Comme promis, un aperçu des disques de
jazz qui sortent en septembre. Certains sont déjà disponibles. D’autres le seront sous peu. Il s’agit bien sûr d’une sélection. Vous n’y trouverez pas les nombreux albums que je trouve peu
intéressants. Je préfère vous parler des bons, bien que tous ne méritent pas la note maximale. Les meilleurs d’entre eux bénéficieront d’une chronique détaillée dans les jours ou les semaines qui
viennent. Les parutions d’octobre seront traitées ultérieurement. Quelques probables réussites ne figurent pas dans ce choix forcément subjectif. N’ayant pas tout reçu, j’ignore lesquelles. Merci
aux attachés de presse qui ne m’ont pas oublié.
-Renouvelant son répertoire, Pierre Christophe consacre aujourd’hui davantage de temps à ses propres compositions. Son trio habituel - Raphaël Dever à la contrebasse et Mourad Benhammou à la batterie - s’est transformé en quartette, Olivier Zanot l’ayant rejoint il y a quelques mois au saxophone alto. “Frozen Tears“contient dix compositions originales du pianiste, dix miniatures pudiques et tendres dont les lignes mélodiques respirent le lyrisme. (Black & Blue / Socadisc. Sortie le 1 septembre)
-Dans “I Will Follow You“, son troisième album pour Bee Jazz, le saxophoniste Jérôme Sabbagh retrouve le guitariste Ben Monder qui joue depuis longtemps avec lui. Avec Daniel Humair à la batterie, le groupe prend des risques, improvise sans filet. Cela ne signifie nullement un abandon de la forme. Malgré sa forte propension à l’abstraction et une absence de vraies mélodies, le disque est étonnamment bien construit. (Bee Jazz / Abeille Music. Sortie le 2 septembre)
-Un casting alléchant sur “Empire“ le nouveau disque de Scott Colley. Ralph Alessi (trompette), Bill Frisell(guitare), Craig Taborn (piano) et Brian Blade (batterie) accompagnent le contrebassiste, également auteur de toutes les compositions. Du jazz moderne et inventif qui n’a pas peur d’innover. La guitare de Frisell la teinte délicatement de folk. (Cam Jazz / Harmonia Mundi. Sortie le 9 septembre)
-La musique savante et ouverte de Ralph Alessi ne rebutera pas les amateurs de jazz progressif. Dans “Cognitive Dissonance“ Jason Moran et Andy Milne au piano, Drew Gress à la contrebasse et Nasheet Waits à la batterie entourent le trompettiste new-yorkais, l’un des plus brillants de sa génération. (Cam Jazz / Harmonia Mundi. Sortie le 9 septembre)
-On retrouve le pianiste Craig Taborn très en forme dans “The Rub and Spare Change“, premier opus du contrebassiste Michael Formanek pour ECM. Le batteur Gerald Cleaver complète une section rythmique qui encadre parfaitement les solistes. Très soignées, les compositions laissent beaucoup de place à l’improvisation et au jeu collectif. Soliste fougueux, Tim Berne est ici étonnamment sage, sauf dans la dernière plage, une pièce free dont on peut se passer. (ECM / Universal. Sortie le 13 septembre)
-Mari et femme dans la vie, Bill Charlap et Renee Rosnes forment un duo de rêve dans “Double Portrait“, l’un des plus beaux disques de l’année. Loin de se provoquer en duel, les deux pianistes joignent leurs forces pour rendre la musique la plus lumineuse possible, la nourrir de bonnes idées mélodiques et de rythmes entraînants. On est content de retrouver Renee Rosnes sur Blue Note. Son dernier disque pour le label date de 1990. Un bail ! (Blue Note / EMI. Sortie le 13 septembre)
-Avec “Re-Dial“, un album live enregistré à Hambourg en 2007, Quest, groupe mythique des années 80 reformé en 2005, confirme sa bonne santé après quinze années de silence. Dave Liebman (saxophones), Richie Beirach (piano), Ron McClure (contrebasse) et Billy Hart (batterie) proposent toujours une musique à la fois puissante et lyrique. Le quartette reprend Pendulum de Beirach depuis longtemps à son répertoire et propose de nouvelles pièces constamment excitantes. (Out Note / Harmonia Mundi. Sortie le 23 septembre)
-Toujours sur Out Note, Kenny Werner sort “New York - Love Songs“ un album solo qui inaugure la série Jazz and the City associant une ville et un pianiste. Werner a choisi de nous transmettre ses impressions, sa vision de la mégapole américaine qu’il habite. Song of the Heart, Back Home Again et la première plage First Light / East River sont à écouter en priorité. (Sortie le 23 septembre)
-Youn Sun Nah possède incontestablement une voix. La chaleur de son timbre, sa parfaite diction suffisent à nous convaincre. Tout aussi varié que “Voyage“ auquel il succède, “Same Girl“traduit l’éclectisme de ses goûts musicaux. Au-delà du jazz, la chanteuse coréenne puise son répertoire dans la pop du groupe Metallica, les chansons de Randy Newman ou dans la folk music de Jackson C. Frank qui ne laissa qu’un seul album. (ACT / Harmonia Mundi. Sortie le 23 septembre)
-La musique “environnementale“ que propose Michel Benita dans “Ethics“, son nouvel album, n’est en rien anonyme. Michel peint des paysages de rêves à l’instrumentation insolite, saupoudre d’électronique une musique planante à l’instrumentation insolite qui associe koto, guitare, trompette (ou bugle) à sa contrebasse. Merveilleuse au koto, la japonaise Mieko Miyazakienvoûte par sa voix sensuelle. C’est aussi une belle réussite sonore qu’une prise de son très soignée restitue fidèlement. (Zig Zag Territoires / Harmonia Mundi. Sortie le 23 septembre).
