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3 juin 2016 5 03 /06 /juin /2016 09:20
Noblesse oblige

Juin : publiées aux Etats-Unis en 1973, les mémoires de Duke Ellington, “Music Is My Mistress, m’enchantent. Slatkine & Cie, une courageuse maison d’édition, les éditent pour la première fois en français. Éminent spécialiste de l’œuvre ellingtonienne, Claude Carrière en a rédigé la préface. Christian Bonnet qui préside La Maison du Duke, en a remanié une ancienne traduction, des centaines d’heures de relectures, de corrections afin de rendre l’ouvrage parfaitement lisible. Il l’est, et l’on s’y plonge avec bonheur, goûtant l’humour, la verve poétique de ses pages.

Noblesse oblige

On découvre un Duke Ellington inattendu, un humaniste, mais aussi un bon vivant qui consacre un chapitre entier de son livre à ses papilles gustatives. L’homme aime la bonne cuisine, les bons vins ce qui ne l’empêche pas d’être profondément croyant. Parcourant le monde, reçu par des chefs d’État, des rois et des reines, il va de réception en réception non sans s’inquiéter de sa ligne et de sa santé, donnant les noms de ses médecins qu’il réveille parfois en pleine nuit. De nombreuses pages sont consacrées à ses voyages, aux tournées de son orchestre à travers le monde. Duke Ellington revient sur son apprentissage, sa jeunesse à Washington, sa découverte de New York. Il dresse des portraits flatteurs des membres de sa famille, de ses amis, des musiciens de sa formation mais aussi de tous ceux qu’il admire. La musique bien sûr y tient une place importante. Elle n’a pas de frontières, se juge « à l’aune de l’oreille humaine ». La sienne n’a jamais cessé d’évoluer, de se sophistiquer, provoquant l’incompréhension d’une partie de son public. En 1950, lors d’un concert qu’il donne avec son orchestre au Palais de Chaillot, il joue sa Liberian Suite lorsqu’un jeune homme l’interpelle : « Monsieur Ellington, nous sommes venus écouter Ellington. Ceci n’est pas du Ellington ! ».

Noblesse oblige

Qu’est-ce que le jazz ? Où commence-t-il ? Où s’arrête-t-il ? Duke Ellington n’a pas été le seul à se poser des questions qui sont toujours d’actualité. Pour René Urtreger, le jazz est une musique savante associant le cerveau, le cœur et les tripes. Née de la rencontre de l’Afrique et de l’Europe en terre américaine, elle s’est progressivement affranchie de ses racines populaires et africaines, s’est débarrassée du swing, de sa sensualité pour s’intellectualiser. Le pianiste regrette qu’aujourd’hui, les musiciens noirs jouent comme les blancs, comme des musiciens classiques. Dans “Le Roi René, publié chez Odile Jacob, il se confie avec franchise à Agnès Desarthe qui nous livre le vrai roman de sa vie tumultueuse. Très jeune, il joue avec les plus grands dans les clubs parisiens, avec Buck Clayton et Don Byas, avec Miles Davis pour la musique d’“Ascenseur pour l’échafaud. Puis vinrent la drogue « pour annuler la peur de jouer », la chute après l’ascension, les années yéyés auprès de Claude François et la relève en 1977 alors qu’il est en bas de l’échelle, qu’il a abandonné le jazz pendant presque quinze ans. Si certains le croient « conservé dans le be-bop comme un fossile dans l’ambre », le Roi René n’a jamais aussi bien joué que ces dernières années. « Je sais d’où je viens. Je connais très bien mes racines et la source de mon jeu. C’est justement ça qui me permet de m’en affranchir, d’aller voir ailleurs si j’y suis. Je ne renie pas, je ne trahis pas. J’évolue ».

Noblesse oblige

Venu nombreux au Théâtre du Châtelet assister à la soirée du 60ème anniversaire de l’Académie du Jazz le 8 février dernier, le public s’est vite aperçu de la modernité de son piano. Doyen de l’octette qui réunissait des lauréats du Prix Django Reinhardt, René Urtreger assura brillamment la première partie d’un concert au cours duquel l’Académie décerna les prix les plus importants de son palmarès 2015. Le Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) revint à un autre pianiste, Fred Hersch, pour “Solo” édité sur le label Palmetto. Absent, il ne put récupérer son trophée. Sur cette photo de Philippe Marchin prise mardi dernier (le 31 mai), François Lacharme qui préside l’Académie du Jazz le lui remet sur la scène du Duc des Lombards, sous les applaudissements de votre serviteur, secrétaire général (et non pas perpétuel) de cette Académie.

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Noblesse oblige

-Un rendez-vous trimestriel à ne pas manquer, celui de retrouver le temps d’un brunch au Petit Journal Montparnasse le Duke Orchestra. Premières mignardises le dimanche 5 juin (de 11h30 à 14h30). En cuisine, ils s’activent déjà : les poulets rôtissent, les œufs sont brouillés, les oranges pressés. C’est le temps des cerises, tartes et clafoutis vous attendent. Et puis, il y a l’orchestre, la meilleure formation ellingtonienne de la planète jazz. Laurent Mignard en assure la direction. Avec lui : André Villéger, Aurélie Tropez, Fred Couderc, Olivier Defaÿs, Philippe Chagne (saxophones et clarinettes), Benjamin Belloir, Sylvain Gontard, Jérôme Etcheberry, Richard Blanchet (trompettes), Bastien Ballaz, Michaël Ballue, Jerry Edwards (trombones), Philippe Milanta (piano), Bruno Rousselet (contrebasse) et Julie Saury (batterie). Réservation obligatoire au 06 37 58 17 93.

Noblesse oblige

-Le 6 à 20 h 30, à la Petite Halle de la Villette (211 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris), le Secours Populaire organise pour la seconde année consécutive un concert avec des musiciens venant d’univers musicaux différents. Le pianiste André Manoukian est le maître d’œuvre de ce second « Secours Pop Live ». La chanteuse China Moses, le guitariste Sylvain Luc, le percussionniste argentin Minino Garay, le cornettiste Médéric Collignon, le pianiste Florian Pellissier, le chanteur Djeuhdjoah, le batteur Cyril Atef et quelques autres participeront à la soirée, se mettant ensemble pour dialoguer et échanger, s’ouvrir aux cultures musicales du monde, et tout cela pour une bonne cause.

Noblesse oblige

-On retrouve le Petit Journal Montparnasse le 8 pour un unique concert parisien de Sinne Eeg. Mezzo-soprano au large ambitus, la chanteuse danoise compose d’excellentes chansons et s’entoure de très bons musiciens. Impressionnante a cappella, elle aime aussi se faire accompagner par la seule contrebasse de Thomas Fonnesbæk qui lui donne le tempo et joue ses propres lignes mélodiques. En témoigne le disque qu’ils ont enregistré ensemble l’an dernier. Jacob Christoffersen au piano et Morten Lund, batteur très demandé au Danemark, entourent également la chanteuse. Tous ont participés à “Face the Music” (Stunt Records). Prix du Jazz Vocal 2014 de l’Académie du Jazz, cet album de Sinne Eeg a obtenu la même année un Danish Music Award.

Noblesse oblige

-Bien connu des mélomanes, un piano Fazioli équipant sa salle de concert, l'Institut Culturel Italien de Paris (Hôtel de Galliffet, 50 rue de Varenne 75007 Paris) programme en juin du classique, de la musique contemporaine et du jazz. Le 9 à 20h00, le pianiste Giovanni Guidi y est attendu en solo pour une « conversation avec lui-même » inspirée de Bill Evans. Successeur de Stefano Bollani au sein de l’orchestre d’Enrico Rava, il est l’auteur de plusieurs albums parus chez Cam Jazz dont le remarquable “We Don't Live Here Anymore” enregistré à New York avec Gianluca Petrella, Michael Blake, Thomas Morgan et Gerald Cleaver. Privilégiant les pièces modales et lentes, “This is the Day”, son dernier disque en trio pour ECM, est l’un des 13 Chocs de l’année 2015 de ce blog. Un second concert est prévu le 20 juin, toujours à 20h00. Giovanni Guidi sera alors accompagné par le contrebassiste Matteo Bortone, élu meilleur nouveau talent 2015 par la revue Musica Jazz. Ces concerts sont gratuits, mais il est indispensable de réserver vos places sur le site web de l’Institut.

Noblesse oblige

-Madeleine & Salomon au New Morning le 15 (20h30). Madeleine, c’est Clotilde Rullaud. Elle chante et joue de la flûte. Salomon, c’est Alexandre Saada. Son piano interpelle par ses couleurs, ses harmonies, ses notes économes et bien choisies. Ils se sont rapprochés à l’occasion d’une tournée en Asie et viennent de sortir leur premier disque. Hommage poétique délicatement minimaliste aux chanteuses américaines engagées qui osèrent affirmer leur féminité, “A Woman’s Journey” puise ses thèmes dans un large répertoire. Des pièces de Nina Simone, le Strange Fruit que chantait Billie Holiday y côtoient des compositions de Marvin Gaye et de Janis Joplin. Des « protest songs » qui nous sont moins familiers complètent l’album récemment commenté dans ce blog. De courts films oniriques constitués d'images d'archives accompagneront la musique d’un concert événement.

Noblesse oblige

-20ème édition du Festival Vocal au Sunside / Sunset du 15 juin au 7 juillet. Du jazz bien sûr, mais aussi bien d’autres musiques sont au programme de cette manifestation. Les têtes d’affiche en sont Anne Ducros (en trio avec Robert Kaddouch au piano et Gilles Nicolas à la contrebasse) le 17 et Dee Alexander (en quartette avec Miguel delaCerna au piano, Junius Paul à la contrebasse et Ernie Adams à la batterie) le 25. Originaire de Chicago, cette dernière possède une voix chaude et émouvante qu’elle met au service d‘un vaste répertoire de standards. Edité l’an dernier sur le label Blujazz, “Songs My Mother Loves”, disque dans lequel Oliver Lake joue du saxophone alto, en témoigne. On consultera le site du club pour tout savoir sur les autres concerts de ce festival.

Noblesse oblige

-Manuel Rocheman au Duc des Lombards le 22 avec Mathias Allamane à la contrebasse et Matthieu Chazarenc à la batterie. Après “The Touch of Your Lips, un hommage à Bill Evans qu’il a enregistré avec eux en 2009, et dans lequel il renouvelle son jeu de piano, il garde le même trio dans “misTeRIO” (Bonsaï Records), un nouveau disque renfermant de nouvelles compositions. Très travaillées, ces dernières mettent en valeur un pianiste virtuose dont la fluidité de jeu nous fait oublier une technique impressionnante. Manuel n’est pourtant pas avare de notes. Elles fusent nombreuses, brillent d’or pur, trouvent leur place dans des phrases élégamment rythmées. Il fait chanter des harmonies chatoyantes et le trio qui l’accompagne sert merveilleusement sa musique.

Noblesse oblige

-Pour venir en aide aux victimes des villages sinistrés du Népal, l’un des dix pays les plus pauvres de la planète, l’association à but humanitaire Partage dans le Monde (30, rue Claude Decaen, 75012 Paris) organise le 26 juin au New Morning (19h00) sa troisième édition de « Jazz pour le Népal ». Son objectif : réunir des fonds pour offrir aux plus démunis des consultations médicales gratuites, reconstruire les écoles détruites par de récents séismes, installer l’eau potable dans des villages reculés. Fédéré par le pianiste Nicola Sergio, des musiciens indiens, des jazzmen, et des personnalités éminentes de la musique classique ont accepté de soutenir cette manifestation caritative et d’y participer. Accompagné par Jean-Charles Richard (saxophone), Antoine Gramont (violoncelle), Arnaud Cuisinier (contrebasse) et Luc Isenmann (batterie), Nicola Sergio assurera en quintette la partie jazz du concert. Gaëtane Prouvost (violon) et Claude Collet (piano) joueront des œuvres du répertoire classique et associé à Luc Isenmann, Narendra Bataju (sitar) de la musique indienne.

Noblesse oblige

-La 23ème édition du Paris Jazz Festival, se tiendra au Parc Floral de Paris du 11 juin au 31 juillet. Huit week-ends pour découvrir et écouter toutes sortes de musiques. La Belgique est à l’honneur les 25 et 26 juin. Aka Moon, le groupe du batteur Stéphane Galland (le 25) n’est pas ma tasse de thé, mais ne manquez pas le 26 le Brussels Jazz Orchestra, l’un des meilleurs orchestres de jazz européen que dirige son directeur artistique, le saxophoniste Franck Vaganée. Ce rutilant big band de seize musiciens (Nathalie Loriers y tient le piano) qui nous visite très rarement ne sera pas seul à occuper l’espace Delta du Parc Floral (à 16h00 précisément). Il invite David Linx dans un programme consacré à Jacques Brel qui à partir du 10 juin sera disponible en album. Très soignés, les arrangements mettent en valeur une voix qui relève un défi : jazzifier les grandes chansons de Brel, les faire revivre différemment. Le même jour, mais à 14h30, toujours à l’espace Delta, le pianiste Yvan Paduart se produira en trio avec Philippe Aerts à la contrebasse et Hans Van Oosterhoot à la batterie. Je n’aime pas trop ses disques de jazz fusion, mais Yvan Paduart est un grand pianiste et “Crush, enregistré en 2008 avec le Metropole Orchestra, un grand disque.

Noblesse oblige

-Le quartette de Branford Marsalis avec Kurt Elling les 27 et 28 juin (20h30) sur la scène du New Morning dans le cadre du festival « All Stars » qu’organise le club. Maître souffleur, Branford continue de nous surprendre par la diversité de ses projets. Après avoir consacré un album au chef d’œuvre de John Coltrane, “A Love Supreme”, et effectué l’an dernier une tournée de 20 concerts à travers l’Amérique pour jouer de la musique baroque, le saxophoniste vient d’intégrer à son quartette le chanteur Kurt Elling. Enregistré avec lui à la Nouvelle-Orléans “Upward Spiral” (Okeh / Sony Music), un album, mélangeant standards et chansons, est en vente depuis le 10 juin. Justin Faulkner remplace désormais Jeff “Tain” Watts à la batterie au sein d’une formation comprenant toujours Joey Calderazzo au piano et Eric Revis à la contrebasse. Tous se sont impliqués dans le choix du répertoire qui comprend des morceaux de Sting (Practical Arrangement), d’Antonio Carlos Jobim, de Sonny Rollins (Doxy) et des pièces arrangées par le groupe.

Noblesse oblige

-Le 30, Randy Weston est lui aussi attendu au New Morning, toujours dans le cadre de son All Stars Festival. Avec lui les musiciens de son African Rhythms Quintet, Billy Harper (saxophone ténor), Tk Blue (saxophone alto et flûte), Alex Blake (contrebasse) et Neil Clarke (batterie, percussions). A 90 ans (il est né à Brooklyn le 6 avril 1926), le pianiste reste une des dernières légendes du piano jazz. Admirateur de Thelonious Monk, il posséda un club de jazz à Tanger et composa quelques thèmes qui sont devenus des standards. Influencé par l’Afrique, par sa rencontre avec les Gnawas du Maroc, il joue un piano énergique, percussif et trempé dans le blues, le registre grave de l’instrument étant abondamment sollicité. Avec le journaliste Willard Jenkins, Randy Weston a également écrit ses mémoires, “African Rhythms, autobiographie traduite en français en 2014 chez Présence Africaine.

Noblesse oblige

-Saxophoniste très demandé – il joue dans de nombreuses formations, notamment celles de Florian Pellissier et de Nicolas Moreaux Christophe Panzani est attendu le 1er juillet au Duc des Lombards à l’occasion de la sortie de son premier disque sous son nom. “Les âmes perdues” (Jazz & People) contient sept morceaux, sept duos enregistrés par ses soins au domicile de sept pianistes avec lesquels il dialogue et partage sa musique. Au Duc, ils seront quatre à jouer avec lui ses compositions : Yonathan Avishai qui a signé l’an dernier avec “Modern Times” un album remarqué en trio ; Laia Genc, une pianiste allemande à découvrir ; Léonardo Montana souvent associé à Triphase, la formation d’Anne Paceo et auteur d’un opus en duo avec le bassiste cubain Felipe Cabrera ; Tony Paleleman accompagnateur régulier de l’accordéoniste Vincent Peirani.

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

-Petite Halle de la Villette : www.spf75.org

-New Morning : www.newmorning.com

-Institut Culturel Italien de Paris : www.iicparigi.esteri.it

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Partage dans le Monde : www.partagedanslemonde.com

-Paris Jazz Festival : www.parisjazzfestival.fr

 

Crédits Photos : Fred Hersch, Christophe Panzani © Philippe Marchin Giovanni Guidi © Andrea Boccalini – Madeleine & Salomon © Alexandre Saada – Dee Alexander © Claude-Aline Nazaire – Manuel Rocheman Trio © Karine Mahiout – Randy Weston © Carol Friedman – Duke Ellington, Sinne Eeg, David Linx & The Brussels Jazz Orchestra, Kurt Elling & Branford Marsalis © Photos X/D.R.

