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4 mai 2017 4 04 /05 /mai /2017 09:10
Émois de mai

Joli mois de mai dit la comptine, mais cette année un mois de tous les dangers pour une France mise à mal depuis des années par ses Politiques, grands privilégiés de notre République. On tremble à juste titre devant le péril dans lequel peut conduire ces élections présidentielles. Le pire peut encore arriver. J’en ai un avant-goût ce 1er mai avec la centaine d’enragés qui cassent, pillent, vocifèrent et tempêtent devant mes fenêtres (j’habite tout près de la Bastille), qui cherchent à en découdre avec la police, bouclier d’une société depuis longtemps désemparée, comme si le tout gratuit et les belles promesses d’un État-providence étaient encore possibles. Cocktails Molotov, mais aussi pierres, pavés, cailloux, boulons, tout ce qui peut tomber sous la main des agités pleut sur des CRS caparaçonnés comme des troupes au combat. Pessimiste de nature, ce tumulte me trouble moins que les jours à venir. En attendant, entre deux pétarades assourdissantes de bombes lacrymogènes, j’écoute de la musique, du jazz dont le bleu n’est pas du tout marine, “Bitter Ending”, “Jazz et Jazz”, “Anna Livia Plurabelle” qui, 50 ans après son premier enregistrement (1966), reste d’une modernité stupéfiante. Ces disques d’André Hodeir me donnent du baume au cœur, m’isolent du bruit et de la fureur de ces jours incertains.

 

Ces réécoutes attentives, je les dois à Pierre Fargeton, à la pertinence de ses commentaires et de ses analyses. Maître de conférences à l’université Jean Monnet de Saint-Étienne, titulaire d’un doctorat de musicologie consacré à la musique d’André Hodeir, il vient de faire paraître “André Hodeir le jazz et son double” aux Éditions Symétrie (préface de Martial Solal) un bouquin, lourd et épais, pas loin de 800 pages, une somme très complète et détaillée enrichie d’une abondante iconographie. Fargeton s’est livré à plusieurs entretiens avec Hodeir et a eu accès à ses archives ce qui rend son livre passionnant. J’y suis plongé depuis deux semaines, redécouvrant un des rares compositeurs français qui laisse une œuvre importante au regard de l’histoire du jazz.

 

Compositeur, homme de radio, fondateur du Jazz Groupe de Paris, auteur de nombreux articles (notamment dans Jazz Hot dont il fut dès après guerre un des plus éminents collaborateurs) et de plusieurs livres, les plus célèbres étant “Hommes et problèmes du jazz” et “Les Mondes du jazz”, ouvrages fondamentaux pour ceux qui veulent réfléchir sur le jazz, André Hodeir (1921-2011) est malheureusement trop oublié et trop peu joué. Le dernier concert donné autour de ses œuvres date du 3  décembre 2011. On le doit au Patrice Caratini Jazz Ensemble qui ce jour-là, dans le studio 105 Charles Trenet de Radio-France, interpréta quelques-unes de ses compositions (et arrangements) dont sa célèbre et admirable Jazz Cantata. Je ne vais pas vous détailler ici le livre de Pierre Fargeton qui malgré son prix (70€) et la difficulté de compréhension que pose une partie de l’ouvrage (sa deuxième et troisième partie, analyses des techniques du langage musical du compositeur), me semble incontournable. Je consacrerai prochainement un article à André Hodeir dans les pages de ce blog. Il vous faudra attendre un peu. La patience n’est-elle pas mère de toutes les vertus ?

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

 

-Concert de sortie au Triton le 4 mai de “Spirit Dance, nouveau disque d’Yves Rousseau (contrebasse) et de Christophe Marguet (batterie). Après 15 ans de complicité et de concerts partagés, ils ont réuni un nouvel orchestre pour jouer leurs musiques, de beaux thèmes brillamment orchestrés. Fabrice Martinez (trompette et bugle), David Chevallier (guitare électrique) et Bruno Ruder (piano & Fender Rhodes) créent avec eux une texture sonore plus ou moins électrique selon les plages. Certaines sont fondées sur la pulsion et l’énergie, d’autres privilégient la mélodie et le lyrisme. L’imagination fertile canalise les influences au profit d’une parfaite lisibilité du discours musical. Une formation à suivre assurément.

