Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 12:48
Eli Degibri-copie-1MERCREDI 20 janvier

« Mon professeur de français me haïssait. J’ai étudié votre langue pendant trois ans avant de prendre du recul avec elle. » Décontracté, Eli Degibri plaisante facilement avec le public du Sunside. Au regard des pochettes de ses disques, je le voyais plus grand. Je ne suis pas le premier à le lui dire et lui-même ne sait pas trop pourquoi. Il accepte volontiers que je le prenne en photo avec Aaron Goldberg, son pianiste. Eli est un saxophoniste ténor puissant et expressif qui sait mettre une bonne dose de tendresse dans les ballades qu’il interprète au soprano. Il a enregistré trois albums et son jazz moderne aux compositions soignées interpelle. Né en Israël, il vit aux Etats-Unis depuis 1997. Un  an d’études au Berklee College of Music de Boston, puis le programme du Thelonious Monk Institute of Jazz Performance qu’il suit au New England Conservatory of Music de la même ville le mettent sur la sellette. Il joue pendant trois ans avec Herbie Hancock puis intègre le groupe du batteur Al Foster. Au Sunside, ses amis musiciens l’accompagnent. Ben Street indisponible, Thomas Bramerie le remplace sans difficulté à la contrebasse. Son Eli Degibri & Aaron Goldbergsolide métier lui permet de se sentir parfaitement à l’aise dans des contextes musicaux très variés. Les autres membres du quartette qui l’entoure connaissent ses compositions. A la batterie, Jonathan Blake impose la singularité d’une polyrythmie foisonnante. Eli joue souvent avec Aaron Goldberg qui développe avec autorité et savoir-faire les thèmes qui lui sont confiés : Pum-Pum, In the Beginning qui est aussi le titre de l’un des albums d’Eli, mais aussi Sue, un morceau fiévreux et énergique et Jealous Eyes, une ballade récente dans laquelle Aaron développe des voicings inventifs et fluides.

 

M. Copland, R. Del FraLUNDI 25 janvier

Marc Copland au Sunside, en duo avec Riccardo Del Fra dont la belle contrebasse accompagne souvent de grands musiciens. Marc est l’un d’entre eux, non pour sa virtuosité tapageuse (les cascades de notes perlées à la Oscar Peterson ne sont pas indispensables à son univers musical poétique), mais pour l’approche différente du piano qu’il propose, Marc se souciant davantage de la sonorité qu’il peut tirer de l’instrument que de l’habileté avec laquelle il peut en jouer. Celui du Sunside n’est pas idéal pour un pianiste qui attache une si grande importance à la couleur et à la dynamique de ses notes, mais Copland s’en accommode. Son fameux jeu de pédales R. Del Framodifie leurs résonances et change le son de l’instrument. Au cours du premier morceau interprété, il trouve les nuances qu’il recherche et parvient à jouer sa musique, un piano aux harmonies brumeuses et oniriques. Avec Riccardo, une vraie conversation peut alors s’installer. Rencontre oblige, contrebasse et piano dialoguent et inventent, le plus souvent sur des standards. Les notes scintillent, tintinnabulent. La palette sonore s’enrichit de nouveaux timbres, s’ouvre à d’inépuisables variations harmoniques, les ostinato de piano laissant du champ libre à une contrebasse désireuse de chanter. In a Sentimental Mood bénéficie de nouvelles harmonies qui transforment le thème. On Your Own Sweet Way de Dave Brubeck se voit jouer de manière très personnelle, de même que Round Midnight au sein duquel la contrebasse esquisse un léger rythme de samba. Couplé avec I’m a Fool to Want You, Someday My Prince Will Come fut un autre grand moment de la soirée, confiée à deux complices en parfaite osmose, la musique acquérant une profondeur et une sensibilité peu communes.


JEUDI 28 janvier

J.L. LongnonAvec Jean-Loup Longnon vous êtes toujours sûr de passer une excellente soirée. Le trompettiste, arrangeur, compositeur avait envahi le Sunset à la tête d’un rutilant big band. Imaginez dans une cave de taille moyenne une formation de dix-sept musiciens portant le swing à ébullition. Bien que surchargée d’harmonies savantes, la musique n’est jamais difficile à suivre. Attaché à la tradition du jazz et à son courant mainstream, Jean-Loup Longnon place au premier plan la mobilité des instruments au sein d’arrangements fluides et linéaires qui favorisent le swing et la mélodie. Plutôt que chercher à innover, Jean-Loup privilégie la clarté et la respiration de la masse Frederic Delestré orchestrale. Trompettes, trombones, anches, les sections sont des voix bien distinctes qui croisent et mêlent leurs lignes mélodiques chantantes, constituent de subtils alliages de timbres et de couleurs et mettent les solistes en valeur. Pierre Guicquero nous offre ainsi un solo de trombone mémorable dans Two notes blues. Ludovic Alainmat fait merveille au piano dans Stephanie’s dream et invité à se joindre à l’orchestre Louis Mazetier plonge un court moment la musique dans le stride. Au sein de ce jubilatoire maelström sonore que co-dirige le batteur Frederic Delestré (photo de droite), Jean-Loup Longnon en est l’acteur le plus brillant. Tout en maintenant une grande tension entre ses notes, le trompettiste contrôle parfaitement l’aigu de son instrument. L’articulation est parfaite et la phrase, aérée par des notes tenues, J.L. LONGNON Bandconstamment fluide. Pas besoin de micro pour l’imposant personnage. Sa voix puissante et grave porte loin. Il chante le célèbre On est pas là pour se faire engueuler, morceau dans lequel il s’offre un scat éblouissant, véritable histoire contée avec force onomatopées. Il plaisante aussi avec un très nombreux public tassé comme sardines en boîte et présente avec humour chaque pièce qu’il interprète. Toutes proviennent de son nouvel album dont il conseille vivement l’achat. Intitulé “Encore du Bop“ et disponible sur www.integralmusic.fr , il contient des compositions originales mais aussi des arrangements très réussis de Que reste t’il de nos amours ? , L’important J.L. Longnon, coverc’est la rose et une version afro-cubaine inattendue du fameux Curé de Camaret, pièce qui hérite de beaucoup de soleil. Comme le dit si bien Jean-Loup dans une interview accordée récemment à Jazz Magazine/Jazzman : « le curé de Camaret se décide enfin à aller à la plage ». Avec ses riffs de cuivres, ses tutti de trompettes, ses jolies lignes de saxophones à la Four Brothers, l’orchestre balance une musique festive qui se déguste avec gourmandise en concert.
Photos © Pierre de Chocqueuse 
         
Partager cet article
Repost0
23 janvier 2010 6 23 /01 /janvier /2010 11:45
Mintzer, FolmerVENDREDI 8 janvier

Le trompettiste Nicolas Folmer retrouve le saxophoniste Bob Mintzer au Duc des Lombards. Les deux hommes fêtent la sortie de “Off the Beaten Tracks Vol.1“ (Cristal/Harmonia Mundi), un vrai disque de bop moderne enregistré au même endroit en juillet. J’ai rendu compte dans ce blog de ces deux concerts, le second avec les musiciens de Mintzer. Ceux de Nicolas, Antonio Faraò au piano, Jérôme Regard à la contrebasse et Benjamin Henocq à la batterie secondent brillamment le trompettiste dans cette nouvelle rencontre. Fréquemment exposés par les deux souffleurs à l’unisson, les thèmes servent de support à des improvisations inventives. La section rythmique pousse et stimule les solistes, met la pression aux bons moments. Le jeu souvent mélodique Folmer Mintzerde Jérôme Regard en fait un soliste à part entière dans Let’s Rendez-vous! et Fun Blues, titres dans lesquels il étonne par la pertinence de ses chorus. Le groupe semble encore plus soudé qu’en juillet, et les morceaux bénéficient d’une mise en place irréprochable. Mintzer souffle des notes aussi puissantes que lyriques. Celles acrobatiques de Nicolas s’envolent, saxophone et trompette croisant le fer dans Off the Beaten Tracks, morceau très rapide reposant sur un riff. Il donne son titre au nouvel album et exige une grande précision d’exécution. Bien que très enrhumé, Antonio Faraò joua son meilleur piano. Tendre et romantique dans Soothing Spirit, il étonne par son jeu vigoureux, sa facilité à enchaîner avec fluidité des accords du bop, à trouver des idées harmoniques. Offert en rappel, Black Inside, une de ses compositions, déchaîna Diego Imbertl‘enthousiasme.

SAMEDI 9 janvier

Avec son quartette sans piano comprenant David El-Malek au saxophone ténor, Alexandre Tassel au bugle et Franck Agulhon à la batterie, le contrebassiste Diego Imbert interprète au Sunset les morceaux de “A l’ombre du saule pleureur“, premier album d’une grande richesse d’écriture, chroniqué dans ce blog le 12 octobre dernier. Ce travail sur la forme, on le retrouve sur scène, les compositions très soignées de Diego étant toutefois développées par les improvisations de ses musiciens. Des chorus plus longs étoffent sensiblement la musique, lui font prendre des tournures harmoniques inattendues. David El-Malek explore jusqu’au cri la matière sonore. Lave D. Imbert Bandbrûlante, ses notes croisent la douceur crémeuse de celles du bugle, les deux instruments se retrouvant fréquemment pour chanter les thèmes à l’unisson, mêler les couleurs de leur timbre. Fil conducteur de la musique, la contrebasse l’organise avec une batterie visiblement complice. Franck Agulhon peut aussi bien marteler puissamment ses tambours que caresser ses peaux comme on caresse une jolie femme. Les dents qui poussent bénéficie de cette tendresse. Un solo de batterie explosif introduit Leo. Le ténor s’en empare, souffle des notes fiévreuses. Carthagène au thème décidemment magnifique, calme le jeu. Bénéficiant d’une assise rythmique aussi souple qu’inventive, les deux souffleurs s’entendent pour jouer les phrases lyriques qui mettent du baume au coeur.