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2 mai 2016 1 02 /05 /mai /2016 08:57
Un Bill tombé du ciel

Printemps 2013 : Zev Feldman de Resonance Records rencontre à Brême un des fils du producteur et ingénieur du son allemand Hans Georg Brunner-Schwer (1927-2004), fondateur des disques MPS. À la question : « possédez-vous des bandes inédites ? », le jeune Mr. Brunner-Schwer lui répond que sa famille détient un enregistrement studio d’une excellente qualité sonore, un inédit de Bill Evans en trio avec Eddie Gomez à la contrebasse et Jack DeJohnette à la batterie. Après de longues négociations, l’intégralité de cette séance du 20 juin 1968, voit aujourd’hui le jour non sans créer le buzz, mettre en émoi le monde du jazz. Bill Evans est un pianiste immense. Ses albums, sa participation et son influence sur “Kind of Blue, le chef-d’œuvre de Miles Davis en 1959, ont fait de lui une icône incontournable.

Un Bill tombé du ciel

Si la parution de “Some Other Time, the Lost Sessions from the Black Forest est bien sûr un événement, le disque ne possède toutefois pas la sérénité que le pianiste affiche dans “You Must Believe in Spring, un opus publié en 1981, un an après sa mort. Ici, Gomez bavarde et DeJohnette, à l’essai, ne joue pas son drumming habituel. C’est un bon disque de Bill (les mauvais n’existent pas) en quête de la formation la plus apte à jouer sa musique, un disque de transition qui envoie au tapis bien des pianistes d’aujourd’hui. De quoi donner du grain à moudre aux amateurs de jazz tournés vers le passé qui refusent les nouveautés et s’effraient de l’audace. Comme si l’histoire s’était close à la fin des années 60, jouer un autre jazz après l’âge d’or des décennies précédentes restant inconcevable. Les musiciens n’ont pourtant jamais été aussi nombreux. Surmédiatisés, plébiscités par un public peu averti, les plus remuants occupent l’espace musical, les scènes des grands festivals. Les meilleurs, les nouveaux grands du jazz, peinent à se produire dans de petits clubs, à trouver de petites salles. C’est là que nous aimons les entendre. Le bonheur d’écouter chez nous un inédit de Bill Evans, ne doit pas nous dispenser d’aller les applaudir.

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Un Bill tombé du ciel

-Kenny Werner les 2 et 3 mai au Duc des Lombards en trio avec Johannes Weidenmueller à la contrebasse et Ari Hoenig à la batterie, des musiciens qui le suivent depuis plus de quinze ans. Les deux albums produits par Jean-Jacques Pussiau et enregistrés au Sunset en novembre 2000 en témoignent. C’est également avec eux que le pianiste a enregistré avec eux son disque le plus récent. Publié l’an dernier, “The Melody réunit d’anciennes compositions de Werner ainsi que des standards qui lui sont familiers. Improvisateur à l’imagination féconde, il accorde la plus grande importance à la visibilité de la ligne mélodique qui cimente ses morceaux. Rythmicien énergique et véloce, il n’exhibe jamais gratuitement sa technique, mais sert constamment la musique.

Un Bill tombé du ciel

-Le 6 à 19h30, Leïla Olivesi nous convie à assister dans l’auditorium du 13ème arrondissement, 16-18, rue Nicolas Fortin, à la création de sa “Suite Andamane, une œuvre réunissant pour la circonstance le Chœur Hector Berlioz, le Big Band et l’Orchestre Symphonique de ce même arrondissement. Réservation obligatoire au 01 42 38 33 77 ou par courriel (voir la liste des liens). La pianiste nous donne également rendez-vous le vendredi 27 mai au Sunside avec les musiciens d’“Utopia, son dernier disque, Manu Codjia (guitare) Yoni Zelnik (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie) invitant le saxophoniste Jean-Charles Richard à participer à la fête.

Un Bill tombé du ciel

-Billy Hart retrouve le Duc des Lombards les 12, 13 et 14 mai pour trois soirées et six concerts. Batteur à la frappe sèche, à la sonorité épaisse et aux ponctuations énergiques, il aime prendre des risques dans le cadre des compositions ouvertes qu’il signe avec son groupe. Avec lui, Mark Turner au saxophone ténor, Ethan Iverson au piano et Ben Street à la contrebasse. Le quartette a enregistré deux albums pour ECM : “All Our Reasons” et “One Is The Other”. Tempérées par le lyrisme, les improvisations souvent abstraites du ténor et les harmonies flottantes du pianiste offrent un vaste champ d’investigation, tant harmonique que rythmique, à cette formation pas comme les autres.

Un Bill tombé du ciel

-Le 14 au Sunside, Olivier Robin nous donnera à entendre le contenu de “Jungle Box”, un album distribué par Socadisc dont il a composé l’intégralité du répertoire, du hardbop intemporel et réjouissant modernisé par les musiciens talentueux qui l’entourent. Le disque réunit Julien Alour (trompette et bugle), David Prez (saxophone ténor), Vincent Bourgeyx (piano) et Damien Varaillon (contrebasse). Ils seront tous au Sunside, Olivier Robin assurant avec eux le swing et la batterie.

Un Bill tombé du ciel

-Jean-Marc Foltz (clarinettes) et Stephan Oliva (piano) au Sunside le 17, soit dix jours avant la sortie de leur nouvel album sur le label Vision Fugitive. Comme son nom l’indique, “Gershwin” est consacré au célèbre compositeur dont les œuvres, fréquemment reprises par les jazzmen, ont fait le tour du monde. Ce nouvel opus de nos deux complices n’est toutefois pas un hommage comme les autres. Les mélodies de George Gershwin se parent d’harmonies nouvelles, sont prétextes à des improvisations qui, tout en respectant le matériel thématique abordé, en diffractent la musique. Plongée dans un bain de silence, cette musique capiteuse et sensuelle prend son temps pour nous séduire, retient son souffle pour se faire désirer.

Un Bill tombé du ciel

FESTIVAL JAZZ à SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS

(16ème édition du 19 au 31 mai - Avec le soutien de la fondation BNP Paribas)

 

Un Bill tombé du ciel

-Sur la photo, Jacky Terrasson pose avec Donatienne Hantin, directrice générale du festival et Frédéric Charbaut son directeur artistique. Ce dernier nous a concocté une programmation conséquente et éclectique dont je vous livre l'essentiel. Chargé le 19 du concert d'ouverture, le pianiste a conçu un programme inédit consacré au compositeur Maurice Ravel. “Round About Ravel” réunit un quintette comprenant Stéphane Belmondo (trompette et bugle), Lionel Belmondo (saxophones et arrangements), Thomas Bramerie (contrebasse), Simon Goubert (batterie) et Jacky au piano. S’y ajoute un quatuor à cordes. Le lieu : le grand amphithéâtre de l’Université Panthéon-Assas, 92 rue d’Assas dans le 6e (à 21h00).

Un Bill tombé du ciel

Si vous avez un peu de temps et que vous êtes dans le quartier ce jour-là (le 19), commencez par vous rendre au Café les Éditeurs, 4 Carrefour de l’Odéon. Entre 17h30 et 18h30, dans le cadre des désormais célèbres « Jazz & Bavardages » que propose chaque année le festival, Laurent de Wilde y parlera de son livre “Les fous du son” et rencontrera, souhaitons le lui, un large public. Publié chez Grasset, son gros bouquin de 560 pages nous fait rencontrer des inventeurs au comportement excentrique, des drôles de machines sonores. Cette passionnante épopée du son se lit comme un roman.

Un Bill tombé du ciel

-Le concert que le pianiste suisse Nik Bärtsch donnera le 21 à la Maison des Océans (195 rue Saint-Jacques, Paris 5e à 21h00), sera assurément un des temps forts du festival. Avec lui, Mobile, une formation acoustique comprenant Sha à la clarinette basse, Kaspar Rast et Nicolas Stocker se partageant batteries et percussions. Rejoint par un quatuor à cordes, le groupe vient de faire paraître chez ECM, “Continuum”, un mélange subtil de jazz et de musique répétitive dont les grands moments sont à mon humble avis la première et les deux dernières plages (Modul 29_14, Modul 44 et Modul 8_11).

Un Bill tombé du ciel

-Ne manquez pas non plus le 24 au Musée de Cluny (6, place Paul-Painlevé, Paris 5e – deux concerts 19h00 et 21h00) le trio que Stéphane Belmondo a constitué avec Thomas Bramerie et le guitariste Jesse Van Ruller pour saluer la mémoire de Chet Baker, son mentor, le trio se penchant sur la période SteepleChase du trompettiste, lorsque Chet jouait avec le guitariste Doug Raney et le contrebassiste Niels-Henning Ørsted Pedersen. Publié en 2015 chez Naïve, le disque s’intitule “Love for Chet”. Comme titre, on ne pouvait trouver mieux.

Un Bill tombé du ciel

-Enfin le 27, à la Maison des Cultures du Monde (20h30, 101 boulevard Raspail, Paris 6e à 20h30), on peut se laisser tenter par un trio inédit réunissant Kevin Hays (un grand pianiste américain trop rarement programmé), le batteur Jeff Ballard et Michel Portal, invité spécial du festival à l'occasion de ses 80 ans. Si vous l’appréciez, ce dernier se produira au sein de diverses formations au cours du festival, avec notamment Yaron Herman (le 23), Émile Parisien et Vincent Peirani (le 31). On consultera le programme pour en connaître davantage.

Un Bill tombé du ciel
Un Bill tombé du ciel

-Hors festival, le 30 et le 31, Fred Hersch est attendu avec son trio au Duc des Lombards. C’est un des concerts du mois. Un géant du piano qui se produit dans une petite salle, le cas est malheureusement fréquent. Mal distribués, ses disques ne bénéficient d’aucune promotion mais n’échappent pas aux oreilles des critiques avisés. “Solo” son dernier disque, s’est vu ainsi récompensé par le Grand Prix de l’Académie du Jazz 2015. Mais c’est en trio, qu’il jouera au Duc des Lombards, avec John Hebert, son bassiste habituel, Nasheet Waits, batteur très demandé (il joue notamment sur les derniers albums des trompettistes Ralph Alessi et Avishai Cohen) remplaçant Eric McPherson à la batterie.

Un Bill tombé du ciel

tonnant fourre-tout musical au sein duquel toutes sortes de musiques se font entendre, le festival Villette Sonique a la bonne idée d’inviter le 1er juin le saxophoniste Kamasi Washington à y participer. Révélé l’an dernier par “The Epic”, un ahurissant coffret de 3 CD(s) paru sur un label d’électro et de hip-hop instrumental, le saxophoniste très engagé politiquement souffle des notes brûlantes et torturées, évoque John Coltrane et Pharoah Sanders, mais tient aussi un discours étonnamment lyrique. Jouée par des formations différentes et parfois gigantesques rassemblant chœurs et cordes, sa musique exubérante et colorée emprunte à tant de genres musicaux (gospel, soul, free, funk) qu’elle en devient inclassable et personnelle. Concert à la Cité de la Musique, Philharmonie 2 (20h30). Personnel non communiqué.

Un Bill tombé du ciel

-Ian Shaw à Paris le 2 juin (20h00), au Club de l’Étoile (81 boulevard Gouvion Saint-Cyr, Paris 17e) qui a été entièrement rénové. On attendait depuis longtemps qu’il remonte sur une scène parisienne. La sortie d’un album sur le label Jazz Village lui en offre l’opportunité. Shaw est un phénomène : humoriste, pianiste, il possède une voix souple et agile qui lui permet de chanter du jazz sans avoir besoin de forcer son talent. Très à l’aise sur tempo rapide, il met beaucoup de lui-même dans les ballades qu’il reprend. “The Theory of Joy” en contient d’inoubliables. Il y a Brother, une chanson écrite à la mémoire de son frère Gareth disparu deux ans avant sa naissance, mais aussi Where Are We Now, une chanson de David Bowie qu’il interprète magnifiquement. Ian Shaw fera le voyage jusqu’à nous avec les musiciens de son disque : Barry Green au piano, Mick Hutton à la contrebasse et Dave Ohm à la batterie.

-Réservation Leïla Olivesi “Suite Andamane” : andamane@leilaolivesi.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés : www.festivaljazzsaintgermainparis.com

-Festival Villette Sonique : www.villettesonique.com

-Club de l’Étoile : www.jazzclub-paris.com

 

Crédits Photos : Bill Evans © David Redfern  Leïla Olivesi © Solène Person – Billy Hart Quartet © John Rogers / ECM – Olivier Robin, Stéphane Belmondo Trio © Philippe Marchin – Stephan Oliva & Jean-Marc Foltz © Maxim François – Fred Charbaut / Donatienne Hantin & Jacky Terrasson, Laurent de Wilde © Pierre de Chocqueuse – Nik Bärtsch Mobile © Christian Senti – Fred Hersch © Vincent Soyez – Kamasi Washington © Mike Park – Ian Shaw © Tim Francis – Kenny Werner Trio, Kevin Hays © Photo X/D.R.

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1 avril 2016 5 01 /04 /avril /2016 09:41
Les voi(es)x des ondes

Certains allument le feu, d’autres la lumière. Il suffit d'appuyer sur un interrupteur. C'est simple et surtout très pratique. On fait cela machinalement, sans jamais penser aux inventeurs qui ont canalisé l’électricité pour la livrer à domicile. L’électricité : une onde porteuse qui depuis la fin du XIXème siècle permet une relation nouvelle avec la musique, avec le son, des ondes elles aussi.

En 1877, Thomas Edison enregistre sur rouleau Mary Had a Little Lamb dans le pavillon de son invention, le phonographe, et pour la première fois grave et lit du son. Ce dernier voyage depuis l’invention du téléphone l’année précédente, depuis que la voix est devenue audible grâce au microphone à charbon. Mais il faut attendre Thaddeus Cahill (1867-1934) et son Telharmonium pour que la musique, le son et l’électricité s'associent. Jouée en temps réel sur un orgue électrique, la musique arrive par le téléphone moyennant un abonnement, et cela à tout moment. A l’autre bout du fil, une machine de deux cents tonnes et de vingt mètres de long dotée de bobines de dynamos et de roues phoniques dont certaines ont la taille d’un homme. Une machine énorme très gourmande en énergie que l’apparition de la radio rendra en quelques années obsolète.

Car la voie des airs va remplacer le câble pour propager le son à très grande vitesse et à très grande distance et le soir de Noël 1906 un inventeur canadien, Reginald Fessenden, diffuse la première émission de radio. Cette année là, l’anglais John Ambrose Fleming dépose le brevet de la diode (mot signifiant traitement des signaux électriques) qui ouvre l’ère de l’électronique. S’en suit l’invention de la triode (ou audion) qui permet d’amplifier un signal et d’obtenir un circuit résonant, un oscillateur qui permettra à Lev Termen de mettre au point son Theremin, instrument que les Beach Boys immortaliseront des années plus tard avec Good Vibrations.

Les inventions se succèdent, se chevauchent jusqu’à ce que Don Buchla (prononcer Boucla) commercialise en 1963 le premier synthétiseur modulaire. Citons les Ondes Martenot, le Trautonium, l'orgue Hammond (le célèbre B-3 popularisé par Jimmy Smith), le Chamberlin (première boîte à rythme et premier échantillonneur analogique), le Mellotron (l’intro inoubliable de Strawberry Fields Forever), l'Electronium, le Sacqueboute électronique (premier synthetiseur « moderne » avec clavier à résistance logarithmique), le Fender Rhodes tant prisé par les jazzmen, le Wurlitzer, des instruments que l’on doit à des inventeurs qui tous ont des manies, des comportements fréquemment excentriques. Leurs noms sont parfois associés à leurs drôles de machines : Maurice Martenot, Friedrich Trautwein, Laurens Hammond, Robert Arthur Moog (prononcer Mogue). Ce dernier perfectionna dans les années 60 une gamme de synthétiseurs performants qu'utiliseront les Byrds, les Beatles et même les Rolling Stones.

Les voi(es)x des ondes

Auteur d’un livre remarquable et remarqué sur Thelonious Monk en 1996, Laurent de Wilde vient de faire paraître chez Grasset un épais bouquin sur “Les fous du son”, un livre d'une lecture très facile malgré les difficultés techniques du sujet abordé, une source d’information indispensable à celui qui veut connaître l’histoire de ces instruments qui ne cessent d’évoluer, de se perfectionner, se miniaturiser. Il nous conduit jusqu'à la fin des années 80, jusqu'au basculement du son dans une ère numérique encore à explorer. Il est loin le temps où Raymond Scott (alias Harry Warnow) mettait au point son Electronium, sorte de « super bureau de directeur d’usine », un gros bloc aux faces verticales couvertes de lampes, d’interrupteurs, de boutons de toutes tailles, un gros machin produisant des sons stupéfiants. Pour reprendre les mots de Laurent à propos des grandes orgues de la cathédrale d’Albi : « Dark Vador en aurait rêvé ! ».

-Ne manquez pas de visiter le site de Laurent de Wilde www.laurentdewilde.com Une vaste documentation vous y attend : photos, vidéos, interviews, illustrations audio. On peut même y jouer du Theremin !

