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13 mars 2011 7 13 /03 /mars /2011 12:19

Burton.jpg                                                                                De gauche à droite : Abraham Burton, Eric McPherson et Nasheet Waits 

L’automne à New York et ses pluvieuses nuits de jazz. Entre le 18 et le 25 novembre 2008, huit concerts furent donnés huit soirs de suite dans huit clubs de la ville. Tous furent filmés et diffusés sur Mezzo, puis édités fin 2009 sur un double disque Blue Ray. Mêlés à des images de la ville tournées un an plus tard, les meilleurs moments de ce festival sont aujourd’hui rassemblés dans "JazzMix", un film de 90 minutes abusivement présenté comme une radioscopie du jazz d’avant-garde qui se joue à New York. Cette soi-disant avant-garde musicale existe-t-elle vraiment ? Si oui, elle n’est plus depuis longtemps un phénomène new-yorkais. L’Europe regorge de jazzmen plus aventureux qu’inventifs qui ne veulent surtout pas manquer le grand train de l’histoire, qui ne savent pas que le jazz qui est derrière eux est souvent plus moderne que celui d’aujourd’hui. Saisis par quatre caméras bien placées, bénéficiant d’images et d’une prise de son de qualité, les groupes que l’on voit dans "JazzMix" témoignent de la diversité du jazz actuel ce qui est plus réaliste.

 

Jazzmix--petite-affiche.jpgL’excellent big band de Jason Lindner ouvre et termine le film. On se passerait bien du rappeur Baba Israel, mais Anat Cohen prend un long et beau solo de clarinette, le chanteur et saxophoniste Jay Collins tire son épingle du jeu, et la section rythmique a des ailes. Très bon groupe également que celui réunissant au Jazz Standard de Murray Hill Ambrose Akinmusire à la trompette (en photo), Walter Smith III au ténor, Fabian Almazan au piano, Harish Raghavan à la contrebasse et Justin Brown à la batterie. Le pianiste inspiré joue de courtes phrases logiques et troublantes, Akinmusire est un trompettiste sur lequel il faut compter et les musiciens prennent le temps de s’exprimer, de longuement développer leurs idées. Dans Soho, à la Jazz Gallery, Jaheel Shaw joue de l’alto et propose un bop musclé et réjouissant. Ben Williams à la contrebasse que l’on entend souvent avec Jacky Terrasson, et Otis Brown à la batterie lui donnent une solide assise rythmique. Le pianiste du groupe, Aaron Goldberg une vieille connaissance, ajoute à la musique la finesse harmonique de son piano. Plus expérimentale, la prestation du saxophoniste Abraham Burton à la Knitting Factory n’en reste pas moins envoûtante. Deux batteurs - Nasheet Waits et Eric McPherson - accompagnent le chant lyrique du ténor et offrent à A.-Akinmusire-2.jpgson calypso un tapis de rythmes aussi subtils que variés. Les autres groupes sont moins convaincants. Le jeu torturé du saxophoniste Steve Lehman et la frappe bien lourde du batteur Tyshawn Sorey ne mettent guère en valeur le piano de Vijay Iyer qui s’exprime de manière plus personnelle dans des contextes moins agressifs. Au Hip Hop Cultural Center de Harlem, Chris Dave (batterie), Derrick Hodge (basse électrique) et Robert Glasper (Fender Rhodes) jouent un funk jazz monochrome que parasite MC Stimulus, chanteur/rappeur peu stimulant. Difficile de se prononcer sur la prestation de Theo Bleckmann au Joe’s Pub. Le groupe Kneebody qui accompagne sa voix magnifique ne joue pas sa musique habituelle mais celle de Charles Ives qu’ils célèbrent ensemble dans un de leurs disques. Au Drom Club, on se lasse vite des improvisations tourmentées auxquelles se livrent Marvin Sewell (guitare), Val-Inc (percussions électroniques) et Jowee Omicil (saxophone soprano). La musique colle toutefois bien aux images de la ville, que l’on visite sans déplaisir. Plantant ses caméras aux bons endroits, Olivier Taïeb le réalisateur a su saisir le mouvement d’une cité fiévreuse qui ne ressemble à aucune autre.

 

En salle depuis le 2 mars. Séances tous les jours à 20h au Cinéma l'Entrepôt 7, rue Francis Pressensé 75014 Paris. A partir du 11 mars, séance tous les vendredis à minuit au Balzac, 1, rue Balzac 75008 Paris (projection numérique full HD et Dolby E 5.1).

Photos: X/DR

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23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 10:25

Steve-Kuhn-Trio-a.jpg

                                                                                                                                                       Steve Kuhn, Dean Johnson, Joey Baron

MARDI 1er février

Chico-Freeman.jpgLe saxophoniste Chico Freeman ne nous visite pas souvent. Dans le cadre de Sons d’Hiver, la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville de Saint-Mandé l’accueillait avec son groupe, George Cables (piano) Lonnie Plaxico (contrebasse) et Winard Harper (batterie), des pointures, de la bonne musique garantie. Lonnie-Plaxico.jpgJ’avais surtout envie d’écouter Cables, le compagnon du come back d’Art Pepper, pianiste discret qui s’est souvent mis au service des autres au détriment de sa propre carrière. Il apparut un peu fatigué, compensant ses faiblesses par un tapis de notes généreuses sur lesquelles Freeman assoit les siennes, construit de longs et puissants chorus. Contrebasse et batterie tissent un voile rythmique très souple qui n’oblige pas les solistes à nécessairement respecter les barres de mesure. Ténor au souffle puissant, Freeman truffe son discours d’effets harmoniques, de notes lourdes du poids d’une histoire qu’il revendique africaine. Son jazz suinte le blues et la tradition. Il a joué George Cablesavec Elvin Jones dont la polyrythmie, prolifération de battements décalés, propulsent et galvanisent les solistes. Freeman n’est toutefois plus le musicien fougueux de ses premiers albums qui firent sensation dans la seconde moitié des années 70. Il parle surtout le langage du cœur, structure davantage ses histoires, son phrasé legato, conserve ses attaques, son haut débit de notes. Son lyrisme est plus particulièrement évident dans les ballades qu’il aborde. Il présente son concert comme un « Tribute to Elvin Jones » et Winard Harperreprend des compositions de John Coltrane (Lonnie’s Lament) et McCoy Tyner. Excellent rythmicien, Cables évoque parfois ce dernier dans les couleurs modales de ses notes virevoltantes. Imperturbable, la contrebasse de Lonnie Plaxico relie les instruments entre eux et seconde un Winard Harper impérial. Ce dernier ne joue pas du tout comme Elvin Jones. Il possède un jeu solide et inventif, fait magnifiquement sonner ses tambours et fouette ses cymbales avec le sens du groove et l’énergie du fol espoir.

 

SAMEDI 5 février

Jacky-Terrasson.jpgGrâce à l’infatigable Stéphane Portet (Sunset et Sunside), le musée de la fédération de tennis du Stade Roland Garros se transforme une fois par mois en salle de concert. (Yaron Herman s’y produira le 5 mars prochain).  En trio avec Thomas Bramerie à la contrebasse et Leon Parker à la batterie, Jacky Terrasson inaugurait cette vaste salle offrant une parfaite visibilité aux mélomanes. Le son pose davantage problème, l’endroit n’ayant pas été conçu pour écouter de la musique. Mais le piano sur lequel joua Jacky n’était pas celui qui avait été demandé et il serait prématuré de porter un jugement définitif sur l’acoustique du lieu à l’écoute d’un seul concert. Jacky en donna de meilleurs, mais sans être inoubliable, celui de Roland Garros fut loin d’être mauvais. Outre le fait qu’il parvint à faire sonner un médiocre piano, il enthousiasma par sa capacité à renouveler sa musique. Avec J.-Terrasson-Trio.jpgThomas Bramerie et Leon Parker, cette dernière est moins rentre-dedans, moins funky qu’avec les autres sections rythmiques que Jacky affectionne, le tandem Ben Williams et Justin Faulkner (une découverte de Branford Marsalis) ou celle que constituent Ben et Jamire Williams. Batteur au jeu minimaliste, Parker ne pousse nullement le pianiste à tenir des tempos déraisonnables. Avec lui, Jacky joue un piano fin et sensible. Basse et batterie répondent à ses lignes mélodiques inventives, les provoquent, installent une tension rythmique quasi jamalienne, un perpétuel questionnement qui enrichit la musique. Si Beat It de Michael Jacksonfonctionne moins bien, les opportunités mélodiques se font plus nombreuses avec une contrebasse élégante qui fait chanter ses notes. Des morceaux comme Smile, Smoke Gets in your Eyes et My Church en bénéficient, acquièrent un lyrisme encore plus grand. Ils témoignent de la forme éblouissante d’un pianiste qu’on ne se lasse jamais d’écouter.

 

MARDI 8 février

Steve-Kuhn-copie-1.jpgEntre les deux concerts qu’il donna au Duc des Lombards, Steve Kuhn me confia qu’il n’avait pas joué en France depuis près de dix ans. Ce grand styliste du piano fut l’un des accompagnateur de Kenny Dorham, Stan Getz, Art Farmer et brièvement John Coltrane. Ses harmonies élégantes restent ancrées dans la tradition du bop. Il en connaît parfaitement les grilles et les exploite avec intelligence dans les nombreux standards qu’il reprend (Lotus Blossom de Kenny Dorham, Four de Miles Davis, Airegin de Sonny Rollins), mais adopte un jazz plus modal dans ses propres compositions, son jeu ressemblant alors à celui de McCoy D.-Johnson---J.-Baron.jpgTyner. Moins abstrait et novateur que Paul Bley, Kuhn s’en rapproche par son lyrisme. Si le grand modèle reste Bill Evans, le grand Bud Powell se fait également entendre dans son piano. Ce dernier influença Evans à ses débuts, le lyrisme n’empêchant nullement la pratique d’un bop plus musclé. C’est donc une solide section rythmique qui encadre Steve Kuhn sur la scène du Duc. Dean Johnson a beaucoup joué avec Gerry Mulligan. Il prend de bons chorus et fait sonner ses notes avec goût. Excellent batteur constamment à l’écoute de la dynamique pianistique, Joey Baron pratique un réjouissant chabada sur la grande cymbale et joue beaucoup avec la résonance naturelle de ses tambours. La finesse de son drumming fait merveille dans les ballades. Le trio reprit Autumn Leaves partiellement transformé en valse, mais aussi Don’t Explain de Billie Holiday, Kuhn jouant des lignes de blues, ornementant la ligne mélodique du morceau par de jolies cascades de notes Steve-Kuhn-Trio-c.jpgperlées. Le blues, le pianiste le mêle au ragtime dans une étonnante version de Jitterburg Waltz(Fats Waller) longuement introduite en solo. Autres surprises de ces deux concerts, The Lamp is Low, une adaptation de la célèbre Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel et Slow Hot Wind de Henry Mancini porté par une walking bass précise et efficace. Dans les pièces qu’il a lui-même composées, Khun diversifie son jeu, joue un autre piano. Oceans in the Sky et The Zoo (un des titres de “Playground” enregistré en quartette avec Sheila Jordan) en bénéficient. Le pianiste se lâche, joue des grappes de notes tourbillonnantes, fait chanter ses arpèges et place alors le rêve au cœur de sa musique.          

