard inattendu My One and Lonely Love, révélant ainsi l’étendue de sa culture.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse

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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 09:13

Tord Gustavsen, gdeSAMEDI 4 et DIMANCHE 5 février

On attendait depuis longtemps Tord Gustavsen à Paris. La Maroquinerie l’avait programmé en trio en juin 2007. L’an dernier, seul le Grand T de Nantes avait eu la bonne idée de l’accueillir. Sa venue au Sunside pour trois concerts – deux le samedi, un seul en deux sets le dimanche – constituait donc un événement. Le -The-Well---cover.jpgpianiste norvégien vient de publier “The Well”, un album en quartette, son premier, bien que l'admirable “Restored, Returned”, son disque précédent, contienne des plages en solo, duo, trio, la présence de Kristin Asbjørnsen dans certaines plages transformant le groupe en quintette. Si celle-ci ne chante pas dans “The Well”, on y retrouve Mats Eilertsen à la contrebasse et Jarle Vespestad à la batterie, sa section rythmique habituelle, mais aussi Tore Brunborg dont le saxophone tient une place importante. Tous avaient fait le voyage. Avec eux, un cinquième homme pour s’occuper du son, rendre intimiste les échanges entre les membres du groupe, les moindres nuances qu’ils expriment par leurs instruments. Habituée à jouer dans des salles plus importantes, la formation découvrit au Sunside un public attentif à sa musique, des berceuses, des cantiques, des hymnes dont on peut fredonner les airs, mais qui s’écoutent et favorisent le silence. Certaines pièces de “The Well” ont même été écrites pour l’Oslo International Church Music Festival. Leur simplicité impressionne et c’est une salle Tord Gustavsen bandrecueillie qui, les deux soirs, écouta avec ferveur de nombreux extraits de l’album, des morceaux subtilement teintés de gospel joués par un pianiste dont le blues reste très présent dans le phrasé. Soignant les couleurs de ses voicings, Tord économise ses notes et les fait respirer. Son approche harmonique exprime l’intériorité, la profondeur de la musique qu’il fait chanter à son piano, musique que Tore Brunborg approche lui aussi sous un angle mélodique. Son saxophone met en valeur les thèmes, ceux de la Suite ou celui, magnifique, d’On Every Corner. Leurs mélodies lyriques portent en elles un groove discret, toujours sous-tendu, davantage marqué dans Playing, The Swirl – une danse propre au folklore norvégien – et The Gaze, ces deux dernières pièces provenant de “Restored, Returned”, l’album précédent du pianiste. L’office du dimanche s‘acheva dans le plus grand silence sur un émouvant Kyrie que le groupe n’a pas encore enregistré. L’émotion se lisait sur les visages à la sortie des concerts. Malgré un froid polaire, les gens heureux bavardaient, faisaient connaissance. Ils avaient communié à la même table musicale et, comme les invités du “Festin de Babette”, en sortaient transformés.

 

Jamal--Riley--Badrena--gde.jpg

JEUDI 9 février

Un théâtre du Châtelet archi-plein pour Ahmad Jamal qui nous revient avec un nouveau disque et une nouvelle section rythmique. Membre du Lincoln Center Orchestra que dirige Wynton Marsalis, Reginald Veal remplace James Cammak à la contrebasse, vingt-sept ans de bons et loyaux services auprès du A-Jamal--Blue-Moon--cover.jpgpianiste. Ahmad a également engagé un nouveau batteur. Herlin Riley a lui aussi beaucoup joué avec Marsalis. Herlin et Reginald rythment “Blue Interlude”, “Citi Movement”, Blood on the Fields”, de grandes réussites du trompettiste. Ils se connaissent et sont prompts à réagir aux désirs de leur nouvel employeur. Ce dernier peut s’appuyer sur eux, caler son jeu sur la pulsation soutenue de son batteur, les rythmes précis de son bassiste. Même avec une nouvelle équipe et une basse plus funky sa musique ne change pas. Contrebasse et batterie lui offrent un tapis rythmique aux mailles très tendues. Le groove reste au cœur de l’action et Ahmad en surveille les nuances. Il surveille, donne des ordres. A sa demande, Manolo Badrena fignole aux percussions, assouplit ou durcit les rythmes, improvise même davantage que ses camarades constamment sous contrôle. Le pianiste n’a plus qu’à improviser sur les mélodies qu‘il s’est choisies. “Blue Moon” son excellent nouvel album (Jazz Village / Harmonia Mundi) en contient de nouvelles. Ses Jamal, Veal, Rileyaccords sèchement plaqués, ses notes perlées dans l’aigu du piano, ses silences inattendus leur donnent dynamique et mouvement. Les standards qu’il reprend bénéficient également de son jeu orchestral. Blue Moon, Invitation, Laura, revivent avec beaucoup d’originalité sous ses doigts. Exploitant toute l’étendue de son clavier, disposant d’une main droite percussive, d’une main gauche caressante, Ahmad donne poids et relief à ses notes, esquisse des thèmes, déroule de brusques cascades d’arpèges ou, allusif, cultive la litote, laissant ainsi ses musiciens combler ses silences. Malgré un problème de mise en place qui affecta quelque peu sa version de Gypsy, ce concert fut royal avec un pianiste visiblement heureux de jouer avec de nouveaux musiciens installant swing et feeling dans sa musique, le souple balancement de Poinciana joué en rappel, nous redonnant courage pour affronter l’hiver.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 10:32

Laurent de Wilde (gde)MERCREDI 18 janvier

Quatre concerts donnés par Laurent de Wilde au Duc des Lombards avec Ira Coleman à la contrebasse et Clarence Penn à la batterie pour peaufiner de nouvelles compositions. Le trio les a enregistrées dans la foulée au studio Plus 30 Ira-Coeman.jpgdans le 19e arrondissement de Paris. L’album, le premier sous ce format depuis “The Present” en 2006, s’intitule provisoirement “Over the Clouds”, titre d’un morceau très africain introduit par un solo de piano, l’instrument partiellement préparé à la patafix sonnant comme un balafon. La contrebasse y tient une place importante. On trouve Ira Coleman sur plusieurs disques de Laurent dont “Open Changes” (1992) et “Colors of Manhattan” (1990) réédités cette année. Il fut le bassiste des derniers albums de la formation de Tony Williams disponibles dans un coffret Mosaïc à l’exception du très recherché “Tokyo Live”.

 

Laurent-de-Wilde-a.jpgCe nouvel album, le pianiste nous avait annoncé qu’il contiendrait « des morceaux très rythmiques, louchant sur l’afro-beat comme sur l’électro, mais aussi du blues et des ballades. » Il tint parole, et nous les présenta au Duc en avant-première, prenant le temps de nous les expliquer. Le second concert du mercredi 18 débuta par Le bon médicament, une ballade romantique, une mélodie que la main droite du pianiste égraine et développe dans l’aigu. Le disque contiendra deux reprises : la première est une version légèrement funky de Prelude to a Kiss (Duke Ellington) ; la seconde une composition très chaloupée de Fela Kuti, Fe Fe Naa Efe. Ira Coleman utilise une basse électrique et dans la version que comprendra l’album, la contrebasse de Jérôme Regard et la batterie de Laurent Robin se rajoutent au trio, Laurent posant ainsi ses harmonies sur un véritable tapis rythmique. D’inspiration africaine, un morceau co-écrit par Laurent et Ira ne porte pas encore de titre. Ce dernier lui donne un Clarence Pennrythme particulier en jouant un ostinato de basse avec une croche de retard. Autre découverte, un blues baptisé provisoirement Some Kind of Blues, introduit par un pianiste qui aère ses notes et les fait magnifiquement sonner. Le nouveau disque comprendra une reprise très rapide d’Edward K. précédemment enregistré par Laurent dans “Spoon-a-Rhythm” en 1996, ainsi qu’une pièce inspirée par la récente tragédie de Fukushima, New Nuclear Killer, du bop énergique et ternaire. Nul doute à l’écoute de ces morceaux que ce nouvel opus attendu fin mars (Gazebo / L’autre distribution) constituera un des évènements jazzistiques du printemps.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse     

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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 10:38

Remise-des-Prix-2011-c-Phil-Costing.jpgMERCREDI 11 janvier

Représentants du Ministère de la Culture et des sociétés civiles, musiciens, producteurs, responsables de maisons de disques, éditeurs d’ouvrages musicaux, agents artistiques, journalistes, sans oublier les Le Président Lacharmequelques inévitables pique-assiettes dont un certain Edouard Marcel s’étaient donné rendez-vous au foyer du théâtre du Châtelet qui accueillait pour la sixième année consécutive l’Académie du Jazz et sa remise de prix. « Attendez-vous à plus de cantiques que de sermons » prévint son président François Lacharme dans son discours d’introduction. Il tint parole. Nous eûmes davantage de musique et moins de bla-bla que les précédentes années.

