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12 avril 2010 1 12 /04 /avril /2010 11:30

Notes de lecture (d)Trouvé sur les quais un roman peu connu de Bram Stoker. La réussite de son “Dracula“ semble avoir éclipsé les autres ouvrages du romancier anglais. “Le joyau des sept étoiles“ avec sa fin très surprenante reste pourtant une réussite. Publié Bram Stokerchez Marabout puis six ans plus tard par les Nouvelles Editions Oswald (NéO) en 1982, il est aujourd’hui réédité par les Editions Terre de Brume. Un archéologue tente ici de ressusciter la momie d’une reine égyptienne qui régna du vingt-neuvième au vingt-cinquième siècle avant Jésus-Christ. Le livre commence comme un polar. Par la mystérieuse agression de notre égyptologue dans une pièce entièrement close. Plongé dans un étrange état cataleptique, il en sort frais et dispos après trois jours. Normal, il est l’un des seuls à pouvoir redonner vie à la momie de la reine Tera, dont le corps astral, toujours soumis à la volonté implacable de cette dernière, parvient à se matérialiser dans le corps d’un animal pour se débarrasser de ses ennemis. Résurrection bien plus extraordinaire que les morts présumées de Fu Manchu qui, malgré tous les efforts de ses ennemis (voir ma chronique des “mystères du Si-Fan“), n’arrive pas à mourir.

 

J.J. PauvertGrand roman d’aventures, “Le joyau des sept étoiles“ fait parfois penser au célèbre “She“ de H. Rider Haggard que Jean-Jacques Pauvert réédita en 1965 dans sa collection Les Indes Noires. Un sacré éditeur ce Pauvert. J’ai récemment terminé le premier tome de ses mémoires “La traversée du livre“ (un excellent titre) que Viviane Hamy publia en 2004. Un second volume est toujours en préparation, celui-ci se terminant en 1968. Cette année-là, Pauvert édite L’Enragé. Siné, puis Wolinski dessinent les couvertures des premiers numéros. Pauvert milite et raconte ses combats contre la censure hypocrite. Il a commencé très tôt, publiant les deux premiers volumes de l’édition intégrale de l’“Histoire de Juliette“ du marquis de Sade dès 1947, mettant par inconscience son nom et son adresse sur la couverture d’un ouvrage interdit. Perquisitions, interrogatoires dans les bureaux de la Brigade Mondaine se succèdent. Pauvert persiste, fait paraître en 1953 “La nouvelle Justine“ et les “ Cent vingt journées de Sodome“. Défendu par Maurice Garçon, il est condamné en correctionnelle à verser 200.000 francs d’amende. Le jugement est cassé en appel en mars 1958. « Pour la première fois, l’existence d’une “littérature pour adultes“ était officiellement reconnue par la magistrature. » écrit Pauvert qui édite aussi Carte JJPJean Genet (“Les bonnes“), George Bataille (“Madame Edwarda“), “Histoire d’O“ écrit par Dominique Aury sous le pseudonyme de Pauline Réage. Il reprend à Eric Losfeld la revue Bizarre après deux numéros et réédite “Le voleur“ de Georges Darien et le “Dictionnaire de la langue française“ d’Emile Littré en sept volumes, dictionnaire au format étroit et allongé conçu sur une seule colonne, donc révolutionnaire pour l’époque. Jean-Jacques Pauvert publiera Pierre Klossowski (“Le Souffleur“ après “Le bain de Diane“), André Breton, Albertine Sarrazin (“L’astragale“). Il rééditera les poésies complètes de Victor Hugo,“Monsieur Nicolas“ de Restif de La Bretonne, Raymond Roussel et les romans de Boris Vian dont “L’écume des jours“ qu’il reprend à Gallimard « moyennant la reprise du stock pour un prix ridiculement bas ». Boris Vian dont il lisait les textes dans Jazz Hot : « J’étais un collectionneur de disques de jazz. Sous l’Occupation, je les achetais à Christian Viénot, tromboniste de Claude Luter. » Pauvert écrit bien et ne mâche pas ses mots pour critiquer François Mauriac, sa tête de turc. Il n’est pas tendre avec Françoise Giroud et Jean-Paul Sartre et n’aime pas trop Eric Losfeld « cyclothymique, menteur, capable d’être charmant un jour, odieux le lendemain, sujet à des accès de fureur imprévisibles. »

 