-Du 9 au 11 mai, Catherine Russell occupera la scène du Duc des Lombards. Mark Shane (piano), Matt Munisteri (guitare), Nicki Parrott (contrebasse) et Mark McLean l’accompagnent depuis longtemps et constituent un véritable groupe. Fille de Luis Russell qui fut l’un des pianistes et directeur musical de Louis Armstrong, la chanteuse travailla longtemps comme choriste avant de posséder sa formation. Sa voix chaude et sensuelle fait revivre d’anciennes mélodies de l’histoire du jazz, des joyaux de l’ère du swing et des blues éternels. Son album “Strictly Romancin a reçu en 2012 le Prix du Jazz Vocal de l’Académie du Jazz.

-Le 10, le pianiste Bruno Angelini présentera au Sunside Open Land, un quartette comprenant Régis Huby aux violons, Claude Tchamitchian à la contrebasse et Sylvain Darrifourq (remplaçant ce soir là Edward Perraud) à la batterie. La musique fait suite à celle de l’album “Instant Sharings” enregistré en 2014 avec les mêmes musiciens. Récompensé par un Choc dans le numéro de Jazz Magazine de juin 2015, ce disque inclassable réunit jazz moderne et musique contemporaine. Les compositions de Bruno voisinent avec des thèmes de Paul Motian, Wayne Shorter et Steve Swallow, la musique évoluant librement sous l’action collective des musiciens. Au Sunside, le groupe jouera également de nouvelles compositions, prélude à l’enregistrement d’un nouvel album en juin prochain à La Buissonne.

-Ne manquez pas le 12 au Duc des Lombards le concert de sortie de “Princess”, album réunissant le pianiste Stephan Oliva, la chanteuse suisse Susanne Abbuehl et le percussionniste norvégien Øyvind Hegg-Lunde. Largement consacré à la musique de Jimmy Giuffre peu interprétée par les jazzmen, son répertoire comprend aussi Great Bird, un thème que Keith Jarrett enregistra pour Impulse, une version inattendue de What a Wonderful World et des musiques de Stephan qui écrit pour Susanne des mélodies douces et tendres, enveloppe sa voix de notes soyeuses et met en valeur son timbre aérien. Cette dernière y ajoute ses propres paroles ou met en musique des poèmes qu’elle affectionne, allongeant ou contractant leurs syllabes pour leur donner du rythme.

-Le 13 à 20h30, dans le cadre de la cinquième édition de son Tempo Jazz, l’Espace Sorano de Vincennes invite la pianiste Geri Allen et le trompettiste Enrico Rava, deux musiciens exceptionnels qui ne se sont jamais rencontrés, à constituer un duo inédit. Outre ses propres albums, en solo ou avec Ron Carter et Tony Williams, Charlie Haden et Paul Motian, cette grande dame du piano fit partie du groupe de Charles Lloyd et accompagna Ornette Coleman. Apôtre du free jazz dans les années 70, Enrico Rava préfère aujourd’hui souffler de la douceur et privilégier le lyrisme, sa trompette servant le cantabile avec une grande variété d’inflexions. Il s’est toujours entouré de bons pianistes – Franco d’Andrea, Stefano Bollani, Giovanni Guidi – jouant des mélodies très simples et très belles dont son association avec Geri Allen devrait bénéficier.

-Steve Kuhn au Sunside le 13 (19h00 et 21h30) et le 14 mai (20h00) avec David Wong à la contrebasse et Billy Drummond à la batterie. Le pianiste a une longue carrière et une impressionnante discographie derrière lui. Il a enregistré avec Scott LaFaro, accompagné Kenny Dorham, Stan Getz et Art Farmer et, de janvier à mars 1960, a même été le pianiste de John Coltrane auquel il a consacré un magnifique album en 2008. Ancrant son piano dans la tradition du bop, Steve Kuhn est aussi un musicien lyrique, un disciple de Bill Evans qui aime diversifier son jeu. Ses propres compositions révèlent le styliste aux harmonies élégantes qui excelle en solo. “Ecstasy”, un disque ECM de 1974, en témoigne.

-Le 17 mai à 20h00, le Mona Bismarck American Center (34 avenue de New York, 75116 Paris) accueille Jacky Terrasson en solo dans un programme entièrement consacré à des standards de l’histoire du jazz. Le pianiste excelle dans cet exercice qui le voit prendre des risques, greffer de nouvelles notes, de nouvelles harmonies sur de vieux thèmes indémodables. Il joue pourtant trop rarement en solo. Ne manquez pas cette rare occasion d’écouter ce face à face avec lui-même, son jeu physique ancré dans le blues, dans le rythme, la scène apportant une autre dimension à sa musique.

