S’il a beaucoup joué avec le
saxophoniste Marcus Strickland qu’il invite dans cet album, Ben Williams s’est fait
connaître comme le contrebassiste de Jacky Terrasson. Lauréat de la prestigieuse Thelonious Monk Competition en 2009, il aime les basses
chaudes et boisées. Tel un conteur, il tient et développe des discours mélodiques qui sont en soi de vraies histoires. Enregistré à New York en juin 2010, “State of Art” traduit son intérêt pour
de nombreux genres musicaux. S’il admire et respecte les vieux standards, Ben aime aussi le funk, le hip hop, et dans les notes de livret du CD avoue avoir été inspiré par Stevie
Wonder et Michael Jackson dont il reprend des titres, confie être davantage en phase avec la
musique des années 90 qu’avec celle des années 40. Très varié, “State of Art” fait entendre un contrebassiste sûr de lui et révèle un arrangeur talentueux. Le disque bénéficie d’une
production très soignée, les instruments mis en valeur par un mixage servant les musiques proposées. Malheureusement, Ben n’a pu s‘empêcher d’inviter un rappeur, John
Robinson, dans The Lee Morgan Story. Bien qu’amélioré par des « obbligatos » (commentaires
improvisés) de trompette de Christian Scott, le morceau reste très éloigné de mes conceptions esthétiques. Sans cette regrettable faute de
goût et un banal et survitaminé Mr. Dynamite, cet opus serait presque parfait. Il contient de bonnes compositions souvent exposées par Strickland au
ténor ou au soprano. On goûtera particulièrement ses solos dans Part-Time Lover, Things Don’t Exist et Dawn of a new Day dont le tempo médium et chaloupé assoit confortablement la musique. Les premières plages de l’album sont
résolument funky avec Gerald Clayton au Fender Rhodes. Home, une tournerie irrésistible,
confirme pour ceux qui en douteraient que chez Ben Williams le groove est parfaitement naturel. Mais très vite, les spécificités du jazz
s’imposent à l’auditeur, les chorus des musiciens s’intégrant parfaitement dans les orchestrations diversifiées du leader. A la guitare, Matthew Stevens tient un rôle important dans Part-Time Lover, se révèle inspiré dans Dawn of a New Day et November, morceau porté à incandescence par les percussions d’Etienne Charles. Au piano, Gerald Clayton impressionne dans Little Susie, un thème
accrocheur de Michael Jackson brillamment réarrangé. Comme dans Things Don’t Exist, un quatuor à cordes en renforce le motif mélodique.
Jaleel Shaw y brille au soprano et
November doit beaucoup à sa partie d’alto. Dans cet album que rythme avec souplesse et à-propos Jamire Williams à la batterie, la contrebasse tient une place importante.
Ben s’y affirme comme soliste. L’intro de Little Susie lui est entièrement confiée. “State of Art” se referme sur une étonnante version modale de Moonlight in Vermont.
Contrebasse et guitare y mêlent subtilement leurs cordes, le piano lui donnant une nouvelle dimension onirique.