J. Sternberg Toi ma nuitC’est au Terrain Vague, sa maison d’édition, que ce dernier publie en 1969 “Toi ma nuit“ de Jacques Sternberg réédité chez Folio et dont on attend la réimpression. Disparu en 2006 dans une indifférence quasi générale, Sternberg fut un auteur extrêmement prolifique. J’ai trouvé ce livre chez Bloody Mary, excellente et sympathique librairie de la rue Linné que je fréquente assidûment. Il raconte en détail l’histoire d’une passion amoureuse tournant à l’obsession. En rencontrant Michèle (mais s’appelle-t-elle vraiment Michèle ?), le narrateur rencontre une jeune femme changeant sans cesse d’attitude « absente, distante, inaccessible (…) privée de substance, de relief, de système nerveux, réduite à une simple apparence diaphane ». Il décide de subir, de supporter l’indifférence de cette femme imprévisible « aussi dangereuse qu’une trappe qui aurait donné l’illusion d’un sol plat » qui le fascine, l’obsède et qu’il ne parvient pas à comprendre. Obsédé par son personnage, Sternberg reprendra cette histoire avec davantage de réussite dans “Le cœur froid » édité chez Christian Bourgois en 1972. L’aspect fantastique de ce roman d’anticipation est également peu développé. Il se situe en 1995, et le monde que décrit l’auteur est devenu « une gigantesque chambre à coucher où chacun fait désormais l’amour avec autant de désinvolture que s’il fumait une cigarette. » L’industrie du sexe, la première de la planète, inspire à Sternberg des pages hilarantes dont l’écriture n’est jamais vulgaire. Sa description du “Viol de Frankenstein“ (un film dont le scénario est bien sûr complètement inventé) est d’une drôlerie irrésistible. Je l'ai lue à Jean-Paul pour lui changer les idées. De peur d’être cambriolé, il ne communique à personne l’adresse de son appartement et j’ignore même s’il possède une bibliothèque. Sternberg ne l‘amuse pas, mais il apprécie les quelques lignes sur le jazz dont je lui fait la lecture : « Personne ne m’empêchera de préférer les plaintes exacerbées et lancinantes d’un Armstrong, d’un Charlie Parker, d’un Coltrane ou d’un Mingus aux hurlements incantatoires, obscènes, vulgaires, inconsistants qui sont l’unique aliment de la musique d’aujourd’hui. », un passage que Jean-Paul applaudit des deux mains.  

Photo © Pierre de Chocqueuse   

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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 11:26