S. Guillaume BandLUNDI 11 janvier

Stéphane Guillaume est un homme heureux. Le Prix Django Reinhardt 2009 de l’Académie du Jazz a également reçu le Prix du Disque Français (meilleur disque de jazz enregistré par un musicien français) pour l’album “Windmills Chronicles“ récompense décernée par cette même Académie du Jazz. La veille de cette remise de Prix, Stéphane, les membres de son quartette et les sept cuivres sur lesquels repose la musique de ce dernier projet donnaient un concert au Café de la Danse. La scène donne sa vraie dimension à la sonorité ample et raffinée du mélange des divers instruments en présence. Si la musique accorde beaucoup de place aux solistes et à leurs S. Guillaume Band bimprovisations, l’écriture rigoureuse met en valeur les cuivres, et exige une mise en place très précise. Ces derniers relancent les solistes dans Fields of Nothing, accompagnent leurs chorus par des riffs dans Vent sur le Reg, enveloppent les mélodies de La légende de l’Uirapuru et d’Urban Trek (première plage de l’album “Soul Role“) ou déploient seuls leurs timbres dans la coda de l’Amphi en Fard, écrite sous forme chorale. Superbement arrangée, la Ballade irlandaise d’Emil Stern fait aussi la part belle aux cuivres, Stéphane exposant et déclinant le thème au ténor. Selon les compositions, il improvise également au soprano, à la flûte ou à la clarinette basse. Les autres solistes brillent par leur excellence. Je ne vais pas les citer tous, mais Pierre Drevet fait merveille dans The Man With the Skullcap, un hommage à Joe Zawinul. A la guitare, Frédéric Favarel s’offre un chorus hendrixien dans Vent sur le Reg et Denis Leloup éblouit au trombone dans La légende de l’Uirapuru.

MARDI 12 janvier

J.P. Leloir, R. Carter, F. Mitterand (1)Journée chargée pour les membres de l’Académie du Jazz. Outre la remise des Prix au Châtelet, certains d’entre eux sont conviés dans les salons du Ministère de la Culture pour honorer leur éminent collègue Jean-Pierre Leloir, mais aussi le contrebassiste Ron Carter qui a fait l’amitié à François Lacharme d’être à Paris ce jour-là. En présence de leurs amis (Daniel Humair, Bertrand Tavernier, Chantal Koechlin), le premier reçut les insignes d’Officier et le second de Commandeur dans l’ordre des Arts et Lettres, distinctions remises par Frédéric Mitterand, ministre de la Culture et de la Communication.

Leloir & MitterandDans le discours qu’il prononça, ce dernier rendit hommage à « l’un des plus grands contrebassistes de l’histoire du jazz et l’un de nos meilleurs photographes, notamment pour ses portraits de musiciens, (…) le son et l’image de plus d’un demi-siècle de cette “musique en liberté“ qui ne cesse de nous émouvoir. » Il s’adressa à Ron Carter « non seulement en tant que ministre de la Culture et de la Communication, mais aussi – et c’est peut-être beaucoup plus important ! – en tant qu’amateur fervent et passionné de jazz ». Saluant le Président et les membres de l’Académie du Jazz présents à cette Ron Cartercérémonie émouvante, Frédéric Mitterand confia ensuite à Jean-Pierre Leloir qu’il avait « su saisir, d’un seul regard, les traits qui caractérisent chacun de ces artistes de génie (…) Dans chacune de vos œuvres, vous avez ce talent si rare de savoir capter et magnifier ce moment d’instantané, de mouvement et d’éternité, prélevé sur la fugacité des choses, et par là de donner à sentir les affinités secrètes entre la musique et l’image. » Frédéric Mitterand n’oublia pas non plus de saluer le jazz « l’un des plus phénomènes esthétiques du XXe siècle, et c’est un peu lui que nous célébrons aujourd’hui à travers deux de ses plus éminents acteurs que nous avons le plaisir et l’honneur d’avoir parmi nous. »

Au cours du cocktail qui suivit, j’eus la chance de pouvoir parler avec Bertrand Tavernier. Spécialiste du cinéma américain, il est tout aussi intarissable et passionnant sur le cinéma britannique (on lui doit la redécouverte du cinéaste Michael Powell dont il préfaça la biographie “Une vie dans le cinéma“ publié chez Actes Sud en coédition avec l’Institut Lumière qu’il préside à Lyon). Bonheur B. Tavernier & R. Carterd’entendre de vive voix ce conteur passionné me parler de la phrase assassine de François Truffaut sur l’incompatibilité entre le mot cinéma et le mot Angleterre, remarque qui pour mieux imposer l’œuvre d’Alfred Hitchcock, fâcha longtemps le cinéma britannique auprès des cinéphiles. Plaisir de voir son regard pétiller à l’évocation des studios Ealing et de ses cinéastes Robert Hamer (“Noblesse oblige“), Alberto Cavalcanti (“Au coeur de la nuit“), Alexander Mackendrick (“Whisky à gogo“, “L’Homme au complet blanc“) qu’il s’emploie à réhabiliter. Bertrand Tavernier aime le jazz et affectionne les contrebassistes. Outre “Autour de Minuit“ avec Dexter Gordon, Herbie Hancock, Tony Williams et Ron Carter pour la musique, le contrebassiste a signé celle d’un autre de ses films, “La Passion Béatrice“. Henri Texier a quant à lui composé celle de “Holy Lola“. Tavernier réalisa également avec Robert Parrish le documentaire “Mississippi Blues“, et dans son dernier long métrage tourné en Louisiane, “Dans la brume électrique“, l’un des meilleurs films de l’an passé, il confie de petits rôles à Levon Helm le batteur du Band et au guitariste Buddy Guy.

Gambarini, Carter, Lightsey, HumairAndré Cayot, P. Anquetil, D. Humair









De Gauche à droite: Roberta Gambarini Prix du Jazz Vocal 2009 de l'Académie du Jazz, Ron Carter, le pianiste Kirk Lightsey et Daniel Humair. - André Cayot le Monsieur Jazz du Ministère de la Culture, Pascal Anquetil (Irma) et Daniel Humair. 

A. Jean-Marie, S. BartillaDIMANCHE 17 janvier

Susanna Bartilla retrouve le Sunside, club dans lequel elle a récemment enregistré un album. Elle en fête la sortie avec les musiciens de son disque, Alain Jean-Marie au piano, Sean Gourley à la guitare et Claude Mouton à la contrebasse. Au programme, les chansons de Johnny Mercer dont on a célébré en novembre 2009 le centenaire de la naissance. On lui doit les paroles de quelques 1500 mélodies. Harold Arlen, Henry Mancini, Jerome Kern, Hoagy Carmichael, Duke Ellington et bien d’autres compositeurs en ont écrit les musiques. Susanna connaît très bien ce répertoire. De Harold Arlen, elle interprète I’m Old Fashioned, One for My Baby, Come Rain or Come Shine, My Shining HourHenry Mancini est également à l’honneur avec S. Bartilla, Sean Gourleyde belles reprises de Charade, Days of Wine and Roses et Moon River. Susanna chante aussi Skylark, Les Feuilles mortes et La Mer de Charles Trenet. Sa voix chaude et traînante au léger vibrato évoque parfois Marlène Dietrich et se complaît dans une tessiture grave. Susanna en connaît les limites et les gère. Elle éprouve surtout beaucoup de plaisir à chanter sur scène et le communique à son public. Ses musiciens ne sont pas en reste. Peaufinant leurs chorus, Alain et Sean nous plongent dans un grand bain d’harmonies fines. Autoproduit, le disque de Susanna a des qualités et des défauts. Trop souvent au même niveau sonore, les instruments manquent de relief, mais la voix singulière est celle d’une chanteuse que j’incite à découvrir.
Photos © Pierre de Chocqueuse. La photo réunissant Jean-Pierre Leloir, Ron Carter et Frédéric Mitterand est de © Farida Bréchemier/MCC 
Partager cet article
Repost0
16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 10:47

S. GuillaumeStéphane Guillaume, Prix Django Reinhardt et Prix du Disque Français 2009 de L'Académie du Jazz.

Mardi 12 janvier : en la personne de son directeur, le Théâtre du Châtelet accueillait pour la quatrième année consécutive en son foyer l’Académie du Jazz. Jean-Luc Choplin, souhaita une très bonne soirée à l’assemblée de musiciens, journalistes, éditeurs de disques, représentants de l’Etat et du Ministère de la Cugny-Régnier©JM LegrosCulture venus nombreux assister à cette proclamation de prix. Il remit lui-même le Prix du livre de Jazz 2009 à Laurent Cugny pour“Analyser le jazz“ (Editions Outre Mesure), et à Gérard Régnier pour “Jazz et Société sous l’Occupation“ (L’Harmattan). Une mention spéciale fut également décernée à “The Life and Music of Tommy Ladnier (Jazz’edit) de Bo

Lindström & Dan Vernhettes (ce dernier présent à cette cérémonie) ouvrage édité à Paris, mais en anglais et hors compétition.


