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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 12:33

Giuliani - PieranunziMERCREDI 22 et JEUDI 23 septembre

Enrico Pieranunzi au Sunside avec le saxophoniste Rosario Giuliani. Je n’ai jamais entendu le maestro en petite forme en concert. Il possède une maîtrise totale de son instrument, une technique éblouissante qui lui permet de ne jamais rejouer la même chose. Avec Marc Johnson et Joey Baron, il possède l’un des meilleurs trios de la planète, mais se plaît à changer de répertoire et de partenaires, explorer d’autres directions musicales. Il aime jouer avec Rosario Guiliani, saxophoniste énergique qui souffle des notes de feu, des phrases longues et âpres qui ont du caractère. Avec lui le piano d’Enrico devient percussif. Il apporte aussi un contrepoint mélodique aux attaques fiévreuses de l’alto. Composé par le pianiste, No-nonsense devient prétexte à une conversation ouverte, à des échanges acrobatiques. Dream House, une ballade de Rosario, calme le jeu, la musique Rosario Giulianidevenant plus lyrique. Piano et saxophone s’entendent à poser de nouvelles notes sur les standards qu’ils reprennent. Oleo, Love for Sale, Lennie’s Pennieshéritent ainsi d’improvisations neuves et nous tiennent constamment en haleine.

  

Rosario Giuliani se produira en quartette au Carré Bellefeuille de Boulogne-Billancourt le samedi 16 octobre avec Roberto Tarenzi au piano, Darryl Hall à la contrebasse et Benjamin Henocq à la batterie. Il sera également au Sunset le 20 octobre avec Pippo Matino à la contrebasse et toujours Benjamin Henocq à la batterie.

 

LUNDI 27 septembre

F. Couturier - MéchaliOn doit à François Couturier, François Méchali et François Laizeau un des disques les plus réussis de la rentrée. Les trois François le consacrent au compositeur catalan Federico Mompou. Son cycle pianistique le plus célèbre s’intitule “Musica Callada“. Composé entre 1959 et 1967, il comprend 28 pièces regroupées en quatre cahiers, le dernier dédié à la pianiste Alicia de Larrocha qui fut leur première interprète. Le trio fêtait au New Morning la sortie de son album. Intitulé lui aussi “Musica Callada“ (musique du silence), il en reprend quelques-unes ainsi que d’autres œuvres de Mompou qui, toujours pour le piano, écrivit des chansons, des danses, des impressions intimes, toutes de courtes pièces que le trio développe sur François Laizeauscène. D’une grande simplicité, leurs mélodies servent de fil conducteur à des improvisations libres et délicatement architecturées. Mompou écrivait aussi des pièces à la tonalité floue, ni totalement consonante, ni réellement dissonante. Pain béni pour les jazzmen, leurs harmonies flottantes favorisant le rêve, les longs développements mélodiques. Inspiré, François Couturier joue un piano lyrique et sensible, trouve les notes qui parlent au cœur. François Méchali tire de belles harmoniques de sa contrebasse et François Laizeau, batteur mélodique, met de la couleur dans ses rythmes pour mieux les faire chanter.

 

VENDREDI 1er octobre

Nik BärtschDepuis plusieurs années le groupe suisse Ronin propose une musique fascinante, qui pour n’être pas à proprement parler du jazz, lui emprunte certains battements et ostinato rythmiques. Confiée au piano de Nik Bärtsch, le leader et compositeur du groupe, mais aussi à la clarinette basse, contrebasse et à l’alto de Sha, l’improvisation y tient une place limitée, bien que “Llyrìa“ le nouveau disque du groupe s’ouvre à une expression plus mélodique et offre davantage d’espace aux solistes. Le New Morning accueillait l’univers sonore de Ronin qui relève partiellement de la musique minimaliste et répétitive. Comme dans certaines œuvres de Steve Reich, le point de départ est souvent un simple motif rythmique qui se développe, juxtapose métriques inhabituelles et battements réguliers. Elle s’en différencie par ses textures sonores produites par une instrumentation réduite (outre Nik Bärtsch et Sha, la formation comprend Andi PupatoBjörn Meyer à la guitare basse, Kaspar Rast à la batterie et Andi Pupato aux percussions) et le groove que la musique engendre. Sur scène, le groupe travaille en temps réel sans cette mémoire électronique qui permet de mettre en boucle des séquences rythmiques, de les répéter indéfiniment. Emboîtage savant de motifs répétitifs polymétriques et de cellules mélodiques, les modules cellulaires proposés par Ronin engendrent des thèmes séduisants qui rendent sa musique accessible. Quelques concerts dans l’hexagone pourraient la rendre très populaire.

 

JEUDI 7 octobre

J. Terrasson, Michel PEx-apôtre de la déconstruction, Michel P a conservé l’habitude du cri et le goût du risque. Que ce soit à la clarinette basse, à la clarinette ou au saxophone soprano, il peut sculpter de très belles notes et les rendre lyriques, mais brusque le plus souvent la musique, se bat avec elle comme s’il voulait la dompter. Aux grondements de tuyauterie qu’émettent ses instruments dans l’effort, répond le chant d’un piano lumineux qui structure le flux musical, apporte un superbe tapis harmonique à la musique. P laisse peu d’espace à Jacky Terrasson son invité surprise, pas assez pour qu’il puisse développer de longs solos. Les deux hommes parviennent toutefois à J. Terrasson, Pdialoguer et à surprendre. Leurs échanges dans Spain avec Michel P à la clarinette B constituèrent un des moments palpitants du concert. P souffle des notes abondantes. Jacky double la mise et en rajoute d’inattendues. Avec lui, le piano est aussi instrument de percussion et contrebasse. Sa main gauche exceptionnelle assure des basses puissantes. Il compense les placements approximatifs de P, ses jets de notes sans barres de mesures, par des cadences vertigineuses, plonge la musique dans le blues, cite Thelonious Monk et bouscule nos habitudes. Deux acrobates improvisent des numéros de haute voltige. On ne s’ennuie pas une seconde.