 

VENDREDI 18 février

Tord-Gustavsen.jpgTord Gustavsen à Nantes au Grand T, pour son seul concert sur le sol français. Une salle pleine, huit cents sièges occupés. Le pianiste s’en montre surpris. Aucune date à Paris malgré le succès critique de son dernier album. Tord n’a plus d’agent pour lui trouver des concerts ce qui explique cette regrettable impasse sur la capitale. C’est en quartette qu’il effectue sa tournée. Mats Eilersten, le nouveau bassiste, ne change en rien sa musique. On s’en rend compte à l’écoute de “Restored, Returned”, disque dans lequel on découvre le saxophone lyrique de Tore Brunborg, le quatrième membre du Tore-Brunborg.jpggroupe, une pièce essentielle de son dispositif musical, ce dernier apportant à la musique de nouvelles couleurs, une sonorité chaude et expressive que ce soit au ténor ou au sopranino. Ses improvisations ne s’écartent jamais trop des thèmes. Tore embellit, souffle des notes onctueuses qui donnent poids et relief aux oeuvres du pianiste. Ce dernier reprit plusieurs morceaux de “Changing Places” et “Being There” ses anciens albums, Deep as Love notamment, et en interpréta de nouveaux. Il enregistrera dans quelques jours un quatrième opus pour ECM avec ce même quartette et le groupe en peaufine le contenu sur scène, des compositions Mats Eilertsenqui mêlent étroitement blues et gospel, Tord poursuivant une quête mélodique dans laquelle le silence et la note jouée ont beaucoup d’importance. La plupart des thèmes sont longuement introduits en solo. Gaucher, Tord possède une main droite mobile et puissante. S’il aime caresser ses notes et nous toucher par une musique intensément spirituelle, il peut aussi les faire puissamment sonner, jouer un impressionnant piano orchestral. Le blues surtout irrigue ses lignes mélodiques, ses voicings subtilement colorés et rythmés par le fidèle Jarle Vespestad, batteur délicat dont les toms aux peaux volontairement distendues possèdent une sonorité sourde. Le solo dont il nous gratifia fut remarquable d’intelligence et de musicalité. Le second rappel, une superbe version de The Child Within, un duo piano saxophone, fut l’un des grands moments d’une soirée mémorable.

 

Reconstruire pour continuer à sourire

Tet kole logo-Le 5 novembre dernier, à l’Auditorium St. Michel de Picpus, 53 rue de la gare de Reuilly 75012 Paris, l’association Tèt Kolé organisait un concert pour venir en aide aux enfants de l’école Basile Moreau de Port-au-Prince dévastée par le tremblement de terre. Les fonds récoltés permirent de financer la reconstruction du mur d’enceinte de l’établissement. Un second concert est prévu au même endroit le mardi 1er mars à 20h30 afin de réhabiliter le bâtiment du primaire. Au programme : le Patrice Caratini Latinidades Quintet (avec Remi Sciuto aux saxophones et Manuel Rocheman au piano) et un trio comprenant André Villéger (saxophone), Benoît Sourisse (orgue) et André Charlier (batterie). Prix des places 15€ (adultes) et 8€ (étudiants). Réservations au 01 43 44 79 19. 

Photos © Pierre de Chocqueuse

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13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 13:09

Geri Allen trio                                                                                                                                    Geri Allen, Kenny Davis & Kassa Overall

JEUDI 20 janvier

Cela faisait longtemps que l’on attendait Patrick Favre dans un club parisien. Le Sunside l’accueillait le 20 janvier dernier et la qualité fut au rendez-vous de nos Patrick Favre Sunsideespérances. En trio avec Gildas Boclé à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie, les musiciens de son dernier album “Humanidade”, Patrick fit d’emblée chanter ses notes de son piano. Leur flot paisible et régulier baigne ses thèmes oniriques. Résolument modale, sa musique en nécessite peu. La difficulté est de les assembler afin de leur donner le plus d’éclat possible. Patrick sait les faire sonner. Taillées et polies comme des diamants, elles étincellent sans défauts dans des improvisations structurées et réfléchies. Ses thèmes, de courts motifs mélodiques, donnent ainsi naissance à de vastes paysages harmoniques dont il a soigneusement peaufiné l’architecture et les couleurs avant Gildas-Bocle-copie-1.jpgde les livrer au disque, de les jouer en concert. Spontanéité et imprévu n’y sont nullement exclus. Chaque composition peut être améliorée par les nouvelles idées mélodiques ou rythmiques qu’apportent les musiciens. Le trio interpréta Instinct, Distance, Sereine, des morceaux aux noms courts qui traduisent en un seul mot l’émotion, le ressenti du pianiste. Les tempos sont lents. Le recours à des pédales ralentit plus encore le rythme harmonique de ces pièces majestueuses. Confié au piano et à la contrebasse, leur déroulement mélodique en bénéficie. Gildas Boclé utilise avec bonheur son archet. Le piano prend le temps de poser les couleurs du rêve. Confiés à Karl Jannuska, les rythmes se font légers et aériens. Le second set sera meilleur encore. Les musiciens Karl-Jannuska.jpgprennent davantage de risques et Air de Lune en bénéficie. Les musiciens ont retravaillé cette pièce que la contrebasse et le piano se partagent seuls dans “Humanidade”. Ils se lâchent, improvisent, déploient largement le spectre coloré de leurs instruments dans une version différente de celle du disque. Premice, un titre plus musclé, leur offre des interventions dynamiques. Les phrases s’allongent, héritent de nouvelles couleurs harmoniques. Le trop court troisième set fut un enchantement. Daphné, un extrait de “Danse Nomade”  n’a quasiment pas été répété avant le concert. Bénéficiant de chorus spontanés, d’un léger balancement rythmique qui convient au piano tendre et lyrique de Patrick, il trouva son interprétation idéale.

 

VENDREDI 28 janvier

Geri-Allen-copie-1.jpgLes visites de Geri Allen se font rares. La pianiste ne s’était pas produite en France depuis quatre ans. La voir programmer au théâtre Paul Eluard de Choisy-Le-Roi dans le cadre du Festival Sons d’hiver constituait donc un événement. Time Line, le groupe qui l’accompagne associe un « tap percussionist » à une section rythmique. Utilisées comme un instrument à part entière, les claquettes de Maurice Chestnut doublent les rythmes de la batterie ou dialoguent avec eux. L’homme saute, cabriole, bat l’air de ses bras pour trouver son équilibre. Cette énorme dépense d’énergie l’oblige parfois à quitter la scène pour récupérer. Geri Allen se Kenny-Davis.jpgretrouve alors en trio pour jouer son piano. Elle possède un jeu puissant aux harmonies riches et colorées, met de la tension dans ses notes, du feu Maurice-Chestnut.jpgdans ses accords, donne de la dynamique à sa musique, un ballet dont elle rythme figures et épisodes. Il y a beaucoup d’imprévus dans ses voicings, véritable flux pianistique, dont elle contrôle le débit et l’intensité. Elle dispose de la contrebasse mélodique de Kenny Davis et d’un batteur au chabada très précis. Attentif à son jeu, prêt à réagir à ses nombreuses demandes, Kassa Overall dialogue avec elle, transpose en figures rythmiques les riffs de son piano. S’appuyant sur la contrebasse métronomique de Davis, Kassa-Overall.jpgmultipliant les duos avec Overall et Chestnut, ce dernier s’élançant, échappant à la terre pour mieux la marteler de ses pas, Geri nous combla par un répertoire tonique comprenant compositions personnelles (Philly Joe) et standards de jazz. Ancré dans la tradition, son piano actualise et enrichit le vocabulaire du bop, s’ouvre largement à l’harmonie la plus contemporaine. Le blues et le groove imprègnent naturellement sa musique. Charlie Parker, Thelonious Monk et Mal Waldron (Soul Eyes) se retrouvent à la fête dans un piano orchestral aux notes généreuses, aux basses lourdes et  percussives (l’influence de Cecil Taylor) pour célébrer le rythme.