Voté en commission, le Prix du Musicien Européen couronne cette année Laurent Blondiau, trompettiste belge quasi-inconnu du public français, absent car en Afrique pour les besoins d’un documentaire. François Lacharme, président de l’Académie du Jazz, appela le photographe Jean-Pierre Leloir (et membre de Leloir-Villéger-Richardl’Académie) à remettre le Prix du Jazz Classique. Répondant présents, les lauréats (Marc Richard, directeur musical du Paris Swing Orchestra, formation récompensée pour “Swingin’ Sidney Bechet“ et le saxophoniste André Villéger, soliste invité de ce mirifique big band) nous régalèrent d’un court morceau de Bechet, Viper Mag, enregistré par le saxophoniste et les Noble Sissle’s Swingsters, le 10 février 1936. Marc à la clarinette, André au soprano (instrument qu’il utilise avec un savoir faire incomparable), Jacques Schneck au piano, Enzo Mucci à la guitare, Gilles Chevaucherie à la contrebasse et Michel Senamaud à la batterie en furent les interprètes.

JM Salhani-JP Allard

Editeur de disques et membre du conseil d’administration de la Sacem, Jean-Marie Salhani remit le Prix du Meilleur Inédit ou de la meilleure réédition à Jean-Philippe Allard pour “People Time“, coffret de sept CD enregistré par Stan Getz et Kenny Barron au Café Montmartre de Copenhague en mars 1991. Jean-Philippe en était le producteur.


Délivré par Claude Carrière, qui présida pendant plus de dix ans l’Académie du S. Guillaume QuartetJazz, le très attendu Prix Django Reinhardt (les lauréats en sont tellement fiers qu’il apparaît toujours en bonne place dans leur C.V.) récompensa le saxophoniste Stéphane Guillaume, qui reçut également pour “Windmills Chronicles“ le Prix du Disque Français. Accompagné par les musiciens de son quartette (Frédéric Favarel à la guitare, Marc Buronfosse à la contrebasse, Antoine Banville à la batterie), Stéphane au saxophone ténor (il joue aussi du soprano, de la flûte et de la clarinette basse) nous gratifia de Vent sur le Reg, une des compositions de son très bel album.

Cll. Courau-F. Lacharme

En invitant à cette soirée Claude Séférian, vice-président des Amis de Jean Cocteau, l’Académie rendit hommage à l’homme de lettres qui aima et célébra le jazz. La comédienne Clotilde Courau (“Le petit criminel“ de Jacques Doillon, “Elisa“ de Jean Becker) lut la lettre préface que Cocteau écrivit pour “Swing“, (qualifiée de « feu d’artifice contre l’artifice » par Boris Vian), plaquette brève et ardente publiée en 1948 aux Editions Universitaires de France. Son auteur, le poète et romancier Gaston Criel, multiplia les métiers. Tour à tour attaché culturel, secrétaire de rédaction, metteur en page, journaliste, publicitaire, marchand de caravanes, vendeur de disques, employé de bureau, laveur de carreaux, barman et portier de boîte de nuit, il fut également le locataire de Jean-Paul Sartre et le secrétaire d’André Gide.

Ron Carter-Leloir©JM Legros

Après l’attribution par Jacques Périn des Prix Blues (“Chicago Blues : A Living History“ par Billy Boy Arnold, John Primer, Billy Branch et Lurrie Bell ; Nominé pour les prochains Grammy Award, le disque a vu le jour grâce à la ville d’Aulnay sous Bois en Seine Saint-Denis) et Soul (“Who’s Hurting Now“ par Candi Staton), François Lacharme et l’Académie du Jazz rendirent hommage à Ron Carter contrebassiste de légende, ainsi qu’à Jean-Pierre Leloir photographe et spectateur depuis près de 60 ans de nos évènements Ron Carter-Christian Escoudémusicaux. Le matin même, dans les salons du Ministère de la Culture, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication saluait le Président et les membres de l'Académie du Jazz présents à la cérémonie au cours de laquelle il remettait à Jean-Pierre Leloir les insignes d'Officier dans l'ordre des Arts et Lettres, et à Ron Carter ceux de Commandeur dans le même ordre. Au Châtelet, ovationné par une salle enthousiaste, le contrebassiste invita un vieux complice, le guitariste Christian Escoudé à le rejoindre dans une belle version de Django, composition de John Lewis tout à fait de circonstance en cette année 2010, centième anniversaire de la naissance du guitariste.

Allen-Toussaint.jpgRécompense également très convoitée, le Grand Prix de l’Académie du Jazz revint à “The Bright Mississippi“ d’Allen Toussaint, disque controversé, adulé par certains, détesté par d’autres, mais sur lequel une large majorité de voix des académiciens s’est portée. Producteur, pianiste, chanteur, compositeur et arrangeur de rhythm’n’blues, Allen Toussaint est le premier "non jazzman" à recevoir ce prix depuis sa création en 1960. Ce dernier n’ayant pu se déplacer, Christophe Cheynier de l’AFP remit le trophée à Isabelle Rodier de Nonesuch Records qui nous lut le bref et touchant discours de remerciement envoyé par Toussaint.

Natalie-DessaycJM-Legros.JPGPour remettre le Prix du Jazz Vocal à Roberta Gambarini, François Lacharme appela sur scène R. Gambarini ©JM Legros-copie-1Natalie Dessay. Cantatrice à la carrière prestigieuse, (elle a été l’Olympia des “Contes d’Hoffman“ d’Offenbach, la Manon de Massenet, la Mélisande de Debussy et sera bientôt Amina dans “La Sonnambula“ de Bellini à l’Opéra de Paris), Natalie félicita chaleureusement Roberta, lui laissant le soin de chanter So in Love a cappella, et en duo avec le pianiste Kirk Lightsey, The Jamfs are coming, blues composé par le saxophoniste Johnny Griffin. Et puis, la fête, les vins de Philippe Briday pour étancher la soif que procure l’émotion.

Lauréats(c)©JM Legros

De gauche à droite au premier rang : François Lacharme, Jean-Philippe Allard, Laurent Cugny et Stéphane Guillaume. Sur le podium, de gauche à droite : Dan Vernhettes, Marc Richard, André Villéger, Gérard Régnier, Roberta Gambarini, Larry Skoller et Ron Carter (Photo: Jean-Marie Legros)

Julien et Hélène Delli FioriI. Rodier-G. SantinC. Escoudé-M. SardabyDe gauche à droite: Julien Delli Fiori (FIP) et Hélène sa délicieuse épouse. Isabelle Rodier (attaché de presse de Nonesuch Records) et Géraldine Santin (responsable de la communication du Festival de Saint-Germain-Des-Prés). Christian Escoudé et Michel Sardaby, guitariste et pianiste émérites.

D.Humair, F. LacharmeAndré FrancisG. Peyregne et J.J. Pussiau



 

 

 

 

 

De gauche à droite: Daniel Humair (batteur jubilatoire) et François Lacharme. André Francis (également membre de l'Académie du Jazz) au piano. Geneviève Peyregne (agent de nombreux artistes) et Jean-Jacques Pussiau (producteur  de disques inoubliables)

Anquetil-Chautemps-ArdonceauH. Bonnet-L. Mignard-A.Villéger


De gauche à droite: Pascal Anquetil (IRMA, journaliste et académicien), Jean-Louis Chautemps (saxophoniste boute-en-train) et Pierre-Henri Ardonceau de l'Académie du Jazz. Christian Bonnet (Académie du Jazz), Laurent Mignard (trompettiste et directeur musical du Duke Orchestra), André Villéger (saxophoniste, spécialiste du soprano) et le blogueur de Choc.

Lacharme-coutantR. Gambarini-K. LightseyDe gauche à droite: Roberta Gambarini (Prix du Jazz Vocal 2009) et le pianiste Kirk Lightsey. François Lacharme et Philippe Coutant, directeur du Grand T, Nantes)

X. Felgeyrolles & R. Carter MC Nouy-L. Cugny



 

 

De gauche à droite: Xavier Felgeyrolles (Space Time Records, directeur du Festival Jazz En Tête à Clermont-Ferrand) et Ron Carter. La gracieuse Marie-Claude Nouy (ECM Records) et Laurent Cugny (pianiste, chef d'orchestre, arrangeur, auteur de "Analyser le Jazz", Prix du Livre 2009).

S. Belloir-Miles YzquierdoM. ZaniniBéné & Francis


De gauche à droite: Sébastien Belloir (ECM Records) et Miles Yzquierdo (attachée de presse chez Harmonia Mundi du label World Village). Le toujours jeune Marcel Zanini. Bénédicte et Francis, infatigables et efficaces barmaid et barman d'un soir.  