SF Jazz CollectiveLUNDI 15 mars

En tournée en Europe, Le SF Jazz Collective n’a pas oublié Paris, le groupe profitant de son passage au New Morning pour y enregistrer son prochain disque. Des caméras filmaient discrètement le concert, la scène du club bénéficiant d’un éclairage renforcé. Si les amateurs de jazz s’étaient déplacés nombreux, on connaît assez mal ce groupe dont la plupart des albums ne sont disponibles que sur le net (les musiciens avaient avec eux quelques exemplaires de leur précédent album Matt Penman & Avishai Cohenconsacré à la musique de McCoy Tyner. Ils furent tous vendus en quelques minutes). Fondé en 2004, Le SF Jazz Collective rassemble chaque année pour des concerts huit musiciens de jazz autour du répertoire d’un musicien célèbre. Après Ornette Coleman, John Coltrane, Herbie Hancock, Thelonious Monk, Wayne Shorter et McCoy Tyner, la musique d’Horace Silver est cette année à l’honneur. Chaque membre du groupe arrange un thème et apporte une composition nouvelle, une commande du SF Jazz, organisation à but non lucratif financée par diverses fondations (National Endowment for the Arts, Aaron Copland Fund for Music, The Phyllis C. Wattis Foundation). Après Joshua Redman et Joe Lovano, Mark Turner officie au ténor. Le trompettiste Avishai Cohen remplace Dave Douglas (et avant lui Nicholas Payton). Les autres membres de la formation sont Miguel Zenón au saxophone alto, Robin Eubanks au trombone, Edward Simon au piano, Stefon Harris au vibraphone, Matt Penman à la contrebasse et Eric Harland à la batterie. Un all-stars qu’animent plus particulièrement Avishai Cohen et Miguel Zenón. Matt Penman & Mark TurnerLoquace et chaleureux, le jeu d’alto de ce dernier est à l’opposé de celui de Mark Turner au ténor. Zenón bavard, joue à foison des notes brûlantes. Turner étend longuement les siennes, exprime un langage plus secret et intérieur qu’exubérant. Arrangée pour les vents, son adaptation chorale de Peace traduit une pensée délicate, une sensibilité qui s’exprime par de longues phrases mélancoliques jouées dans l’aigu de l’instrument, l’apparente froideur de son timbre dissimulant un grand lyrisme. Arrangé par Eric Harland, Señor Blues bénéficie d’une approche rythmique souple et inventive. La contrebasse mobile et mélodique de Matt Penman donne des ailes au batteur dont la polyrythmie très personnelle apporte beaucoup à la modernisation d’une musique reposant sur le socle de la tradition. Retravaillés, Lonely Woman, Cape Verdean Blues, Sister Edward Simon & Stefon HarrisSadie héritent ainsi de nouveaux rythmes. Tout comme Song For My Father, l’un des morceaux les plus célèbres de Silver. Arrangé par Edward Simon, il bénéficie d’un arrangement très différent de l’original. Né au Venezuela, installé à New York depuis 1989 et auteur d’un excellent disque en trio sur CamJazz (“Unicity“ en 2006), Simon trouve un complice en la personne de Stefon Harris. Vibraphone et piano mêlent délicatement leurs sonorités, installent des tapis de notes qui profitent aux solistes. Robin Eubanks ajoute souvent son trombone aux unissons des saxophones et improvise avec expressivité, la musique s’enrichissant de glissandos, de judicieux effets de growl. Avishai Cohen éblouit par ses chorus acrobatiques, tant dans une version très enlevée de Sister Sadie que dans sa Suite for Horace Silver concluant le premier set d’un concert épatant.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 09:18
J. Delli Fiori & D. Le BasLUNDI 8 mars
Conférence de presse du festival Jazz Sous les Pommiers au Sunset à 19 heures, Quest juste au-dessus au Sunside le même soir, on ne s’ennuie pas dans les clubs de la rue des Lombards. A Coutances, sous les pommiers, le festival s’annonce sous les auspices de la fête. Pour sa 29ème édition qui se tiendra du 8 au 15 mai, Denis Le Bas (en photo avec Julien Delli Fiori, désormais directeur de Fip) nous annonce un programme diversifié entre découvertes et artistes confirmés. Parmi ces derniers, Roy Hargrove, Eric Le Lann, Melody Gardot, André Ceccarelli, Christophe Leloil, John McLaughlin, Paolo Fresu et Uri Caine, Joshua Redman et Brad Mehldau. Programme détaillé sur le site du festival    http://www.jazzsouslespommiers.com
Dans la cave du Sunset, on se régale avec d’excellents fromages et des huîtres en quantité inépuisable. Le concert de Quest au Sunside me contraint d’écourter mon tour de buffet, les meilleurs mets ne pouvant m’écarter d’un groupe de légende qui, reformé en 2005 après une quinzaine d’années de cessation d’activité, est de retour Richie Beirach & J.J. Pussiauaussi bon que jamais. Jean-Jacques Pussiau (en photo avec Richie Beirach) qui reprend du service comme producteur, annonce un nouveau disque à la rentrée sur OutNote, le nouveau label dont il s’occupe, un live intitulé “Re-Dial“. Très active dans les années 80, la formation n’a presque jamais connu de changement de personnel. Ron McClure et Billy Hart ont très vite remplacé George Mraz et Al Foster après l'enregistrement du premier album, le groupe acquérant ainsi sa sonorité définitive. Car
Quest a réellement un son. Grâce à Dave Liebman bien sûr qui possède un timbre unique au soprano, mais aussi à Billy Hart dont la frappe et les ponctuations à la caisse claire, cette dernière très sonore, le rendent reconnaissable. Mais Quest reste surtout la rencontre réussie de deux grands talents dissemblables, l’alliance contre-nature d’un saxophoniste au tempérament de feu et d’un pianiste romantique dont la musique croise rythmes de jazz et Dave Liebmanharmonie classique européenne. Cette dernière tient une place importante dans un piano à l’esthétique raffiné qui tempère les longues improvisations aventureuses de Liebman. Les deux hommes se connaissent si bien que l’un semble toujours savoir ce que l’autre va faire. Richie Beirach joue une musique d’une grande liberté tonale et possède une science harmonique qui lui permet de toujours dialoguer, d’anticiper la phrase musicale. Assagi, Liebman souffle moins de phrases brûlantes, tord moins le cou à ses notes. Cette sérénité non exempte de force se retrouve dans les ballades parfois jouées au ténor. Dave en joue aujourd’hui beaucoup. Le son est volumineux, puissant, torride dans une version de Freedom Jazz Dance très enlevée, le saxophoniste modulant toujours des sons extrêmes, mais se plaisant aussi à décliner de beaux thèmes oniriques. La différence entre les deux hommes est ainsi moins marquée, le contraste entre leurs instruments moins affirmé. La musique gagne ainsi en fluidité. Quant au groupe - et l’ami Papy me le souffle à l’oreille - , s’il a depuis longtemps acquit sa pleine maturité, il gagne désormais en sagesse.
Photos © Pierre de Chocqueuse
 
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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 09:45
MERCREDI 3 mars
MEHLDAU-2NBBrad Mehldau
, on aime l’entendre improviser au piano. Il possède un rare sens de la forme et construit ses chorus avec une logique qui leur donne un aspect achevé. Le concert qu’il donna en solo au théâtre du Châtelet le 3 mars prêta pourtant à polémique. Martelant les accords d’un ostinato, le pianiste se lança d’emblée dans un maelström de notes qu’il fit tourner jusqu’à épuisement, le sien et celui du public. Mehldau exposa ensuite une jolie mélodie bluesy vite abandonnée pour un épais tourbillon de notes gonflées aux hormones orchestrales. Ce n’est qu’avec The Needle and the Damage Done qu’il revint à une certaine simplicité, la mélodie de Neil Young se voyant magnifiée par des tours de passe-passe harmoniques, notes dansantes et féeriques posées par des doigts au toucher délicat. Brad fit de même avec I’m Old Fashioned et My Favorite Things, s’attachant à mettre en valeur les notes des thèmes par de longues phrases ressemblant à des vagues. Inspiré par la beauté de leurs lignes mélodiques, il leur invente de nouvelles harmonies, entrouvre en temps réel les portes d’un monde sonore inexploré, dans une éternité de l’instant qui semble indéfiniment durer. Il en va tout autrement lorsque le choix de son répertoire le conduit à une surenchère harmonique, aussi vaine qu’étouffante. Ses reprises apparaissent alors comme de véritables tours de Babel sonores dont les architectures massives ne semblent plus reposer sur un sol mélodique (si toutefois un tel amoncellement de notes permet de reconnaître les mélodies qu'il reprend). Gêné dans sa concentration par les palabres d’un premier rang bavard, Brad Mehldau écourta sa prestation, offrit un seul rappel à un public divisé, les enthousiastes et les déçus héritant d’un concert un peu court.
 Photo © Philippe Etheldrède
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14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 09:28