-Guitariste italien installé à Paris depuis plusieurs années, Federico Casagrande fêtera le 18 au Sunside (21h30) la sortie sur le label CAM Jazz de “Fast Forward”, un album en trio enregistré avec le bassiste américain Joe Sanders (remplacé par Simon Tailleu pour ce concert) et le batteur israélien Ziv Ravitz, compagnon de route de Yaron Herman. Né à Trévise, Federico Casagrande étudia la guitare au Berklee College of Music de Boston. Séduit par ses timbres et ses couleurs, Enrico Pieranunzi a enregistré en duo avec lui “Double Circle” en 2014. À la guitare acoustique Federico y révèle la finesse de son jeu, ses harmonies sophistiquées. On les retrouve intactes dans les deux plages acoustiques de son nouveau disque, un opus électrique tout aussi audacieux.

JAZZ à SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS - 17ème ÉDITION

-Le 18 également, le grand amphithéâtre de l’Université Panthéon-Assas (92 rue d’Assas) accueillera Anne Ducros. Accompagnée par ses musiciens – Benoit De Mesmay (piano), Olivier Louvel (guitare), Gilles Nicolas (contrebasse et basse électrique), Bruno Castellucci (batterie) – et un orchestre symphonique, elle interprétera le répertoire de “Brother Brother !” (Adlib), son nouvel album, un florilège de chansons célèbres – You Are So Beautiful, La Bicyclette, Samba Saravah, Déshabillez moi – merveilleusement chantées et bénéficiant d’arrangements très soignées.

-Ce concert est donné dans le cadre de la 17ème édition du festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés qui se déroulera cette année du 11 au 22 mai dans diverses salles et lieux des 5ème et 6ème arrondissements de Paris – Les églises de St. Germain et de Saint-Sulpice, la salle des fêtes de la mairie du 6ème, le Lucernaire, l’Amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, la Maison des Océans – mais aussi au Sunside qui abritera les 13 et 14 mai le Tremplin Jeunes Talents.

 

-Un festival soutenu par la Fondation BNP Paribas et que créèrent Donatienne Hantin (co-fondatrice et co-directrice en charge de la production du festival) et Frédéric Charbaut (son co-fondateur, directeur en charge de l’artistique) avec le regretté Joël Leroy. Autour d’eux se bouge une équipe formidable. Je pense à Géraldine Santin la responsable de la communication qui est à droite sur la photo avec à son côté le pianiste Joran Cariou, vainqueur du Tremplin Jeunes Talents 2016 (Frédéric et Donatienne sont à gauche sur cette même photo), à Sophie Louvet l’attachée de presse, et à Véronique Tronchot dont le papa reste cher à mon cœur.

 

-Le programme est à découvrir sur le site internet du festival. Il y en a pour tous les goûts avec des concerts du pianiste Shahin Novrasli, du Stefano Di Battista / Flavio Boltro Quintet (qui invite la chanteuse Robin McKelle) de Baptiste Trotignon, du saxophoniste David Sauzay (en solo au Musée de Cluny le 20 mai à 21h00) et de la chanteuse Linda Lee Hopkins.

-L’un des points forts du festival sera le concert de sortie du nouvel album ECM du trompettiste Avishai Cohen, “Cross My Palm With Silver”, le 19 mai à 21h30 à la Maison des Océans, 195 rue Saint-Jacques. Déjà présents dans “Into The Silence” son disque précédent (Grand Prix 2016 de l’Académie du Jazz), le pianiste Yonathan Avishai et le batteur américain Nasheet Waits sont à nouveau de l’aventure, le bassiste Barak Mori indisponible se voyant remplacer par Yoni Zelnik. Les cinq compositions de ce nouvel opus laissent beaucoup de place à l’improvisation, la musique souvent modale restant largement confiée à la discrétion des musiciens qui y déposent leurs idées et concourent à la création de pièces ouvertes et subtilement interactives.

 

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-L’association « Partage dans le monde » que soutient activement le pianiste Nicola Sergio nous donne rendez-vous le dimanche 21 mai (18h00) au New Morning pour la 4ème édition de « Jazz pour le Népal », un concert de soutien en faveur des sinistrés des séismes de 2015 au Népal. Au programme le Nicola Sergio Quartet (avec Francesco Baerzatti au saxophone), Antoine Hervé en trio avec François et Louis Moutin et l’Orchestre Pee Bee. Les bénéfices de ce concert financeront des missions médicales et éducatives.

-Pat Metheny est attendu à l’Olympia le 23 à 20h00, avec un nouveau groupe comprenant Gwilym Simcock aux claviers, Linda Oh à la basse et Antonio Sanchez à la batterie, seul rescapé de sa formation précédente. Le prix des places : entre 117€ et 62€, cher pour un guitariste qui ces dernières années n’a pas toujours été au meilleur de sa forme. Mais sur scène Metheny se lâche, improvise tout feu tout flamme avec un lyrisme dont manque un peu ses derniers albums studio. Sans Chris Potter, saxophoniste parfois envahissant, et renouant avec la formule du quartette qui a fait son succès (ses grands disques avec Lyle Mays), Metheny devrait donner le meilleur de lui-même.