Logo Académie du Jazz 2009PALMARES 2009

Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année) : Stéphane Guillaume

Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année): Allen Toussaint « The Bright Mississippi » (Nonesuch/Warner)

Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) : Stéphane Guillaume « Windmills Chronicles » (Gemini/Sphinx)

Prix du Musicien Européen (récompensé pour son œuvre ou son actualité récente) : Laurent Blondiau

Prix de la Meilleure Réédition ou du Meilleur Inédit : Stan Getz – Kenny Barron « People Time, The Complete Recordings » (EmArcy/Universal)

Prix du Jazz Classique : Paris Swing Orchestra & André Villeger  « Swingin’ Sidney Bechet » (Black & Blue)

Prix du Jazz Vocal : Roberta Gambarini « So in Love » (EmArcy/Universal)

Prix Soul : Candi Staton « Who’s Hurting Now » (Honest Jons/EMI)

Prix Blues : Billy Boy Arnold - John Primer - Billy Branch - Lurrie Bell « Chicago Blues : A Living History » (Raisin/Socadisc)

Prix du livre de Jazz : Ex-aequo : Laurent Cugny « Analyser le jazz » (Outre Mesure) & Gérard Régnier « Jazz et société sous l’Occupation » (L’Harmattan)

Mention Spéciale : Bo Lindström & Dan Vernhettes « Traveling Blues, The Life and Music of Tommy Ladnier (Jazz’edit, Paris)
Photos: Pierre de Chocqueuse. Outre la photo de groupe, celles de Laurent Cugny avec François Lacharme & Gérard Régnier, de François Lacharme avec Ron Carter & Jean-Pierre Leloir, de Natalie Dessay et de Roberta Gambarini sont de Jean-Marie Legros. Qu'il soit ici remercié. 
          

Partager cet article
Repost0
11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 09:20

Tectonique BandLUNDI 16 novembre

La Tectonique des Nuages proposée dans une version concert pour voix et trois instruments. En partenariat avec le théâtre du Rond Point, l’Association Beaumarchais-SACD l’accueille salle Jean Tardieu et refuse du monde. Normal, l’opéra jazz de Laurent Cugny n’a été joué à Paris que deux fois en avril 2007. C’est peu compte tenu de sa qualité. Je l’ai vu cette année à Nantes (chronique dans ce blog à la date du 10 mai), découvrant un livret relevant du fantastique servi par une Laika-Fatien.jpgmusique enthousiasmante qui fait appel à l’imaginaire du spectateur. J’en découvre une nouvelle adaptation pour trois instruments. Laurent Cugny au piano, Joachim Govin à la contrebasse et Frédéric Chapperon à la batterie accompagnent les voix de David Linx, Laïka Fatien et Yann-Gaël Poncet, et commentent l’action de cette histoire, véritable conte de fées imaginé par José Rivera. Difficile de pallier l’absence des cuivres et des anches (la version concert réunit habituellement dix musiciens), et pourtant, aidé par une section rythmique d’une rigueur admirable, le piano y parvient. L’instrument fait entendre la partition dans son horizontalité et révèle la beauté mélodique des thèmes, la musique, réduite à elle-même, apparaissant en pleine lumière. Laurent lui donne des couleurs et bien qu’elle soit écrite, pensée dans ses moindres détails, il parvient à improviser quelques lignes de blues, s’offre quelques notes bleues, préludes entre des scènes confiées à des chanteurs qui se parlent comme le font de vrais acteurs, passent constamment de la parole au chant et s’investissent dans le jeu scénique. Pour nous permettre de mieux rentrer dans l’histoire, un narrateur (Gaël Lescot) nous prend par la main, nous guide dans cet étrange récit qui doit faire l’objet d’un double CD très attendu en 2010.

 

A. Hervé TrioLUNDI 23 novembre

Chargé de cours à l’amphithéâtre St Germain, le professeur Hervé trouve enfin le temps de poser ses deux mains sur le piano du Duc des Lombards. On ne peut que s’en réjouir. Antoine Hervé, entraîne dans l’aventure ses vieux complices les Moutin Brothers, François à la contrebasse et Louis à la batterie. Difficile de les reconnaître avant qu’ils ne saisissent leurs instruments (Bien que dans le cas de Louis il est difficile de “saisir“ une batterie). Les jumeaux sont comme les Dalton : inséparables. Ils fournissent d’ailleurs un accompagnement personnalisé, “moutinisé“ devrait-on dire, à l’oncle Antoine. Jouant la musique de Monk,Ellington, Mingus à longueur d’année, ce dernier finit par la connaître par cœur. En phase avec sa rythmique, il le prouve avec Think of One de Papa Thelonious. Longs voicings chargés de single notes, accords plaqués, dissonances subtilement introduites au sein d’un discours musical “à la Monk“, le pianiste éprouve visiblement beaucoup de plaisir à réinventer une musique libertaire dont il a parfaitement assimilé les mécanismes. Suivent Antoine Hervéquelques standards, occasions d’en proposer des relectures modernes, de les faire autrement respirer. Ecrit par Eddie De Lange et Louis Alter en 1947 et interprété la même année par Louis Armstrong, Do You Know What It Means to Miss se prête bien à ce piano très mobile qui dialogue avec une contrebasse et questionne une batterie. L’oncle Antoine s’empare avec gourmandise des thèmes pour en explorer l’harmonie. Véloce, il se fait miel dans Seascape, un thème de Johnny Mandel qu’immortalisa Bill Evans. Très en doigts, il aborde avec beaucoup d’élégance My Romance, autre thème célèbre extrait de “Billy Rose’s Jumbo“, une comédie musicale de Richard Rodgers et Lorenz Hart (1935). Mais l’oncle fouille la salle du regard. Il a repéré un confrère musicien à l’étui de saxophone qu’il transporte et l’invite à monter sur scène. Paul Booth (un musicien Anglais) joue du soprano et s’intègre parfaitement au trio dans une belle reprise du Isn’t She Lovely de Stevie Wonder, Antoine Hervé n’hésitant jamais à proposer de nouveaux standards et à dépoussiérer les anciens. Jusqu’au rappel, le trio développe de bonnes idées et achève sa brillante prestation avec une reprise lyrique et émouvante de My Song, un thème aux harmonies superbes de Keith Jarrett que peu de pianistes pensent à jouer.


Cugny, Govin, PieranunziMERCREDI 25 novembre

Enrico Pieranunzi et Laurent Cugny tous deux au piano, une sympathique rencontre arbitrée par le jeune, mais déjà expérimenté Joachim Govin à la contrebasse. Un concert donné à l’occasion de la soutenance de thèse de doctorat en Sorbonne, le matin même, de Ludovic Florin dont on peut lire d’excellentes chroniques dans Jazz Magazine/Jazzman. Sa thèse portant sur la musique d’Enrico Pieranunzi , le maestro s’était déplacé pour marquer l’événement. Laurent faisait partie du jury, d’où l’idée de ce duo avec Enrico au Sunside. A cet effet, le club s’était fait livrer un second instrument. Enrico à gauche, Laurent à droite, Joachim au centre, sa contrebasse en partie dissimulée par les deux tables d’harmonie des instruments placées tête-bêche. D’un commun accord, les deux pianistes ont décidé de ne pas chercher l’affrontement, mais de privilégier la musique. Enrico Pieranunzi, l’un des meilleurs pianistes européens, n’a nul besoin d’exhiber sa technique. La plus belle musique se fait souvent avec peu de notes, une respiration intérieure que reflète une approche harmonique réussie. C’est pourtant une petite pluie de notes perlées que propose d’emblée le Maestro, une mise en doigts qui fait progressivement apparaître une mélodie E. PieranunziJoachim GovinLaurent Cugny n&baux accords presque irréels. Laurent ajoute de la couleur. Soutenu par la contrebasse, le rythme semble naître tout naturellement. Il va et vient, respire, se transforme, se pose le temps de quelques mesures pour mieux se dissoudre et renaître autrement. Les trois hommes improvisent à présent sur la ligne mélodique de Someday My Prince Will Come. Le  morceau s’enrichit de dialogues, courtes phrases chantantes se répondant les unes aux autres, chaque pianiste peaufinant le discours de l’autre. Laurent Cugny fait magnifiquement sonner ses accords, leur donne une ampleur orchestrale et assure un rythme sans faille dans Whispering. Pleine de notes bleues, une ballade extraite de “La Tectonique des Nuages“ séduit par ses accords, la délicatesse de ses harmonies rêveuses. Dans All the things we are, nos deux pianistes s’amusent aussi à se surprendre et portés par la contrebasse improvisent une musique vive et sensible qui met du baume au coeur.


Commission LivresLUNDI 30 novembre

Réunion de la commission livres de l’Académie du Jazz chez André Francis (de gauche à droite sur la photo : le blogueur de Choc, André Francis, Isabelle Marquis, Alain Tomas, Philippe Baudoin et Gilles Coquempot). Cette commission décerne chaque année fin novembre un "prix du Livre de jazz". L’ouvrage primé doit être rédigé ou traduit en français. Il peut s’agir d’une étude, d’une monographie, d’un livre d'art, d’un recueil de photographies, d’un dictionnaire, d’un ouvrage musicologique ou d’une oeuvre de fiction accordant une place centrale au jazz. Une bonne dizaine d’ouvrages intéressants ont ainsi été édités en 2009. En voici la liste. Vous pouvez vous les offrir ou en faire cadeau à vos amis. Parmi eux se cache le Prix du Livre 2009. Il vous faudra patienter jusqu’à la mi-janvier et la remise officielle du Prix au théâtre du Châtelet pour connaître le vainqueur.