J.L. Choplin & G. Nouaux © Ph. Marchin

 

Comme l’an dernier, Le directeur du Châtelet, Jean-Luc Choplin, remit le Prix du Jazz Classique. Peu bavard, ayant toutefois une pensée délicate pour Olivier Brard le distributeur de son album décédé le 23 décembre, Guillaume Nouaux son heureux récipiendaire nous fit, en solo, une démonstration de batterie néo-orléanaise, avec une reprise de Lil’Liza Jane, un extrait de l’album récompensé.

 

C.-Carriere---Joel-Mettay.JPGAlain Pailler souffrant n’ayant pu faire le déplacement, Joël Mettay son éditeur (Editions Alter ego) reçut son Prix du livre de Jazz des mains de Claude Carrière, admirateur et spécialiste de Duke Ellington. Un choix judicieux, le livre récompensé a pour sujet Ko-Ko, non le gorille qui parle, mais la composition que le Duke enregistra en 1940, « une partition d’une puissance jusqu’alors à peu près inconnue dans le monde du jazz ». Je cite Alain Pailler dont le livre était en compétition avec ceux de Pascal Anquetil (“Portraits légendaires du jazz”), Alain Gerber (“Je te verrai dans mes rêves”) et Jacques Réda (“Le grand orchestre”).

 

Jean-Louis-Chautemps.jpgLe coffret Stan Getz édité par Verve obtint le Prix de la Meilleure Réédition. Ses photos, le soin apporté à sa mise en page, ses reproductions de pochettes de David Stone Martin le rend très attractif. Aucun amateur de jazz ne contestera son contenu. Il renferme “Stan Getz Plays” l’un des chefs-d’œuvre du saxophoniste. J’aurai pour ma part aimé voir aussi récompenser les “Bootleg Series Vol.1” de Miles Davis, mais son livret peu épais, sa présentation peu soignée ne jouèrent pas en faveur des flamboyants concerts européens de 1967 du trompettiste. Getz primé, Jean-Louis Chautemps monta sur scène avec son ténor pour nous parler et imiter son style. Reproduite dans le “Stan Getz d’Alain Tercinet, une photo de Jean-Pierre Leloir montrant Getz face à Lester Young au Blue Note en 1959 fut le point de départ d’une évocation nous conduisant de la rue d’Artois à Orly, Chautemps, boute-en-train infatigable, essayant de nous faire croire que l’aéroport avait inspiré à Getz son célèbre Orly Autumn (Early Autumn).

Stephane-Papinot-c-Ph.-Marchin.JPG

 

Le prix du Jazz Vocal revint sans surprise à Gregory Porter, nouveau venu sur la scène du jazz largement plébiscité par les académiciens. Dans une brève séquence filmée, le chanteur qui s’était récemment produit au Duc des Lombards nous fit part de son plaisir à recevoir cette récompense. Attaché de presse d’Integral qui en France distribue le label Motema, Stéphane Papinot récupéra le trophée, nous prévenant de la sortie d’un nouvel album fin février et d’un concert à la Cigale le 2 juin.

Mika-Shino---F.-Lacharme.JPG

 

Appelée sur scène par François Lacharme, Mika Shino conseillère spéciale de Herbie Hancock annonça officiellement le lancement de la première Journée Internationale du Jazz sous l’égide de l’UNESCO dont Herbie est Ambassadeur de Bonne Volonté. Désignant l’Académie du Jazz comme partenaire officiel, elle invita la communauté du jazz français à la rejoindre le 27 avril 2012, date choisie pour cette manifestation.      

 

Très ému, Michel El Malem reçut le Prix du Disque Français. On n’attendait pas Michel El Malemce challenger encore peu connu du public à la plus haute marche du podium, mais l’excellence de son album – une séance en état de grâce dont Marc Copland est le pianiste – lui fit obtenir ce prix âprement disputé. Lors des votes, “Reflets” l’emporta d’une seule voix sur “Contrapuntic Jazz Band” de Gilles Naturel au troisième tour de scrutin. En compagnie des musiciens de l’album - Michael Felberbaum à la guitare, Marc Buronfosse à la contrebasse et Luc Isenmann à la batterie - mais sans Marc Copland que Bruno Angelini remplaça au piano, Michel (au soprano) nous offrit une version écourtée de Reflets approchant celle, magique, que l'on trouve sur le disque.

 

Patrice-Caratini.jpgL’Académie du Jazz a l’habitude d’honorer ses disparus. Après avoir rendu hommage l’an dernier à Mimi Perrin, Jean-Pierre Leloir et Mike Zwerin elle ne pouvait ignorer le décès le 1er novembre dernier d’André Hodeir, son premier président. S’il n’a pas été possible de réunir pour cette remise de prix le Jazz Ensemble de Patrice Caratini, formation à même de recréer fidèlement et dans de parfaites exécutions sa musique, un film prêté par l’INA nous montra le compositeur au travail dirigeant son Jazz Group de Paris. En présence de Madame André Hodeir et de deux de ses filles, Patrice Caratini nous parla longuement du musicien, champion de ping-pong de Seine-et-Oise dans les années 40 qui, pour mieux capturer l’essence du jazz, allait jusqu’à écrire les chorus de ses solistes.

 

C. Zavalloni & F. BearzattiLe dessinateur Cabu remit à Francesco Bearzatti le Prix du Musicien Européen décerné en commission. Un choix pertinent car il récompense un musicien qui a fait beaucoup parler de lui en 2011. On l’a récemment entendu au sein de Mo’Avast, la formation du contrebassiste Mauro Gargano, mais aussi dans le Nord Sud Quintet d’Henri Texier. Le saxophoniste italien nous gratifia d’un superbe solo de ténor et invita Cristina Zavalloni, une compatriote, à le rejoindre pour deux pièces improvisées révélant le talent d’une chanteuse habituée aux sauts d’octaves et aux vocalises, aux difficiles exigences de la musique contemporaine.

 

Ambrose Akinmusire, coverLe trompettiste Ambrose Akinmusire n’avait pu faire le déplacement pour recevoir le Grand Prix de l’Académie du Jazz couronnant le meilleur disque de l’année. A l’issu d’un troisième tour de scrutin très serré, une seule voix séparait “When the Heart Emerges Glistening” présenté par François Lacharme comme « un disque qui se mérite, s’écoute et se découvre, même s’il peut dérouter de prime abord » d’“Excelsior”, enregistrement en solo de Bill Carrothers. Les amateurs de piano avaient voté pour le disque admirable du pianiste, parvenant presque à le hisser au sommet. A la grande joie de ses partisans, l’album d’Akinmusire termina premier. Les remerciements très brefs mais sincères d’un trompettiste heureux nous parvinrent en images.

 

Sharrie-Williams-c-Ph.-Marchin.JPGDéjà primé par l’Académie du Jazz en 2004, le chanteur R. Kelly obtint le Prix Soul pour son disque “Love Letter”. S’il n’avait pu se déplacer, Sharrie Williams, une chanteuse du Michigan, avait fait le voyage pour recevoir le Prix Blues. Membre de l’Académie et directeur de publication de la revue Soul Bag, Jacques Périn put donc le lui remettre. Sharrie remercia Dieu, sa famille, l’Académie du Jazz puis nous fit passer un extraordinaire moment grâce à sa voix aussi puissante que magnifique. Sa version émouvante de God Bless the Child nous remplit d’émotion. Avec elle, Alain Jean-Marie au piano, « aussi princier que d’habitude » pour citer Jean-Louis Wiart, un homme de goût et de culture, posait délicatement les accords du thème, l’effeuillant avec une grâce sans nulle autre pareille.

 

M.-Delpech--F.-Lacharme---N.-Le-c-Ph.-Marchin.JPGComme l’an dernier, le très attendu et convoité Prix Django Reinhardt fut attribué à un guitariste, à un musicien expérimenté dont le nom revenait souvent dans les pré-listes de l’Académie du Jazz. « Un prix qui t’arrive un peu tard, mais que je suis très heureux de te voir décerner » déclara François Lacharme à Nguyên Lê, le récipiendaire de cette récompense prestigieuse. Le chanteur Michel Delpech le remit au guitariste dont le dernier enregistrement, “Songs of Freedom”, est le moins jazz de sa carrière. En duo avec le bassiste Linley Marthe, Nguyên interpréta Pastime Paradise de Stevie Wonder juste avant que ne s’ouvrent les portes conduisant au cocktail « après le bla-bla, le glou-glou » les derniers mots du Président invitant à poursuivre la fête la bouche pleine et le verre à la main, Jonas, le vin du Gard de Philippe Briday (Domaine Combe de la Belle), 100% Grenache, remportant un franc succès. 