Yaron Herman Trio-copie-1

Yaron Herman et son nouveau trio après l’entracte. Son nouvel album ne me plaît pas trop, mais j’ai envie d’écouter le groupe sur scène, de voir comment fonctionnent les nouveaux morceaux, Yaron excellant souvent lors de ses concerts. Handicapée par une prise de son défectueuse, la musique décolla rarement, la mitraille de la batterie ne rendant pas toujours le piano audible. Yaron préfère jouer avec un batteur plus énergique, plus “rock“ et c’est son droit. On comprend moins le choix de Chris Tordini à la contrebasse. Nonobstant la mauvaise sonorisation de son instrument, il se contente de jouer le tempo et semble incapable de développer un vrai jeu mélodique. Le groupe piétine, peine à trouver ses marques. Saturn Returns n’a nullement besoin d’un aussi long prologue. Les reprises de Nirvana et de Radiohead ne furent pas plus convaincantes, moins intéressantes que celles du disque. Tendu et contrarié, Yaron ne joua pas les notes légères et tendres qui baignent sa musique. Puisse-t-il apprendre à gérer ses émotions. Son piano n’en sera que meilleur.

Photos  © Pierre de Chocqueuse

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5 septembre 2010 7 05 /09 /septembre /2010 12:42

Trio-Music.jpgJEUDI 2 septembre

Le temps d’un concert, la Grande Halle de la Villette attendait la résurrection du trio aussi mythique qu’éphémère qui enregistra en 1968 “Now He Sings, Now He Sobs“ le disque qui nous fit découvrir Chick Corea alors âgé de vingt-sept ans. Deux albums (dont un double) chez ECM complètent un maigre corpus discographique qui a pourtant immortalisé le groupe. Ce Trio Music possède un son bien à lui qu’apportent la sonorité très mate de la caisse claire de Roy Haynes, ses cymbales très présentes associées à la contrebasse vrombissante et pneumatique de Miroslav Vitous.

Chick-Corea.jpgAu bout d’une queue interminable qui attendait patiemment l’ouverture des portes, les trois hommes étaient au rendez-vous, un peu plus vieux bien sûr, Vitous claudiquant, Corea tout sourire dissimulant son embonpoint sous une large chemise, Haynes, quatre-vingt-quatre ans et tout en blanc vêtu respirant la jeunesse. On espérait sans doute trop de ces retrouvailles dans un lieu peu idéal, trop grand malgré une bonne sonorisation. Nous fûmes nombreux à être un peu déçus.  Des musiciens de cette trempe possèdent trop de métier et d’expérience pour rater complètement leurs concerts, mais ce dernier ne fut que la répétition publique de ceux qui devaient suivre, une tournée de quelques dates. Essuyant les plâtres, le public parisien eut droit à une mise en place pifométrique, à une musique flottante dans des habits trop grands. Miroslav Vitous désespérément virtuose (un peu de laudanum lui ferait grand bien) joue sans cesse comme un soliste, comme s’il était seul sur scène. De la taille d’un violoncelle, sa contrebasse est reliée à une pédale wah-wah qui en déforme le son. Vitous peine alors à tenir des notes justes. On préfère voir ses doigts virevolter sur le manche pour en tirer des harmoniques. Chick Corea joue toujours un piano vif, nerveux qui sert les notes magnifiques qui lui passent par la tête, réservoir inépuisable d’idées lumineuses et de rythmes qui nous font voir le bleu du ciel. Roy Haynes tient la forme, la grande ! Malheureusement, les chorus incessants de Vitous empêchèrent toute fluidité musicale. Le pianiste ne put développer son jeu habituel. Le nez dans une pile de partitions, on le voyait hésiter, comme s’il ne savait quel morceau choisir dans un répertoire quelque peu oublié.

Roy-Haynes.jpgLes trois hommes interprétèrent quelques extraits de “Now He Sings, Now He Sobs“, Windows, I Don’t Know (de la même séance mais publié en 1976) un thème qu’il avoua n’avoir jamais repris sur scène, quelques notes de Matrix surgissant au sein d’une pièce mystère, Corea annonçant rarement les titres des morceaux comme si nous pouvions tous les reconnaître. Le trio trébucha sur quelques compositions de Thelonious Monk - Think of One, Straight no Chaser en rappel -, et nous offrit quelques standards. J’ai cru entendre Come Rain or Come Shine et Green Dolphin Street dans cette succession de moments inégaux, de hauts et de bas empêchant de rentrer complètement dans une musique qui aurait pu être meilleure.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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12 juillet 2010 1 12 /07 /juillet /2010 10:27