 

QUELQUES CONCERTS ET UNE VENTE AUX ENCHÈRES QUI INTERPELLENT

Les voi(es)x des ondes

-Lew Tabakin au Sunset les 1er et 2 avril. Avec Raphael Dever (contrebasse) et Mourad Benhammou (batterie) le premier soir. Le saxophoniste travaille souvent sans filet, prend des risques. Jouer avec une section rythmique et un pianiste reste toutefois plus gratifiant. Aussi invite-il le second soir Alain Jean-Marie à rejoindre son trio. Connu pour son association avec la pianiste japonaise Toshiko Akiyoshi, son épouse avec laquelle il codirigea un grand orchestre, Lew, 76 ans le 26 mai prochain, n’excelle pas seulement au ténor. C’est aussi un flûtiste hors pair, un des seuls jazzmen qui improvise réellement sur l’instrument.

Les voi(es)x des ondes

-Lou Tavano au Duc des Lombards aux mêmes dates (1er et 2 avril). La chanteuse sait capter l’attention du public, le séduire par un répertoire qui s’ouvre à d’autres musiques que le jazz. De jeunes musiciens talentueux l’entourent, mettent en valeur sa voix fraîche et joliment timbrée. Alexey Asantcheeff, son pianiste et compagnon, compose et signe les arrangements. Arno de Casanove (trompette) et Maxime Berton (saxophones) donnent des couleurs aux morceaux. Alexandre Perrot (contrebasse) et Ariel Tessier (batterie) leur apportent du rythme. Disponible sur ACT et distribué par Harmonia Mundi son album s’intitule “For You, une invitation à y prêter l’oreille.

Les voi(es)x des ondes

-Paul Lay au Sunside le 2 avec Clemens Van Der Feen à la contrebasse et Dré Pallemaerts à la batterie, musiciens qui l’accompagnent dans “Mikado, un disque de 2014, son dernier à ce jour. Il vient de recevoir le très convoité Prix Django Reinhardt que décerne chaque année l’Académie du Jazz et déborde d’activité. Pianiste de Géraldine Laurent sur scène et sur disque, il joue et enregistre aussi avec Eric Le Lann et s’est associé avec le vidéaste Olivier Garouste pour monter un spectacle autour du répertoire de Billie Holiday. Deux albums de lui attendent de sortir, l’un enregistré avec la section rythmique qui l’entourera au Sunside, l’autre avec la chanteuse Isabel Sörling et le bassiste Simon Tailleu.

Les voi(es)x des ondes

-Le Gil Evans Paris Workshop à l’Espace Sorano (Vincennes) le 2 à 20h30. C’est au Studio de l’Ermitage, le 8 octobre 2014 que la formation se produisit la première fois en public. A sa tête Laurent Cugny qui joue de l’orchestre comme un instrument, privilégie l’harmonie et ses couleurs. Laurent avait rencontré Gil Evans à Paris en 1986, lors de la rédaction du livre qu’il préparait sur lui (“Las Vegas Tango publié chez P.O.L.). L’année suivante, Gil enregistrait deux albums avec Laurent qui, depuis, n’a jamais cessé de lui rendre hommage, de perpétuer sa musique et ses arrangements. Il le fait aujourd’hui avec seize jeunes musiciens dont certains vous sont probablement familiers. Vous trouverez leurs noms sur le site de l’espace Sorano. Outre des compositions et des arrangements de Gil (Time of the Barracudas, Goodbye Pork Pie Hat), Laurent reprend quelques-unes de ses anciennes compositions et en apporte des nouvelles, les confiant à cet « orchestre atelier » grand faiseur de merveilles.

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-Le pianiste Florian Pellissier au New Morning le 5 avec Yoann Loustalot (trompette et bugle), Christophe Panzani (saxophone ténor), Yoni Zelnik (contrebasse) et David Georgelet (batterie). Son nouveau disque, “Cap de Bonne Espérance, relève davantage du hard bop de la fin des années 50 et des années 60 que des musiques du sud de l’Afrique. Les musiciens dialoguent, mêlent les timbres de leurs instruments, improvisent sur de bonnes mélodies, s’appuient sur des arrangements qui mettent le swing à l’honneur. Chaude, colorée, superbement chantée par les vents, ces compositions, des originaux pour la plupart, s’ancrent avec bonheur dans le jazz de toujours.

Les voi(es)x des ondes

-Une vente aux enchères pas comme les autres à l’Hôtel Drouot (9, rue Drouot, 75009 Paris) le mercredi 6 avril à 14h00, salle 4 : 143 photos de Jean-Pierre Leloir y seront dispersées par l’étude de Commissaires-Priseurs Kapandji Morhange. Une soixantaine d’entre elles sont consacrées à des musiciens de jazz et de blues. Elles proviennent toutes des archives du photographe disparu en 2010, archives que dirige aujourd’hui sa fille Marion. La plupart des tirages, des épreuves argentiques, ont été effectués du vivant de Jean-Pierre et portent son cachet et / ou sa signature. Certaines photos sont numérotées. Un certificat d’authenticité signé par Marion Leloir sera remis aux acquéreurs qui, en sus du montant de l’enchère, devront payer 26% de taxes et frais divers. Les prix sont estimés entre 4000 et 600 euros. Expositions publiques la veille de la vente, le mardi 5 de 11h00 à 18h00 et le jour même, de 11h00 à 12h00. Pour d’autres renseignements, consultez l’expert, Mr. Pierre Bourdy, au 06 08 18 21 34.

Les voi(es)x des ondes

-Francesco Bearzatti et son Tinissima 4Et le 6 à Tremblay-en-France (L’Odéon Théâtre, 20h30) dans le cadre du Festival Banlieues Bleues. Après “Monk’N’Roll relectures décalées et réussies de quelques œuvres de Thelonious Monk, le saxophoniste dont les improvisations musclées ne manquent pas de lyrisme s’attaque au répertoire de Woody Guthrie qui chanta les minorités opprimées et les luttes syndicales de la grande Amérique. Inventeur du Protest Song, Guthrie eut une grande influence sur Bob Dylan et les chanteurs engagés des années 60 et 70. “This Machine Kills Fascists (cette machine tue des fascistes), phrase écrite sur sa guitare, est le titre que Francesco Bearzatti a choisi de donner à son dernier disque. On y retrouve son complice Giovanni Falzone à la trompette, Danilo Gallo à la basse acoustique et électrique et Zeno De Rossi à la batterie qui font avec lui le voyage à Tremblay.

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-Thelonious Monk l’incontournable, le chouchou des jazzmen. Aujourd’hui comme hier, ils célèbrent son répertoire, une œuvre singulière et unique que de très nombreux pianistes interprètent. L’un d’entre eux, Laurent de Wilde, vient jouer les musiques de son pianiste favori au Sunside le 8 avec Bruno Rousselet à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. Histoire de poser ses doigts sur un autre clavier que celui d’un ordinateur, de faire naître de la musique après plusieurs mois consacrés à l’écriture d’un nouveau livre pour les éditions Grasset, “Les Fous du Son en librairie depuis le 23 mars, un million de signes, 550 pages pleines d'histoires, de découvertes et d'inventions qui se dévorent avec passion.

Les voi(es)x des ondes

-Toujours le 8, dans le cadre de Banlieues Bleues, Chucho Valdés est attendu au Nouveau Théâtre de Montreuil (20h30) pour un hommage à Irakere, formation qu’il mit sur pied en 1973 et avec laquelle il rénova la musique cubaine, lui donnant un aspect funk dans Bacalao Con Pan, des voix et des tambours batá dans Misa Negra, deux morceaux emblématiques d’Irakere (Jungle en Yoruba) aujourd’hui confiés aux musiciens de ses Afro-Cuban Messengers. Des compositions plus récentes et des reprises de quelques thèmes que le pianiste affectionne – Tabú de Margarita Lecuona sœur du pianiste et compositeur Ernesto Lecuona, Los Caminos de Pablo Mianés Arias, un des fondateurs de la Nueva Trova Cubana – s’ajoutent à ce répertoire que l’on peut découvrir dans le dernier disque de Chucho, “Tribute to Irakere (Jazz Village), enregistré live à Marciac en août 2015.

Les voi(es)x des ondes

-Prévu le 8 décembre dernier au New Morning, le concert de sortie de “The Whistleblowers”, réunissant David Linx (chant), Paolo Fresu (trompette et bugle) et Diederick Wissels (claviers) fut annulé en raison des sanglants évènements qui endeuillèrent Paris. On retrouvera la formation au Café de la Danse le 14 à 20h00 avec la section rythmique du disque, Christophe Wallemme à la contrebasse et Helge Andreas Norbakken à la batterie. La musique est si bonne que l’on on se passera des cordes présentes dans cinq plages de l’album pour se laisser porter par le chant inspiré d’un bugle rêveur, par la voix aérienne d’un chanteur au meilleur de sa forme.

Les voi(es)x des ondes

-Lauréat de la Thelonious Monk Jazz Piano Competition en 2011, Kris Bowers retrouve le Duc des Lombards le 18. Le club l’avait invité en juillet 2014 pour jouer les morceaux de l’album qu’il venait de sortir, “Heroes + Misfits” (Concord), un étonnant mélange de jazz, de soul et de hip hop bénéficiant d’une large palettes de couleurs et d’orchestrations inventives. Grâce à son moteur de recherche, vous en trouverez la chronique enthousiaste dans ce blog. Au Duc, le pianiste sera accompagné par des musiciens à découvrir : Nick Croes (guitare), Alex Bonfanti (contrebasse) et Jamie Peet (batterie).

Les voi(es)x des ondes

-Olivier Hutman au Sunside le 20 avec Marc Bertaux à la basse électrique et Tony Rabeson à la batterie. Des retrouvailles, car mis à part un concert en mars dernier à Villiers le Bel, ils n’avaient plus joué ensemble depuis vingt sept ans. Ils ont enregistré deux albums : “Six Songs” pour JMS en 1983, disque qui valut à Olivier le Prix Boris Vian de l’Académie du Jazz (meilleur disque de jazz français) et “The Man With the Broken Tooth” en 1987 pour Cerise Productions. Outre du piano, Olivier jouera du Fender Rhodes dans un contexte plus électrique que d’habitude. D’autres couleurs pour sa musique dans laquelle le blues tient une place importante et qui, confiée à trois complices, promet de bonnes surprises.

Les voi(es)x des ondes

-Le 22 et le 23, Enrico Pieranunzi retrouve le Sunside. Avec lui, Diego Imbert à la contrebasse et André Ceccarelli à la batterie deux musiciens avec lesquels il aime jouer lorsqu’il visite Paris. Garante du tempo, la contrebasse du premier entretient un dialogue actif avec ses partenaires, s’attache à rendre aussi lisible que possible la ligne mélodique des morceaux provenant d’un vaste répertoire. La batterie du second accompagne sans peine ce piano rubato qui aime changer de tempo, cultive avec humour la phrase inattendue. La main gauche du Maestro plaque de puissants accords, des notes élégantes qu’il assemble avec un grand sens de la forme. Ses doigts harmonisent et colorent les thèmes superbes qu’il invente, font chanter et respirer de grands standards qu’il fait bon écouter.

Les voi(es)x des ondes

-Michael Wollny au Goethe Institut le 28 (17, avenue d’Iéna à 20h00) Un concert événement, car le pianiste allemand se produit rarement à Paris. Récipiendaire en 2014 avec John Taylor du Prix du Jazz Européen décerné par l’Académie du Jazz, il ne put venir récupérer son trophée au théâtre du Châtelet en janvier 2015, année qui vit paraître sur ACT “Nachtfahrten” (“Trajets de nuits”), album très remarqué rassemblant des compositions originales teintées de romantisme, et des reprises inattendues, Bernard Herrmann et Angelo Badalamenti y côtoyant Guillaume de Machaut. Quatorze pièces brèves, des morceaux aux tempos lents, aux ambiances inquiétantes. Avec lui, le bassiste suisse Christian Weber et Eric Schaefer, son batteur habituel dont la puissante grosse caisse est souvent mise en avant dans ses disques, dans “Weltentraum” son précédent opus (2014) également très réussi. Un concert à ne pas manquer organisé avec la collaboration de l’Académie du Jazz. Réservation obligatoire compte tenu de la petitesse de la salle.

Les voi(es)x des ondes

-Ne manquez pas le 30 avril la 5ème édition de la Journée Internationale du Jazz, le Jazz Day 2016 proclamée par l’UNESCO pour promouvoir le jazz comme élément de dialogue universel et facteur de paix entre les peuples. Des concerts, des conférences et des master classes se tiendront dans de nombreux quartiers de Paris. Beaucoup de musiciens inconnus, de formations à découvrir sont ainsi proposés aux curieux. La présence du Ernie Watts Quartet au Duc des Lombards relève cette année le niveau de la manifestation. On consultera attentivement son programme.

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Espace Sorano : www.espacesorano.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org

-Café de la Danse : www.cafedeladanse.com

-Goethe Institut : www.goethe.de/paris

-Journée Internationale du Jazz (Jazz Day 2016) : www.jazzdayparis.com

 

Crédits Photos : Laurent de Wilde © Pierre de Chocqueuse – Lou Tavano © Alice Lemarin / ACT – Paul Lay © Philippe Marchin – Chucho Valdés © Francis Vernhet – David Linx, Paolo Fresu & Diederick Wissels © Roberto Cifarelli – Olivier Hutman, Marc Bertaux & Tony Rabeson © Viana Hutman – Lew Tabakin, Gil Evans Paris Workshop, Florian Pellissier Quintet, Francesco Bearzatti Tinissima 4Et, Kris Bowers, Enrico Pieranunzi / Diego Imbert / André Ceccarelli © Photos X/D.R.

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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 09:05
L'amie américaine

Son nom était Harriette Draper mais ses amis l’appelaient Heidi. Lorsque je fis sa connaissance au début des années 80, elle avait quitté l’Amérique et habitait Paris, sur une péniche. Elle aimait le jazz et je travaillais à Jazz Hot. Il m’était donc facile de la faire inviter à des concerts et nous prîmes l’habitude d’y aller ensemble. Née à Boston pendant la guerre, elle s’était familiarisée avec le jazz dans sa jeunesse et lorsque Chet Baker, Stan Getz, Dizzy Gillespie ou Art Blakey et ses Jazz Messengers venaient jouer à Paris, elle se faisait une joie d’aller les entendre. Sensible au jazz de Wynton Marsalis, au poids de la tradition culturelle que véhicule cette musique, elle était également ouverte à un jazz plus moderne, toujours partante pour écouter les musiciens que je lui conseillais.

L'amie américaine

Heidi me faisait confiance et je lui fis découvrir les jazzmen que j’admirais, parmi lesquels bien sûr de très nombreux pianistes. Je pense à Aaron Goldberg, Tord Gustavsen, Gerald Clayton que nous écoutâmes en concert. Celui que donna en solo Brad Mehldau le 10 septembre 2011 à la Cité de la Musique me vient également à l’esprit. Brad nous enchanta ce soir-là par une version inouïe de La Mémoire et la mer qui figure dans le coffret “10 Years Solo Live” édité l’an dernier. La prestation en solo de Marc Copland dans l’auditorium de cette même Cité de la Musique le 7 septembre 2012 fut un autre grand moment pianistique. Nous le retrouvâmes après le concert, Heidi, enthousiasmée par son piano, se faisant prendre en photo avec lui. Sur un autre cliché datant du 3 juillet de l’année précédente, elle est avec Enrico Pieranunzi qu’elle avait beaucoup apprécié en solo au Sunside.

L'amie américaine

Connaissant beaucoup de monde, Heidi organisait souvent des dîners et des fêtes. Elle invitait ses amis et les miens pour mes anniversaires, pour les 14 juillet. Sa péniche restant amarrée port de Suffren, au pied de la tour Eiffel, nous étions très bien placés pour assister aux feux d’artifice. J’ai rencontré chez elle de nombreux artistes, Roland Topor qu’elle appréciait et dont le rire énorme me reste toujours en mémoire, le peintre Michael Bastow qui fit des portraits d'elle, le créateur d’œuvres protéiformes Yujiro Otsuki, les cinéastes Jean Rouch et Richard Leacock qui fut son professeur, ses amies actrices Alexandra Stewart et Gabrielle Lazure. Le producteur Anatole Dauman (Argos Films) lui faisait une cour assidue. Elle le trouvait beaucoup trop vieux mais l‘amusait beaucoup. Diplômée en anthropologie et cinéaste militante, elle réalisa plusieurs films dont “Take It Backconsacré au candidat démocrate Howard Dean dont elle suivit en 2004, en Iowa, la campagne pour les primaires américaines, “Home Sweet Home coréalisé avec le cinéaste Michael Raeburn et consacré à l’histoire de leurs familles respectives, et “The Musical Steppes of Mongolia réalisé avec l’ethnomusicologue Alain Desjacques en 1995.