 

Sebastien-Belloir---Emilie-Manchon.jpgAlex Dutilh et Seydou Barry © Ph. Marchin

 

 

A gauche, Sébastien Belloir devenu attaché de presse indépendant (Anteprima, ObliqSound, ACT) après s'être occupé du label ECM avec Marie-Claude Nouy. La jolie fille au sourire soleil s'appelle Emilie Manchon. Elle remplace François Guyard chez ECM. Avec elle, le label munichois risque de devenir très populaire. Tous les prétextes seront bons pour faire un tour rue des fossés Saint-Jacques. Sur la photo de droite, Alex Dutilh (Open Jazz) et Seydou Barry (le manager d'Ahmad Jamal) ont le rire jusqu'aux yeux.
J. Périn & S. Williams ©Ph. MarchinGlenn FerrisJ.L.-Lemarchand-c-Ph.-Marchin.JPGJacques Périn (Soulbag, Académie du Jazz), visiblement heureux de passer cette soirée avec Sharrie Williams. Au centre, tout droit sorti des coulisses, le plus français des trombonistes américains, Glenn Ferris lève le coude à la santé de l'Académie. Réquisitionné pour tenir le bar, Jean-Louis Lemarchand, académicien multicartes, a fort à faire pour satisfaire un aréopage d'assoiffés.

Mika ShinoMisja Fitzgerald Michel, Michèle Feriaud Dany Michel © PhJ'ignore le nom de la jolie blonde qui accompagne Mika Shino, mais cette représentante de l'UNESCO attire comme un aimant. Sur la photo de droite, Misja Fitzgerald Michel et son père Dany Michel entourent Michèle Feriaud (Batida and Co.). Guitariste, Misja sort un nouvel album le 13 février, "Time of no Reply" (No Format!/Universal), consacré à la musique de Nick Drake.

Susanna-Bartilla.jpgNicolas-Petitot.jpgLa charmante Susanna Bartilla qui parle plusieurs langues à la perfection. Son activité de traductrice ne l'empêche pas de chanter. Après un disque consacré à Johnny Mercer, elle s'apprête à enregistrer certains thèmes du répertoire de Peggy Lee. A droite, Nicolas Petitot, un amateur de vin jaune. Blang Music, sa petite maison de disques abrite "This is You", une rencontre superbe entre le pianiste Tom McClung et le saxophoniste Jean Jacques Elangué.

Arnaud-Merlin---Andre-Francis.jpgPh.-Gaillot---D.-Fillon-.jpgCommissaire-Maigret.jpgArnaud Merlin et André Francis, tous deux membres de l'Académie du Jazz. André en est d'ailleurs le doyen, mais sa jeunesse d'esprit en fait presque un jeune homme. Au centre avec le pianiste Dominique Fillon, Philippe Gaillot, un ingénieur du son aux très grandes oreilles. Yaron Herman, Jacky Terrasson enregistrent chez lui, au Studio Recall. A droîte, barman d'un soir, mais véritable commissaire, l'irremplaçable Pierre Maigret, imbattable pour repérer les pochtrons.

Michel-Contat---Jacques-des-Lombard.jpgChristophe-Chenier--Miles-Yzquierdo.jpgNon ce n'est pas Judex, immortalisé par Georges Franju dans le film du même nom, mais Michel Contat qui rend justice au jazz dans les colonnes de Télérama. Avec lui, Jacques des Lombards, passionné de jazz (free) et de courses automobiles. Sur le cliché de droite, Christophe Chenier de l'AFP semble se désintéresser totalement de sa voisine, la charmante Miles Yzquierdo en grande conversation avec l'un de ses nombreux admirateurs.

J.J.-Pussiau-c-Ph.-Marchin.JPGJean BuffaloAlain-Jean-Marie-c-Ph.-Marchin.JPGUn peu inquiet Jean-Jacques Pussiau (Out Note Records). Son voisin à la mine patibulaire (photo centrale) ne lui inspire aucune confiance. Que Jean-Jacques se rassure: malgré quatorze verres de vin dans le sang, John Buffalo leader des Bonga Bongo Experimental Syncopators n'est dangereux que par sa musique inaudible et paralysante qu'il fait bon ne point entendre. Alain Jean-Marie s'en moque. Il en a vu d'autre dans une carrière pour le moins prestigieuse.

Le-blagueur-de-Choc---Mauro-Gargano.jpgPhilippe-Etheldrede.jpgJulie-Anna.jpg Le blagueur de Choc avec Mauro Gargano, contrebassiste émérite. Les histoires du blogueur blagueur passionnent Philippe Etheldrède venu prendre des nouvelles du couple Michu. Cela amuse Julie-Anna Dallay Schwartzenberg, l'irremplaçable cheville ouvrière d'Arts et Spectacles qui a produit l'album de Michel El Malem récompensé par l'Académie.

M.-Zanini-c-Ph.-Marchin.JPGIsabelle MarquisJean-Louis Chautemps-copie-1Frais comme un gardon, Marcel Zanini ne perd pas une miette du buffet. Que regarde-t-elle Isabelle Marquis ? Elle a passé une partie de l'après-midi à installer l'exposition Duke Ellington dans le foyer du Châtelet. On aimerait en avoir beaucoup d'autres comme elle à L'Académie du Jazz, mais Isabelle n'est pas duplicable. A droite, Jean-Louis Chautemps s'apprête à déguster un divin breuvage. Il le mérite. Son évocation de Stan Getz le condamne à étancher sa soif.

Elisabeth-Caumont---Leila-Olivesi.jpgMonique-Feldstein.jpgMme-Alain-Tomas---Claude-Tissendier.jpgToujours pimpante Elisabeth Caumont. Les années passent, elle ne change pas. Mais comment fait-elle ? Leïla Olivesi a peut-être un elixir à proposer. Rendez-vous au Sunside le 27 pour rajeunir avec sa musique. Très élégante, Monique Feldstein arbore un superbe chapeau dans lequel elle espère avoir glissé le ticket gagnant du loto. Vous avez sans doute reconnu Claude Tissendier sur la photo de droite. La jeune femme qui l'accompagne n'est pas la sienne. Madame Alain Tomas, semble apprécier ce nouveau partenaire.

F.-Lacharme---N.-Le-c-Ph.-Marchin.JPGFrancis CapeauTrès satisfait de cette remise des prix, le Président François Lacharme s'est autorisé un verre d'alcool. On le constate sur cette photo qu'il partage avec Nguyên Lê. Tous deux exhibent des dents parfaites. Le barbu de droite n'est pas Monsieur Häagen Dazs, glacier de son état, mais le docteur Francis Capeau qui cultive son jardin, prend grand soin de ses disques et sert à boire les assoiffés. Quelle autre Académie que celle du jazz transforme un médecin radiologue en barman ?

Lionel-Eskenazi.jpgAgnes-Thomas---Julien.jpgPhilippe-Levy-Stab.jpgJournaliste apprécié pour ses chroniques au ton modéré et sa culture jazzistique, Lionel Eskenazi a rejoint l'Académie en 2010 sous nos applaudissements. L'attachée de presse de l'institution, la gracieuse Agnès Thomas avec Julien, un vieux pote. A droite Philippe Levy-Stab dont on peut admirer les belles photos de musiciens, ses images de Paris et de New York en noir et blanc. Photographe photographié, Philippe ne craint plus les objectifs. Il en a même plein la tête.

Tir-groupe-de-laureats-c-Ph.-Marchin.JPG

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quatre des lauréats de cette remise de prix 2011 de l'Académie du Jazz photographiés par Philippe Marchin que je remercie pour ses photos. De gauche à droite: Michel El Malem Prix du Disque Français, Francesco Bearzatti Prix du Musicien Européen, Nguyên Lê Prix Django Reinhardt et Sharrie Williams Prix Blues.

