MERCREDI 11 janvier
Représentants du Ministère de la Culture et des sociétés civiles, musiciens, producteurs, responsables de maisons de disques, éditeurs d’ouvrages musicaux, agents artistiques, journalistes, sans oublier les quelques inévitables pique-assiettes dont un certain Edouard Marcel s’étaient donné rendez-vous au foyer du théâtre du Châtelet qui accueillait pour la sixième année consécutive l’Académie du Jazz et sa remise de prix. « Attendez-vous à plus de cantiques que de sermons » prévint son président François Lacharme dans son discours d’introduction. Il tint parole. Nous eûmes davantage de musique et moins de bla-bla que les précédentes années.
Comme l’an dernier, Le directeur du Châtelet, Jean-Luc Choplin, remit le Prix du Jazz Classique. Peu bavard, ayant toutefois une pensée délicate pour Olivier Brard le distributeur de son album décédé le 23 décembre, Guillaume Nouaux son heureux récipiendaire nous fit, en solo, une démonstration de batterie néo-orléanaise, avec une reprise de Lil’Liza Jane, un extrait de l’album récompensé.
Alain Pailler souffrant n’ayant pu faire le déplacement, Joël Mettay son éditeur (Editions Alter ego) reçut son Prix du livre de Jazz des mains de Claude Carrière, admirateur et spécialiste de Duke Ellington. Un choix judicieux, le livre récompensé a pour sujet Ko-Ko, non le gorille qui parle, mais la composition que le Duke enregistra en 1940, « une partition d’une puissance jusqu’alors à peu près inconnue dans le monde du jazz ». Je cite Alain Pailler dont le livre était en compétition avec ceux de Pascal Anquetil (“Portraits légendaires du jazz”), Alain Gerber (“Je te verrai dans mes rêves”) et Jacques Réda (“Le grand orchestre”).
Le coffret Stan Getz édité par Verve obtint le Prix de la Meilleure Réédition. Ses photos, le soin apporté à sa mise en page, ses reproductions de pochettes de David Stone Martin le rend très attractif. Aucun amateur de jazz ne contestera son contenu. Il renferme “Stan Getz Plays” l’un des chefs-d’œuvre du saxophoniste. J’aurai pour ma part aimé voir aussi récompenser les “Bootleg Series Vol.1” de Miles Davis, mais son livret peu épais, sa présentation peu soignée ne jouèrent pas en faveur des flamboyants concerts européens de 1967 du trompettiste. Getz primé, Jean-Louis Chautemps monta sur scène avec son ténor pour nous parler et imiter son style. Reproduite dans le “Stan Getz d’Alain Tercinet, une photo de Jean-Pierre Leloir montrant Getz face à Lester Young au Blue Note en 1959 fut le point de départ d’une évocation nous conduisant de la rue d’Artois à Orly, Chautemps, boute-en-train infatigable, essayant de nous faire croire que l’aéroport avait inspiré à Getz son célèbre Orly Autumn (Early Autumn).
Le prix du Jazz Vocal revint sans surprise à Gregory Porter, nouveau venu sur la scène du jazz largement plébiscité par les académiciens. Dans une brève séquence filmée, le chanteur qui s’était récemment produit au Duc des Lombards nous fit part de son plaisir à recevoir cette récompense. Attaché de presse d’Integral qui en France distribue le label Motema, Stéphane Papinot récupéra le trophée, nous prévenant de la sortie d’un nouvel album fin février et d’un concert à la Cigale le 2 juin.
Appelée sur scène par François Lacharme, Mika Shino conseillère spéciale de Herbie Hancock annonça officiellement le lancement de la première Journée Internationale du Jazz sous l’égide de l’UNESCO dont Herbie est Ambassadeur de Bonne Volonté. Désignant l’Académie du Jazz comme partenaire officiel, elle invita la communauté du jazz français à la rejoindre le 27 avril 2012, date choisie pour cette manifestation.
