Laïka Fatien chante l’amour, évoque son trouble amoureux à travers des chansons qui épousent intimement ses battements de cœur, des mélodies que rendirent célèbres Abbey
Lincoln (When Love Was You and Me), Carole King (Go Away Little Boy), Nina Simone (Wild is the
Wind), ou Bing Crosby (It’s Easy to Remember).
Laïka n’avait pas prévu d'enregistrer ce disque aussi vite. Les méandres de sa vie sentimentale en ont décidé autrement, la chanteuse
éprouvant un besoin urgent de raconter, de traduire par des mots ses propres états d’âme. Les mots des autres, mais aussi les siens, ceux de Divine que Roy Hargrove a mis en musique. Juste un piano pour accompagner, souligner le velours de la voix. Les morceaux ne sont
pas tous aussi dépouillés. Laïka souhaitait un orchestre de chambre pour exprimer ses sentiments, un violoncelle, une clarinette basse pour
donner de la profondeur, du poids au discours amoureux. Gil Goldstein auquel elle a confié les arrangements de l’album a ajouté violon,
trombone basse, et flûte alto. Pas de batterie, de rythme trop marqué, mais la contrebasse de Rufus Reid, la musique étant parfois réduite à
la seule plainte d’un violoncelle. Amoureuse, Laïka s’adresse à l’autre, aux autres incarnés à tour de rôle par trois trompettes amies.
Roy Hargrove s’exprime surtout au bugle. Comme lui, Ambrose Akinmusire à la trompette
et Graham Haynes au cornet assurent des commentaires mélodiques improvisés – obbligatos dont
Lester Young fut coutumier auprès de Billie Holiday – , répondent par des notes très
pures à une voix qui chante, pleure et tremble d’émotion (Loving You). Laïka n’a probablement
jamais aussi bien chanté. Elle s’approprie ces textes, ces mélodies, les interprète avec passion comme si elle les avait écrits elle-même, comme s’ils lui appartenaient. Ce disque n’est toutefois
pas facile. Il se mérite, se révèle après des écoutes attentives que le silence, l’obscurité favorisent. Les morceaux ont souvent des tonalités très proches. Les tempos uniformément lents
semblent ralentir l’horloge céleste. Ici la voix est murmure, chuchotements. Elle se love au creux de l’oreille, parle le langage du cœur, s’accueille et s’abandonne au cœur même de la
nuit.