 

Academie fond N 2-1LE PALMARES 2011

Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année) : Nguyên Lê

Grand Prix de l’Académie du Jazz  (meilleur disque de l’année) : Ambrose Akinmusire : « When The Heart Emerges Glistening » (Blue Note/EMI)

Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) : Michel El Malem Group « REFLETS » (Arts et Spectacles/Rue Stendhal)

Prix du Musicien Européen (récompensé pour son œuvre ou son actualité récente) :Francesco Bearzatti  

Prix de la Meilleure Réédition : Stan Getz « Quintets : The Clef & Norgran Studio Albums » (Verve/Universal)

Prix du Jazz Classique : Guillaume Nouaux « Drumset in the Sunset » (Autoproduction/Jazztrade-Jazzophile) 

Prix du Jazz Vocal : Gregory Porter « Water » (Motéma/Intégral) 

Prix Soul : R. Kelly « Love Letter » (Jive/Sony) 

Prix Blues : Sharrie Williams « Out of the Dark » (Electro-Fi/www.electrofi.com)

Prix du livre de Jazz : Alain Pailler « Ko-Ko » (Editions Alter ego)

 

CREDITS PHOTOS :

Foyer du Châtelet © Phil Costing

François Lacharme au micro, Jean-Luc Choplin & Guillaume Nouaux, Claude Carrière & Joël Mettay, Stéphane Papinot, Mika Shino & François Lacharme, Cristina Zavalloni & Francesco Bearzatti, Sharrie Williams, Michel Delpech avec François Lacharme & Nguyên Lê, Alex Dutilh & Seydou Barry, Jacques Périn & Sharrie Williams, Jean-Louis Lemarchand, Misja Fitzgerald Michel avec Michèle Feriaud et Dany Michel, Jean-Jacques Pussiau, Alain Jean-Marie, Marcel Zanini, Isabelle Marquis, François Lacharme & Nguyên Lê, Photo de groupe (Michel El Malem, Francesco Bearzatti, Nguyên Lê et Sharrie Williams) © Philippe Marchin

Jean-Louis Chautemps (au ténor), Michel El Malem, Patrice Caratini, Séba stien Belloir & Emilie Manchon, Glenn Ferris, Mika Shino, Susanna Bartilla, Nicolas Petitot, Clotilde Rullaud, Arnaud Merlin & André Francis, Philippe Gaillot et Dominique Fillon, Pierre Maigret, Michel Contat & Jacques des Lombards, Christophe Chenier & Miles Yzquierdo, John Buffalo, Philippe Etheldrède, Julie-Anna Dally Schwartzenberg, Jean-Louis Chautemps (portant un toast), Elisabeth Caumont & Leïla Olivesi, Monique Feldstein, Madame Alain Tomas & Claude Tissendier, Francis Capeau, Lionel Eskenazi, Agnès Thomas & Julien, Philippe Levy-Stab © Pierre de Chocqueuse

 

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16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 10:00

Rickie Lee Jones, bandeau

 

DIMANCHE 27 novembre

Rickie Lee Jones jouant “Pirates” Salle Pleyel, belle occasion de se souvenir. C’était en 1981, en été, que l’album vit le jour. Sa pochette, une photographie de Brassaï en noir et blanc n’avait rien à voir avec celle de son premier disque paru deux ans plus tôt, un cliché en couleur, la montrant portant béret, cigarillo aux lèvres et cheveux plein les yeux. Enfant de la balle, Rickie Lee Jones, 24 ans, s’était fixée à Los Angeles, tournait dans les bars de Venice et composait des Rickie Lee Jones, coverRLJ Pirates, coverchansons. L’une d’entre-elles, Easy Money, lui avait ouvert les portes des disques Warner Bros. Sobrement intitulé “Rickie Lee Jones”, ce premier opus la catapulta vers le succès. Il contient d’excellentes chansons autobiographiques – les célèbres Chuck E’s In Love, The Last  Chance Texaco, et Danny’s All-Star Joint – et de solides musiciens l’accompagnent – Ernie Watts, Tom Scott, Victor Feldman, Red Callender, Steve Gadd. Sa voix haut perchée de petite fille au timbre légèrement éraillé évoque un peu Blossom Dearie, sa musique, un mélange de soul, de folk et de blues, se teintant souvent de jazz. Arrangé par Johnny Mandel, Company en dégage le parfum. On attendait beaucoup de cette nouvelle Joni Mitchell, une poétesse capable comme cette dernière d’émouvoir par le choix de ses mots. “Pirates” ne nous fit pas regretter notre attente, bien que le ton en soit plus sombre. La fin de sa relation Rickie Leeavec Tom Waits le rend désenchanté. A Lucky Guy en porte la blessure. Partiellement conçu à New York, achevé et enregistré dans un studio de L.A., il bénéficie d’une production très soignée. On y retrouve Tom Scott, Victor Feldman, Steve Gadd auxquels s’ajoutent David Sanborn, Randy Brecker, Chuck Rainey, Donald Fagen de Steely Dan et Russell Ferrante des Yellowjacquets. Les arrangements de cordes qui colorent certaines plages sont confiés à Nick DeCaro et Ralph Burns. Woody and Dutch on the Slow Train to Peking, un hommage joyeux au be-bop, laissait supposer une orientation plus jazz de sa carrière. Contenant des reprises émouvantes de Lush Life et de My Funny Valentine, “Girl at Her Volcano”, un recueil de sept chansons publié en 1983, le confirma. Séduite, l’Académie du Jazz lui décerna un « Prix du Jazz Contemporain ». La chanteuse qui s’était installée à Paris fit la couverture de Jazz Hot. Son flirt avec le jazz se poursuivit en 1991 avec “Pop Pop”, un album acoustique enregistré avec Joe Henderson et Charlie Haden.

 

Rickie Lee-aRickie Lee Jones retrouvait donc Paris pour offrir à son public qui remplissait la Salle Pleyel les chansons de ses deux premiers disques. Avec elle, deux cuivres (trompette et trombone) et un saxophoniste. On les entendit peu, mais ils trempèrent Young Blood, Danny’s All-Star Joint, Woody and Dutch et Pirates dans un grand bain de soul. Un quintette occupait la scène le reste du temps, les claviers de Tom Canning (il fut le pianiste d’Al Jarreau à ses débuts) palliant l’absence des cordes. Jeff Pevar assura les chorus de guitare électrique, la guitare basse étant confiée à Reggie McBride un des spécialistes de l’instrument. Il en joue dans “Fulfillingness’ First Finale” de Stevie Wonder et travailla avec James Brown et B.B. King. S’accompagnant à la guitare, mais le plus souvent au piano, la chanteuse ne cacha pas son plaisir d’être à nouveau parisienne. Le responsable de la sono mit trop de réverbération dans une voix qu’elle possède un peu plus rauque, mais l’émotion restait intacte et avec elle une fragilité rendant touchantes ses chansons tant aimées.

 

Rickie Lee Jones(chant), Jeff Pevar (guitares), Tom Canning (claviers), Reggie McBride (basse électrique), Johnny Friday (batterie), Jamelle Williams (trompette), Andrew Lippman (trombone), Scott Mayo (saxophones).

 

SAMEDI 3 décembre

Patrice CaratiniLe studio Charles Trenet de Radio France accueillait Patrice Caratini et son Jazz Ensemble dans un programme entièrement consacré à André Hodeir. Patrice qu’il appréciait avait enregistré en 1993 son Anna Livia Plurabelle, cantate pour deux voix de femmes et orchestre de jazz. Il lui avait confié ses partitions quelques mois plus tôt à l’occasion de son 90ème anniversaire et aurait sûrement aimé être présent à ce concert prévu de longue date. Madame André Hodeir s’était bien sûr déplacée pour cet hommage rendu à son époux disparu le 1er novembre. Martial Solal était présent lui aussi. Il tient le piano dans la plupart des morceaux des albums “Kenny Clarke’s Sextet Plays André Hodeir” (1957) et “Jazz et Jazz” (1960), et lui consacra un disque entier en 1984, “Solal et son orchestre jouent André Hodeir” (Carlyne). Alain Jean-MarieAndré VillégerEmpruntant à Bobby Jaspar ses musiciens, André Hodeir fonda en 1954 le Jazz Group de Paris, nonette à géométrie variable constitué par des musiciens capables de jouer ses partitions difficiles. Patrice Caratini dut longuement faire répéter sa formation pour qu’elle puisse les jouer avec fluidité et fidèlement les recréer. On connaît les enregistrements souvent anciens qui en ont été faits. Redécouvrir dans de quasi parfaites exécutions Bicinium, Oblique (un thème canonique en 16/16), réentendre ses arrangements de Jordu  et de Criss Cross, fut un émerveillement. D’une modernité inaltérée, ses musiques procurent un bonheur d’écoute que l’on n’aurait pas cru possible au Mathieu Donarierregard des difficultés posées par les partitions, André Hodeir allant jusqu’à écrire les chorus de ses solistes. Patrice Caratini s’accorda toutefois la liberté de laisser improviser Claude Egea dans On a Riff, un riff de quatre mesures qui, pour reprendre les propos du compositeur, « change de forme, se brise, passe de l’unisson à deux, puis trois voix en une intensité croissante, (…) enfin se pulvérise, éparpille ses notes dans tous les registres de l’orchestre, pour ne se reconstituer (partiellement) que dans les dernières mesures. » Invité à tenir le piano dans cette pièce, Alain Jean-Marie s’accorda également un vrai solo dans On a Standard, variations autour de Night and Day de Cole Porter.