 

LUNDI 31 janvier

J.J.-Elangue---T.-McClung.jpgDe Jean-Jacques Elangué, je n’avais rien entendu. Quant à Tom McClung, compagnon de route d’Archie Shepp, je connais son piano depuis pas mal de temps. Nicolas Petitot m’avait remis leur disque. Il aime le jazz et, occasionnellement, édite quelques albums. Sa production précédente, un enregistrement de Tom jazzifiant en solo le répertoire classique, ne m’avait guère séduit. Recueil de pièces pour saxophone et piano, “This is You”  le nouveau disque me plaît énormément. Dans un Sunside presque trop plein (un exploit pour un lundi soir !), les deux hommes nous en offrirent un contenu différent, imaginant d’autres progressions harmoniques, d’autres introductions et codas à leurs morceaux. Comment deviner J.J.-Elangue.jpgIn the Night, dernière pièce de l’album, dans le souffle brûlant du ténor qui en masque longtemps le thème ? Tom assura le premier chorus de ce morceau funky qui favorise le swing et se prête aux échanges. Au saxophone ténor, Jean-jacques Elangué possède une sonorité ample et généreuse. Il sculpte ses notes avec tendresse, en étrangle le son, le fait vibrer lorsqu’il le souhaite. Il utilise tout le registre de son instrument et ses basses portent à l’estomac. Près de lui, Tom McClung trouve toujours les accords adéquats, des notes très bleues qui enrichissent la ligne mélodique de ses phrases. Ses chorus sont des pluies de notes élégantes macérées dans le blues. Tom et Jean-Jacques aiment Thelonious Monk et jouent Pannonica, Skippy, un medley Tom-McClung.jpgde ses thèmes, sans oublier Nutty, un des morceaux de leur album. Leurs propres compositions, lyriques et anguleuses, ne sont pas étrangères à son influence. Monk n’aurait sûrement pas désavoué Kouignamani abordé à l’unisson par deux instruments malicieux. Le saxophone répond à un piano un peu canaille au déhanchement chaloupé, Tom assurant les basses à la main gauche. Jean-Jacques joue la ligne mélodique pendant que son complice improvise. Ces deux-là se complaisent dans le bop. Monk n’est pas leur seule référence. Charles Mingus et Duke Ellington occupent aussi leur mémoire et le blues le plus authentique imprègne leur musique. De ce dernier, ils reprennent Fleurette Africaine, en donnent une version onirique. L’émotion, le feeling passe aussi par la voix. Celle de Jean-Jacques brode des onomatopées, ajoute des paroles à This is You, superbe ballade qui donne son nom à un album pas comme les autres.

PHOTOS © Pierre de Chocqueuse

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 13:16

D.-Linx-ouverture.jpg

MERCREDI 12 janvier

Pour la cinquième année consécutive, le grand foyer du théâtre du Châtelet accueillait l’Académie du Jazz et ses invités, un aréopage de musiciens, F. Lacharmejournalistes, producteurs, responsables de maisons de disques, éditeurs d’ouvrages musicaux, agents artistiques et représentants du Ministère de la Culture venu assister à sa traditionnelle remise de prix.

 

Après un bref discours inaugural, son président François Lacharme invita le dessinateur Cabu à le rejoindre sur le podium afin de remettre le Prix du Livre de Jazz à Misterioso pour “Le petit livre à offrir à un amateur de jazz”, ouvrage ludique et drôle qu’un Boris Vian n’aurait pas désavoué. Bien connu des lecteurs de Jazz Magazine / Jazzman pour ses grilles de mots croisés, son auteur affublée d’un masque remercia l’Académie par une chanson de circonstance, une reprise de Misterioso de Monk enrichie de paroles de son cru qu’elle interpréta Misterioso-c-J.M.-Legros.JPGaccompagnée de Claude Carrière au piano. Cet exercice vocal périlleux pour une cruciverbiste « s’amusant à croiser des mots incognito », fut salué par une salve nourrie d’applaudissements. J’en profite pour vous signaler que le site Drôle de Jazz - www.droledejazz.wordpress.com - vient de décerner son prix Boris Gland (le livre le plus drôle de l’année) à Michel-Yves Bonnet pour “Jazz et complexité, une compossible histoire du jazz”, ouvrage non retenu par la commission livres de l’Académie, ses membres n’ayant pu déchiffrer et encore moins comprendre ce que raconte l’auteur.

 

Echoes.jpgLe directeur du Châtelet, Jean-Luc Choplin, remit le Prix du Jazz Classique au groupe Echoes of Swing pour son disque “Message from Mars”. Dirigée par le pianiste allemand Bernd Lhotzky, la formation comprend le trompettiste anglais Colin Dawson, le saxophoniste germano-américain Chris Hopkins et le batteur allemand Oliver Mewes. Ils résident en Allemagne, ont fait le voyage pour recevoir leur récompense et interprètent deux morceaux dont un joli arrangement de l’étude opus 25 n°9 de Chopin (Papillon).

 J.-Perin-c-J.M.-Legros.JPG

Comme l’an passé, Jacques Périn remit les Prix Soul et Blues. Le premier revient à “Nothing’s Impossible”, un des derniers enregistrements  de Solomon Burke décédé le 10 octobre 2010 ; le second au guitariste et chanteur Roy Gaines pour son album “Tuxedo Blues”. Gaines travailla pour les Jazz Crusaders, Ray Charles et participa en tant que sideman à de nombreuses séances d’enregistrements (notamment pour Jimmy Rushing, Stevie Wonder, Aretha Franklin et Milt Buckner).

 

Récompensé pour l’ensemble de son œuvre, le pianiste italien Franco D’Andrea reçut des mains de Jean-Luc Ponty le Prix du Musicien Européen. Membre de la Ponty---D-Andrea-cJM-Legros.JPGformation d’Aldo Romano à la fin des années 80, auteur d’un magnifique album en trio pour Owl Records en 1989, et plus récemment en 2001 d’une vaste somme pianistique pour Philology, (huit disques en solo), Franco D’Andrea est beaucoup moins connu en France que son compatriote Enrico Pieranunzi. Il interpréta deux morceaux en solo, Naima et une longue pièce dissonante et virtuose totalement improvisée. Les très nombreux enregistrements de cet immense pianiste sont malheureusement absents des bacs des disquaires. Internet reste le meilleur moyen de vous les procurer. Interrogé sur ses projets par Lacharme, Ponty, Prix Django Reinhardt 1967 de l’Académie du Jazz, resta laconique. On sait pourtant qu’il s’apprête rejoindre le Return To Forever de Chick Corea. Des concerts sont prévus l’été prochain.

A.-Jamal.jpg

Ahmad Jamal obtint le Prix de la meilleure réédition pour le coffret Mosaic regroupant la totalité de ses sessions Argo en trio, un prix remis à Seydou Barry son manager. Ne pouvant être présent, Ahmad avait fait parvenir un petit film à l’Académie pour la remercier. Il sera à Paris en juillet pour des concerts à l’Olympia.

 

A.-Herve-cJ.M.-Legros.JPG2010 marquait le trentième anniversaire de la disparition de Bill Evans. L’Académie du Jazz ne pouvait ignorer le pianiste et compositeur dont l’influence est aujourd’hui considérable. « Un fin harmoniste, mais aussi un rythmicien Mauro.jpgétourdissant qui a redonné au jazz sa part de romantisme, sa part d’introspection et figure dans notre panthéon intime pour des raisons que chacun cultive secrètement » pour citer Lacharme. Exemples pianistiques à l’appui, Antoine Hervé nous régala d ‘une brève leçon de jazz, nous expliquant les arcanes de la musique modale et nous racontant, non sans humour, la genèse de So What. Accompagné par la contrebasse mélodique et chantante de Mauro Gargano, le pianiste Bruno Angelini qui professe à la Bill Evans Piano G.Laurent © Ph.MarchinAcademy, nous offrit une splendide version de The Two Lonely People plusieurs fois enregistré par Evans.

 

Deux ans après son Prix Django Reinhardt l’Académie ose à nouveau Géraldine. Claude Carrière lui remit le Prix du Disque Français pour son “Around Gigi”, disque consacré à Gigi Gryce. Géraldine Laurent s’y fait entendre avec un quartette tout feu tout flammes au sein duquel Pierre de Bethmann impose son piano. Des obligations le retenant ailleurs, c’est Franco D’Andrea qui accompagne Géraldine à l’alto dans Minority, une des plus célèbres compositions de Gryce.

 

Mimi-Perrin.jpgLa commission du Jazz Vocal de l’Académie du Jazz a perdu cette année sa présidente, Mimi Perrin, la fondatrice des Double Six. Une fois par an nous nous retrouvions chez elle en petit comité pour défendre nos choix, débattre fiévreusement. C’est elle que l’on voit sur le carton d’invitation à cette cérémonie. La photo est de Jean-Pierre Leloir que l'on voit ici lourdement appareillé. Salué l’an dernier dans ce même Théâtre du Châtelet, ce dernier nous a Jean-Pierre-Leloir.jpgrécemment quitté, tout comme Mike Zwerin, journaliste, musicien (il participa aux séances du “Birth of the Cool” de Miles Davis)et ami. Endeuillée par la disparition de plusieurs de ses membres, l’Académie ne pouvait que les saluer. François Lacharme évoqua leur mémoire avant de révéler les récipiendaires du Prix du Jazz Vocal (Prix Mimi Perrin cette année), ex-aequo José James & Jef Neve pour “For All We Know” et Youn Sun Nah pour “Same Girl”. Actuellement en Corée du Sud, cette dernière fit parvenir à l’Académie une lettre de remerciement dans laquelle elle félicite James et Neve qui partagent ce prix Legrand, M. © J.M. Legrosavec elle.

 

Le Prix Django Reinhardt que tous les musiciens convoitent, probablement la récompense la plus prestigieuse que décerne l’Académie, était très attendu. Pour le remettre, François Lacharme appela Michel Legrand. Des trois finalistes, Benoît Delbecq, Fabien Mary et Sylvain Luc, ce dernier l’emporta au troisième tour de scrutin. Legrand voue une Sylvain Lucadmiration démesurée au guitariste. Son panégyrique, un torrent de louanges, fut même excessif. Pour ne pas contredire son plus grand admirateur, Luc ne put faire moins que de nous offrir une leçon de guitare.