Très ému, Michel El Malem reçut le Prix du Disque Français. On n’attendait pas ce challenger encore peu connu du public à la plus haute marche du podium, mais l’excellence de son album – une séance en état de grâce dont Marc Copland est le pianiste – lui fit obtenir ce prix âprement disputé. Lors des votes, “Reflets” l’emporta d’une seule voix sur “Contrapuntic Jazz Band” de Gilles Naturel au troisième tour de scrutin. En compagnie des musiciens de l’album - Michael Felberbaum à la guitare, Marc Buronfosse à la contrebasse et Luc Isenmann à la batterie - mais sans Marc Copland que Bruno Angelini remplaça au piano, Michel (au soprano) nous offrit une version écourtée de Reflets approchant celle, magique, que l'on trouve sur le disque.
L’Académie du Jazz a l’habitude d’honorer ses disparus. Après avoir rendu hommage l’an dernier à Mimi Perrin, Jean-Pierre Leloir et Mike Zwerin elle ne pouvait ignorer le décès le 1er novembre dernier d’André Hodeir, son premier président. S’il n’a pas été possible de réunir pour cette remise de prix le Jazz Ensemble de Patrice Caratini, formation à même de recréer fidèlement et dans de parfaites exécutions sa musique, un film prêté par l’INA nous montra le compositeur au travail dirigeant son Jazz Group de Paris. En présence de Madame André Hodeir et de deux de ses filles, Patrice Caratini nous parla longuement du musicien, champion de ping-pong de Seine-et-Oise dans les années 40 qui, pour mieux capturer l’essence du jazz, allait jusqu’à écrire les chorus de ses solistes.
Le dessinateur Cabu remit à Francesco Bearzatti le Prix du Musicien Européen décerné en commission. Un choix pertinent car il récompense un musicien qui a fait beaucoup parler de lui en 2011. On l’a récemment entendu au sein de Mo’Avast, la formation du contrebassiste Mauro Gargano, mais aussi dans le Nord Sud Quintet d’Henri Texier. Le saxophoniste italien nous gratifia d’un superbe solo de ténor et invita Cristina Zavalloni, une compatriote, à le rejoindre pour deux pièces improvisées révélant le talent d’une chanteuse habituée aux sauts d’octaves et aux vocalises, aux difficiles exigences de la musique contemporaine.
Le trompettiste Ambrose Akinmusire n’avait pu faire le déplacement pour recevoir le Grand Prix de l’Académie du Jazz couronnant le meilleur disque de l’année. A l’issu d’un troisième tour de scrutin très serré, une seule voix séparait “When the Heart Emerges Glistening” présenté par François Lacharme comme « un disque qui se mérite, s’écoute et se découvre, même s’il peut dérouter de prime abord » d’“Excelsior”, enregistrement en solo de Bill Carrothers. Les amateurs de piano avaient voté pour le disque admirable du pianiste, parvenant presque à le hisser au sommet. A la grande joie de ses partisans, l’album d’Akinmusire termina premier. Les remerciements très brefs mais sincères d’un trompettiste heureux nous parvinrent en images.
Déjà primé par l’Académie du Jazz en 2004, le chanteur R. Kelly obtint le Prix Soul pour son disque “Love Letter”. S’il n’avait pu se déplacer, Sharrie Williams, une chanteuse du Michigan, avait fait le voyage pour recevoir le Prix Blues. Membre de l’Académie et directeur de publication de la revue Soul Bag, Jacques Périn put donc le lui remettre. Sharrie remercia Dieu, sa famille, l’Académie du Jazz puis nous fit passer un extraordinaire moment grâce à sa voix aussi puissante que magnifique. Sa version émouvante de God Bless the Child nous remplit d’émotion. Avec elle, Alain Jean-Marie au piano, « aussi princier que d’habitude » pour citer Jean-Louis Wiart, un homme de goût et de culture, posait délicatement les accords du thème, l’effeuillant avec une grâce sans nulle autre pareille.
Comme l’an dernier, le très attendu et convoité Prix Django Reinhardt fut attribué à un guitariste, à un musicien expérimenté dont le nom revenait souvent dans les pré-listes de l’Académie du Jazz. « Un prix qui t’arrive un peu tard, mais que je suis très heureux de te voir décerner » déclara François Lacharme à Nguyên Lê, le récipiendaire de cette récompense prestigieuse. Le chanteur Michel Delpech le remit au guitariste dont le dernier enregistrement, “Songs of Freedom”, est le moins jazz de sa carrière. En duo avec le bassiste Linley Marthe, Nguyên interpréta Pastime Paradise de Stevie Wonder juste avant que ne s’ouvrent les portes conduisant au cocktail « après le bla-bla, le glou-glou » les derniers mots du Président invitant à poursuivre la fête la bouche pleine et le verre à la main, Jonas, le vin du Gard de Philippe Briday (Domaine Combe de la Belle), 100% Grenache, remportant un franc succès.