Al Jarreau aJEUDI 1er juillet

Al Jarreau aurait pu faire une extraordinaire carrière de chanteur de jazz. Il a préféré plaire à un public plus large, faire certaines concessions commerciales. Il s’efforce toutefois de satisfaire tout le monde lors de ses concerts et dose très habilement son répertoire pour un public européen exigeant. L’Olympia l’accueillait un premier jour de juillet caniculaire. Portant béret, mince, la peau parcheminé comme celle d’un vieil indien, le regard pétillant de malice, il arpente Al Jarreau cla scène avec quelque difficulté, mais nous fait vite oublier les soixante-dix ans qu’il porte depuis le 12 mars dès qu’il commence à chanter. Si sa voix s’est un peu tassée dans l’aigu, il conserve une large tessiture qui lui permet des sauts de registre impressionnant surtout dans les graves. Il possède aussi une grande maîtrise du scat, ses onomatopées rythmiques ressemblant souvent à de véritables percussions vocales. Al bien sûr n’est pas seul et certains musiciens qui l’entourent travaillent avec lui depuis longtemps. Aux claviers et aux saxophones (ténor et soprano) qu’il utilise peu, Joe Turano « a old friend from Milwaukee » fait office de directeur musical de la formation et indique à ses collègues le nombre de mesures qu’ils leur restent à jouer. Bien que discret, le pianiste, Larry Williams a la charge du piano et occasionnellement joue de la flûte. On lui doit une grande partie des arrangements d’“Accentuate the Positive“, album de 2004 largement constitué de standards dans lequel Mark Simmons Chris Walkertient parfois la batterie. Ce dernier fait partie de la tournée et possède une frappe lourde, puissante qui convient bien aux morceaux les plus funky du répertoire. Les deux hommes qui l’encadrent tiennent une place importante. Chris Walker assure fort à la basse électrique et ses harmoniques ont beaucoup de justesse. Originaire comme lui de Houston, le guitariste John Calderon a longtemps travaillé avec le pianiste Bobby Lyle. Il joue parfois en picking, égraine de jolies notes mélodiques qu’il mêle de temps à autre à des espagnolades. Tous deux assurent les chœurs derrière Jarreau lorsque les morceaux interprétés nécessitent leur présence, pas très souvent à vrai dire. Al John Calderonpossède une voix qui se suffit à elle-même. Il chante You Don’t See Me, reprend  We Got Bye, ses grands morceaux des années 70 dont le plus fameux reste Take Five qu’il introduit par une longue improvisation vocale. Imitation de nombreux instruments de percussion, le chant devient ainsi tambour, cuica et contrebasse par des effets de bouche. Al Jarreau dialogue ainsi rythmiquement avec son batteur avant de placer toute son âme dans ses cordes vocales pour une superbe version de She’s Leaving Home, le tube Mornin’ (qui n’est pas sa meilleure chanson) concluant la première partie du concert.

Al Jarreau bandLe show se poursuit après l’entracte. Al a reposé sa voix. Il s’est rendu dans la journée aux obsèques de Francis Dreyfus au Père Lachaise, et pour lui rendre hommage entonne un émouvant Summertime. Puis ce sont Better Than Anything et Aguas de Beber, une composition d’Antonio Carlos Jobim, subtilement Al Jarreau & Mark Simmonsrythmé par une voix en or. Al  invite le public et ses musiciens à la chanter avec lui. Beaucoup d’humour aussi dans ce spectacle fort bien réglé. Jarreau montre l’exemple et au cours de Take Five, fait semblant d’attraper et de gober une mouche, ce qui ne manque pas d’amuser une salle enthousiaste qui lui est entièrement acquise. Paris lui donne des ailes sous nos applaudissements.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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29 juin 2010 2 29 /06 /juin /2010 09:03

BBNE-b.jpg

VENDREDI 18 juin

Il est rare que je me déplace en banlieue parisienne pour assister à des concerts, mais Enghien n’est qu’à un quart d’heure de la gare du Nord et Agnès Thomas sait se montrer très convaincante lorsqu’elle défend un artiste, un groupe ou un projet. Vision d’un artiste défendant un projet à la tête d’un groupe, le Big Band Numérique d’Enghien est issu de la politique volontariste et culturelle d’une ville qui encourage la création de nouvelles pratiques numériques et accompagne N. Genest & J.R. Guédonson développement. Mis sur pied en 2009 à l’initiative de son école de musique que dirige Dominic Théodosis-Capsambélis et confié à Jean-Rémy Guédon, le BBNE donnait son premier vrai concert le 18 juin dernier dans le cadre de la cinquième édition du Festival International des Arts Numériques d’Enghien-Les-Bains. Un “son et images“ donné en plein air dans le Jardin des Roses au bord du lac après le coucher du soleil. On découvre sur scène quelques jazzmen dont le travail nous est familier. Nicolas Genest (trompette et bugle) et Jean-Rémy Guédon (saxophone ténor et flûte) assurent les vents. Yves Rousseau (contrebasse) et Antoine Banville (batterie) forment l’ossature de la section rythmique. L’orchestre réunit une douzaine de musiciens au A. Tangorrasein duquel se font entendre deux violons et un violoncelle. Annick Tangorra en est la chanteuse. Comme pour d’autres projets ( son Sade notamment), Jean-Rémy Guédon a travaillé à partir de textes, s’inspirant de ceux de René Depestre, poète et romancier haïtien proche du courant surréaliste dans sa jeunesse. Né en 1926, il obtint en 1988 le Prix Renaudot pour son roman “Hadriana dans tous mes rêves“ et vit aujourd'hui à Lézignan-Corbières, un petit village de l'Aude. Ses écrits ont inspiré à Jean-Rémy des compositions aux arrangements soignés dotées d’une grande variété de rythmes et dont on admire la large palette de couleurs. Ceux des îles sont bien sûr à l’honneur dans cette musique métissée qui relève du jazz, de la world (Afrique et Caraïbes) et sur laquelle on a bien du mal à coller une étiquette. Un important dispositif numérique la complète, techniciens et musiciens assurant un travail complémentaire. Le Vdjing, mixage vidéo en haute définition réalisé en temps réel, fournit de très belles images. Mêlé aux instruments acoustiques de l’orchestre, à la voix chaude d’Annick Tangorra, une jolie mezzo-soprano très à l’aise dans les graves, à des rythmes qui donnent envie de danser, le numérique perd son aspect rébarbatif et abstrait pour devenir instrument au service d’une véritable poétique musicale. Sous la haute surveillance d’une police BBNE dmunicipale omniprésente, le concert souffrit de certaines imperfections, ce qui ne m’a pas empêché d’en goûter la musique. Tardivement recrutés, les musiciens ne commencèrent à répéter qu’en février, ne donnant qu’un seul concert en avril avant celui-ci. Insuffisant, compte tenu de l’importance du dispositif orchestral, de la richesse de l’instrumentation, de ses implications numériques et sonores. Le projet musical est solide et la musique belle et excitante ne demande que des retouches. Quelques concerts supplémentaires et les problèmes de mise en place qui semblent liés à des retours casques qui empêchent les musiciens de bien s’entendre, seront vite oubliés. L’enregistrement d’un album est prévu. On pourra ainsi se rendre compte de la valeur réelle d’un nouvel orchestre dont on suivra pas à pas les pas.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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21 juin 2010 1 21 /06 /juin /2010 15:06