 

Profitant de ce grand rassemblement de célébrités, François Lacharme annonça la mise en ligne du nouveau site de l’Académie appelé à devenir le premier portail du jazz made in France grâce à l’aide du Ministère de la Culture. Désormais les récipiendaires du Prix Django Reinhardt ont tous des pages qui leur sont consacrées – biographies, articles de presse, photos. Les lauréats des autres prix seront progressivement intégrés au site que l’on peut consulter sur www.academiedujazz.com

  Groupe-avec-Linx---CugnycJ.M.-Legros-b.JPG

Nous attendions tous la remise du Grand Prix de l’Académie du Jazz couronnant le meilleur disque de l’année, le prix des prix en quelque sorte puisqu’il peut aussi bien être attribué à une nouveauté, un enregistrement inédit qu’à une réédition. Remis par Jean-Jacques Goron de la fondation BNP-Paribas, Laurent Cugny en hérita pour sa “Tectonique des nuages”, un opéra jazz estomaquant porté par les voix de David Linx, de Yann-Gael Poncet et de Laika Fatien et qui bénéficie de compositions et d’arrangements somptueux. Avant Laurent, le seul musicien Goron-cJ.M.-Legros.JPGfrançais qui obtint ce prix, à l’époque l’Oscar de l’Académie du Jazz, est Martial Solal pour un coffret de quatre disques vinyles publié sur le label Stefanotis/Flat & Sharp regroupant des morceaux enregistrés live entre 1959 et 1985. Deux albums enregistrés par des musiciens européens obtinrent également ce prix: “Triple Entente“  de Joachim Kuhn, Daniel Humair et Jean-François Jenny-Clark en 1998 et “Air“ en 2003 qui réunit Giovanni Mirabassi, Flavio Boltro et Glenn Ferris. En guise de feu d’artifice final, avant que ne s’ouvrent les portes menant au buffet, David accompagné par Laurent au piano chanta magnifiquement Eva, l’un des plus beaux extraits de la Tectonique, morceau qui donne la chair de poule et met les larmes aux yeux.

 

StaccatoPour se remettre de cette émotion forte, les vins de Philippe Briday, vigneron propriétaire du Domaine Combe de la Belle. Hannah, une Costière de Nîmes rouge de 2007, 70% Syrah, 30% grenache, à la robe pourpre et profonde. Jonas, un autre vin rouge du pays du Gard, corsé et rond, aux arômes de café, de pruneaux, de tabac sur une pointe de pain d'épices. Staccato pour les amateurs de rosé, de vieux grenaches assemblés avec une saignée de syrah.  www.combedelabelle.com Les verres eurent vite fait de se remplir de ces divins breuvages.

 

Laurent.jpgPonty, Cosma, Luc ©Ph Marchin

 

 

 

De gauche à droite: Jean-Louis Chautemps ose Géraldine et ajoute sa propre récompense à celle que la saxophoniste vient d'obtenir. Un grand ami de l'Académie, le compositeur Vladimir Cosma qu'entourent Jean-Luc Ponty et Sylvain Luc, Prix Django Reinhardt 2010.

Felgeyrole---Kochoyan-c-J.M.-Legros.JPG

Caumont ©Ph. MarchinAnnouk Ferris & J.P. Debarbat © J.M. LegrosDe gauche à droite: Xavier Felgeyrolles, noctambule invétéré et producteur de disques, confère avec Stéphane Kochoyan, pianiste, directeur artistique des festival d'Orléans et de Nîmes Métropole, et nouveau membre de l'Académie du Jazz. Au centre Patrice Caratini subjugué par Elisabeth Caumont. A droite Madame Ferris, Anouk pour les intimes, fait du charme à Jean-Pierre Debarbat, saxophoniste ressuscité.

Belmondo-cPh.Marchin.JPGOgre-Longnon-cPh.-Marchin.JPG

Sur la photo de gauche, Olivier Hutman, pianiste émérite est entouré par Laurent "tectonique"  Cugny et Stéphane Belmondo. A droite, Jean-Loup Longnon fait un sort au buffet. Les vins de Philippe Briday et les petits-fours sont engloutis à très grande vitesse devant les regards amusés de Bénédicte et de Francis, nos barmans attitrés.

B.-Theol---Cabu-cPh.Marchin.JPGD.-Linx-cPh.Marchin.JPGMauro-Gargano-cPh.Marchin.JPG

A l'extrême gauche, Bruno Théol, créateur de BD Music discute images avec Cabu. Au centre, David Linx prend soin de ne pas prendre froid. A droite Mauro Gargano en grande conversation avec Bénédicte.

Ferris-cPh.Marchin.JPGJ.G Poncet ©Ph.Marchin

Stéphane Belmondo à gauche parle cuivres avec Glenn Ferris. A droite, Yann-Gaël Poncet, l'autre chanteur de la Tectonique, avec un blogueur de Choc.

Longnon-cPh.-Marchin.JPG

Des-Parents-de-Misterioso.jpgLaurent-de-Wilde-copie-1.jpgJean-Loup Longnon boirait bien le verre de vin de son voisin. Au centre, des parents de Misterioso qui n'ont pas voulu manquer cette remise de prix pour le moins académique. Ces derniers laissent rêveur Laurent de Wilde qui préfère le blouson de cuir à la tenue de soirée.

Florence.jpgLionel-Eskenazi.jpgArdonceau.jpg

Florence : elle passait par hasard devant le Châtelet. Son joli sourire, sa gaieté nous l'ont fait adopter. Au centre, Lionel Eskenazi depuis peu académicien. On peut suivre ses chroniques pertinentes dans Jazz Magazine/Jazzman et les Dernières Nouvelles du Jazz et se poser une question: les académiciens boivent-ils plus que les autres ? Sur la photo de droite, l'Académie toujours avec Jacques "Soulbag" Périn et Pierre-Henri Ardonceau. Ils s'inquiètent du comportement étrange de Marcel Zanini que l'on voit sur la photo suivante.

Zanini © J.M. Legros

Tu veux ou tu veux pas ? Depuis un moment Marcel Zanini pose cette question à son double. On le voit ici trinquer avec lui-même. Les vins de Philippe Briday semblent avoir chauffé Marcel.

Bene---Francis.jpgLaurent-Mignard-copie-1.jpgLegrand ©Ph.MarchinOn les voit mieux sur la photo de gauche, Bénédicte et Doc Francis, nos barmans infatigables qui inlassablement remplissent des verres qui se vident vite. Qu'ils soient ici remerciés. Amusé, Laurent Mignard, expert en mignardises ellingtoniennes, se demande si le Jean-Loup va avaler Mère (Le)Grand.

Jean-Loup-cPh.-Marchin.JPGLongnon.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fausse alerte, car une autre proie, et une belle à la chair plus tendre s'offre à lui. Toute souriante Elisabeth Caumont ignore le danger qui la menace. Le suspense est à son paroxysme. Rassurez-vous: Remise de ses émotions, Elisabeth se porte très bien. Quant à Jean-Louis, on peut l'écouter une fois par mois (deux concerts) au Duc des Lombards à la tête de son formidable big band.

3-Mousquetaires---1-cPh.Marchin.JPG

Il est tard, le théâtre du Châtelet va fermer ses portes. Une dernière photo souvenir. Vous avez bien sûr reconnu Géraldine Laurent. Le grand gars à sa gauche n'est pas le Grand Duduche, mais Christian Bonnet, membre de l'Académie du Jazz, saxophoniste et arrangeur du Black Label Swingtet qui accompagne la chanteuse Patoon. Un CD vient de sortir sur le label Swing Land. Duduche n'est pas sur la photo, mais Cabu, son créateur y figure en chair et en os. A sa gauche, Claude Carrière, pianiste, ex-président de l'Académie du Jazz et expert ellingtonien, pointe du doigt Philippe Marchin, l'auteur de la photo. 

 

Academie fond NLE PALMARES 2010

Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année) : Sylvain Luc

Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) : Laurent Cugny « La Tectonique des nuages » (Signature/Harmonia Mundi)

Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) : Géraldine Laurent « Around Gigi » (Dreyfus Jazz/Sony)

Prix du Musicien Européen : Franco D’Andrea pour l’ensemble de son œuvre

Prix de la Meilleure Réédition ou du Meilleur Inédit : Ahmad Jamal « The Complete Ahmad Jamal Trio Argo Sessions 1956-1962 » (Mosaïc)

Prix du Jazz Classique : Echoes of Swing « Message from Mars » (EOSP)

Prix « Mimi Perrin » du Jazz Vocal : ex-aequo :José James & Jef Neve « For All we Know » (Impulse !/Universal) et Youn Sun Nah « Same Girl » (ACT/Harmonia Mundi)

Prix Soul : Solomon Burke  « Nothing’s Impossible » (e-a-r Music/Edel)

Prix Blues : Roy Gaines « Tuxedo Blues » (Black Gold/www.roygaines.com)

Prix du livre de Jazz : Misterioso « Le petit livre à offrir à un amateur de jazz » (Tana Editions)

 

CREDITS PHOTOS : David Linx chante Eva / François Lacharme / Echoes of Swing / Ahmad Jamal (vidéo) / Bruno Angelini & Mauro Gargano / Sylvain Luc / Jean-Louis Chautemps & Géraldine Laurent / Florence X / Lionel Eskenazi / Jacques Périn & Pierre-Henri Ardonceau / Bénédicte & Francis / Laurent Mignard / Jean-Loup Longnon & Elisabeth Caumont (très gros plan) © Pierre de Chocqueuse.

Misterioso / Jacques Périn / Jean-Luc Ponty & Franco D'Andrea / Antoine Hervé / Michel Legrand / Groupe avec Laurent Cugny, David Linx, Jean-Jacques Goron et François Lacharme / Laurent Cugny & Jean-Jacques Goron / Xavier Felgeyrolles & Stéphane Kochoyan / Anouk Allibaud-Ferris & Jean-Pierre Debarbat / Marcel Zanini © Jean-Marie Legros.

Géraldine Laurent / Jean-Luc Ponty, Vladimir Cosma & Sylvain Luc/ Patrice Caratini & Elisabeth Caumont / Laurent Cugny, Olivier Hutman & Stéphane Belmondo / Bruno Théol & Cabu / David Linx / Mauro Gargano / Stéphane Belmondo & Glenn Ferris / Yann Gaël Poncet & le blogueur de Choc / Laurent de Wilde / Jean-Loup Longon (au bar: deux photos), Jean-Loup Longnon & Michel Legrand / Jean-Loup Longnon & Elisabeth Caumont / Groupe avec Géraldine Laurent, Christian Bonnet, Cabu & Claude Carrière © Philippe Marchin.

Jean-Pierre Leloir © Jean-Louis Casalis. 