J'ignore le nom de la jolie blonde qui accompagne Mika Shino, mais cette représentante de l'UNESCO attire comme un aimant. Sur la photo de droite, Misja Fitzgerald Michel et son père Dany Michel entourent Michèle Feriaud (Batida and Co.). Guitariste, Misja sort un nouvel album le 13 février, "Time of no Reply" (No Format!/Universal), consacré à la musique de Nick Drake.
La charmante Susanna Bartilla qui parle plusieurs langues à la perfection. Son activité de traductrice ne l'empêche pas de chanter. Après un disque consacré à Johnny Mercer, elle s'apprête à enregistrer certains thèmes du répertoire de Peggy Lee. A droite, Nicolas Petitot, un amateur de vin jaune. Blang Music, sa petite maison de disques abrite "This is You", une rencontre superbe entre le pianiste Tom McClung et le saxophoniste Jean Jacques Elangué.
Arnaud Merlin et André Francis, tous deux membres de l'Académie du Jazz. André en est d'ailleurs le doyen, mais sa jeunesse d'esprit en fait presque un jeune homme. Au centre avec le pianiste Dominique Fillon, Philippe Gaillot, un ingénieur du son aux très grandes oreilles. Yaron Herman, Jacky Terrasson enregistrent chez lui, au Studio Recall. A droîte, barman d'un soir, mais véritable commissaire, l'irremplaçable Pierre Maigret, imbattable pour repérer les pochtrons.
Non ce n'est pas Judex, immortalisé par Georges Franju dans le film du même nom, mais Michel Contat qui rend justice au jazz dans les colonnes de Télérama. Avec lui, Jacques des Lombards, passionné de jazz (free) et de courses automobiles. Sur le cliché de droite, Christophe Chenier de l'AFP semble se désintéresser totalement de sa voisine, la charmante Miles Yzquierdo en grande conversation avec l'un de ses nombreux admirateurs.
Un peu inquiet Jean-Jacques Pussiau (Out Note Records). Son voisin à la mine patibulaire (photo centrale) ne lui inspire aucune confiance. Que Jean-Jacques se rassure: malgré quatorze verres de vin dans le sang, John Buffalo leader des Bonga Bongo Experimental Syncopators n'est dangereux que par sa musique inaudible et paralysante qu'il fait bon ne point entendre. Alain Jean-Marie s'en moque. Il en a vu d'autre dans une carrière pour le moins prestigieuse.
Le blagueur de Choc avec Mauro Gargano, contrebassiste émérite. Les histoires du blogueur blagueur passionnent Philippe Etheldrède venu prendre des nouvelles du couple Michu. Cela amuse Julie-Anna Dallay Schwartzenberg, l'irremplaçable cheville ouvrière d'Arts et Spectacles qui a produit l'album de Michel El Malem récompensé par l'Académie.
Frais comme un gardon, Marcel Zanini ne perd pas une miette du buffet. Que regarde-t-elle Isabelle Marquis ? Elle a passé une partie de l'après-midi à installer l'exposition Duke Ellington dans le foyer du Châtelet. On aimerait en avoir beaucoup d'autres comme elle à L'Académie du Jazz, mais Isabelle n'est pas duplicable. A droite, Jean-Louis Chautemps s'apprête à déguster un divin breuvage. Il le mérite. Son évocation de Stan Getz le condamne à étancher sa soif.
Toujours pimpante Elisabeth Caumont. Les années passent, elle ne change pas. Mais comment fait-elle ? Leïla Olivesi a peut-être un elixir à proposer. Rendez-vous au Sunside le 27 pour rajeunir avec sa musique. Très élégante, Monique Feldstein arbore un superbe chapeau dans lequel elle espère avoir glissé le ticket gagnant du loto. Vous avez sans doute reconnu Claude Tissendier sur la photo de droite. La jeune femme qui l'accompagne n'est pas la sienne. Madame Alain Tomas, semble apprécier ce nouveau partenaire.