Médioni Miles, cover

A. Gerber -“Analyser le jazz“ / Laurent Cugny / Outre Mesure (Passionnant ouvrage d’analyse musicologique)

-“Blues“ / Alain Gerber / Fayard (Le roman de la naissance du blues)

-“Celui qui aimait le jazz“ / Frank Ténot / Fondation Frank Ténot - Editions du Layeur (L’autobiographie de Frank Ténot. Réédition)

-“Le Jazz, des origines à nos jours“ / Lewis Porter, Michael Ullman, Edward Hazell / Outre Mesure

-“Jazz et société sous l’Occupation“ / Gérard Régnier / L’Harmattan (L’indéniable succès du Satchmo, coverjazz sous l’Occupation)

-“Kind of Blue, le Making Of du chef d’œuvre de Miles Davis“ / Ashley Kahn / Le Mot et le Reste

-“Miles Davis“ / Franck Médioni / Actes Sud (80 musiciens parlent du trompettiste. Un recueil d’interviews souvent passionnants)

-“Reaching into the Unknown 1964-2009“ / 141 poèmes de Steve Dalachinsky, 178 photos de Jacques Bisceglia / RogueArt (Les travaux de Bisceglia, photographe des années free)

-“Rendez-vous au P’tit Op’“ / Emilie Lucas-Lapoirie, photos d’Hervé Hascoët / Editions Publibook (Un joli livre de souvenirs sur le club parisien disparu)

-“Satchmo, les carnets de collages de Louis Armstrong“ / Steven Brower / La Martinière Le siècle du Jazz Cover(Les collages du trompettiste, carnets enrichis de lettres, photos et documents d’archives)

-“Le Siècle du Jazz“ / sous la direction de Daniel Soutif / Musée du Quai Branly - Skira – Flammarion (Somptueux et passionnant catalogue de l’exposition jazz 2009)

-“Visiting Jazz, Quand les jazzmen américains ouvrent leur porte“ / Thierry Pérémarti / Le Mot et le Reste (Pour Jazzman, Thierry Pérémarti rencontra chez eux nombre de jazzmen qui firent l’histoire du jazz. Des entretiens intimistes)

-“We Want Miles“ / Vincent Bessières, Franck Bergerot / Textuel - Cité de la Musique / (Le catalogue d’une exposition visible jusqu’au 17 janvier 2010. Un livre rempli de documents exceptionnels)

Ladnier, cover bHors compétition, deux livres en anglais :

-“Traveling Blues, The Life and Music of Tommy Ladnier“ / Bo Lindström & Dan Vernhettes / Jazz’edit, Paris (Un travail de fourmis. Iconographie et impression impressionnantes!)

-“Jade Visions, The Life and Music of Scott LaFaro“ / Helene LaFaro-Fernández (with Chuck Ralston, Jeff Campbell & Phil Palombi / University of North Texas Press (Une biographie détaillée du contrebassiste qui changea le rôle que tenait l’instrument dans le jazz)

Bonne lecture.
Photos © Pierre de Chocqueuse 
Partager cet article
Repost0
17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 11:32

JEUDI 29 octobre

Sonny Rollins à l’Olympia : une salle comble pour l’un des plus célèbres saxophonistes de la planète jazz, un colosse de soixante-dix-neuf ans toujours capable d’enthousiasmer son public par l’intensité de ses concerts. Un peu voûté, Theodore Walter Rollins peine à traverser la vaste scène et gagner la place qui lui est assignée. Son instrument embouché, l’homme se redresse pour souffler à pleins poumons un torrent de notes festives et colorées. Rollins a lancé un thème riff dont il suit et ornemente la ligne mélodique. Clifton Anderson au trombone et Bobby Bloom à la guitare ajoutent des ponctuations, mais Rollins reste le boss et affirme son autorité. Veste blanche, chemise et pantalon noir, il capte les regards, monopolise l’attention et envoûte dès le premier thème dont il est le seul soliste. Une ballade abordée sur tempo medium lui offre une nouvelle occasion de faire chanter son ténor. Le trombone assure les contre-chants. La guitare s’offre un chorus, puis le trombone, Rollins n’arrêtant pas pour autant de souffler. Dans Somewhere, un extrait du “West Side Story“ de Leonard Bernstein, Rollins fatigue un peu et laisse la guitare s’envoler après l’exposition du thème. Il récupère grâce à la complicité de Kobie Watkins son batteur, véritable métronome garant du tempo avec lequel il dialogue, échange dans lequel s’invite Victor Y.See Yuen aux percussions. Les deux hommes se parlent, se répondent sous l’égide d’un saxophone qui commente et relance. La section rythmique tourne alors à plein régime (Bob Cranshaw toujours impérial à la basse électrique ajoute de l’épaisseur à la musique) et Rollins attaque un morceau rapide dans lequel s’instaure une longue conversation avec son tromboniste. Une magnifique version de Over the Rainbow lui permet de récupérer. Ses musiciens improvisent à tour de rôle, Rollins reprenant le thème avec Clifton Anderson pour le conclure. Après vingt minutes d’entracte, le saxophoniste ragaillardi s’offre un immense chorus et pousse son batteur à répondre à ses phrases chantantes, à une sonorité resserrée par le poids des ans, mais toujours généreuse. Arc bouté sur son ténor, à l’extrême bord de la scène, il s’offre une valse et un bain de lyrisme. Le trombone lui fournit un léger contrepoint, mais Rollins garde de bout en bout le contrôle du morceau. Même chose, pendant toute la durée du rappel, un calypso brûlant. Rollins affectionne le genre. La famille de sa mère est originaire des îles Vierges et il en joue un à chaque concert, occasion de danser et de faire danser, d’aller jusqu’au bout de lui-même.

JEUDI 5 novembre

Séduit par l’écoute de “Starbound“, premier enregistrement sur Pirouet du saxophoniste belge Robin Verheyen, j’assiste au concert que ce dernier donne au Duc des Lombards avec les musiciens qui jouent sur son album. Bill Carrothers, Nicholas Thys et Dré Pallemaerts ne se contentent pas de l’accompagner. Ils forment un véritable groupe et enrichissent avec classe et personnalité la musique par des improvisations brillantes, des rythmes d’une grande souplesse. Agé de 26 ans, le saxophoniste séduit également par la beauté étrange de ses compositions, des pièces dans lesquelles il propose de véritables thèmes. Robin Verheyen passa un an à Paris avant de s’installer à New York en 2007. Avec le Belfin Quartet, groupe de musiciens finlandais et belges, il gagnait en 2006 le prix de la meilleure composition au Festival de la Défense. Peu de monde au Duc pour découvrir le contenu d’un album attachant, des morceaux oniriques aux harmonies flottantes qui conviennent bien au piano intimiste de Carrothers. Ce dernier nous fait voir le bleu du ciel dans The Flight of the Eagle, belle pièce dédiée à Krisnamurti. S’adaptant à toutes les situations, Bill joue des accords étranges, des notes inattendues. Discombobulated (qui se désagrège), un morceau de sa plume, mais aussi le thème chantant d’On the House, presque un gimmick, lui fait jouer de beaux voicings dans lesquels des accords de bop sont enrichis de dissonances inhabituelles. Abordé sur tempo rapide, On the House offre aussi de belles envolées de saxophone. Robin Verheyen joue surtout du soprano, en tire un son suave et velouté. Robin utilise aussi le saxophone ténor et c’est sur cet instrument qu’il aborde la pièce maîtresse de son nouveau disque, le troublant Lament pièce largement interactive et modale qui fourmille d’idées mélodiques et permet à la section rythmique de travailler tout en finesse.

LUNDI 9 novembre

On attendait le trio DAG (Sophia Domancich, Jean-Jacques Avenel, Simon Goubert). Avenel indisponible, c’est le quartette de Simon, avec Michel Zenino à la contrebasse et Boris Blanchet aux saxophones ténor et soprano, et bien sûr Sophia au piano qui occupe le Sunside pour d’autres sensations, une musique dans laquelle un piano rêveur et souvent minimaliste trouve sur sa route un ténor puissant et volubile, musique de contrastes dans laquelle l’imprévu a sa place. Boris Blanchet tire de son ténor des notes suaves et brûlantes et pimente un jazz souvent modal ouvert aux dissonances que le piano aère. Sophia Domancich prend des chorus brillants et inventifs. Parfaitement équilibrées, ses phrases chantent et respirent. Le piano accompagne, envoûte par un ostinato hypnotique. La rythmique encadre avec fluidité et souplesse, peut doubler brusquement un tempo, jouer ternaire ou déployer une entière liberté métrique. La solide contrebasse de Michel Zenino brode subtilement les lignes mélodiques de Question de temps. Simon Goubert fouette ses cymbales dans Geo Rose, un thème de Tony Williams. Ses partenaires mènent ailleurs ses belles compositions (Marvin et Diana), les colorent, imaginent les nouvelles notes d’une musique ouverte qui ne manque pas de panache.