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 11:12

Sunside--Renato.jpg 

JEUDI 6 janvier

Que ce soit avec son complice Otisto qui offre à son piano des sons inhabituels, ou dans d’autres contextes qui lui offrent l’occasion de multiplier les rencontres - on l’a entendu jouer au Sunside ces derniers mois avec Glenn Ferris, Eric Le Lann, Emmanuel Bex et accompagner Elise Caron - Laurent de Wilde éprouve un L.-de-Wilde--J.-Regard.jpgréel plaisir à se trouver devant un clavier. Cette joie de créer, l’aspect ludique, la liberté que procure l’improvisation se retrouvent bien sûr dans sa musique. Laurent qui aime utiliser toutes sortes de machines n’a pas publié un seul album de jazz acoustique depuis “The Present”, un disque de 2006. Il dispose depuis peu d’un nouveau trio avec lequel il reprend d’anciennes compositions et en rode de nouvelles pour un nouvel enregistrement très attendu. Le Sunside l’accueillait le 6 janvier, la contrebasse toujours juste de Jérôme Regard et la batterie discrète de Donald Kontomanou accompagnant un piano plein de surprises et de fantaisie. Laurent enrichit les standards qu’il reprend d’harmonies nouvelles, de rythmes inattendus. La richesse de son jeu pianistique est perceptible dès le premier morceau du premier set, une version enthousiasmante de I Love You Porgy pleine de chausses trappes et de changements de rythme dans laquelle la contrebasse assure un jeu mélodique et dialogue avec le piano. Le blues est bien sûr perceptible dans Portrait of Wellman Braud, un extrait de La “New Orleans Suite” de Duke Ellington. Wellman est un des premiers musiciens de jazz à avoir joué de la Donald Kontomanouwalkin’ bass. L’esprit de cette musique, son aspect jungle est fort bien recréé par le trio. L’hommage à Ellington se poursuit avec Edward K., une composition de Laurent, un des titres de “Spoon-a-Rhythm” qu’il enregistra en 1997. Le second set, plus fluide encore, mit en évidence la cohésion mélodique et rythmique du trio. Loin de couvrir le piano, Donald Kontomanou le sert avec finesse. Il possède un très bon jeu de caisse claire, fait constamment chanter ses cymbales et marque les temps avec constance et légèreté. You Don’t Know What Love et ses changements de rythme, ses mesures ternaires qu’il fait bon écouter fut un bonheur pour nos oreilles soucieuses de swing. Laurent de Wilde prend un malin plaisir à compliquer les difficiles partitions de Thelonious Monk, son musicien fétiche. Ses arrangements de Off Minor et de Shuffle Boy placent constamment les trois musiciens sur une corde raide. Leur parfaite cohésion rythmique les empêche de trébucher. Impeccablement mise en place, leur musique est déjà celle d’un grand trio.

 

LUNDI 10 janvier

A.-Saada---couleurs.jpgAlexandre Saada en solo au Sunside. Après “Panic Circus” un disque de fusion bariolé, mélange de jazz électrique et de chansons pop dont les couleurs éclatent fièrement sur la pochette, le pianiste revient à un jazz acoustique et donne libre cours à son imaginaire dans de courtes pièces poétiques rassemblées dans “Present” son nouvel album. Il est bien difficile de distinguer l’écrit de l’improvisé dans ces impressions sonores aux contours volontairement brumeux. Ramassés sur eux-mêmes, les morceaux ne durent jamais très longtemps. Alexandre semble préférer la perfection des miniatures aux longues phrases boursouflées par des amas de notes. Il s’exprime avec une grande économie de moyens, adopte un discours sobre, dépourvu d’ornements superflus, mais aux harmonies toujours travaillées. Les thèmes vont et viennent, surgissent de manière inattendue, ne se dévoilent pas aux gens pressés ou inattentifs qui cherchent des mélodies faciles à écouter. Peu de grandes envolées lyriques dans cette musique souvent austère (Eveil, Winter) qui exprime constamment une certaine gravité, nous fait voir des paysages d’hiver en noir et blanc, des voyages shakespeariens A.-Saada-N-B-b.jpgcontés dans de vieux livres. Très présentes, les basses du clavier donnent du poids à la musique, renforcent son aspect sévère. Celle que joue Alexandre n’est pas sans amertume. Elle possède un arrière-goût d’herbes amères qui donne une réelle profondeur à un langage harmonique hérité de Claude Debussy, de Gabriel Fauré, d’une approche impressionniste du piano. C’est aussi celui de Bill Evans, de Keith Jarrett et de Paul Bley qui privilégient l’harmonie classique européenne tout en la teintant de blues et de notes bleues. Alexandre fait de même. Il peut donner beaucoup de dynamique à ses notes, adopter un jeu orchestral pour mieux les faire sonner. Le chaloupé My Rag, ou Home portent leurs influences. Pour pleinement apprécier cette musique, l’auditeur se doit d’être aussi concentré que le pianiste. Il faut fermer les yeux et se laisser conduire, tous sens en éveil, au pays des rêves. On se laisse bercer par des ostinato qui rythment des notes délicates et tendres (Panic Circus Part II), des accords cristallins encore humides d’une rosée de petit matin. Alexandre parvient même à rendre touchant et onirique Au clair de la lune sur lequel il improvise en fin de set. D’une tendresse discrète et pudique, cette musique témoigne d’une âme sensible qui, le plus discrètement possible, nous fait rencontrer la beauté.  

Photos © Pierre de Chocqueuse 

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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 11:07

Junko Onishi Trio

LUNDI 15 novembre

Junko Onishi n’a pas le moins du monde l’air inquiète au moment de monter sur la scène du Sunside. Elle attaque sa prestation avec beaucoup de vélocité comme si elle affrontait un adversaire, qu’elle allait faire rendre gorge à son piano. Intitulé Junko Onishi Sunside bBack in the Days, le morceau provient de “Musical Moments” son avant-dernier album. C’est le premier concert d’une tournée en trio et la mise en place reste approximative. Junko n’a encore jamais joué avec Roland Guerin, un contrebassiste solide qui trouve immédiatement ses marques auprès d’elle. Batteur à la frappe puissante (il joue sur “Musical Moments”), Gene Jackson couvre trop le piano d’où une grande confusion sonore s’installant dès qu’il martèle ses caisses avec des baguettes. Ce furent donc les ballades et les morceaux abordés sur tempo médium dans lesquels Jackson utilise des balais qui nous permirent d’apprécier pleinement la musique de la pianiste. Cette dernière développe un jeu orchestral particulièrement dynamique, mais peut aussi aérer ses notes, nous envoûter par de Roland Guerinlongues pièces tranquilles. Son élégant Portrait in Blue, thème aux harmonies magnifiques qu’elle écrivit il y a plus de vingt ans, fut très apprécié. Mais Junko Onishi aime aussi les cascades de notes perlées, les morceaux de bravoure dans lesquels elle exprime sa grande virtuosité. Thelonious Monk, Eric Dolphy, Charles Mingus font depuis longtemps partie de son répertoire plein de dissonances et d’accords inattendus. Perturbée par le niveau sonore trop élevé de la batterie, Junko ne joua pas toujours son meilleur piano. A l’exception de The Mother’s (Where Johnny Is) qui évoque beaucoup La Guerre des Etoiles, elle interpréta peu de thèmes de “Baroque“ son dernier disque, préférant reprendre Congeniality d’Ornette Coleman, mais aussi Something Sweet, Something Tender de Dolphy et Bittersweet une de ses compositions, deux extraits de “Musical Moments”.

 

MERCREDI 24 novembre

Edouard BineauLe piano d’Edouard Bineau m’a toujours séduit depuis la découverte d’“Exodus”, son premier Daniel Erdmannenregistrement. Disposant d’une large palette harmonique, Edouard pose de belles couleurs sur ses mélodies chantantes. Il compose également de vrais thèmes et s’appuie sur leurs lignes mélodiques lorsqu’il improvise. C’est toutefois une musique quelque peu différente, plus brute et plus « sale » que nous entendîmes au Sunside. La présence de Daniel Erdmann est pour beaucoup dans ce changement de Gildas Boclédirection. Le saxophoniste possède un son volumineux tant au ténor qu’au soprano, improvise de manière créative, peut souffler des phrases très longues, mais joue surtout avec une énergie, une ardeur qu’il communique aux membres de l’orchestre. Dans Wared, Gildas Boclé utilise son archet et tire de sa contrebasse des sons de violoncelle. A la batterie, Arnaud Lechantre marque des tempos binaires, leur donne l’épaisseur du rock. La rythmique plus présente et consistante sur le plan sonore encadre des thèmes lyriques, mais leur confère une densité et une chaleur nouvelles. Le quartette joua essentiellement des morceaux de “Wared” le nouvel album d’Edouard, un répertoire comprenant Maman Rose et Charmeur Arnaud Lechantrede pierres, deux des titres recyclés de “L’Obsessioniste”  consacré au Facteur Cheval. Handicapé par une forte fièvre, Daniel Erdmann se montra moins véloce dans ses attaques, mais la musique, portée par un piano très blues et de nombreuses notes bleues, n’en souffrit nullement. Sébastien Texier joua du saxophone alto dans Rootless et Wandering, morceaux dans lesquels Edouard Bineau se tient volontairement en retrait. Ce dernier aime aussi prendre des risques, se lancer avec Daniel dans des pièces non préméditées qui exigent une totale disponibilité. Un des deux courts intermèdes qu’ils improvisèrent ne fut pas aussi convaincant que la musique forte et joyeuse que nous goûtâmes passionnément ce soir-là.