E. Rava Quartet

MERCREDI 9 juin

Enrico Rava retrouve son vieux complice Aldo Romano pour trois concerts au Sunside. Les deux hommes se connaissent bien. Ils jouaient ensemble dans les années 60 dans le quartette de Steve Lacy et Aldo tient la batterie dans plusieurs disques du trompettiste enregistrés dans les années 70. Baptiste Trotignon au piano et Thomas Bramerie à la contrebasse complètent leur quartette parisien. Longtemps associé à l’avant-garde new-yorkaise et au free jazz, on oublie qu’Enrico Rava abandonna le trombone pour la trompette après avoir entendu un concert de Miles Davis à Turin et que sa découverte de Chet Baker fut capitale dans ses choix esthétiques. Plus lyrique que jamais ces dernières années, il E. Rava Quartet (b)n’a plus rien à leur envier sur le plan du raffinement mélodique. Enrico fait chanter ses belles phrases tranquilles, place des silences entre ses notes pour leur permettre de respirer et entend de belles mélodies dans sa tête. Ce soir, il ne joue pas les siennes, mais nous offre des standards, un mélange de bop et de jazz modal auxquels il apporte beaucoup de chaleur. Le piano lumineux de Baptiste la plonge aussi dans le rythme. Ce dernier martèle généreusement et puissamment ses notes, joue de superbes harmonies, mais plaque aussi des accords intrigants, ceux de territoires vierges de sons qu’il n’hésite pas à explorer. La solide contrebasse de Thomas Bramerie assure le lien entre les instruments et prend quelques chorus énergiques. Les tempos sont souvent vifs. Aldo tient une forme éblouissante et assure un drumming très physique. Retrato em Branco e Preto (Portrait in Black & White) d’Antonio Carlos Jobim, My Funny Valentine de Richard Rodgers bénéficient d’habits neufs, de relectures tendres et toniques. Aux anges, l’ami Francis ne perd pas une note de ces improvisations divinement inspirées.

D. King, O. HutmanSAMEDI 12 juin

Denise King et Olivier Hutman retrouvent le Duc des Lombards. Leur concert d’octobre dernier fut si enthousiasmant que je pouvais difficilement manquer celui-ci. Denise possède une voix énorme, chaude, envoûtante, et ne pouvait choisir un meilleur pianiste qu’Olivier pour donner du swing à la musique, un répertoire de jazz, de blues et de soul souplement rythmé par Philippe  Brassoud à la contrebasse et Charles Benarroch à la batterie. Le blues dans les doigts, Olivier donne de la dynamique à ses notes colorées, les assemble en bouquets harmoniques, brode des improvisations délicates et sensibles autour des mélodies. Soutenue par une section rythmique exemplaire, la voix ample et expressive de Denise sert admirablement  I Remember April, All Blues, Summertime, Polka Dots and Moonbeams et le célèbre Besame Mucho qu’elle interprète en anglais sous le nom de Kiss Me, Kiss Me A Lot. Très à l’aise sur une scène, la chanteuse de Philadelphie prend le public par la main pour lui faire chanter des onomatopées, l’associer à son spectacle. Difficile de lui faire reprendre Denise KingIt Don’t Mean a Thing if it Ain’t Got That Swing. Pourtant, elle y arrive, tout comme, pour me faire plaisir, elle parvient à chanter quelques mesures de Walk on By à la suite de Bye Bye Blackbird interprété en rappel. L’enregistrement d’un disque pour Cristal Records est prévu en juillet avec Darryl Hall à la contrebasse et Steve Williams à la batterie, plus Olivier Temime au ténor sur quelques titres. Il contiendra des compositions d’Olivier Hutman et des standards parmi lesquels The Way You Look Tonight, Song for My Father et September Song. En attendant la sortie de l’album prévue en avril 2011, vous pouvez écouter Denise King et Olivier Hutman cet été en concert, Michel Rosciglione (contrebasse) et Andy Barron (batterie) remplaçant Philippe Brassoud et Charles Benarroch sur quelques dates.

 

Denise King & Olivier Hutman : le 25 juin au Jazz Club d’Ivry. - Le 26, mais aussi les 15, 16 et 17 juillet au Caveau de la Huchette - Le 27 juin au festival de St Quentin (02). - Le 7 juillet au Jazz Club d’Annecy (74). - Le 9 à La Soupe aux Choux de Grenoble (38). - Le 18 au festival de jazz de St Raphaël (83). Le 24 au  festival de Sanguinet (40).

