Parisien depuis 1998 et contrebassiste très demandé - René Urtreger, Christophe Marguet, Giovanni Mirabassi, Nicolas Folmer, Philippe Le Baraillec utilisent ses services - , Mauro Gargano a choisi de donner à ce disque le nom de sa formation, Mo’ Avast, « ça suffit ! » dans le dialecte de Bari, ville des Pouilles qui le vit naître. Son existence remonte à 2003, mais Mauro n’avait jamais enregistré avec elle, préférant attendre pour la faire connaître sur disque. La longue période qui s’est écoulée depuis sa création a ainsi permis aux musiciens d’affiner un jeu interactif, de parfaire des compositions ouvertes qui leur laissent beaucoup de place pour improviser. Dans les notes de livret de l’album qu’il a rédigées, le contrebassiste avoue avoir conservé dans la mesure du possible un maximum de premières prises « même à défaut d’une certaine précision formelle » ce qui donne fraîcheur et spontanéité à la musique du groupe. Poids lourd du saxophone ténor, mais aussi clarinettiste, Francesco Bearzatti a l’habitude de mêler ses instruments à l’alto de Stéphane Mercier qu’il provoque. Leurs discussions sont vives, passionnées. Tous deux exposent les thèmes, leurs unissons s’effilochant pour devenir dialogues, interrogations ludiques, va et vient permanent de questions et de réponses. Si Francesco souffle des notes souvent brûlantes, son agressivité au ténor se voit tempéré par l’aspect chantant et mélodique des compositions de Mauro dont la contrebasse ronde et inventive structure la musique, l’encadre souplement. Avec elle pour réagir, faire silence, doubler ou modifier le tempo, les tambours et les cymbales de Fabrice Moreau, batteur coloriste qui suggère et caresse les rythmes, attache de l’importance au son, à la dynamique de sa batterie. Mauro Gargano aime les couleurs d’où l’importance de la clarinette dans Respiro del Passato, l’un des thèmes chantants de cet album dans lequel il se réserve quelques solos de contrebasse (dans Bass“A” Line notamment), Rootz (4min 40) étant entièrement dévolu à l’instrument. Dans 1903, la clarinette cite clairement Nino Rota. La composition semble pourtant inspirée par Lonely Woman d’Ornette Coleman dont l’esprit souffle sur la musique. Lorsque Bruno Angelini y ajoute son piano, elle acquiert d’autres couleurs, mais aussi une assise harmonique plus franche. Mars surtout en bénéficie. S’appuyant sur l’ostinato que joue la contrebasse, le pianiste pose les accords du thème, lui offre des harmonies chatoyantes. Des relectures de Turkish Mambo(méconnaissable sans le piano de Lennie Tristano) et de When God Put a Smile Upon Your Face (un tube de Coldplay), complètent un album dont la richesse ne se dévoile qu’après plusieurs écoutes.