 

 SAMEDI 4 décembre

Dan-Tepfer-c.jpgOn parle beaucoup de Dan Tepfer, auteur d’un excellent album en duo avec Lee Konitz chez Naïve. Sur ce même label, le pianiste franco-américain vient de sortir un disque en trio enregistré avec une section rythmique américaine. “Five Pedals Deep” m’a posé certaines difficultés d’écoute que j’explique par les métriques inhabituelles adoptées par Thomas Morgan à la contrebasse et Ted Poor à la batterie et le jeu ambidextre du pianiste qui le conduit à tenir en parallèle plusieurs discours mélodiques qu’il n’est pas toujours facile de suivre. Ayant plusieurs fois écouté le disque, j’en ai progressivement pénétré la logique et apprécié le concert que les trois hommes donnaient au Sunside. Dan Tepfer aime les longues pièces abstraites d’où il fait surgir des bribes de thèmes plus ou moins connus, se plaît à changer fréquemment de rythmes, à faire ruisseler ses notes avec force et passion, à faire longuement tourner des ostinato. Sa grande technique lui permet de construire et d’architecturer de longues pièces truffées de dissonances, Thomas Morgand’harmonies inattendues. Les quatre temps de la mesure (four-beats) sont rarement marqués par une contrebasse et une batterie qui assurent un tempo relâché, distendu, ouvert à tous les possibles pianistiques. Le couvercle du piano grand ouvert, Dan tire un maximum de dynamique de l’instrument et le fait puissamment sonner. Sous ses doigts, les notes fusent comme des fusées de feux d’artifice, forment des bouquets, des figures mélodiques qui s’éparpillent, se transforment afin de parcourir d’autres trajectoires, rencontrer d’autres rythmes. Dan joua presque exclusivement les morceaux de son nouvel album, ajoutant I Remember April et Giant Steps à son répertoire. Outre I Was Wonderin’, une de ses compositions, le pianiste reprit Le plat pays de Jacques Brel dans une version plus lente que celle de son disque , trouvant à jouer de jolies notes perlées dans l’aigu du clavier. Le deuxième set plus fluide mit à l’honneur un autre standard, Body and Soul et d’autres compositions originales : The Distance, une ballade onirique, Back Attya décrit par Dan comme un cousin de All the Things You Are, et une saisissante version de All I Heard Was Nothing, morceau qui traduit l’influence de Brad Mehldau sur son jeu, deux mains indépendantes dialoguant et faisant des miracles.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse- Portraits d’Edouard Bineau, Daniel Erdmann, Gildas Boclé & Arnaud Lechantre © Didier Gerardin  

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 09:05

Bill Carrothers shoes

 

MERCREDI 27 octobre

Bien peu de monde au Duc des Lombards pour Bill Carrothers, de passage à Paris après quelques jours passés au Studio La Buissonne. Le pianiste vient d’y enregistrer un disque en solo pour Out Note, label dont Jean-Jacques Pussiau est le directeur artistique. Sa série "Jazz and the City" associe un pianiste à une ville. Bill a choisi Excelsior, petite bourgade du Minnesota dans laquelle il a passé son enfance et son adolescence et près de laquelle il habite toujours aujourd’hui. La Bill Carrothers-copie-1musique, magnifique, a été totalement improvisée en studio. Il vous faudra patienter jusqu’en avril prochain pour la découvrir. Les musiciens ont parfois des comportements étranges. Après avoir étalé une serviette blanche sur ses genoux comme si des notes pouvaient y atterrir par accident, Bill Carrothers ôte ses chaussures et les pose près de lui avec un verre de bière. Les yeux clos, en chaussettes, penché très en arrière sur sa chaise à dossier (il n’utilise jamais de tabouret), il donne forme à ses rêves musicaux, joue des mélodies oniriques et troublantes, fait vibrer et respirer compositions personnelles tendres et lyriques, hymnes, pièces chorales de la grande Amérique et standards du bop qu’il affectionne. Son dernier disque est d’ailleurs entièrement consacré à Clifford Brown. Au Duc, Nic Thys (contrebasse) et Dré Pallemaerts (batterie) l’accompagnent dans ce répertoire éclectique qu’il invente, transforme et s’approprie. Pirouet tarde à sortir un album enregistré au Vanguard de New York avec la même rythmique. Bill s’y montre éblouissant. Pourquoi si peu de monde pour ce très grand pianiste ?

 

JEUDI 28 octobre

Wind OrchestraConsacré au répertoire d’Ella Fitzgerald, “Ella… My Dear” le dernier opus d’Anne Ducros, fait partie de ses grandes réussites. Pour en fêter la sortie, la Cigale recevait la chanteuse avec le Coups de vents Wind Orchestra, un orchestre d’harmonie du Nord - Pas de Calais, quarante-cinq souffleurs et une section rythmique. Directeur de l’Ecole de Musique de Dunkerque et ami d’enfance d’Anne, Philippe Langlet dirige ce méga big band qui possède de très belles couleurs et swingue avec une étonnante légèreté. Ciselés par Ivan Jullien invité à conduire l’orchestre le temps d’un morceau, les arrangements d’une grande finesse privilégient une écriture classique, « une constante culture du contre-chant » confie Anne à Philippe Carles dans le nouveau numéro de Jazz Magazine / Jazzman. L’orchestre ne sonne pas du tout américain, mais Anne superbe dans une robe extra longue, se livre avec le plus grand naturel à un show que Las Vegas aurait volontiers accueilli. La plupart des musiciens de son orchestre à vents ne possèdent aucune expérience du jazz. Ils placent pourtant le groove au cœur de la musique. A. Ducros & P. LangletAnne, enthousiaste, se charge de mettre la salle dans sa poche tant par la perfection de son chant que par sa gouaille, la bonne humeur qu’elle communique. Il faut l’entendre chanter divinement Stardust,Come Rain Come Shine, Laura et écouter la fluidité de son scat dans les deux medley qu’elle interprète. Reprenant l’intégralité de son disque, elle fit monter sur scène le chanteur Dany Brillant, Yannick Le Goff un très bon flûtiste de Boulogne-sur-Mer, et les guitaristes Adrien Moignard et Rocky Gresset. Regrettons seulement l’absence d’une vraie section rythmique pour accompagner Anne dans d’autres titres de son répertoire. Bien qu’allongées par des chorus (un des musiciens de l’orchestre, Guillaume Peret, joue très judicieusement du saxophone ténor dans Come Rain Come Shine) les dix chansons d’“Ella…My Dear” constituent difficilement un spectacle d’une heure et demi. Anne dut bisser certains morceaux, allonger le concert par des commentaires, converser avec humour avec le public qui lui fit un triomphe.

 

JEUDI 4 novembre

Pianiste injustement méconnu en France, apprécié par les musiciens afro-américains qui le considèrent un peu comme leur père spirituel, Donald Brown se distingue par un solide jeu de piano ancré dans la triple tradition du Keith & Donald Brown n&bblues, du swing et du bop. Il laisse ses mains courir sur le clavier, joue beaucoup de notes chantantes, aborde avec brio des standards, mais interprète aussi des compositions personnelles de belle facture qu’aiment reprendre les jazzmen. Le Sunside l’accueillait en quartette avec Baptiste Herbin, jeune espoir du saxophone (il joue de l’alto et du soprano) et une section rythmique de choc, Essiet Essiet à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie. Membre du trio du pianiste Vijay Iyer, ce dernier, probablement l’un des batteurs les plus inventifs de la planète jazz, surprend par un drumming polyrythmique d’une richesse insoupçonnée. Essiett assure le tempo et joue beaucoup d’harmoniques en solo ; Gilmore apporte à la musique des inventions rythmique qui la fait monter d’un cran. Autour de lui, l’air semble frémir, se mettre à osciller comme les cymbales qu’il caresse et martèle. Après quelques morceaux festifs, dont une version superbe de Black Orpheus (Orfeu Keith BrownNegro), Donald Brown cède sa place à son fils Keith, garçon bien en chair de 26 ans qui, angoissé à l’idée de monter dans un avion, peine à sortir de son Tennessee natal. Dommage, car à peine assis devant un clavier, le jeune homme se transforme en pianiste accompli. Ses mains puissantes assurent un jeu percussif trempé dans le blues, le terroir du grand Sud. Les basses sont lourdes, pesantes et confèrent à l’instrument un impact rythmique appréciable. Keith Brown fait aussi magnifiquement sonner les aigus de son piano. Son jeu virtuose n’est jamais étouffant. Il sait donner de l’air à ses notes capiteuses et solaires. Keith vient d’enregistrer un premier album à Paris pour Space Time Records le label de Xavier Felgeyrolles, un mélange de standards et de compositions originales. Essiet et Marcus en constituent la section rythmique. Invités à la séance, Baptiste Herbin et Stéphane Belmondo y ajoutent quelques chorus. Sortie prévue et attendue en mars 2011.

 

LUNDI 8 novembre

Manuel Rocheman TrioManuel Rocheman Salle Gaveau avec son trio habituel, Mathias Allamane à la contrebasse et Matthieu Chazarenc à la batterie. Les morceaux qui vont être joués au cours de cette soirée présentée avec humour par le pianiste sont extraits de “The Touch of Your Lips”, son dernier album. Manuel introduit quelques invités, l’harmoniciste Olivier Ker Ourio, le chanteur Laurent Naouri, et construit habilement un programme scindé en deux parties. En trio pendant la première, en solo pendant une bonne moitié de la seconde, il réinvente son disque, repense et allonge les parties improvisées, les thèmes héritant de nouvelles harmonies. On goûte une invention constante au sein de laquelle la sensibilité va naturellement de pair avec une virtuosité bien tempérée. Inspiré, Manuel s’abandonne, joue son plus beau piano, nous captive par la richesse de ses lignes mélodiques, la fluidité de son langage pianistique. Saluons également sa section rythmique et les superbes prestations des intervenants. Compliment à Matthieu Chazarenc dont le drumming fin, précis et musical est toujours au service des solistes.

 

MERCREDI 10 novembre

Annick Tangora (a)Annick Tangora est une belle chanteuse qui possède une manière bien à elle de scatter. Elle utilise ses propres onomatopées, fait claquer sa langue contre son palais, émet des sons très musicaux avec une bouche joyeuse qui sourit facilement. Son concert se déroule tardivement au Baiser Salé. Mario Canonge (piano), Eric Vinceno (basse électrique) et François Laizeau (batterie) l’accompagnent dans un répertoire dans lequel le jazz rencontre d’autres musiques. Annick chante en espagnol, en anglais, en portugais, en italien et reprend plusieurs morceaux en français dont l’adaptation d’un thème de Milton Nascimento. Sa voix change facilement d’octave et monte dans les aigus. Annick Tangora (b)Egalement au programme, Moondance de Van Morrison. Son pianiste en profite pour prendre un chorus dans la pure tradition du bop. Annick chante Lune de Miel, une jolie biguine, et un thème aux couleurs afro-cubaines qui porte le titre de Maracaibo. Basse et batterie fournissent des tempos métissés. Samba, bossa-nova, rumbas, cumbia sont ainsi confiés à une section rythmique très souple qui chauffe la salle et fait perler la sueur. On se croirait sous les tropiques ! Annick Tangora a publié quatre albums sous son nom. Le dernier “Confluences”, disponible sur label Ames, est un bain de soleil pour oublier l’hiver.