MARDI 10 novembre

Nantes : David Murray au Grand T avec un groupe de dix musiciens cubains pour faire revivre Nat King Cole, ses albums en espagnol qui firent connaître le chanteur dans tous les pays de culture hispanique. Les concerts prévus en Espagne et en Italie annulés pour des raisons budgétaires, les cordes et le chanteur initialement prévus manquant à l’appel, David Murray a donc confié le répertoire de Cole aux instruments mélodiques de sa formation. Trombone (Denis Cuni), saxophones (Roman Filiu à l’alto et Ariel Bringuez au ténor) et l’un des deux trompettes (Silverio Puentes Avila ou Dennis Hernandez Hernandez) assurent souvent les riffs. David Murray donne à tous ses musiciens la possibilité de s’exprimer en solo. Il dispose d’un excellent pianiste, Ivan Gonzalez Lewis pour jouer des voicings aux harmonies colorées et parfois dissonantes et d’une solide section rythmique. Aux congas, Yusnier Sanchez Bustamente fait merveille. A la batterie, Georvis Pico Milian assure brillamment le tempo. A la contrebasse, Reinier Elizarde étonne par la richesse de ses lignes mélodiques. Très directif, Murray ne parvient pas toujours à éviter les ensembles de flotter. Ses musiciens n’ont guère eu le temps de répéter les morceaux et leur jeu collectif manque parfois de précision. Ils jouent toutefois avec beaucoup de cœur une musique festive et généreuse. David Murray véhicule toute l’histoire du jazz dans son saxophone. Que ce soit au ténor ou à la clarinette basse, il attaque ses notes avec véhémence et utilise tout le registre de ses instruments. Il peut gronder comme l’orage ou souffler du miel, jouer des phrases chaudes et sensuelles qui s’enroulent autour des mélodies ou éructer des dissonances. Musicien complet, il nous offre en quartette une superbe version de No Me Platiques, l’orchestre terminant sa prestation sur le très beau Aqui Se Habla en Amor. Un rappel : Quizas, Quizas, Quizas acclamé par un public rien de moins qu’enthousiaste.
Photos © Pierre de Chocqueuse
  
Partager cet article
Repost0
6 novembre 2009 5 06 /11 /novembre /2009 11:15

JEUDI 15 octobre

Carte blanche à Kirk Lightsey au Duc des Lombards. Le pianiste choisit d’inviter Ricky Ford qui, dans une forme inhabituelle, crée la surprise. Chapka turque vissée sur la tête, le saxophoniste sculpte des notes brûlantes, les étrangle. La phrase est emportée jusqu’au bout du souffle, avec tendresse et violence. Le son dense, volumineux de son ténor couvre une large tessiture avec une égale puissance. Imperturbable et le blues dans les doigts, Lightsey trempe la musique dans un grand bain de swing et caresse ses notes pour mieux les faire danser. Elles prennent aux tripes, au cœur et font rêver, mais Ford déploie une énergie titanesque dans des improvisations intenses et accapare l’attention. L’homme se donne à fond, vide son grand sac de notes et quitte la scène ses chorus achevés, après avoir soufflé le contenu entier de ses gigantesques poumons. Kirk Lightsey doit conclure les morceaux en trio. Sangoma Everett semble toujours autant s’amuser derrière sa batterie. Très demandé pour la grande précision de ses lignes de contrebasse, Darryl Hall assure avec lui une assise rythmique solide, mais propose aussi ses propres commentaires mélodiques. Une soirée coup de poing pour le moins inattendue.

LUNDI 19 octobre

Harold López-Nussa trio au New Morning dans le cadre du Carefusion Jazz Festival de Paris. Lauréat de la prestigieuse “Montreux Jazz Solo Piano Competition“ en 2005, ce jeune pianiste de 25 ans résidant à La Havane est l’accompagnateur régulier de la chanteuse cubaine Omara Portuondo, la diva du Buena Vista Social Club. Felipe Cabrera, le contrebassiste de son trio, joue également avec elle. Ruy Adrian López-Nussa, le frère d’Harold, complète le groupe à la batterie. Un concert largement consacré à “Herencia“ (Planète Aurora/Harmonia Mundi), premier disque de cette jeune formation enregistré en mars dernier au Studio Recall près de Nîmes par Philippe Gaillot. Harold López-Nussa en a composé la plupart des morceaux. Celui qui lui donne son titre, Herencia (Héritage) est une ballade aux notes très pures. Johann Sebastian Bach se rappelle à notre souvenir dans Los Tres Golpes qui n’en reste pas moins une fantaisie afro-cubaine. Une douzaine d’années passées à étudier le piano classique laisse des traces. Harold se consacre totalement au jazz depuis cinq ans. Danses d’origine africaine, rumba, son, guaguanco (rumba lente propre aux Provinces de La Havane et de Matanzas) font partie de sa culture. Leurs rythmes et leurs couleurs nourrissent son piano et ses compositions. San Leopoldo demande une mise en place très précise. Les solos de batterie de Ruy Adrian, le « petit frère » soulèvent l’enthousiasme. Le trompettiste Mayquel Gonzalez se joint au trio dans  Saudade, une ballade lumineuse, et Pa’Philippe, une danse solaire aux arômes épicés. On suivra de près Harold López-Nussa digne héritier des Chucho Valdes et Gonzalo Rubalcaba, capable d’émouvoir en solo (Mama dédié à sa mère), un véritable espoir du piano cubain.

La photo de groupe a été prise dans la loge du New Morning. De gauche à droite : Harold López-Nussa, Ruy Adrian López-Nussa, Philippe Gaillot et Felipe Cabrera.

MARDI 20 octobre

Le CareFusion Jazz Festival se déplace au Duc. Le pianiste Vijay Iyer s’y produit pour la première fois avec les fidèles musiciens de son trio, Stephan Crump à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie. Leur précédent concert parisien remonte au 13 février. J’ai en rendu compte dans ce blog, ne ménageant pas mes louanges à leur musique particulièrement inventive, à un pianiste qui n’a pas peur de ne pas jouer comme les autres. Je m’attendais à un concert volcanique comme celui du Sunside, il n’en fut rien. Les trois hommes choisirent d’organiser le foisonnement de notes qui naissaient sous leurs doigts, de sculpter la pâte sonore épaisse de leur musique pour mieux en souligner les aspects mélodiques. Vijay Iyer hypnotise toujours par ses accords répétitifs, longs ostinato qui permettent à la contrebasse et à la batterie d'installer un tissu rythmique très dense. Vijay Iyer montra ce soir-là un autre visage, joua un piano moins percussif après un premier concert plus tumultueux à 20 heures. Invité inattendu, Steve Coleman monta sur scène dès le troisième morceau pour y mettre le feu, son saxophone apportant à la musique un poids de notes sauvages et agressives, le trio enivrant par ses cadences inhabituelles, ses mélodies fugitives, abstraites et dissonantes. En duo avec Coleman, Iyer aborda Round Midnight de façon très lyrique, son piano souvent sage surprenant un public guettant l’inattendu, la musique de ce concert ressemblant davantage aux belles pages lentes de “Tragicomic“ le superbe avant-dernier album du pianiste, que de celles du tonique “Historicity“, manifeste d’un jazz neuf et vraiment différent.

MERCREDI 21 octobre

Denise King au Duc. Je connais mal cette chanteuse de Philadelphie que les parisiens ont pu écouter naguère à La Villa rue Jacob. Rencontré il y a quelques jours, Olivier Hutman m’a vivement conseillé d’assister à son concert. Il a été son pianiste, lorsqu’elle s’est produite dans le défunt club de la rue Jacob et me vante ses qualités vocales impressionnantes. Dotée d'une voix puissante et chaude, Denise King chante le blues comme nulle autre. Elle aborde avec un bonheur égal le jazz et la soul dans un répertoire éclectique qui semble lui avoir été taillé sur mesure. Song for My Father d'Horace Silver séduit par son découpage rythmique funky ; abordé sur tempo médium, Take the A Train bénéficie d’une mise en place impeccable ; lent et majestueux, Summertime donne le frisson. Servie par le piano magique d’Olivier Hutman qui apporte une grande gamme de couleurs, trouve toujours les accords et les notes qui conviennent le mieux au miel de sa voix, Denise King chante aussi At Last immortalisé naguère par Ella Fitzgerald et Etta James. Swing, phrasé et diction impeccable, feeling gros comme une montagne, on souhaiterait des disques de la dame sur le marché français. Il n’y en a pas. “Fever“, son dernier enregistrement (2007) est même introuvable.