Caratini Jazz Ensemble

 

André Hodeir écrivit aussi de nombreuses musiques de films. Patrice Caratini et les musiciens de son Jazz Ensemble en reprirent quelques-unes. Composé pour un court-métrage sur le facteur Cheval et traversé de rythmes afro-cubains, Le Palais Idéal et ses sept parties, n’avait jamais été joué en concert. Son long solo de Valérie Philippinvibraphone intégralement écrit en est le grand moment. Bande-son de “Chute de Pierres”, un court-métrage de Michel Fano, Jazz Cantata comprend également sept parties groupées en trois mouvements. Si le vibraphone de Stéphan Caracci y occupe aussi une place de choix, la voix y est aussi à l’honneur, Caratini confiant les délicates parties de scat imaginées par Hodeir à Valérie Philippin, l’une de ses deux interprètes d’Ana Livia Plurabelle, une œuvre de 1966 que Jazz Cantata préfigure. Composition « partant à la recherche de ses visages successifs », cette Jazz Cantata marquait une nouvelle étape dans les recherches d’André Hodeir. Trop neuve, elle ne fut pas comprise. Elle l’est toujours, mais n’effraye plus. Puisse cette musique être diffusée dans les festivals de jazz et rencontrer un vaste public.

 

Claude Egea et Pierre Drevet (trompettes), Jean-Christophe Vilain (trombone), André Villéger (saxophone alto), Mathieu Donarier (saxophone ténor), Pierre-Olivier Govin (saxophone baryton), Stéphan Caracci (vibraphone), Patrice Caratini (contrebasse et direction) Thomas Grimmonprez (batterie). Invités : Alain Jean-Marie (piano), Valérie Philippin (voix).

 

Photos © Pierre de Chocqueuse 

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12 novembre 2011 6 12 /11 /novembre /2011 11:30

Logo-Jazz-en-Tete.jpgDepuis 24 ans le festival Jazz en Tête fait le bonheur d’un public qui souhaite écouter du jazz dans un festival de jazz. La salle de la Maison de la Culture de Clermont-Ferrand dans laquelle se déroulent les concerts comprend une vaste Malia-a.jpgscène abondamment éclairée. On peut y faire de superbes photos - demandez à Philippe Etheldrède : avec son Instamatic Kodak équipé d’un flash cube, il en réussit de très bonnes - ou traîner backstage dans les loges mises à la disposition des invités. Entrouvrant la porte de l’une d’elles, je suis surpris par les ronflements qui en sortent. Un repaire de marmottes en pleine hibernation ? Non, tout simplement Jean-Paul, Jacques des Lombards et Bajoues Profondes qui sommeillent. Musiciens et journalistes occupent d’autres loges, fraternisent. L'infatigable Denis Maillet trouve des solutions à tout. L’attachée de presse Sybille Soulier chouchoute ses journalistes. Dodo, une jeunette, court partout. Malia fait provision d’eau minérale avant de monter sur scène. Le photographe Michel Vasset immortalise en noir et blanc. Maître d’œuvre du festival, son directeur artistique Xavier “big ears” Felgeyrolles a fort à faire. Il faut gérer l’imprévu, les Xavier-Felgeyrolles-.jpgproblèmes inattendus. L’avion qui conduit Vijay Iyer et ses musiciens d’Istanbul à Clermont a pris trop de retard pour qu’un soundcheck soit possible. Ils n’arriveront que tardivement. Charles Lloyd accepta d’assurer la première partie, de donner un concert plus long afin que le public n’ait pas à attendre. Apprécié des musiciens et des journalistes, le festival fidélise un public enthousiaste. Malgré leur arthrite galopante, Monsieur et Madame Michu font chaque année le voyage. Ils savent qu’ils vont y entendre du jazz, une musique qu’ils ont appris à connaître et à aimer, une musique qui malgré sa grande diversité repose sur des règles, un vocabulaire qui lui appartient en propre. Xavier Felgeyrolles a conçu Jazz en Tête « comme une plongée annuelle et profonde dans le jazz de chez jazz », un jazz que Xavier associe étroitement au swing « triomphe de la vie sur la candeur lénifiante des sirops, l’ombre de cette petite chose que n’ont pas les autres musiques musicales, un antidote plus que centenaire à la poussière quotidienne. » Nicolas Caillot G. Porter ©Ph. Etheldrèderemplace aujourd'hui Daniel Desthomas à la tête de l’association Jazz en Tête. Son équipe a permis aux Michu d’applaudir les jazzmen qu’ils rêvaient écouter et d’en découvrir d‘autres, tout aussi talentueux. Après Ambrose Akinmusire, Walter Smith III et Robert Glasper qu’ils ont entendus pour la première fois à Clermont, la présence cette année de Gregory Porter, chanteur dont on va beaucoup parler et que je suis allé écouter au Duc des Lombards, les fait déjà bien saliver. Rester plus de deux jours m’étant impossible, Philippe Etheldrède m’a gentiment fait parvenir une photo criante de vérité de ce dernier. Quel talent ce Philippe ! Mais ils ont tous le jazz en tête !

 

MARDI 18 octobre

J. Terrasson & B.E. TravisJacky Terrasson reste un habitué de Jazz en Tête. Normal, il compte parmi les meilleurs pianistes de la planète jazz et parvient à mettre son énergie, son sens inné du rythme au service d’harmonies aux couleurs rutilantes. On attendait Justin Jacky Terrasson-copie-1Faulkner à la batterie. Corey Fonville le remplaça. Ce jeune virginien que l’on a entendu auprès de Joe Locke, Jeremy Pelt, Richie Cole et Cyrus Chestnut prend visiblement plaisir à jouer avec Burniss (avec deux s) Earl Travis, un spécialiste de la basse électrique. Il ne joua que de la contrebasse, le funk saupoudrant une musique chantante privilégiant l’harmonie, contrebasse et batterie se mettant au service d’un jazz plus mélodique que musclé, Jacky conservant la dynamique de son piano. Au cours d’une longue introduction en solo, il utilisa son instrument de manière percussive  – cordes pincées, tirées, notes martelées – prélude à un Sister Cheryl Corey-Fonville.jpg(Tony Williams) époustouflant. Dans Smile, un des thèmes qu’il affectionne, il fit tourner un ostinato permettant au batteur de montrer son savoir faire. Il étala la richesse et la diversité de son piano dans les ballades - articulation parfaite, toucher limpide, notes effleurées, caressées, art maîtrisé de la nuance - , cette première partie de concert s’achevant sur une version vitaminée de Caravan, Jacky aimant reprendre des standards pour les moderniser. Malia rejoignit le trio sur scène pour la suite du programme. Originaire du Malawi, elle s’elle fait connaître par des enregistrements qui relèvent de la soul music et met Malia-b.jpgaujourd’hui sa voix grave et sensuelle au service du jazz. Sa légère raucité fait merveille dans les ballades qu’elle interprète avec feeling, How Long Has This Been Going Home ? de Gershwin, Then You’ve Never Been Blue que popularisèrent Judy Garland et Ella Fitzgerald. Jacky trempe ses notes dans le blues, en joue peu, mais les place toujours aux bons endroits pour servir de tremplin à la voix, optimiser le chant. Malia aime Billie Holiday et Nina Simone, chante My Baby Just Cares for Me et Don’t Explain. Une version enlevée et funky de Workin’, le tube de Nat Adderley, s’enrichit d’un solo de contrebasse énergique. Malia peut poser sa voix en toute confiance. Un trio merveilleux l’accompagne.