Livres diversRien de tel que de se promener dans Paris pour y trouver des livres auxquels on ne s’attend pas. On flâne, on musarde, on arpente les quais ou les rues du Quartier Latin qui abritent encore des librairies, petites ou grandes, provisoirement amelia B. Edwards, coverrescapées, les boutiques de mode rongeant peu à peu le paysage culturel. En longeant le jardin du Luxembourg en décembre dernier, je tombai rue de Médicis sur la librairie José Corti (l’éditeur de Julien Gracq), pour y trouver soldés plusieurs volumes de leur collection Domaine Romantique. Un certain nombre d’entre eux relèvent du fantastique, genre littéraire qui m’a toujours titillé l’imagination. Parmi les ouvrages achetés ce jour-là, je découvris un recueil de nouvelles d’Amelia B. Edwards (1831-1892), romancière à succès tombée dans l’oubli. “Dans le confessionnal et autres nouvelles“ contient sept des dix-sept récits fantastiques qu’elle nous a laissés, tous très bien écrits (le plus remarquable s’intitule Les îles au trésor) et une longue postface érudite de Jacques Finné, l’excellent traducteur de ce livre publié en 2002. Dans la même collection (je n’en ai pas acheté qu’un seul), “Les Fantômes des Victoriens“ fut rapidement dévoré. Fantômes des victoriens, coverFlorilège d’histoires de revenants, il contient des nouvelles de Wilkie Collins, Charles Dickens, Arthur Conan Doyle, Joseph Sheridan Le Fanu, E.M. Forster, mais aussi des auteurs moins connus, mais tout aussi capables de vous faire violemment frissonner. Il existe bien d’autres ouvrages dans cette excellente collection dont “Les fantômes des Victoriennes“ et plusieurs recueils de Sheridan Le Fanu, l’auteur inspiré d’“Oncle Silas“ et de “Carmilla“, la vampire lesbienne, livre écrit en 1871, vingt-six ans avant “Dracula“ le chef-d’œuvre de Bram Stoker. La librairie José Corti peut s’attendre à ma visite lorsque la pile de livres qui me reste à lire aura diminué.


Profitant en janvier d’un tiède rayon de soleil, je me suis laissé tenter rue des Ecoles (une occasion trouvée dans une de ces boîtes que le libraire installe à même le trottoir) par les mémoires de Pierre Belfond, grand monsieur de l’édition P.-Belfond--les-pendus--jpgaujourd’hui à la retraite. Jean-Paul m’accompagnait. Il possède peu de livres, mais consulte presque tous les jours le “Goldmine’s Price Guide to Collectible Jazz Albums“ et le “Penguin Guide to Jazz“, dont il conserve précieusement les anciennes éditions. Dans “Les pendus de Victor Hugo“ (publié chez Fayard en 1994), Pierre Belfond ne parle pas de jazz, mais ce grand amateur de musique classique, ami d’Antoine Goléa, édita ou réédita les souvenirs de nombreux musiciens et pendant quatre ans maintint la revue Harmonie à flot. D’une plume vive et alerte, il nous raconte le « mystère Aguéev » (l’auteur sans visage de “Roman avec cocaïne“), brosse des portraits désopilants de Salvador Dali, Anthony Burgess, Klaus Kinski. Ne partageant pas toujours ses choix éditoriaux, j’ai peu de livres des éditions Belfond dans ma bibliothèque, mais sa collection de littérature étrangère renferme de véritables trésors. “Le monde d’hier“ de Stefan Zweig, “Tendre est la nuit“ de Scott Fitzgerald, “Les sept fous“ et “Les lance-flammes“ de Roberto Arlt, en sont quelques fleurons.


Equilibre du monde, coverContrairement à Jean-Paul, Phil Costing lit beaucoup. Il m’a offert à Noël “L’équilibre du monde“ (Albin Michel également publié en poche), un gros roman écrit en anglais par Rohinton Mistry un écrivain indien. On y suit les pérégrinations d’Ishvar et Omprakash, des intouchables au sein d’une société corrompue et violente. Appartenant à la caste des tanneurs et des travailleurs du cuir, ils ont quitté leur village pour la grande ville et y exercent le métier de tailleurs. Une multitude de personnages pittoresques défilent dans ce récit largement consacré à la misère quotidienne de l’immense peuple des bidonvilles. L’auteur porte un regard désabusé sur les institutions de son pays dans lequel, il n’y a pas si longtemps, des hommes nés sur le même sol mais de religion différente s’entretuaient. Il donne du poids et de l’épaisseur à ses personnages dont on suit leurs aventures, parfois drôles, mais le plus souvent pathétiques, lutte permanente pour survivre dans un environnement hostile, un pays dans lequel on n’a guère envie de se rendre une fois refermé ce roman-fleuve dont la lecture et les péripéties fascinent.