 

LUNDI 14 juin

Mozart-Nuit.jpgCréé en 1997 au théâtre les Gémeaux de Sceaux et au théâtre Jean Vilar de Suresnes, “Mozart la Nuit“ n’avait jamais été monté sur une scène parisienne. Voilà qui est fait depuis le 14 juin, grâce à François Lacharme qui l’a programmé au théâtre du Châtelet. Antoine Hervé réussit magnifiquement à jazzifier les partitions mozartiennes, à installer une modernité rythmique sur ses mélodies somptueuses. Pour l’aider dans cette tâche François Moutin dont la contrebasse n’a peut-être jamais aussi bien sonné, son frère Louis Moutin à la batterie, mais aussi Médéric Collignon dont la trompette aventureuse et indiscrète, ne souffle point du baroque, mais apporte un peu de folie bienvenue à la musique. Médéric en fait toutefois un poil trop. “Mozart la Nuit“ est aussi un spectacle confié à une A. Hervé, Mozartimposante chorale et la jolie mise en scène de Laurent Pelly intègre mal les facéties d’un boute-en-train incorrigible. On rit de ses grimaces pendant le Lacrimosa et le Dies Irae du célèbre “Requiem“ qui n'ont pas été écrits pour amuser, ce qui n’enlève rien à la qualité des adaptations proposées, les chorus du trompettiste restant irréprochables. L’oncle Antoine colle de nouveaux rythmes sur les mélodies du grand Mozart, les trempe dans le groove pour les faire bouger autrement et leur donner de nouvelles ailes. Extrait des “Noces de Figaro“, l’air de Chérubin est bondissant de swing. Derrière son ordinateur, Véronique Wilmart apporte aux instruments des sonorités acousmatiques inédites. Elle dispose d’une banque de sons réels qu’elle peut filtrer, ralentir, modifier, court-circuiter à sa guise. Le piano en bénéficie dans la cantate Davidde et Penitente (rebaptisé Uranie dans le disque de 2002) qui ouvre le concert. Antoine improvise, ajoute ses harmonies au corpus mozartien. Placés sous la direction de Gaël Darchen, les choristes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine offre à son piano un tapis de voix célestes. Le Laudate, l’Ave Verum, deux pièces chères à mon cœur, en sortent transfigurées. 

Photos © Pierre de Chocqueuse    

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9 juin 2010 3 09 /06 /juin /2010 11:04

Stephan-Oliva-n-b-b.jpgLUNDI 31 mai

Triple concert au Sunside. Riche de onze références, sans bruit, un label pas comme les autres, fête son deuxième anniversaire. Parmi les enregistrements édités, “Pandore“  de Stéphan Oliva et Jean-Marc Foltz, “New York City Session“ réunissant Bruno Angelini, Joe Fonda et Ramon Lopez,“Lives of Bernard Herrmann“ de Stéphan Oliva et “Lilienmund“ de Sophia Domancich et Raphaël Marc, ces deux derniers disques venant de paraître, ont mes préférences. Vous ne les trouverez pas dans les bacs des disquaires, sans bruit ne proposant la musique de ses artistes qu’en téléchargement (MP3 320 ou FLAC qualité CD).

Stéphan Oliva bLa fête au Sunside, sans tambours ni trompettes, mais avec trois artistes qui ont récemment confié leurs musiques intimistes au label. On connaît la passion de Stéphan Oliva pour les musiques de film. Auteur en 1997 d’un des plus beaux disques de la série Jazz’n (e)motion dans lequel il nous livre une première version de Vertigo, puis toujours en solo d’un remarquable “Ghosts of Bernard Herrmann“ chez Illusions en 2007, deux disques épuisés, le pianiste met aujourd’hui en circulation “Lives of Bernard Herrmann“, un concert enregistré au Luxembourg le 16 octobre dernier. Stéphan en donne peu et l’entendre jouer les musiques de Bernard Herrmann au Sunside est un bonheur qui ne se refuse pas. Il en a patiemment relevé les moments les plus marquants et les a transposés au piano tout en s’offrant la liberté d’improviser, de changer l’ordre des séquences existantes. Les partitions posées sur le piano servent d’aide-mémoire à une création personnelle de l’interprète. Très vite, les seuls bruits qui règnent dans le club sont les notes du piano. Elles nous parviennent clairement articulées. Stéphan sait les faire sonner, leur donner puissance et dynamique. On imagine sans peine Stéphan Oliva, coverles images qu’elles évoquent, elles sont dans nos mémoires. Vertigo occupe une place de choix dans ce long set pianistique. On passe d’une musique romantique aux harmonies subtiles à un foisonnement de notes dissonantes, venimeuses, angoissantes. Le piano joue la cadence confiée aux cordes dans Psychose. Sur l’écran de nos yeux clos défilent en noir et blanc les paysages de l’Amérique que traverse Janet Leigh dont le destin s’achève dans un motel, sous une douche. Par un savant agencement de dissonances et de notes graves puissamment martelées, le piano nous restitue l’horreur de la scène. Dans Taxi Driver, ce même piano adopte les couleurs amères et sombres du blues pour suivre le yellow cab de Robert De Niro dans ses périples nocturnes. Il ruisselle de tendresse pour évoquer la mer, les rencontres de Gene Tierney et du défunt capitaine Gregg (Rex Harrison) dans The Ghost and Mrs Muir, l’une des plus belles partitions d’Herrmann  jouée en rappel. Une pièce absente de l’enregistrement luxembourgeois de Stéphan dans lequel on retrouve les thèmes inoubliables du compositeur transcendé par un piano les portant comme nul autre pareil. 