-Anne Ducros est une sacrée chanteuse. Son expérience lui permet d’être toujours à l’aise, de surmonter les partitions les plus difficiles. Dans “Ella, My Dear“, un hommage à la grande Ella Fitzgerald, un orchestre de cuivres rutilants (quarante-cinq musiciens) l’accompagne. Les arrangements ont été confiés à Ivan Jullien. Jean-Pierre Como au piano, Essiet Okon Essiet à la contrebasse et Bruce Cox à la batterie assurent la rythmique. (Plus Loin Music / Harmonia Mundi. Sortie le 24 septembre)
-“VOYAGER, Live by Night“ a été enregistré au Sunside en octobre 2008 et à l’incontournable Festival Jazz-en-Tête de Clermont-Ferrand. Eric Harland, l’un des meilleurs batteurs de la planète jazz, y promène une équipe de musiciens musclés et pas manchots. Avec lui, le bouillonnant Walter Smith III au saxophone ténor, Julian Lage à la guitare, Taylor Eigsti au piano et Harish Raghavan à la contrebasse. Tous développent avec énergie d’acrobatiques chorus. La prise de son donne beaucoup de relief à ces concerts. On a comme l’impression d’y être ! (Space Time Records / Socadisc. Sortie le 24 septembre)
-Le nouvel album de Géraldine
Laurent s’intitule “Around Gigi“. Gigi c’est Gigi Gryce (1927-1983), saxophoniste à la
sonorité cool, compositeur et arrangeur raffiné, fondateur du fameux Jazz Lab Quintet. Gryce enregistra ses premières faces sous son nom
à Paris en 1953. Comme lui, Géraldine joue du saxophone alto et c’est sur cet instrument qu’elle reprend quelques-unes de ses compositions. Des morceaux
d’Art Farmer, de Thelonious Monk et les siens complètent cette magnifique
séance enregistrée en quartette avec Pierre de Bethmann au piano, Yoni Zelnik à la contrebasse et Franck Agulhon à la batterie. (Dreyfus Jazz / Sony Music. Sortie le 27
septembre)
-Troisième album du groupe suisse Ronin, “Llyria“ est aussi bon que les précédents. Nick Bärtsch, le leader du quintette, compose des modules de différentes durées au sein desquels cohabitent boucles rythmiques et figures répétitives. Il en résulte une musique hypnotique dont la tension ne faiblit pas. (ECM / Universal. Sortie le 27 septembre)
-Dixième album de la chanteuse Jane Monheit, “Home“ rassemble des grands standards du jazz, des compositions de Rodgers & Hart, Arthur Schwartz & Howard Dietz, Irving Berlin, Jerome Kern et quelques autres. Quelques invités, parmi lesquels John Pizzarelli (voix et guitare) et Larry Goldings (piano), rejoignent son trio habituel : Michael Kanan au piano, Neal Miner à la contrebasse, Rick Montalbano à la batterie. (Emarcy / Universal. Sortie le 27 septembre)
-La dernière bonne idée de Daniel Yvinec : confier la musique du nouveau disque de l’Orchestre National de Jazz à John Hollenbeck, un compositeur arrangeur new-yorkais qui à la tête de son propre big band conçoit une musique très originale. Comprenant deux CD(s), “Shut Up and Dance“ contient dix pièces spécialement écrites par Hollenbeck pour les dix musiciens de l’orchestre. Une onzième, for the band, et un court prologue complète un album dense, traversé de soudains afflux de couleurs. Souvent répétitive, la musique agence et fait tourner de surprenantes cellules rythmiques. D’un tissu sonore aux mailles très serrées, surgissent des mélodies étonnantes, des combinaisons harmoniques inattendues. L’une des bonnes surprises de cette rentrée. (Bee Jazz / Abeille Musique. Sortie le 30 septembre)
Photo Anne Ducros © Ari Rossner / Plus Loin Music
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soufflent de longues phrases rêveuses. Le drumming d’
