29 mars 2010
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Seul au piano
Guillaume de Chassy exprime émotions et souvenirs. Sa belle technique pianistique lui permet d’en décliner les moindres nuances. La musique de “Pictorial Music“, son nouveau disque,
s’inspire des images de “Shift“, suite de films muets réalisés par le cinéaste Antoine Carlier. Guillaume a découpé ses improvisations en scènes, faisant court (son disque ne dure qu’une
quarantaine de minutes) pour mieux structurer ses idées et éviter les répétitions inutiles. Nul besoin d’avoir vu les images de Carlier pour rentrer dans cette musique qui à son tour en évoque.
Dans les notes de livret de l’album qu’il a rédigées lui-même, le pianiste nous avertit que ce travail de mémoire « a ouvert des portes dérobées dans (son) théâtre intérieur, libérant des
réminiscences de thèmes qui (l’) accompagnent depuis toujours. » Sa magnifique et subtile adaptation de l’ultime sonate de piano de Beethoven est ainsi l’un des échos de ce vécu
personnel qui s’est traduit par de nombreuses rencontres avec des pianistes classiques. Echos d’un parcours qui le conduit à intégrer Mozart - l’air de Cherubin des Noces de Figaro
- à une improvisation et à donner les couleurs du blues à certains thèmes du deuxième concerto de piano de Prokofiev. Sa musique se nourrit depuis toujours des compositeurs romantiques
(Brahms, Chopin) et ceux de la première moitié du XXe siècle, Scriabine, Prokofiev, Poulenc, Fauré, auteurs qu’il cite volontiers. Certaines pièces sont de
pures miniatures abstraites et oniriques, de véritables épures dont il fait délicatement sonner les notes. La cinquième scène, la plus longue, illustre peut-être davantage que les autres la
dramaturgie imposée par l’image. Pièce à tiroirs, elle mêle plusieurs cadences, fait alterner tensions extrêmes et instants sereins. Les notes sombres et inquiétantes que martèle une main gauche
puissante mettent en valeur la mélodie, fil conducteur de la pensée du pianiste, même transformée par son inépuisable imagination harmonique. Exigeant avec lui-même, Guillaume de Chassy ne
la perd jamais de vue dans un univers poétique au sein duquel, pour citer ses propres termes : « la frontière entre l’écrit et l’improvisé, le prémédité et l’instinctif, demeure
volontairement floue. » Un bref hommage à Clint Eastwood - une reprise limpide et émouvante de Gran Torino - conclut un important jalon de la quête mélodique d’un
pianiste allant à l’essentiel.