Sophia Domancich b

C’est au tour de Sophia Domancich d’occuper la scène. Introduit par les effets électroniques de Raphaël Marc, son piano égrène les premières notes de “Lilienmund“ une suite en six parties inspirée par des lieder de Robert Schumann. Romantique dans le premier mouvement, le piano fait peu à peu entendre un langage plus abstrait, écoute et répond aux sons qu’il rencontre, des samples de l’“Iris Dévoilée“ de Qigang Chen (un élève d’Olivier Messiaen), du “Lulu“ d ‘Alban Berg. L’électronique habille subtilement un discours onirique. Sophia peut marteler son piano, mettre en boucle des ostinato de notes, développer de longs voicings, jouer avec les cordes métalliques de sa table d’harmonie ou percuter avec énergie des Sophia Domancich, coverclusters au sein de tempos éclatés, sa musique reste étonnamment lisible. Dans le troisième mouvement, le piano répond à un quatuor à cordes qu’elle a composé. Ses notes voluptueuses et tendres se détachent et respirent. Traitées par l’électronique, elles s’amusent de leurs propres résonances, réagissent aux voix qu’elles rencontrent et qui les interpellent. Un beat électro rythme le pénultième mouvement. Le tempo est vif, les notes abondantes coulent en cascade. Le piano évoque un des lieder de l’opus 48 de Schumann et croise la voix samplée de Dietrich Fischer-Dieskau. Un ostinato mélodique achève le cycle. Un battement de cœur l’accompagne. On sort du club le cœur chaud et battant. Il est près de minuit et Pascal Maupeu n’est pas encore monté sur scène. Trop tard pour moi. La fête aurait dû commencer une heure plus tôt.  On écoutera ses guitares, ses “Folk Standards“  en les téléchargeant. Le site :  www.sansbruit.fr  Ajoutez-le à vos favoris.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 09:27

LUNDI 3 mai

Marc-Copland.jpgMarc Copland au Sunside. Il y joue plusieurs fois par an, avec des sections rythmiques différentes, attire peu de monde, un public non éduqué étant difficilement capable d’apprécier de la bonne et vraie musique . Copland est pourtant l’un des rares pianistes du jazz moderne qui possède un langage vraiment original. Soutenu mollement par la presse, confronté à un  espace de médiocrité culturelle au sein duquel tous ceux qui improvisent se prétendent musiciens de jazz, il œuvre dans l’ombre et a du mal à faire reconnaître la singularité de son jeu pianistique. Il a pourtant enregistré une vingtaine d’albums dont plusieurs sont des références incontournables. “Alone“, son magnifique dernier opus, a été enregistré en solo, mais c’est en trio qu’il s’est produit le 3 mai à Paris, avec Doug Weiss à la contrebasse et Jochen Rueckert Doug Weissà la batterie. Si Marc Copland a travaillé plusieurs fois avec ce dernier, la présence de Doug Weiss à ses côtés est plus inhabituelle. Un excellent choix au regard de ce concert, l’un des meilleurs que le pianiste a donné ces derniers mois dans la capitale. Avec Weiss, Copland libéré joue son meilleur piano, hypnotise par ses longs voicings aux notes colorées et tintinnabulantes, son jeu de pédales élaboré apportant des teintes délicates et brumeuses à ses ostinato. S’il reprit quelques-unes de ses compositions (Talking Blues, Night Whispers), le pianiste joua essentiellement des standards, Green Dolphin Street, In a Sentimental Mood, The Way You Look Tonight, Fall de Wayne Shorter, des morceaux auxquels il donne un nouvel éclairage harmonique, sa manière de les aborder restant très personnelle. Sous un flux de notes scintillantes, Cantaloupe Island perd ainsi son aspect funky, devient exploration de nouveaux paysages musicaux. Doug Weiss fait chanter sa contrebasse, prend le relais du piano pour improviser un chorus mélodique. Les deux hommes s’entendent à merveille pour jouer une partie de ping-pong ludique et subtile dans laquelle Jochen Rueckert, rêvassant, arbitre leurs échanges du bout de ses baguettes.

VENDREDI 7 mai

Lescot, CollignonPièce de théâtre, spectacle musical, “L’instrument à pression“ combine les deux. Le Théâtre Le Village de Neuilly-sur-Seine en donnait une unique représentation le 7 mai. Dans “Ecrire pour le théâtre“ (Les Carnets du Grand T n°16, Editions Joca Seria), à paraître en juillet 2010, l’auteur de la pièce David Lescot déclare : « Je voulais faire un théâtre hybride, mêlé, qui incorpore d’autres formes d’art, et notamment la musique et le chant. » “L’instrument à pression“ contient tout cela. Auteur, metteur en scène, mais aussi comédien et musicien de sa pièce, David joue de la guitare et de la trompette. Comme Médéric Collignon, LlorcaCollignon qui tient le rôle de l’apprenti joueur de biniou. Face à lui, un professeur dictatorial (Jacques Bonnafé) lui enseigne l’instrument, lui donne ses premières leçons. Le professeur façonne, le musicien absorbe, non sans souffrir. Aux dommages corporels, à la douleur physique de l’apprentissage s’ajoute la violence des mots : «  Oublie le biniou, laisse tomber le biniou (…) C’est pas difficile. C’est dangereux. C’est mortel. Mais c’est pas difficile. »

Diffusé sur France Culture en septembre 2002, mis en scène par Véronique Bellegarde et joué au Festival Jazz à la Villette et à Banlieues Bleues, “L’Instrument à pression“ est d’abord un texte (publié en 2004 chez Actes Sud – Bonnafé, Lescot, CollignonPapiers), une réflexion sur l’impossibilité de l’harmonie, sujet traité jusqu’à l’absurde dans “L’amélioration“, une autre pièce de David. L’apprenti trompettiste absorbe jusqu’à l’indigestion. Soumis à de fortes pressions, le musicien craque, souffle de plus en plus fort, de plus en plus à côté des autres, perturbe le déroulement de leurs concerts et tombe, victime d’une rupture d’anévrisme, d’un contre-ut suraigu. Dans cette fable initiatique dans laquelle le rôle féminin est tenu par la comédienne et chanteuse Odja Llorca (Philippe Gleizes assurant la batterie), l’écriture vive et brillante saisit le rythme, l’énergie du jazz. Les chorus sont entendus comme chapitres de la pièce. Confiées à des musiciens comédiens qui en assemblent d’inattendues, les notes prolongent les mots qui sont aussi de la musique. 