Très satisfait de cette remise des prix, le Président François Lacharme s'est autorisé un verre d'alcool. On le constate sur cette photo qu'il partage avec Nguyên Lê. Tous deux exhibent des dents parfaites. Le barbu de droite n'est pas Monsieur Häagen Dazs, glacier de son état, mais le docteur Francis Capeau qui cultive son jardin, prend grand soin de ses disques et sert à boire les assoiffés. Quelle autre Académie que celle du jazz transforme un médecin radiologue en barman ?
Journaliste apprécié pour ses chroniques au ton modéré et sa culture jazzistique, Lionel Eskenazi a rejoint l'Académie en 2010 sous nos applaudissements. L'attachée de presse de l'institution, la gracieuse Agnès Thomas avec Julien, un vieux pote. A droite Philippe Levy-Stab dont on peut admirer les belles photos de musiciens, ses images de Paris et de New York en noir et blanc. Photographe photographié, Philippe ne craint plus les objectifs. Il en a même plein la tête.
Quatre des lauréats de cette remise de prix 2011 de l'Académie du Jazz photographiés par Philippe Marchin que je remercie pour ses photos. De gauche à droite: Michel El Malem Prix du Disque Français, Francesco Bearzatti Prix du Musicien Européen, Nguyên Lê Prix Django Reinhardt et Sharrie Williams Prix Blues.
LE PALMARES 2011
Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année) : Nguyên Lê
Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) : Ambrose Akinmusire : « When The Heart Emerges Glistening » (Blue Note/EMI)
Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) : Michel El Malem Group « REFLETS » (Arts et Spectacles/Rue Stendhal)
Prix du Musicien Européen (récompensé pour son œuvre ou son actualité récente) :Francesco Bearzatti
Prix de la Meilleure Réédition : Stan Getz « Quintets : The Clef & Norgran Studio Albums » (Verve/Universal)
Prix du Jazz Classique : Guillaume Nouaux « Drumset in the Sunset » (Autoproduction/Jazztrade-Jazzophile)
Prix du Jazz Vocal : Gregory Porter « Water » (Motéma/Intégral)
Prix Soul : R. Kelly « Love Letter » (Jive/Sony)
Prix Blues : Sharrie Williams « Out of the Dark » (Electro-Fi/www.electrofi.com)
Prix du livre de Jazz : Alain Pailler « Ko-Ko » (Editions Alter ego)
CREDITS PHOTOS :
Foyer du Châtelet © Phil Costing
François Lacharme au micro, Jean-Luc Choplin & Guillaume Nouaux, Claude Carrière & Joël Mettay, Stéphane Papinot, Mika Shino & François Lacharme, Cristina Zavalloni & Francesco Bearzatti, Sharrie Williams, Michel Delpech avec François Lacharme & Nguyên Lê, Alex Dutilh & Seydou Barry, Jacques Périn & Sharrie Williams, Jean-Louis Lemarchand, Misja Fitzgerald Michel avec Michèle Feriaud et Dany Michel, Jean-Jacques Pussiau, Alain Jean-Marie, Marcel Zanini, Isabelle Marquis, François Lacharme & Nguyên Lê, Photo de groupe (Michel El Malem, Francesco Bearzatti, Nguyên Lê et Sharrie Williams) © Philippe Marchin
Jean-Louis Chautemps (au ténor), Michel El Malem, Patrice Caratini, Séba stien Belloir & Emilie Manchon, Glenn Ferris, Mika Shino, Susanna Bartilla, Nicolas Petitot, Clotilde Rullaud, Arnaud Merlin & André Francis, Philippe Gaillot et Dominique Fillon, Pierre Maigret, Michel Contat & Jacques des Lombards, Christophe Chenier & Miles Yzquierdo, John Buffalo, Philippe Etheldrède, Julie-Anna Dally Schwartzenberg, Jean-Louis Chautemps (portant un toast), Elisabeth Caumont & Leïla Olivesi, Monique Feldstein, Madame Alain Tomas & Claude Tissendier, Francis Capeau, Lionel Eskenazi, Agnès Thomas & Julien, Philippe Levy-Stab © Pierre de Chocqueuse