Avec Dany Michel qui naguère programma Denise King à La Villa, nous marchons jusqu’au New Morning afin d’écouter Jeff “Tain“ Watts. Le batteur, un des meilleurs de la planète jazz, rassemble autour de lui Jean Toussaint au saxophone ténor, David Kikoski au piano et James Genus à la contrebasse. Ne composant pas, il emprunte son répertoire aux autres, joue un jazz moderne trempé dans le blues. Malheureusement il en fait trop : ses bras puissants martèlent ses tambours, mitraillent ses cymbales et la musique ressemble à une exhibition de savoir faire. Couverte par la batterie, la contrebasse n’est pas toujours audible. David Kikoski joue bien des notes inutiles. Dommage, car Jean Toussaint, excellent, prend de bien beaux chorus. Je garde en mémoire un thème de Thelonious Monk très enlevé, joué avec une passion et une musicalité que l’on aurait aimées plus présentes au long de cette soirée.
Photos © Pierre de Chocqueuse

Partager cet article
Repost0
27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 10:12

MERCREDI 14 octobre

Merveilleuse soirée passée au Théâtre du Châtelet. La compagnie sud-africaine Isango Portobello donne une relecture colorée et jubilatoire de “La flûte enchantée“ du grand Mozart, avec des chanteurs et des chanteuses découverts dans des townships – Trente trois musiciens acteurs et danseurs. Certains d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds dans un théâtre. Mozart composa son opéra en allemand, acte idéologique fort car, en choisissant cette langue, il le destinait à un public bourgeois ou populaire. Interprétée par des artistes d’une autre culture cette “Flûte enchantée“ (“Impempe Yomlingo“) chantée en anglais, en xhosa et dans d’autres dialectes africains, s’adresse également à un public plus large que celui de l’opéra traditionnel. La musique de Mozart est jouée par douze marimbas à touches noires qui offrent de nombreuses nuances sonores. Dirigée par Mandisi Dyantis qui est aussi un des musiciens de l’orchestre, l’Ouverture, fidèlement restituée, constitue une véritable performance sur le plan des timbres. L’instrument accompagne traditionnellement les fêtes dans plusieurs pays du sud de l’Afrique et sa sonorité boisée et chantante hypnotise. L’instrumentation fait également appel à des tambours. Une trompette se substitue à la flûte, et des bouteilles en verre remplacent le jeu de clochettes (glockenspiel) de la partition originale. Dignes des meilleurs ensembles de gospel, les chœurs donnent de grands frissons. Les voix, chaudes, sensuelles, puissantes, subjuguent par leurs couleurs. Les musiciens dansent et jouent pieds nus avec un naturel confondant. Mark Dornford-May, metteur en scène de cette étonnante version africaine de la “Flûte enchantée“, l’a choisie pour ses similitudes avec les rites d’initiations de sa propre culture - épreuves de purification par l’eau et le feu - , et certains contes sud-africains. Dans l’un d’entre eux, un conte tsonga, un être courageux doit entreprendre l’ascension d’une montagne et y jouer de la flûte afin d’empêcher les oiseaux ndlati de provoquer la foudre. Dans l’opéra de Mozart, l’action se déroule en Egypte et emprunte de nombreux éléments du rituel maçonnique. Le compositeur utilise abondamment le chiffre trois dans son opéra – les trois accords de mi bémol majeur (avec trois bémols à la clé) de son ouverture, mais aussi les trois dames voilées envoyées par la Reine de la nuit à Tamino, les trois jeunes garçons qui le guident, les trois portes du Temple de la sagesse et les trois obsessions de Papageno : boire, manger et trouver une femme. Né dans les townships et créé en 2007 au Baxter Theatre de Cape Town, “Impempe Yomlingo“ a été présenté avec succès à Londres (au Young Vic puis au Duke of York Theatre), Dublin, Tokyo et Singapour. Opéra de contrastes (entre masculin et féminin, lumière et obscurité), porteur d’un message philosophique, il s’adresse à toutes les cultures et soulève l’enthousiasme.

Crédits photographiques: Tamino jouant de la flûte ; Papagena & Papageno; Pamina et les trois esprits © Isango Portobello - Groupe avec Tamino © Marie-Noelle Robert.  

Partager cet article
Repost0
15 octobre 2009 4 15 /10 /octobre /2009 09:48

JEUDI 24 septembre

Présentation au Duc des Lombards de leur saison 2009/2010. Responsable de la programmation du club, Jean-Michel Proust nous annonce des concerts alléchants. Lonnie Smith en trio, Diane Schuur, le trio de Stéphane Kerecki avec Tony Malaby, Antoine Hervé avec François et Louis Moutin, Lee Konitz et Curtis Stigers sont attendus en novembre. James Moody, Butch Warren, Mark Murphy, Curtis Fuller, le Charlie Haden Quartet West, Yaron Herman, Enrico Pieranunzi, Jean Michel Pilc avec Billy Hart doivent se produire au Duc les prochains mois. Le concert qui suivit le cocktail de presse m’incita à rester. Le Jean Toussaint – Sangoma Everett Quartet réunit quatre personnalités indéniables qui s’investissent profondément dans leur musique, du bop moderne, hard ou lyrique selon l’humeur des musiciens et le répertoire abordé. Méconnu, Jean Toussaint est un des géants du saxophone, l’un des rares ténors à posséder un son et qui raconte une histoire sur son instrument. L’homme a fait ses classes au sein des Jazz Messengers d’Art Blakey. Il joue excellemment de suaves lignes mélodiques, connaît parfaitement l’histoire de cette musique et la trempe dans le blues de manière tout à fait naturelle. S’il sort des notes chaudes et colorées, souffle des attaques profondes et utilise tout le registre de son instrument, Jean Toussaint n’est pas seul à assurer le leadership de ce quartette. Au piano, Kirk Lightsey place de judicieux accords avec une grâce toute féline. Loin de se laisser déborder, il assure un piano funky, joue des rythmes que n’aurait pas désavoué Horace Silver. Le drumming très physique de Sangoma Everett et la solide contrebasse de Riccardo Del Fra assurent un tempo sans faille. Portés par nos quatre mousquetaires, le splendide Vera Cruz de Milton Nascimento et deux compositions de Wayne Shorter aux harmonies flottantes, Mahjong et Pinocchio firent l’objet de versions mémorables. Jean Toussaint sort un magnifique recueil de concerts (“Paris & London Live Sessions“) le 5 novembre sur Space Time Records. Prêtez-y deux oreilles attentives.

 VENDREDI 2 octobre

Daniel Humair fête ses cinquante ans de carrière au Théâtre du Châtelet. L’événement attendu combla nos espérances, et malgré l’absence de musiciens dont l’emploi du temps rendait impossible leur présence, le concert souvent enthousiasmant enchanta un public exigeant. Divisé en deux parties, il commença confus, la contrebasse puissante de Jean-Paul Celea couvrant le piano de François Couturier. Les responsables de la sonorisation firent vite le nécessaire et la musique de Benjamin Britten devint audible, tout comme celle, fort belle, de l’Adagietto de la 5ème symphonie de Gustav Mahler, pièce superbement jazzifiée par les trois hommes, les thèmes partiellement empruntés au répertoire classique, servant une musique raffinée. Après Canticle, une composition de John Surman introduite habilement par la contrebasse, le trio devint quartette avec Louis Sclavis, pour jouer une musique plus abstraite, le clarinettiste lui apportant un flux de notes sauvages et agressives. La tempête se dissipa pour accueillir l’Allegretto de la 7ème symphonie de Beethoven et une jolie ballade dans laquelle François Couturier glissa un chorus de piano aux notes tendres et romantiques. Daniel accueillit son Baby Boom après l’entracte, plantant ses tambours de guerre dans une musique aventureuse, véritable laboratoire musical plein de fantaisie. Avec Christophe Monniot et Matthieu Donarier aux saxophones, Manu Codjia à la guitare et Sébastien Boisseau à la contrebasse, Daniel s’amuse à se surprendre. Le batteur aime jouer avec eux des compositions ouvertes, tissu de propositions en gestation constante et ne se répétant jamais. Improvisations free, volcaniques ou d’un grand lyrisme, les timbres deviennent couleurs et les bruits se font notes pour chanter Mood Indigo de Duke Ellington, l’un des grands moments de la soirée. Après une version décoiffante d’Akagera, jungle sonore nous ramenant à la grande époque du trio Humair, Jeanneau, Texier, le batteur rappela Jean-Paul Celea pour quelques morceaux en trio avec John Scofield. Ce dernier possède un son et un phrasé bien à lui. Sa guitare parle le langage du blues et du gospel. Lonely Woman et un traditionnel dont le titre m’échappe témoignèrent de l’opportunité de cette rencontre qui s’acheva comme le veut la tradition par une jam session finale. Sur scène, trois saxophones, deux guitares, deux contrebasses et un piano chantèrent le blues, firent danser des tourbillons de notes multicolores. J’allais oublier Daniel jubilant et heureux derrière ses caisses. Un sacré jubilé !