Heidi s’était installée au Mexique, à San Miguel de Allende, et ces dernières années, je la voyais l’été, entre deux déplacements. Nous poursuivions nos sorties dans les clubs de la capitale, profitant de ces soirées musicales pour dîner ensemble. Elle avait vendu sa péniche et rapatrié ses affaires au Mexique et projetait d’y organiser un festival de jazz. Les concerts du quartette de Bruno Angelini au Triton le 1er juillet, de Ronnie Lynn Patterson au Sunside le 7 juillet et du trio de René Urtreger le 28 août dans ce même club furent les derniers que nous vîmes ensemble. Elle n’avait jamais été malade et je la croyais en bonne santé lorsque le 24 janvier je reçus d’elle, de New York, la triste nouvelle de sa fin proche. Elle avait un cancer en phase terminale, me renouvelait son amitié et me remerciait pour tous ces merveilleux concerts partagés. Son fils Ahab m’annonçait son décès une semaine plus tard. Le jazz perd une amie, ma grande amie américaine.

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

L'amie américaine

-Réunissant Christian Gaubert (piano), Jannick Top (basse électrique) et André Ceccarelli (batterie) Ligne Sud est attendu au Duc des Lombards le 3. Avec eux Christophe Leloil (trompette) et Thomas Savy (saxophone soprano, clarinette basse) qui les accompagnent dans “Lendemains Prometteurs (Cristal Records), leur second album. Compositeur, arrangeur et chef d’orchestre né à Marseille le 29 juin 1944, Christian Gaubert revient ainsi au jazz après avoir consacré une bonne partie de sa carrière au cinéma. On lui doit notamment les arrangements d’“Un homme et une femme” et de “Vivre pour vivre”, des thèmes écrits par Francis Lai avec lequel il collabora étroitement. Pianiste et compositeur habile, il sait mettre en lumière ses propres œuvres, des pièces lyriques que ses complices trempent dans un swing irrésistible.

L'amie américaine

-Le saxophoniste Benny Golson au Petit Journal Montparnasse le 5. Né en 1929, ce n’est plus un tout jeune homme et son glorieux passé a fait de lui une légende. Compositeur, il a écrit des thèmes que bien d’autres ont repris, des standards dont il confia certains aux Jazz Messengers dont il fut un temps le directeur musical. Along Came Betty, Stablemates, Whisper Not, I Remember Clifford et Blues March en sont les plus célèbres. Ceux qui aiment le jazz se souviennent aussi du Jazztet, formation qu’il codirigea avec le trompettiste Art Farmer. Agé de 87 ans, le saxophoniste possède toujours une sonorité chaude et généreuse au ténor. Il se lance en quartette dans une tournée européenne qui le verra probablement s’économiser, prendre le temps de respirer. Antonio Faraò au piano, Gilles Naturel à la contrebasse et Doug Sides (batterie) seront là pour l’aider.

L'amie américaine

-Toujours le 5, une soirée 100% jazz au féminin à la Philharmonie de Paris (20h30) avec Ladies !, formation réunissant Cécile McLorin Salvant (chant), Ingrid Jensen (trompette), Anat Cohen (clarinette), Renée Rosnes (piano, en photo), Melissa Aldana (saxophone), Linda Oh (contrebasse) et Terri Lyne Carrington (batterie). Certaines d’entre-elles nous sont connus. Cécile vient récemment d’obtenir un Grammy Award pour son dernier album qui a également reçu le Prix du Jazz Vocal 2015 de l’Académie du Jazz, et Renée a tourné l’an dernier en Europe avec Ron Carter. Epouse de Bil Charlap avec lequel elle a enregistré un remarquable “Double Portrait pour Blue Note, c’est également une grande pianiste qui assumera la direction de cet orchestre pas comme les autres.

L'amie américaine

-Kenny Barron et son trio au New Morning le 10. Le pianiste joue avec Kiyoshi Kitagawa (contrebasse) et Johnathan Blake (batterie) depuis une bonne dizaine d’années. Avec eux, il reprend son vaste répertoire, revient sur d’anciennes compositions, en ajoute quelques nouvelles. Son nouveau disque “Book of Intuition” sort le 4 mars sur Impulse. Il en jouera probablement des extraits, des versions probablement meilleures que celles un peu plan-plan que contient l’album. Car le pianiste dont les harmonies raffinées trempent dans le bop est souvent meilleur devant un public qu’en studio. Les deux disques qu’il enregistra en avril 1996 au Bradley’s (avec Ray Drummond à la contrebasse et Ben Riley à la batterie) sont là pour le prouver.

L'amie américaine

-Enregistrement de l’émission Jazz sur le Vif dans le studio 105 de Radio France le samedi 12 à 17h30. Au programme Alcazar Memories, un trio franco-suédois comprenant Paul Lay au piano, Isabel Sörling au chant et Simon Tailleu à la contrebasse. Chansons populaires françaises (surtout provençales) et suédoises et compositions originales constituent leur répertoire. Le Instant Sharings Quartet de Bruno Angelini (en photo), avec Régis Huby au violon, Claude Tchamitchian à la contrebasse et Edward Perraud à la batterie, assurera la seconde partie. Publié en juin 2015, l’album du même nom (“Instant Sharings”) privilégie couleurs et harmonies, la musique souvent onirique, fruit d’un travail collectif qui, sur scène, laisse beaucoup de place à l’improvisation, traduit l’univers poétique du pianiste.

L'amie américaine

-Christian McBride au New Morning le 16 avec le batteur Christian Sands et le batteur Ulysses Owens, Jr. qui l’accompagnent régulièrement depuis trois ans. Digne héritier du grand Ray Brown, McBride, bassiste virtuose, a adopté la formule du trio en 2009 lorsque, obligé d’assurer un concert sans deux des membres de son quintette, il se rendit compte que le trio lui offrait un plus grand espace de liberté. Car avec lui, la contrebasse, instrument mélodique à part entière, s’autorise de véritables dialogues. Christian McBride la fait chanter, en sculpte les notes, en fait sonner les harmoniques. Il la caresse, la flatte et elle ronronne comme un gros chat heureux.

L'amie américaine

-Ralph Alessi au Duc des Lombards le 19 avec Gary Versace (piano), Drew Gress (contrebasse) et Nasheet Waits (batterie), musiciens qui l’accompagnent dans “Quiver, le deuxième album que le trompettiste enregistre pour ECM. Le premier “Baida qui réunit à peu près la même équipe – Jason Moran en est le pianiste – a été l’un de mes 13 Chocs de l’année 2013. Le groupe donne à entendre une musique modale et onirique, bien plus lyrique et apaisée que celle que Ralph Alessi joue avec This Against That, formation dont Drew Gress était également le bassiste. On écoutera aussi le trompettiste avec Enrico Pieranunzi dans “Proximity disque récemment chroniqué dans ce blogdeChoc.

L'amie américaine

-Chanteuse inclassable dont la voix escalade trois octaves, Marjolaine Reymond présentera le 20 au Sunside les morceaux de “Demeter No Access”, son prochain disque. Confié un temps à David Patrois, le vibraphone se voit finalement remplacé par le piano de Bruno Angelini et Julien Dubois (saxophone alto) succède à Julien Pontvianne (saxophone ténor), la section rythmique restant inchangée avec Xuan Lindenmeyer (contrebasse) et Stefano Lucchini (batterie). Consacré à la poétesse Emily Dickenson, “To Be an Aphrodite or not to Be”, son dernier album, date de 2013. Elle en reprendra probablement des extraits.

L'amie américaine

-Le 21 au théâtre du Châtelet, Patrice Caratini tentera de résumer son demi-siècle d’aventures musicales en invitant quatre générations de musiciens à rejoindre son Jazz Ensemble, dans les rangs duquel officie quelque uns de nos meilleurs jazzmen français. Parmi les très nombreux invités du contrebassiste, compositeur, chef d’orchestre et arrangeur citons Martial Solal et Gustavo Beytelmann (piano), Marcel Azzola (accordéon) Sarah Lazarus (chant), Thierry Caens (trompette), l’Orchestre Régional de Normandie, mais aussi Maxime Le Forestier qui interprétera Le fantôme de Pierrot, une chanson de l’album “Hymne à sept temps” que Patrice avait orchestré en 1976.

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-Le pianiste italien Franco d’Andrea au Sunside le 25 avec Daniele d’Agaro (clarinettes) et Mauro Ottolini (trombone). En janvier 2011, il recevait des mains de Jean-Luc Ponty le Prix du Musicien Européen décerné par l’Académie du Jazz au théâtre du Châtelet. Membre de la formation d’Aldo Romano à la fin des années 80, auteur d’un album en trio pour Owl Records dont je ne me lasse pas d’écouter (“Volte” un enregistrement de 1989) et d’une vaste somme pianistique pour Philology, (huit disques en solo), Franco D’Andrea reste méconnu en France. Son dernier disque, un coffret de trois CD(s) enregistrés à Rome et en public, le fait entendre en solo et à la tête de deux formations différentes dont un sextet inventif (ses deux compatriotes qui l’accompagnent au Sunside en sont membres) se consacrant à la musique de Thelonious Monk.

L'amie américaine

-René Urtreger au Sunside le 26 et le 27 avec Yves Torchinsky à la contrebasse et Eric Dervieu à la batterie, ses musiciens complices grâce auxquels son piano chante et danse avec plus de facilité que d’autres. Le 26, René invite Géraldine Laurent à souffler dans son saxophone alto, à rendre plus énergique encore sa musique, un jazz inventé par Bud Powell (son idole) et Thelonious Monk, ce be-bop qui grâce à lui et quelques autres reste vivant et toujours joué. Géraldine aime ce répertoire. Comme René, elle le reprend dans ses disques, joue Gallop’s Gallop et Nica’s Tempo (dans son album “Around Gigi” largement consacré à Gigi Gryce), Epistrophy dans “At Work”, récemment primé par l’Académie du Jazz. Géraldine et René se sont récemment retrouvés sur la scène du Théâtre du Châtelet pour fêter les 60 ans de l’Académie du Jazz et s’entendent à mettre leur technique au service d’une musique dont ils entretiennent la mémoire.

L'amie américaine

-Les 29 et 30 mars au Duc des Lombards, Pierre Perchaud (guitare), Nicolas Moreaux (contrebasse) et Jorge Rossy, batteur des premiers disques de Brad Mehldau, joueront le répertoire de “Fox” disque qui a pu voir le jour grâce à un « crowdfunding » (financement participatif). Loin d’exhiber une virtuosité stérile, les trois hommes construisent ensemble une musique aux harmonies subtiles et délicates. Entre John Scofield, Kurt Rosenwinkel et Jim Hall, la guitare de Perchaux associe finesse d’expression à une sonorité travaillée. Auteur de trois des dix pièces que contient l’album, Nicolas Moreaux, est aussi un compositeur qui apporte de vraies mélodies au groupe. Les tempos lents et médiums favorisent le lyrisme que les musiciens prennent le temps d’exprimer, ciselant leurs notes comme des orfèvres leurs pierres précieuses. Leur version de And I Love Her en est une assurément. On l’écoute comme dans un rêve.

L'amie américaine

-Le 30, Frédéric Borey retrouve le Sunside avec les musiciens de “Wink” son dernier album dont j’ai dit tout le bien dans ce blog. Michael Felberbaum (guitare), Leonardo Montana (piano), Yoni Zelnik (contrebasse) et Fred Pasqua (batterie) entourent le saxophoniste s’exprimant au ténor, un instrument dont il parvient à obtenir une sonorité originale. Avec eux, Frédéric Borey revisite des standards, les réinvente comme si ce matériel thématique venait de voir le jour. Des œuvres de George Gershwin (Bess, you is my Woman Now, My Man’s Gone Now), de Cole Porter (Get Out of Town), de Bill Evans (Blue in Green) sans oublier une version tonique de Boplicity sont confiés à un arrangeur qui les habille d’harmonies et de rythmes nouveaux, leur apporte des couleurs inédites. Ses relectures audacieuses méritent le déplacement.

L'amie américaine

-La 33ème édition de Banlieues Bleues se déroulera du 18 mars au 15 avril. Peu de concerts m’interpellent en mars, le festival abritant les couleurs de très nombreux genres musicaux. On pourra toutefois investir la Maison du Peuple de Pierrefitte-sur-Seine le 26 pour y écouter le guitariste Biréli Lagrène avec Franck Wolf (saxophones ténor et soprano), Mathieu Chatelain (guitare) et Diego Imbert (contrebasse). Rendez-vous en avril, avec le Tinissima 4Et du saxophoniste Francesco Bearzatti à Tremblay-en-France (le 6) et le pianiste Chucho Valdés à Montreuil (le 8) dans un hommage à Irakere.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

-Cité de la Musique - Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

-New Morning : www.newmorning.com

-Jazz sur le Vif : www.maisondelaradio.fr/concerts-jazz

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Théâtre du Châtelet : www.chatelet-theatre.com

-Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org

 

Crédits Photos : Harriette Draper, Renée Rosnes, Bruno Angelini, Marjolaine Reymond © Pierre de Chocqueuse – Ligne Sud Trio, Benny Golson, Ralph Alessi, Patrice Caratini, René Urtreger & Géraldine Laurent, Frédéric Borey © Philippe Marchin – Kenny Barron Trio © Impulse ! Records – Christian McBride Trio © Chi Modu – Franco d’Andrea © Riccardo Musacchi – Pierre Perchaud / Nicolas Moreaux & Jorge Rossy © Photo X/D.R.

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3 février 2016 3 03 /02 /février /2016 09:37
L'Académie, 60 bougies !

Retour d’Angers, du festival Premiers Plans, des images plein les yeux. Ma mémoire conserve celles de Mehmet dans “Cold of Kalandar, magnifique film turc de Mustafa Kara, du beau visage de Devon Keller, la jeune et émouvante actrice de “Layla in the Sky, du corpulent Fúsi, le héros plein de bonté de “L’histoire du géant timidequi clôtura le festival. Invité à donner une conférence sur le thème Jazz et Cinéma, Gilles Mouellic, professeur d’études cinématographiques à Rennes 2, parvint à rassembler une bonne centaine de personnes, ce qui est encourageant pour le jazz, une musique qui a été le sujet mais aussi la bande-son de nombreux films à voir et à revoir.

L'Académie, 60 bougies !

Il n’existe aucun film sur l’Académie du jazz. Seules des photos ont été prises, au fil du temps, au cours de sa déjà longue existence. Cette vénérable institution fête cette année son soixantième anniversaire. Personne n’avait imaginé que ce collège de journalistes, de photographes, d’amateurs éclairés, serait toujours actif, inféodé à personne, décernant ses prix en toute indépendance. Le plus prestigieux reste le Prix Django Reinhardt attribué chaque année à un musicien français. Huit d’entre eux occuperont la scène du Châtelet le 8 février pour un concert exceptionnel : Eric Le Lann et Airelle Besson (trompettes), Géraldine Laurent, Pierrick Pedron et Stéphane Guillaume (saxophones), René Urtreger (piano), Henri Texier (contrebasse) et Simon Goubert (batterie) joignant leurs talents au sein d’un octette inédit et inattendu. Et pour terminer en beauté cette soirée le Duke Orchestra de Laurent Mignard pour nous faire rêver, jouer Duke Ellington mais aussi accompagner de prestigieux invités : le violoniste Jean-Luc Ponty (il obtint le Prix Django Reinhardt en 1966), le saxophoniste John Surman et le chanteur et guitariste Sanseverino, admirateur fervent et enthousiaste de Django Reinhardt.

Membre de l’Académie du Jazz depuis 1985, j’y ai servi trois présidents. Maurice Cullaz, qui m’y fit entrer, recevait chez lui le collège académique. Les discussions étaient vives, l’équipe restreinte et les prix trop nombreux. Lorsque Claude Carrière en devint président en 1993, il étoffa les effectifs, commença à démarcher les sociétés civiles (SACEM) afin d’obtenir une aide financière et porta les prix décernés à un nombre raisonnable. Nous les votions le plus souvent lors de notre Assemblée Générale annuelle qui se tenait Aux Broches à l’Ancienne, restaurant aujourd’hui disparu de la rue Saint-Nicolas dont nous occupions la cave. Quant aux remises de prix, elles avaient lieu dans les salons de l’hôtel Méridien, au New Morning ou au Petit Journal Montparnasse.

Élu président en 2005, François Lacharme a encore agrandi le collège électoral, trouvé de nouveaux financements extérieurs. L’aide apportée par la SPEDIDAM et l’ADAMI, le mécénat bienveillant de la Fondation BNP Paribas ont permis à l’Académie du Jazz de prendre un nouvel essor, de devenir une institution incontournable du paysage jazzistique. Abritant ces dernières années les remises de prix, le foyer du Châtelet a vu défiler de prestigieux invités et remettants dont le dessinateur Cabu, les comédiens Pierre Richard, Clotilde Courau et Victoria Abril, les cinéastes Jean Becker, Jean-Pierre Mocky et Yves Boisset, la cantatrice Natalie Dessay, les compositeurs Michel Legrand et Vladimir Cosma et le chanteur Michel Delpech. Les jazzmen ont bien sûr été nombreux à y participer. Comment oublier la présence de Ron Carter en janvier 2010, l’émotion de John Taylor lorsqu’il reçut en janvier 2015 le Prix du Jazz Européen, récompense qu’il partagea avec un de ses anciens élèves, le pianiste Michael Wollny. Le Tout-Paris culturel et artistique se presse à ces fêtes, mais pour la première fois, le 8 février prochain, l’Académie du Jazz ouvre les portes de son institution au grand public lors d’une soirée de gala* qui dévoilera son palmarès. Comment pourriez-vous la manquer !

