8 juillet 2009
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LUNDI 22 juin : une voix en or
Austin
O’Brien m’invite au Caveau de la Huchette pour un concert de présentation de “Dualité“, son second disque. Je ne connais pas le premier album de ce chanteur irlandais installé en France dans
les Hautes-Pyrénées depuis quatorze ans. Je n’ai jamais entendu chanter ce grand gaillard au visage sympathique, mais me laisse tenter par une invitation annonçant ses musiciens : Philippe
Duchemin, Pierre Boussaguet et André Ceccarelli. « J’ai rencontré Austin alors que je jouais en duo dans un club parisien… J’ai vu arriver un personnage haut en couleur avec son
chapeau et son look du nord… Il me demanda si j’acceptais de jouer un morceau avec lui et nous avons enchaîné quelques standards. J’ai tout de suite apprécié son placement naturel, ce phrasé qui
fait que l’on est ou non chanteur » écrit Philippe Duchemin dans les notes de pochette de ce nouvel opus d’Austin, un disque en duo dont
il est le pianiste et l’arrangeur. Austin O’Brien a une voix chaude et
puissante. On pense à Mel Tormé et à Tony Bennett sur le plan du timbre, de la couleur. Trempés dans le swing les mots qu’ils façonnent bénéficient d’une articulation parfaite, son
français restant toutefois teinté par un léger accent. “Dualité“ contient quelques standards, des mélodies écrites par Philippe sur lesquelles Austin a écrit des paroles, et des originaux de ce
dernier. Le pianiste accompagne avec finesse le chanteur, rythme sa voix, la prolonge par des chorus bien sentis. Sur scène, avec Boussaguet à la contrebasse et Ceccarelli à la batterie, Duchemin
peut approcher harmoniquement la musique, lui donner d’autres couleurs. Elles manquent à cet album de facture classique un peu trop monochrome, mais d’une sincérité
attachante.
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VENDREDI 26 juin : Carmen revient au pays
Longue nouvelle de Prosper Mérimée écrite en 1845 et publiée deux ans plus tard, “Carmen“ fut créée à l’Opéra Comique de Paris en 1875. L’auteur de la musique, Georges
Bizet, n’a plus que trois mois à vivre. Il décède la même année d’un abcès à la gorge à l’âge de trente-sept ans, persuadé de l’échec de son opéra. Mal accueillie par les critiques parisiens,
l’œuvre va pourtant triompher à Vienne avant de conquérir Madrid en 1876, New York en 1878 (en version italienne), et d’être redonnée victorieuse à Paris en 1883. Le cinéma s’en empare très vite.
Acteur de théâtre, Cecil B. DeMille réalise ses premiers films en 1914 et adapte “Carmen“ un an plus tard. La plus grande soprano de l’époque, Géraldine Farrar, en est la vedette.
Projetée la première fois au Symphony Hall de Boston le 1er octobre 1915, la “Carmen“ de DeMille accompagnée d’un montage sonore de la musique de Bizet, est la première d’une longue série. Raoul
Walsh en tourne une la même année (éclipsée par celle de DeMille, il la refait en 1927 sous le nom de “The Loves of Carmen“). Ernst Lubitsch, Jacques Feyder,
Christian-Jaque, Otto Preminger (“Carmen Jones“ en 1954), Carlos Saura et Francesco Rossi s’y attèlent avec plus ou moins de réussite.
La
“Carmen“ de Cecil B. DeMille, fait aujourd’hui l’objet d’une nouvelle création musicale. Directeur artistique du nouvel Orchestre National de Jazz, Daniel Yvinec l’a confiée
aux dix jeunes musiciens qui en sont membres, chacun d’eux se chargeant d’une séquence du film découpé en dix tableaux. C’est à l’Opéra Comique, salle Favart, à l’endroit même où fut créée la
“Carmen“ de Bizet, que l’orchestre présentait pour la première fois cette nouvelle partition. De rares interventions du guitariste chanteur flamenco Bernardo Sandoval la rattache peu à la
culture hispanique. Bizet n’est pas non plus convoqué dans cette musique moderne et neuve qui parvient toujours à coller aux images qu’elle illustre. Présent tout au long de la projection (le film
dure 59 minutes), colorant
l’œuvre d’une grande variété de timbres,
Benoît Delbecq contribue beaucoup à cette féerie musicale. Avec lui, Carmen la bohémienne séduit ses amants sur une trame sonore de musique concrète et improvisée, danse sur des sons
surprenants. Le pianiste enrichit la partition de modulations inattendues, lui donne un aspect ouvert et mouvementé. Sauvage (la bagarre entre les deux femmes à la fabrique de cigarettes),
abstraite, funky (l’intermède du camp des gitans), la musique trouve une unité grâce aux images qu’elle suit tout en lui offrant une
bande-son volontairement décalée. On retient la belle trompette qui s’élève du
repaire des gitans, le chorus de clarinette basse qui accompagne la partie de cartes. Magnifiquement arrangé, On the Road to Seville nous conduit aux arènes de la ville et à ses scènes de
corrida révélant le génie de DeMille, son goût pour le gigantisme. Teintée de rock’n’roll, la musique monte en puissance jusqu’au crescendo final, la scène du meurtre de Carmen par Don José confiée
aux couleurs des vents. Une belle création malgré un niveau sonore souvent déraisonnable. Dommage aussi que les cerbères de l’Opéra Comique, si prévenants à l’entrée, nous mirent dehors si vite le
concert terminé. Phil Costing qui aurait bien voulu rester en fut tout ébaubi.


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VENDREDI 26 juin : Carmen revient au pays