PHOTOS © Pierre de Chocqueuse - Keith Brown, Keith & Donald Brown © Philippe Etheldrède        

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22 novembre 2010 1 22 /11 /novembre /2010 12:38

Ph. Gaillot BandDIMANCHE 24 octobre

Un come-back très attendu

Pas facile de trouver Manduel et sa salle des arènes dans la banlieue de Nîmes. Papy Doc, mon chauffeur possède heureusement un GPS et, guidé par satellite, notre fier et pesant véhicule parvint à bon port et à l’heure. Le but de notre voyage - la route depuis Clermont-Ferrand - est d’assister au concert de clôture du festival Ph. Gaillot b"Nîmes Agglo" dont Stéphane Kochoyan assure la direction artistique. Au programme Sexto Sentido et Dale Chico (Vas-y mec en espagnol), le nouveau groupe de Philippe Gaillot. Si le nom de ce dernier ne dit rien à la plupart d’entre-vous, Gaillot n’en reste pas moins une célébrité à Nîmes et à Montpellier où il résida quelques années. Auteur de plusieurs albums notamment pour RDC, producteur et arrangeur du défunt joueur de kora Soriba Kouyaté, Philippe possède aussi l’un des gros studios d’enregistrement du sud de la France. Le Recall Studio a vu passer nombre de jazzmen de réputation internationale, mais aussi des stars du rock et de variété. Entre son activité d’ingénieur du son lui prenant beaucoup de temps et certains impératifs familiaux, Philippe se trouva contraint de réduire ses propres activités musicales en 1995. Aujourd’hui, après quinze longues années passées à donner le plus beau son possible à la musique des autres, il s’investit plus à fond dans la sienne et revient à la scène sans pour autant mettre en veilleuse son studio.

Bey & CoudercGérard Couderc (saxophones soprano et ténor), Claude Bey (trompette et bugle), Emmanuel Beer (claviers et orgue Hammond), Philippe Panel (basse électrique) Quentin Boursy (batterie, percussions) et Philippe Gaillot (voix, guitare et claviers) n’ont disposé que de peu de temps pour répéter six morceaux très travaillés sur un plan sonore et qui sonnent magnifiquement. Utilisant un matériel technologique hautement performant*, Philippe apporte aux musiciens de Dale Chico des mélodies, des thèmes originaux qui structurent leurs improvisations, même si certaines ritournelles qu’il affectionne me lassent vite. Je reconnais Do It, un extrait de son disque “Lady Ph. Gaillot aStroyed” avec sa longue intro planante, son thème tardivement exposé par les souffleurs. Philippe laisse beaucoup jouer ses partenaires et les sons de sa guitare évoquent davantage des instruments acoustiques qu’électriques (sitar, guitare douze cordes). Seule reprise du répertoire de ce concert, Scarborough Fair, une vieille chanson anglaise du Moyen Age popularisée en 1966 par Paul Simon et Art Garfunkel, se pare d’étonnantes couleurs modales, hérite de magnifiques chorus de guitare. Sur un « pattern » de batterie mémorisé sur pro tools, Philippe a ajouté deux tampuras enregistrées à partir de son I Phone. Là encore, la technologie reste au service de la musique et des musiciens qui la servent. Pour rendre hommage à Soriba Kouyaté, Philippe a composé une sorte de requiem. Tirées de ses claviers, ses harmonies grandioses se marient superbement au saxophone soprano de Gérard Couderc, l’approche sensible de la musique, l’irremplaçable feeling restant toujours privilégiés. Philippe Gaillot chante aussi. Filtrée, Couderc--BeercFC.jpgdémultipliée par des machines, sa voix devient chorale. Il décrit non sans humour Et puis un jour… elles s’en vont comme son village africain. Moustilleque Philippe a enregistré avec Mike Stern et Erfoud, un nouveau morceau, bénéficient du même traitement vocal. La basse électrique de Philippe Panel et la batterie de Quentin Boursy s’entendent à faire danser les rythmes, à donner fluidité aux tempos. Les saxophones de Gérard Couderc s’intègrent parfaitement à une musique qu’Emmanuel Beer, un véritable organiste, enrichit de nappes sonores du plus bel effet. Je m’impatiente déjà en attendant le disque.

*Pour ceux que la technologie sonore intéresse, Philippe Gaillot utilise un capteur de guitare Piezo et un système de modélisation Roland V.G. 99 qui permet de créer des sons acoustiques ou électriques sur sa guitare. Il se sert également d’un rack multi effets (un Digidesign Eleven Rack) qui lui donne accès à pro tools et de deux pédales, un Line 6 (modèle M9), et un pédalier de T.C. Electronic (G-system limited) qui donne accès à de très nombreux effets sonores (reverbération, delay et modulations). Philippe possède également un Korg R3 relié à un Yamaha motif-rack XS et à deux Kaoss pad digitaux.

 

Voix cubaines

Sexto SentidoLes quatre chanteuses de gauche à droite sur la photo se nomment Wendy Vizcaina, Arlety Valdés, Yudelkis Lafuente et Eliene Castillo. Elles sont les voix de Sexto Sentido, le groupe vocal le plus populaire de Cuba. Six musiciens les accompagnent. Trompette, saxophone alto, guitare assurent d’excellents et parcimonieux chorus. On aurait aimé entendre davantage Lino Lores excellent guitariste à la sonorité agressive et au jeu virtuose. Encadrées par une excellente Elienesection rythmique dont il faut saluer la qualité de jeu de Jorge Baglan batteur infatigable, les filles assurent le show, synchronisent plutôt bien leurs figures de danse malgré une scène trop petite pour leur chorégraphie de groupe. L’érotisme des mouvements fait oublier l’aspect insipide de certaines chansons. Davantage que les voix (intéressantes au demeurant), les corps assurent le spectacle. Les regards masculins sont tous braqués sur des hanches, des fesses qui s’agitent et remuent en cadence. La première moitié du concert fut malheureusement consacrée à un répertoire américanisé, à un mélange de rhythm’n’blues, de hip hop et de variété sirupeuse qui semble avoir la faveur du public de leur pays. Il fallut patienter une bonne heure pour que les filles Wendychantent enfin de la musique afro-cubaine et brésilienne. Derrière elle, un groupe jusqu’alors sommeillant s’anime. Les instruments se mettent à vivre, les rythmes se parent de couleurs vives, deviennent irrésistibles. L’excitation devient palpable lorsque les filles empoignent des instruments de percussions. Claves, maracas, blocks, agogôs, shakers, cabasas, güiro rythment les mouvements des corps et provoquent l’envoûtement. Dehors la pluie tombe à larges seaux. Dans la salle des arènes, la chaleur devenue tropicale nous fait voir le plein été.

 PHOTOS © Pierre de Chocqueuse & Francis Capeau

Fleurs-b.jpg

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9 novembre 2010 2 09 /11 /novembre /2010 09:49

Saxes.jpg

JEUDI 21 octobre

« Le meilleur festival de l’hexagone » m’avait répété Jean-Paul. Je m’étais bien gardé de lui dire que venu entendre en 2003 Roy Haynes, le Roy Hargrove RH Factor et le pianiste Robert Glasper, j’avais été royalement accueilli par l’équipe de Jazz en Tête. Attendu à la gare de Clermont et conduit à l’hôtel Mercure, le dortoir des musiciens, je croise dans le hall Xavier Felgeyrolles qui depuis 23 Felgeyrolles--Terrasson--Etheldrede.jpgans s’occupe de la direction artistique du festival. L’accueil est chaleureux. Comme moi, Xavier traîne souvent rue des Lombards, à la recherche de la perle rare, du musicien d’exception. Il a fait venir à Clermont les plus grands noms de la planète jazz et Space Time Records, son label, abrite d’excellents disques. Les pianistes Donald Brown, Mulgrew Miller (son seul enregistrement en solo, une merveille) et le saxophoniste Jean Toussaint y ont trouvé accueil. Ce dernier anime les jam sessions de l’hôtel qui se terminent souvent à l’aube. Les concerts officiels se déroulent en face, à la Maison de la Culture. J’apprends par Philippe machin chose Etheldrède errant dans un couloir que Jean-Paul n’est pas là. Subjugué par le concert de Mulgrew, il est remonté dare-dare l’écouter à Paris au foyer du Châtelet. Mulgrew se produisant également ce soir au Sunside, Jean-Paul s’y trouve, probablement assis au premier rang pour avoir constamment à l’œil les mains virevoltantes du pianiste virtuose. Dans les loges où l’on ripaille allègrement, je rencontre le photographe Michel Vasset dont le beau livre “L’ombre du Jazz” retrace l’histoire des quinze premières années du festival, et Jacques des Lombards, un passionné de courses automobiles et de jazz, lui aussi du voyage clermontois.

 

Roberta Gambarini bMais il est temps d’écouter Roberta Gambarini. Le quartette dont elle dispose n’est malheureusement pas celui annoncé. Cyrus Chestnut que je me réjouissais d’entendre est remplacé par Eric Gunnison, un pianiste passe-partout. Le meilleur musicien du quartette est Neil Swainson dont la contrebasse a accompagné de grands jazzmen (nombreux disques et tournées avec George Shearing). Roberta aime les vieux standards au point d’en oublier le jazz moderne. On the Sunny side of Roberta Gambarinithe Street (1930), Day in, Day out (1939), I Love You Porgy (“Porgy and Bess” date de 1935), Poor Butterfly (1916), Lover Come Back to Me (1928) sont des mélodies de bonheur que de plus belles voix que la sienne ont chantées. Elle possède un métier solide, une technique de scat efficace et introduit très bien ses morceaux a cappella. Sa voix à beau couvrir une large tessiture, il lui manque feeling et charisme. C’est lisse, propre et sans surprises. On aimerait la découvrir dans un répertoire plus moderne, la voir s’emparer de chansons plus récentes. Composé en 1960 par Bruno Martino, Estate est le plus jeune morceau d’un répertoire qui tient trop du musée.