*Places à 40, 25 et 10 euros.

 

D'AUTRES CONCERTS QUI INTERPELLENT

L'Académie, 60 bougies !

-Wynton Marsalis à l’Olympia le 4 février (20h30) avec le Lincoln Center Orchestra. Le trompettiste n’a plus fait de disques sous son nom depuis longtemps. Il préfère enseigner, se consacrer à ce rutilant big band pour lequel il écrit de nouveaux arrangements, confie de nouvelles partitions. Outre les membres de son combo habituel – Walter Blanding (saxophone ténor, clarinette), Dan Nimmer (piano), Carlos Henriquez (contrebasse) et Ali Jackson (batterie), la formation aligne de grands musiciens dans ses rangs. Citons seulement les trompettistes Marcus Printup et Ryan Kisor, les saxophonistes Victor Goines et Ted Nash pour vous mettre l’eau à la bouche et vous faire regretter votre éventuelle absence.

L'Académie, 60 bougies !

-Au Sunset le 9, Nicolas Moreaux présentera les morceaux de son prochain disque. Après “Belleville”, rencontre franco-américaine et musique d'un film imaginaire enregistré avec le saxophoniste Jeremy Udden, le bassiste retrouve la plupart des musiciens qui l’accompagnent dans “Fall Somewhere”, album qui obtint le grand prix du disque de l’Académie Charles Cros en 2013, soit Christophe Panzani (saxophone ténor), Olivier Bogé (saxophone alto), Pierre Perchaud (guitare) Karl Jannuska et Antoine Paganotti (batterie) pour interpréter les compositions réjouissantes d’un contrebassiste inspiré.

L'Académie, 60 bougies !

-Toujours le 9, mais au Sunside, Virginie Teychené chantera de nombreux extraits de son dernier disque “Encore, un opus dans lequel elle interprète avec bonheur chansons françaises (Madame Rêve, Jolie Môme) classiques de la musique brésilienne (Eu Sei Que Vou Te Amar, Doralice) mais aussi quelques standards (But not for Me, Both Sides Now de la grande Joni Mitchell que les amateurs de jazz affectionne) et des compositions personnelles. Virginie Teychené c’est une voix de mezzo-soprano très juste et très belle, une voix troublante qui fait rêver. Pour l’accompagner ses musiciens habituels : Stéphane Bernard au piano, Gérard Maurin à la contrebasse et Jean-Pierre Arnaud à la batterie.

L'Académie, 60 bougies !

-Le 9 encore, Ambrose Akinmusire investit le New Morning avec les musiciens de son nouveau trio : Mike Aaberg (orgue et claviers) et Thomas Pridgen (batterie). Auteur de trois albums, remarqué pour ses deux enregistrements confiés à Blue Note, “When the Heart Emerges Glistening (2011) et “The Imagined Savior is Far Easy to Paint, deux disques primés par l’Académie du Jazz, le trompettiste aime prendre des risques. Sa musique s’ouvre aux musiques urbaines environnantes, aux rythmes du funk et du hip-hop. Sur scène il improvise, se lance dans de nouvelles explorations musicales, dans un feu d’artifice de notes inattendues qui témoigne de l’excellente santé du jazz américain.

L'Académie, 60 bougies !

-Lancement du festival Jazz & Images au cinéma le Balzac le 12 février (20h30). Une fois par mois un film et un concert seront proposés. Le “Daniel Humair Special Show, un court métrage de Jean-Christophe Averty de 1961 (30 minutes), réunit Sonny Grey (trompette), Louis Fuentes (trombone), Jean-Louis Chautemps et Jackie McLean (saxophones), Eddy Louiss, Henri Renaud, René Urtreger (piano), Guy Pedersen (contrebasse) et Daniel à la batterie, ce dernier s’entretenant également avec le journaliste Raymond Mouly. Après sa projection, accompagné par Vincent Lê Quang au saxophone et Stéphane Kerecki à la contrebasse, Daniel Humair jouera un jazz moderne ouvert et inventif réservant bien des surprises.

L'Académie, 60 bougies !

-Les pianistes Bruno Angelini et Stephan Oliva se succèderont le 12 sur la scène du Pannonica, le club de jazz nantais (9, rue Basse Porte), pour rendre hommage au 7ème Art. Dans “Leone Alonerécemment publié sur Illusions (www.illusionsmusic.fr), Bruno Angelini revisite les musiques qu’Ennio Morricone composa pour “Giu La Testa” (“Il était une fois la révolution”) et “Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo” (“Le bon, la brute et le truand”), deux films de Sergio Leone dont il parvient à poétiser les images, les plongeant dans des improvisations colorées et minimalistes, la musique prenant le temps de respirer, de se répandre et envoûter.

L'Académie, 60 bougies !

-Au programme du concert de Stephan Oliva le même soir, “Vaguement Godard, dernier volet de sa trilogie consacrée au cinéma, un disque dans lequel le pianiste repense en solo les principaux thèmes de ses films, des musiques de Michel Legrand, Antoine Duhamel, Paul Misraki, Martial Solal (le célèbre “A Bout de Souffle”), Georges Delerue et quelques autres. Ces partitions, Stephan les décline en noir et blanc, utilise les graves de son clavier, suscite tensions et dissonances. Des notes plus claires, des bribes de mélodies lumineuses survenant au sein d’une discontinuité narrative écartent les ombres et le noir de la nuit.

L'Académie, 60 bougies !

-Le 13 à 19h30, Henri Texier fête au Café de la Danse la sortie d’un nouvel album “Sky Dancers”, le nom que se donnaient les Amérindiens qui construisirent les gratte-ciel des grandes villes de l’est américain et qui ignoraient le vertige. Henri a réuni autour de lui Sébastien Texier (saxophone alto et clarinettes), François Corneloup (saxophone baryton), Louis Moutin à la batterie, mais aussi Armel Dupas (piano et claviers) et Nguyên Lê (guitare) qui n’ont jamais été membres de ses orchestres. Avec eux, le bassiste a imaginé de nouvelles musiques qui furent créées l’an dernier dans plusieurs festivals de l’hexagone.

L'Académie, 60 bougies !

-Également le 13, Stefano Bollani donne un concert en solo à la Cité de la Musique (Philharmonie 2 à 20h30). L’exercice n’effraie nullement le pianiste qui a déjà enregistré plusieurs albums en solitaire (“Småt Småt” pour Label Bleu en 2003, “Piano Solo” pour ECM en 2005), aime le risque et est habitué à travailler sans filet. Musicien impétueux, il sait aussi se montrer lyrique, faire chanter son piano, improviser avec vélocité mais également jouer des phrases tendres et délicates, laisser respirer la phrase musicale dans une perspective mélodique. S’il n‘abuse pas de sa virtuosité et canalise son énergie, c’est un pianiste inoubliable qui met tout le monde d’accord.

L'Académie, 60 bougies !

-Chanteuse franco-américaine à découvrir dans un répertoire folk-jazz de qualité, Kay Bourgine s’invite au Sunside le 16. Originaire de Boston, elle danse, compose (son Irresistible Desire est très réussi), a parcouru la planète comme modèle, joué dans des films et au théâtre. Kay chante Tom Waits, Suzanne Vega. De Joni Mitchell, elle reprend River, A Case of You ; de James Taylor You Can Close Your Eyes ; de Paul Simon Fifty Ways to Leave your Lover, toutes des grandes chansons. Matthis Pascaud, un bon guitariste, assure les chorus. Matthieu Bloch à la contrebasse et David Georgelet à la batterie complètent sa formation.

L'Académie, 60 bougies !

-Saxophoniste étonnant, Baptiste Herbin sort un nouvel album, son second après “Brother Stoon en 2012, et en fête la sortie au Sunside les 19 et 20 février. “Interferences(Just Looking Productions) réunit une équipe de fines lames qui ne seront pas tous présents à ces concerts. Sylvain Gontard remplacera Renaud Gensane à la trompette et Geraud Portal tiendra la contrebasse à la place de Sylvain Romano. Présents sur le disque, Maxime Fougères (guitare) et Benjamin Henocq (batterie) complèteront la formation d’un alto surdoué qu’il faut découvrir sur scène, Baptiste surchauffant les salles dans lesquelles il se produit. Le compositeur est encore un peu vert, mais il affectionne les standards, reprend des thèmes par trop oubliés et électrise par son talent.

L'Académie, 60 bougies !

-Sideman très demandé, Xavier Desandre Navarre publiait en 2014 “In-Pulse” (Jazz Village), un premier disque sous son nom qui réunissait ses amis musiciens parmi lesquels Stéphane Guillaume (saxophone, flutes, clarinette basse), Emil Spanyi (piano) et Stéphane Kerecki (contrebasse). Ils seront avec lui, au Duc des Lombards le 22 pour servir les mélodies du batteur / percussionniste. Ses souvenirs de voyage, ses rencontres lui ont inspiré des musiques colorées et joyeuses qu’il nous propose de partager.

L'Académie, 60 bougies !

-Le 25 et le 26 le Sunside accueille le bassiste Mauro Gargano qui sort un nouveau disque, un hommage au boxeur franco-sénégalais Battling Siki, premier champion du monde africain de ce sport. Pour ces concerts, la scène du Sunside se transformera en ring pour abriter les participants de ce projet, Jason Palmer (trompette), Ricardo Izquierdo (saxophones ténor et soprano), Manu Codjia (guitare), Bruno Ruder (piano) et Jeff Ballard (batterie), Mauro Gargano assurant bien sûr la contrebasse. Découpé en six rounds, “Suite for Battling Siki” (Gaya) suit le boxeur dans les villes où s’est déroulée son histoire, dans lesquelles se sont déroulés les matchs qui l’ont rendu célèbre, la musique, tout en rythmes et mélodies croisées, chantant l’énergie, le courage d’un champion.

L'Académie, 60 bougies !

-Le « Pianoless quartet » de Diego Imbert attendu au Sunside le 27. Quentin Ghomari remplace Alex Tassel au bugle au sein d’une formation qui depuis 2007 a enregistré trois albums. Les autres musiciens sont David El-Malek au saxophone ténor, Diego Imbert à la contrebasse et Franck Agulhon à la batterie. Les compositions ouvertes du bassiste leur offrent de grands espaces de liberté. Saxophone ténor et bugle improvisent, échangent avec une remarquable fluidité. Garante du tempo, la contrebasse préfère arbitrer les conversations des solistes que se mettre en avant. Étroitement liée à la batterie de Franck Agulhon, elle reste la clé de voûte de cette musique généreuse.

L'Académie, 60 bougies !

-Antoine Hervé au Petit Journal Montparnasse le 1er mars (à 21h30). Avec François Moutin (contrebasse) et Philippe « Pipon » Garcia (batterie) qui l’accompagnent dans “Complètement Stones” (RV Productions), un disque de 2015 consacré au répertoire des Rolling Stones, à leurs chansons des années 60 et 70, dont ils joueront le répertoire, Antoine et ses complices jazzifiant avec bonheur leur rock’n’roll, le plongeant dans le blues et le rhythm’ n’ blues. L’album est aussi un hommage à Jean-Pierre, son frère aîné. Grâce à lui, naguère, il joua avec les Stones, un grand moment qu'il n'a jamais oublié.

-Théâtre du Châtelet : www.chatelet-theatre.com

-Olympia : www.olympiahall.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Le Balzac : www.cinemabalzac.com

-Pannonica : www.pannonica.com

-Café de la Danse : www.cafedeladanse.com

-Cité de la Musique - Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

 

Crédits Photos : Wynton Marsalis © Rob Waymen – Nicolas Moreaux, Ambrose Akinmusire, Xavier Desandre Navarre, Antoine Hervé © Philippe Marchin – Virginie Teychené © Thomas Dorn – Daniel Humair, Bruno Angelini, Diego Imbert © Pierre de Chocqueuse – Henri Texier Band © Sylvain Gripoix – Stefano Bollani © Valentina Cenni – Kay Bourgine © Olivier de Fresnoye – Baptiste Herbin © Alexandre Lacombe – Mauro Gargano © Davide Del Giudice – Stephan Oliva © Photo X/D.R.

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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 09:47
Paul Bley, le moissonneur de jazz

Janvier : comment oublier qu’il y a un an déjà, des assassins ôtaient la vie à dix-sept personnes. Parmi-elles, Cabu régulièrement invité à la remise des Prix de l’Académie du Jazz, Cabu auquel cette même académie, quelques jours après sa mort, rendit un vibrant et sincère hommage. Si une année moins sanglante reste à souhaiter, 2016 commence plutôt mal avec l’annonce des décès de Michel Delpech (qui remit en janvier 2012 le très convoité Prix Django Reinhardt au guitariste Nguyên Lê), Natalie Cole, Paul Bley, Pierre Boulez et David Bowie.

 

C’est toutefois la disparition de Paul Bley le 3 janvier à l’âge de 83 ans qui interpelle l’amateur de jazz et l’amoureux de piano que je suis. Après Paul Motian, Charlie Haden, John Taylor, tous disparus il n’y a pas bien longtemps, c’est au tour de Paul Bley de tirer sa révérence, comme si une génération entière de jazzmen, celle qui a fait apprécier le jazz à la mienne, quittait la scène. Paul Bley, je l’ai découvert tardivement avec “Open, to Love”, l’un des premiers disques du catalogue ECM. Vint ma rencontre avec le trio que le pianiste partagea un temps avec Jimmy Giuffre et Steve Swallow. J’étais trop jeune en 1961 pour écouter leur groupe. Le disque m’en offrit l’opportunité à la fin des années 70, lorsque je mis la main sur des importations japonaises de “Fusion” et de “Thesis” (merci Daniel Richard), deux albums qu’ECM réédita plus tard en CD.

 

Je fis la connaissance de Paul Bley dans les années 80 alors que je rééditais le catalogue Vanguard chez Fnac Music Production. Le pianiste débarqua un après-midi sans rendez-vous à mon bureau, rue du Cherche-Midi, cherchant un distributeur pour IAI (Improvising Artists Incorporated), sa compagnie de disques, un catalogue riche de nombreuses bandes inédites, des enregistrements de sa propre musique qu’il peinait à voir publier. Tâche impossible pour une petite structure frileuse et désargentée qu‘était alors le département disque de la Fnac. Nous nous quittâmes avec regret, sur une chaleureuse poignée de main, pour nous retrouver au festival de jazz de Montréal, sa ville natale, en juillet 1989, lors d’un concert en trio de Charlie Haden dont Paul Motian était le batteur.

 

En pleine possession de son art, jouant comme personne des notes rêveuses et tendres qui souriaient au silence, mais peignant aussi des paysages abstraits abritant des accords martelés et sombres, Paul Bley, né le 10 novembre 1932, faisait chanter et respirer la musique en poète. C’est à l’initiative de Jean-Jacques Pussiau qu’il enregistra ses grands disques solo des années 90, “Homage to Carla” pour OWL Records en 1992, puis un des volumes du coffret “Jazz’n’(E)motion” pour BMG en 1997, le pianiste reprenant avec génie (le mot n’est pas trop fort) une poignée de standards associés à des films, une merveille enregistrée en deux petites heures. Il n’avait pas oublié le jazz de ses jeunes années, ses dialogues pianistiques avec Bill Evans dans “Jazz in the Space Age”, un disque de George Russell, sa séance de 1963 avec Coleman Hawkins et Sonny Rollins, l’incontournable “Sonny Meets Hawk !”. Il joue d’ailleurs Pent-Up House de Rollins dans “Play Blue”, un enregistrement live et en solo de 2008, son dernier publié, un monument ! Deux ans plus tard, il donnait, fatigué mais en état de grâce, son dernier concert à Paris à la Cité de la Musique.

 

C’est une autre salle parisienne qui accueillera le 8 février prochain l’Académie du Jazz. Cette vénérable institution soufflera avec tambours et trompettes ses soixante bougies lors d’un concert exceptionnel donné dans la grande salle du théâtre du Châtelet. Cette soirée ouverte au public rassemblera des lauréats du Prix Django Reinhardt au sein d’un octette, puis le Duke Orchestra sous la direction de Laurent Mignard accueillera des invités prestigieux, Jean-Luc Ponty et John Surman notamment. Les Prix 2015 y seront dévoilés. Mon édito de février sera bien sûr consacré à l’événement. Merci de ne pas l’oublier.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT   

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-René Urtreger au Duc des Lombards le 18 et le 20 (deux concerts par soir à 19h30 et 21h30) dans le cadre du festival « French Quarter ! » dont il est le parrain. Avec lui, les membres de son trio habituel, Yves Torchinsky à la contrebasse et Eric Dervieu à la batterie. On a pu juger de la grande forme du pianiste au Sunset l’été dernier. En pleine possession de ses moyens, René ne cesse de surprendre par la jeunesse et la tonicité de son piano. Pianiste d’un octette rassemblant des lauréats du Prix Django Reinhardt, il sera sur la scène du théâtre du Châtelet le 8 février pour fêter le 60ème anniversaire de l’Académie du Jazz.