VENDREDI 9 octobre

Elise Caron et Lucas Gillet au Triton. Bien que d’accès facile en métro, Les Lilas n’est pas tout près du Paris d’où je viens, mais pour Elise, on traverserait la Manche à la nage. J’avais très envie d’entendre live “A Thin Sea of Flesh“, magnifique recueil de poèmes de Dylan Thomas mis en musique par Lucas Gillet. Publié au printemps dernier, l’album distille un charme irrésistible. Sur la scène du Triton, les couleurs superbes de l’album furent parfaitement restituées par Elise, Lucas (au piano et aux synthétiseurs) et cinq autres musiciens (David Aubaile, claviers et flûte ; Fernando Rodriguez, guitare ; Jean Gillet, basse électrique ; Pascal Riou, batterie ; Thomas Ostrowiecki, batterie), Phil Reptile à la guitare rejoignant le groupe à la fin du concert. Cette “mise en mélodie“ commence par un long prélude instrumental installant une ambiance, la musique bénéficiant d’arrangements étudiés. In the Beginning : percussions et batterie installent un rythme qui prend chair avec la voix qui chante et déclame une poésie très musicale. Les morceaux exigent une grande précision tant instrumentale que vocale et font beaucoup penser à la pop anglaise des années 70. On entend Henry Cow, John Greaves, Caravan, National Health, mais aussi Genesis (The Tombstone Told When She Died) dans les orchestrations colorées de Lucas Gillet, étranges comptines aux textes obscures et hermétiques. Elise envoûte par une voix chaude et sensuelle. Sa tessiture lui permet de chanter sur plusieurs octaves, d’exprimer une large palette d’émotions. Elle peut aussi chanter du jazz et ceux qui la découvriront dans "Un soir au Club", un film de Jean Achache dont elle est l'actrice principale (sortie le 18 novembre) risquent d’être surpris par le phrasé qu’elle adopte et maîtrise. Sa voix répond à la flûte de David Aubaile dans The Force that Through the Green Fuse, et au piano de Lucas Gillet dans le très beau The Hunchback in the Park, un souvenir d’enfance de Dylan Thomas. Deux pièces sont particulièrement réussies : Paper and Sticks, seul texte réaliste de Thomas qui, de ce fait, voulait l’exclure de ses œuvres complètes, et And Death Shall Have No Dominion (le morceau préféré d’Elise). Introduit par un hang, sphère de métal sonnant comme un steeldrum, les instruments entrent progressivement habiller un thème magnifique. Les accords rêveurs d’une guitare enveloppent délicatement une voix très pure qui fait battre le cœur.
Photos © Pierre de Chocqueuse
Partager cet article
Repost0
1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 10:30

MARDI 22 septembre

La nuit du Jazz Turc. Difficile d’assister à tous les concerts que proposent ce soir-là les clubs de la rue des Lombards. Initialement prévu à 20 heures, celui du Murat Öztürk trio est repoussé à 21 heures 15. Je commence donc mon périple musical par le Sunside qui accueille une légende. Aydin Esen ne s’est pas produit en France depuis plusieurs années. En 1989, il arrive à Paris avec son sac à dos, participe à la première édition du Concours International de Piano Martial Solal et le remporte à la surprise générale. Personne ne connaît alors ce pianiste né à Istanbul en 1962. Douze ans d’étude au conservatoire de sa ville natale qu’il complète à Berklee et à la Juilliard School lui assure un solide bagage technique. François Lacharme s’empresse alors de lui faire enregistrer un disque en trio chez JMS. Aydin tient également le piano dans “Edges“, un opus de Daniel Humair pour Label Bleu. Sa grande affaire reste “Anadolu“ enregistré à New York en 1992, un disque qui rassemble de formidables musiciens (Jon Faddis, Dave Liebman, Bob Mintzer, Dave Holland, Peter Erskine) et démontre le talent d’arrangeur du pianiste compositeur. En 2000, Aydin enregistra un superbe album en trio avec Miroslav Vitous et le batteur Vinnie Colaiuta. Universal ne jugea pas opportun de le sortir en France. La musique qu’il contient n’est guère éloignée de celle qu’il nous fit entendre au Sunside. A la basse électrique, Selcuk Karaman n’a certes pas l’étoffe de Vitous, mais l’énergie que dégage le trio est pour le moins impressionnante. Aydin Esen enthousiasma par ses voicings de rêve. La main gauche ne quitte guère le clavier du piano et fait entendre un ostinato envoûtant, la droite virevolte et joue divers synthés qui donne des couleurs à la musique. Possédant un toucher extrêmement fin, il contrôle parfaitement l’attaque et la résonance de ses notes. Ses harmonies délicates enrichissent un jeu souvent rythmique que drive avec bonheur Volkan Oktem à la batterie.
Le set terminé – une bonne heure de musique inventive et surprenante - , je cours au Duc écouter Murat Öztürk. Né en Lorraine en 1973 d’un père turc et d’une mère italienne, le pianiste a suivi les cours de piano de la Bill Evans Piano Academy de Paris et a enregistré deux albums passés inaperçus. Mieux produit et contenant d’excellentes compositions, le troisième risque de le faire connaître à un public plus large. Murat joue un piano souvent modal aux harmonies raffinées, fait entendre peu de notes, mais les choisit avec goût. Il s’entend très bien avec la contrebasse chantante et mélodique de Gautier Laurent. Son batteur Olivier Strauch joue par contre un peu fort compte tenu de l’approche minimaliste du piano, un jeu tout en douceur dans lequel compte la moindre nuance. Murat nous offrit  quelques morceaux de son nouveau disque - un Fog’s Frog Blues très réussi, une version de Crossing my Bridge un peu décevante par rapport à celle, miraculeuse, de l’album – , mais aussi Soyle
, morceau qui donne son nom à un premier opus de jeunesse. On suivra attentivement la carrière de ce musicien attachant.
Photos © Pierre de Chocqueuse
Partager cet article
Repost0
24 septembre 2009 4 24 /09 /septembre /2009 12:04

VENDREDI 11 septembre

Jazz à la Villette : Jacky Terrasson et Hank Jones en solo interpellent. Le concert que le premier donna à Marciac cet été avec son nouveau trio, deux jeunes musiciens qui portent le même nom mais ne sont pas de la même famille (Ben Williams à la contrebasse et Jamire Williams à la batterie) fut stupéfiant. A la Villette, face à face avec lui-même, il se contenta d’être bon. Possédant expérience, énergie et technique, le pianiste ne peut donner un mauvais concert, et passés les laborieux premiers morceaux, nous eûmes droit à d’excellents moments, Jacky retrouvant son piano, son jeu très physique, pour un magnifique calypso, un blues plein de notes bleues, une ballade mémorable. Dans sa loge, il me confia n’avoir pas aimé le Steinway au touché très dur de la Villette. L’instrument n’a nullement dérangé Hank Jones, 91 ans, mémoire vivante de l’histoire du jazz. L’aîné des frères Jones joue un piano en voie de disparition. A lui seul, son jeu est une synthèse d’Art Tatum et de Fats Waller, ses premiers modèles, mais aussi de Teddy Wilson, Earl Hines, Nat « King » Cole et Bud Powell. Hank ne joue pourtant pas de bop, même lorsqu’il reprend Thelonious Monk et Wes Montgomery. Son piano allège et condense les styles de ces pianistes. Un sens harmonique de l’accord le conduit à un jeu linéaire et transparent, sobre et parcimonieux. Contrairement à Jacky Terrasson, il économise ses gestes. Ses mains seules trahissent le mouvement. S’il éprouve une certaine difficulté à se déplacer, il est en pleine possession de ses moyens derrière son piano. Il s’accorde toutefois une courte pause entre chaque morceau, récupère en prenant le temps de citer le titre du standard qu’il va jouer. Ceux qu’il reprend ont pour nom Bluesette, A Child is Born, Skylark, Stella by Starlight, Body and Soul, Twisted Blues, In a Sentimental Mood, On Green Dolphin Street, ‘Round Midnight… Les versions concises qu’il en donne dépassent rarement les trois minutes. Hank fait respirer chaque note, fait sonner clairement chaque accord. Ses improvisations élégantes suivent toujours la ligne mélodique. Le rythme est léger balancement. Deux mains parfaitement complémentaires tirent de ces thèmes leur suc quintessenciel.

Hank Jones se produira en trio avec George Mraz à la contrebasse et Martijn Vink à la batterie le samedi 10 octobre à 20h30 au TNT de Toulouse dans le cadre du Festival Jazz sur son 31. http://www.jazz31.com


MERCREDI 16 septembre

Fly au Sunside, un trio pas comme les autres. A parité égale avec le saxophoniste Mark Turner, Larry Grenadier à la contrebasse et Jeff Ballard à la batterie défrichent et explorent de nouveaux espaces de liberté. Ici pas de leader, mais trois musiciens qui rendent sensibles des compositions complexes sur un plan harmonique et rythmique, des morceaux tout à la fois abstraits et d’une grande douceur. Le discours est intimiste, une conversation amicale entre trois instruments qui combinent leurs timbres et obtiennent une sonorité de groupe parfaitement identifiable. Mark Turner joue du soprano, mais c’est surtout au ténor qu’il affirme sa personnalité. Il utilise fréquemment le registre aigu de l’instrument, souffle de longues phrases lyriques et tranquilles. Jeff Ballard possède une frappe sèche, des tambours un peu graves, des cymbales au son plus mat que cristallin. L’épais tissu rythmique qu’il tisse avec la contrebasse ronde et boisée de Larry Grenadier peut très bien se suffire à lui-même, fonctionner de manière autonome. Véloce, Grenadier détache ses notes avec puissance et autorité. Sa contrebasse parle, chante, danse, commente, ancre la musique dans le groove. L’homme peut assurer une simple pédale ou tenir un langage d’une grande richesse mélodique. Sky & Country, Lady B, Super Sister et une version étonnante de Mad About the Boy, ballade écrite par Noël Coward, occupent l’espace du premier set. Les musiciens concentrés s‘écoutent en permanence et multiplient les échanges, véritables sauts dans l’inconnu qu’autorise une parfaite connaissance de l’harmonie. La  musique riche et profonde  d’un groupe novateur.
Photos © Pierre de Chocqueuse
Partager cet article
Repost0