-Fred Hersch au Sunside le 23 (21h00) et le 24 (19h30 et 21h30) avec son trio habituel, John Hébert (contrebasse) et Eric McPherson (batterie). Musicien inspiré, Hersch joue une musique si fluide que l’on ne perçoit pas l’immense technique qu’elle nécessite. Les standards qu’il reprend et actualise avec un grand souci de la forme révèlent la profonde intimité qu’il partage avec son piano. Rythmiquement, il fascine par son sens du tempo, sa conception très souple du rythme qui lui permet de passer du stride au boogie ou de jouer une bossa avec un brio sans pareil. Interprète coutumier de Thelonious Monk, les accords anguleux et abstraits, ne lui font pas peur. La contrebasse d’Hébert instaure avec lui une conversation quasi permanente. Quant à son batteur il adapte son jeu à toutes les situations. Des concerts incontournables.

-Au Sunset le 25, le trio AérophoneYoann Loustalot (trompette et bugle), Blaise Chevallier (contrebasse) et Frédéric Pasqua (batterie) – fêtera la sortie d’“Atrabile” (Bruit Chic / L’Autre Distribution), son troisième album, un opus au sein duquel le trio devient quartette avec l’arrivée de Glenn Ferris, tromboniste invité. Une musique plus riche sur le plan sonore, mais aussi sur celui des échanges en résulte. Assurant d’habiles contre-chants, les cuivres organisent une véritable polyphonie de timbres autour des compositions structurées de Loustalot, un répertoire souvent mélancolique dans lequel Ferris, qui sera présent au Sunset, se révèle l’interlocuteur idéal du trompettiste.

-Avec Stéphane Kerecki et Daniel Humair, Antonio Faraò était en février au Duc des Lombards. Il retrouvera le Sunside le 26 (à 21h00) et le 27 (à 21h30) avec un autre trio pour l’accompagner. Thomas Bramerie (contrebasse) et Jean-Pierre Arnaud (batterie) poseront leurs tempos sur son phrasé fluide, ses harmonies élégantes. Il peut aussi se montrer énergique, donner swing et intensité à ses notes et peindre des paysages plus durs et plus abstraits. Il reste toutefois attaché à la ligne mélodique des thèmes qu’il aborde et qu’il ré-harmonise. Avec lui, point de notes inutiles mais un jazz raffiné qui se laisse constamment fêter.

-Dans le cadre du festival Villette Sonique 2017, Annette Peacock se produira en solo le 27 (chant, piano & claviers) dans la salle des concerts de la Cité de la Musique. Figure lunaire du jazz et des musiques expérimentales, elle épousa le contrebassiste Gary Peacock puis devint la femme de Paul Bley avec lequel elle enregistra quelques albums de jazz électronique, elle-même utilisant un prototype de Mood Synthétiser. Elle a signé des thèmes inoubliables – Open To Love, Blood, Albert’s Love Theme, Touching – que la pianiste Marilyn Crispell a réuni en 1996 dans “Nothing Ever Was, Anyway”, un album ECM en trio. Son dernier disque, “An Acrobat’s Heart” (ECM) date de 2000. Un concert événement. 

-Le Triton : www.letriton.com

-Le Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com

-Festival Jazz à Saint-Germain-Des-Prés : www.festivaljazzsaintgermainparis.com

-Espace Sorano : www.espacesorano.com

-Mona Bismarck American Center : www.monabismarck.org

-New Morning : www.newmorning.com

-Olympia : www.olympiahall.com

-La Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

 

Crédits photos : Yves Rousseau / Christophe Marguet 5tet © Jérôme Prébois – Catherine Russell © Sandrine Lee – Bruno Angelini, Steve Kuhn, Fred Hersch, Antonio Faraò © Philippe Marchin – Stephan Oliva / Susanne Abbuehl / Øyvind Hegg-Lunde © Maxim François – "Un Premier mai très parisien", Geri Allen, Fredéric Charbaut / Donatienne Hantin / Joran Cariou /Géraldine Santin © Pierre de Chocqueuse – Jacky Terrasson © Jean-Baptiste Millot – Federico Casagrande © Boris Wilensky – Anne Ducros © Robert Pasquier / Ropas – Pat Metheny © J. Peden – Avishai Cohen, Aérophone, Annette Peacock © Photos X/D.R.

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