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-Antonio Faraò au Sunside les 22 et 23 janvier avec Olivier Temime (saxophone ténor), Sylvain Romano (contrebasse) et Laurent Robin (batterie). Le pianiste nous a offert un des bons disques de 2015. Enregistré avec ses musiciens italiens, “Boundaries” (Verve / Universal) séduit par un jazz souvent modal qui évoque parfois le second quintette de Miles Davis, lorsque Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams inventaient avec lui sa musique. Antonio Faraò possède un beau toucher. Son phrasé est fluide, élégant. S’il peut se montrer énergique, attaquer ses notes avec agressivité, donner swing et intensité à ses notes, il aime harmoniser les morceaux qu’il interprète, mettre en valeur leur ligne mélodique qu’il se plaît à fêter.

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-Le 26 janvier au New Morning, le bassiste Michel Benita présentera “River Silver son nouvel enregistrement ECM, une suite de paysages, une musique atmosphérique à l’instrumentation insolite. Michel nous y a habitué. Rassemblant Mieko Miyazaki au koto, Matthieu Michel au bugle, Eivind Aarset à la guitare et Philippe Garcia aux percussions, son groupe Ethics emprunte au jazz certaines sonorités mais point la musique, le groupe préférant inventer la sienne, planante et onirique. Après un précédent disque sur Zig Zag Territoires en 2010, cette formation pas comme les autres confirme qu’elle fait partie des grandes.

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-Manuel Rocheman en trio au Sunside le 27 avec Mathias Allamane à la contrebasse et Matthieu Chazarenc à la batterie, musiciens avec lesquels il a enregistré en 2009 “The Touch of Your Lips, un hommage à Bill Evans dont l’écoute a transformé sa musique, Manuel tempérant sa virtuosité, laissant parler son cœur dans des lignes mélodiques aux couleurs chatoyantes, sa technique se faisant oublier derrière la fluidité du langage pianistique. Un nouvel album est prévu avec eux en avril sur Bonsaï Music. Intitulé “misTeRIO, il renferme de nouvelles compositions que les amateurs du pianiste auront la primeur d’écouter au Sunside.

Paul Bley, le moissonneur de jazz

-À l’occasion de la sortie de “What Was Said”, un disque enregistré à Oslo en avril 2015 pour ECM, le pianiste Tord Gustavsen retrouve le Sunside pour quatre concerts exceptionnels le 30 et le 31 (20h00 et 22h00 le samedi ; 18h00 et 20h30 le dimanche). Consacré à la musique liturgique norvégienne qui depuis toujours nourrit sa musique, ce nouveau projet le voit associé à Simin Tander, une chanteuse afghano-allemande, et à Jarle Vespestad, son batteur habituel. B. Hamsaaya, un poète afghan, a collaboré aux textes que l’on doit également au mystique persan Jalal al-Din Rumi et au poète américain Kenneth Rexroth. Des textes que Simin Tander chante aussi en anglais. Si la musique de l’album n’est pas vraiment du jazz, les admirateurs de Tord Gustavsen retrouveront son piano contemplatif et inspiré, ses notes peu nombreuses dont le pouvoir de séduction reste plus grand que jamais.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

 

Crédits Photos : Paul Bley © photo X/D.R.René Urtreger © Philippe Marchin – Antonio Faraò © Andrea Boccalini – Michel Benita Ethics © Dániel Vass / ECM Records – Manuel Rocheman Trio © Karine Mahiout – Jarle Vespestad, Simin Tander, Tord Gustavsen © Hans Fredrick Asbjørnsen.

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 09:00
La musique de la vie

Jadis, on pourfendait à grands coups d’estoc un ennemi bien visible et armé. Autres temps, autres mœurs, aujourd’hui on assassine lâchement à l’arme de guerre des innocents désarmés au nom d’un Dieu miséricordieux que l’on blasphème. On croit rêver ! Les guerres de religion, on les découvrait avec effroi dans les livres d’histoire. La Saint Barthelemy, les Croisades relevaient de temps anciens. La réalité nous a rattrapé le 13 novembre : les assassins sont parmi nous. Ils s’en sont pris à nos enfants, mitraillent les lieux qu’ils aiment visiter, les terrasses des cafés où il fait bon flâner, se retrouver, partager. J’ai eu peur pour mon fils qui était de sortie ce soir là, peur pour mes confrères journalistes qui assistent fréquemment à des concerts, fréquentent les clubs et pas seulement ceux qui programment du jazz. Le Bataclan avait accueilli Wynton Marsalis en 1994. J’y étais aussi lorsque le Velvet Underground s’y produisit en janvier 1972. Rouvrira-t-il après un tel massacre ?

 

Ce 13 novembre 2015 laisse un goût amer. Une blessure trop récente peine à se refermer. Les lumières de nos villes en sont affectées. Lyon a décidé de ne pas allumer les siennes. À Paris, les rues, les magasins sont plus vides que d’habitude. Les clubs aussi. Les concerts de novembre ont rarement fait le plein. Ceux de décembre restent incertains, certains musiciens préférant annuler. Les Fêtes approchent mais le cœur n’y est pas. Il faut pourtant sortir, lutter contre la peur. Ne laissons pas des fanatiques qui veulent nous ôter la vie bâillonner la musique. Comment peut-on préférer le silence de la mort ?

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

La musique de la vie

-Olivier Hutman au Sunside le 4 avec Darryl Hall à la contrebasse et Steve Williams, le batteur de “No Tricks” et de “Give Me The High Sign”, les deux disques que le pianiste réalisa avec la chanteuse Denise King. C’est en trio qu’Olivier enregistra “Six Songs” pour JMS en 1983. Toujours en trio, un album mémorable pour RDC, “Five in Green”, vit le jour en 2002 avec Thomas Bramerie et Bruce Cox. J’en conserve précieusement la mémoire. Outre un bon batteur pour rythmer sa musique, Olivier Hutman a besoin d’une basse complice pour la porter très haut et celle de Darryl lui convient à merveille. Refusant toute exhibition technique, il laisse parler son cœur, exprime ce jazz imbibé de blues qui enracine. Ses notes chaudes et tendres n’apportent que du bonheur.

La musique de la vie

-Pas facile de choisir un concert le 5. Il y en a trois qui interpellent. Au Sunside, Jean-Michel Pilc retrouve André Ceccarelli (batterie) et Diego Imbert (contrebasse) ce qui comblera les amateurs de piano exigeants. Un peu plus bas, au Sunset, Kevin Hays (photo), un autre grand pianiste, dialoguera avec Grégoire Maret à l’harmonica, instrument convenant bien aux morceaux de Jimmy Webb ou de Sixto Díaz Rodríguez (Sugar Man) que Kevin affectionne.

La musique de la vie

-Toujours le 5, Andy Sheppard (saxophones), Guillaume de Chassy (piano) et Christophe Marguet (batterie) présenteront à la Maison de la Poésie (20h00 au 157, rue Saint Martin 75003 Paris) leur disque “Shakespeare Songs” (Abalone), interludes instrumentaux inspirés par le théâtre du grand William. Guillaume et Christophe en ont composé les musiques. Lus par Kristin Scott Thomas, les textes seront ici confiés à Delphine Lanson. En première partie, Régis Huby (violon & effets) et Maria Laura Baccarini (chant) donneront à entendre des textes du grand auteur-compositeur transalpin Giorgio Gaber.

La musique de la vie

-Le 6 à 20h00, le Studio de l’Ermitage accueille le Caratini Jazz Ensemble – 15 musiciens parmi lesquels André Villéger et Matthieu Donarier (saxophones), Claude Egea et Pierre Drevet (trompettes), Denis Leloup (trombone), Alain Jean-Marie (piano), Thomas Grimmonprez (batterie) – pour un ciné-concert consacré à “Body & Soul”, film muet qu’Oscar Micheaux tourna en 1924 avec l’acteur Paul Robeson, l’histoire d’une jeune femme vertueuse victime d’un escroc cynique déguisé en homme d’église. Créée en juillet 2013 dans le cadre du Paris Jazz Festival, la partition de Caratini a fait l’objet d’un disque enregistré en public et publié l’an dernier. La reprise du “Bal”, invitation à la danse sur des arrangements de Patrice et de Pierre Drevet, clôturera la soirée.

La musique de la vie

-Né à Wichita dans le Kansas et parisien depuis 1991, Ronnie Lynn Patterson se rappelle à nous par ses trop rares concerts. Il est attendu au Duc des Lombards le 10 avec Felipe Cabrera à la contrebasse et Jeff Boudreaux, le batteur de “Mississippi”, l’album qui le fit connaître et qu’il enregistra en 2002. Ronnie Lynn n’a jamais oublié la discothèque familiale, les enregistrements de John Coltrane et de Miles Davis. Il apprécie Chick Corea et admire Keith Jarrett dont il reprend Mandala dans “Freedom Fighters” (2008). Recueil de standards qui ont jalonné son cheminement pianistique, “Music”, son disque le plus récent, date de 2010. On peine à le croire tant Ronnie Lynn joue un piano qui envoûte et séduit. Avis aux producteurs !

La musique de la vie

-Le 10 encore, Eric Le Lann nous présentera au Petit Journal Montparnasse le répertoire de “Life on Mars”, son nouvel album, un des meilleurs que le trompettiste a signé depuis le début de sa longue et fructueuse carrière. Paul Lay au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie accompagnent avec bonheur le chant de sa trompette dans un répertoire varié au sein duquel la Danse Profane de Claude Debussy rencontre Life on Mars de David Bowie et Everytime We Say Goodbye de Cole Porter. Une invitation au voyage qui embrasse les vastes contrées musicales que pénètre le jazz.

La musique de la vie

-L’événement du mois : Martial Solal en duo avec le saxophoniste Dave Liebman au Sunside le 10 et le 11 pour quatre concerts (19h30 et 21h30 le 10 – 20h00 et 22h00 le vendredi 11). Né en 1927, Martial Solal est une légende vivante, le plus respecté des pianistes français. Son immense technique lui permet de toujours renouveler les thèmes qu’il aborde. Il aime surprendre, le fait avec humour, s’amuse et nous comble de ses notes espiègles. S’il s’exprime beaucoup au soprano, Dave Liebman ne dédaigne pas le ténor. Son jeu est parfois âpre, tranchant comme un rasoir. Il peut aussi faire délicieusement chanter ses instruments, souffler de longues phrases lyriques et chaudes. Longtemps associé à un autre pianiste, Richie Beirach, Dave trouve avec Martial un autre partenaire à sa (dé)mesure.

La musique de la vie

-Comme chaque année en décembre, TSF organise son concert de jazz à l’Olympia. Retenez la date, le lundi 14. Au programme de cette nouvelle édition de You & Night & The Music : le quartette de Géraldine Laurent avec Paul Lay. Autres pianistes confirmés : Thomas Enhco et Yaron Herman. Moins célèbres, mais à suivre, Yonathan Avishai et Sullivan Fortner ont enregistré de bons disques cette année. Également attendus, le crooner Anthony Strong, l’organiste / pianiste Cory Henry, Fred Pallem et son Sacre du Tympan. J’allais oublier Biréli Lagrène dans cette liste. Car ils seront nombreux sur scène à jouer leur musique. On consultera le programme complet sur le site de l’Olympia.

La musique de la vie

-On parle beaucoup de Zhenya Strigalev, saxophoniste né à Saint-Pétersbourg et installé depuis cinq ans à New York, après quelques années passées à Londres qu’il quitta diplômé de la Royal Academy of Music. Le pianiste Taylor Eigsti, le bassiste Larry Grenadier et le trompettiste Ambrose Akinmusire l’accompagnent dans “Robin Goodie”, son quatrième disque. Zhenya Strigalev sera au Sunside le 15 avec Eric Harland, le batteur de l’album, Aaron Parks (piano) et Linley Marthe (basse) complétant une formation de jazz moderne très attendue.

La musique de la vie

-Le 18, le trompettiste Enrico Rava rejoint Aldo Romano au Sunside. Les deux hommes ont souvent joué et tourné ensemble. Ils se sont même retrouvés en studio en Italie en 2011 pour enregistrer “Inner Smile”, un disque Dreyfus publié sous le nom du batteur. Baptiste Trotignon (piano) participait à la séance et Thomas Bramerie assurait la contrebasse. Si Baptiste sera présent, Thomas indisponible se verra remplacer par Darryl Hall. Avec eux, attendons-nous à des mélodies ensoleillées, à ces thèmes chantants et lyriques qu’Enrico et Aldo savent si bien nous donner.

La musique de la vie

-Prévu le 8 au New Morning, le concert de sortie de “The Whistleblowers”, nouveau disque célébrant les retrouvailles de David Linx, Paolo Fresu et Diederick Wissels ayant été annulé, on retrouvera le 26 décembre au Sunside le chanteur et le pianiste au sein d’un quartette comprenant Christophe Wallemme le bassiste du disque et Donald Kontomanou à la batterie. Difficile de pallier l’absence de la trompette, des cordes qui habillent si bien certains morceaux, mais portée par la voix assurée de Linx, par le piano élégant de Wissels, la musique de l’album est si riche qu’elle devrait se suffire à elle-même.

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Maison de la Poésie : www.maisondelapoesieparis.com

-Studio de l’Ermitage : www.studio-ermitage.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

-Olympia : www.olympiahall.com

 

Crédits photos : Olivier Hutman © Aurélie Vandenweghe – Patrice Caratini © Nathalie Mazeas – Ronnie Lynn Patterson © Philippe Marchin – Eric Le Lann © Renand Baur – Martial Solal © Heathcliff O’Malley – Zhenya Strigalev © Monika S. Jakubowska – Aldo Romano & Enrico Rava © Pierre de Chocqueuse – "Larme", Kevin Hays, Diederick Wissels & David Linx © Photos X/D.R.

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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 09:04
Les couleurs de la ville

Novembre : Retour de Clermont-Ferrand, de Jazz en Tête, des couleurs, des sons, des images plein la tête. Ron Carter en quartette avec la pianiste Renee Rosnes, le trio explosif du batteur Jeff Ballard associant le saxophone rêveur et rêvé de Chris Cheek à la guitare de tous les possibles de Lionel Loueke, la découverte du Blackstone Orchestra, big band clermontois de dix-sept musiciens survolant avec brio les partitions audacieuses de Franck Pilandon et d’Eric Pigeon en furent des moments forts. Le concert que donna le pianiste Sullivan Fortner marqua également les esprits, mais, je n’étais déjà plus à Clermont pour le voir.

 

La ville m’avait donné d’autres images à méditer, celles en noir et blanc de tristes rues quasi désertes. Car si les centres commerciaux et les cinémas de la place de Jaude conservent leurs clientèles et leurs couleurs, la vieille ville semble s’éteindre doucement autour de l’église Notre-Dame-du-Port restaurée et plus belle que jamais, comme si le Clermont historique connaissait une lente et inexorable mise au tombeau. La faute à qui ? Les grandes surfaces installées à la périphérie des villes et la progression du commerce en ligne accélère cette désertification. Les commerçants de la rue du Port et la rue Pascal ont presque tous fermé boutique. Mes flâneries de promeneur solitaire me conduisent à la porte d’un des rares disquaires qui n’a pas encore fait naufrage. Il survit grâce à la vente de vieux vinyles, des disques de pop, de rock, de soul. Il a aussi un peu de jazz qui peine à trouver preneur. Je découvre à l’état de neuf “Tutti”, un disque d’Antoine Hervé de 1985. Magnifique pochette de Daniel Jan. Au verso, Antoine a l’air d’un vrai gamin.

 

Les Parisiens ne se rendent pas compte de leur chance. Leur trépidante ville lumière fait le plein de boutiques en tous genres, même de miracles. On trouve tout avec de la patience. Se promener, prendre le temps sur le temps qui accélère, réduire son face à face avec le Net qui nous vole de précieuses heures, remplacer le clic par la claque que donne la découverte inespérée d’un album recherché chez un disquaire, boycotter Amazon pour visiter les FNAC et Gibert Joseph boulevard Saint-Michel. Pour les vinyles, Paris Jazz Corner, Crocojazz, la Dame Blanche vous attendent, vous conseillent et donnent des couleurs à la ville. N’est-ce pas mieux que l’écran sur lequel nos yeux s’usent ?

 

C’est un festival. Il a pour nom Jazzycolors et il existe depuis 13 ans. Les centres et instituts culturels étrangers de Paris abritent les concerts de ses participants, des musiciens qui nous viennent de plus de 20 pays. Patronné par le pianiste Bojan Z, il propose une programmation audacieuse qui a pour mérite de nous faire découvrir des inconnus. En 2011 la pianiste Julia Hülsmann s’invitait au Goethe Institut. En 2013 la chanteuse belge Mélanie De Biasio enthousiasmait l’Institut Culturel Italien, prélude à une reconnaissance devenue effective. L’an dernier, Jazzycolors conviait la pianiste roumaine Ramona Horvath et le pianiste italien Stefano Battaglia à jouer leur musique. Si la musique improvisée difficilement étiquetable que certains proposent n’a souvent pas grand chose à voir avec du jazz, ce festival apporte régulièrement son lot de bonnes surprises. On retiendra cette année les concerts du vibraphoniste luxembourgeois Pascal Schumacher, de la pianiste canadienne Emie Rioux-Roussel et du chanteur polonais Wojciech Myrczek en duo avec son compatriote Pawel Tomaszewski au piano.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT       

Les couleurs de la ville

-Le 2, Géraldine Laurent et son presque nouveau quartette occuperont la scène du Duc des Lombards. Presque nouveau, car si le fidèle Yoni Zelnick assure toujours la contrebasse, il est rejoint par Paul Lay au piano et Donald Kontomanou à la batterie. J’ai dit tout le bien que je pensais de “At Work”, nouvel album de la saxophoniste (alto) que vient de produire Laurent De Wilde. Son répertoire sera bien entendu au programme de ce concert. Epistrophy de Thelonious Monk et Goodbye Porkpie Hat de Charles Mingus, Chora Coraçao d’Antonio Carlos Jobim et de nouvelles compositions aussi brillantes qu’originales nous ferons oser Géraldine.