Fu Manchu, coverLes éditions Zulma poursuivent la réédition de la saga du docteur Fu Manchu. On avait quitté ce dernier une balle dans la tête, le corps enseveli sous les pierres de son repaire. On le retrouve vivant et plus dangereux que jamais dans “Les mystères du Si-Fan“, marchant péniblement avec des cannes, le crâne recouvert d’un épais bandage, hémiplégique du côté droit. Pas pour longtemps. Sir Baldwin Frazer, le meilleur chirurgien de Londres qui est à sa merci, lui extrait le projectile qui « ayant traversé le tiers gauche du lobe frontal au niveau de la convolution postéro pariétale » s’y trouve encore. A nouveau en pleine possession de ses moyens, le sinistre docteur peut reprendre ses activités criminelles et son principal adversaire, l’agent spécial Nayland Smith, lui redonner la chasse. Sax Rohmer (de son vrai nom Arthur Henry Sarsfield Ward) introduit dans le récit de nouveaux personnages parmi lesquels Zarmi, une Eurasienne belle et féline à la chevelure de jais et le mandarin Ki-Ming, chinois de belle prestance au puissant pouvoir hypnotique. Le livre s’achève par la disparition provisoire de Fu Manchu, noyé lors d’une terrible tempête. A moins que Zulma décide d’interrompre la publication de la série. L’éditeur n’annonce pas d’autres volumes et si la typographie de celui-ci reste tout aussi soignée, le papier moins épais, moins volumineux pour un même nombre de pages, ne présage rien de bon.
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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 11:07

Elise & Laurent on stageDIMANCHE 21 février

Laurent de Wilde invite Elise Caron à rejoindre son trio. C’est au Sunside que se déroule cette rencontre qu’il m’est impossible de manquer. Avec Elise, l’hiver se fait moins rigoureux. On se réchauffe à l’écoute de sa voix. Et puis, jolie comme elle est, on ne la quitte pas des yeux. Je dis on, car ceux des courageux noctambules qui n’ont pas peur de sortir le dimanche soir sont tous fixés sur elle comme pour mieux l’éclairer. Laurent l’accompagne de son meilleur piano. Bruno Rousselet Elise Caron(contrebasse) et Laurent Robin (batterie) assurent le rythme. Elise donne des ailes à sa voix pour nous chanter des « oizos lésés » que l’on aime déjà très fort, de nouvelles chansons qui se mêlent à d’autres plus anciennes, toutes choisies pour mettre du baume au cœur et penser les blessures de la morte saison. Rien de tel qu’un reggae pour ensoleiller, faire monter de quelques degrés la température ambiante. Pastime Paradise de Stevie Wonder, un des thèmes splendides de “Songs in the Key of Life‘, en fait un tout à fait acceptable. La ligne mélodique est confiée à la contrebasse qui exécute des petits riffs. En phase avec la batterie syncopée, le piano marque le rythme, Laurent poussant la ressemblance jusqu’à répéter certaines notes, comme une chambre d’écho le fait dans ce genre de morceaux. Elise invente ses propres onomatopées. Elise Caron & Laurent de WildeSa voix monte en puissance, envoûte et magnétise. De son dernier disque “A Thin Sea of Flesh“, des poèmes de Dylan Thomas sur des musiques de Lucas Gillet, elle reprend And Death Shall Have No Dominion et I Have Longed to Move Away, morceaux retravaillés, repensés pour le jazz. I Want You (un extrait d’“Abbey Road“, faut-il le préciser ?) est pour elle plus difficile à chanter, mais Laurent joue un piano funky dans lequel le swing tend la main à l’humour, le riff de Sex Machine (James Brown) se mariant au rythme trouvé par le batteur. Pauvre Rutebeuf : Elise célèbre Léo Ferré dont les musiques sont aussi belles que les paroles de ses chansons. Le blues dans les doigts, Laurent de Wilde improvise, greffe de nouvelles harmonies sur un air inoubliable. Louise Labé ensuite, son dix-huitième sonnet, un poème tendre et érotique qu’Elise chante d’une voix douce et envoûtante. Le piano joue les accords du rêve, une mélodie attachante diffusant une chaleur palpable et ondulante dans laquelle il fait bon s’immerger. Attentif et silencieux, le public anesthésié, presque en état d’hypnose, en écoute les mots d’amour :

Baise m’encor, rebaise-moi et baise :

Donne m’en un de tes plus savoureux,

Donne m’en un de tes plus amoureux :

Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.

Une gomme invisible a effacé le temps. On quitte le Sunside le cœur chaud, des mélodies plein les oreilles, le sourire plein les prunelles. Merci Laurent, merci Elise.
Photos © Pierre de Chocqueuse
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5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 10:25

Laurent Mignard (b)                                                                                                                                           Laurent Mignard

JEUDI 18 février

Espace artistique et culturel (films, concerts, débats, conférences) et lieu de rencontres, l’Entrepôt (7/9 rue Francis de Pressensé 75014 Paris) abrite depuis quelques mois La Maison du Duke, association fondée en septembre 2009, dont le but est de fédérer les amateurs de jazz autour de l’œuvre de Duke Ellington.