 

MERCREDI 19 octobre

Charles-Lloyd.jpgCharles Lloyd : le mouvement de vigne de son saxophone s’enroulant autour des mélodies que lui dicte son imaginaire me reste en mémoire. S’il souffle des ragas de petit matin, son mysticisme passe aussi par des moments intenses. Il peut tordre le cou à ses notes comme s’il désespérait de leur imperfection. Son chant autorise tous les possibles : cris de rage, de douleur qu’apaise une immense tendresse. Charles laisse beaucoup de place à ses musiciens. Jason Moran son pianiste cultive les dissonances, joue un piano abstrait mais sait aussi rester à l’écoute de l’autre, se montrer lyrique, ses phrases ouvertes accueillant les tourbillons de notes Reuben RogersJason MoranEric Harlandspiralées que Lloyd place entre deux prières. Ce dernier dispose d’une des meilleurs rythmiques du moment. A la contrebasse, Reuben Rogers assure un contrepoint mélodique aux solistes, guide leurs échanges sans jamais rechercher C.-Lloyd-.jpgl’exhibition. Une réelle complicité existe entre lui et Eric Harland. Tous deux s’accordent à varier les tempos, à tisser une grande variété de rythmes pour enrichir le flux sonore. Styliste de l'instrument, le batteur pratique un drumming foisonnant, une polyrythmie savante et souple qui loin de fermer la musique lui ouvre des perspectives, l’engage sur des sentiers qui bifurquent. Superbe version de Go Down Moses dans laquelle Lloyd porte haut un chant profondément spirituel et met son âme à nu.

 

Vijay-Iyer-Band.jpgLa musique de Vijay Iyer est certes plus difficile à saisir. Lui aussi possède une section rythmique d’exception. Elle lui permet de prendre des risques, de développer un jeu constamment inventif. Vijay utilise des modes indiens, les Vijay IyerMarcus Gilmorerythmes carnatiques de l’Inde du Sud, joue un piano souvent percussif. Ses répétitions de notes hypnotisent. Le pianiste reste pourtant profondément lyrique. Influencée par Thelonious Monk, Cecil Taylor et Andrew Hill, sa musique Iyer--Crump--Gilmore.jpgl’est aussi par Duke Ellington et se situe dans la tradition du jazz. Son répertoire comprend de nombreux standards qu’il traite de manière personnelle. Clusters, dissonances, intervalles inhabituels, les notes s’échappent de son piano comme un torrent furieux. Contrebasse et batterie installent une tension constante, dynamisent une musique savante qui fait parler le groove. Stephan Crump joue beaucoup de notes sur sa contrebasse. Marcus Gilmore multiplie les rythmes impairs et fractionnés. Une polyrythmie souple et mobile conduit Vijay Iyer à repenser le vocabulaire pianistique pour le plonger dans la modernité.

 

PHOTOS  © Pierre de Chocqueuse - Gregory Porter © Philippe Etheldrède. 

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27 octobre 2011 4 27 /10 /octobre /2011 09:40

Philippe-Aerts.jpgTrois jours de concerts à l’Abbaye de Neumünster, dans le Grund, l’un des vingt-quatre quartiers de la ville de Luxembourg. Naguère mal famé, c’est aujourd’hui un endroit branché qui regorge de cafés, de bonnes adresses et de bons restaurants. Situé dans le profond ravin où Neumünster la nuitcoule l’Alzette, rivière associée à la Mélusine de la légende, le Grund n’est qu’à quelques minutes de la ville haute. On la rejoint à pied par le Bisserwee, rue de l’époque romaine ou par l'ascenseur qui mène à la place Saint-Esprit. Impliquée dans de nombreux échanges culturels, l’Abbaye de Neumünster s’ouvre aux scènes limitrophes, accueille les musiciens des pays voisins, l’Allemagne, la Belgique et la France. Transformée en Centre Culturel en 2004, elle abrite depuis 2007 l’Autumn Leaves Festival. Les concerts se déroulent Neumünster, parvis la nuitdans la brasserie et pour les plus importants dans la salle Robert Krieps (283 places) de l’autre côté du parvis balisé la nuit comme un aérodrome. Invités et musiciens logent dans un troisième édifice aux murs épais qui servit longtemps de prison. Ancien ministre de la culture et de la justice, Robert Krieps y fut enfermé par les nazis. Le bâtiment a été complètement restauré, les cellules voûtées transformées en studios et en Neumünster, corridorsappartements. Invité par Raymond Horper, directeur administratif et financier de l’abbaye et secrétaire du JAIL (Jazz in Luxembourg), j’occupe l’une des plus grandes et malgré sa salle de bain et son confort moderne, l’endroit reste austère et chargé d’un muet écho martial, comme s’il conservait la mémoire de son sombre passé.

 

 VENDREDI 14 octobre

Le quartette du vibraphoniste luxembourgeois Pascal Schumacher ouvrit les festivités festivalières. La formation existe depuis 2002. Outre Pascal, elle comprend le pianiste allemand Franz von Chossy, le belge Christophe Devisscher à la contrebasse et le batteur allemand Jens Düppe. Peu connue en France, elle a enregistré six albums. Moins réussi que “Silbergrau” enregistré en P. Schumacher & Ch. Devisscher2007 avec Jeff Neve au piano, l’ambitieux “Bang My Can”, le dernier en date, souffre d'une trop grande dispersion musicale. Ce travail d'écriture qui s'écarte parfois du jazz donna lieu à une prestation très soignée sur un plan formel. Pascal Schumacher cherche à mélanger les genres et n’y réussit qu’imparfaitement. Souvent basée sur de longs crescendos, sa musique cinématique emprunte au rock des rythmes binaires qui l’alourdissent sans pour autant la rendre originale. Le vibraphoniste envisage pourtant de manière personnelle le son de son instrument. Couplé à des effets électroniques, son vibra captive par ses timbres cristallins. Franz von Chossy n’a pas la personnalité d’un Jeff Neve auquel il succède, mais son piano met en valeur le vibraphone de Pascal, en prolonge avec bonheur les travaux. Avec un contrebassiste à la sonorité ample et profonde, un batteur subtil rythmant en douceur les phases contrapuntiques de la musique qui s’inspire souvent de l’indémodable Jean-Sébastien, le groupe a assurément la capacité technique de satisfaire ses ambitions. 

 

Al-Foster.jpgUn peu plus vieux chaque année, Al Foster n’a pourtant rien perdu de sa technique, pratique même un jeu moins économe, comme si son énergie, plus grande que par le passé, témoignait d’une jeunesse retrouvée. Le batteur dispose de la contrebasse ronronnante du fidèle Doug Weiss, d’un pianiste très capable, Adam Birnbaum, qui s’efface pour mieux servir la musique et surtout d’un saxophoniste qui sait raconter une histoire, cisèle ses notes et met la pression au bon moment. Marcus Strickland (car c’est de lui dont il s’agit) remplaça Eli Degibri à Luxembourg, la musique, du hard bop, y Marcus Stricklandgagnant en plénitude jazzistique, en finesse harmonique. Le programme annonçait un « tribute to Joe Henderson ». Il n’en fut rien. Al débuta par une version de So What, laissant le soin à ses musiciens de personnaliser et moderniser le répertoire. Jouant ses propres compositions parmi lesquelles un calypso naguère enregistré par Blue Mitchell, le batteur nous donna une version réjouissante de Chameleon, le tube funky d’Herbie Hancock. Le quartette nous régala aussi de quelques ballades, pain béni pour Strickland dont les notes peuvent acquérir la douceur du velours. Le sourire jusqu’aux oreilles, Al, aux balais, marquait les temps avec gourmandise, comme un jeune homme espiègle.

 

C’est dans la brasserie de l’Abbaye transformée en club que Bassdrumbone se produisit peu après. Tromboniste véloce, Ray Anderson tire une Ray Andersongrande variété de sons de l'instrument, étrangle ses notes, les fait chanter et gronder. Mark Elias à la contrebasse offre à cette musique collective de sacrés coups d’archet. Complétant le trio, Gerry Hemingway rythme et commente une musique mouvante et ouverte, presque entièrement improvisée. Le groupe n’hésite pas à prendre des risques, propose de longues séquences fébriles, alternance de moments calmes, de temps forts, de secousses inattendues. Une formation à découvrir sur scène, à saisir dans le feu de l’action. Elle existe depuis 1977 et ses membres, soudés comme les trois doigts de la main gauche de Django, s’autorisent une aventure musicale d’une grande diversité.