Les couleurs de la ville

-John Scofield retrouve le New Morning le 5 pour nous jouer son nouveau disque. Intitulé “Past Présent”, il réunit Joe Lovano (saxophone ténor), Larry Grenadier (contrebasse) et Bill Stewart (batterie). Ben Street remplace Grenadier pour cette tournée ce qui ne risque pas de trop bouleverser la musique du guitariste. Sauf que les compositions de Scofield se révèlent bien plus intéressantes lorsqu’elles sont jouées live, ses albums studio ne parvenant jamais à totalement convaincre.

Les couleurs de la ville

-Le 5 toujours, on peut préférer à la guitare de John Scofield le saxophone d’André Villéger. Ce dernier fête au Sunside la sortie d’un nouvel album enregistré avec Philippe Milanta au piano. Outre une paire de compositions originales, “For Duke and Paul” (le saxophoniste Paul Gonsalves) qu’a produit Michel Stochitch pour Camille Productions propose des relectures souvent inattendues de quelques thèmes du répertoire ellingtonien. Billy Strayhorn n’y est pas oublié (écoutez A Flower is a Lovesome Thing joué au soprano par André). Les deux hommes ne cherchent jamais à imiter leurs illustres aînés, mais leurs recréations traduisent l’élégance de leurs styles respectifs, jeux nuancés et subtils qui servent la musique.

Les couleurs de la ville

-Après deux soirées en octobre autour de la danse (« Le Bal ») et du mariage du jazz et de l’accordéon, Patrice Caratini retrouve le Studio de l’Ermitage le 8 avec un programme consacré aux rythmes afro-antillais. Un double plateau avec le Tropical Jazz Trio (Alain Jean-Marie au piano, Roger Raspail aux percussions et Patrice à la contrebasse) et le Latinidad Quintet que le bassiste créa en 2009 autour de son travail sur les percussions cubaines. Autour de lui : Rémi Sciuto au saxophone, Manuel Rocheman au piano et deux percussionnistes, Inor Sotolongo et Sebastian Quezada.

Les couleurs de la ville

-Une fois par mois, le Sunside accueille en résidence le Vintage Orchestra, formation de seize musiciens dirigée par le saxophoniste Dominique Mandin qui se consacre au répertoire du Thad Jones / Mel Lewis Big Band. Dans ses rangs, David Sauzay et Olivier Zanot (saxophones), Thomas Savy (clarinettes), Fabien Mary et Yoann Loustalot (trompettes), Daniel Zimmermann et Jerry Edwards (trombones) nous sont familiers. De même que Florent Gac (piano) Yoni Zelnik (contrebasse) et Andrea Michelutti (batterie) qui assurent la rythmique. La date : le 9 novembre.

Les couleurs de la ville

-Le 9 toujours, la chanteuse Indra Rios-Moore remarquée dans un album Impulse publié cette année s’offre le Divan du Monde (75, rue des Martyrs 75018 Paris). Produit par Larry Klein, “Heartland” mêle avec bonheur, jazz, folk, blues et country. Le répertoire éclectique comprend des compositions de Duke Ellington, David Bowie, Roger Waters (le célèbre Money), Doc Watson et Thomas Bartlett dont la chanson From Silence reste la préférée de Indra qui habite le Danemark. Avec elle, Benjamin Traerup, son mari, au saxophone ténor. Uffe Steen (guitare), Thomas Sejthen (contrebasse) et Jay Bellerose (batterie) complètent la formation.

Les couleurs de la ville

-Après l’Européen en mai 2014 et le Sunside cette année, Do Montebello s’invite le 10 au Studio de l’Ermitage pour chanter sa musique brésilienne mâtinée de jazz et de musiques du monde. Avec elle, Patrick Favre (piano), Sergio Farias (guitare), Ricardo Feijão (baixolão), Christophe de Oliveira (batterie) et Xavier Desandre Navarre (percussions), des musiciens complices qui offrent un écrin sur mesure à sa voix. Née à Albi, élevée en Algérie et grande voyageuse – ses nombreux déplacements l’ont conduite à découvrir les Caraïbes, les Etats-Unis et le Brésil –, Do Montebello chante et parle plusieurs langues et séduit par le message écologique de ses textes. Publié l’an dernier “Adamah”, son premier disque, cri d’amour rendu à la Terre malmenée et à tous les déracinés qui y vivent, est une grande réussite.

Les couleurs de la ville

-Bruno Angelini au Sunside le 18. Un concert en deux parties. En solo pour la première, Bruno interprétera le programme de “Leone Alone”, nouvel album paru sur le label Illusions et produit par Philippe Ghielmetti et moi-même. L’écoute de sa musique il y a quelques mois m’a décidé à casser ma tirelire, l’amateur de piano que je suis ayant été séduit par ces relectures inspirées de Giu la testa (“Il était une fois la révolution”) et de Il buono, il brutto, il cattivo (“Le bon, la brute et le truand”). En deuxième partie de programme, Bruno Angelini se verra rejoindre par Francesco Bearzatti (saxophone ténor, clarinette) pour une recréation inédite de C’era una volta il West (“Il était une fois dans l’Ouest”) Un sacré duel en perspective !

Les couleurs de la ville

-Dans le cadre du festival Jazzy Colors, le vibraphoniste luxembourgeois Pascal Schumacher est attendu le 19 à 20h00 à l’Institut Finlandais le (60, rue des Ecoles 75005 Paris) dans le cadre du festival Jazzy Colors. Son quartette qui existe depuis 2002 comprend aujourd’hui Franz von Chossy au piano Paul Belardi à la guitare basse et Jens Düppe à la batterie. Jeff Neve qui entreprend depuis quelques années une carrière sous son nom en a été le pianiste. Si l’ambitieux “Bang My Can” (2011) souffre d'une trop grande dispersion musicale, il n’en va pas de même avec “Left Tokyo Right”, un disque que lui ont inspiré plusieurs séjours au Japon, le vibraphoniste incorporant non sans finesse des éléments musicaux de la culture japonaise à sa musique.

Les couleurs de la ville

-Pour son émission Jazz sur le vif, le Studio 105 de la Maison de la Radio accueille Susanne Abbuehl et ses musiciens le samedi 21 à 17h30. Matthieu Michel (bugle), Wolfert Brederode (piano, harmonium indien) et Olavi Louhivuori (batterie, percussions) l’entourent dans “The Gift” un disque de 2013, son plus récent. Car Susanne Abbuehl est une chanteuse rare qui enregistre peu. Trois albums pour ECM en quinze ans ne l’empêche nullement d’être toujours proche de nous. Ses reprises de Carla Bley (Ida Lupino, Closer) ou les musiques qu’elle pose sur des poèmes de James Joyce, Emily Dickinson, Emily Brontë, pour ne citer qu’eux, servent une voix pure et aérienne qui allonge ou contracte les syllabes de ses mots pour mieux les rythmer et les faire respirer. Avec elle, le verbe devient images, paysages qui invitent à rêver. Le saxophoniste Sylvain Beuf et son quartette électrique – Manu Codjia (guitare), Christophe Wallemme (contrebasse) et Julien Charlet (batterie) assureront la première partie.

Les couleurs de la ville

-Pierre de Bethmann revient au trio avec un nouvel album dont il fêtera la sortie au Sunside les 24 et 25 novembre. Dans “Essais / Volume 1” (Aléa), Sylvain Romano (contrebasse) et Tony Rabeson (batterie) partagent avec lui un répertoire aussi éclectique qu’inattendu, repensent avec goût et imagination Promise of the Sun d’Herbie Hancock, Pull Marine de Serge Gainsbourg, Sicilienne de Gabriel Fauré, Indifference de Tony Murena mais aussi le Chant des Marais ou Chant des Déportés, que composa en 1933 un employé de commerce allemand enfermé par les nazis pour ses idées politiques. Laissons nous porter par cette musique improbable, fruit de l’invention commune de trois musiciens inspirés.

Les couleurs de la ville

-Sheila Jordan au New Morning le 20. Avec le temps sa voix s’est faite fragile, son chant tend vers l’épure, comme si les mots s’éteignaient doucement. On n’oublie pas ses grands disques, “Portrait of Sheila qu’elle enregistra pour Blue Note en 1962 avec Steve Swallow à la contrebasse, ses rencontres avec d’autres bassistes, Arild Andersen, Harvie Swartz et Cameron Brown. On se souvient aussi du quartette qu’elle co-dirigea avec le pianiste Steve Kuhn, un album superbe enregistré pour ECM en 1979, “Playground”, en résultant. Au New Morning, le bassiste sera François Moutin. Son frère Louis officiera à la batterie et Jean-Michel Pilc au piano. Ne manquez pas cette grande Dame du Jazz Vocal.

Les couleurs de la ville

-Le Gil Evans Paris Workshop que dirige Laurent Cugny, donnera son dernier concert de l’année le 25 au Studio de l’Ermitage. L’occasion de découvrir cette jeune formation de seize musiciens qui se consacre au répertoire de Gil Evans, reprend ses arrangements mais aussi ceux que Laurent confia naguère à ses propres orchestres, d’autres, plus récents, venant les compléter. Thisness de Miles Davis, Goodbye Pork Pie Hat de Charles Mingus, Blues in Orbit de George Russell, King Porter Stomp de Jelly Roll Morton arrangés par Evans, Time of the Barracudas écrit par lui-même, la musique est un feu d’artifice de swing, de couleurs et d’harmonies aussi raffinées qu’élégantes.

-Festival Jazzy Colors : www.jazzycolors.net

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Studio de l’Ermitage : www.studio-ermitage.com

-Le Divan du Monde : www.divandumonde.com

ILLUSTRATION : Antoine Corbineau  PHOTOS : Géraldine Laurent & Paul Lay, Vintage Orchestra © Philippe Marchin – Joe Lovano & John Scofield © Nick Suttle – André Villéger & Philippe Milanta © Daniel Maignan – Patrice Caratini, Bruno Angelini, Pierre de Bethmann, Laurent Cugny © Pierre de Chocqueuse – Do Montebello © Ivan Silva – Pascal Schumacher © Illan Weiss – Susanne Abbuehl © Andrea Loux / ECM – Indra Rios-Moore, Sheila Jordan © photos X/D.R.

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5 octobre 2015 1 05 /10 /octobre /2015 08:58
Importants petits riens jazzistiques et elfiques

Octobre : les jours raccourcissent, et les soirées, plus fraîches, incitent à la prudence. Le parisien cherche à oublier qu’octobre est aussi le mois des impôts, après ceux de septembre, avant ceux d’octobre. Vache à lait des hommes politiques qui lui font payer leurs folles dépenses, il se console devant les séries TV qui font florès et songe déjà aux nourritures plus riches qu’il aura cet hiver sur sa table : Potages de légumes, choucroutes garnies, petit salé aux lentilles, velouté de champignons, pot-au-feu, fondue savoyarde, d’innombrables plats qui aident à lutter contre le froid. Mais la nourriture de l’amateur de jazz est également sonore. Octobre est un mois plein de surprises et s’il lui reste quelque argent après toutes les taxes qu’on lui colle sur le dos, une pluie de concerts et de disques l’invite à la dépense.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

Prestation inoubliable sur un piano mal accordé de l’elfe Erroll Garner en trio avec Eddie Calhoun à la contrebasse et Denzil Best à la batterie, médiocrement enregistré sous le manteau le 19 septembre 1955 à Carmel, par un admirateur disposant d’un magnétophone de fortune, “Concert by the Sea”, disque d’or en 1958, devint vite le disque le plus apprécié et le plus célèbre du pianiste. Soixante ans plus tard, Columbia Legacy le réédite dans une édition comprenant une interview de Garner et de ses musiciens et onze morceaux totalement inédits, des versions éblouissantes de Night and Day, Sweet and Lovely, Lullaby of Birdland, Bernie’s Tune, S’Wonderful, Laura, du bon, rien que du très bon. Fabuleux lorsque l’on sait qu’Erroll Garner, autodidacte, ne savait pas lire la musique. Ce qui n’empêcha pas les pianistes modernes d’adopter ses conceptions harmoniques et rythmiques. Jouant la mélodie avec un léger retard sur une main gauche marquant les temps de l’accord, Garner provoquait un décalage rythmique générant un swing incomparable. Produit par la pianiste Geri Allen et l’ingénieur du son Steve Rosenthal, entièrement remasterisé et restauré à partir des bandes analogiques d'origine, “The Complete Concert by the Sea” (3 CDs) s’est refait une jeunesse et sonne comme vous ne l’avez jamais entendu.

Un festival de jazz qui programme du jazz, rien que du jazz, ce qui le distingue de tous les autres, c’est Jazz en Tête qui, chaque année en octobre, et depuis 28 ans, fait de Clermont-Ferrand la capitale du jazz. Sa 28ème édition se déroulera cette année du 20 au 24. Une semaine par an, refusant placebos et ersatz partout diffusés, Jazz en Tête défend un jazz de qualité « fidèle aux origines et ouvert aux musiciens de demain ».

Vivre au rythme du jazz, c’est ce que propose l’Association Paris Jazz Club. La 4ème édition du Festival Jazz sur Seine qu’elle organise, se tiendra du 9 au 24 octobre. Une vingtaine de clubs parmi lesquels le Sunset / Sunside, le Duc des Lombards, le New Morning, le Studio de l’Ermitage, le Triton, mais aussi le théâtre du Châtelet y sont associés. 120 concerts – dont ceux de Nicholas Payton, Carla Bley, Romain Pilon et les Melody Makers, des « concerts qui interpellent » – sont ainsi proposés à des tarifs avantageux (Le pass 3 concerts à 40€).

Vous avez payé vos impôts, vous venez de prendre un aller-retour pour Clermont-Ferrand, vous avez acheté le coffret Erroll Garner, mais s’il vous reste encore une poignée d’euros dans votre cochon-tirelire, octobre est encore un bon mois pour sortir, découvrir des musiques qui vous aideront peut-être à traverser l’hiver.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Le 6 (20h30), le Gil Evans Paris Workshop retrouvera le Studio de l’Ermitage pour le premier des deux concerts qu’il y donnera cet automne. La formation y fêtera également son premier anniversaire. C’est en effet dans cette même salle, le 8 octobre 2014 qu’elle se produisit la première fois en public. Autour de Laurent Cugny aux claviers, de jeunes et talentueux musiciens pour célébrer Gil Evans, ses compositions et ses arrangements. Laurent joue également les siennes, des pièces inédites et d’autres plus anciennes naguère confiées à son Big Band Lumière et à l’Orchestre National de Jazz dont il assura la direction. Aujourd’hui seize musiciens créatifs donnent le meilleur d’eux-mêmes dans un répertoire d’exception. Comment peut-on les ignorer ?