Avitabile, A. Ducros, L. MoutinAnne Ducros chante le même soir au Sunside. Franck Avitabile au piano, Bruno Rousselet à la contrebasse et Louis Moutin à la batterie l'accompagnent. Le premier set s’est achevé et Anne, Franck et Louis posent devant mon objectif avant de remonter sur scène. Le concert reprend avec une version en trio de Green Dolphin Street. Abordé sur un tempo rapide, ce standard décidément très prisé par les jazzmen hérite d’improvisations musclées et inventives, des belles idées harmoniques de Franck Avitabile. Anne rejoint les trois hommes pour un Just in Time impressionnant. Sa voix est chaude, puissante. Elle sait comment respirer, faire venir l’air de ses poumons, le faire vibrer pour donner vie à son chant. Elle peut tenir longtemps une note, la diminuer sans perdre Anne Ducros n&bses propriétés musicales. Sa pratique vertigineuse du scat traduit son formidable métier. Derrière elle, la contrebasse chante, la batterie souligne et anticipe. Très à l’aise avec un public qu’elle a très vite séduit, Anne présente avec beaucoup d’humour les standards qu’elle reprend. I Remember Clifford, Body and Soul (dédié aux quelques hommes qui ont traversé sa vie), Autumn Leaves, The Island d’Ivan Lins, le répertoire fait part belle aux ballades. En duo avec Franck Avitabile, Anne nous offre une belle version de You’ve Changed. Prodigue de jolies notes, un tendre piano accompagne la voix, lui offre ses plus belles notes. Sur tempo rapide, l’instrument prend les couleurs du blues, tire avec brio des feux d’artifice de notes inattendues. S’appuyant sur une technique vocale éprouvée, Anne Ducros affirme alors un chant très sûr et prend des risques, le flux musical se voyant brillamment rythmé par les onomatopées qu’elle invente.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 09:38

MARDI 27 avril

Thomas Enhco, coverLa presse est plutôt sévère avec Thomas Enhco. On lui reproche son conformisme musical, d’être trop doué. L’enfant prodige qui s’est mis au violon à trois ans et au piano à six ne manque pourtant pas d’expérience. Il a étudié avec des concertistes classiques et donné de nombreux concerts. Très à l’aise sur scène, il n’hésite pas à s’adresser au public, cite les noms des morceaux qu’il interprète et joue surtout un beau piano. On y entend les maîtres classiques qui l’ont façonné. On y entend aussi le blues, des rythmes et un vocabulaire harmonique qui appartiennent au jazz. Est-ce faire preuve d’académisme que de choisir le beau comme esthétique, d’exprimer un langage clair, de revendiquer son appartenance à une tradition ? Contrairement à ces musiciens qui pensent se montrer créatifs en faisant table rase, leurs pitoyables grimaces sonores n’intéressant qu’une poignée d’intellectuels terrifiés à l’idée de manquer le coche des avant-gardes, Thomas Enhco exprime son amour de la Thomas Enhco Trio amusique par un piano soucieux de faire entendre de belles notes, de les agencer au mieux sur le plan de la forme. Il subit encore des influences et doit s’en dégager, apprendre à désapprendre pour devenir lui-même, donner des versions inédites et personnelles des grands standards qu’il choisit de reprendre. Si “Someday My Prince Will Come“ son nouveau disque, un enregistrement de janvier 2009 préalablement publié au Japon, n’est que prometteur, le concert qu’il donna au Sunside le 27 avril avec le même trio - Joachim Govin à la contrebasse et Nicolas Charlier à la batterie - mit en lumière les progrès du jeune homme et de ses jeunes complices. Disposant d’un merveilleux toucher, Thomas fait chanter ses notes, leur donne de la couleur et phrase avec un grand sens de l’articulation. Il compose de jolis morceaux qui racontent des histoires. Qu’il mette en musique les mésaventures d’une fenêtre Thomas Enhco Trio bagressée par la pluie ou expose le thème d’une mélodie agaçante qui vous trotte dans la tête après un réveil difficile, le propos est toujours poétique. Thomas nous entraîne dans ses rêves, décline des arpèges oniriques, approche les thèmes avec sensibilité et délicatesse. Au violon dans La Vie en Rose, il improvise de longues phrases chantantes après un exposé un peu juste du thème. Contrebasse et batterie aident à les porter. La contrebasse de Joachim Govin est ronde, puissante dans les graves. Le fougueux Nicolas Charlier tempère son ardeur. Bien que la musique classique reste encore très présente dans le jeu de piano de Thomas, ce dernier étonne par sa maîtrise du bop. Le trio reprend Visa de Charlie Parker. La walking bass de Joachim profite au piano espiègle de Thomas qui éblouit par ses voicings, possède beaucoup de force dans les doigts et fait sonner ses notes avec puissance. On surveillera de près ce trio "in progress".