Un samedi matin par mois (de 10h30 à 12h30), y est organisé un cycle de conférences thématiques autour de Duke Ellington. Les prochaines auront lieu le 13 mars (Mélodie et contrepoint par François Théberge), le 10 avril (les trompettistes chez Ellington par François Biensan) et le 29 mai (Le Duke et ses Suites par Claude Carrière, président d’honneur de l’association).

Un soir par trimestre, le Duke Orchestra sous la direction de Laurent Mignard y donne une répétition publique suivie d’un concert commenté (le prochain, le 15 avril aura pour thème les « Duke Ladies »). Reconnu comme le meilleur orchestre “ellingtonien“ en activité par les responsables de la Duke Ellington Music Society, le Duke Orchestra vient d’obtenir le grand prix du Hot Club de France pour “Duke Ellington is Alive“, son premier enregistrement. 

Fred CoudercAntonin-Tri Hoang








 Fred Couderc                                                               Antonin-Tri Hoang

Venu nombreux, le public s’y presse le 18 février pour écouter la “Far East Suite“, une des dernières œuvres importantes du Duke. Devant son pupitre encombré de partitions, Laurent Mignard fait répéter les quinze membres de l’orchestre afin de revoir une dernière fois en détail les difficultés que posent les morceaux, d’en Ph; Milanta & P-Y Sorinreprendre les passages délicats, de choisir les bons tempos et de donner une meilleure fluidité aux sections. Julie Saury indisponible, François Laudet tient à la batterie. Au saxophone alto et à la clarinette (l’instrument occupe une position centrale dans Bluebird of Delhi), Antonin-Tri Hoang, l’un des jeunes musiciens de l’ONJ de Daniel Yvinec, remplace provisoirement Aurélie Tropez.

Comprenant neuf morceaux, la “Far East Suite“ fut crée en 1966, à la suite d’une tournée de l’orchestre d’Ellington au Moyen-Orient en 1963 et d’une autre au Japon en 1964, cette dernière donnant lieu au fameux Ad Lib on Nippon que le Duke orchestra reprend dans son album. Impressions de voyage,

Philippe Milanta & Pierre-Yves Sorin

la musique subit l’influence d’autres cultures, se teinte de nouvelles couleurs harmoniques, notamment dans Tourist Point of View grâce à l’emploi d’un mode mineur, et surtout dans Blue Pepper, un blues, la pièce la plus orientale de cette suite, la contrebasse de Pierre-Yves Sorin assurant un bourdon sur le premier temps de chaque mesure.

Didier DesboisClaude CarrièreAvant d’interpréter cette “Far East Suite“ savamment commentée par Claude Carrière, le Duke Orchestra attaque Rockin’ in Rhythm, morceau de bravoure flamboyant introduit en trio par la section rythmique. Les solistes de l’orchestre ont maintes occasions de déployer leur verve et de le faire avec brio. Fred

 

  Didier Desbois                                  Claude Carrière

Couderc improvise brillamment au ténor dans Tourist Point of View et Mount Harissa, morceau dédié à notre Dame du Liban dans lequel Philippe Milanta au piano émerveille. Ajoutons les chorus d’alto de Didier Desbois  dans Isfahan et Blue Pepper, celui de Philippe Chagne au baryton dans Agra, courte pièce écrite pour l’instrument d’Harry Carney, et l’appel à la prière d’Amad confié au trombone de Jean-Louis Damant.

Nicolas MontierFrançois LaudetNicolas Montier                                                               François Laudet

Au service de la musique pendant tout le concert, Nicolas Montier s’est réservé pour le rappel, une longue et magnifique version de Diminuendo And Crescendo in Blue, variations sur le blues écrites en 1937 qui permettent d’apprécier son immense talent au ténor. Introduit par le piano de Philippe Milanta, la composition réserve bien des surprises. On y goûte la très belle ligne mélodique que dessinent les anches, les effets de growl que François Biensan tire de sa trompette et la magnifique reprise du thème par les quatre clarinettes. De la musique de répertoire, certes (une des seules a véritablement s’y prêter), mais du jazz, du grand, joué par de talentueux musiciens qui vous transportent au septième ciel.