 

SAMEDI 15 octobre

Stefano-Bollani.jpgUne soirée « italienne » pour la nombreuse communauté transalpine résidant à Luxembourg. Une aubaine pour les amateurs de piano qui purent applaudir en première partie de programme le trio danois de Stefano Bollani  avec Jesper Bodilsen à la contrebasse et Morten Lund à la batterie, la meilleure paire rythmique scandinave. Ils se sont rencontrés en 2002 à Copenhague lors de la remise du JAZZPAR Prize à Enrico Rava et ont enregistré trois albums. Le plus connu, le dernier en date, n’est pas le meilleur. “Mi ritorni in mente” (2003) et “Gleda” (2004) reflètent mieux la cohésion, la musicalité généreuse de la formation qui occupe la scène de la salle Robert Krieps. Pour imaginer une musique plus ouverte, les trois hommes décident au dernier moment de leur répertoire. Jesper-Bodilsen.jpgL’improvisation est plus spontanée. La musique vit et respire grâce à la qualité de leurs échanges. Le piano semble se nourrir des accords, des harmonies de la contrebasse qui se plaît à faire chanter les thèmes. Le dialogue est tout aussi fertile avec le batteur. A l’occasion, le piano, mais aussi le tabouret du pianiste se transforment en instruments percussifs. Du premier, Bollani pince les cordes métalliques de la table d’harmonie, en martèle le coffrage. Son avant-bras droit traumatise le clavier. Sa main gauche fait jaillir des graves puissantes. Avec les pieds du second, il martèle le sol pour en tirer des rythmes. Il chante aussi, reprend Billie Jean de Michael Jackson, en donne une version lente et envoûtante, invente des mots, des onomatopées. Il joue des Morten-Lund.jpgvalses, du stride, du blues, pratique un piano rubato et espiègle. Ses cascades de notes arpégées donnent le vertige. Certes, Bollani en fait trop, mais lorsqu’il parvient à contrôler son trop plein d’énergie, à la mettre au service de la musique, et à s’effacer derrière elle pour lui laisser la première place, il fait réellement des miracles. Le pianiste fougueux et virtuose excelle ainsi dans les ballades dont il effleure les notes et fait couler le miel. Son toucher élégant et sensible, le poids émotionnel qu’il leur donne nous rend précieux une large partie de son répertoire. Une longue improvisation de rêve en solo, Dom de iludir de Caetano Veloso en rappel, le trio souvent en état de grâce nous offrit des moments de grand bonheur.

 

Stefano-di-Battista.jpgStefano di Battista a du succès, des fans et plaît aux femmes. “Woman’s Land” son dernier disque leur est consacré, des portraits de femmes réelles (Coco Chanel, Anna Magnani), virtuelles (Lara Croft) ou fictives (Molly Bloom, l'épouse de Leopold Bloom dans l’Ulysse de Joyce correspondant à la Pénélope de “L’Odyssée”). Soigneusement arrangée, la musique bénéficie de trois instruments mélodiques qui sur scène dialoguent fréquemment et disposent d’un vaste espace de liberté pour s’exprimer. C’est d’ailleurs les solos que l’on admire dans ces compositions parfois Jonathan-Kreisberg.jpgcomplaisantes qui se nourrissent de nombreux emprunts. Le thème de Coco Chanel fait penser à du Nino Rota, le funky Valentina Tereskova (la première femme cosmonaute) ressemble à du John Barryet Molly Bloom, une valse, est un habile démarquage de My Favorite Things, dont Stefano cita explicitement la mélodie au soprano. Ce dernier tire de l’instrument des sons sensuels et voluptueux, sait raconter des histoires mélodiques et séduisantes. Si le piano d’Olivier Mazzariello est surtout décoratif, Jonathan Kreisberg, le guitariste, impressionne par sa vélocité, la richesse de ses timbres, de ses effets sonores (notamment dans Anna Magnani et Coco Chanel, son instrument sonnant alors comme un banjo). Si la musique de Stefano di Battista manque un peu de profondeur, elle embrasse dans la joie et la bonne humeur de larges pans de l’histoire du jazz. Ella Jeff-Ballard.jpg(Fitzgerald) et Lara Croft relèvent du hard bop. Coco Chanel nous ramène aux années du stride et du charleston et Madame Lily Devalier (qui travailla sur les essences des parfums) sent bon le blues. La section rythmique pousse les solistes à se surpasser. Bien que trop discret, Francesco Puglisi fournit un gros travail à la contrebasse. Batteur puissant et instinctif, Jeff Ballard dynamise une musique qui passe bien en concert.

 

Mdungu.jpgRetour à la brasserie pour une toute autre musique, un appel à la danse pour les insomniaques et noctambules invétérés. Créé en 2003 par le saxophoniste Thijs van Milligen, Mdungu rassemble neuf musiciens de quatre pays, Hollande, Luxembourg, Espagne et Gambie. Influencé par l’Afrique, ses danses et ses transes, porté par des saxophones musclés alto, ténor et baryton), des guitares électriques saturées et outre un batteur, comprenant deux percussionnistes, le groupe déménage, balance joyeusement une musique funky, propose ska, reggae, jive, puise ses influences jusqu’en Afrique du Sud (marabi, mbaqanga) et mêle les genres dans un pandémonium torride et bon enfant.

 

DIMANCHE 16 octobre

Ivan-Paduart-Trio.jpgPas facile de réunir un public attentif un dimanche matin à 11h30 dans une brasserie où sont encore servis des petits-déjeuners à des amateurs de jazz qui sortent à peine de leur lit. Par la richesse de sa musique, la qualité de son swing, le trio d’Ivan Paduart parvint pourtant à éveiller l’intérêt des plus endormis. Méconnu en France, il a pourtant joué avec Tom Harrell, Toots Thielemans, Philip Catherine, Claude Nougaro, Rick Margitza, Bob Malach, Fay Claassen et David Linx. Sa rencontre avec Michel Herr en 1985 le persuada de devenir pianiste de jazz. Ivan Paduart compose et arrange ses musiques, des compositions impressionnistes d’une grande Philippe-Aerts--b-.jpgrichesse harmonique. Son piano aux notes délicates doit beaucoup à Bill Evans, il admire beaucoup Fred Hersch et consacra un disque entier à ses compositions. Le lieu dans lequel le trio se produit de si bon matin ne dispose que d’un piano droit ce qui n’est pas idéal pour un musicien de cette envergure. Très vite on n’entend plus l’instrument, mais seulement le pianiste, qui captive par sa musique solaire que sert un toucher délicat. Pour accompagner son univers poétique, deux complices de longue date, Philippe Aerts dont les lignes précises de sa contrebasse servent idéalement sa musique et Dré Pallemaerts, batteur expérimenté que les amateurs qui fréquentent les clubs de jazz parisiens connaissent bien. Ivan a enregistré avec eux en 2003 “Blue Landscapes”, une de ses grandes réussites. Souhaitons l'écouter plus souvent.

 

Mario-Stantchev.jpgJe retrouve la salle Robert Krieps pour le concert gratuit d’un quartette réunissant trois musiciens d’origine bulgare, le pianiste Mario Stantchev, le flûtiste Theodosii Spassov et le batteur Boris Dinev. Bien connu de la scène jazz luxembourgeoise, Rom Heck le quatrième homme se sert hélas d’une basse électrique, et son jeu funky trop influencé par Jaco Pastorius ne convient guère à la musique bulgare mâtinée de jazz qui nous est proposée. Spassov joue du kaval, une flûte à huit trous, et instaure de plaisants dialogues avec Stantchev, pianiste installé dans le sud de la France qui possède un solide métier et beaucoup d’expérience. Monotone, peu varié sur le plan des timbres, ce folklore jazzistique ne m’a guère convaincu.

 

Die-Enttauschung.jpgLe temps m’a manqué pour assister à l’intégralité du concert que donnait le groupe allemand Die Enttäuschung à la brasserie. Axel Dörner (trompette), Rudi Mahall (clarinette basse), Jan Roder (contrebasse) et Uli Jennessen (batterie) jouent le jazz qu’Ornette Coleman et Don Cherry pratiquait au début des années 60, une musique libre, mais structurée et organisée. Si elle n’est pas neuve, elle reste toutefois plus moderne qu’une bonne partie du jazz qui se crée aujourd’hui. J’ai entendu du rire, de l’humour dans ces comptines allègres, ces mélodies changeantes comme un ciel d’Ecosse, ces improvisations collectives au sein desquelles les couinements, râles et dissonances des souffleurs sont étroitement liés à un flux musical pour le moins tempétueux.