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Le 12, dans le cadre de Jazz sur Seine, le guitariste Romain Pilon fêtera au Sunset la sortie de “The Magic Eyes”, son troisième album, son plus réussi. Avec lui deux saxophonistes américains qui comptent parmi les meilleurs : Ben Wendel et Walter Smith III, tous les deux au ténor. La rythmique sera bien sûr celle du disque, Yoni Zelnik (contrebasse) et Fred Pasqua (batterie), musiciens avec lesquels Romain a l’habitude de jouer. Financé par de généreux donateurs (Jazz&People est un label de jazz participatif), “The Magic Eyes” réunit en alternance des morceaux en trio et en quintette, des plages lyriques, singulières (The Oxygen Choices) à découvrir sans tarder.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Le Théâtre du Châtelet accueillera également le 12 (20h00) les Melody Makers, six musiciens qui ont enregistré chez ECM sous leur nom ou comme sideman et que rapproche un certain raffinement harmonique. Surtout connue comme chanteuse, Eliane Elias est aussi une pianiste émérite. Elle tient l’instrument dans deux disques ECM qu’a gravé Marc Johnson, son époux : “Shades of Jade” en 2004, et “Swept Away” en 2010. Le batteur en est Joey Baron. Il joue aussi dans “39 Steps”, le dernier album du guitariste John Abercrombie qui réunit Marc Copland au piano et Drew Gress à la contrebasse. Ils seront tous les six sur la scène du Châtelet pour constituer des duos, des trios, des quartettes, … Ne manquez pas ce concert événement.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Nicholas Payton au Duc des Lombards le 14 et le 15 (19h30 et 21h30) avec Vicente Archer (basse) et Carl Allen (batterie). Ses premiers disques pour Verve révèlent un trompettiste néo-orléanais jouant un jazz traditionnel. “Payton’s Place” (1998) le voit endosser des habits de bopper et changer de direction musicale. Mais c’est avec “Bitches” enregistré en 2009 et 2010, que la soul, le funk deviennent prépondérants dans sa musique. Délaissant son instrument, Payton adopte les claviers, chante, se transforme en homme orchestre. Il possède son propre label, Paytone Records, et vient de publier “Letters”, double CD de 26 morceaux salué par le pianiste Benny Green.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-« Plongée annuelle et profonde dans le jazz de chez jazz », la 28ème édition du Festival Jazz en Tête se déroulera cette année du 20 et le 24 octobre à Clermont-Ferrand. Déjà présent l’an dernier, plébiscité aujourd’hui dans tous les festivals, Cory Henry, claviériste virtuose, marie habilement, jazz, soul, funk et gospel et sera le 20 à Clermont. Le 21, Ron Carter, un des derniers géants de la contrebasse, rendra hommage à Miles Davis en reprenant des thèmes célèbres de son répertoire. Son quartette comprend une pianiste d’exception : Renee Rosnes. Deux têtes d’affiche le 22, Jeremy Pelt un habitué de Jazz en Tête – sa trompette souffle les notes d’un bop moderne et réjouissant –, et le très attendu « All Star Trio » de Jeff Ballard. Batteur de Brad Mehldau, musicien ouvert à toutes sortes d’aventures (on le trouve associé à de nombreux projets), Ballard innove au sein d’un trio qui mêle la guitare inventive et colorée de Lionel Loueke au saxophone ténor de Chris Cheek. Grande soirée également le 23 avec un jeune pianiste à découvrir sur scène, Sullivan Fortner, auteur d’un premier album qui vient de paraître sur le label Impulse ! À la tête de son Gipsy Project, le grand Bireli Lagrène enchantera les amateurs de guitare. La sienne chante mieux que beaucoup d’autres. Vous le constaterez par vous-même.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-La grande Carla Bley au New Morning le 21 avec Andy Sheppard (saxophones ténor et soprano) et le toujours fidèle Steve Swallow à la basse électrique. Pianiste modeste, la Dame compense aisément ses faiblesses techniques par ses nombreuses idées et pose de belles couleurs sur ses compositions. Swallow en fait constamment chanter les lignes mélodiques et Sheppard leur apporte un lyrisme non négligeable, souffle des notes d’une rare élégance. Ecoutez-le décliner la mélodie de Utviklingssang dans “Trios”, un disque ECM de 2013. Rien que du bonheur.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Les 20, 21 et 22 octobre, Jean-Marc Padovani investira la Chapelle des Lombards (19, rue de Lappe 75011 Paris) qui s’ouvre à nouveau au jazz avec un programme consacré aux compositions de Paul Motian. L’album s’intitule “Motian in Motian” et le saxophoniste en fêtera la sortie avec ses musiciens, Didier Malherbe au doudouk, Paul Brousseau aux claviers, Claude Tchamitchian à la contrebasse et Ramon Lopez à la batterie. On peut ne pas toujours adhérer aux arrangements, parfois très éloignés du jazz qu’appréciait et pratiquait Motian, mais le disque traduit l’enthousiasme de « Pado » et de ses complices.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Pour ceux qui ne peuvent se rendre à Clermont-Ferrand, Sullivan Fortner, nouvel espoir du piano découvert auprès de Roy Hargrove, se produira le 26 et le 27 au Duc des Lombards. Avec lui, les musiciens d’un quartette comprenant Tivon Pennicott aux saxophones, Aidan Caroll à la contrebasse et Joe Dyson à la batterie. On espère l’entendre jouer davantage que dans “Aria”, un premier album dans lequel il laisse beaucoup trop de place à son saxophoniste, les quelques plages enregistrées en trio révélant un pianiste très talentueux.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Ayant facilement rempli l’Olympia en juin, Melody Gardot y retourne les 26 et 27 octobre pour deux autres concerts. Avec elle, trois souffleurs, un clavier, un guitariste, un bassiste souvent à la basse électrique et un batteur. Au programme : “Currency of Man” qu’elle a fait paraître début juin et qui mêle avec bonheur jazz, soul, blues et gospel, ses magnifiques compositions se voyant superbement arrangées. Sur scène la chanteuse captive par son charisme. On aurait tort de la bouder.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Arnault Cuisinier au Sunside le 27 pour fêter la sortie de son nouvel album “Anima”. Le bassiste l’a enregistré avec Guillaume de Chassy au piano, Jean- Charles Richard au soprano et Fabrice Moreau à la batterie. Un disque plus réussi que le précédent grâce à l’interaction qui y règne. Jean-Charles et Guillaume se partagent des solos lyriques et pertinents. Fabrice colore et rythme la musique et Arnault assure le discret leadership de ce quartette à suivre.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Aaron Goldberg au Duc des Lombards les 29, 30 et 31 octobre avec Reuben Rogers à la contrebasse et Leon Parker à la batterie. Le pianiste a donné un magnifique concert au New Morning en février, interprétant des extraits de “The Now” publié l’an dernier, un recueil de compositions personnelles voisinent avec des standards du bop, des pièces sud-américaines et un morceau traditionnel haïtien. Aaron aime surprendre par ses relectures inattendues des grands standards de l’histoire du jazz, ses interprétations raffinées de morceaux oubliés, ses harmonies chatoyantes nourrissant son jazz moderne et raffiné.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Lizz Wright au New Morning le 30. Les noms des musiciens qui l’accompagnent ne nous ont pas été communiqué. Produit par Larry Klein (Madeleine Peyroux, Melody Gardot), “Freedom & Surrender”, son nouveau disque comprenant compositions originales (co-écrites avec Klein et David Batteau qui, en 1970, enregistra un album mémorable avec John Compton : “In California”) et reprises (To Love Somebody des Bee Gees, River Man de Nick Drake dans lequel intervient le trompettiste Till Brönner). Bénéficiant de très bons musiciens (Dean Parks et Jesse Harris aux guitares, Vinnie Colaiuta à la batterie), invitant Gregory Porter à partager avec elle une chanson, Lizz Wright mêle avec bonheur blues, funk, gospel, folk et country et réussit un album commercial qui n’en reste pas moins attachant.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Greg Osby & Vein le 31 au Sunside. On a un peu perdu de vue le saxophoniste ces dernières années. Ses disques Blue Note n’ont pas tous été bien distribués et ses derniers albums ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Associé à Vein, trio helvète comprenant Michael Arbenz au piano, Thomas Lähns à la contrebasse et de Florian Arbenz à la batterie, Greg Osby apporte une touche personnelle et bienvenue à leur musique, un jazz moderne dont l’écriture très contemporaine accorde une large place au groove.

Importants petits riens jazzistiques et elfiques

-Toujours le 31, mais au Sunset, David Patrois fêtera la parution de “Flux tendu” (Arts et Spectacles), disque dont j’aime beaucoup la pochette. Il faut aussi en découvrir la musique, conversation énergique entre trois instruments – saxophone soprano (baryton dans In Walked Bud), vibraphone ou marimba, et batterie – qui vont à l’essentiel, non sans lyrisme comme en témoigne les rares ballades d’un album qui associe précision et vitesse (l’acrobatique Flux Tendu), les tempos rapides étant souvent de mise dans ce trio sans contrebasse. Complices, David Patrois, Jean-Charles Richard et Luc Isenmann s’y révèlent particulièrement inventifs.

-Festival Jazz sur Seine : www.jazzsurseine.fr

-Festival Jazz en Tête (Clermont-Ferrand) : www.jazzentete.com

-Studio de l’Ermitage : www.studio-ermitage.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Théâtre du Châtelet : www.chatelet-theatre.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Chapelle des Lombards : www.la-chapelle-des-lombards.com

-Olympia : www.olympiahall.com

 

Crédits Photos : “Concert by the Sea” © Michelle Magdalena Maddox / Columbia Legacy –  Romain Pilon Trio + © Pauline Pénicaud – Carla Bley Trio © Bill Strode – Sullivan Fortner © Loop Productions – Melody Gardot © Pierre de Chocqueuse – Aaron Goldberg © Philippe Marchin – Lizz Wright © Concord Records – David Patrois Trio © Gildas Boclé – Gil Evans Paris Workshop, The Melody Makers (Eliane Elias, Marc Johnson & John Abercrombie), Nicholas Payton, Jean-Marc Padovani Quintet, Arnault Cuisinier Quartet, Greg Osby & Vein © Photos X/D.R .

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10 septembre 2015 4 10 /09 /septembre /2015 08:32
Une rentrée miraculeuse

Septembre : longtemps réservée à notre progéniture (la rentrée des classes), l’expression « faire sa rentrée » s’applique abusivement à tous, comme si tout le monde attendait l’été pour sortir, et que la « belle saison » entrainait nécessairement une coupure dans nos habitudes. Les vacances que nous ne prenons pas tous ralentissent toutefois le flux d’activité auquel nous sommes soumis et que la technologie, loin de soulager, accentue. Juillet et août sont un peu plus calmes. Moins de CD(s) dans les boites à lettres, moins de courriels dans les « boîtes de réception » de nos ordinateurs. On profite davantage du temps qui file et nous échappe. On réécoute d’excellents disques que de nouvelles et trop nombreuses parutions nous font délaisser. “Ecstasy” de Steve Kuhn, la “Suite Mangrove” d’Olivier Hutman, “Telepathy” de Bill Stewart, “The Invisible Hand” de Greg Osby réunissant Jim Hall et Andrew Hill m’ont apporté un plaisir indicible. Leurs musiques traduisent l’évolution harmonique et rythmique que le jazz a connu à partir des années 60, un jazz qui s’invente aujourd’hui tant en Europe qu’en Amérique et qui est source de joie.

 

Rares au regard de la quantité de disques mis en circulation, des chefs-d’œuvre se cachent pourtant dans le flot furieux de nouveautés que chaque mois de l’année nous apporte. Certains interpellent dès leurs premières notes. Les oreilles se dressent alors, attentives. On abandonne les autres dont les piles s’amoncellent. L’embouteillage auditif est inévitable. Cela n’arrive pas tous les jours, mais le miracle peut à tout moment se produire. Ces dernières semaines, plusieurs disques m’ont ainsi fort réjoui. “The Journey” de Keith Brown, “Boundaries” d’Antonio Faraò, “Solo” de Fred Hersch qui fêtera en octobre son 60ème anniversaire, “Essais / Volume 1” de Pierre de Bethmann qui, en trio, délaisse sa propre musique pour redonner vie à des standards, “2081” de John Taylor enregistré avec ses fils et un tubiste (un opus avec Kenny Wheeler est également annoncé) en sont les principaux. Vous en découvrirez les chroniques cet automne, dans ce blog ou dans Jazz Magazine.

 

J’ai quant à moi pris des vacances, délaissant les méga-festivals indigestes comme le sont les tartes trop crémeuses pour un séjour auvergnat chez l’ami Phil Costing au pied du Cézallier et pour un festival convivial et désaltérant à Frontenay, en Franche-Comté. Difficile de résister à son fameux vin jaune qui lui aussi fait des miracles. Je ne sais si les vins du Jura y ont été pour quelque chose, mais j’ai même assisté à l’un d’entre eux, à un concert très applaudi de Lucky Peterson sans Lucky Peterson. Vous avez dit miracle !

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Une rentrée miraculeuse

-Les 10, 11 et 12 septembre, Stéphane Belmondo retrouve le Sunside. Avec lui, Thomas Bramerie, le bassiste de “Love for Chet” (Naïve), son dernier disque. Jesse Van Ruler étant indisponible, Alex Freiman le remplace à la guitare. Chet c’est bien sûr Chet Baker disparu en 1988 dont le trompettiste reprend le répertoire, un père spirituel dont il joue magnifiquement la musique.

Une rentrée miraculeuse

-Kevin Hays au Duc des Lombards le 11 avec Mat Brewer (contrebasse) et Greg Joseph (batterie). Ce dernier l’accompagne dans “New Day” son dernier enregistrement pour Sunnyside. Hays utilise divers claviers et excelle au Fender Rhodes, son disque s’ouvrant au blues, au folk, au rock, à toutes sortes de musiques. Le jazzman a enregistré de nombreux albums au piano acoustique (trois disques pour Blue Note), un opus en duo avec Brad Mehldau, et mérite d'être mieux connu.

Une rentrée miraculeuse

-Felipe Cabrera et Leonardo Montana au Duc des Lombards le 16. Le premier fut longtemps le bassiste de Gonzalo Rubalcaba. De nationalité brésilienne, le second est le pianiste du trio d’Anne Paceo. Ils se sont associés pour enregistrer leurs compositions. L’album s’intitule “Night Poems” et renferme une musique chantante et mélancolique portée par une assise rythmique irréprochable.

Une rentrée miraculeuse

-Le batteur Philippe Soirat au Sunset le 18 avec les musiciens de “You Know I Care” (Absilone) son premier album : David Prez au saxophone ténor, Vincent Bourgeyx au piano et Yoni Zelnik à la contrebasse. Assurant depuis fort longtemps dans les clubs parisiens, Philippe a joué avec un nombre impressionnant de jazzmen et a participé à une bonne cinquantaine d’enregistrements. Avec lui point de tempos flottants, mais une rigueur de tous les instants. Son drive favorise le swing et le sert à merveille. Ce premier disque nous replonge dans les grandes années du hard bop. Thelonious Monk, Wayne Shorter, Duke Pearson, Herbie Hancock, Joe Henderson et d’autres en signent les compositions. Elles bénéficient de relectures inspirées.

Une rentrée miraculeuse

-Don Menza au Sunside le 18 et le 19. Né en 1936, le saxophoniste travailla comme soliste et arrangeur pour Maynard Ferguson, Buddy Rich et Woody Herman. Saxophoniste puissant, il excelle également dans les ballades grâce à une sonorité élégante et raffinée. Ses longues phrases lyriques et sensuelles servent toujours les mélodies qu’il ne perd jamais de vue lorsqu’il improvise. Excellent arrangeur, l’auteur de Groovin’Hard, Time Check, et de la Channel One Suite est aussi un musicien de studio réputé. Avec lui les pianistes Alain-Jean Marie (le 18) et Vincent Bourgeyx (le 19), Luka Gaiser (contrebasse) et Bernd Reiter (batterie) complétant la formation.

Une rentrée miraculeuse

-Concert de sortie le 24 au Sunside de “Valparaiso”, nouvel album de Pierre Christophe sur le label Black & Blue. Le pianiste l’a enregistré en quartette avec Olivier Zanot (saxophone alto), Raphaël Dever (contrebasse) et Mourad Benhammou (batterie). C’est son premier disque en studio depuis cinq ans. Il contient dix compositions nouvelles qui témoignent de sa fidélité au swing et au blues qui irrigue ses musiques. Bonheur garanti !

Une rentrée miraculeuse

-Le Petit Journal Montparnasse fête ses 30 ans en musique, et pour deux concerts, le 24 et le 25 (à 21h30), invite David Linx à rejoindre le PJM Orchestra version big band. Dans ses rangs se font entendre d’excellents musiciens parmi lesquels Claude Egea et Sylvain Gontard (trompettes), Michael Joussein et Jerry Edwards (trombones), Baptiste Herbin et Julien Lourau (saxophones), Mauro Gargano assurant la contrebasse et Yvan Descamps la batterie. La formation compte également deux arrangeurs, Mathieu Debordes qui en est aussi le pianiste, et Nicolas Bruche, un autre trompette.

Une rentrée miraculeuse

-Le 29 (à 20H30), allez donc poser vos yeux et vos oreilles dans la cave voutée (XIIe siècle) du 38 rue de Rivoli. Le club programme le Trio Jérôme Beaulieu, trois jeunes musiciens québécois qui se sont fait remarquer l’hiver dernier au Sunside. Autour du pianiste (Jérôme Beaulieu), Philippe Leduc à la contrebasse et William Côté à la batterie. Ils se sont rencontrés à l’Université de Montréal et ont publié deux albums. Le second, “Chercher l'Équilibre” (Effendi Records), a été récompensé en 2014 par le Félix de l'album de l'année dans la catégorie jazz création.

Une rentrée miraculeuse

-Le trompettiste Wallace Roney se produira au Sunside les 1er, 2 et 3 octobre. Sa relation privilégiée avec Miles Davis l’a conduit comme ce dernier à multiplier les projets musicaux. On lui doit quelques grands albums parmi lesquels “The Wallace Roney Quintet” (Warner Bros.) produit par Teo Macero en 1995. Membre du quintette de Tony Williams dans les années 80, il revient à Paris avec une section rythmique de rêve : Buster Williams (contrebasse) et Lenny White (batterie), grands musiciens que l’on ne présente plus. Benjamin Solomon (saxophone ténor) et Victor Gould (piano), complètent la formation.

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Petit Journal Montparnasse : www.petitjournalmontparnasse.com

-La Cave du 38’Riv’ : www.38riv.com

 

Crédits Photos : Stéphane Belmondo, Kevin Hays, Felipe Cabrera & Leonardo Montana, Philippe Soirat, Pierre Christophe, David Linx © Philippe Marchin – “C’est la rentrée”, Don Menza, Trio Jérôme Beaulieu © Photos X/D.R.

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