Pour adhérer à l’association, soutenir ses activités et bénéficier de ses avantages : http://www.maisonduduke.com
Photos © Pierre de Chocqueuse  
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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 09:57

C. Scott BandMardi 16 février

Le Christian Scott Band au New Morning. Deux petits sets, mais une musique forte, puissante, beaucoup plus tonique que celle que le trompettiste propose dans “Yesterday You Said Tomorrow“, son dernier disque, son meilleur à ce jour. Moins raffinées sur le plan sonore, les compositions qu’il contient gagnent en dynamique Christian Scott NMet intensité, le concert favorisant les échanges et les morceaux de bravoure, malgré une mise en place parfois approximative et quelques fausses notes. The Eraser de Radiohead l’introduit. Milton Fletcher a “préparé“ son piano et Scott posé une sourdine sur le pavillon de son instrument coudé afin d’en tirer une sonorité feutrée plus proche du souffle et de la voix humaine. Angola, LA & The 13th Amendment place au premier plan la section rythmique, la batterie de Jamire Williams ponctuant avec énergie un long solo de guitare fiévreux. Le tempo de The Eye of the Hurricane, une composition d’Herbie Hancock, est plus rapide. A un chorus acrobatique de trompette succède une longue improvisation du pianiste dont le jeu en accords (blockchords fréquemment dissonants), ajoute du mystère à la musique. Christian Scott prend Matthew Stevens (C. Scott Band)son temps pour présenter avec humour ses musiciens. Il enchaîne avec Rumor, un extrait de “Live at Newport“, un thème conjointement exposé par la guitare et le chant délicat de la trompette. Introduit longuement par la batterie, il contient de nombreux changements de rythmes, un chorus de piano construit sur une répétition d’accords. Les musiciens attaquent le deuxième set avec K.K.P.D. (Klux Klux Police Department), une charge violente contre le racisme ordinaire que professe la police des états du sud de l’Amérique. Williams martèle puissamment ses tambours ; la contrebasse de Kris Funn gronde comme un volcan réveillé après un long sommeil ; la guitare joue des accords hendrixiens. Dans The Last Broken Heart, une des ballades du nouvel opus, la trompette se fait tendre, sensuelle. Scott s’accorde une pause, puise des forces pour nous offrir en rappel une version brûlante de Rewind That, son morceau fétiche, très marqué par le rock.
Photos © Pierre de Chocqueuse
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25 février 2010 4 25 /02 /février /2010 10:06

K. Asbjornsen BandJEUDI 11 février

Kristin Asbjørnsen au New Morning. La chanteuse fait sensation au sein du K. Asbjornsennouveau groupe de Tord Gustavsen, dans “Restored, Returned“ (ECM), magnifique opus du pianiste norvégien. Bien qu’ayant suivi une formation jazz au conservatoire de Trondheim, la musique qu’elle propose reste beaucoup plus proche du folk et de la world music. Tord Gustavsen fait partie des musiciens qui l’accompagnent. En duo avec le trompettiste Per Willy Aaserud, il assure la première partie de son concert. The Child Within pour piano et saxophone dans le disque de Tord, Way In, pièce largement improvisée dans laquelle il adopte un jeu de piano orchestral et Left Over Lullaby n°3 vont séduire des oreilles attentives. Mais c’est surtout une version sobre et dépouillée de Vicar Street, morceau figurant dans “Being There“ le précédent enregistrement en trio du pianiste, qui fascina le public clairsemé du New Morning. Mélodieuse et profonde, sa musique s’inspire d’anciens cantiques. Le blues la nourrit, ses compositions n’étant pas très éloignés T. Gustavsen bdes gospels afro-américains que chante Kristin Asbjørnsen. Cette dernière leur a consacré un album entier. Elle en chante de magnifiques (Rain, Oh lord), compose ses propres chansons et leur offre des orchestrations singulières. Guitares acoustiques et électriques, pedal steel, contrebasse ou basse électrique, batterie mais aussi Konting et dozo n’goni, instruments africains de la famille du luth, l’instrumentation diffère selon les morceaux. Certains se rapprochent du folk ; d’autres de la world music ; d’autres encore de la musique de chambre (If This Is the K. Asbjornsen bEnding, Lose), le piano et le violoncelle accompagnant alors la voix rauque, presque cassée, mais chaude et sensuelle de Kristin. A l’aise dans les graves, elle peut monter sans problème dans l’aigu pour s’offrir des vocalises. Pieds nus, elle déplace son corps avec grâce, tourne, virevolte et ensorcelle par sa voix unique. Le délicieux Don’t Hide Your Face From Me (une des plus belles plage du disque) bénéficie du beau piano de Gustavsen qui improvise également dans Afloat, s’offre quelques duos avec la chanteuse (One Day My Heart Will Break) et ajoute de belles couleurs à la musique. L’album de Kristin s’intitule “The Night Shines Like The Day“. Ce n’est pas un disque de jazz, mais avec le piano de Tord et la trompette de Nils Petter Molvaer, il s’écoute avec beaucoup de plaisir.
                           Photos de Kristin
Asbjørnsen et de Tord Gustavsen  © Pierre de Chocqueuse
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20 février 2010 6 20 /02 /février /2010 10:48