Photos © Pierre de Chocqueuse       

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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 00:00

Malia, gdeMERCREDI 7 septembre

Malia au Duc des Lombards : ses disques baignent dans les eaux de la soul, mais la chanteuse séduit et attire les jazzmen. Laurent de Wilde l’a invitée en 2003 sur “Stories” un album  de fusion aussi varié que réussi. André Manoukian a composé des musiques pour ses textes et produit “Young Bones”, son troisième album. Jacky Terrasson semble également l’apprécier puisqu’il l’invite à rejoindre son trio le 22 octobre sur la scène de la Maison de la Culture de Malia - bClermont-Ferrand dans le cadre du festival Jazz en Tête. Malia possède une voix grave, un peu cassée, envoûtante. Auprès d’elle au piano, Alexandre Saada lui fournit un tapis de notes, assure un piano orchestral qui lui permet de se passer d’autres instruments mélodiques. Elle n’a plus qu’à confier sa voix à ses musiciens, à la section rythmique experte que constituent Jean-Daniel Botta à la contrebasse et Laurent Seriès à la batterie, et porter l’émotion au cœur de la musique. Malia reprend les chansons fétiches de la grande Nina Simone et ses chansons s’y prêtent. Bien que dénuée de l’intensité poignante de l’originale enregistrée par Nina le 21 mars 1964, sa version de Wild is a Wind trouve une interprète sensible qui ne cherche pas à imiter cette dernière. Malia reste elle-même. Elle ne possède pas la voix, le vibrato, le charisme de Nina Simone, mais parvient à insuffler son propre feeling à Baltimore, Feeling Good, Don’t Explain, Ne me quitte pas (Malia chante If you Go Away, sa version anglaise), sans oublier les inoubliables Four Women (introduit par les harmonies magnifiques du piano) et My Baby Just Cares for Me, méga tube de la diva Simone.

 

SAMEDI 10 septembre

Brad Mehldau 2Brad Mehldau à la Cité de la Musique dans le cadre du festival Jazz à la Villette. En solo le pianiste prend des risques, parfois trop. Seul avec lui-même, il expérimente, construit dans la durée de longues fresques sonores aux architectures grandioses qui témoignent d’une volonté de remettre son art en question, d’aller toujours plus loin dans le dépassement, comme si improviser était un défi permanent à sa créativité. Brad est un pianiste exceptionnel. Un sens du tempo phénoménal lui permet de combiner avec logique plusieurs rythmes qui, loin de se télescoper, se complètent et s’additionnent. Cette polyrythmie se greffe sur une harmonie occidentale au sein de laquelle le blues et la spécificité de ses intervalles diminués trouvent assurément leur place. De nombreuses lignes mélodiques nourrissent le discours musical. La main gauche martèle de solides ostinato, mais peut aussi bien solliciter la partie supérieure du clavier. La dextre ornemente, croise pour trouver des basses puissantes. Brad Mehldau joue beaucoup de notes. Il les empile, leur donne de l’épaisseur par l’emploi fréquent de la pédale de résonance. Ses  longs développements fascinent par leur construction rigoureuse. Des morceaux aux improvisations plus courtes parsèment son récital. Le pianiste récupère, joue alors avec beaucoup de sensibilité quelques mélodies délicieuses qu’il harmonise avec tendresse. Simples pauses avant de rebâtir de nouvelles tours de Babel sonores dont il pose longuement les fondations. Un public attentif ovationna sa prestation, obtint cinq rappels, Brad nous faisant oublier celle, décevante, donnée au Théâtre du Châtelet le 3 mars 2010. Outre quelques compositions originales et l’Intermezzo opus 76 # 4 de Brahms, il joua We’re Gonna Take It des Who, Hey Joe de Jimi Hendrix dans une version lente et marquée par le blues, n’oublia pas Radiohead (Jigsaw Falling Into Place) et reprit quelques standards, (I Concentrate on You et From This Moment On de Cole Porter, Countdown de John Coltrane, In Walked Bud de Monk). Brad Mehldau salue, remercie son public, mais ne lui indique jamais ce qu’il va jouer. C’est grâce à Geneviève Peyregne qui lui organise ses tournées que je vous en communique les titres. Qu’elle soit ici remerciée. Brad improvisa un bon quart d’heure sur La mémoire et la mer de Léo Ferré, parvenant à donner à sa mélodie une intensité surnaturelle. Un des grands concerts qu’il m’a été donné d’écouter cette année.

PHOTOS © Pierre de Chocqueuse

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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 11:00

Farniente-b.jpgUne quarantaine de comptes-rendus de concerts, une trentaine d’albums chroniqués depuis janvier. Fatigué, le blogueur lève le pied et met son blog en sommeil jusqu’en septembre. Non sans vous avoir entretenu de quelques concerts que Paris abrita en juillet.

 

E.-Pieranunzi.jpgCelui qu’Enrico Pieranunzi donna en solo au Sunside le 3 fut époustouflant. Le club vient d’acquérir un nouveau piano, un Yamaha série C, et le maestro le fit divinement chanter, faisant alterner compositions personnelles, standards et pièces du répertoire classique (Bach, Scarlatti) qu’il mêla à des improvisations brillantes et inspirées. Le 4, c’est en compagnie de son Latin Jazz Quintet qu’il mit le feu au club. Parmi ses musiciens – Rosario Giuliani (as) Darryl Hall (b), André Ceccarelli (dm) – la découverte d’un excellent trompettiste Diego Urcola pour pimenter la musique et la rendre torride.

Jean-Luc Ponty

 Return to Forever à l’Olympia le 9. Occasion de retrouver Chick Corea, Chick CoreaStanley Clarke et Lenny White qui, en mars 1975, s'y étaient déjà produits. RTF jouait alors une musique très électrique et si les morceaux qui le rendirent célèbre sont toujours à son répertoire, le groupe en donne aujourd’hui des versions beaucoup plus acoustiques. Sorceress, No Mystery, The Romantic Warrior, Le Concerto d’Aranjuez couplé avec La Fiesta réjouirent ainsi nos oreilles attentives. Ces thèmes, Jean-Luc Ponty les sert idéalement. Son violon leur donne d’autres couleurs, les enveloppe de sonorités nouvelles qui nous les font redécouvrir. Jean-Luc Ponty bRenaissance, une de ses célèbres compositions, fut très applaudie, de même que ses chorus, souvent enthousiasmants. Un peu en retrait malgré des interventions judicieuses au piano, Corea préfère laisser Clarke et Ponty improviser, ce dernier exhibant sa virtuosité à la contrebasse. Quant à Frank Gambale, il se contente de mêler la sonorité de sa guitare à la musique du groupe dont il RTF--the-complete-Columbia.jpgest le maillon faible sans trop s’y investir, ce qui n’est pas plus mal. J’en profite pour vous signaler la parution d’un coffret de 5 CD réunissant toutes les faces que Return to Forever enregistra pour Columbia. “The Complete Columbia Albums Collection” contient “Romantic Warrior” (1976), l’un des chefs-d’œuvre du groupe et de nombreux morceaux live souvent de qualité.

 

 Charles LloydJeudi dernier 21 juillet, Charles Lloyd nous offrit une prestation rêveuse dans les arènes de Montmartre épargnées par la pluie. Lloyd laisse beaucoup jouer les musiciens de son quartette  – Jason Moran au piano, Reuben Rogers à la contrebasse, Eric Harland à la batterie – qui fournissent une trame rythmique souple et distendue à sa musique, lui donnent du mouvement, la portent vers des hauteurs inattendues. Moran & Lloyd

Harland pratique une constante polyrythmie. Moran cultive l’abstraction, égrène les notes vertigineuses d’un piano singulier. Véritable boussole du groupe, la contrebasse de Rogers lui permet de ne pas perdre le Nord, la tonalité, le tempo, de s’asseoir sur une terre ferme. Lloyd est l’âme de cette musique ouverte et généreuse. Il enroule ses notes autour des mélodies, émeut dans les nombreuses ballades de son répertoire. Elles révèlent la richesse de son univers intérieur, la poétique de son art. Rabo de Nube, Go Down Moses, Caroline No furent ainsi transfigurés par le chant lyrique et apaisé du saxophoniste dont la musique spirituelle et sensible nous est infiniment précieuse.

 

Il ne me reste qu’à prendre la route des vacances, à en souhaiter de très bonnes à ceux et à celles d’entre-vous qui en prennent. Rendez-vous début septembre dans ce blogdechoc avec un nouvel édito, des disques et des concerts qui interpellent.

 

On-the-holiday-road--jpgPHOTOS & MONTAGES PHOTOS  © Pierre de Chocqueuse

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