CD : “Someday My Prince Will Come“ (Label AMES / Harmonia Mundi)

Photos © Pierre de Chocqueuse

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7 mai 2010 5 07 /05 /mai /2010 08:58

John Scofield BandVENDREDI 23 avril

« Wonderful to be back in the New Morning again ». Ces mots, John Scofield les prononce sur scène avant de débuter son concert. Le guitariste amène avec lui une section rythmique de premier ordre. Ben Street à la contrebasse et Bill Stewart John Scofield-copie-1à la batterie assurent une assise puissante à ses notes. Le quatrième homme, le pianiste Michael Eckroth, découvre pour la première fois le public parisien. Dans une salle pleine renfermant de nombreux guitaristes. Scofield tourne cet été avec son Piety Street Band, un groupe de jazz soul mâtiné de gospel et c’est effectivement à l’orgue que l’on découvre Eckroth qui va rapidement s’installer au piano. Il possède une bonne technique, beaucoup de rythme et connaît bien les accords du bop. Car Scofield a beau tremper sa guitare dans le blues et reprendre My Foolish Heart et I Want to Talk About You, une ballade de Billy Eckstine que John Coltrane aimait jouer, il célèbre aussi Charlie Parker (Steeplechase, Relaxin’ at Bill Stewart & John ScofieldCamarillo) et Dizzy Gillespie (Woody’n’ You) et s’entend avec son batteur pour faire monter la tension. L’un et l’autre se questionnent, s’interpellent. Bill Stewart possède un drumming d’une grande précision, mais sait aussi donner du volume à la musique en martelant ses toms. Le guitariste sculpte soigneusement ses notes, dose ses effets de distorsion et de réverbération, choisit l’angle de ses attaques pour rendre plus intense le discours musical qu’il émaille de glissandos, d’inflexions qui lui sont propres. Ce travail sur le son profite à la ligne mélodique des morceaux qu’il interprète. Il décline les thèmes sans jamais trop s’en écarter, improvise sur des grilles de blues, musique dans laquelle son instrument est trempé. Après Jim Hall, une autre leçon de guitare.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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24 avril 2010 6 24 /04 /avril /2010 10:20

Jim Hall & Joey Baron (a)Dimanche 18 avril

Une salle aux balcons clairsemés pour Jim Hall à Pleyel. On attendait davantage de monde après le report au 3 mai du concert de Bobby McFerrin au Châtelet, conséquence du nuage de cendres volcaniques traversant nos cieux azuréens. Le manque d’avions en vol empêchant la venue de Marc Ribot et de Chad Taylor son batteur, c’est un trio constitué à la hâte qui monta sur scène. Pianiste facétieux et fantasque, Anthony Coleman fait partie des musiciens qui travaillent avec John Zorn, un saxophoniste touche-à-tout dont l’œuvre aussi variée que prétentieuse n’a rien pour me plaire. Longtemps absent de la scène du jazz au point qu’on le crut décédé dans les années 80, Henry Grimes officiait comme prévu à la contrebasse et (hélas) au violon, Joey Baron tenant courageusement la batterie. Car malgré leur technique assurée, les trois hommes ne parvinrent presque jamais à s’entendre, à construire ensemble une musique cohérente. Coleman plaquait notes et accords dissonants au gré de sa fantaisie, se levant parfois pour placer des chiffons dans la table d’harmonie et en scotcher les cordes métalliques, préparant un piano pour une musique non préparée. Le pianiste qui avait donné le 14 avril dernier à la Dynamo de Banlieues Bleues un concert hommage à Jelly Roll Morton adoptait un langage libertaire au sein duquel de vagues ostinato mélodiques se voyaient bousculés par des vagues de clusters et de notes éclatées, par un flux sonore heurté plein de brisures paradoxales. Piano et batterie tentèrent parfois d’installer des cadences, de rythmer leur discours anarchique. Plongé dans sa propre musique, ne se préoccupant nullement de ses partenaires et sourd à leurs tentatives d’interaction, Henry Grimes faisait grincer sauvagement son violon, l’ajoutant à une cacophonie quasi-générale saluée par de maigres applaudissements.

Jim Hall

C’est avec soulagement que fut accueilli l’entracte. Jean-Paul furibard voulait en découdre avec ces « apôtres d’une déconstruction appartenant à l’âge de pierre ». J’eus bien du mal à le calmer. Comme nous tous, il est là pour Jim Hall, l’une des plus grandes guitares de l’histoire du jazz, l’une des plus singulières. Voûté, l’homme se déplace péniblement avec une canne et se hissa difficilement sur un haut tabouret. Sa musique intimiste n’est pas faite pour une salle comme Pleyel. En outre, Jim monte à peine le volume de son amplificateur, obligeant ses musiciens à jouer doucement pour ne pas couvrir sa guitare. Scott Colley à la contrebasse et Joey Baron à nouveau derrière sa batterie furent exemplaires de musicalité. Visiblement heureux d’accompagner le guitariste, ce dernier pu enfin faire entendre la finesse de son jeu, l’adaptant à la grande sensibilité d’un musicien pour musiciens dont la moindre note pèse son poids de Jim Hall & Joey Baron (b)beauté. Diminué par l’âge, mais ne s’accordant aucune erreur, le guitariste s’économise pour mieux aller à l’essentiel. Il conserve intacte sa sonorité délicate, presque acoustique, sa capacité à jouer des phrases élégantes aux harmonies miraculeuses. Papy et le Psy se plaignaient de son jeu minimaliste à la sortie du concert. C’est oublier que Jim Hall a toujours fait entendre une guitare d’une grande discrétion. Son jeu épuré aux notes aussi rares qu’importantes est à l’opposé de toute exhibition. A Pleyel, il fallait tendre l’oreille pour en goûter pleinement l’exquise fraîcheur. A 79 ans, Jim Hall préfère les improvisations concises et laisse beaucoup jouer les membres de son trio, les laissant élaborer la musique avec lui. Contrebasse et batterie tissent des rythmes légers autour d’une guitare qui égrène délicatement les accords de All The Things You Are, fait sonner merveilleusement ses harmoniques pendant le solo de contrebasse que prend Colley dans Beija-Flor, révèle son immense tendresse dans All Across the City, une ballade qui est aussi le nom de l’un de ses albums. Yeux clos pour mieux savourer la musique, Jean-Paul, content, dodelinait de la tête.

Photos © Pierre de Chocqueuse    

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