François Couturier bLUNDI 8 février

François Couturier en solo à la Maison de la Poésie. La salle de 150 places convient bien à sa musique intimiste. Sur scène, un Steinway de concert n’attend que le pianiste. Ce dernier vient de sortir un nouveau disque. Intitulé “Un jour si blanc“, il se présente comme le second volet d’une trilogie. Son titre porte le nom d’un poème écrit par le père du cinéaste Andreï Tarkovski : « Dix-sept impressions intimes (...) peuplé(es) des grands artistes qui me sont le plus proches : Rimbaud, Miró, Kandinsky, Klee, Schubert, Bach bien sûr, et Andreï Tarkovski…». Un univers intensément poétique qui s’éloigne du jazz, ce dernier restant toutefois présent dans le phrasé du pianiste, les longues lignes mélodiques qu’il improvise. François Couturier (piano)Le swing se fait rare dans cette musique austère sur laquelle souffle un grand vent d’hiver. Musique du silence, blanche et immaculée, véritable “Pays de Neige“ pour reprendre le titre d’un merveilleux roman de Yasunari Kawabata, elle possède la spiritualité du zen. En rappel, François Couturier improvise sur La Neige, une pièce de Tôru Takemitsu, compositeur de nombreuses musiques de films parfois influencé par l’impressionnisme de Claude Debussy. Inspiré par la musique classique européenne dont il emprunte le vocabulaire harmonique, François Couturier aurait très bien pu sortir ce disque sur le catalogue ECM New Series sans que personne ne trouve à redire. Sur scène, comme sur disque, il improvise sur un choral de Bach, esquisse dans Lune de miel des phrases d’un grand lyrisme. Par les soirs bleus d'été fait penser à une oeuvre d’Erik Satie. Les cadences martelées de certains morceaux évoquent certaines sonates de Serge Prokofiev. Contrairement à un compositeur “classique“, François ne fige pas les mélodies qu’il écrit. Bien au contraire, elles lui F. Couturier, coverservent à improviser au gré de ses idées, à transmettre les émotions qu’il garde en mémoire. Son piano évoque ainsi constamment des images, celles d’un film aux scènes très contrastées. Les magnifiques couleurs harmoniques de ses mélodies voisinent avec des pages orageuses et abstraites. Au doux balancement que murmure de jolies notes perlées succède le grondement des graves du clavier (Clair-obscur). Le pianiste se fait peintre et décrit précisément avec ses notes les paysages variés qu’il imagine. La plupart sont des miniatures qui se suffisent à elles-mêmes. François Couturier prend aussi son temps pour décliner ses mélodies. Intitulées Sensation, Un jour si blanc, Par les soirs bleus d'été, elles plongent plus profondément l’auditeur dans le rêve.

 

Franck, Aldo, Lionel, Stéphane aMARDI 9 février

Publié chez Dreyfus Jazz, “Origine“ réunit onze compositions d’Aldo Romano. Arrangées par Lionel Belmondo, elles ont été confiées à l’ensemble Hymne au Soleil qui rassemble bugle, flûte, clarinette ou clarinette basse, cor, cor anglais, basson et tuba. A cela s’ajoute une section rythmique (Aldo bien sûr en est le batteur), un piano, un saxophone alto (Géraldine Laurent sur le CD), le soprano, le ténor et les flûtes que joue Lionel. C’est donc un orchestre conséquent qui s’est produit plusieurs soirs au Sunside. Comme le disque, le concert s’ouvre par un arrangement particulièrement envoûtant de Silenzio, relecture instrumentale de Sans un mot, naguère chanté par Aldo. L’instrumentation, inhabituelle pour un orchestre de jazz, lui confère une gravité majestueuse. Thomas Savy s’autorise un long solo de clarinette basse.  Au Franck, Aldo, Lionel, Stéphane bbugle, Stéphane Belmondo reste le principal soliste d’une formation qui, sur scène, allonge les morceaux par de longues improvisations qui donnent de l’ampleur à la musique. Les frères Belmondo, mais aussi Franck Avitabile (pour ces concerts, il remplace Eric Legnini au piano) se partagent la plupart des chorus. Franck en prend un magnifique dans Pasolini et pousse l’audace d’en doubler le tempo. Aldo en composa le thème à la mort du cinéaste. Il l’avait rencontré à Rome dans l’appartement qu’Elsa Morante partageait avec ses nombreux chats. Enregistré par Jean-Pierre Mas et Césarius Alvim (“Rue de Lourmel“), puis par Michel Petrucciani (“Estate“), Pasolini repose sur une mélodie évidente. Cette denrée (une mélodie n’est-elle pas une sorte de nourriture Aldo origine covercéleste, un don du ciel) qui aujourd’hui se fait rare dans le jazz, Aldo nous en apporte depuis toujours de très belles, d’où le réel bonheur que l'on éprouve à l’écoute de certaines plages de son disque. Outre le formidable Silenzio, “Origine“ contient de superbes ballades (Touch of a Woman, Dream and Waters, cette dernière souvent reprise et initialement enregistrée pour Owl Records en 1991 avec Paolo Fresu à la trompette et le regretté Michel Graillier aux synthétiseurs) et de beaux hommages à Michel Petrucciani et Elis Regina. On en oublie presque les faiblesses de l’album, les arrangements moins réussis de Starless Night, Jazz Messengers et Il Camino, ce dernier thème perdant la magie que lui confère le bandonéon de Michel Portal dans “Il Piacere“. Photos de François Couturier et celles réunissant Franck Avitabile, Aldo Romano, Lionel et Stéphane Belmondo © Pierre de Chocqueuse 
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