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Au bout d’une queue interminable qui attendait patiemment l’ouverture des portes, les trois hommes étaient au rendez-vous, un peu plus vieux bien sûr,
Vitous claudiquant, Corea tout sourire dissimulant son embonpoint sous une large chemise, Haynes, quatre-vingt-quatre ans et tout en blanc vêtu respirant la jeunesse. On espérait sans doute trop
de ces retrouvailles dans un lieu peu idéal, trop grand malgré une bonne sonorisation. Nous fûmes nombreux à être un peu déçus. Des musiciens de cette trempe possèdent trop de métier et
d’expérience pour rater complètement leurs concerts, mais ce dernier ne fut que la répétition publique de ceux qui devaient suivre, une tournée de quelques dates. Essuyant les plâtres, le public
parisien eut droit à une mise en place pifométrique, à une musique flottante dans des habits trop grands. Miroslav Vitous
Les trois hommes interprétèrent quelques extraits de “Now He Sings, Now He Sobs“, Windows


-Chick Corea 
Illusions.
demandé.
Perrine Mansuy


la scène avec quelque difficulté, mais nous fait vite oublier les soixante-dix ans qu’il porte depuis le 12 mars dès qu’il commence à chanter. Si sa voix s’est un peu tassée
dans l’aigu, il conserve une large tessiture qui lui permet des sauts de registre impressionnant surtout dans les graves. Il possède aussi une grande maîtrise du scat, ses onomatopées rythmiques
ressemblant souvent à de véritables percussions vocales. Al bien sûr n’est pas seul et certains musiciens qui l’entourent travaillent avec lui depuis longtemps. Aux claviers et aux saxophones
(ténor et soprano) qu’il utilise peu, Joe Turano « a old friend from Milwaukee » fait office de directeur musical de la formation et indique à ses collègues le nombre
de mesures qu’ils leur restent à jouer. Bien que discret, le pianiste, Larry Williams a la charge du piano et occasionnellement joue de la flûte. On lui doit une grande partie
des arrangements d’“Accentuate the Positive“, album de 2004 largement constitué de standards dans lequel Mark Simmons
tient parfois la batterie. Ce dernier fait partie de la
tournée et possède une frappe lourde, puissante qui convient bien aux morceaux les plus funky du répertoire. Les deux hommes qui l’encadrent tiennent une place importante. Chris
Walker assure fort à la basse électrique et ses harmoniques ont beaucoup de justesse. Originaire comme lui de Houston, le guitariste John Calderon a longtemps travaillé
avec le pianiste Bobby Lyle. Il joue parfois en picking, égraine de jolies notes mélodiques qu’il mêle de temps à autre à des espagnolades. Tous deux assurent les chœurs derrière
Jarreau lorsque les morceaux interprétés nécessitent leur présence, pas très souvent à vrai dire. Al
possède une voix qui se suffit à elle-même. Il chante You Don’t See Me, reprend We Got Bye, ses grands morceaux
des années 70 dont le plus fameux reste Take Five qu’il introduit par une longue improvisation vocale. Imitation de nombreux instruments de percussion, le chant devient ainsi tambour,
cuica et contrebasse par des effets de bouche. Al Jarreau dialogue ainsi rythmiquement avec son batteur avant de placer toute son âme dans ses cordes vocales pour une superbe
version de She’s Leaving Home, le tube Mornin’ (qui n’est pas sa meilleure chanson) concluant la première partie du concert.
rythmé par une voix en or. Al invite le public et ses musiciens à la chanter avec lui. Beaucoup d’humour aussi
dans ce spectacle fort bien réglé. Jarreau montre l’exemple et au cours de Take Five, fait semblant d’attraper et de gober une mouche, ce qui ne manque pas d’amuser une salle
enthousiaste qui lui est entièrement acquise. Paris lui donne des ailes sous nos applaudissements.