En ce mois de juillet, les parisiens qui ne sont pas allés à New York peuvent goûter au meilleur du jazz américain en se rendant dans les clubs de la
capitale. Outre une programmation alléchante, le Duc des Lombards vient de convier Wynton Marsalis et "
le Lincoln Center Orchestra
à remplir l’Olympia. On n’avait pas vu le trompettiste en big band depuis longtemps et ce concert du jeudi 19 auquel participa le chanteur Gregory
Porter, Prix du jazz vocal 2011 de l’Académie du Jazz, constitua bel et bien un événement. Formidable musicien, Marsalis n’a pas toujours bonne
presse. Certains lui reproche son académisme, son goût pour un jazz de répertoire. S’il n’a pas publié de disque important depuis “From the Plantation to the Penitentiary” en 2007, beaucoup lui
envient son métier, son corpus d’enregistrements, ses nombreuses suites orchestrales aux couleurs chatoyantes et à l’écriture maîtrisée. Compositeur, arrangeur, c’est aussi un instrumentiste
virtuose qui n’oublie jamais ses racines, le blues et les traditions musicales de sa ville natale, la Nouvelle-Orléans berceau du jazz. Avec le Lincoln Center Orchestra
dont il
est depuis plusieurs années le directeur artistique, il en perpétue l’histoire, mais si Duke Ellington, Thelonious
Monk et Charles Mingus sont bien présents dans sa musique, cette dernière s’ouvre aussi à des
dissonances, à ce « chaos organisé » que Mingus affectionnait. Sagement assis au pupitre des trompettes, Marsalis fit interpréter par ses musiciens un extrait de “Blood on the Fields”
et les laissa jouer leurs compositions. Carlos Henriquez, son contrebassiste, nous offrit ainsi un torride et swinguant cocktail de mambo et
de cha-cha-cha. Sherman Irby, le saxophone alto, nous fit entendre le second mouvement d’un ballet de son cru. Gregory
Porter chanta Your Red Wagon et Going to Chicago,
blues immortalisé par Jimmy Rushing. Dans la salle, les
Michu ravis purent applaudir un
surprenant Light Blue (Thelonious Monk) largement confié aux flûtes, Inner
Urge de Joe Henderson arrangé par Ted Nash, et un extrait de la “New Orleans Suite”, enregistrée par Ellington au tout début des années 70. Très en forme dans ce
programme aussi excitant qu’éclectique, le trompettiste s’effaça, préférant mettre en valeur les musiciens de son big band. S’octroyant un long chorus au
début du concert, il se réserva le rappel, en quartette avec Dan Nimmer (sosie de Mister Bean) au piano, Carlos Henriquez et Ali Jackson à la batterie,
démontrant pour ceux qui en doutaient, qu’il est encore le boss, le patron, et cela pour longtemps.
Photos © Pierre de Chocqueuse