 

S. Belmondo All StarBeaucoup plus conséquente fut la deuxième partie du concert, un all star réunissant Stéphane Belmondo à la trompette et au bugle, Kirk Lightsey au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Billy Hart à la batterie. Ces quatre-là musclent leur bop et le trempent dans un grand bain de blues. Le pianiste en connaît parfaitement les accords. Infatigable, il martèle le clavier de ses grandes mains puissantes. Le batteur fouette ses cymbales, fait crier ses tambours et pousse les solistes. Son duo avec Stéphane, un moment de grande tension, fut profitable à la Stéphane Belmondo bmusique. S’il déborde d’énergie, le groupe joue aussi des ballades. Après un long chorus de contrebasse, Kirk échange son piano pour une flûte traversière. Stéphane l’accompagne avec un coquillage. Il a composé un bien joli morceau pour sa fille et sait mettre du miel dans ses puissantes attaques. Pour le rappel, une version survitaminée d’Oleo, Jean Toussaint rejoint la formation au ténor. Le saxophoniste s’empare de la musique à bras le corps pour en souffler les notes brûlantes sous nos applaudissements.

 

VENDREDI 22 octobre

Cathedrale-Clermont.jpgPour éviter Jean-Paul qui revient aujourd’hui, je visite la vieille ville, les antiquaires de la rue Pascal, la cathédrale gothique en pierre de Volvic qui dresse fièrement vers le ciel sa couronne de flèches noires, l’église romane Notre Dame du Port aujourd’hui restaurée. La plus grande librairie de Clermont est celle des Volcans, un endroit incontournable, tout proche du Mercure. On y trouve même des CD… et Jean-Paul qui peste ne pas y voir ses disques préférés. Il est là pour Jacky Terrasson, me demande des nouvelles de Philippe Machin Chose qu’il porte en haute estime. Ce dernier se terre dans sa chambre pour ne pas avoir à le rencontrer. Jean-Paul lui a cassé les pieds, le suivant partout, louant à tel point ses Jazz à Fip qu’il s’en trouvait gêné. Une heure avant le concert de Marcus Strickland qui assure la première partie de Jacky Terrasson, je retrouve mon ami Papy Doc avec lequel je compte bien poursuivre à Nîmes mon périple musical (vous en aurez prochainement un compte-rendu dans ce blog). Ensemble, nous assistons à la prestation du trio de Strickland. Excellent Marcus Stricklandsaxophoniste (ténor, alto et soprano), ce dernier laisse souvent jouer ses musiciens, et les rejoint pour tisser avec eux une trame mélodico-rythmique constamment inventive. Marcus prend son temps pour pétrir la matière sonore sur laquelle il travaille. Avec lui, Joe Sanders, contrebassiste solide au jeu souvent mélodique et son frère E.J. Strickland, batteur puissant et véritablement complice de ses ébats sonores. Le trio à beau varier ses tempos, reprendre un thème de Björk, et diversifier sa musique, cette dernière n’en reste pas moins monotone, l’instrumentation saxophone, contrebasse, batterie offrant une palette restreinte de couleurs harmoniques.

Jacky Terrasson

Après l’entracte, je découvre le nouveau batteur du trio de Jacky Terrasson, un musicien de dix-neuf ans dont l’énergie stupéfiante convient parfaitement à la musique aujourd’hui plus funky et festive du pianiste. Justin Faulkner, une découverte de Branford Marsalis, joue régulièrement avec ce dernier. Jacky arrivera-t-il à le garder dans son trio ? Il ferait bien, car Justin l’oblige à tenir des tempos déraisonnables, à tirer le maximum de dynamique de son clavier et le pousse à jouer son meilleur piano. Justin FaulknerSous ses doigts l’instrument devient batterie et contrebasse. Ben Williams, bassiste ô combien subtil, se voit ainsi offrir de nombreuses opportunités mélodiques. Jacky reprend Beat It de Michael Jackson avec sa longue intro à la tonalité un peu floue, mais aussi un pot-pourri de compositions de Gershwin et plusieurs morceaux de “Push” son dernier album. Le tonique Beat Bop avec sa mélodie imbriquée dans le rythme et son aspect funky hérite d’un spectaculaire solo de Ben Williamsbatterie. Faisant tourner un ostinato, Jackie contraint Justin à se surpasser. Il fait de même dans Smile, le batteur adoptant un jeu polyrythmique aussi complexe qu’efficace. Say Yeah, un morceau très frais, invite à danser. La tension retombe un peu avec Smoke Gets in your Eyes et My Church, des ballades, cette dernière teintée de folk et longuement introduite par Jacky en solo. Ce dernier improvise alors des phrases rêveuses, joue un jazz aux harmonies plus classiques. Jean-Paul, heureux, applaudit un trio qui caracole en tête.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse

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28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 12:26

Susi Hyldgaard a 

SAMEDI 9 octobre

Susi Hyldgaard au Duc des Lombards. La chanteuse danoise expérimente, surprend et ne se laisse jamais enfermer dans un genre. “Homesweethome”, le Susi Hyldgaard bpremier disque que j’ai écouté d’elle, faillit obtenir en 2003 le prix du jazz vocal de l’Académie du Jazz. On y découvre une chanteuse envoûtante à la voix sensuelle qui compose de véritables thèmes et les arrange de manière très personnelle.  Chanteuse, mais aussi pianiste et accordéoniste, elle ne dédaigne pas les synthétiseurs et utilise une technologie de pointe pour parfaire ses albums. “Blush” (2004) flirte avec l’électro. Trop éclectique, “Magic Words” (2007) déçoit un peu. Sur scène, la chanteuse parvient à tenir constamment le public en haleine par un chant expressif, une approche minimaliste de la musique. Elle chante, siffle, joue du piano et parfois de l’accordéon. Assis sur un haut tabouret, Jannick Jensen l’accompagne à la basse électrique. Blonde et jolie, la batteuse Benita Haastrup attire l’œil autant que l’oreille. Susi ose varier son Benita Haastruprépertoire, reprend ses chansons et celles des autres. Elle s’adresse constamment au public pour lui faire partager sa musique. On ne s’ennuie pas une seconde. A la fin de son concert, elle m’offrit un exemplaire de “It’s Love We Need“, son dernier opus enregistré avec le NDR Big Band. Publié l’an dernier, ce disque de jazz joyeusement funky arrangé par Roy Nathanson et Bill Ware est un des grands opus de sa discographie.

 

LUNDI 11 octobre

Fred Hersch bPas plus de soixante-dix personnes au Sunside pour écouter Fred Hersch en solo. Un événement que je partage avec mon ami Jean-Louis Wiart, comme moi amateur de beau piano. J’aperçois le contrebassiste Yoni Zelnik dans la salle, mais pas de journalistes. Mes collègues rappliqueront en masse le lendemain pour une autre prestation (Fred en duo avec le clarinettiste italien Nico Gori) et une autre musique moins exceptionnelle. Galvanisé par un public attentif qui n’oublie jamais d’applaudir, de manifester sa joie entre chaque morceau, Fred Hersch donna ce soir-là un concert inoubliable.

 

Dès le premier morceau, une version solaire de U.M.M.G. (Upper Manhattan Medical Group), Hersch en état de grâce réinventait le thème de Billy Strayhorn, lui conférait une profondeur harmonique inédite. Alternant ballades et morceaux plus rapides, il transcenda le vaste répertoire qu’il aborda. Des compositions personnelles extraites de “Whirl” son dernier album (Whirl dédié à la danseuse Suzanne Farrell, Mandevilla, une habanera délicieuse), mais aussi des œuvres de Jobim (O Grande Amor dans lequel il se livra à de passionnantes improvisations contrapuntiques ; How Insensitive, somptueux bouquet de notes colorées murmuré par le piano) et nombre de standards. Le pianiste leur apporta de superbes couleurs harmoniques, s’exprima avec l’émotion et l’intensité d’un concert d’adieu.

Fred H. plays bRappelant que la veille, le 10 octobre, était l’anniversaire de Thelonious Monk, il reprit Work et Bemsha Swing, donnant poids et relief aux accords anguleux et abstraits, aux notes dissonantes que Monk affectionnait. Dans Down Home, un blues à la métrique inhabituelle et aux basses puissantes, des cascades de trilles se mêlant à des accords de boogie, il fut un trio à lui seul. Réactualisant les racines du jazz (I’m Crazy ’Bout My Baby de Fats Waller), parvenant à faire sonner le Yamaha du Sunside comme un Steinway de concert, il nous offrit surtout une musique tendre et rêveuse. Que ce soit dans Pastorale dédiée à Schumann, dans Lark Bird offert au trompettiste Kenny Wheeler, ou dans This Nearly Was Mine de Richard Rodgers (un extrait de “South Pacific”) Fred Hersch follement Fred H. plays aacclamé joua son meilleur piano, déploya une miraculeuse sensibilité et nous fit constamment rêver. Le sommet de ce concert, assurément le plus beau auquel j’ai assisté cette année, fut une éblouissante version de The Peacocks, plus réussie encore que celle qui met en présence Jimmy Rowles (son créateur) et Stan Getz dans un disque Columbia. Masquant longuement le thème pour le mettre en lumière, le pianiste nous en offrit une longue version onirique et sensible, perlant les notes aiguës de son clavier, jouant des phrases gorgées de soul et de swing. S’abandonnant, Hersch nous offrit de la musique pure, nous propulsa dans les étoiles. Personne ne voulait quitter le club à la fin du second et dernier set. Visiblement ému, Hersch quitta la salle sous un tonnerre d’applaudissements, une standing ovation interminable.

PHOTOS © Pierre de Chocqueuse

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