Août 2012 : C’est au studio Recall, un mas en pierre de taille au cœur d’un ancien domaine vinicole de cinq
hectares aux portes des Cévennes, que Jacky Terrasson me fait découvrir les quatorze morceaux qu’il y a enregistrés. “Gouache” n’en contient
que dix. Un onzième, D-ling, est disponible sur I Tunes. Le trompettiste Stéphane Belmondo est là aussi. Comme Jacky, un
habitué des lieux, il y passe ses vacances, profite de l'été pour se détendre. Sur la photo ci-dessous, Stéphane et Jacky boivent à la santé de leur hôte, Philippe Gaillot.
Stéphane vient de finir des prises destinées à un disque que prépare ce dernier, une tuerie dans laquelle, outre Jacky, jouent Mike
Stern, Olivier Ker Ourio et Dominique Di Piazza. Musicien, arrangeur et ingénieur du son aux très grandes oreilles, Philippe a enregistré et assuré le mixage du nouveau disque du pianiste, un opus multicolore, Jacky
passant parfois du Steinway au Fender Rhodes équipé d’une pédale wah wah, procédé utilisé dans la composition qui donne son nom à l’album. Outre Stéphane qui apporte les timbres magiques de son
bugle et de sa trompette, Michel P brille à la clarinette b dans Try to Catch Me, le morceau d’ouverture. Construit sur
un ostinato, il concilie rythmes latins et tempo décoiffant relevant du hip-hop. Bénéficiant d’une section rythmique superlative – Burniss Earl Travis à la basse électrique et à la contrebasse, Justin Faulkner à la batterie, Minino Garay
aux percussions – “Gouache” fait la part belle au
groove et contient des reprises aussi heureuses qu’inattendues. Les puristes qui n'affectionnent que les
standards qu'ils connaissent se consoleront avec une version enlevée de Valse Hot que signa le grand Sonny Rollins. Car il fallait oser jazzifier Baby,méga tube récent (2010) de Justin Bieber, jeune chanteur canadien dont les photos tapissent les murs des chambres des ados. Plus surprenante encore,
cette version de Rehab de la regrettée Amy Winehouse. Épurée et ralentie, elle devient ici un blues, une nouvelle création.
Jacky n’hésite pas non plus à reprendre de très vieux morceaux telle cette version sensuelle de Je te veux, crée en 1903 par la chanteuse
Paulette Darty. Son pianiste, Erik Satie, en composa la musique. Récipiendaire en 2011 de la prestigieuse Thelonious
Monk Competition, Cécile McLorin Salvant, dont on apprécie pleinement le grain de voix dans un tel contexte, la chante ici
magnifiquement. Associée à Oh My Love, composition de John Lennon extraite d’“Imagine”, son plus bel opus en solo, elle sera
pour beaucoup la révélation de cet enregistrement. Autre surprise, cette modernisation de C’est si bon, une chanson du pianiste Henri Betti, longtemps accompagnateur de Maurice Chevalier qui, largement confiée aux percussions, relève ici de la musique
des îles. Le morceau le plus émouvant de l’album reste toutefois Mother, composition de Jacky dont les harmonies de toute beauté enthousiasment, le pianiste véloce et virtuose
laissant ici parler son cœur. Varié et inspiré, “Gouache” reste l’un de ses meilleurs albums, l’un de ses plus heureux. Le long et lumineux chorus qu’il s'accorde dans Happiness en
témoigne.
Concert avec tous les musiciens de l’album le 6 septembre (20h00, Grande Halle de la Villette) dans le cadre du festival Jazz à la Villette.
Photo: Stéphane Belmondo et Jacky Terrasson en vacances au Studio Recall. A gauche, Philippe Gaillot © Pierre de Chocqueuse